bitcoin analyse - Avolta Partners

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bitcoin analyse - Avolta Partners
BITCOIN, beaucoup plus
qu’une monnaie.
PAR PHILIPPE RODRIGUEZ, MANAGING PARTNER, AVOLTA PARTNERS
« Bitcoin est une opportunité technologique
pour la France et ses entrepreneurs.
Il devient urgent ne pas se laisser distraire
par le débat sur son statut de monnaie, qui
ne pourrait être finalement qu’un leurre. »
Comme beaucoup de révolutions, les inventions ne peuvent pas être catégorisées par des inventions
passées et il semblerait que ce soit le cas du Bitcoin. Celui-ci est souvent définit par une affirmation
négative : ce n’est pas une vraie monnaie. En 1876, William Orton le président de la société Western
Union qui transférait des télégrammes d’un bout à l’autre des Etats Unis, répondit à quelqu’un qui venait
lui vendre un brevet d’un appareil appelé téléphone « Que pourrait on bien faire avec ce jouet
électrique ? ». Aujourd’hui l’entreprise ne transfert plus de l’information. Elle transfert de l’argent partout
dans le monde, on y reviendra plus tard.
Pour expliquer pourquoi il est important de réguler rapidement et efficacement les activités qui sont liés
au protocole Bitcoin, je propose tout d’abord d’évoquer le sujet des monnaies complémentaires, du
protocole en lui même et de ses champs d’applications.
La monnaie constitue l’un des fondements de
l’économie moderne. Jusqu’à présent, la
monnaie
constitue
une
valeur
consubstantielle de la puissance et de la
pérennité d’une économie. Nous sommes
d’ailleurs issus d’une histoire dans laquelle le
roi puis l’état frappait monnaie et où les fauxmonnayeurs étaient ébouillantés. La punition
s’est adoucie par la suite, puisque à partir de
1832 les coupables étaient seulement
envoyés au bagne à perpétuité. Dans notre
inconscient collectif la monnaie reste un
sacro-saint de notre système économique.
Impossible d’y toucher sans que quelqu’un
explique que tout l’édifice s’écroulera. On
comprend que le sujet ne suscite finalement plus beaucoup de débat véritable, tant il est complexe et
imbriqué dans notre économie. Pourtant, nous savons tous qu’en zone euro ces débats sur notre monnaie
reprendront avec des approches parfois radicales : « il faut sortir de l’Euro », « l’Euro protège notre
économie »
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BITCOIN ANALYSE - 01
Dans la zone euro, il semblerait même que les monnaies complémentaires semblent soumises à de très
lourds scepticismes ou au mieux du mépris. Et pourtant, en Europe, nous devons bien reconnaître que les
monnaies complémentaires fonctionnent. Il faut citer le wir en exemple. Depuis 1934, date de sa fondation
le wir se développe en Suisse à côté du franc suisse avec plus de 60 000 PME qui pratiquent du paiement
sans numéraires. Une monnaie digitale en quelque sorte. On parle d’une PME sur 5 en Suisse, qui utilisent
cette monnaie soit 800 millions de wirs en circulation.
Quant une nouvelle innovation comme le Bitcoin apparaît : une quasi-monnaie digitale, globale, basée sur
des algorithmes, sans le support d’aucune organisation centrale. Là, les boucliers des banquiers centraux
et des économistes des monnaies se dressent d’un coup, parfois avant même d’avoir entendu de quoi il
s’agissait sur le fond. Et pourtant comme l’explique avec patience, bienveillance et pédagogie, Marc
Adreessen de Andreessen Horowitz dans son article du New York Times « Why Bitcoin Matters ? »,
Bitcoin est fondé sur une technologie disruptive qui peut bénéficier d’un effet de réseau, c’est à dire que
sa valeur va augmenter avec la contribution des parties prenantes de ce réseau. Il en compte quatre : les
consommateurs, les marchands, les mineurs (membres de la communautés qui font fonctionner le réseau)
et les entreprises technologiques qui vont construire des applications sur la base de cette invention.
En effet, le Bitcoin ne sera pas seulement une monnaie complémentaire. Pour développer ce point il faut
démarrer par un peu d’histoire et de contexte autour de notre sujet.
On retient 1995 comme étant l’année pendant laquelle Internet devenait « commercial ». C’est l’année de
l’invention de SSL (protocole de sécurisation des échanges sur internet) et que différentes idées autour du
transfert d’argent commence à devenir des expériences réelles. Pas étonnant que ce soit l’année pendant
laquelle une petite entreprise nommée Echo-Bay allait devenir E-bay, et que naissait Amazon à Bellevue à
un jet de pierre du campus de Microsoft. Le commerce électronique n’allait plus s’arrêter de grandir
jusqu’à aujourd’hui. Cette même année 95, David Chaum crée DigiCash à Amsterdam. Digicash est un
système de monnaie virtuelle. La nouvelle fait du bruit. David Chaum qui était mathématicien tentait de
résoudre le problème d’informatique de la « double dépense », comment transmettre d’un point A à un
point B une valeur numérique en s’assurant que A ne l’a pas dans le même temps donné à C. Pour le
résoudre, une autorité centrale surveille les transactions mais devient un point de faiblesse du système.
