Mort et cultures étrangères - Master 2 Droit de la famille

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Mort et cultures étrangères - Master 2 Droit de la famille
Aurélien MOLIERE
Gilles COHEN
Master 2 Droit de la Famille
MORT
&
CULTURES ETRANGÈRES
Université Jean Moulin Lyon III
Année Universitaire 2OO7 – 2OO8
2
PLAN
Introduction
I – L’appréhension de la mort dans le monde contemporain
A. La fin de la vie, controverse des civilisations
1) Panorama de la mort d'hier et d'aujourd'hui en Occident : clés de compréhension
a) La mort confisquée à l'époque médiévale
b) La mort interdite à l'époque moderne
2) La perception de la mort au-delà de l'Occident : fin d'une vie, début d'une nouvelle ?
B. Les craintes d'une mort annoncée
1) Les causes de mortalité d'est en ouest et du nord au sud
2) L'homme mangeur d'hommes
II - La mort vécue par les survivants
A. Tour du monde des rites funéraires
B. L'homme mortel, un enjeu politique?
1) Le pouvoir sur le politique ou le chantage à la mort
a) Eventail progressif du chantage à sa mort
b) La privation de la vie d'autrui, foyer de l'immortel pouvoir
2) Le pouvoir du politique ou le droit de mort
a) Guerres, meurtres, assassinats pour le pouvoir par lui-même
b) Infâmes et cruelles dominations : torture et viol
c) Les droits de vie et de mort : une emprise éminemment politique
Conclusion
3
INTRODUCTION
« La mort n’a peut-être pas plus de secrets à nous révéler que la vie ? » adresse Gustave
Flaubert à George Sand dans sa correspondance du 2 juillet 1870.
Dès sa genèse, l’être humain s’interroge quant à son issue fatale, mystérieuse et obscure
« faucheuse » sans doute captivé sinon attiré par l’inconnu. L’homme à l’échelle de sa vie,
comme l’humanité à l’échelle des vies et des civilisations, cherche des clés de compréhension
dans la vie mais aussi à travers la mort, plus révélatrice bien qu’inaccessible et pourtant
inexorable.
La vie, de ses prémices jusqu’à sa fin, n’est pas propre à l’homme mais concerne également
les animaux, les végétaux, plus généralement dans une acception scientifique et biologique
toute entité répondant à des conditions de développement et de croissance, de métabolisme, de
motricité, de reproduction ou encore de réponse à des stimuli ; néanmoins « l’espèce humaine
est la seule qui sache qu’elle doit mourir » 1 . L’homme, parce que doué de raison, a
conscience du phénomène de transition entre la vie et la mort. Depuis la première vie humaine,
la mort humaine a du être vécue, expliquée, acceptée, assumée ou encore évitée : d’Adam et
Eve jusqu’au plus contemporain commun des mortels, l’humanité affronte ses morts comme
le relatent les plus grands penseurs, philosophes, physiciens, mathématiciens, écrivains et
sociologues, cinéastes en France mais aussi en tout point du globe.
Chaque îlot de peuplement, chaque foyer de civilisation, à plus grande échelle, chaque culture
– ensemble d’us et coutumes, manifestations artistiques religieuses et intellectuelles qui
définissent et distinguent un groupe ou une société – porte un regard différent sur la mort avec
naturellement des ressemblances et dissemblances. Assujettie
a priori à une tournure
religieuse, « mort et cultures étrangères » est une question relevant de l’étude de la perception
de la mort, cessation complète et définitive de la vie2 définie par Louis Pasteur au XIX° siècle
dans une lettre adressée à l’instruction publique. Ainsi : « lorsque, dans un être vivant, les
mouvements intestins qui réglaient les lois de vie viennent à s’arrêter, l’œuvre de mort ne fait
que commencer. Il faut, pour qu’elle s’achève, que la matière organique du cadavre quel qu’il
1
2
Voltaire (1694-1778)
Le Grand Larousse Illustré, 2006, II page 1654.
4
soit, animal, ou végétal, fasse retour à la simplicité des combinaisons minérales »3. La mort,
phénomène biologique, s’étend dans le temps et ne surgit pas alors en un instant fatal.
« Nous savons que l’homme est mortel mais non que l’humanité doit mourir »4. L’étude de la
disparition de l’humanité à laquelle, les contemporains que nous sommes appartiennent, est
difficilement envisageable en ce que l’homme, encore qu’il puisse se voir mourir, ne peut
aucunement assister à ses obsèques. A l’échelle des hommes, habitants de la planète Terre,
individus unis vivant en castes, groupes, sociétés aux modes de vie, cultures et rites pluriels,
l’appréhension et la perception de la mort par vivants et survivants peut néanmoins être
décrite.
Comment l’être humain tout au long de sa vie se prépare à affronter l’éternel cherchant en
vain à le connaître, le provoquer parfois même prématurément, tout en le fuyant, faisant de la
mort l’un des plus grands tabous du monde moderne ? Aussi, comment le monde des vivants
appréhende non plus la mort mais le mort ? Se préparer à sa propre mort se conjugue ainsi
avec la nécessaire appréhension sinon de la mort prochaine de l’autre, de l’autre une fois mort.
Chronologiquement, tel le déroulement de la vie qui embrasse macabrement tôt ou tard la
mort, l’appréhension de la mort dans le monde contemporain (I) permet d’envisager la façon
dont le mourant succombe avant de s’attacher aux pratiques des survivants vivant la mort (II).
3
Correspondance réunie et annotée par Louis Pasteur Vallery-Radot (1822-1895), lettre adressée au ministre de
l’Instruction publique, avril 1862
4
Simone de Beauvoir (1908-1986)
5
I – L’appréhension de la mort dans le monde contemporain
A. La fin de la vie, controverse des civilisations
1) Panorama de la mort d’hier et d’aujourd’hui en Occident : clés de
compréhension
Dès le commencement de la vie, l’homme, depuis les prémices des civilisations, est voué à
disparaître. Fondement, intérêt ou encore valeur intrinsèque de la vie humaine en raison de
son caractère éphémère, de tout temps et en tout lieu, l’homme succombe tôt ou tard contre sa
volonté ou de son plein gré. En outre, contrairement à l’espèce animale, l’espèce humaine a
conscience de la mort, événement certain de date incertaine, qu’elle tente d’éviter, de retarder,
parfois à l’inverse de précipiter, tout en la sachant perpétuellement inéluctable, sans doute
parce qu’intimement rattachée à la vie. Il n’est de mort sans vie. Par un mécanisme de cause à
effet, réside entre la vie et la mort une constante retrouvée dans toutes les sociétés du globe.
Eriger un éventail de la perception de la mort à travers les cinq continents de la planète
nécessite, au préalable, de s’interroger sur le regard porté par nos ancêtres sur la mort. Ainsi,
dans une acception plus restreinte, l’évolution des attitudes occidentales entre hier et
aujourd’hui peut être proposée. En effet, l’envergure d’un tel sujet traité dans une université
française « mort et cultures étrangères » prescrit la connaissance de la culture française, et,
plus largement de la société Occidentale, culture du soleil couchant.
Depuis la chute de l’empire romain d’occident en 476, date de naissance de l’époque
médiévale, la mort a été perçue d’abord de manière confisquée pendant mille ans (a) avant de
connaître depuis deux ou trois siècles une certaine propension à l’agitation (b). Quels sont
alors en Occident les traits de la mort ancienne et celle de la mort moderne ?
a)
La mort confisquée à l’époque médiévale
Dès les aurores médiévales, l’homme a conscience qu’il va mourir c'est-à-dire qu’il est en
principe averti, préparé de sorte qu’il peut à la fois accepter dans son for intérieur l’idée de
quitter le monde des vivants, mais aussi préparer sa mort. Certes, existent des exceptions dans
lesquelles l’homme est surpris, n’ayant plus alors le loisir de « savoir qu’il va mourir »
6
victime de la peste, du choléra ou encore de la mort subite, comme le relate Philippe Ariès5.
Néanmoins, ces tempéraments évoqués, la norme est que la mort est annoncée. Le mourant
sait qu’il se meurt et informe les survivants. Il en est ainsi pour Roland qui meurt lors de la
Bataille de Roncevaux, première défaite de Charlemagne le 15 août 778 et « sent que la mort
le prend tout. De sa tête elle descend vers son cœur. [Il] sent que son temps est fini»6. Aux
XIII° siècle, dans Lancelot du Lac, son père, le Roi Ban de Bénoïc, dont son épouse est la
Reine Elaine, voit et sait qu’il va mourir et s’adresse à D… : « Ha Sire, D…, secourez-moi car
je vois et je sais que ma fin est arrivée »7. Un siècle auparavant, déjà Tristan « sentit que sa
vie se perdait, il compris qu’il allait mourir »8 dans Tristan et Iseult rédigé dans sa première
partie en 1170.
Ainsi, le principe selon lequel « on ne meurt pas sans avoir eu le temps de savoir qu’on allait
mourir » jalonne les mille années du Moyen-Âge. Le mourant a la conviction intérieure qu’il
va mourir, parce que l’homme est doué de conscience, et à cette époque, plus encore que de
nos jours, la mort est acceptée sans conteste.
Sans fuite, mais non sans crainte, l’acceptation de la mort, mais aussi la tolérance face à
l’invincible prescrivent de mourir « le plus simplement » : marque d’humilité, c’est alors avec
sérénité, discrétion et contenance personnelle que le vivant s’éteint « au lit » et que s’éveillent
de nouveaux horizons.
La conscience d’être déjà un pied dans la tombe accorde au mourant une sorte d’ultime essor
de vie qu’il occupe par l’accomplissement de derniers rituels. « Le mourant prenait ses
dispositions » et se tournait dans l’anti-chambre de la mort, consistant en un cérémonial, après
quelques gestes physiques.
Tout d’abord, ces gestes physiques le plus fréquemment résidaient dans le souci de la posture
adoptée : tantôt, « armes ôtées, couché sur le sol, tourné vers l’Orient, vers Jérusalem » dans
Tristan et Iseult, tantôt, à l’époque du christianisme primitif bras étendus, « couché sur le dos,
le regard vers le ciel ». La tenue du corps mourant varie sans doute au gré des époques, des
civilisations sous l’influence des religions.
5
Ph. Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident : du moyen âge à nos jours, Seuil, 1977
La Chanson de Roland, Paris, Bédier, 1922
7
Les enfances de Lancelot du Lac
8
Le Roman de Tristan et Iseult, Paris, Bédier, 1946, p. 233
6
7
Dénominateur commun de la culture occidentale des Temps Anciens, quatre temps précèdent
celui de la mort : le premier acte est un rappel triste mais discret de la vie, un regret de la vie
sans faire état de quelconque figure dramatique ; puis, lui succède le temps de la demande du
pardon, connotation intimement religieuse ici. S’ouvre ensuite une ère de recommandations,
conseils et ordres donnés aux survivants, marque de l’ultime contact entre le mort déjà bercé
par l’au-delà, et, toujours maintenu vivant par son entourage, ses amis, sa famille surtout.
L’ultime étape est celle concédée à D…, c’est la prière car il est temps « d’oublier le monde et
penser à D… »
La mort dans les attitudes de nos ancêtres occidentaux est donc discrète, le mort « gise au lit »,
familière et dans un esprit de continuité contrairement à celle devenue « sauvage » de nos
contemporains. Philippe Ariès intitule ce processus de conscience, de préparation physique et
morale, pour cet ultime entretien avec le monde des vivants, la mort apprivoisée. L’homme
fait preuve de contenance, de réserve, échange par des paroles des plus ordinaires, naturelles,
sans doute avec une expression naïve, de désarroi mais humblement, en assumant et prenant
sur soi.
Le Bas Moyen âge prône un régime séparatiste entre le monde des vivants et celui des morts
dont la clé de voûte est certainement la dernière liaison entre le mourant et les survivants : il
s’agît des recommandations faites à l’entourage avant les prières.
