Les dyslexies et les dysorthographies développementales

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Les dyslexies et les dysorthographies développementales
Les dyslexies et les dysorthographies développementales
Les troubles spécifiques des apprentissages (ou TSA), également appelés « dys », font
référence à différents troubles : dyscalculies, dysgraphies, dyslexies et dysorthographies. Ils
ont été identifiés dans le courant du XIXe siècle. Nous n’aborderons ici que les dyslexies et les
dysorthographies développementales.
L’étiologie de la dyslexie
La dyslexie n’est pas due à un manque de volonté de l’enfant, à un manque d’intelligence ou
encore à un blocage affectif, mais les recherches mettent en évidence des causes génétiques et
neurologiques.
Origine génétique des dyslexies
Les études génétiques semblent plaider en faveur d’une certaine hérédité de la dyslexie. Les
études familiales mettent toutes en évidence que si l’un des parents est dyslexique, le risque
d’avoir des troubles similaires dans une même famille augmente. Les études sur les jumeaux
ont également montré que lorsqu’un jumeau monozygote est atteint de dyslexie, la probabilité
que l’autre le soit est d’environ 70 %. La probabilité est de 45 % pour les jumeaux dizygotes.
Les chercheurs ont réussi à identifier chez les dyslexiques quatre gènes qui joueraient un rôle
dans la migration neuronale, conduisant à des micro-malformations focales dans certaines
aires de l’hémisphère gauche dès le milieu de l’embryogénèse (Chevrie-Muller C., Narbona
J., 2007).
Dyslexies et troubles du dysfonctionnement cérébral
Les études neuro-anatomiques mettaient en évidence la perte d’une asymétrie du planum
temporal gauche et la présence d’ectopies neuronales et de dysplasies dans l’hémisphère
gauche et dans les corps genouillés latéraux. Ce type de distorsions apparaitrait au moment de
la période de migration neuronale entre la 16e et la 24e semaine de gestation (Galaburda in
Chevrie-Muller et al., 2007). Actuellement, cette conception est remise en cause par les
études morphémiques (IRM). Selon Pugh (2000) et Eeckert (2004), ce seraient des
particularités au niveau du signal de la substance blanche dans le cortex temporal gauche qui
seraient la cause de la dyslexie.
Les études électrophysiologiques permettent de mettre en évidence le fonctionnement bioélectrique du cerveau. Les potentiels évoqués ont également mis en évidence chez le sujet
dyslexique des anomalies du traitement perceptif, des modifications de la latéralité et des
perturbations de la phase pré-attentionnelle (non consciente) de traitement acoustique.
L’imagerie fonctionnelle (Tomographie par Emission de Positrons – TEP) permet de
visualiser le degré d’activité métabolique des aires du cerveau impliquées pendant la lecture.
Les différentes études montrent une hypoactivation de la région temporale inférieure gauche
et mettent en évidence l’activation des régions postérieures temporo-pariétales de
l’hémisphère droit. Ceci pourrait être le reflet de mécanismes de compensation ou que des
facteurs non linguistiques sont en relation avec la difficulté de la lecture (Grigorenko, 2001 ;
Joseph et coll., 2001).
Dyslexies et trouble du langage
La dyslexie serait également liée à un déficit linguistique. Lors de l’apprentissage de la
lecture, nous faisons appel à un ensemble de représentations phonologiques, morphologiques,
orthographiques et sémantiques qui doivent être combinées et intégrées pour que le décodage
du mot soit réalisé de façon optimale. Pour que l’enfant puisse avoir accès à une lecture
fluente et à la compréhension à la lecture, il va devoir se reposer sur l’automatisation
orthographique, mais aussi sur la syntaxe, sur des bases sémantiques et sur un lexique riche et
varié (Alexander et Slinger-Constant, 2004).
Les différents types de dyslexies et de dysorthographies
La dyslexie développementale est un « terme qui désigne les troubles spécifiques persistants
de l’apprentissage de la lecture se manifestant chez des enfants de niveau d’efficience
intellectuelle normale, sans problèmes sensoriels primaires, visuels ou auditifs (DSM IV),
sans troubles psychiques graves, ayant toujours été normalement scolarisés, et issus de
milieux socioculturels normalement stimulants » (Brin, F. et al., 1997). La dyslexie touche 8
% des enfants. On distingue la dyslexie de surface, la dyslexie phonologique et la dyslexie
mixte.
