Uretère ectopique
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Uretère ectopique
N 326-EXE_Mise en page 1 27/03/14 17:46 Page18 CONGRÈS Uretère ectopique Diagnostic et traitement L’ectopie urétérale est une anomalie congénitale qui connaît quelques prédispositions raciales et affecte plus volontiers les femelles. Plusieurs formes sont décrites, qui aboutissent notamment à l’apparition d’une incontinence urinaire. Nous décrivons dans cet article les modalités du diagnostic et les méthodes de traitement, exclusivement chirurgicales. L’uretère ectopique est une anomalie congénitale dans laquelle l’extrémité vésicale de l’uretère est déplacée distalement au trigone vésical. Chez les mâles, les uretères peuvent alors s’ouvrir au niveau de l’urètre prostatique ou des canaux déférents. Chez les femelles en revanche, cette ouverture se retrouve au niveau du col vésical, de l’urètre proximal, moyen ou distal, du vagin ou de l’utérus. Étiologie Jean-François Boursier DMV CHV Frégis 43, avenue Aristide Briand 94110 Arcueil L’origine de l’ectopie urétérale est attribuée à un dysfonctionnement au cours de l’embryogenèse, suite à un développement anormal du conduit métanéphrique sur le conduit mésonéphrique. Tant chez le mâle que chez la femelle, le conduit métanéphrique est à l’origine des uretères. La probabilité de développement d’un uretère ectopique ainsi que le déplacement de l’orifice urétéral seraient proportionnels à la modification du positionnement du conduit métanéphrique par rapport au conduit mésonéphrique1. Cette hypothèse expliquerait les différences morphologiques entre les cas d’uretère ectopique décrits et les variances dans les zones d’abouchement de l’uretère ectopique suivant les cas. Prédisposition Cyrill Poncet Docteur vétérinaire spécialiste en chirurgie Dip ECVS Centre Hospitalier Vétérinaire Frégis 43, avenue Aristide Briand 94110 Arcueil L’uretère ectopique, plus rarement diagnostiqué dans l’espèce féline2, atteint majoritairement certaines races de chiens qui semblent avoir une prédisposition à son développement. Le golden retriever, le Labrador, le husky sibérien, le bulldog anglais, le West Highland white terrier, le fox terrier, le Skye terrier, les caniches et le colley en font partie1, 2, 4. Les femelles sont plus fréquemment touchées2, même si le diagnostic chez le mâle reste plus difficile. Les manifestations cliniques de l’uretère ectopique sont plus précoces chez la femelle que chez le mâle1. En effet, l’incontinence urinaire présente depuis la naissance chez la femelle contraste avec l’apparition plus tardive chez le mâle, notamment lors d’une diminution du tonus sphinctérien. Chez le mâle, le sphincter urétral est plus développé et s’étend sur une distance supérieure. Lorsque celui-ci est fonctionnel, cette différence anatomique permet de s’opposer à l’écoulement de l’urine tant que l’abouchement de l’uretère ectopique ne se retrouve pas en aval du sphincter. Classification L’uretère ectopique était plus fréquemment décrit comme une atteinte unilatérale. Cependant, de récentes études décrivent des proportions inversées et une atteinte bilatérale dans 60 à 81 % des cas3, 5, 6. Anatomiquement, l’uretère ectopique est classé en deux catégories distinctes. D’une part, l’uretère ectopique extramural, qui ne possède aucun rapport anatomique avec la vessie et la court-circuite intégralement. Celui-ci s’abouche directement au niveau de l’urètre, de l’utérus ou encore du vagin. D’autre part, l’uretère ectopique intramural qui est en contact avec la face dorsale ou dorso-latérale de la vessie mais ne s’abouche pas en position physiologique, au niveau du trigone vésical. L’uretère suit alors un tunnel dans la sous-muqueuse vésicale pour s’ouvrir au niveau du col de la vessie, de l’urètre ou du vagin. Celuici se retrouve dans plus de 75 % des cas décrits1, 3. Examen clinique Une incontinence urinaire continue ou intermittente, souvent en goutte-à-goutte, depuis la naissance ou le sevrage est un des symptômes les plus évocateurs d’un uretère ectopique. Néanmoins, cette malformation congénitale ne doit pas être écartée du diagnostic différentiel d’apparition d’incontinence urinaire chez des animaux plus âgés, plus particulièrement chez le chien mâle. L’incontinence peut être liée et/ou exacerbée lors de changement de position, notamment en position couchée ou encore en cas de stress important1. Certaines phases de miction normale en quantité et fréquence peuvent être évoquées par le propriétaire. L’examen clinique est le plus souvent dans les normes physiologiques à l’exception de l’aspect extérieur de l’arrière-train de l’animal. Les poils de la région périvulvaire chez la femelle ou préputiale chez le mâle peuvent