la virginie, terre des cavaliers

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la virginie, terre des cavaliers
L’ART DE VIVRE
TOURISME
PAR DOMINIQUE GAULME (TEXTE) ET RÉMI BENALI POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS)
Les « wild ponies » de Chincoteague,
entre prés-salés, sables mouvants
et îlots. En bas : fifres et tambours
pour une reconstitution de bataille
à Williamsburg.
ÉTATS-UNIS
LA VIRGINIE, TERRE DES CAVALIERS
Première colonie du Nouveau Monde, la Virginie a fêté cette année – en
Balade d’automne au cœur d’un Etat dont l’histoire mêle conquistadores,
présence de la reine Elisabeth – ses quatre cents ans.
Indiens et Cavaliers, ces gentilshommes fidèles à Charles Ier.
L’ART DE VIVRE
TOURISME
Quand le soleil tombe sur les horizons mêlés de terre et d’eau, entre Chincoteague et Assateague.
Vaccination du dernier-né du troupeau de chevaux sauvages, un poulain laineux de 6 semaines.
Une petite maison dans la prairie au creux de la Monongahela National Forest, dans les Appalaches.
Monticello, la plus belle des plantations, chef-d’œuvre
de Thomas Jefferson, inspirée de l’Hôtel de Salm à Paris.
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LE FIGARO MAGAZINE - Samedi 1er décembre 2007
Alors que les chevaux courent le steeple-chase, les
élégantes familles sortent l’argenterie pour le pique-nique.
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L’ART DE VIVRE
TOURISME
belle et simple, construite par un amoureux de la France des
Lumières. L’université de Charlottesville, également œuvre
de Jefferson, a certainement contribué au titre de « ville la
plus agréable à vivre des Etats-Unis » qu’elle a reçu en 2003. C’est
en effet le campus idéal, rêve de tout étudiant ou professeur, en
dehors du fait qu’elle soit la meilleure de l’enseignement public
aux Etats-Unis. William Faulkner, Gertrude Stein, Truman
Capote, Gore Vidal y ont fait leurs études. Une chose est sûre,
ces premiers contreforts des Blue Ridge Mountains sont d’une
beauté absolue. Entre prairies et forêts, d’élégantes mansions
et de jolies fermes, blanches ou rouges, sont blotties au creux
des vallées. Pour compléter ce tableau idyllique, quelques
pur-sang folâtrent non loin, peut-être dans l’attente d’une prochaine chasse au renard. En effet, nos Cavaliers ont apporté
l’amour des jeux de cartes, des cigares, des calèches, de la danse
et, pour satisfaire leur goût pour la chasse à courre – passion
typique des gentilshommes campagnards anglais –, ils ont
importé des renards ! Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre
à la Gold Cup, course hippique dont la réputation aux EtatsUnis se rapproche de celle d’Ascott en Angleterre. Le long du
parcours dans les Great Meadows de Plains, les familles louent
quelques yards de barrière, le long desquelles elles piqueniquent – cristal, champagne et porcelaine fine –, adossées à
leur Land Rover, exception au pays de General Motors, Chrysler et Ford. Pour compléter cette touche d’anglomanie, un
renard empaillé trône souvent sur le capot !
The Inn at Perry Cabin, demeure du XVIIIe siècle, halte délicieuse dans le Maryland, sur la baie de Chesapeake.
D
u fond de l’horizon monte un grondement sourd.
A travers les hautes herbes et les étendues sablonneuses, les premiers wild ponies apparaissent. Certains galopent, crinière au vent, faisant jaillir des
gerbes d’eau salée sous leurs sabots. D’autres flânent vers ce rendez-vous trisannuel avec leurs protecteurs, les pompiers de
Chincoteague. Cette fois, les saltwater cow-boys (cow-boys d’eau
de mer) comme ils sont surnommés les mènent au corral pour
une séance de vaccination. La population de l’île est au rendezvous. Appuyée aux barrières, elle interpelle les chevaux : « Alors
Surfer Dude, toujours le plus beau ? » « Comment va ton front,
Trinity ? » « Garbo, viens me voir, ma belle ! » Chacun porte un
nom car chacun a un propriétaire, quelqu’un qui, pour aider
financièrement les pompiers, l’a acheté aux enchères de juillet,
temps fort de la saison touristique. Certains partent effectivement pour le continent où ils seront dressés, mais la plupart
restent dans cet espace préservé dont ils sont les rois. Ici, face
à l’Atlantique où terre et mer se confondent, on raconte que
ces ponies descendent de montures espagnoles abandonnées à
la fin du XVIe siècle. L’histoire de la Virginie est faite d’anecdotes où se mêlent conquistadores, Indiens powhatans et
Anglais, sir Walter Raleigh et le capitaine John Smith, Pocahontas et les Cavaliers, ces gentilshommes fidèles à Charles Ier
qui débarquèrent à 40 000, sans compter leurs serviteurs,
dans les années 1640, alors que la guerre faisait rage entre les
partisans de Cromwell et ceux de la royauté. Si le Massachu114
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setts garde l’empreinte des premiers colons puritains, les Cavaliers ont marqué profondément la Virginie, Etat fier de son
passé, de ses traditions aristocratiques, de ses maisons coloniales et d’une délicieuse excentricité. Ils ont gardé quelque
chose de leur accent d’origine, celui des comtés du sud et de
l’ouest de l’Angleterre, tout particulièrement sur cet Eastern
Shore (littoral est) du côté de Chincoteague.
