Etude des crues des bassins versants arides et semi
Transcription
Etude des crues des bassins versants arides et semi
Annales des Sciences et Technologie Vol. 3, N° 1, Juin 2011 ΎϳΟϭϟϭϧϛΗϟϭϡϭϠόϟ ΕΎϳϟϭΣ Etude des crues des bassins versants arides et semi-arides de l’Algérie. Bassins, d’El Honda, de Chott Melghir et des Hauts plateaux (Bassins : 05-06-07) Djamel BOUTOUTAOU*, Fares BELAGOUNE et Sofiane SAGGAÏ Laboratoire d’Exploitation et de Valorisation des Ressources Naturelles en Zones Arides, Université KASDI MERBAH Ouargla, Ouargla 30000, ALGERIE * Email : [email protected] Résumé : L’étude sur les inondations en Algérie établie par l’Agence Nationale des Ressources Hydrauliques (ANRH) montre que le pays est confronté au phénomène de crues et inondations très destructives en particulier dans les régions arides et semi-arides. Les crues des cours d’eau de ces zones sont moins connues. Elles sont caractérisées par leur subite apparition et leur caractère brutal. Ces crues apparaissent suite à des pluies intenses et de courte durée (pluies d’averse et d’orages). La durée de la crue est de l’ordre de quelques minutes à quelques heures. Les dégâts humains et matériels causés par ces crues ont été toujours très élevés. L’objectif de l’étude est de proposer pour ces zones une méthodologie de calcul des crues pour les cours d’eau non jaugées. Mots clés : crue, bassin versant, débit spécifique, coefficient de variation, aride 1. Introduction La zone d’étude englobe trois grands bassins versants des zones semi-aride et aride du Sud Est de l’Algérie. Il s’agit des bassins de Chott Melhrir - 06 (68751 km2), des hauts plateaux Constantinois - 07 (9578 km2) et d’El Hodna – bassin 05 (25843 km2). Les oueds de ces zones sont à écoulement endoréiques (les oueds se jettent dans des dépressions fermées) et à régime quasitemporaire. Les dégâts humains et matériels causés par ces crues ont été toujours très élevés [1,2, 3]. Les études de protection contre les inondations ou les études de dimensionnement des ouvrages hydrauliques (évacuateur de crue, bassin d’orage, etc.) nécessitent la donnée de la crues qui est souvent inconnue dans plusieurs endroit en particulier aux niveaux des oueds non jaugés de ces zones [4]. Cela rend la tâche très difficile aux planificateurs et aux aménagistes exerçant dans le domaine des études hydraulique. L’objectif de cette étude et de proposer une méthodologie de détermination de la crue en absence de données de mesure dans les zones semi-aride et aride du Sud Est de l’Algérie. 2. Matériels et Méthodes Les données des débits maximaux instantanés de crues proviennent des fichiers de l’Agence nationales des ressources hydriques (ANRH). Ces débits sont enregistrés aux niveaux des 15 stations hydrométriques réparties uniformément sur toute la surface des trois bassins versants. La durée d’observation varie de 15 à 39 ans (tableau 1). 46 Etude des crues des bassins versants arides et semi-arides de l’Algérie : Bassins, d’El Honda, de Chott Melghir et des Hauts plateaux (Bassins : 0506-07) BOUTOUTAOU D., BELAGOUNE F. et SAGGAÏ S . Tableau 1 : Stations hydrométriques et période d’observation Code station 05 11 01 05 03 01 05 09 01 05 05 01 05 08 01 06 12 01 06 23 08 06 13 01 06 18 11 06 15 02 07 04 04 07 05 01 07 04 03 07 04 01 07 07 02 m3/s). Oued Nom de la station Sidi Ouadah Ain El Hadjel Medjez Rocad Sud Ced Fegues El Kantra Ain Babouche Djemorah Mellegu M'Chounech Morri Chemorah Reboa Timgad Gue Foum El Gueiss Soubella El Ham Ksob El Ham Lougmane El Hai Chéria Djemorah Ktefessouda El Abiod Morri Chemorah Reboa Soultez Gueiss Surface du bassin versant S, (Km2 ) 176 2661 1331 5600 334 1170 785 595 2098 1050 24.5 765 296 194 144 Période d’observation Années 1972-2005 1964-1994 1972-1993 1951-1993 1954-1995 1967-1995 1974-1999 1975-1995 1975-1997 1970-1994 1970-2005 1968-1994 1969-2005 1968-2005 1968-2004 Nombre d’années réellement observées 33 29 21 35 35 28 24 18 15 24 34 26 35 35 35 Un fichier a été créé identifiant tous les débits max. (date de la crue ainsi que sa valeur en Après avoir constitué des rangs statistiques des débits max instantanés, un ajustement aux lois théoriques a été effectué pour déterminer les