La chambre du mourant est un lieu privé, comme d’ailleurs, par analogie, le processus de sa
mort sinon son agonie ; de sorte que le cercle familial, amical, dans une plus grande envergure
social, ne peut pénétrer dans la chambre où allongé sur le lit – pour atténuer au plus ses efforts,
préserver sa vitalité et sa vie, épargner toute souffrance dans un moment fatal – s’étend le
malade, encore vivant, déjà bientôt défunt. Se retrouve ici l’idée que la mort est apprivoisée,
domptée, sinon civilisée. En revanche, la cérémonie funeste est publique : les portes de la
chambre du mort s’ouvrent. Si le mourant meurt en privé, une fois mort, celle-ci est
grandement publique. Les passants au début du XIX° siècle encore, au hasard de la rencontre
d’un cortège dont le prêtre portait le viatique devaient l’accompagner jusqu’à la chambre du
mourant. Les médecins jusqu’au Siècle des Lumières d’ailleurs dénonçaient le surpeuplement
des chambres des mourants.
La rupture entre le monde des vivants et celui des morts apparaît à travers la cartographie
urbaine des emplacements des cimetières : La loi des XII Tables à Rome interdit d’enterrer
8
« in urbe » c'est-à-dire à l’intérieur de la cité. Progressivement, les morts vont entrer dans les
cités, parce que dès lors perçus comme protecteurs des vivants, protecteurs de l’enfer, avec le
culte des martyrs d’origine africaine. Les morts seront même enterrés dans les églises
auxquels les cimetières vont être s’associés. Dans la langue médiévale, l’église ne désigne pas
seulement l’édifice lui-même mais tout ses alentours. C’est selon la coutume Hainaut
« assavoir la nef, clocher et chimiter », ce dernier terme désignant le mot « cimetière », que
naissent ces hauts lieux de l’éternel.
Dès le XI° et XII° siècle, époque du Haut Moyen-âge, la perception de la mort connaît
quelques balbutiements lui conférant un sens dramatique et personnel conjugué avec la
conception collective de la destinée. L’homme, pendant le Bas Moyen-âge, reçoit comme une
loi naturelle la mort, ne songeant ni à se soustraire à elle, ni même à l’élever, événement
simplement accepté tant bien que mal. Parmi les phénomènes nouveaux qui surgissent au XI°
siècle, l’idée maîtresse est celle d’un destin collectif de l’espèce humaine et le souci de la
particularité de chaque individu. La personnalisation des sépultures marque notamment ce
renouveau du visage de la mort pour l’homme.
La représentation du jugement dernier apparaît : réduit à quelques échanges avec D… dans
l’ultime étape du mourant avant son entrée dans le monde des morts, la simple prière devient
primordiale, un enjeu pour la vie après la vie. Mis à part les premiers siècles du christianisme
au cours desquels les morts ni jugés ni condamnés appartenaient à l’église à qui ils avaient
confié leur corps – il s’agît des saints –, le XII° et le XIII° siècle rompent avec
l’irresponsabilité personnelle.
En effet, dès le XII°siècle, une séparation entre « les justes » et les « condamnés » s’opère
après une pesée des âmes. Le siècle suivant poursuit cette conception de récompense et
sanction par le jugement de l’homme à l’appui du bilan de son existence. Un inventaire des
bonnes et mauvaises actions est dressé, « compte individuel » décisif, « liber vitae » qui au
XV° siècle s’apparente à une « balance » des comptes à présenter aux portes de l’éternité.
C’est le « dernier jour du monde à la fin des temps » mais non le moment de la mort.
La chambre du mourant connaît à son tour dès le Haut Moyen-âge quelques esprits novateurs :
le mourant, toujours couché sur le lit de mort, accompagné de ses proches, amis et parents,
voit à ses côtés deux esprits surnaturels qui le tiraillent de part et d’autre : la Vierge et Satan.
9
Lutte cosmique entre les puissances du bien et du mal, c’est à cette heure, que D… constate
alors le comportement du mourant, « ultime épreuve » décisive du sort qui lui est réservé.
Si les rites, hier accomplis seuls par le mourant isolé, sont assurés dans les sociétés haute
moyenâgeuses par les proches, personne, pas même le mourant, ne connaît le sort du
jugement dernier. A cette occasion, le mort forme un consensus avec sa vie puisqu’il revoit
toutes les étapes de sa vie.
A partir du XVI° siècle, la mort devient romantique et prend une connotation érotique. Dès
lors, la mort s’agite, elle est redoutée, crainte, traduite par le langage, par des faits et gestes,
des attitudes plus excessives, démonstratives. La mort n’est alors plus apprivoisée, ni même
contenue, à l’époque moderne.
b)
La mort interdite à l’époque moderne
Perçue et vécue par le mort seul face à soi-même, en contact bref avec le monde des vivants,
la mort « apprivoisée » au fil des époques devient collective, « interdite »9.
Révolue est l’époque du mourant, calme, serein, prêt à pénétrer dans un ultime sommeil. Le
XIX° siècle voit un phénomène d’agitation autour du mort se propager par des pleurs, des cris,
l’expression de la douleur. Loin de provenir du mourant, sans doute, bien qu’apitoyé sur son
sort face à la fin de sa vie, mais néanmoins préoccupé à pleinement utiliser ses derniers
instants de vie, l’agitation découle assurément de l’entourage. C’est alors qu’à « la mort de
soi », que connaît le Moyen-âge, vient s’interférer, s’ajouter, « la mort de toi ». Cette
effervescence provient droit de l’expression de la douleur des survivants, intolérants à une
nouvelle séparation. La mort n’est alors plus redoutée de soi, car elle demeure somme toute,
apprivoisée, ni plus ni moins que lors des Temps Anciens, mais crainte des autres. Ce n’est
plus la peur de mourir mais de voir mourir, de subir le départ éternel d’un être aimé.
Au cours du XX° siècle, ce phénomène s’étend ; c’est alors que la mort familière devient
honteuse, et objet interdit. Tout d’abord, la vérité est cachée, dissimulée aux survivants par le
mourant, futur mort ; et, réciproquement de manière à épargner le malade, mourant. Ces deux
comportements s’expliquent notamment par la volonté d’éviter le trouble de la mort par sa
seule présence en pleine vie heureuse. Avec le temps, le seul terme « mort » s’éclipsera
9
Ph. Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident, p. 61
10
autant que possible des discours, des dialogues, des échanges au moyen de périphrases : la fin
de vie, l’au-delà, la fin, l’ultime instant…Toujours plus sous-entendue que verbalisée, la mort
recule dans les mentalités contemporaines tout en demeurant quotidiennement dans l’esprit de
l’homme.
De plus, les lieux de mort migrent, discorde totale avec l’Ancien Régime : la maison n’est
plus le lieu où s’éteint la vie, l’hôpital prend le relais, corroboré par la volonté, nouvelle, de
lutte contre la mort, permis assurément par la médecine, par les progrès des sciences.
L’initiative du choix de la mort, appartenant au mourant, puis à sa famille est désormais
confiée dans les mains des médecins, « maîtres de la mort ». De plus, comme le souligne
Philippe Ariès « on n’a le droit de s’émouvoir qu’en privé, c'est-à-dire en cachette » : une
peine trop visible, serait ostentatoire, et appellerait plus ou moins non plus à la pitié, mais à la
répugnance, au dégoût. Même au sein du cercle familial, les émotions sont contenues, pour
épargner avant tout les enfants. Les cérémonies demeurent mais se doivent des plus discrètes.
L’incinération devient le mode radical pour oublier, le deuil, temps ancien où la société
imposait le respect, le devoir de mémoire du défunt, devient un délai pour oublier, pour
effacer toute trace de vie de ceux qui n’en font plus partie.
Qualifiée de « Crise contemporaine de la mort » par Edgar Morin 10 , la mort devient
aujourd’hui une angoisse diffuse, à laquelle les hommes ne prêtent plus attention ou ne
feignent plus prêter attention, sorte de mutisme, comme si la mort n’existait pas.
L’homme s’il ne décide de sa vie, est souverain de sa mort, par tradition millénaire car il est
naturel que l’homme sente sa mort prochaine aux attitudes familières et résignées. Au fil du
temps, la mort s’élève dans l’échelle sociale et urbaine enlevant à l’homme les saveurs d’une
mort prochaine, en raison du relais assuré par son entourage qui le prépare : amis, famille,
médecins… Comme la naissance, « la mort est publique », la chambre du moribond devient
un lieu public, néanmoins « on meurt seul » selon Pascal malgré la foule qui s’agite autour du
malheureux protagoniste, pour le (ou se) consoler. Ainsi, ce n’est que dans la solitude la plus
profonde que le mourant se trouve pour s’entretenir avec D…, formuler recommandations,
conseils et avis au monde des vivants, parce que placé à la charnière des deux horizons.
10
E. Morin, L’homme et la mort devant l’histoire, Seuil, 1970
11
Aujourd’hui, le malade ne doit jamais savoir qu’il va mourir, ni même que sa fin approche.
C’est le quid de l’information sur sa mort, suite de l’information sur sa santé ? Dès lors, faut-il
mentir au malade ? « contre la vérité, passionnément contre la vérité […]une loi plus
importante que toutes, celle de l’amour et de la charité » affirme V. Jankélévitch. 11 Le
mensonge primerait alors au nom de l’amour sur la vérité ?
Dans un contexte moderne en Occident, « Ne pas se sentir mourir » remplace « sentir sa mort
prochaine » , antichambre de la conscience de la mort à laquelle la famille tente de faire
obstacle par le mensonge, ou plus simplement l’omission d’informer.
L’hypocrisie entre le mourant qui sait perpétuellement qu’il va mourir et la famille qui pour
l’épargner est dans le déni total traduit sans doute pour chacun d’eux la peur de la mort.
Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l'homme, ce n'est pas la mort, mais la
crainte de la mort ?12
L’homme, qu’il le veuille ou non, que la famille le concède ou non, est un organe à part
entière participant à sa propre mort, c’est le « moment d’individualité sous sa forme
définitive » selon Philippe Ariès là encore. Qu’en est-il alors du sort du domaine
d’information ? La privation de droits proscrit toute connaissance, préparation ou organisation
dudit événement final. Lorsqu’elle surgit à raison d’une maladie, même diminuée, la vie du
malade peut se poursuivre. La mort en cachette, clandestine, n’est qu’un effet du refus
d’admettre la mort de ceux pour qui l’on porte amour, autrement dit, c’est une forme moderne
d’expression de la dignité. La mort met dans l’embarras les survivants, de sorte que pour
éviter une telle gêne, silence est fait au malade. Il en va de même pour le deuil.
Le deuil, dol ou doel, douleur par excellence peut se définir comme l’expression la plus
violence des sentiments les plus spontanés avant un retour à la vie ; période de réclusion au
cours de laquelle la famille est écartée, parfois même des obsèques. C’est un temps au cours
duquel les survivants malheureux mettent leur douleur à l’abri du monde ; ou, dans une autre
conception, pour empêcher les survivants d’oublier trop tôt le disparu. Aujourd’hui, le deuil
s’estompe et la période de chagrin est interdite ou tout du moins jamais affichée. La mort est
un objet interdit du monde moderne.
11
12
V. Jankelevitch, Médecine de France, n° 177, 1966 p. 3 -16
Epictète, Extrait des Entretiens
12
Le monde moderne ne peut néanmoins pas se cantonner à la perception occidentale de la mort,
c’est pourquoi au-delà des frontières Occidentales, la fin d’une vie n’est-elle pas le début
d’une nouvelle ?
2) La perception de la mort au-delà de l’Occident : fin d’une vie, début d’une
nouvelle ?
La mort de l’Homme est inévitable pour le mortel qu’il est. L’Homme naît, vit, puis meurt.
