La mort d`un géant

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La mort d`un géant
ALAIN LANSAMAN. --L'ancien rugbyman d'Hagetmau est mort hier à l'âge de 54 ans.
Hommage unanime du monde d'ovalie au « lion de Chalosse »
La mort d'un géant
:Lionel Niedzwiecki
Le « lion de Chalosse » est mort. Emporté par la
maladie contre laquelle il luttait depuis de longs
mois. Alain Lansaman, le rugbyman emblématique
d'Hagetmau, le troisième ligne « phénomène » qui
marqua l'histoire du rugby français sans jamais
devenir international, s'est éteint hier après-midi à
l'âge de 54 ans.
Retracer la carrière sportive d'Alain Lansaman relève
de la gageure. Joueur d'exception, il eut un
parcours d'exception. Comme basketteur d'abord.
A Momuy, le berceau familial. Avec ses frères, Serge,
l'actuel maire d'Hagetmau, Max, Francis et Bernard.
La fratrie forma le cinq majeur d'une équipe qui
devint en 1975 championne de Promotion
d'Aquitaine. Déjà, Alain était le plus doué.
A l'âge de 14 ans, il est repéré par les instances
fédérales du basket. Il remporte le critérium du jeune
basketteur en Aquitaine et termine dans les dix
premiers au plan national. Alain Lansaman, en pur
Chalossais, reste fidèle à la balle orange quand il
embrasse une autre carrière, encore plus éclatante,
sur les terrains de rugby. « Il jouait le samedi soir à
Soustons avec le club de basket de Momuy et le
dimanche au rugby à Périgueux », se souvient son
frère Serge.
Alain Lansaman. Phénomène de
troisième ligne, qui aura marqué son
époque et sera resté fidèle au club
d'Hagetmau
PHOTO JEAN-LOUIS TASTET
Phénomène. Décembre 1989. Le club de rugby d'Hagetmau reçoit Toulon en championnat
de France de Première Division. A 37 ans, Alain Lansaman est le doyen du championnat.
Dans le monde d'ovalie, on le considère depuis longtemps comme un phénomène de ce
jeu. Un troisième ligne aile redoutable, dur au contact, dur au mal. Un roc, qui allie la
puissance et l'adresse balle en main. Un troisième ligne de choc qui met régulièrement la
tête où un type prudent hésiterait à placer un orteil. En cet après-midi de décembre 1989,
même Daniel Herrero n'en revient pas : « Je ne le connaissais pas. Je croyais que c'était un
vicieux. En fait, c'est un type propre et un sacré joueur. »
Le sacré joueur a débuté en équipe première au SA Hagetmau à l'âge de 17 ans. Il restera
toujours fidèle au club de ses débuts avec lequel il remporta trois titres de champions de
France de Fédérale puis de Groupe B, avec des passages dans l'élite sous la férule du
président Jacques Lotterie. « Dax, Mont-de-Marsan, le grand Lourdes, tout le monde le
voulait, se souvient Pierre Alabaladejo. Il aurait pu atteindre les sommets. »
Jamais international. Sélectionné en France B, avec l'équipe de Côte Basque et les
Barbarians (1982 en Argentine et 1988 contre les Maoris), Alain Lansaman n'a jamais connu la
grande équipe de France. En 1981, quand Hagetmau accède pour la première fois en élite,
la France du rugby découvre ce troisième ligne hors norme. Mais les sélectionneurs estiment
qu'il est déjà trop vieux pour postuler au Quinze tricolore. « Pour être sélectionné, dira-t-il plus
tard, il aurait fallu que je joue contre les sélectionneurs eux-mêmes. »
Après vingt ans de bons et loyaux services à Hagetmau, Alain Lansaman rejoint les sangliers
de Tursan d'Aire-sur-l'Adour où il cumule les fonctions d'entraîneur-joueur (il reviendra à
Hagetmau comme entraîneur). L'Avenir Aturin organise une grande fête pour ses 40 ans. Ce
jour-là, Alain Lansaman reçoit des mains de Pascal Ondarts et Henri Gaye, les deux piliers de
la fameuse sélection de Côte Basque opposée aux Blacks en 1986, un maillot de l'équipe de
France. Une tunique que le « lion de Chalosse » aurait mérité de porter au moins une fois.
Extrait de http://www.sudouest.com du 16/07/2006
Les réactions
Serge Lansaman.
« C'est une perte immense pour toute notre famille, qui a fait bloc autour d'Alain et une
grande douleur. Jusqu'au bout, Alain aura été d'un courage exemplaire. C'est aussi une
perte pour la ville d'Hagetmau dont il était le responsable des services techniques. Il était
dans la vie et dans son travail comme sur les terrains de sport : d'une volonté et d'une
générosité de tous les instants.
Alain Castagnet.
Je perds plus qu'un ami, un frère. Tout a été dit sur la carrière du joueur. Je voudrais souligner
aujourd'hui les qualités de l'homme. Peu de gens l'ont vraiment connu. Un coeur énorme, une
loyauté sans faille et un courage de tous les instants.
Patrick Nadal.
« Alain Lansaman a été un joueur énorme, très fort, avec un tempérament de fer et des
qualités morales hors du commun. Tous les clubs de France le voulaient. Tout simplement
parce qu'il était exceptionnel. Parce qu'Alain, c'était du très haut de gamme. Sur le terrain et
dans la vie. Je me souviens ainsi, lorsque j'ai eu des problèmes de santé et alors même que
les siens étaient plus graves, il m'a appelé pour me donner du courage. Cela m'a
énormément touché. »
André Boniface.
« Cette disparition me touche beaucoup et j'ai une pensée pour sa famille et aussi pour ses
frères. Il semblait être un roc. Malheureusement, il y a des choses plus fortes... J'ai un grand
regret, celui de ne l'avoir pas fait signer à Mont-de-Marsan. C'était un homme de la terre,
avec les valeurs qui vont avec. C'était un pur, un homme pas bavard, qui ne se permettait
aucune familiarité et qui se mettait simplement en valeur une fois que l'arbitre avait sifflé le
coup d'envoi. C'était un joueur d'exception comme l'ont été Dauga ou Rodriguez. Au fond, il
a peut-être été trop régulier dans la vie. Je veux dire par là qu'il pensait qu'il trahirait
Hagetmau s'il partait... Mais enfin, ça a été son choix et il faut le respecter. »
Pierre Albaladéjo.
« Je suis convaincu que, rugbystiquement parlant, il aurait pu atteindre les sommets. Je me
souviens une fois d'un match à Dax, entre une sélection de Landes-Côte Basque dans
laquelle il jouait et une sélection galloise. Le grand arrière Williams me demande après le
match : "Mais qui c'est ce type ?" Je lui dit que c'est un joueur formidable. Et Williams, très
admiratif, me dit : "Mais pourquoi il n'est pas international ?" C'est vrai qu'il aurait mérité trente
ou quarante sélections. C'était un combattant, il n'avait peur de rien. Ceux qui l'ont joué
savent ce que je veux dire. »

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