La dyslexie de surface est caractérisée par une atteinte du lexique qui entrave la voie
d’adressage. La procédure d’adressage permet la lecture des mots irréguliers (ex. : monsieur,
femme) et la reconnaissance d’homophones non homographes (ver, vers, vair…). Les
symptômes sont :
● l’utilisation privilégiée de la voie d’assemblage ;
● une lecture lente et laborieuse ;
● des erreurs principalement morphologiques et visuelles ;
● un lexique orthographique restreint ;
de meilleures performances pour la lecture de mots réguliers et de pseudo-mots ;
les mots irréguliers sont lus difficilement et seront « régularisés » (ex. : chorale sera
lu /HOral/), car l’enfant n’a pas de voie d’adressage efficiente et il n’a donc pas
accès à une représentation visuelle disponible dans son lexique orthographique ;
● les homophones non homographes ne seront pas discriminés. Ces enfants attribuent
le sens du mot en fonction du son et non de la forme orthographique. De ce fait, ils
accepteront, comme vrais mots, des pseudo-homophones écrits tels que seurize pour
cerise.
●
●
La dyslexie phonologique est caractérisée par une atteinte du lexique qui entrave la voie
d’assemblage. La procédure d’assemblage est un processus spécifique d’identification des
mots écrits qui s’effectue grâce à la maitrise de la segmentation graphémique, des habilités
métaphonologiques et de la fusion syllabique. Cette procédure est générative : elle permet
d’identifier les mots rencontrés pour la première fois par écrit, mais aussi de prononcer les
pseudo-mots. Les symptômes de la dyslexie phonologique sont :
● la présence de paralexies visuelles (moisson est lu maison) ou morphologiques
(grandeur est lu grand) ;
● des difficultés pour lire les mots rares ou les pseudo-mots nécessitant l’utilisation de
la voie d’assemblage ;
● les longs pseudo-mots sont lexicalisés (ex. : mermeilleux sera lu merveilleux) ou
remplacés par des néologismes à composante lexicale (ex. : cénétricité sera lu
cénélectrique) ;
● la lecture de texte est plus aisée que la lecture de mots ;
● la lecture de mots réguliers ou irréguliers est relativement aisée.
La dyslexie mixte est caractérisée par une atteinte du lexique associant les difficultés de la
dyslexie de surface et celles de la dyslexie phonologique, mettant donc en cause la voie
d’assemblage ainsi que la voie d’adressage. Cette forme de dyslexie est relativement
fréquente. En effet, il est rare de trouver des « cas purs » de dyslexie phonologique ou de
surface. La dyslexie mixte associera les symptômes de la dyslexie de surface ainsi que ceux de
la dyslexie phonologique.
La dysorthographie développementale, quant à elle, est un « trouble spécifique de
l’orthographe se manifestant par une difficultés à apprendre l’orthographe en dépit d’un
enseignement classique, d’une intelligence suffisante, et de facilités socioculturelles, qui
relève d’inaptitudes cognitives fondamentales ayant fréquemment une origine
constitutionnelle » (Campolini et al., 2000). La dysorthographie accompagne la dyslexie dans
⅔ des cas.
Tout comme dans la dyslexie, nous notons trois formes de dysorthographies : la
dysorthographie de surface, la dysorthographie phonologique et la dysorthographie mixte.
L’enfant présentant une dysorthographie de surface utilise préférentiellement la conversion
phonème-graphème pour écrire les mots sans atteindre la maitrise du stade orthographique.
Sous dictée, l’enfant peut écrire des pseudo-mots alors qu’il est en difficulté pour
l’orthographe des mots irréguliers. Ses erreurs sont phonologiquement plausibles et vont dans
le sens d’une régularisation de l’orthographe. L’enfant présentant une dysorthographie
phonologique n’utilise pas la voie phonologique et ne maitrise pas le stade alphabétique pour
écrire les mots. Il peut orthographier des mots réguliers et irréguliers, mais il éprouve des
difficultés à écrire des pseudo-mots et des graphèmes isolés. On observe également chez ces
enfants une faiblesse dans la mémoire de travail. Ces deux types de dysorthographie sont
assez rares. La plupart des dysorthographiques présentent une dysorthographie mixte avec
des déficits sévères à la fois dans les procédures d’assemblage et dans les procédures
d’adressage.