apparaître souillés par l’urine, entraînant parfois une dermatite secondaire localisée ou à l’extrême des lésions ulcératives secondaires1. Diagnostic différentiel L’incontinence urinaire est la conséquence d’une anomalie fonctionnelle ou structurale du tractus urinaire tels une cystite entraînant une PU/PD, des urolithiases, un uretère ectopique, une incompétence primaire du sphincter urétral, une déficience neurologique ou encore un processus tumoral. Chez le jeune, l’hypoplasie vésicale et N°326 du 3 au 9 avril 2014 18 N 326-EXE_Mise en page 1 27/03/14 17:46 Page19 Chien la persistance du canal de l’Ouraque sont des causes d’incontinence urinaire à ne pas exclure7. Les pertes urinaires que peuvent décrire les propriétaires sont d’origine comportementale comme la malpropreté ou le marquage, ou liées au stress ou à une phase d'excitation intense. Examens complémentaires Bilan sanguin Les résultats du bilan sanguin sont normaux dans la plupart des cas, tant au niveau hématologique que biochimique, exception faite des cas pour lesquels une anomalie du tractus urinaire est associée, ce qui diminue la fonction rénale. Une leucocytose en cas d’infection urinaire ou des valeurs d’urémie et créatininémie augmentées en cas d’hydronéphrose peuvent être détectées. Analyse urinaire Une analyse biochimique et un examen cytobactériologique sont réalisés sur un prélèvement d’urine par cystocentèse. Cet examen est nécessaire afin d’exclure certaines affections du tractus urinaire. En effet, une infection urinaire est rapportée dans 56 à 83 % des cas d’ectopie urétrale, dont l’origine serait un reflux de l’urine de l’urètre ou du vagin jusqu’à la vessie3, 5. d’obtenir une vessie suffisamment distendue pour l’examen, de déplacer la vessie pour éviter la superposition avec le côlon mais également de visualiser de façon claire les jonctions urétéro-vésicales. L’urétrographie rétrograde s’effectue par la cathétérisation de l’urètre et l’injection d’un produit de contraste. L’interprétation de cette technique est perturbée par la présence du cathéter dans la lumière urétrale. La vagino-cystographie rétrograde s’effectue par le placement d’une sonde de Foley de taille importante à l’entrée du vestibule, la fermeture hermétique de la vulve en arrière du ballonnet suivie de l’injection rapide de produit de contraste par la sonde. Les clichés radiographiques qui en découlent permettent de visualiser l’urètre et la position de la vessie. En cas d’uretère ectopique, l’abouchement de l’uretère au niveau du vagin ou de l’urètre distal est ainsi mis en évidence. La radiographie sans préparation permet essentiellement d’évaluer la taille et la position des reins et de la vessie, mais également de mettre en évidence d’éventuelles urolithiases radio-opaques. 1 Radiographie montrant une vessie intrapelvienne chez un jeune chien présenté pour uretère ectopique. Le pronostic est plus réservé. 2 © C. Poncet, J.-F. Boursier L’urographie intraveineuse fournit des informations sur la taille et le trajet des uretères, la localisation des orifices urétéraux et permet de mettre en évidence d’éventuelles anomalies urinaires concomitantes. En effet, 69,7 % des cas d’uretère ectopique présentent une ou plusieurs anomalies supplémentaires du tractus urinaire, dont la plus fréquente est la dilatation urétérale2. Cette dilatation se retrouve plus fréquemment lors d’uretère ectopique intramural dont l’origine pourrait être un renflement, jouant le rôle de valve, créé par la muqueuse et la sous-muqueuse au niveau du tunnel de l’uretère ectopique1. L’infection urinaire et les effets inhibiteurs des endotoxines sur le péristaltisme qui en découlent ne peuvent pas être exclus pour justifier la distension urétérale. L’urographie intraveineuse doit impérativement être couplée à une pneumo-cystographie, qui permet © C. Poncet, J.-F. Boursier Examens radiographiques L’examen radiographique est principalement réalisé avec préparation dans le diagnostic de l’uretère ectopique. Parmi les techniques utilisées se trouvent l’urographie intraveineuse, l'urétrographie rétrograde ou encore la vagino-cystographie rétrograde. Urographie intraveineuse chez une chienne présentant un uretère ectopique gauche intramural. Noter le trajet de l’uretère longeant anormalement l’urètre en aval du trigone vésical. N°326 du 3 au 9 avril 2014 19 N 326-EXE_Mise en page 1 27/03/14 17:46 Page20 Chien CONGRÈS Si cet examen ne permet pas toujours un diagnostic précis dans tous les cas, il peut en revanche se réaliser sans anesthésie générale et il permet d’identifier les anomalies de l’appareil urinaire associées à l’uretère ectopique. Examen tomodensitométrique L’utilisation de l’imagerie en coupe, et notamment l’examen