Mais que fait-il ensuite ? C’est là l’une des questions fondamentales que l’Humanité a pu se
poser sans jamais parvenir à dégager la réponse unique. Or il ressort par conséquent de la
mort cette inconnue : la période qui suit. La mort est-elle la fin de la vie ? Certainement. Mais
ne marque t’elle pas également le début d’une nouvelle ?
Cette inconnue est l’objet de nombreuses perceptions, lesquelles déteignent la perception plus
générale de la mort. Ainsi son attente est crainte ou laisse indifférent ; parfois même, elle est
espérée. Dans tous les cas, ce que l’Homme saura de la mort ou ce qu’il croira en connaître,
conditionnera ses sentiments vis-à-vis d’elle.
Il apparaît que la place de l’Homme dans la société conditionne son appréhension de la mort,
même si ce qu’il connaît de la période qui la suit est de surcroît déterminant.
Concernant le sentiment que provoque la mort, débutons avec l’étude de la place de l’Homme
dans la société. Notamment, pour mieux comprendre, débutons avec la mort de l’enfant. Elle
apparaît pour les Sociétés modernes, comme l’une des pires atrocités, un évènement avec
lequel s’effondrent toutes les promesses de la vie, et nous le comprenons facilement. Pourtant,
dans les Sociétés archaïques, la mort de l’enfant ne suscite que de faibles réactions, au même
titre que celle de l’étranger ou encore de l’esclave. En revanche, la mort du chef, notamment
chez les Cafres, provoque l’épouvante. Cette réaction semble a priori choquer tout un chacun.
Pourtant, une telle affirmation ne frappe pas seulement la mort de l’enfant, elle s’étend audelà. Ainsi, comme le fait remarquer à juste titre Edgar MORIN13 « la mort d’une vedette de
cinéma, d’un coureur cycliste, d’un chef d’Etat ou d’un voisin de palier, est plus fortement
ressentie que celle de dix mille Hindous au cours d’une inondation ».
13
E. Morin, L’homme et la mort, Seuil, 1976
13
En témoignent notamment les images du Tsunami ravageant subitement l’Indonésie le 26
décembre 2004 : le contraste entre un rivage dévasté, des villages engloutis, des familles
déchirées, faisant face à de riches européens, entrain de bronzer, de s’enivrer ou encore de
faire la fête, sans se préoccuper du malheur qui venait de frapper « leurs voisins d’en face ».
Si l’individu s’entend de la personne individualisée et donc reconnue en tant que telle, cela
semble donc traduire que la mort de l’individu choque d’avantage que celle de l’Homme.
Ce postulat peut être extrapolé. En effet, des travaux ont mis en exergue l’idée selon laquelle
l’affirmation d’un groupe social au plus intime de l’individu dissout la présence traumatique
de la mort, tandis que l’affirmation de l’individu sur ou dans la société rappelle à l’homme les
angoisses de la mort. Ainsi, la crainte de la mort est beaucoup moins prononcée dans les
Sociétés archaïques que dans les Sociétés plus évoluées 14 . L’individu est le substrat de
l’individualisation ; il est connu en tant que tel et c’est pourquoi il se sentira seul face à sa
mort. Par conséquent, il la craindra, elle le rendra mal à l’aise. En revanche, lorsque la société
prend le dessus sur l’individu, les Hommes qui la composent se soudent et créent par cette
union, un sentiment de force contre la mort.
La mort est donc attendue mais elle n’est pas appréhendée à l’identique selon que la société
prime sur l’Homme ou selon que ce dernier soit reconnu en tant qu’individu et donc s’impose
à la société. Mais il se peut également que les sentiments vécus dans l’attente de la mort
diffèrent selon la perception que l’Homme a de la mort. Plusieurs phénomènes se démarquent.
Dans les consciences archaïques, la métamorphose est une des expériences élémentaires du
monde, et concernant la mort, elle annonce une naissance, la chenille disparaît pour faire vivre
le papillon. La mort amène une naissance, une naissance procède d’une mort. Ainsi, la
naissance est vécue dans ces sociétés comme la provocation directe mais retardée d’une mort.
Pour les Ashanti, une naissance dans ce monde est une mort dans le monde des esprits. Aux
îles Trobriand (Malinovski), la future mère reçoit le message d’un parent décédé ; celui-ci lui
annonce la naissance d’un enfant. Le fœtus sera porté par un esprit depuis Tuma, l’île des
morts. Chez les Arouta, des embryons d’enfant se détachent de l’arbre, du rocher, sortent de
l’eau, de là où l’ancêtre est mort, et fécondent la femme qui passe. Chez les Tsi et les Evhe,
chaque individu a son double, qui après la mort, rôdera autour du corps puis rejoindra les
morts de la famille pour finalement se réincarner dans un nouveau-né qui portera son nom.
14
Frazer, « Le Dieu qui meurt » et Hocart, « Encyclopedy of social sciences »
14
Chez les Dayaks de Bornéo, le jour des funérailles représente la date à laquelle le double part,
en barque, vers son royaume, celui des morts. Les récits racontent que l’embarcation fonce
entre les obstacles, l’assistance la suit du regard pour finalement s’écrier : « il est sauvé ! La
ville des morts est atteinte ». Pendant sept générations, le double restera dans la ville d’or. Il y
mourra pour y renaître, puis redescendra sur terre. Il s’installera dans un champignon ou un
fruit, qu’une femme mangera, pour que renaisse l’enfant.
A Naurou (Amérique équatoriale) on dit que l’homme est mis trois jours en terre afin de
ressusciter sous la forme de l’enfant. Mais s’il dépasse ces trois jours, il ne ressuscite pas.
Ainsi en témoigne les croyances africaines pour lesquelles l’homme ratera sa renaissance
alors que le soleil et la lune, non.
La réincarnation, très présente dans la civilisation tibétaine, est également marquée chez les
eskimos au moment de la fête des morts. Ainsi, les comportements peuvent choquer le
néophyte : les Dayaks abandonnent les enfants sur les arbres, les Mongols et les Algonkins les
déposent au bord des chemins, parce qu’ils pensent que cela facilitera leur réincarnation. La
pratique n’est pas vécue comme un infanticide, ni un abandon d’enfant au sens strict,
contrairement à ce que pourrait penser l’opinion publique des Sociétés plus développées pour
de tels abandons.
Finalement, une constante apparaît : la réincarnation est universelle chez les peuples
archaïques, de Malaisie, de Polynésie, chez les Eskimos, en Amérique Indienne, etc...
Pour eux, la mort est donc la réincarnation, c’est la fécondité. L’ancienne fête indienne des
morts coïncide d’ailleurs avec celle de la récolte, illustration parfaite de la fécondité, la terre
féconde. (En France, la Saint-Michel a longtemps été la fête des morts et de la moisson) A
Leipzig, de jeunes filles sont montrées en effigie de la mort dans le but de les rendre féconde.
En Moravie, en Transylvanie, en Lusace, l’effigie de la mort est brûlée au printemps, pendant
les rites de fécondation et de résurrection.
En Afrique Noire, Australie, ou en Amérique indienne, chez les Canaques comme les
Ashantis, dans l’Europe moderne, les rites d’initiation sont de véritables mimes de la mort et
de la naissance, une mise en scène du chemin de la vie nouvelle par la mort.
D’ailleurs, dans les Sociétés archaïques, la mort est au cœur de l’initiation du jeune homme.
Au Cameroun, le jeune devra traverser un couloir souterrain où le guettent des masques
effrayants représentant les morts. Les enfants Selknam de la Terre de Feu sont séparés de leur
mère puis luttent contre des hommes jouant le rôle des morts ; à la fin du combat, le jeune
initié y trouvera une mort symbolique d’où naîtra l’adulte
15
B. Les craintes d’une mort annoncée
1) Les causes de mortalité d’est en ouest et du nord au sud
« On compta un dimanche dans la basilique de Saint Pierre, trois cents corps morts. La mort
était subite, il naissait dans l’aine ou dans l’aisselle une plaie semblable à la morsure d’un
serpent ; et ce venin agissait tellement sur les hommes qu’il rendait l’esprit le lendemain ou le
troisième jour ; et la force du venin leur ôtait entièrement le sens » : Dès l’Antiquité,
Grégoire de Tours 15 décrit les ravages que provoque la peste à laquelle s’ajoutent de
nombreuses autres épidémies au fil des siècles. Choléra, tuberculose, fièvre jaune, grippe
aviaires ou encore, véritable désastreuse pandémie mondiale, toujours au XXI° siècle, le sida.
Si l’histoire des civilisations relate que l’homme a du succomber face aux, guerres et
croisades comme en témoigne déjà la guerre de Troie16, épidémies et maladies, ou encore
graves difficultés de salubrité, d’hygiène, de sécurité avec notamment la Révolution
Industrielle ; de nos jours, il semble que les causes de mortalité aient notoirement changées.
Les graves menaces qui pesaient sur le bien-être de nos ancêtres ont été maîtrisées avec
notamment les grands progrès d’approvisionnement en eau, la lutte contre les microorganismes tels que le choléra ou les autres maladies diarrhéiques, les programmes de
vaccination systématique ou encore, avec l’amélioration de la législation en matière de travail,
d’hygiène et de sécurité ; éradiquant ainsi les causes de décès prématurés.
Indéniablement, le monde moderne est plus sûr qu’il ne l’a jamais été, la vie n’est que
prolongée, la mort évitée, retardée. Pourtant, l’homme moderne vit dangereusement et est
ainsi touché en plein cœur par de nouveaux fléaux. A mille lieux des guerres – nonobstant les
conflits armés contemporains – les nouveaux ennemis de la santé sont ceux, dans les pays
développés, de la société de consommation, dans les pays en voie de développement, des
misérables populations.
Dans tous les pays à revenu moyen ou supérieur, figurent au titre de l’affligeant palmarès des
causes de mortalité l’hypertension artérielle, le tabagisme, l’alcoolémie provoquant des
cancers, l’obésité, les accidents de la route. Les pays dont les revenus sont les plus faibles sont
15
16
Grégoire de Tours (538-594), évêque de Tours, historien de l’Eglise, des Francs et de l’Auverge
Entreprise suite à l’enlèvement d’Hélène, le Roi de Sparte, selon l’Iliade et l’Odyssée d’Homère
16
quant à eux meurtris par le Sida, première cause de mortalité en Afrique, l’eau, les conditions
d’hygiène, de sécurité et de salubrité publique, la sous-alimentation. Si l’enfant riche meurt
obèse, l’enfant pauvre meurt de faim17.
L’écart entre l’espérance de vie féminine des pays les plus riches et son homologue masculin
des pays en voie de développement est de 32 ans selon l’Organisation Mondiale de la Santé.18
Sans doute liée aux meilleurs conditions d’hygiène, de logement, de formation, aux progrès
de la médecine au moyen notamment des vaccinations, l’espérance de vie reste bien plus
modique pour l’habitant d’un pays pauvre que celui d’un pays riche. De plus, les données sont
parfois difficilement accessibles dans certains pays 19 , même si l’état civil et les sondages
permettent néanmoins l’élaboration de statistiques des plus fiables et exactes.
La mortalité infantile, nombre de décès d’enfants âgés de moins de cinq ans, doit être
distinguée de la morbidité des adultes, qui concerne le nombre de malades sur une population
donnée.
•
Mourir avant l’âge 5 ans
Sur 57 millions décès annuels 20 , 20 % toucheraient des enfants avant leur cinquième
anniversaire, dont la majorité se trouve dans les pays en voie de développement. La
probabilité de mourir si jeune est trois fois et demie plus élevée pour un enfant qui voit le jour
en Sierra Léone que pour celui né en Inde ; et, pire encore, plus de cent fois plus élevée pour
un islandais ou un enfant de Singapour.
Au-delà du constat d’un écart du taux de mortalité entre « les Nords et les Suds », une
diversité sanitaire se construit au sein même des pays en voie de développement. En Chine
moins de 10% des décès se produisent avant l’âge de 5 ans, contre 40% en Afrique.