quantiles de ces mêmes débits. Le meilleur ajustement est donné par la loi lognormale [5]. Pour illustration, nous présentons dans la figure 1 un exemple d’ajustement à la loi lognormale des débit max de Oued K’Sob à la station Madjez. Figure 1 : Ajustement des débits max. de oued K’Sob à la station Madjez 47 Annales des Sciences et Technologie Vol. 3, N° 1, Juin 2011 ΎϳΟϭϟϭϧϛΗϟϭϡϭϠόϟ ΕΎϳϟϭΣ Le tableau 2 regroupe les valeurs d'ajustement des débits max., les paramètres statistiques d'ajustement à savoir le débit max instantané moyen annuel ( Q ), l’écart type ( σ ) et le coefficient de variation ( CV ). Tableau 2 :. Résultat d’ajustement des débits max. fréquentiels en m3/s Station Surface Paramètres statistiques Période de retour T, années 3 3 Q , m /s ı, m /s CV 10 20 50 100 S, Km2 05 03 01 06 12 01 05 05 01 05 08 01 07 05 01 06 18 01 07 04 03 06 18 11 06 23 08 06 13 01 05 11 01 05 09 01 06 15 02 07 04 01 07 07 02 2670 1170 5600 334 765 2085 296 2 098 785 595 176 1330 1050 194 144 82 90 196 63 129 209 87 85 97 94 100 200 112 115 50 72,2 45,9 294,0 41,6 56,8 194,4 79,2 57,8 58,2 62,0 80,0 172,0 112,0 64,4 90,4 0,880 0,510 1,500 0,660 0,440 0,930 0,910 0,680 0,600 0,660 0,800 0,860 0,580 0,560 0,520 264 212 446 118 157 249 98 214 202 146 202 465 212 215 80 328 263 555 146 195 310 121 266 251 181 267 652 266 269 94 438 351 740 195 260 413 162 355 334 241 365 954 344 347 114 544 436 920 242 323 513 201 441 415 300 449 1230 409 411 129 2.1. Modélisation des débits max. instantanés fréquentiels Le modèle de calcul des débits max. fréquentiels proposé pour les cours d’eau non jaugés des zones arides et semi-arides est basé sur les suppositions suivantes : 1- La bonne adéquation des données empiriques à la loi de distribution théorique (loi lognormale) pour tous les échantillons (15 stations) des débits max permet de supposer que la loi lognormale est valable en tous point de l’espace des bassins versant de la zone d’étude. 2- Selon Dubreuil [6], le meilleur ajustement est donné par la loi lognormale, loi dissymétrique recommandée pour les régimes subdésertiques et désertiques La loi de répartition lognormale (Galton) des débits max fréquentiels ou de période de retour T est retenue comme modèle et elle est présentée par la formule suivante : QT = Q exp ªu «¬ CV + 1 2 ln CV + 1 º »¼ ( 2 ) (1) QT – débit max fréquentiel de période de retour T ; Q – moyen annuel des débits maximaux en m3/s CV – coefficient de variation. u – variable réduite de Gauss, dont les valeurs sont tabulées et choisies en fonction de la fréquence (période de retour T). Le débit ( Q ) moyen annuel des débits maximaux instantanés sera remplacé par ( qmax x S ) qmax – moyen annuel des débits spécifiques maximaux instantanés en m3/s.km2 ; S – surface du bassin versant en km2. 48 Etude des crues des bassins versants arides et semi-arides de l’Algérie : Bassins, d’El Honda, de Chott Melghir et des Hauts plateaux (Bassins : 0506-07) BOUTOUTAOU D., BELAGOUNE F. et SAGGAÏ S . 2.2. Détermination des paramètres qmax et CV du modèle 2.2.1. Détermination du débit spécifique maximum instantané (moyen annuel) qmax Plusieurs auteurs relient le débit spécifique maximum q à un seul argument qui est souvent la surface du bassin versant. L’expérience montre que les eaux mettent plus de temps pour ce concentrer dans leurs émissaire que le bassin est plus vaste et la pluie et la neige n’atteignent généralement par leur maximum sur toute l’étendue du bassin versant à la fois. Le débit spécifique de crue q est fonction principalement de l’étendu du bassin versant et y inversement proportionnelle. Ceci veut dire que le débit maximum de crue croit moins vite que la surface du bassin versant. De nombreuse études menées dans plusieurs pays [7, 8] en vue d’analyser le comportement des débits maxima en fonction de la surface du bassin versant ont conduit à des formules dont le prototype est celle de : Myer : Q = C S α ; (avec Q en m3/s et S en km2) C -coefficient de Myer, fonction des caractéristiques physique du bassin versant. α - exposant variant entre 0.4 et 0.8 (2) 1− 0.1K Franco et Rodier : Q § S · =¨ ¸ 106 © 108 ¹ Pagliaro : Q S + 90 = S 2900 q= ( Q en m3/s et S en km2 et K = 2 ÷ 6) ( Q en