C’est une faiblesse terrible parce que le système n’est plus du tout sécurisé, il est corruptible, il peut être
défaillant. La société fera faillite en 1998
Dix ans plus tard, sous le pseudonyme de Satoshi Nalamoto, un ou plusieurs auteurs publient un article
scientifique « Bitcoin : a peer to peer electronic cash system ». Ce document décrit comment résoudre ces
deux problèmes majeurs :
(1) la double dépense, sans autorité centrale.
(2) le problème de confiance des membres d’un réseau pair à pair pour mener des transactions dans un
système autonome et distribuée. Ce second problème est un problème bien identifié dans la littérature
informatique. Il porte le nom de sa métaphore : les généraux byzantins. Je vous la livre ici :
« Des généraux de l'armée byzantine campent autour d'une cité ennemie. Ils ne peuvent
communiquer qu'à l'aide de messagers et doivent établir un plan de bataille commun, faute de quoi
la défaite sera inévitable. Cependant un certain nombre de ces généraux peuvent s'avérer être des
traîtres, qui essayeront donc de semer la confusion parmi les autres. Le problème est donc de
trouver un algorithme pour s'assurer que les généraux loyaux arrivent tout de même à se mettre
d'accord sur un plan de bataille »
Le protocole Bitcoin propose une solution pour résoudre ce célèbre problème dans le cadre du transfert
d’une unité de compte dans un réseau distribué.
De fait, Bitcoin enregistre des transactions à travers un réseau pair à pair qui n’a pas d’autorité centrale et
qui donc s’auto-surveille.
Pour s’assurer que tous les points soient fiables, le protocole utilise un système cryptographique
complexe basé sur un système de preuves : la preuve est un calcul compliqué à résoudre qui nécessite
une puissance de calcul informatique.
Au final les transactions sont confirmées en quelques secondes et enregistrées dans le grand livre de
compte. Ce livre de compte (le blockchain) est transmis de pair à pair entre les différents participants du
réseau pair à pair bitcoin.
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BITCOIN ANALYSE - 02
Dans le paragraphe de conclusion, le papier de Satoshi Nakamoto finit comme un cri de victoire : « Nous
avons proposé un système pour des transactions électroniques qui ne repose pas sur la confiance ».
La confiance dans une organisation, qui est une abstraction construite par l’homme, vient d’être totalement remplacée par un algorithme. Bitcoin n’est donc pas une invention neutre. Ce n’est pas non plus une invention sans conséquence. Elle
porte en elle une rupture qui touche à des fondamentaux important de notre économie : la confiance.
Mais allons un peu plus loin dans les composants du protocole Bitcoin tel qu’il est implémenté.
Une des caractéristiques intéressante et porteuse d’innovations est la possibilité d’utiliser un langage de
script basé sur ce protocole. C’est un langage de programmation qui permet de développer des
applications au dessus du protocole Bitcoin. Un peu comme JavaScript permet de faire fonctionner une
application à l’intérieur d’une page qui utilise le protocole html pour s’afficher dans un navigateur. Pour
premier exemple, ce langage permet de développer des applications qui peuvent être l’exécution d’un
contrat. Le paiement est déclenché à certaines conditions pouvant être la signature des parties,
l’existence d’un événement ou bien la signature d’un tiers de confiance. Des applications concrètes
comme le financement participatif (crowdfunding) ne nécessitant aucune plateforme spécifique pourront
voir le jour. Mais nous pouvons imaginer aussi des applications qui normalement demandent l’utilisation
d’un acte notarié, comme le versement d’une somme à un proche en cas d’un évènement qui peut être
attesté par la signature électronique de tiers de confiance. Ma préférée reste un rêve pour le commerce
électronique : la possibilité de pouvoir faire des ventes sans enregistrer les clients. Nous pouvons même
imaginer demain des moyens de paiement qui permettront de payer dans la rue (un billet de concert à
partir d’une affiche ) avec son smartphone sans s’enregistrer sur aucun site, ni de diffuser d’information
personnelle plus que nécessaire.
