fiche 210219
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PROCEDURE CONTRE FRANCOIS DU BOUILLY Catégorie 21 Sous-catégorie 02 Numéro 19 Procès-verbaux et compte-rendu médicaux Date : 1718 Contexte de l’affaire En 1718, pour des raisons inconnues, tous les biens de François du Bouilly, marquis de Resnon avaient été saisis, les fermages de Bonabry et les métairies étaient mises en adjudication. Ce qui rendit furieux Jean-François du Bouilly, frère du marquis, qu’on appelait le comte d’Obtaire, et qui demeurait à Carbien. Il ne manqua pas de molester un archer de la Maréchaussée dans le bourg de Lamballe et quand il apprit que le commissaire aux saisies était dans une auberge du bourg d’Hillion pour procéder aux adjudications, il fit cerner l’auberge avec des acolytes armés et menaça le commissaire avec son pistolet. Avec un personnage déjà mentionné dans l’affaire Le Hérissé vue plus haut, René Hamon dit « la sonde », ils pourchassèrent le commissaire et un dragon du Roy qui l’accompagnait et les molestèrent et blessèrent assez gravement le dragon du Roy Jean Baptiste Bouquet. Première fiche : procès-verbaux et avis médicaux Documents originaux Transcription des documents 8 juin 1718 A messieurs les Juges de la juridiction de Lamballe, duché pairie de France Supplient humblement Me Charles Glé (1), l’un des procureurs de cette juridiction en faisant les fonctions de commissaire aux saisies réelles, et Jean Baptiste Bouquet (7), sieur de SaintGermain dragon du Roy à présent en quartier et garnison à Lamballe travaillant en qualité d’écrivain chez le dit Glé Disant que lundi, sixième de ce mois le dit Glé ayant affaire au bourg de Hillion le dit Bouquet lui marqua avoir envie d’y aller pour voir la mer, de quoi ayant la permission de Monsieur de Ste Claire, son capitaine, ils se transportèrent de compagnie avec lesquels écuyers Le Normand, sieur de la Rue(9), fit le voyage pour quelques affaires qu’il y avait. Les suppliants ayant entendu la grande messe au même lieu, à la sortie d’icelle Glé, ayant fait rencontre su sieur de la Roselais Guillemot(8) le pria de dîner avec lui à l’auberge, étant entré, il survint un prêtre appelé Mr Chaplain qui resta quelques temps avec eux pendant lequel temps le sieur d’Obtaire du Bouilly(6) entra dans la même auberge avec plusieurs gens armés d’armes à feu, et plusieurs autres gens par lui attitrés avec des massues et des bâtons ferrés qu’il fit disposer dans le jardin et autour de la même auberge, ensuite fit demander si le nommé Le Chevalier, administrateur du bail des biens saisis sur le Sieur de Resnon, son frère n’était pas dans l’auberge ou l’hôtel . par le commandement du dit sieur d’Obtaire ayant demandé au dit Glé s’il s’appelait Le Chevallier et s’il était l’administrateur des biens saisis sur le sieur de Resnon, que le sieur d’Obtaire était fort en colère, et qu’il voulait lui parler, à quoi le suppliant répondit que non, qu’il s’appelait des Portes Glé, qu’il n’était point administrateur des biens saisis, mais commissaires aux saisies réelles (b). Cette réponse portée au sieur d’Obtaire il demanda qu’on fit descendre le suppliant lequel aussitôt descendit et le sieur d’Obtaire lui ayant demandé s’il était venu pour faire des fermes avec les métayers des biens saisis sur le sieur de Resnon (10), son frère à quoi le suppliant répondit que non et qu’il n’avait pas caractère de le faire, ensuite le même sieur d’Obtaire fit plusieurs menaces allant contre l’administrateur que contre le suppliant de les faire battre et assommer lequel obligea le suppliant de monter dans la chambre Auparavant d’entrer plus avant dans le détail de l’assassinat prémédité que fit le sieur d’Obtaire aux suppliants il est à remarquer que lorsqu’ils entrèrent dans leur auberge au bourg de Hillion, il ne se trouva nulle clavière (a) sur la porte de la chambre où ils étaient, ce qui fit que le suppliant ne voulut confier ses armes dans cette chambre ni à la volonté de l’hôte (2) qu’il ne connaissait point, mais retenu sur lui ses pistolets, c'est-à-dire