CE, Sect., 27 janvier 1961, Vannier

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CE, Sect., 27 janvier 1961, Vannier
CE, Sect., 27 janvier 1961, Sieur Vannier
(Rec., p. 60)
(Section. - Req. n° 38. 661. - Mlle Même, rapp. ; M. Kahn, c. du g. ; MMes Ryziger et
Hennuyer, av.).
Requête du sieur Vannier, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté
interministériel en date du 26 avril 1956, allouant une somme de 20.000 francs aux
propriétaires de postes récepteurs de télévision 441 lignes en raison de la cessation
des émissions sur cette définition ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Sur l'intervention du groupement de défense des téléspectateurs 441 lignes :
Considérant que le groupement susmentionné a intérêt à l'annulation de l'arrêté
attaqué ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté déféré au Conseil d'Etat :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le secrétaire
d'Etat à la Présidence du Conseil chargé de l'Information :
Considérant que l'arrêté attaqué, pris le 26 avril 1956 par le ministre des Affaires
économiques et financières, le secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil chargé
de l'Information et le secrétaire d'Etat au Budget, a alloué aux propriétaires d'un
appareil récepteur de télévision 441 lignes déclaré avant le 3 janvier 1956, une
somme de 20.000 francs en raison de la cessation des émissions sur la définition
susmentionnée ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les installations de
l'émetteur 441 lignes de la Tour Eiffel ont été mises hors d'usage par un incendie
survenu le 3 janvier 1956 ; qu'eu égard au délai qui eût été nécessaire pour la
réparation desdites installations, la circonstance que les émissions ont été
interrompues en fait depuis le 3 janvier 1956 jusqu'au 26 avril 1956 ne saurait, en
tout état de cause, être regardée comme constitutive d'une faute de nature à
engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant, d'autre part, que les usagers d'un service public administratif n'ont
aucun droit au maintien de ce service ; qu'il appartient à l'administration de prendre
la décision de mettre fin au fonctionnement d'un tel service lorsqu'elle l'estime
nécessaire, même si un acte réglementaire antérieur a prévu que ce fonctionnement
serait assuré, pendant une durée déterminée, à la condition, toutefois, que la
disposition réglementaire relative à cette durée soit abrogée par une mesure de
même nature émanant de l'autorité administrative compétente ; que, dans ces
conditions, bien que l'article 2 d'un arrêté du secrétaire d'Etat à la Présidence du
Conseil, en date du 21 novembre 1948, ait prescrit le maintien en exploitation
jusqu'au 1er janvier 1958 de l'émetteur à moyenne définition desservant la région
parisienne, le ministre des Affaires économiques et financières, le secrétaire d'Etat
chargé de l'Information et le secrétaire d'Etat au Budget ont légalement décidé le 26
avril 1956, par l'arrêté attaqué, la cessation des émissions du poste susmentionné,
avant l'arrivée du terme fixé par l'arrêté antérieur précité ; que, par suite, en édictant
cette mesure, ils n'ont pas commis une faute de nature à engager la responsabilité
de l'Etat ;
Considérant, enfin, qu'il est constant que le préjudice subi par les propriétaires
d'appareils récepteurs de télévision 441 lignes du fait de la décision légalement prise
par les ministres intéressés, à supposer qu'il ait été spécial, n'a pas présenté le
caractère de gravité qui, en l'absence de fautes de l'administration, pourrait seul
avoir pour effet d'ouvrir à ces propriétaires droit à une indemnité à la charge de
l'Etat;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que ni l'interruption en fait des
émissions 441 lignes du 3 janvier au 26 avril 1956, ni la décision prise à cette
dernière date de mettre fin auxdites émissions, n'ont pu engager la responsabilité de
l'Etat ; que, dès lors, le sieur Vannier n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaquée
aurait illégalement limité à 20.000 francs la réparation des préjudices différents
qu'auraient subis les usagers à la suite de la cessation des émissions dont s'agit ;
...(Intervention du groupement de défense des téléspectateurs 441 lignes admise ;
rejet de la requête du sieur Vannier).