de tomodensitométrie (scanner), est considérée comme sensible et spécifique en médecine humaine pour le diagnostic des uretères ectopiques8. Cette technique peut être considérée comme examen de choix par sa capacité à fournir une visualisation complète du tractus urinaire de façon rapide et non-invasive, notamment lorsque l’examen est réalisé avant et après injection de produit de contraste8. Dans une étude, cet examen a apporté un résultat positif dans 94 % des cas8. L’examen post-contraste peut débuter 5 minutes après l’injection du produit de contraste par voie intraveineuse, et cette injection permet un examen de qualité pendant les 15 minutes suivantes8. Vagino-urétroscopie L’examen endoscopique offre une visualisation directe du bas appareil urinaire et apporte une amélioration considérable des possibilités de diagnostic de l’uretère ectopique et des anomalies congénitales associées. Cet examen permet de visualiser directement la lumière vésicale, de repérer les orifices urétéraux et déterminer si ceux-ci sont présents au niveau de leur emplacement anatomique physiologique. Cependant, l’absence de mise en évidence d’un ou des deux orifices urétéraux au niveau de la vessie, même s'il est suggestif, ne permet pas systématiquement de diagnostiquer un uretère ectopique. En effet, sous la pression exercée au © C. Poncet, J.-F. Boursier Examen échographique L’examen échographique permet le diagnostic de l’uretère ectopique et ce sans avoir recours à une anesthésie générale. S’il peut aisément remplacer les examens radiographiques avec produit de contraste, il nécessite en revanche une grande expertise en ce domaine. Les jonctions urétérovésicales apparaissent convexes sur la partie dorsale de la muqueuse vésicale et sont visualisables chez les animaux dont la vessie est en position physiologique. Fréquemment, lorsque la vessie est positionnée en région intrapelvienne, l’examen échographique est rendu difficile. Le passage de liquide au niveau de la jonction urétéro-vésicale est visualisé lorsqu’une différence de densité existe entre l’urine provenant des uretères et le liquide présent dans la vessie. Cette situation est obtenue en vidant préalablement la vessie et en la remplissant de sérum physiologique stérile. niveau de l’urètre et de la vessie, notamment par l’insufflation de fluide lors de la fibroscopie, les tunnels urétéraux peuvent se collaber et ainsi ne pas être visibles. Ceci implique de repérer les uretères ectopiques par un examen minutieux de l’entièreté de la vessie et de l’urètre même si les orifices urétéraux ne sont pas visibles à leur position physiologique. Cet examen reste un examen de choix chez la femelle pour le diagnostic des uretères ectopiques et la détection d’anomalies associées au niveau de l’appareil reproducteur. 3 Urétrovaginoscopie montrant l’abouchement anormal de l’uretère en marge du méat urétral. © C. Poncet, J.-F. Boursier Les examens radiographiques avec produits de contraste sont de moins en moins utilisés avec l’apparition des moyens d’imagerie décrits ci-dessous. 4 Urétrovaginoscopie chez une chienne présentée pour incontinence urinaire et suspicion d'uretère ectopique. Notez l'abouchement anormal de l'uretère en aval du trigone vésical. Évaluation urodynamique Une évaluation urodynamique, par un profil de la pression urétrale (UPP) ou par un cystométrogramme, met en évidence une éventuelle anomalie fonctionnelle de la vessie ou de l’urètre. Ces tests indiquent les pressions mesurées à l’intérieur des organes concernés. Le résultat de cette évaluation aide à l’évaluation du pronostic d’arrêt de l’incontinence urinaire postopératoire. Traitement Le traitement de l’uretère ectopique est exclusivement chirurgical et consiste à replacer l’uretère distal au niveau du trigone vésical, dans sa position anatomique physiologique. La technique chirurgicale varie selon le type d’uretère ectopique auquel le chirurgien doit faire face. N°326 du 3 au 9 avril 2014 20 N 326-EXE_Mise en page 1 27/03/14 17:46 Page22 CONGRÈS Comme avant toute intervention chirurgicale, la déshydratation ou les désordres électrolytiques doivent être corrigés en cas d’anomalie. Les examens complémentaires tels le bilan sanguin et l’analyse urinaire permettent d’évaluer la fonction rénale et la présence d’une éventuelle infection urinaire. Dans ce cas, une antibiothérapie adaptée est nécessaire. Outre le bilan sanguin, l’examen échographique permet d’évaluer l’état des reins. Pendant l’intervention chirurgicale, le tractus urinaire est inspecté dans son ensemble avant toute modification du positionnement des uretères. Uretère ectopique intramural Lors du traitement chirurgical d’un uretère ectopique intramural, le chirurgien réalise