en ayant prié le sieur de Saint-Germain de se vouloir charger de l’autre, les deux l’incommodant. Le sieur d’Obtaire soit qu’il confondit ou ne sait pas la différence de commissaire aux saisies réelles à administrateur d’un bail lequel il protestait de tuer chercha tous les moyens d’assassiner les suppliants et les faire assommer. En effet, Glé étant allé à l’écurie de l’auberge pour faire donner l’avoine à ses chevaux afin de quitter ce lieu, étant averti par le sieur de la Rue, Le Normand qui a la prière du sieur d’Obtaire avait diné avec lui , et par l’hôtesse (3) et une autre femme qui les servait que le sieur d’Obtaire avait rassemblé plusieurs personnes armées pour les faire maltraiter et qu’ils craignaient un malheur. Cet avais n’était que trop mais puisque avant que les chevaux eussent mangés l’avoine le sieur d’Obtaire veut assaillir le suppliant dans l’écurie, et lui arracha son pistolet____ qu’il avait mis dans sa poche, le lui présenta contre l’estomac et l’eut tué sans le sieur de la Rue Le Normand qui lui demanda en grâce de ne pas tuer le suppliant, et en voulant empêcher, le sieur d’Obtaire cria « à moi » aussitôt les paysans qu’il avait placé autour saisirent le suppliant et le voulaient assommer, il en firent la même chose au sieur de St Germain aussi suppliant, les auraient par l’ordre du sieur d’Obtaire assommés sur le lieu sans l’interposition de quelques personnes qui leur donnèrent lieu de s’évader. Enfin ayant trouvé lieu de se retirer dans leur chambre ils s’enfermèrent néanmoins quoi le sieur d’Obtaire monta avec deux pistolets à la main suivi de plusieurs paysans pour les forcer dans leur chambre. Mais ils n’osaient descendre pour s’en aller à cause du sieur d’Obtaire et des paysans qui étaient en bas sans que par un bonheur pour les suppliants, madame des Marais(4) ayant appris ce qui se passait eut la charité de s’intéresser pour leur sauver la vie, et leur obtenir la permission de les laisser s’en retourner. Et le dit Glé demanda la parole du sieur d’Obtaire de ne le point faire charger par les paysans, et d’avoir la liberté de parler au même sieur d’Obtaire ce qui lui ayant été accordé, le dit Glé lui remontra qu’il ne l’avait jamais offensé, ni désobligé, qu’il le suppliait de leur donner la liberté et de lui rendre son pistolet dont il lui montra le sous fourreau n’étant point un pistolet de poche, si vrai qu’ayant été refusé, il fut obligé de mettre un bois dans la place pour tenir son fourreau dans la soute. Le sieur d’Obtaire, pressé par les prières et suppliques de cette dame de considération, sans cependant avoir autre dessein que d’assassiner les suppliants se trouva obligé de feindre de leur donner leur liberté et de les laisser s’en retourner. Pour cet effet, il feignit de quitter le bourg, mais c’était pour mieux tromper un chacun et réussir dans son exécrable dessein qui était d’assassiner les suppliants, puisque aussitôt il revint au bourg et se cacha dans une maison voisine ce que les suppliants ayant appris et craignant que le sieur d’Obtaire ne les eut derechef fait attaquer prièrent le sieur de la Rue Le Normand qui avait diné avec lui et pour lequel il avait des considérations de vouloir aller avec le dit sieur d’Obtaire et le retenir pendant qu’ils monteraient à cheval afin de sortir du bourg et qu’ensuite le sieur de la Rue eut monté à cheval le plus tôt qu’il eut pu, qu’ils ne passeraient pas afin de s’en retourner tous trois ensemble comme ils étaient venus. Mais le suppliant ni son compagnon ne furent pas une demie-lieue que le sieur d’Obtaire assisté d’un insigne scélérat homme de sac et de corde appelé René Hamon dit la Sonde(5) assez connu en ce siège contre lequel il y a plusieurs décrets arrivèrent sur les suppliants à portée de cheval le pistolet à la main et leur levèrent plusieurs coups de pistolets et de fusils sont le sieur d’Obtaire avait armés ce La Sonde et deux autres valets à pied armés de fusils. Enfin le sieur d’Obtaire fut satisfait en partie puisque il a réduit le sieur de St Germain à la dernière extrémité