m3/s et S en km2) (3) (4) L’extrapolation de ces modèles vers les régions arides et semi-arides de l’Algérie confirme la décroissance du débit spécifique maximum avec la diminution de l’aire du bassin versant (Figure 2). Débit maximum spécifique q m3/s 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 Surface du bassin v ersant,(S+1) km2 Figure 2 : Relation entre le débit spécifique maximum et la surface du bassin versant dans les régions aride et semi-aride de l’Algérie La corrélation entre ces deux caractéristiques hydrologiques est très forte, elle est traduite par un coefficient de corrélation R = 0.93. La relation donnant la valeur du débit spécifique maximum en fonction de la surface du bassin versant pour les zones arides et semi-aride de l’Algérie est la suivante : qmax = 25.92 (S +1)0,78 (5) 49 Annales des Sciences et Technologie Vol. 3, N° 1, Juin 2011 ΎϳΟϭϟϭϧϛΗϟϭϡϭϠόϟ ΕΎϳϟϭΣ Ou : qmax – moyen annuel des débits spécifiques maximaux instantané en m3/s.km2 S – surface du bassin versant en km2. 2.2.2. Détermination du coefficient de variation CV L’expérience hydrologique montre que la variation territoriale ou spatiale de plusieurs paramètres de l’écoulement (crue, étiage etc.) est le résultat de l’interaction de plusieurs facteurs physico-géographiques et climatiques d’une zone géographique donnée. Il est donc possible d’interpoler les valeurs mesurées dans les sites des stations hydrométriques. Les premières méthodes de détermination du coefficient de variation en absence de données de mesure sont les formules et les relations empiriques [9, 10, 11]. La majorité de ces formules relient le coefficient de variation aux principaux facteurs, hydrométéorologiques et les facteurs physiques des bassins versants. L’analyse de la relation entre le coefficient de variation et la superficie du bassin versant comme paramètre régulateur dans les zones arides et semi arides de l’Algérie (figure 3) montre une faible corrélation de l’ordre de R = 0.45 avec une certaine tendance de croissance du CV avec l’augmentation de S . Il est clair que le coefficient de variation dans ces zones ne dépend pas uniquement de la surface du bassin versant mais aussi à notre avis du débit maximum spécifique. C'est-àdire CV = fonct (q, S ) . La relation entre ces trois caractéristiques est présentée dans la figure 4. 1,6 45 40 1,4 30 Cv/qmax cooefficient de variation Cv 35 1,2 1 0,8 25 20 15 0,6 10 0,4 5 0 0,2 1 2 3 1 4 2 3 4 log( S+1) log (S+1) CV et log( S + 1) qmax En incluant le débit maximum spécifique comme deuxième argument dans l’analyse, on a pu augmenter le coefficient de corrélation entre le coefficient de variation CV et les deux autres paramètres (le débit spécifique maxima qmax et la surface du bassin versant S ) jusqu’à R = 0.94. Les points d’observation s’alignent bien autour de la courbe d’ajustement comme le montre la figure 4. Cette corrélation est traduite par une simple relation de type exponentiel suivante : Figure 3 : Relation rentre CV et log( S + 1) Figure 4. Relation entre CV = 0.0104 qmax exp[2.15log(S +1)] 50 (6) Etude des crues des bassins versants arides et semi-arides de l’Algérie : Bassins, d’El Honda, de Chott Melghir et des Hauts plateaux (Bassins : 0506-07) BOUTOUTAOU D., BELAGOUNE F. et SAGGAÏ S . 3. Résultat et discussions Les analyses et résultats obtenus plus haut permettent de proposer une formule de calcul des débits de crues maximaux instantanés fréquentiels des cours d’eau non jaugés des zones semi-arides et arides de l’Algérie. Cette formule est basée sur la distribution lognormale, distribution généralisée pour toutes ces régions et incluant les principaux paramètres (surface du bassin versant et débit spécifique maximum) intervenant dans la genèse de crues : QT = qmax S exp ª«u ¬ CV + 1 2 2 ln CV + 1 º» ¼ ( ) (7) La valeur de qmax en m3/s.km2 est déterminée par la relation (5), celle de CV par la relation (6), donnée ci dessus. La valeur de la surface du bassin versant S en km2 est déterminée par planimétrie de la carte topographique tandis que la valeur de la variable réduite de Gauss u et choisie en fonction de la période de retour T : Période de retour T, années Variable réduite de Gauss u 5 0.841 10 