une néourétérostomie. Une cystotomie ventrale et l’urétrostomie permettent la visualisation de l’orifice urétéral. Après cathétérisation de l’uretère depuis l’orifice ectopique, l’uretère est disséqué pour être séparé de l’épaisseur de la vessie sur toute la longueur du tunnel sous-muqueux jusqu’au niveau présumé du trigone vésical. Les muqueuses urétérale et vésicale sont alors appositionnées à l’aide de points simples. Selon la technique chirurgicale choisie, la partie distale restante de l’uretère est ensuite ligaturée ou disséquée. Plusieurs études décrivent des résultats contradictoires sur l’amélioration de l’incontinence urinaire post-chirurgicale avec telle ou telle méthode1, 3. © C. Poncet, J.-F. Boursier Uretère ectopique extramural L’uretère ectopique extramural est ligaturé dans sa portion la plus distale puis sectionné en amont de la ligature. L’uretère distal ainsi détaché de son abouchement ectopique est manipulé pour être réimplanté au niveau du trigone vésical ou du corps de la vessie par une néourétérocystotomie. En effet, après une cystotomie ventrale, une incision légèrement oblique de la muqueuse vésicale jusqu’à la paroi de la vessie, en partie dorsale de celle-ci et crânialement au trigone vésical, permet d’introduire une pince à travers l’orifice créé et ainsi de récupérer l’extrémité libre de l’uretère préalablement sectionné. Celui-ci est ensuite introduit à l’intérieur de la vessie après avoir cheminé dans l’épaisseur de la paroi. Une légère incision est effectuée sur l’uretère permettant la formation d’un orifice circulaire net. Les muqueuses urétérales et vésicales sont appositionnées par des points simples1. 5 © C. Poncet, J.-F. Boursier 7 6 Vue chirurgicale chez la même chienne après dissection des parties intramurales de chaque uretère ectopique et réalisation d’une néourétérostomie. © C. Poncet, J.-F. Boursier Vue chirurgicale chez une chienne présentant un uretère ectopique intramural bilatéral. Noter la présence de la pince DeBakey permettant de tunneliser la partie intramurale de l’uretère ectopique gauche. Vue peropératoire d’une néourétérocystotomie. Notez la présence d’un écarteur spécifique permettant d’améliorer le confort opératoire. Autres techniques De nouvelles techniques ont été récemment développées pour le traitement chirurgical de l’uretère ectopique. L’intervention assistée par cystoscopie en fait partie. La dissection de la paroi commune séparant la partie distale ectopique de l’uretère et la vessie ou l’urètre est effectuée à l’aide d’une diode laser. Un guide peut être introduit dans l’uretère afin de protéger les parois dorsale et latérale de celui-ci pendant la dissection3. Complications La persistance de l’incontinence urinaire se retrouve fréquemment après une intervention chirurgicale pour corriger un uretère ectopique. Certains cas sont traités avec succès grâce à l’utilisation de médicaments alpha-adrénergiques comme la phénylpropanolamine3, 6. N°326 du 3 au 9 avril 2014 22 N 326-EXE_Mise en page 1 28/03/14 09:32 Page23 Chien Ce traitement est adéquat lorsqu’une insuffisance du sphincter urétral est associée à l’uretère ectopique. En effet, l’incontinence primaire du sphincter urétral est une des principales anomalies urogénitales associées à l’uretère ectopique6. Une étude plus récente sur 43 chiens montre que 72 % d’entre eux sont devenus continents suite à une néourétérostomie et/ou une urétéronéocystotomie, sans traitement médical supplémentaire6. L’évaluation globale du patient permet de connaître ou de prévenir certaines causes favorisant l’incontinence urinaire, d’évoquer les complications potentielles à venir et ainsi d'orienter le pronostic. L’évaluation de l’UPP peut par exemple mettre en évidence une anomalie fonctionnelle ou structurale de l’urètre qui provoquerait la persistance de l’incontinence urinaire même après correction chirurgicale de l’uretère ectopique1. n Les contrôles post-chirurgicaux lors de traitement d’uretère ectopique indiquent souvent la présence d’une hydronéphrose ou d’une dilatation de l’uretère. Ces anomalies apparaissent à la suite d’une obstruction totale ou partielle de l’orifice urétérovésiculaire nouvellement créé, due à une lésion au niveau des tissus, à un œdème de la muqueuse, à un caillot sanguin ou à un rétrécissement de l’orifice3. Parfois, ces complications sont présentes avant même l’intervention chirurgicale et persistent après celle-ci. Le traitement chirurgical diminue l’hydronéphrose ou l’hydrouretère mais ne permet pas de résoudre complètement l’anomalie. La persistance d’une vessie en position intrapelvienne entraîne également une incontinence urinaire6. Bibliographie 1. 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