et qu’il est dans un état à ne pouvoir espérer de vie ayant reçu du sieur d’Obtaire, et de son coupe-lacets plusieurs coups de pistolet et de fusils Cependant le sieur d’Obtaire ne fut satisfait qu’en partie puisque par un bonheur très grand Glé ne fut point touché des coups du sieur d’Obtaire et de son complice quoique le sieur d’Obtaire lui en levat plusieurs ce qui obligea le dit Glé de fuir, sur lequel suivant le sieur d’Obtaire tira encore et se flattait, se vantait qu’il l’avait tué et qu’il s’était trainé mourir dans les champs voisins et offrait de l’argent pour l’aller chercher et enterrer dans quelques coins de clos. Le sieur d’Obtaire outre cet assassinat commit encore mille indignités contre le pauvre dragon qui était percé de plusieurs coups de fusils et de pistolets puisque s’étant trainé au bourg de Hillion et ayant demandé un confesseur à peine s’en trouva il en redoutant le sieur d’Obtaire, le même plusieurs assistants voyant cet homme ainsi baigné dans son sang, et accablé de ses blessures disait qu’il eut été de la charité de lui arrêter le sang. A quoi le meurtrier Hamon complice du crime du dit sieur d’Obtaire et qui avait tiré sur l’un et l’autre des suppliants répondit qu’il fallait le mener chez lui et qu’il voulait le guérir entièrement c'est-à-dire l’achever de tuer ou qu’il fallait l’enterrer Ce meurtrier n’eut pas manqué de le faire si quelques personnes qui prenaient pitié de ce pauvre mourant, n’eussent diverti ce La Sonde, et donné lieu au dit St Germain, l’un des suppliants, de se trainer dans une autre maison qui le conduisirent charitablement en cette ville, dans laquelle il est à l’extrémité, et comme tels assassins, violences ne se souffrent à recouvrir à leur charité de notre justice pour requérir Qu’il vous plaise, messieurs permettre aux suppliants de former d’office des faits ci-dessus pour passer de ce et des conclusions de monsieur le procureur d’office dont on requiert l’adhésion, ordonner les décrets, amendes, aumônes, réparations, dommages en quoi qu’il appartiendra et pour avoir preuves permettre de faire publier monitoire , appeler témoins aux lieux requis et faire justice Signé Glé / Bouquet/ Delaunay Vu la requête promise aux suppliants de faire informer d’office du____ coutumier ___ faire rappeler ____ même d’obtenir monitoire de___ dommage, sénéchal de Lamballe en la chambre du conseil ce huit juin mil sept cent dix-huit Signé Plancher Explications des personnages de l'histoire Personnages et mots 1)Charles Glé Sieur des Portes Né le 4 mars 1693 à Créhen fils de Guillaume Glé des Portes et Françoise Huet de la Morinais Marié le 5 juin 1719 à Lamballe avec Pétronille Genty 2)Julien Mahé Né le 7 septembre 1691 à Hillion fils de jean Mahé et Claude Méheut Marié le 11 mai 1715 à Hillion avec Louise Denis Menuisier, puis aubergiste Décédé le 11 juillet 1732 à Yffiniac 3)Louise Denis Née vers 1691 à Hillion Aubergiste Décédée le 25 février 1756 à Yffiniac 4)Anne Hyppolite Gouyon dame des Marais (avant dame de Launay-Comatz) Née vers 1665 à Ploubalay Décédée le 18 septembre 1726 à Hillion Epouse Toussaint Hyacinthe de la Villéon (sieur des aubiers, sieur des marais, sieur de Tanio, chevalier) le 26 juillet 1691 5)René Hamon dit la Sonde Maitre chirurgien Né le 19 septembre 1680 à Maroué fils de Pierre Hamon et Julienne Simon Epouse le 12 juillet 1712 à Hillion dame Hélène Cades, demoiselle du Plessis Déjà noté dans l’affaire Fouesnel-Le Hérissé trois ans plus tôt 6)François du Bouilly, comte d’Optaire Marquis de Resnon, baron d’Yffiniac, seigneur de Bonabry Né le 13 mai 1680 à Hillion , fils de René du Bouilly et Marie Jeanne Le Chevoir Epouse le 2 décembre 1726 Sainte Guillemot de la Roselais Décédé le 22 décembre 1742 à Hillion 7)Jean-François Bouquet Dragon du Roy dans la compagnie de Mr de Ste Clair Peut-être originaire de Pluduno Pas de traces Il semble que le 6 juin 1718, il n’avait pas vraiment l’autorisation du Capitaine pour s’en aller avec Glé. Le capitaine St Cler lui avait envoyé un message ce même jour lui enjoignant de ne pas se méler de quoi que ce soit 8)Louis Guillemot, sieur de la Roselais Né en 1663 père de la future femme de François du Bouilly 9) Louis le Normand sieur de la rue, agé de 19 ans pendant les faits Louis-François le Normand de Lourmel. Périnne Querangal de la Villehery sa femme. 