Mano et autres contes

Transcription

Mano et autres contes
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Le mariage de la
lune et du soleil…
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Conte sur l’éclipse totale du soleil du 26 février 1998 en
Guadeloupe.
Le soleil était amoureux de la lune, il l’aimait à la folie. Tous
les jours il lui faisait des clins d’œil. A chaque fois qu’il se couchait sur la mer, il lui adressait un dernier clin d’œil et le ciel
s’illuminait tel un brasier. Les nuages prenaient les teintes bleues,
vertes, jaunes, oranges, rouges ; c’était féerique. De la mer, devenue argentée, sortait une multitude de poissons volants.
Krik !
La lune était une belle chabine dorée, elle se fardait de poudre
rose, elle était potelée comme une tomate et, ma parole, elle soignait son look. Nouvelle lune, nouvelle toilette, chaussures à
talons. Dans sa démarche chaloupée, son arrière-train semblait
dire :
Mi ta-w, mi tan-mwen / un pour toi, l’autre pour moi
Un quartier, deux quartiers / premier quartier, dernier quartier.
A la pleine lune, lorsqu’elle mettait son maillot de bain, le
soleil devenait fou.
Krik !
Ils étaient amoureux l’un de l’autre. Certaines fois, la lune se
levait dès 16 heures, pour lui faire un petit signe. D’autres fois,
elle s’attardait jusqu’à 7 heures du matin pour écouter la chanson
d’amour de son préféré.
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Madmoiselle je vous aime
pou nou mayé pou nou pa janm lésé
Ti Doudou mwen enmé-w
pou nou viv ansanm pou nou pa janm kité
Ne pouvant plus se retenir, le soleil déclara :
— Je n’ai pas le courage d’attendre les fiançailles, prépare-toi,
on se marie dans peu de temps.
Le jour du mariage, la lune s’était parée de chemises, de combinaisons, de jupons à dentelles et d’une grande robe à corps qui
balayait le sol. Le soleil quant à lui était vêtu d’un costume en
zéfal d’un jaune éclatant.
Ce jour-là, c’est le bon Dieu qui officiait en tant que maire et
prêtre à la fois. A la fin de la cérémonie, il leur dit :
— Maintenant je vous déclare mari et femme vous pouvez
vous embrasser.
A cet instant, la lune ne se sentit pas de joie et enveloppa le
soleil dans sa grande robe à corps sous un baiser sonnant.
Ce dernier balbutia, hésita, dansa, toussa, mais peine perdue.
Toute une partie de la terre fut plongée dans le noir, noir
comme du goudron, plus noir que le charbon.
Les astronomes appellent ce phénomène « Une éclipse totale
du soleil ».
En effet, elle était vraiment totale. Ce n’était pas la nuit, tout
le monde était surpris. Les grenouilles sont devenues folles, elles
croassèrent à gorge déployée, les roussettes quittèrent leur refuge,
les chauves-souris prirent leur envol, les grillons entamèrent leur
musique, les poules s’endormirent sur la route.
Yé krik !
Trois minutes après, se sentant asphyxié, d’un sursaut, le
soleil essaya de pointer le bout de son nez sous les aisselles de la
lune afin de respirer un bon coup.
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La lumière revint progressivement.
De cette étreinte naquit un fils. Sa mère le trouva tellement
mignon qu’elle le nomma « Vénus, étoile de l’amour ». Elle
n’avait d’yeux que pour lui.
Le soleil était d’un tempérament jaloux, il se fâcha, bouscula
la lune et lui demanda le divorce.
Des dizaines, des centaines d’années ont passé, chacun vécut
de son côté.
Mais, comme dit le poète : « Quand deux êtres s’aiment, ils ne
peuvent pas rester lontemps séparés ». Et c’est ainsi que de temps
en temps, incognito, la lune lui volait un petit baiser ce qui proquait des éclipse partielles, des éclipses annulaires du soleil.
Yé krik !
Il n’y a pas bien lontemps, la lune et le soleil ont pris la décision de se remarier avant l’an 2000. C’était le 11 août 1999. Bien
entendu, cette fois-ci, ils ont pris le temps de se fiancer. Les fiançailles ont eu lieu le 26 février 1998. Pour cet événement, ils ont
choisi un petit coin chaud de la terre, avec une mer bleue et des
gens gais. Ils y ont passé Noël, défilé pendant le carnaval, ont
couru le vidé du mercredi des Cendres en noir et blanc et le lendemain 26 février, vloup ! Noir total durant le grand baiser des
fiançailles.
Yé krik !
Il paraît qu’au moment de l’étreinte, il a fait noir de la
Guadeloupe à l’île d’Antigua.
Malheur à celui qui a osé les espionner sans lunette de protection spéciale.
D’ailleurs, le proverbe dit : « Il arrive toujours un malheur à
celui qui espionne les affaires d’autrui. »
Yé krik !

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