Mais il existe encore une foule d’applications qui vont bousculer des services existants basés sur la
confiance accordée à une organisation centrale remplacée par le grand livre de compte du protocole. Pour
aller encore un peu plus loin, nous observons un nouveau type d’entité vivant dans l’internet que l’on
pourrait appeler des ODA « Organisations Distribuées et Autonomes » ou « Distributed Autonomous
Corporation ». Ces ODA ne sont pas construites par une organisation faite de confiance et d’êtres
humains qui y travaillent, mais construite pour faire une nouvelle forme de personnes morales qui aura les
caractéristiques suivantes : Elles seront autonomes, elles n’auront pas besoin de leur créateur pour
fonctionner, Elles seront distribuées, il n’y a pas de point de contrôle ou de faiblesse. Elles seront
transparentes : en effet leurs règles sont totalement auditables par tout le monde. Elles seront fiduciaires,
parce qu’elle ne pourront agir que pour le bien de leurs clients et actionnaires et elle seront incorruptibles,
parce qu’il n’y a pas d’être humain qui y travaille. Nous voyons arriver une foule d’exemples : un
fournisseur de noms de domaines (namecoin) sans l’Icaan mais aussi un nouveau système de messagerie
(bitmessage) sans Google, des applications de réseaux sociaux sans Facebook ou Twitter, des jeux
d’argents sans patron de casino. Nous pouvons imaginer sans mal des services sous formes de ODA qui
aideront à transférer de l’argent d’un point à l’autre du monde quasi gratuitement, ce qui pourrait venir en
complément ou en remplacement des services de Western Union.
Ces « organisations distribuées et autonomes » ne sont pas construites par une organisation faite de confiance et d’êtres humains qui y travaillent, mais basée sur un algorithme pour former des nouvelles personnes morales Il faut probablement s’attendre à ce que des milliers de nouvelles entités débarquent, elles seront
produites par l’imagination des meilleurs développeurs partout dans le monde.
En un sens, la première de ces ODA « Organisations Distribuées et Autonomes » est le bitcoin lui même.
Sa communauté regroupe ses clients et ses actionnaires.
Un peu comme nous l’avons vu au tournant de l’année 95 quand se met en place une infrastructure
internet sécurisée et commerciale, démarre le Commerce Electronique. De la même façon nous pourrions
supposer qu’en 2035 nous aurons une industrie très vivace autour des entités autonomes qui devront
rendre des services de confiance à l’humanité. Comment ne pas vouloir faire partie de l’aventure ?
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BITCOIN ANALYSE - 03
Comme nous l’avons dit, le protocole repose aussi sur un algorithme cryptographique basé sur une
preuve de travail qui nécessite une puissance informatique.
Cette puissance informatique est bien évidemment distribuée. C’est à dire que n’importe qui peut décider
de devenir un des nœuds des systèmes et pourra mettre sa puissance de calcul à la disposition de la
communauté pour vérifier les transactions. Ce travail de communauté donne lui à une rétribution aux
membres qui est payée… en bitcoin.
Tout au démarrage de la communauté chacun mettait à disposition ses ordinateurs disposant de
processeurs d’usage général. Peu à peu la complexité des calculs augmentant (une autre des
caractéristiques du protocole que l’on ne détaillera pas ici) des processeurs de plus en plus spécialisés
devinrent nécessaires. En effet le sous-jacent du protocole est bien l’énergie électrique. Il s’agit de bien
s’assurer que le paiement de la contribution en bitcoin ne soit pas inférieur à votre consommation
électrique qui fait tourner les fermes de serveurs…
Plusieurs entreprises viennent de se créer dans le monde pour répondre à l’énorme demande de ce type
nouvelles unités de calculs. Des dizaines d’usines sont construites dans le monde à l’instant où vous lisez
ces lignes pour fabriquer les processeurs et les infrastructures qui sont installés dans les centres de
calculs qui font tourner le protocole Bitcoin.
La puissance du réseau Bitcoin était à la fin de l’année 2013, 256 fois la puissance des 500 plus gros supercalculateurs de la planète. Il semblerait qu’une attaque du réseau Bitcoin devient de plus en plus difficile et couteuse. Tout ceci montre que l’invention du protocole va être difficile à désinventer.
Une industrie est en marche, des application sont en train de naitre dans le monde, une nouvelle donne
pour gérer des services basées sur des algorithmes remplaçant la confiance dans une organisation
centrale se met en place extrêmement rapidement partout sur la planète.
Comme nous l’avons vu donc, le Bitcoin n’est pas seulement une unité qui s’échange librement et dont
les prix sont fixés par l’offre et la demande, avec pour les plus optimistes : une croissance de la valeur qui
prouve son bien fondé et pour les plus pessimistes : une suspicion d’être une bulle ou même une
malversation à un niveau planétaire. Les valeurs des entreprises internet ont connu aussi cet effet de bulle,
mais l’internet est toujours là.
Non, Bitcoin est avant tout un protocole, il devient donc une plateforme technologique pour construire des
applications. Cette plateforme est là pour durer parce qu’elle évolue en s’améliorant, qu’elle est ouverte et
transparente et qu’elle répond à un besoin évident pour ces nouvelles applications qui vont naitre.
Le vent de l’innovation souffle dans de nouvelles directions. Des milliers de startups Bitcoin dans le
monde vont se créer, quelques centaines en France. Des nouvelles ODA « Sociétés Distribuées et
Autonomes » vont voir le jour, leur créateurs vont donner naissances à ces nouvelles entités qui vont vivre
et évoluer dans l’internet pour rendre des services ou l’on se fera confiance entre nous plutôt qu’en un
concept hérité.
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