1.282 20 1.645 50 2.054 100 2.327 1000 3.091 10000 3.719 Le choix de la période de retour T pour la comparaison entre les valeurs des débits maximaux instantanés de crues mesurées et calculées par la formule (7) est basé sur la longueur des séries d’observation. Pour les longueurs d’observation situées entre 10 et 15 ans, la comparaison est établie pour T = 10 ans, entre 15 et 36 ans, pour T = 20 ans. Cette comparaison est donnée dans le tableau 3 ci-après. Nous tenons à préciser que vu la variation très élevés des débits de pointe, (de quelques dizaines à quelques milliers de m3) d’ailleurs ce qui caractérise les cours d’eau des zones arides et semi-arides de l’Algérie, en hydrologie, l’écart entre 20 – 25% sur la moyenne d’un échantillon de débit de pointe est admissible [12]. La relation établie peut être retenue pour le calcul des crues. 4. Conclusion La valeur de la crue qui est une donnée indispensable pour la calcul et le dimensionnement des ouvrages hydrauliques, reste souvent inconnue dans les régions arides et semi-arides de l’Algérie et ce, par manque de données de mesure et / ou absence de méthodologie de calcul appropriée à ces zones. L’analyse de quelques paramètres (moyen annuel des débits maximaux spécifiques qmax , la surface du bassin versant S et le coefficient de variation CV ) intervenants dans la genèse de crue des cours d’eau, associée à quelques considérations théoriques (loi de distribution théorique lognormale généralisée dans tous l’espace des régions arides et semi-arides), permettait la mise au point d’un modèle de calcul des débit de crues pour les cours d’eau non jaugés de ces zones. Son utilisation nécessite la connaissance uniquement de la surface du bassin versant S . La valeur de cette dernière est déterminée par planimétrie du contour du bassin sur une carte topographique. La méthode fourni des résultats satisfaisants et elle est considérée comme fiable à des fins d’étude hydrologique en absence de données de mesure. 51 Annales des Sciences et Technologie Vol. 3, N° 1, Juin 2011 52 ΎϳΟϭϟϭϧϛΗϟϭϡϭϠόϟ ΕΎϳϟϭΣ Etude des crues des bassins versants arides et semi-arides de l’Algérie : Bassins, d’El Honda, de Chott Melghir et des Hauts plateaux (Bassins : 0506-07) BOUTOUTAOU D., BELAGOUNE F. et SAGGAÏ S . Références bibliographiques [1] LAHLAH S. ; Introduction à l’étude sur les inondations ; « Journées d’études hydrologiques », 23 et 24 Décembre 19997, ANRH. Algérie (1997). [2] BOUTOUTAOU D. ; Les laves torrentielles et la catastrophe de Bab El Oued ; Séminaire national sur « Les catastrophes naturelles liées au climat », 6 et 7 Novembre 2007, INFR, Oran (2007). [3] BOUTOUTAOU D. et VITALY V.ILINICH ; Méthode de calcul des débits pluviaux maximaux moyens des rivières de la méditerranée ; In International Social Academy of Ecological Safety and Nature Management, N° 3 (10), Moscou(2008). [4] BOUTOUTAOU D. et SMATI A. ; Méthode de calcul des débits de crues en Algérie Septentrional ; Séminaire national sur « Les ressources en eau et leurs utilisations » S.N.R.E.U., 6 et 7 Mai, Khemis Miliana (2006). [5] MEYLAN P., FAVRE A.C. et MUSY A. ; Hydrologie fréquentielle – une science prédictive ; Ed. Presse Polytechniques et Universitaires Romandes, 173 p., Italie (2005). [6] DUBREUIL P. ; Initiation à l’analyse hydrologique ; Editeur : Masson et Cje, 216 p., Paris (1974). [7] TAIBI A. ; Etude fréquentielle des crues « Eau et Sol d’Algérie » ; ANRH, Alger (1997). [8] Etude méthodologique sur l’hydrologie des retenues collinaires et mise au point d’outils de calcul pratique de l’usage des directions de l’hydraulique des Wilayas ; Résumé et synthèse des principaux résultats et conclusion de l'étude SOGREAH 1986/1989. [9] BENOÏT H., CECILE P. et ANDRE M. ; Hydrologie 2 : Une science de l’ingénieur ; Ed. Presse Polytechniques et Universitaires Romandes, 601 p., Italie (2009). [10] JEAN LARRAS ; Prévision et prédétermination des étiages et des crues ; Ed. Eyrolles, 158 p., Paris (1972). [11] AMBROISE B. ; La dynamique du cycle de l’eau dans un bassin versant Processus, Facteurs, Modèle Ed. *H*G*A*, Bucarest, Hongrie (1999). [12] GARACHKOV P. ; Calculs hydrologiques ; Ed. Hydro-météo, Leningrad (en russe), (1979). 53