De plus, la tendance selon laquelle la mortalité est plus élevée chez les garçons que chez les
filles semble pour certains pays tels que la Chine, l’Inde, le Népal ou encore le Pakistan
17
170 millions d’enfants ont un poids corporel insuffisant, dont 3 millions peuvent mourir chaque année alors
que plus d’un milliard d’adultes a des excès de poids dont 300 000 millions sont cliniquement obèses et 500 000
succombent à des maladies d’obésité en Amérique du Nord et Europe Occidentale, OMS, 2003
18
Espérance de vie de 78 ans pour une femme d’un pays développé contre 46 ans pour un africain subsaharien,
Rapport de l’OMS, 2003
19
Mise en place en Tanzanie du plan Adult Morbidity et Mortality Project en collaboration avec le Royaume-Uni
20
Nombre total de décès sur la planète estimé en 2003, OMS
17
s’inverser à raison de l’attention portée davantage sur les garçons que sur les filles au sein de
la famille.
•
La morbidité des adultes
L’étude de la seule mortalité des adultes n’est pas révélatrice, car les maladies dont ces
derniers peuvent être victimes ne sont alors pas prises en considération ; ainsi, l’étude des
causes de mortalité à travers le calcul du taux de morbidité parait plus significatif. Néanmoins,
à l’exception notable de l’Afrique, de l’Europe de l’Est après la chute du communisme, un
recul de la mortalité peut être constaté au cours des dernières années sur l’atlas du monde.
Variables selon les régions, les causes de mortalité placent en tête les maladies non
transmissibles 21 , y compris en Amérique Latine, Asie et Pacifique Occidental, puis, les
maladies transmissibles.
A Djibouti ainsi qu’en Méditerranée Occidentale, le risque de décès est sept fois plus élevé
qu’au Koweït. Enfin, Australie et Suède montrent que l’espérance de vie a lentement
augmenté jusque dans les années 70, les trente dernières années du XX° siècle ont même
permis une baisse du taux de mortalité, dans les Anciens Pays Satellites surtout, à l’exclusion
toutefois de la Russie.
« Mourir avant de vieillir » semble être la triste devise qui berce l’humanité au XXI° siècle.
2) L’homme mangeur d’hommes
La mort est vécue et attendue différemment selon que l’on soit né au Maghreb ou dans une
tribu africaine, Aux Etats-Unis ou dans une ethnie sud-américaine, au Japon ou dans une
peuplade asiatique, en Europe, le contraste est moins frappant. La question de la mort et des
cultures étrangères marque aussi l’interrogation d’un fait complètement original, à la fois
cause de mortalité et moyen de traitement du défunt.
Il s’agit là de la pratique du cannibalisme, c'est-à-dire le meurtre suivi de la consommation du
corps ou encore la seule consommation d’une dépouille, un comportement primaire, bestial,
21
¾ des décès en 2002, OMS
18
proche de certains charognards, quoi que la cause de cette pratique par l’Homme diffère de
celle de l’animal.
Le cannibalisme est malgré tout, contrairement à ce que l’on pourrait penser, chose
originairement humaine. Pratiqué dès la préhistoire, il a radicalement disparu des Sociétés
modernes, où il est le cas échéant sévèrement réprimé. En revanche, dans de nombreuses
peuplades archaïques, il existe encore sous la forme de l’endo-cannibalisme (cannibalisme des
funérailles) ou l’exo cannibalisme (dévoration des ennemis). Outre le cannibalisme de famine,
les deux précédents, sans ôter l’atrocité pour l’Homme de la Société modernisée, ont une
signification. Cette pratique est en effet destinée à l’appropriation des vertus du mort. Ainsi le
cannibale, en incorporant la dépouille de son ennemi ou son ancêtre, acquiert sa force, son
courage, son intelligence, ses pouvoirs… Ainsi, le cannibalisme est un rite mystique par
lequel l’Homme vivant s’accapare de nouvelles vertus, celles du défunt.
Ajoutons également avant de détailler la pratique des rites et de la sépulture que l’endocannibalisme est un moyen des plus sûrs d’éviter la décomposition du cadavre. Ainsi,
certaines peuplades ressentent le besoin de cette pratique, afin de ne pas avoir à supporter la
vision terrifiante et repoussante d’un corps inerte en décomposition.
Toutefois, toutes ces explications n’enlèvent en rien l’aspect « barbare » de la pratique.
Ainsi, pour les Sociétés modernes, et d’ailleurs dans la majorité des pays, une telle pratique
est un manque total de respect de la personne humaine. Le cannibalisme est inconcevable
pour la très grande majorité des sociétés, notamment celles fondées sur l’affirmation de
l’individu.
Ainsi la valeur progressivement reconnue de l’Homme au travers de la philosophie ou de la
politique a permis le recul du cannibalisme. En effet, le cannibalisme témoigne de la
régression absolue de l’instinct de protection spécifique. La conquête de l’individualité fût
une conquête sur l’horreur de la pratique, ce que certaines peuplades, leur nombre étant très
faible toutefois, n’ont pas encore connu.
Finalement, dans une société donnée, plus l’Homme est individu, plus il acquiert une valeur
certaine et admise, ses droits fondamentaux le portant à l’apogée de sa reconnaissance, moins
il est en proie à pratiquer ou à subir le cannibalisme
La mort contient ainsi une dose de vie en ce qu’elle hante les esprits vivants, à laquelle ceuxci doivent se résoudre parce qu’un jour ou l’autre assujettis au sortilège même de la nature
humaine. Au-delà de la mort, au-delà du mourant désormais défunt, restent les survivants qui
sont unanimement confrontés et habités par la mort.
19
II – La mort vécue par les survivants
A. Tour du monde des rites funéraires
Concernant les funérailles, elles sont une des cérémonies religieuses connues des catholiques,
des musulmans, des juifs, des bouddhistes… Mais, pour autant, peut-on dire qu’il s’agit
uniquement d’une manifestation de la religion ? N’est-il pas coutume universelle que
d’enterrer ses morts ? Certes il y a là la marque du sacré, quoi que ; pour autant cela ne
signifie pas que c’est par croyance en un Dieu que l’on pratique la sépulture.
Ces quelques remarques étant faites, notons que les funérailles constituent un ensemble de
pratiques qui consacrent et déterminent à la fois le changement d’état du mort. Selon Edgar
MORIN, « elles reflètent les perturbations profondes qu’une mort provoque dans le cercle
des vivants ».
Chez les Waramunga, les hommes et les femmes se précipitent sur le mourant en se mutilant
atrocement. Or, cette automutilation est perçue par les spécialistes du comportement comme
une frénésie que l’on peut ramener aussi bien au mystique qu’au choc de la mort elle-même. Il
s’agit là de l’expression des émotions funéraires provoqué par un rituel défini et ostentatoire :
elles sont soit débordantes, soit ignorées, soit détournées. Ainsi, l’éclatement de la douleur
propre à certaines funérailles est censé montrer au mort l’affliction des vivants afin de s’en
assurer la bienveillance. A contrario, la joie que certains peuples manifestent à l’occasion des
funérailles montre aux vivants que le mort est bienheureux.
Après la douleur de la mort, c’est l’horreur de la décomposition qui est crainte et donc
prévenue. Ainsi les hommes enterrent-ils leurs morts, qu’ils soient eurasiens, américains,
africains, asiatiques ou océaniens. Parfois pratiquent-ils l’incinération. Cette étape est
indispensable à leurs yeux pour ne pas subir la terrifiante vision d’un corps en décomposition.
Cette pratique est semblable sur la plupart des continents, un trou étant creusé, le corps y étant
glissé, dans un cercueil ou pas, puis recouvert, la tombe étant ornée d’une stèle, avec plus ou
moins de symbole et de folklore, selon les cultures, les économies, les traditions, aussi les
religions. Pourtant, il est intéressant d’observer les attitudes de deux tribus pour qui la
décomposition est contagieuse. Les Unalits d’Alaska, après la mort d’un habitant du village,
se sentent mous le lendemain. Le jour suivant, ils se sentent un peu plus « durs » et le
troisième jour ils sont sur la voie du rétablissement. En réalité, leur comportement est à
l’image de l’état du mort. En effet, son corps est entrain de congeler, donc de durcir. En
revanche, aux îles Andaman, après une mort, les indigènes désertent le village pendant
20
plusieurs mois après y avoir suspendus des guirlandes de feuilles censées prévenir l’étranger
du malheur. Ils ne reviendront qu’une fois les ossements purifiés par le temps. Le deuil se
termine par la cérémonie familiale. Ici, le comportement dépasse la seule défiance vis-à-vis de
la putréfaction, puisqu’il s’agit également d’une quarantaine organisée afin d’éloigner la
famille et le village du « spectre » (fantôme) du mort, toujours présent avant qu’advienne la
tant attendu purification.
D’ailleurs la mort résonne comme une présence obsessionnelle des « esprits » chez l’Homme,
le mort étant présent sous cette forme imagée jusque dans le sommeil et les rêves. Ainsi a-t-on
dénombré 38 songes d’Indiens d’Amérique parmi 117 relatant la mort et les spectres.
Robert HERTZ observa que la période du deuil correspond à la durée de la décomposition du
cadavre. Mais le deuil commence-t-il uniquement au moment où la mort emporte l’être ?
N’apparaît-elle pas plus tôt ? Il faut sur ce point s’arrêter sur la sépulture et l’économie de la
mort. En effet, il n’est pas étonnant de se poser cette question lorsque l’on observe que sur les
hauts plateaux de Madagascar, les Kiboris construisent, toute leur vie durant, la future tombe,
celle qu’ils appellent, « la maison de leur mort ». L’enterrement aura souvent ruiné une
famille chinoise, laquelle a dilapidé les économies de toute une vie afin de faire construire une
sépulture digne d’accueillir le mort.
Dès la préhistoire, l’ensevelissement du mort s’expliquait par le souci de protéger le mort des
bêtes et charognards mais également de se protéger du mort lui-même. Ces deux consciences
préhistoriques ne se vérifient plus dans les Sociétés modernes, très peu dans les Sociétés
archaïques. En revanche, dans beaucoup de ces dernières demeurent dans l’ensevelissement
l’acte par lequel le squelette est réintroduit telle une graine, un fœtus, dans la terre mère, d’où
il renaîtra. Dans les Sociétés modernisées en revanche, le concept de terre mère n’est pas aussi
présent, mais il n’est pas pour autant absent ; il peut d’ailleurs se sous-entendre dans le
vocable de terre natale, cette terre sur laquelle l’homme ou la femme est né, celle où il se
fixera à jamais après sa mort, par la pratique de l’enterrement. Ainsi chaque année, des
cercueils dans lesquels les corps de chinois émigrés dans le monde, notamment en Amérique,
arrivent dans le port de Shanghai, dans le but de satisfaire les dernières volontés du défunt, en
l’espèce, être enterré dans leur terre natale. Certains cimetières sacrés comme la Lamasserie
des Cinq Tours en Mongolie, reçoivent des cercueils après parfois un an de voyage.
D’ailleurs, en Europe, aux Etats-Unis, n’est-il pas de tradition de rapatrier le corps de soldats
morts à l’étranger, afin de les enterrer dans le sol de leur pays et déclarer : « repose dans le
sein de la terre maternelle, la mère patrie ».
21
Après le décès, il est donc universel que le corps soit enterré, même si aujourd’hui, la pratique
de l’incinération a gagné les Sociétés modernisées.
B. L’homme mortel, un enjeu politique ?
Vœu de Louis XV (1710-1774)22, Roi de France et de Navarre, de glorifier dignement la
monarchie en la personne de Sainte Geneviève, patronne de Paris, fut érigé le monument au
style néo-classique de la Place des Grands Hommes : Le Panthéon. Laïcisé en 1791, il devint
le Panthéon national et fut consacré au cours de la Troisième République à la mémoire des
hommes illustres parmi lesquels figurent aujourd’hui notamment Jean-Jacques Rousseau,
Victor Hugo, Sadi Carnot, René Cassin ou encore Alexandre Dumas.