Dictée de texte : J., 13 ans et demi – dysorthographie mixte
Il sagit de la creation à 30 Kilo-mètre ou longe des côte de la plengre, dans la Mer de Baramine, de 3 ils
arctificiel long et étroite. Les regions côtier avec ses champs de Betrave seras in si proteger des tempete.
Pseudo-mots
Dictée de dessin : D., 11 ans – dysorthographie de surface
Fait un roud au millieu de ta feuille en bleu et des orreilles.
Le bilan
Comme nous l’avons dit précédemment, la dyslexie-dysorthographie est un trouble
spécifique. Afin d’effectuer le diagnostic, il faudra réaliser un bilan pluridisciplinaire (bilan
neurologique, bilan psychomoteur, bilan audiométrique, bilan neuropsychologique, bilan
logopédique…), mais le diagnostic formel de dyslexie-dysorthographie ne pourra se poser que
vers 7 ans, en fin de deuxième primaire. Certains indices peuvent attirer l’attention des
instituteurs1.
À partir de quel âge les erreurs de À partir de quel âge les erreurs
lecture deviennent-elles un indice de orthographiques deviennent-elles un indice de
dyslexie ?
dysorthographie ?
Inversions d’une lettre ou de plusieurs lettres au
sein d’un mot (non spécifiques avant 7 ans)
Confusions auditives de lettres et de sons (v/f,
ai/in par exemple) (non spécifiques avant 7 ans)
Confusions visuelles de lettres et de sons (b/d,
on/ou par exemple) (non-spécifique avant 9 ans)
Omissions de lettres (non spécifiques avant 7 ans)
Substitutions de mots (non spécifiques avant 7
ans dans le cadre de l’utilisation de la méthode
globale)
Erreurs dans la reconnaissance des sons
complexes (ail, euil, etc.) (non spécifiques avant 9
ans)
Omissions de lettres non muettes ou de syllabes (non
spécifiques avant 8 ans)
Inversions de lettres ou de syllabes (non spécifiques avant 8
ans)
Confusions auditives (non spécifiques avant 7 ans)
Additions de syllabes (non spécifiques avant 7 ans)
Assemblages de deux mots en un et séparations d’un mot en
deux parties (non spécifiques avant 8-9 ans)
Confusions visuelles à la copie (non spécifique avant 7 ans)
La rééducation
La rééducation logopédique est toujours précédée d’une évaluation. La prise en charge sera
spécifique à chaque enfant et à chaque trouble. Sa durée est variable en fonction de la gravité
des troubles et des exigences de la scolarité. Elle va dépendre de la capacité d’évolution de
l’enfant. Notre rôle en tant que logopède est d’émettre des hypothèses sur les
dysfonctionnements et d’intervenir sur les processus. Nous allons également développer des
moyens de compensation pour lui permettre de pallier ses déficits. Nous devons également
travailler en collaboration avec l’enseignant, afin que celui-ci puisse comprendre les déficits
1
Grammaticos, E., Klees, M. (1999). Dyslexie : Où est la différence ? Baisy-Thy : IP.
de l’enfant et renforcer ses bonnes stratégies. En classe, il est nécessaire de mettre en place
des stratégies de compensation et des adaptations, afin que l’enfant puisse compenser ses
difficultés et réussir les exercices proposés. Les enseignants, quelle que soit leur discipline ou
les matières qu’ils enseignent, peuvent proposer des aides efficaces pour favoriser les
apprentissages. Des idées d’aménagement pour les élèves du primaire, du secondaire et du
supérieur sont proposées dans les deux livrets publiés par l’APEDA (l’Association belge de
parents d’enfants en difficultés d’apprentissage) : Le petit guide des dyslexiques – Comment
les dépister et les aider en classe ? et Le guide des étudiants dyslexiques – Comment les
aider ?
En conclusion, la dyslexie-dysorthographie est un trouble qui touche près de 8 % de la
population. Le diagnostic et la prise en charge précoces restent essentiels. On ne soigne pas la
dyslexie, mais c’est un handicap avec lequel on peut vivre. Pour cela, il faut mettre en place
des moyens adaptés et spécifiques à chaque enfant pour qu’il puisse progresser et s’épanouir.
Céline Bilteryst
Logopède
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