1725. Extrait des registres des baptêmes de l'église paroissiale de Lamballe, évêché de Saint Brieuc, portant que Louis-François fils légitime d'écuyer Louis le Normand et de dame Claude Chappedeleine, sieur et dame des Vaux, naquit le trois d'octobre mil six cent quatre-vingt-dixsept, fut ondoyé par nécessité par écuyer Jacques-Philippe le Normand sieur de Noyal, et reçut le supplément des cérémonies du batême le treize de may mil six cent quatre-vingt-dix-neuf. Cet extrait signé Ruello recteur de Lamballe et légalisé. 10) Jean François du Bouilly, sgr de Resnon né en 1678 à Hillion, chevalier de l’ordre de Jérusalem commandeur du Palacret a)Clavière : serrure b) Commissaire aux saisies réelles : On entend par saisie réelle l'exploit par lequel un huissier mettait un immeuble dans la main de la justice, à la suite d'une décision judiciaire et à la requête d'un créancier ; ce terme d'immeuble désignait non seulement un terrain ou un édifice, mais aussi des rentes foncières ou constituées et des offices. Dans la pratique, le mot de saisie réelle recouvrait toute la procédure faite pour parvenir à la vente en justice, dite décret, de l'immeuble saisi. Par l'édit de février 1626, des offices de commissaires aux saisies réelles avaient été créés dans chaque ville où siégeait une justice royale, pour administrer les immeubles saisis par sentence ou arrêt, c'est-à-dire les affermer, les maintenir en bon état et en percevoir les revenus. Les archives du Bureau des saisies réelles, qui continua à fonctionner auprès des nouveaux tribunaux créés par la Révolution, furent transportées à l'administration des Domaines avant d'être versées en 1857 aux Archives nationales. Documents originaux Transcription Attestation du médecin sur Bouquet 9ème juin 1718 Nous soussigné Jacques LeFranc docteur médecin, conseiller et medecin ordinaire de sa Majesté à Lamballe et dépendances y demeurant faubourg Saint Lazare paroisse de Maroué, François Marbaud et Jean Tauet, maitres chirurgiens jurés royaux à Lamballe et département y demeurant séparément paroisse Notre Dame et St Jean, évêché de St Brieuc certifions et rapportons que la requête de St Germain, dragon de la Compagnie de Monsieur de St Clair pour faire état et procès-verbal des plaies et contusions commises en sa personne à quoi procèdent le docteur Tauet chirurgien traitant nous a fait d’abord lui remarquer le dit St Germain au lit avec fièvre en recherchant la cause nous lui avons d’abord remarqué trois excoriations sur la partie moyenne des ____ côtes avec excoriation sur le thorax côté dextre. De plus nous nous lui avons remarqué une plaie sise sur la partie supérieure de l’ombilic côté gauche pénétrant les cinq téguments de travers de deux poulées obliquement de figure angulaire de plus nous lui avons remarqué une plaie sise sur la partie supérieure et antérieure du fémur de même figure angulaire pénétrant obliquement les chairs de la longueur de deux travers de doigts du côté gauche lesquelles plaies et contusions semblent avoir été faites d’instrument faites d’armes à feu chargées de carreaux pingles, tirés de loin et de près lesquelles plaies doivent être traitées chirurgiquement le temps et espace de cinq semaines sauf les accidents que nous réservons très expressément jusqu’après la suppuration et corrosion des plaies qui surviendra avant la guérison. Tel est notre rapport que nous affirmons véritable et le vérifions lors ou quand requis sera à Lamballe ce neuvième juin et adjugerons lors de la vérification du présent qu’il peut appartenir pour la parfaite guérison ce 9ème juin mil sept cent dix huit. Signé J.Tauet, Jacques LeFranc, François Marbaud (1665-1746) Sources informations Archives nationales séries ZZ Archives départementales série B 610