L’art de vivre à la virginienne
Pour se rafraîchir la mémoire, ou découvrir ce pan d’histoire,
une visite à Jamestown et Williamsburg s’impose. De ce premier settlement dont on vient de fêter les 400 ans, plus que
les reconstructions du port, du fort et des maisonnettes, on
retiendra le site, magnifique, une péninsule aux anses abritées,
aux forêts majestueuses et aux chemins à parcourir à pied.
Williamsburg, l’ancienne capitale coloniale, est en revanche
l’exemple d’une reconstruction-restauration réussie qui ravira
aussi bien les enfants, enchantés de croiser des dames en robes
à paniers et des hommes en tricorne, que les adultes. Souvenirs du XVIIIe siècle, évocation de l’aube de la République,
on notera que quatre des cinq premiers présidents américains
venaient d’ici et que leurs plantations se visitent : celle de
Washington à Mount Vernon, de Madison à Montpelier, de
Monroe à Ash Lawn-Highland et, bien sûr, la plus belle de
toutes, celle de Jefferson à Monticello. L’art de vivre du Sud
y est à son apogée, dans cette demeure palladienne, à la fois
A côté de cette Virginie aux collines manucurées et aux
chevaux toilettés, il existe la Virginie sauvage, celle des montagnes que l’on découvre de la Skyline Drive, la route qui suit la
crête des Blue Ridge et offre les horizons de Shenandoah et des
Alleghenies. Elle s’étend à la West Virginia, seul Etat issu de la
guerre civile, séparé de la Virginie originelle car ses sympathies
allaient au Nord. Plus pauvre, plus échevelée, elle a le charme
rugueux des boissons fortes, des airs de bluegrass et de Walt
Whitman quand il s’enivre de mots indiens : « Okonee, Koosa,
Ottawa, Monongahela, Sauk, Natchez, Chattahoochee, Kaqueta,
Oronoco, Wabash... » On y croise des pêcheurs à la mouche sur
le Potomac, des cow-boys cool, des joueurs de dulcimers et de
fiddle qui se réunissent au O’Hurley’s General Store, le bazar
de Shepherdstown, la plus ancienne ville de l’Etat, pour une soirée de musique et de cookies faits maison, sous la bannière de
la verte Erin. C’est aussi en West Virginia que Stewart et Kathy
ont installé leur sanctuaire pour ours noirs, un endroit rare,
caché au milieu de la forêt et des montagnes où viennent se faire
câliner les plantigrades. Il y a là Bruno, le plus gros et le plus
tendre, qui vient gratter la moustiquaire au petit jour, pour
terminer sa nuit le nez sur la descente de lit, Ugly qui barbote
dans le bassin en contrebas et les autres qui prennent le raccourci par la terrasse... Stewart et Kathy, deux Sud-Africains, font
de leur mieux pour les protéger, mais ont beaucoup de mal dans
cet Etat où un bon ours noir est forcément transformé en descente de lit ou en trophée ! ■
L’ART DE VIVRE
TOURISME
CARNET DE BORD
Y ALLER
United Airlines
(0.810.72.72.72 ; www.united.fr)
opère un vol quotidien sans escale
vers Washington DC au départ
de Paris. A partir de 485 € hors
frais de service. C’est la seule
compagnie américaine à offrir
3 classes de service sur l’ensemble
de ses vols internationaux : First,
Sandra et ses desserts à la
Wayside Inn de Middletown.
Business et Economy (dont la
zone Economy Plus, avec plus
d’espace pour les jambes). Depuis
octobre 2007, la classe Business
est progressivement reconfigurée,
de sorte que les sièges deviennent
inclinables à 180°.
TOUR-OPÉRATEURS
Jetset Equinoxiales
(01.53.67.13.00 ; www.jetset.to),
l’un des meilleurs spécialistes
de la destination, propose séjours
à la carte et circuits individuels
en voiture. A noter par exemple
l’itinéraire « Histoire en capitales »,
11 jours/9 nuits, qui permet une
bonne approche de la région
au départ de Washington DC
avec découverte de la Virginie
et du Maryland. A partir de
1 360 € par personne base
double, comprenant vol United
Airlines taxes incluses, location
de voiture Alamo en formule
Gold, 9 nuits d’hôtel, un carnet
de bord personnalisé. Il est
possible d’ajouter des étapes
(par exemple en West Virginia)
à l’itinéraire de base.