Emblème du pouvoir, le Panthéon est devenu aujourd’hui une nécropole républicaine où
l’Histoire de France se confond avec le monde des écrivains, des scientifiques, des
ecclésiastiques, des généraux, des hommes politiques. Hommage est rendu, tant aux heures de
la Monarchie Parlementaire que de la République, à l’homme, de son vivant au service de
nation.
Au-delà de la gratitude qu’éprouve un Etat pour ses morts, la mort est un véritable instrument
au cœur des gouvernements : le commun des mortels, fut-il au sommet de la hiérarchie
politique, devient un objet du pouvoir, leitmotiv du politique.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Joseph Staline annonce au Général Charles de Gaule
venu lui rendre visite « en réalité il n’y a que la mort qui gagne ». La victoire du pouvoir
implique nécessairement celle de la mort, ou tout du moins, par la mort.
Une telle acception du pouvoir par la force, par la terreur suprême et parfois révolutionnaire la menace de mort –, qui a bercé les civilisations Occidentales depuis l’Antiquité jusqu’au
XX° siècle est blâmée, avec insistance et persévérance, sur la scène politique internationale
depuis un demi-siècle. L’heure est au dialogue, à la coexistence pacifique, à l’ouverture des
négociations ! Mais, en ce même temps, la leçon d’humanité donnée par les « nations
civilisées » à l’aube de la Guerre Froide aux autres nations – non civilisées ? – n’omet-elle pas
22
Titré à sa naissance duc d’Ajour, il accède au trône dès l’âge de 5 ans
22
son propre passé tumultueux et mortifère ; aussi, ne s’emploie-t-elle pas, par une seconde
leçon d’humiliation cette fois, à affirmer sa force politique dominante et dominatrice?
« Mort et pouvoir »23 sont dès lors intimement liés. Est essentielle la prise de conscience que
le pouvoir, en soi, contient celui de donner la mort : par le pouvoir de donner la mort, de se
donner la mort, l’homme tente de parvenir au pouvoir politique. Et, réciproquement, le
politique est maintenu garant de la souveraineté par le pouvoir de vie et de mort sur le Peuple
à des degrés variables selon les régimes politiques en place.
S’exerce alors par la force vive du chantage à la mort24 un pouvoir sur le politique (1), lequel
détient en retour le pouvoir de mort ou de vie, le droit de vie et de mort dans ses formes les
plus démocratiques, libérales ou despotiques, odieuses et sauvages (2).
1) le pouvoir sur le politique ou le chantage à la mort
Le pouvoir, du latin potere, poest « avoir la force de » est une puissance exercée mais aussi
recherchée. L’acharnement humain à la conquête d’un pouvoir - politique notamment – n’a
pas pour finalité quelque confort, prestige ou aisance mais un besoin « d’accumuler de la vie »,
et donc de s’éloigner de la mort. La dichotomie entre le monde des vivants et celui des morts
se retrouve entre respectivement celui des riches et des plus modestes : Comme l’aborde
Louis-Vincent Thomas dans son ouvrage, « la civilisation occidentale [est] si fortement
ancrée dans cette conception de la vie qu’on a toujours tendance à s’étonner de la mort du
riche – qui a de la vie en surcroît – alors que, pour le pauvre, il est normal de mourir, […après]
avoir épuisé ses réserves de vie »25. En outre, la mort de l’autre amoindri les craintes des
survivants. Tel peut être présenté pour illustration le sentiment qu’éprouve le voisin de cellule
du condamné à mort conduit à l’échafaud, le sursaut de consolation de la famille du réanimé
qui aperçoit une famille voisine effondrée par la triste nouvelle de leur proche disparu, ou
encore, du seul survivant d’un crash de l’aviation…
C’est alors, à travers deux défis que se lance l’homme qu’il aboutit au pouvoir : le chantage
de sa propre mort (a) et de celle de l’autre (b).
23
Louis-Vincent Thomas, Mort et pouvoir, Payot, 1978
Louis-Vincent Thomas, Mort et pouvoir, Payot, 1978, p. 133 Chap. V
25
Ibid, page 135
24
23
a) Eventail progressif du chantage à sa mort
Loin encore du pouvoir politique, l’individu tente d’apprivoiser le regard que porte la société
sur sa personne, en faisant usage d’une puissance sempiternelle : le pouvoir de décision sur sa
propre vie. Réponse au désir de sa propre affirmation, la mort est un enjeu d’auto-supériorité.
Ainsi la mort est défiée à plusieurs degrés : tantôt simulée, tantôt menacée, parfois provoquée.
•
La mort simulée s’apparente à celle du monde animal. Empruntée fréquemment par
l’homme, elle est une sécurité pouvant lui rendre la vie sauve. Réflexe d’autodéfense,
« de défense du corps »26 du toréador qui dans l’arène est enfourché par le taureau à
l’agitation d’une banderole rouge, du Docteur Livingstone27 qui s’est sauvé de cette
manière de l’attaque d’un lion qui le lâcha le voyant, gisant au sol, totalement
immobile. Ainsi, la mort défiée n’est plus un aveu d’infériorité mais une preuve
publique du pouvoir sur sa mort, sur la fin de sa vie, antichambre du suicide.
•
Assurément plus politique que la mort simulée, la grève de la faim comme la funeste
simulation relève de l’exercice d’un pouvoir sur soi-même. Plus que l’apparence de
mort, moindre que l’irréversible extinction de la vie humaine, l’interruption de toute
alimentation s’examine davantage comme une menace de mort brandie qu’une mort
procurée. La mort n’est que sollicitée, et les revendications politiques élevées de
manière publique et pacifique. Loin de l’agressivité et de la virulence des
affrontements, c’est la technique de la non-violence conçue par Gandhi qui est
privilégiée pour affronter l’adversaire de façon à « l’autoriser à retrouver ses capacités
latentes de confiance et d’amour »28 . La mobilisation que déclenche le pouvoir en
faveur de ces « suicidaires qui défient le pouvoir » est conditionnée par l’existence de
la vie : la mort ne doit nécessairement pas avoir été perpétrée pour appeler à la charité.
La grève de la fin, à l’allure de l’automutilation, est un acte de « sauvagerie et de
barbarie », forme d’attentat à sa vie et défi au pouvoir qui, seul a le droit d’en disposer.
Il en va ainsi des conduites des prisons soviétiques dans les années 60 dans lesquelles
nombre d’attitudes de détenus conduisaient le système pénitentiaire à être désemparé
26
L. Watson
Médecin et missionnaire, explorateur britannique (écossais) qui valut la célèbre phrase de Stanley retrouvé au
bord du lac Taganyiark dans l’actuelle Tanzanie « Docteur Livingstone je présume ? » (1813-1873)
28
M.Erikson (1901-1980), psychiatre américain
27
24
Quelle réaction avoir face à un détenu qui avale un hameçon, se cloue les testicules au
bois du banc, mangent des dominos, s’ouvrent veines et mangent après cuisson face
aux gardiens leurs propres morceaux de peau ? Dans ce contexte, A. Martchenko
conclu que « les grèves de la faim politiques sont devenues en U.R.S.S. un
phénomène de masse. Ces informations sur ces grèvent franchissent les barbelés et les
murs de prisons. Mais par malheur, plus ces nouvelles se répandent et plus s’émousse
la réaction qu’elles suscitent dans l’opinion publique ».
•
Le suicide, du latin caedere, « se tuer soi-même » est l’acte délibéré de mettre fin à sa
propre vie. Le Suicide29selon E. Durkheim, l’un des pères fondateurs de la sociologie
peut adopter quatre formes, toutes trouvant leur cause originelle dans la désintégration
sociale : suicide égoïste, altruiste, anomique et fataliste.
Traduction d’un désarroi tragique ou d’une maîtrise de soi, le suicide peut encore
exprimer un désir d’expiation ou de vengeance, de fuite, d’appel au secours,
d’intention de sacrifice…
Cause de mortalité à part entière, unique en son genre car jamais réprimée par la loi
pénale, le suicide est fondé sur un pari : la mort de soi contre celle de l’autre, trésorier
du prix du deuil, du remords, de la culpabilité. Arme pour acquérir le pouvoir, le
suicide est une utilisation de la vulnérabilité de l’entourage de façon à tirer profit de la
peur qu’autrui a de sa propre mort. Parce qu’il dérange l’ordre social et la morale, il
est souvent déguisé par une raison officielle tel que l’accident. S’opère par la mort
suicidaire, une blessure décisive ; autrement dit, un renversement du rapport de forces
qui consacrait son infériorité : « ma mort vous hantera pour toujours » rumine le
suicidé, résultante de l’abus de pouvoir. L’exemple le plus flagrant est celui d’Hitler,
qui se refusant à tout jugement, à tout affrontement pris le parti de se donner
lâchement la mort : pour éternellement se soustraire à la justice, pour ad vitam
aeternam laisser anciens déportés d’Aushwitz-Bikenhau, survivants et leurs
descendants sans aucune satisfaction personnelle de voir juger le criminel contre
l’humanité qu’il fût. Il en va de même pour H. L.Himmler, J. Goebbels. Dans un autre
cadre que le III° Reich, d’autres exemples illustrent sur la planète le suicide politique :
Pierre Bérégovoy (1925-1993), Roger Salengro (1890-1936)… Et, faut-il le souligner
la thèse de la mort, controversée, de Salvador Allende (1908-1973) qui se suicide,
29
E. Durkheim, Le Suicide, 1897
25
durant les bombardements aériens diligentés contre le Palais de la Moneda le 11
septembre 1973, auquel succède le dictateur chilien Augusto Pinochet.
La lucre tirée de sa propre vie est indéniablement, bien que de manière nuancée, au service de
l’arrivée au pouvoir. Plus attentatoire aux libertés fondamentales, il en va de pair s’agissant de
la pression exercée sur la vie d’autrui : l’autre, merveilleux instrument d’immortel pouvoir !
b) La privation de la vie d’autrui, foyer de l’immortel pouvoir
Se donner la mort ne peut qu’être blâmé par les lois morales, et, si un tel acte appelle
l’opinion publique à ressentir une certaine frustration, « lâcheté » d’un défunt jugé peureux,
froussard, parfois même honteux ; à ses antipodes, figure, plus gravement réprouvée par
l’opinion publique, mais aussi, et surtout, par la loi pénale, la provocation de la mort donnée à
autrui. Crime, meurtre, provocation au suicide, omission de porter secours suivie
fréquemment d’un délit de fuite, sont autant de comportements incriminés par le Code Pénal.
Mais, prélude ou tempérament à l’atteinte à la valeur sociale qu’est la vie, la prise d’otage
déjà s’installe dans les rouages de la mort.
•
Pouvoir par la menace de mort : la prise d’otage
L’otage se définit comme une personne innocente retenue prisonnière par un preneur d’otage
et dont la vie sauve et la libération dépend d’une exigence à remplir d’une tierce partie.
Cantonnée à l’obtention d’une rançon, la prise d’otage revêt la forme d’un rapt ou d’un
kidnapping puisque la victime est alors choisie en fonction du lien affectif qu’elle entretient
avec le rançonneur. Mise à part cette hypothèse d’une logique mercantile, les cas plus
politiques tendant à la délivrance de prisonniers, à la livraison d’armes voire à l’impunité des
ravisseurs représentent une forme de terrorisme. Dans cet esprit, l’idéologie politique de
rupture avec le pouvoir en place fait des hommes, vivants mais dont la menace de mort est
imminente, un objet sinon un enjeu politique, financier ou militaire parfois de taille. Ministres,
ambassadeurs, nombreux sont les personnages politiques, souvent aussi les journalistes, à
avoir été ainsi capturés, moralement anéantis, privés de vie dans leur vie, déjà partiellement
morts.
26
En France, l’illustrent les récentes prises d’otage de Christian Chesnot et Georges Malbrunot
et leur chauffeur enlevés par l’Armée islamique en Irak en 2004, Florence Aubenas et Hussein
Hanoun en 2005. Sur le plan international, quelques décennies auparavant, la prise d’otage
des jeux olympiques de Munich au cours de l’été 1972 perpétrée par les membres de
l’organisation palestinienne Septembre noir contre l’équipe Israélienne peut être rappelée.
A l’heure actuelle, les otages des Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes détenant
entre autres toujours malgré les tumultueuses négociations Ingrid Betancourt et Clara Rojas
depuis 2002, gouvernent par la terreur en ôtant une partie de la vie sans pour autant donner la
mort.
La prise d’otage, au cours de l’Antiquité et de l’Epoque Médiévale consistait à offrir des
otages à un Etat pour la bonne exécution d’un Traité. Ce sera le cas de Jean II Le Bon, Roi de
France fait prisonnier après la défaite de Poitiers en 1356 ou encore des fils de François Ier30,
otages de Charles Quint garantissant l’exécution du Traité de Madrid9.
La prise d’otage déchaîne un scandale unanime, et s’analyse en tentative désespérée des
impuissants pour reconquérir une partie du pouvoir sur l’oppresseur selon Louis-Vincent
Thomas. Quatre issues sont possibles, après les épisodes successifs de capture et de
négociation. Le dénouement consiste dès lors en une libération des otages avec des ravisseurs
satisfaits – encouragement à la récidive ? –, d’une libération des otages avec des ravisseurs
mécontents – la diplomatie sans doute est-elle vainqueur ? – , d’une exécution des otages et
des ravisseurs capturés – triste dénouement synonyme d’échec –, ou, enfin l’exécution des
otages et des ravisseurs jamais capturés – inquiétant échec par excellence pour la nation ! –.
La menace de mort est la valeur phare d’une telle entreprise terroriste, de sorte, qu’hormis
l’hypothèse où le preneur d’otage dispose d’une multitudes d’otages qu’il peut éliminer sauf
le dernier, ultime monnaie d’échange dans la négociation, le passage à l’acte par la mort
d’autrui vide de son sens le comportement même du ravisseur.
Tragédie ignoble et sordide, chaque protagoniste, – preneur / otage – aux apparences voisines
à une relation maître / valet au XVIII° siècle, à la dichotomie qui réside entre le dominateur et
le dominé, le soumis, est à l’affût du piège que lui tendra son adversaire. Il saura a fortiori
30
Dauphin François de France et Henri de France (futur Henri II) seront libérés le 14 janvier 1526, Traité de
Madrid
27
tirer utilement bénéfice de la moindre faiblesse, fragilité ou défaillance. Entre « violence
incertaine et fragile compromis » réside un climat de potentielles, douteuses et cruelles
« tortures et barbaries », justifié par un excès de capitalisme et d’impérialisme agressant le
pouvoir sur un terrain d’élection : argent et hégémonie politique. Quel peut être alors
l’archétype du preneur d’otage ?
J. Baudrillard écrit « nous sommes tous des otages, c’est là le secret de la prise d’otages et
nous rêvons tous, au lieu de mourir bêtement à l’usure, de recevoir et donner la mort ». Après
la théorie du criminel-né31, l’heure serait-elle venue de l’avènement du preneur d’otage-né ?
Chaque homme, chaque femme, le plus commun des mortels, disposerait alors dans son for
intérieur d’une si cruelle exaltation. Soit ! Au demeurant, aux frontières d’une telle conception,
se trouve le syndrome de Stockholm32 : propension des otages partageants longtemps la vie de
leurs geôliers à adopter en tout ou partie les points de vue de ceux-ci, et, réciproquement des
ravisseurs adoptant le comportement de l’otage. A priori au second plan, les otages et la vie
humaine sont réduits à des objets au cours des négociations entre ravisseurs et rançonneurs ;
ces derniers empruntent le comportement dont ils sont les victimes originelles.
Le pouvoir en place ne peut finalement triompher qu’en parvenant à éliminer par la force les
preneurs d’otages et préservant la totalité des otages. Il en va ainsi de l’une des affaires les
plus emblématiques de refus de négociations, Raid sur Entebbe 33 , encore qu’un otage ait
perdu la vie.
La privation de la vie d’autrui, ainsi est un tremplin dans la conquête du pouvoir politique de
manière intemporelle, qu’il s’agisse de la bonne exécution d’un Traité sous la Royauté, de
l’obtention d’armement en temps de guerre, ou, en « temps de paix » pour l’aboutissement au
pouvoir sinon la déchéance de celui en place. Le pouvoir politique est tout aussi saisi par coup
d’Etat. Souverain au pouvoir, perpétuellement souverain du pouvoir à l’échelle de la vie
humaine, le retrait de la vie politique est une décision rare et personnelle.
31
Cesare Lombroso (1835-1909), médecin légiste et Professeur à Turin, père cofondateur de la criminologie,
L’homme criminel, 1887
32
Décrit par O. Ochberg en 1978, dont le nom est donné en raison d’un fait divers déroulé dans cette même ville.
33
Le Raid d’Entebbe, dans la nuit du 3 au 4 juillet 1976, en Ouganda
28
•
Pouvoir jusqu’à la mort
Symbole de révolte contre le pouvoir, emprise invétérée, le putsch s’impose par surprise au
moyen de l’emploi de la force. Ni révolutionnaire, ni massif, ni même populaire, le coup
d’Etat se distingue allégrement de la révolution. Dès lors, le pouvoir politique connaît
quelques balbutiements, accordant une place prépondérante au Chef, nouvelle « tête »
incarnant le pouvoir.
Le Chef, despotique, en principe ne meurt jamais ou tout du moins n’est pas censé perdre la
vie. Cela étant, le plus grand des souverains, demeure le plus commun des mortels. Ainsi,
maître du pouvoir, il est également maître de sa mort. Réminiscence de la période Antique, du
Moyen-âge aux époques où « le mourrant ne mourrait pas sans avoir eu le temps qu’il allait
mourir », chefs d’hier et d’aujourd’hui décident de leur mort, et corrélativement, de leur mort
politique.
« Je mourrai, oui je mourrai. Dans quarante ans, dans cinquante ans, dans trois cents ans. Plus
tard, Quand je voudrai, quand j’aurai le temps, quand je le déciderai. En attendant, occuponsnous des affaires du royaume » clame le Roi Bérenger34 : renoncer à la vie est synonyme de
renoncer au pouvoir ! De même, en Afrique Noire traditionnelle, « La terre est cassée »
lorsque le chef de la tribu s’éteint, de même en Chine, où la mort du Chef affecte les forces du
pays. En France, le pouvoir est une obsession de sorte qu’il devient héréditaire Charles Quint
alla jusqu’à non seulement préparer mais faire répéter de son vivant ses funérailles pour être
certain de leur caractère exceptionnel. La vie, la mort, pendants du pouvoir ?
A l’époque contemporaine, la vie - dont la fin n’est plus que jamais retardée – est prolongée
artificiellement pour que subsiste encore, sinon la conscience du mourant de demeurer encore
dans le monde des vivants, le pouvoir politique qu’il exerce : Truman35 d’une part, Franco36
d’autre part qui a pu ainsi « régner » tout du moins en apparence pendant un mois. De même
s’agissant de Segni37 hémiplégique et aphasique pendant cinq mois, Salazar38 pour une durée
34
E. Ionesco, Le Roi se meurt
Harry S. Truman (1884-1972), Trente troisième président des Etats-Unis d’Amérique, (1884-1972)
36
Francisco Franco (1892-1975), Caudillo de España
37
Antonio Segni (1891-1972), Président de la République Italienne de 1962 à 1964
38
Antonio de Oliveira Salazar (1889-1970), dictateur portugais à la tête d’un régime autoritaire conservateur et
nationaliste fondé sur la doctrine de Estado Novo
35
29
de deux ans, ou encore, G. Pompidou, F. Mitterrand qui alla jusqu’à effectuer deux mandats
successifs de 1981 à 1995 avant de s’éteindre le 8 janvier 1996.
La perte du pouvoir est une synonymie de celle de la vie cristallisée surtout dans les Etats
totalitaires, dont les Chefs parvirent au pouvoir par la force. Quitter la scène politique, c’est
déjà mourir.
Le tyran, dictateur, despotique et dominateur, hégémonique, est totalement incarné dans la
société qu’il dirige. Exceptions faites des républicains et démocrates cités précédemment,
assurément tous élus, tels que Truman, G. Pompidou, F. Mitterrand pour lesquels le retrait du
pouvoir n’a pas été aisé, le propos désormais concerne toutes les formes des plus atroces, aux
plus politiquement correctes, admises, tolérées d’Etats totalitaires, de dictatures d’hier et
d’aujourd’hui. Atlas des dictateurs pêle-mêle, tantôt au parti unique comme A. Hitler en
Allemagne, S. Hussein en Irak , B. Mussolini en Italie , Tchang Kai-chek à Taiwan, Salazar
au Portugal, Franco en Espagne, Mobutu Sese Seko au Zaïre, Sékou Touré en Guinée, Idi
Amin Dada en Ouganda, communiste parfois tels que Fidel Castro à Cuba, Pol Pot au
Cambodge, Kim Jong-il en Corée du Nord, Mao Zedong en Chine populaire, Matyas
Rakosien Hongrie, Ceausescu en Roumanie, Staline et Brejnev en URSS, Tito en Yougoslavie,
Ho Chi Minh au Viêt-Nam ; s’ajoutent les dictateurs militaires : la junte militaire Ne Win en
Birmanie, le régime des colonels Yeoryos Papadhópoulos en Grèce, Manuel Noriega à
Panama, Muhammad Zia-ul-Haq au Pakistan, Mouammar Kadhafi en Libye, Videla en
Argentine, Efrain Rios Montt au Guatemala ou encore Castello Branco au Brésil, marque d’un
pouvoir jamais abandonné.
A l’aube de l’année 2OO8, la théorie du « pouvoir jusqu’à la mort » semblerait connaître un
timide tempérament : le Président cubain Fidel Castro, absent de la scène politique depuis
plus de seize mois, a laissé entendre qu’il était prêt à abandonner formellement le pouvoir de
manière à ne pas « obstruer le chemin des générations plus jeunes. »39
L’homme fait usage de la mort, dans ses aspects les plus vivants jusqu’aux plus cruels,
destructeurs, spectaculaires et résignant, et, converge ainsi vers le pouvoir politique qu’il tente
d’attirer, de défier, voire encore de représenter jusqu’à son dernier soupir. Réciproquement, le
pouvoir – politique – à son tour n’est-il pas l’instigateur de la mort ? Cheville ouvrière des
39
L. Oulalou in Le Figaro, Edition du 19 déc. 2007
30
couloirs de la mort, même dans les plus précieux rouages de la République, le politique
n’assassine-t-il pas inhumainement l’homme ?
2) Le pouvoir du politique ou le droit de mort
Prisonniers de la nature humaine, maints gouvernements, autorités, régimes et empires, dans
l’Histoire des cultures et des civilisations, furent des otages privilégiés. A la recherche du
pouvoir, l’homme manipule, menace, parfois trivialement, son adversaire en place en faisant
usage de la terreur ou de la force, des armes, de la mort. L’homme en quête de pouvoir se
change en assassin par le jeu de sa propre mort, ou encore, de celle d’autrui. Bouclier fatal,
car, « contre la mort, nul ne peut se défendre »40, la mort dès lors n’est-elle pas également au
service du pouvoir ; autrement dit, le pouvoir n’userait, sinon n’abuserait- il pas de la mort ?