De même, tous les hôtels cités
dans l’article peuvent être
réservés à la carte chez Jetset.
Et aussi : Comptoir des Etats-Unis
(0.892.239.339 ; www.comptoir.fr)
et Compagnies du Monde
(01.55.35.33.55 ;
www.compagniesdumonde.com).
HÔTELS
Williamsburg Lodge
(00.1.757.220.7976.800 ;
www.colonialwilliamsburg.com),
créé, comme Williamsburg Inn,
par John D. Rockefeller. Refait à
neuf, il est idéalement placé pour
visiter la ville à pied. 95 € par
personne et par nuit, base double.
Clifton Inn (00.1.434.971.1800 ;
www.cliftoninn.net), ancienne
demeure de la famille Jefferson,
est un délicieux Relais & Châteaux
à côté de Charlottesville. Intime,
élégant, c’est également une table
qui ravira les gourmets.
Le personnel est aux petits soins.
De 100 à 210 € par personne et
par nuit, base double. Wayside
Inn (00.1.540.869.1797 ;
www.alongthewayside.com), la plus
ancienne auberge toujours
en activité aux Etats-Unis, une
adresse très sympathique dans
la Shenandoah Valley. A partir
de 55 E par personne et par nuit,
base double. Wildernest Inn
(00.1.304.257.9076 ;
www.wildernestinn.com) : si vous
voulez voir les ours et les prendre
en photo, arrivez vers 16 h. Ils
viennent à l’heure du thé batifoler
avec Stewart et Kathy ! A part ça,
Pour les dîners privés, mariages ou anniversaires,
Clifton Inn ouvre sa cave pour un repas aux chandelles.
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Clifton Inn, joli Relais & Châteaux des environs de
Charlottesville ayant appartenu à la famille de Jefferson.
l’endroit est parfait pour oublier
le monde et ses tracas.
A partir de 70 € la chambre.
Thomas Shepherd Inn
(00.1.304.876.3715 ;
www.thomasshepherdinn.com),
pour découvrir Shepherdstown,
charmante petite ville où viennent
vivre de plus en plus de
Washingtoniens. A partir de 84 €.
Hotel Helix (00.1.202.462.9001 ;
www.hotelhelix.com), à
Washington DC, ce que l’on fait
de plus trendy et bruyant, pour
ceux qui détestent la nature et le
silence. De 75 à 122 € par
personne et par nuit, base double.
NOTRE COUP DE CŒUR
The Inn at Perry Cabin
(00.1.410.745.2200 ;
www.perrycabin.com), l’une des
plus charmantes adresses des
Etats-Unis, cet hôtel Orient
Express est installé dans une très
belle demeure construite au début
du XIXe siècle au bord de la baie
de Chesapeake, dans le pittoresque
village géorgien de Saint Michaels
(MD), port de pêche célèbre pour
ses skipjacks (bateaux à voile),
ses huîtres et ses crabes. Le matin,
lorsque le soleil se lève, des
grandes portes-fenêtres blanches
qui ouvrent sur d’impeccables
pelouses descendant jusqu’au
bord de l’eau, on voit les hérons
voler au-dessus des bras de mer
et des îlots herbus. La cuisine
est simplement délicieuse,
commencez par les crab cakes,
la spécialité locale. Autre délice,
le Linden Spa, avec des soins
relaxants et détoxifiants à base
de plantes. 182 € par personne
et par nuit, base double.
LE BÉMOL
Bien que l’ours noir soit l’emblème
de la Virginie-Occidentale,
tous les prétextes sont bons
pour le tuer en toute bonne
conscience ! Ici, un grand-père
se félicite que sa petite-fille tue
son premier ours à 5 ans
seulement.
QUE RAPPORTER ?
Leurres magnifiques à
Chincoteague, chez Decoys
by Roe Terry, « the Duc-Man »
(5191 Main Street ; 757.336.5758).
Du vin et des produits du Kluge
Estate (100 Grand Cru Drive
Charlottesville) : un délicieux
sparkling apprécié à la MaisonBlanche et le New World Red.
Sans parler de confitures
à se damner. A Shepherdstown :
sur German Street, plein
de boutiques intéressantes.
Chez Devonshire (113 Princess
Street) les produits Caswell-Massey,
le plus ancien parfumeur
américain, dont les savons
de Washington, Eisenhower et
Kennedy (16 € les 3). Et, bien sûr,
O’Hurley General Store,
paradis des curieux, où trouver
des CD formidables et bavarder
avec Jay, un personnage.
QUE LIRE ?
Pas de guide en France. Sur place :
Virginia, de K. M. Kostyal, chez
Fodor’s, et Chesapeake Bay, de
Joanne Miller, chez Moon
Handbooks. ■
D. G.
OLIVIER CAILLEAU
UTILE
Informations sur la région
Washington DC-VirginieMaryland : www.capitalregion.org