Quelle société politique méconnaît guerres et meurtres, assassinats perpétrés par le pouvoir
politique pour le pouvoir politique (a), cédant sinon plutôt à d’odieuses et mortifères
dominations (b) affirmant ainsi délibérément maîtriser le droit de vie et de mort (c) ?
Le politique, par l’anéantissement de l’existence de l’homme, devient Roi de la mort, comme,
l’homme peut devenir Roi politique par la mort.
a) Guerres, Meurtres, Assassinats pour le pouvoir par lui-même
•
Triomphe politique par la guerre
Dans le sud-est de la Turquie, proche de l’Irak, quatre millénaires avant noter ère, la première
guerre de l’humanité serait apparue, les dernières fouilles archéologiques faisant état de traces
de fortifications et de munitions. « Nous avons là le plus vieil exemple de guerre offensive »41.
Querelle, différend entre deux groupes sociaux organisés poursuivi par la voie des armes, la
guerre se caractérise par la force physique, les armes, la tactique et la stratégie ou la mort de
certains de ses participants ou de tiers. Aussi vieille que l’humanité, des premiers conflits aux
prémices des civilisations, en passant par les guerres de territoire, d’indépendance, civile ou
de religion, révolutionnaire ou de basse intensité – dixit guérilla –, voire sous forme de guerre
40
41
Jean Molinet (1435-1507)
C. Reichel, archéologue à l’Université de Chicago
31
froide, la guerre, toujours au XXI° siècle, tire profit de la mort pour permettre l’accès au
trône.
Cercle vicieux vivement entretenu par la haine, l’homme politique, comme l’homme en soi,
ou pis encore comme l’animal, ouvre par l’expression de son agressivité les hostilités.
Empreint d’une telle animosité, l’Etat, forme humaine d’organisation politique et juridique
d’une société ou d’un pays, appelle à son désir de « violence mimétique généralisée où tout le
monde se bat contre tout le monde, pour faire comme tout le monde »42. L’origine de la guerre,
selon Marvin Harris 43 provient d’une solidarité, du jeu, de la nature humaine, ou, d’une
« continuation de la politique ». Les trois premières hypothèses éloignées, « la guerre comme
continuation de la politique » doit être, pour comprendre l’enjeu politique de l’homme mortel,
explicitée : un conflit armé est « la suite logique d’une tentative d’un groupe pour protéger ou
augmenter sa prospérité économique, politique et sociale au dépens d’un autre ou d’autres
groupes »; de sorte que l’Etat par sa seule organisation politique est capable de réaliser
guerres et conquêtes territoriales. Les conflits connus par sociétés non étatiques ne sont
cependant pas expliqués ici.
« La force des armes »44 est l’un des deux moyens, avec l’encadrement économique, pour
soumettre un pays. La guerre n’est qu’un des moyens pour imposer sa volonté à un groupe,
résister ou bien s’emparer du pouvoir politique ; bestiale, belliqueuse, amère, elle ne se
déroule jamais sans laisser de séquelles.
L’éloge conférée à la guerre tient sans doute à sa force de dissuasion : le pouvoir du politique
de donner massivement la mort, au nom de l’apothéose. Vaincus, les Rois de France
abdiquaient hier, Premier Ministre, Homme d’Etat, démissionnent aujourd’hui de leurs
fonctions politiques, synonyme de gloire des vainqueurs. Alors, le pouvoir politique par la
mort ou sa menace bouscule le pouvoir parfois dans l’illusion d’une mission viagère.
Conquêtes de territoire, libération d’un territoire occupé par une puissance étrangère, accès à
une ressource vitale – l’embargo, déjà une guerre ? –, sanction du non-respect d’accords
internationaux, revendications, imposer une croyance ou religion, etc… ; autant de causes qui
42
R. Girard
M. Harris, Columbia University
44
J. Foster Dulles, Ministres des Affaires Etrangères du Président Eisenhower
43
32
ont fait les guerres de nos ancêtres, animent nos conflits politiques actuels, et déchaîneront les
batailles de demain…
Assurément moins collectifs, d’autres modes d’élimination de l’homme sont employés par le
pouvoir politique : meurtres et assassinats, tremplins du pouvoir politique.
•
Le meurtre ou l’assassinat politique
Le meurtre se définit comme le fait de donner volontairement la mort à autrui45, prémédité
donc aggravé, il s’analyse en un assassinat puni de la réclusion criminelle. Lorsqu’il est
politique, le crime – meurtre, assassinat, ou toute autre forme d’atteinte à la vie ou à l’intégrité
physique ou psychique de la personne humaine – est puni de détention criminelle. Ainsi défini,
la propre finalité d’un tel comportement, d’une telle incrimination, quelque en soient les
auteurs, apolitiques ou non, demeure la mort. La suppression de la vie humaine est un enjeu
politique grave. Ainsi, le politique joue de la vie et de la mort pour parvenir, conserver,
parfois quitter le pouvoir. Le pouvoir politique, assassin de l’homme, a écrit l’histoire des
civilisations de tout temps en étant tantôt auteur tantôt victime. Parce que, si l’Etat perpétue
tueries et éliminations, il ne fait nul doute que ses forces opposées tenteront de l’éradiquer, là
encore par la mort, notamment par celle de son souverain.
Dans l’Antiquité, ainsi, Alcibiade, neveu de Périclès fut assassiné pour motif politique, tout
comme au Moyen âge Pierre Ruffo, deuxième comte de Cantazaro d’un coup de hache à la
tête en 1307 ou Pierre Aycelin de Montaigut, dit le Cardinal de Laon, ancien conseiller de
Charles V, en 1388. De même, à l’époque Révolutionnaire, François de La RochefoucaultBayers, évêque de Beauvais et son frère Louis, évêque de Saintes furent victimes en 1792
d’assassinats. Enfin, Elisabeth de Wittelsbach dite Sissi, impératrice d’Autriche, Reine de
Hongrie et de Bohème perdit la vie à raison d’un tel homicide en 1898.
Le XX° siècle est riche en exemples d’assassinats politiques. Pour la première moitié du
siècle dernier, furent entre nombreux autres assassinés sur une logique diplomatique Jean
Jaurès (1914), Giocomo Matteotti, leader socialiste italien (1924), Tsyyoshi Unukai, premier
ministre japonais (1932), Alexandre Ier de Yougoslavie simultanément avec le premier
45
Art. 211-1 Code Pénal 1994
33
ministre des affaires étrangères français Louis Barthou (1934), Léon Trotsky, fondateur de
l’Armée Rouge (1940), Reinhard Heydrich, patron de la Gestapo (1942), Mohandas Gandhi
(1948). La seconde moitié du vingtième siècle est florissante d’images de crimes politiques :
Abdul Ilhal, régent Irakien (1958), Ibrahim Hashim, politicien jordanien (1958), Mohamed
Khemisti, ministre algérien des affaires étrangères (1963), Humberto Delgado, résistant au
régime de Salazar et candidat aux élections de 1958 assassiné par la PIDE46 , Martin Lüther
King (1968), Robert Kennedy (1968). Peuvent être également cités quelques têtes politiques
africaines déchues du pouvoir comme le zimbabwéen Herbert Chitepo (1975), Josiah Kariuki,
kenyan (1975), Vernon Nkadimeng, dissident sud africain (1985), Pierra Anga, politicien
congolais (1988). Farag Foga, politicien et intellectuel égyptien (1992), Luis Donado Colosi,
candidat à la présidence du Mexique assassiné dans l’attentat de Tijuana ont été les cibles
humaines au nom du pouvoir politique, par le pouvoir politique au cours de la dernière
decénie du second millénaire. Le cas atypique d’Ytzhak Rabin peut être souligné en ce que,
victime d’un assassinat, celui-ci a été perpétré pour motif politique, mais non pour une quête
du pouvoir politique mais dans un esprit contestataire d’un extrémiste de son propre parti âgé
de vingt-cinq ans.
Le XXI° siècle, ne dérogeant pas à la règle héréditaire, poursuit et perpètre encore maints
assassinats politiques, c'est-à-dire provocation de la mort de l’homme diligentée par le
pouvoir politique. Pour mémoire il peut ici être fait allusion au Commandant Massoud en
2001 ou encore à Rafiq Hariri, ancien premier ministre du Liban. Eminemment politique, le
récent assassinat de Benazir Bhutto à Islamabad au Pakistan le 27 décembre 200747, souligne
l’ambition de l’éradiquer du pouvoir à la veille des élections législatives et provinciales.
La mort, serviteur du pouvoir dans sa tournure la plus massive, sorte de massification de la
mort, ou personnelle, tuerie contre le simple représentant humain du pouvoir, élimine sans
conteste possible la vie. Néanmoins, dans une allure sans doute plus indigne mais au
demeurant non mortelle – du moins dans son principe – la vie n’est-elle pas déjà réduite par
l’hégémonie politique se livrant à de sordides comportements des plus inhumains ?
46
PIDE : Policia Internacional y de Defensa del Estado, police politique du régime fasciste de Franco
27 décembre 2007, à la sortie d’un meeting dans le parc de Rawalpindi, un homme tire trois coups de feu en
direction de l’ancien premier ministre du Pakistan, première femme à diriger un pays musulman ; alors projetée
sur le toit de sa voiture lorsqu’elle saluait la foule, il déclenche ensuite une ceinture d’explosifs.
47
34
b) Infâmes et cruelles dominations : torture et viol
Recours extrême auquel se trouve exceptionnellement accumulé le pouvoir lorsque l’ordre
public et l’intérêt général sont menacés, intemporelle, scandaleuse, répugnante, innommable,
indigne, hideuse, ignoble, la torture est universellement condamnée. La Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme du 10 décembre 1948 reconnaissent « la dignité inhérente » 48 à tout personne
humaine. Le Code pénal français, sans définir la torture prévoit à l’article 222-1 à 222-6,
l’hypothèse de la « soumission à des actes de torture et de barbaries » toute comme l’article 3
de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales. Acte par lequel le coupable extériorise une cruauté, une sauvagerie, une
perversité telle qui soulève une horreur et une réprobation générale49, la torture demeurent
malgré tout un moyen institutionnel du pouvoir.
En effet, c’est « la forme de domination la plus directe et la plus immédiate d’une homme sur
un autre, c'est-à-dire de l’essence même de la politique »50. Certes, intimement politique, il
n’en demeurent pas moins que persiste le quid du commencement de la torture : de la simple
manipulation par le stress, jusqu’aux pressions physiques les plus violentes, cruelles et
attentatoires aux corps humain, le champ matériel de la torture semble vaste. Récemment, la
Cour de cassation en France a considéré que « la violence d’exceptionnelle gravité ayant
entraîné des douleurs aigues » 51 constitue l’élément matériel de l’infraction pénale. La
négation de la dignité de la personne humaine figure au titre de l’élément moral52. Dans les
pays totalitaires, l’imagination face à la torture soit-elle politique ou apolitique est diabolique.
Selon Louis-Vincent Thomas, le profil du tortionnaire pourrait être celui de « tout homme » :
après la théorie du criminel-né, de l’otage-né, viendrait celle du tortionnaire-né. Le
tortionnaire est certain d’avoir raison, de détenir la vérité ou, tout du moins, de ne pas se
sentir responsable parce que soumis à sa propre hiérarchie. Ainsi soit-il au Viêt-Nam53, au
48
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, Préambule
A. Vittu
50
P. Vidal-Naquet in Mort et pouvoir, L.-V. Thomas
51
Cass. Crim. 10 janv. 2006
52
CA Lyon, 1996
53
Guerre du Viêt-Nam (1959-1975), Massacre de My Lai en 1969
49
35
cours de la Guerre d’Algérie54 ou encore dans l’édifiant reportage d’Alain Resnais Nuit et
Brouillard. Destinée à l’extorsion d’aveux, de renseignements, force de dissuasion, la torture
est la négation même non de l’humanité mais de la dignité de la personne humaine. Réduire
ainsi l’autre, vivant mais anéanti, mort déjà, et soumis aux pulsions les plus voraces de ses
bourreaux. Ni mort, ni vif, mort-vivant, assez de mort témoigne le pouvoir sanguinaire, tout
comme, assez de vie suffit à l’exercice d’un pouvoir pervers et illimité. L’homme n’est alors
plus humain.
Aux frontières d’une telle inhumaine et déshumanisante inconduite, faut-il le rappeler
consommée par le pouvoir politique, se situe dans le même rapport de forces – domination /
soumission – le viol. Précisément défini et réprimé par le droit pénal français, le viol est « un
acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui par
violence, contrainte, menace ou surprise » 55 , mais n’a pas toujours été envisagé avec une
totale égalité des sexes. Ainsi, l’acception ancienne, du seul viol de l’homme sur la femme,
jusqu’en 1980 en France, sous-tend le rapport du « mâle voulant réduire à sa merci la victime
capturée qui se refuse »56 . Qualifié « d’assassinat qui ne fait pas mal » par Louis-Vincent
Thomas dans son ouvrage, le viol consiste en la maîtrise d’un corps et le viol de ce qu’il y a
de plus intime dans la personne humaine pour le souiller et l’anéantir. La victime est alors
« dépossédée et possédée par son agresseur ». Bien qu’assurément en principe apolitique, le
viol établit avec la torture un paradoxe criant en ce que le même rapport de force motive
l’agresseur « violeur » et le tortionnaire.
Au zénith des pouvoirs détenus par le politique, figure celui de décider de la vie et de la mort,
non plus de façon massive – c’est le cas des guerres – , non plus de manière individuelle pour
motif politique – c’est l’assassinat politique –, ni même par la négation de la dignité humaine
– c’est le cas de la torture –, mais en décidant selon son intime conviction d’abattre un homme.
C’est ici l’assassinat légal, sous l’égide des plus hautes autorités de la Justice qu’il convient
d’évoquer.
54
Guerre d’Algérie (1954-1962)
Art. 222-22 Code Pénal
56
Louis-Vincent Thomas, Mort et pouvoir, p. 164
55
36
c) Les droits de vie et de mort : une emprise éminemment politique
« Mort et cultures étrangères » commande, dans la dimension politique du sujet, d’évoquer
successivement le droit de vie et de mort à travers la peine de mort et le très réservé droit de
grâce.
•
La peine capitale
La peine de mort est la sentence par laquelle le pouvoir judiciaire retire légalement la vie à
une personne ayant été reconnue coupable d’un crime. Publique sous l’Antiquité, la loi du
talion prenait ainsi l’allure d’un spectacle dont les premiers signes ont été d’ailleurs retrouvés
dans le Code d’Hammourabi en 1730 avant Jésus-Christ. Œil pour œil, dent pour dent, pour
éviter que chacun se fasse justice à soi-même, avec le Christianisme et l’Islam ce fut un
instrument d’expiation pour le supplice et d’intimidation par la force ; cette dernière ne
concordant d’ailleurs pas réellement avec la logique du pouvoir démocratique fondé sur la
mise en ordre de la vie. Le droit de mort a une portée symbolique quelque soit le nombre de
victimes. Qualifiée « d’empêcheu[se] de vivre en rond »57, il s’agît pleinement d’une mesure
de salubrité éliminant les insoumis. Autrement dit, tout courant, toute idéologie contraire,
contestataire au mouvement pratiquant la peine de mort est blâmable et le châtiment de la
peine capitale peut sans scrupule être infligé. C’est l’apogée du pouvoir qui dans toute sa
dimension alors assassine impunément.
Pouvoir particulièrement inhumain parce que résultant en une exploitation ignoble de la peur,
pratiqué sans relâche, atrocement, injustement par les nazis au cours de la Seconde Guerre
Mondiale, n’est-il pas intolérable qu’un Etat de droit, qu’une justice, qu’une culture, qu’une
civilisation abroge, écarte, éloigne et condamne à sa propre mort la peine de mort ? Le
pouvoir ne se résoudrait-il pas à éliminer lorsqu’il est incapable de régir, contrôler et
amender ?
L’atlas géographique de la peine de mort est éloquent : sur 196 pays dans le monde, encore 65
n’ont pas aboli la peine de mort, parmi lesquels les Etats-Unis, la Chine, l’Iran, le Viêt-Nam,
57
Nouvel Observateur, 1976
37
la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite, le Pakistan, le Koweït, l’Egypte, le Soudan, la Somalie.
S’agissant des Etats-Unis d’Amérique, l’Etat du New Jersey a aboli la peine de mort par une
loi du 17 décembre 2OO7.
En France, fervent défenseur et instigateur de la lutte contre la peine de mort, avocat, Garde
des Sceaux de 1981 à 1986, Robert Badinter milite en faveur de l’abolition de la peine
capitale notamment dès 1972 dans l’Affaire Buffet et Bontemps58. Aux côtés des accusés,
victimes de la peine de mort, Robert Badinter échangera quelques ultimes paroles avant la
sentence fatale rendue par la justice : « des paroles simples pour emplir de vie un instant ou
hante et plus encore ou rôde la mort »59 . Quatre années plus tard, dans une affaire similaire
pour laquelle là encore il plaida en faveur de la vie plutôt que, comme le reconnaît le pouvoir
politique exercé par le pouvoir judiciaire, de laisser la mort légale accaparer la vie humaine,
Robert Badinter achèvera sa plaidoirie par de telles paroles, s’adressant aux jurés d’assises :
« Un jour, bientôt, l’on abolira la peine de mort, et, vous resterez seuls avec votre verdict,
pour toujours. Et vos enfants sauront que vous avez un jour condamné à mort un jeu homme.
Et, vous verrez leur regard. Vous verrez le regard de votre enfant »
A 19 h 28, le 9 octobre 1981, l’Assemblée Nationale adopte l’abolition de la peine de mort ;
ainsi « les pages sanglantes de notre justice se tournent » adresse le Garde des Sceaux à
l’Assemblée délibérante.
Selon Robert Badinter, abolitionniste de la peine de mort en France, « il n’y a pas de justice
qui tue » parce que sans aucun doute le plus important est « le respect de la vie ». Ainsi, la
justice dans tous ses états, dans tous les Etats, incarnée par un seul homme, fut-il souverain, le
politique n’a pas pour mission la vengeance mais la garantie, la préservation de la vie
humaine sans aucune exception.
Aujourd’hui, les pires criminels pourront être écartés de la peine de mort avec la naissance de
la Cour Pénale Internationale. Le pouvoir politique, ainsi ne dispose plus de l’arme fatale
consistant à tuer « au nom du peuple ». L’élimination de la vie est contraire au fondement
même du politique.
58
59
Claude Buffet et Roger Bontemps, guillotinés dans la cour d’honneur de la prison de la Santé le 29 nov. 1972
Robert Badinter, France 5, Emission du 30 nov. 2007
38
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Le droit de grâce
Prolongement du droit de mort, le droit de grâce est un privilège alloué souverainement au
Chef exprimant pleinement son pouvoir. Accordé par la Monarchie, le Roi, représentant de
D… peut ainsi donner et reprendre la vie, héritage laissé aux démocraties. Le Président
Georges Pompidou confiait « ce qui m’est le plus pénible, c’est le problème des grâces.
Lorsque je me retrouve en présence d’un condamné à mort et que je dois prendre sur moi – et
sur moi seul – la décision, pour moi, à chaque fois, c’est un drame de conscience ».
Néanmoins, « le droit de grâce ne peut que grandir celui qui en use. Sévère ou Clément, le
Prince y gagne à tout coup » R. Badinter.
Le rôle du politique au-delà de décider de la mort jusqu’à l’abolition de la peine de mort, et,
dans les pays connaissant encore une si cruelle sanction, paraît plus souriant en ce qu’il peut
faire obstacle à la mort, laissant la vie et toute la vie à l’être humain.
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CONCLUSION
La mort n’est finalement qu’un instant de la vie. Elle est intimement liée aux êtres mortels, à
l’Homme comme à l’animal.
Matériellement, la mort est unanimement connue. La faucheuse laisse derrière son passage un
corps inerte, aux blessures apparentes ou invisibles. Les causes de la mort ne connaissent pas
les frontières, elles sont universelles, même si certaines sont prononcées dans des régions du
globe alors qu’elles sont absentes ou diminuées dans d’autres. Il est plus probable de mourir
d’un accident de la route ou du stress en Europe ou en Amérique du Nord qu’en Afrique, où
ce sont d’avantage les maladies ou les carences en eau ou en alimentation qui provoqueront le
décès. Ainsi les causes de mortalité sont intimement liées au développement de la Société :
l’industrialisation, les progrès techniques, les conquêtes médicales, notamment, ont supprimé
certaines causes encore présentes dans les Sociétés demeurées traditionnelles, sans pour
autant diminuer le risque de mort, le progrès étant également la source de nouveaux dangers.
En revanche, la mort n’est pas unanimement vécue. Si partout dans le monde, l’Homme vit
puis décède, sa mort n’est pas appréhendée de la même façon par lui et par les survivants,
selon le type de Société. Ainsi les « Sociétés modernes » perçoivent ce corps inerte sur lequel
s’est abattue la mort comme un corps sans vie. Pour les « Sociétés archaïques », ce corps
inerte est un corps mort mais pas sans vie, puisque la vie qu’il renferme est destiné à se
transplanter dans une nouvelle enveloppe corporelle par le biais de la réincarnation, la
métamorphose. Pour les premiers, la mort serait donc une fin en soi ; elle est donc crainte, la
vie qui la précède est parsemée d’appréhension. Pour les seconds, la mort marque la fin d’une
vie, non de la vie ; le défunt n’est plus en tant que tel mais il reviendra sous une autre forme.
Pour ces derniers, la mort n’est donc pas à craindre. C’est pourquoi lors des rites funéraires,
l’Homme des Sociétés modernisées pleurera longuement, tandis que celui des Sociétés
archaïques exécutera son deuil avec davantage de rapidité et de sérénité.
Il est indéniable que la Société dans laquelle est implanté un Homme transpire sur lui une
certaine façon de percevoir la mort. Ainsi se dégage l’immense pouvoir de pression de la
Société sur l’être humain, notamment par la voie de la politique.
Le politique et le pouvoir, s’harnachent à la mort, cheval de bataille utile à certaines victoires.
La mort sert ainsi le politique et l’accession au pouvoir, par le chantage, la prise d’otage,…
Mais aussi, le politique tient la mort entre ses mains, en étant sont garant aux yeux de la
nation, le souverain titulaire du pouvoir de vie et de mort.
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En définitive, l’Homme se trouve tiraillé dans sa perception de la mort entre ses propres
croyances et celles que lui impose la Société, entre l’acceptation et la crainte, entre l’idée
d’une fin ou d’un renouveau… Il n’y a en fait pas de réponse unique à la mort sinon qu’elle
est un phénomène biologique inéluctable de la vie de tout être mortel. Il y a en revanche des
croyances et des perceptions multiples.
Certains croient que la mort marque la fin de la vie sur Terre. D’autres remarquent seulement
qu’à chaque printemps, après l’hiver, la nature renaît de mille feux.
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BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
Ph. Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident : du moyen âge à nos jours,
Seuil, 1975
W. Jankélévitch, La mort, Flammarion, 1977
W. Jankélévitch, Penser la mort ?, Liana Levi, 2003
F. Lenoir et J. Ph de Tonnac, La mort et l’immortalité : encyclopédie des savoirs et
des croyances, Bayard, 2004
E. Morain, L’homme et la mort, Seuil, 1976
R. Quillot, Qu’est ce que la mort ?, Armand Colin, 2000
L.-V. Thomas, Mort et pouvoir, Payot, 1978
M. Vovelle, L’heure du grand passage : chronique de la mort, Gallimard, 1993
RAPPORT
Rapport sur la santé dans le monde, Façonner l’avenir, OMS 2003
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