Canon 230 § 3 : « Là où le besoin de l`Église le demande par défaut

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Canon 230 § 3 : « Là où le besoin de l`Église le demande par défaut
Canon 230 § 3 : « Là où le besoin de l’Église le demande par défaut de ministres, les laïcs peuvent aussi, même s’ils ne sont ni lecteurs, ni acolytes, suppléer à certaines de leurs fonctions, à savoir exercer le ministère de la parole, présider les prières liturgiques, conférer le baptême et distribuer la sainte communion, selon les dispositions du droit. »
Sources : S.C. des Rites, instr. Inter Œcumenici, 26 septembre 1964 ; AA, n° 24 ; S.C. pour la Discipline des sacrements, instr. Fidei custos, 30 avril 1969 ; S.C. des Rites, Réponse, 20 novembre 1973.
1. Des fonctions de suppléance
Une suppléance. La collaboration envisagée ici a le caractère de suppléance, ou de subsidiarité1, dont elle doit suivre les règles. Mais non sans tenir compte de deux limites déjà mentionnées antérieurement : nul ne peut remplir des tâches pour lesquelles il ne possède pas la capacité ontologique requise2 ; l'activité subsidiaire doit se plier à la discipline canonique, nul ne pouvant exercer des fonctions que la loi lui interdit d'accomplir3.
Les conditions de la suppléance. Pour que le service de suppléance puisse avoir lieu, la norme précise qu'il faut à la fois un besoin de l'Église et un manque de prêtre. Ces conditions sont posées pour la licéité de ladite suppléance. En leur absence, les actes posés sont donc illicites.
Possunt... supplere. La norme envisage une possibilité, une éventualité, sans préciser le procédé canonique à suivre. Ce qui pourrait être « une simple permission, une nomination à un office ecclésiastique, une délégation, ou un autre moyen d'autorisation décidé par l'autorité ecclésiastique compétente »4.
Le domaine de suppléance. La norme précise que les laïcs peuvent être appelés à présider les prières liturgiques, distribuer le Viatique5. Le canon 759 précise que les laïcs « peuvent être appelés à coopérer avec les évêques et les prêtres dans l'exercice du ministère de la Parole »6. Ce pourra être le cas dans les Assemblées dominicales célébrées en l'absence d'un prêtre, circonstance dans laquelle le laïc peut présider les prières liturgiques7, mais seulement si le bien de la communauté l'exige et dans la mesure où il n'est pas possible d'avoir recours à un prêtre ou à un diacre. Il peut prêcher en dehors de la messe8, administrer le baptême aux petits enfants9. Il peut encore présider aux funérailles ecclésiastiques10, conférer des bénédictions et d'autres sacramentaux11. Il peut être appelé à exercer la 1 Cf. José Luis Gutiérrez, « El principio de subsidariedad y la igualdad radical de los fieles », IC 11 (1971), p. 413­
444.
2 Cf., entre les autres, les c. 149 et 150 CIC 83 ; c. 940, 946 CCEO (la norme du c. 150 n'y a pas d'équivalent).
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Cf., par exemple, à propos des clercs, les c. 278 § 1, 285, 286, 287 § 2.
Cf. Elissa Rinere, C.P., « Conciliar and Codicial Applications of « Ministry » to the Laity », J 47 (1987), p. 222. Cf. c. 911 CIC 83 (sans correspondant oriental).
Sans correspondant dans le CCEO.
Cf. c. 1248 § 2 CIC 83 (sans correspondant dans le CCEO).
Cf. c. 766 CIC 83 ; c. 610 § 4 CCEO.
Cf. c. 861 § 2 CIC 83 ; c. 677 § 2 CCEO.
Cf. Ordo exsequiarum, prænotanda, n° 19.
Cf. Ordo benedictionum ; c. 1168 CIC 83 (absent du CCEO).
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charge pastorale d'une paroisse sous la responsabilité d'un prêtre modérateur12.
Le motif de cette suppléance. Il ne faudrait pas conclure, comme le libellé du paragraphe troisième du canon 230 pourrait y inviter dans une lecture hâtive, que la participation des laïcs à l'activité pastorale de l'Église est rendue nécessaire par la raréfaction du clergé ou par des raisons de conjoncture historique. C'est la nature de l'Église qui l'exige. Car les laïcs sont co­responsables avec les autres membres du Peuple de Dieu de la mission salvifique confiée par le Christ à son Église. Unique est la vocation du chrétien ­ tendre à la sainteté et évangéliser ­, car unique est la mission de l'Église. L'intervention des laïcs sera déterminée par les exigences pastorales de chaque communauté concrète13.
2. La place du laïc
Un ministre extraordinaire. On ne peut parler de « ministère extraordinaire » que lorsque le fidèle « est appelé par l'autorité compétente à accomplir, uniquement dans des fonctions de suppléance, les charges considérées par le canon 230 § 3, et par les canons 94314 et 111215 »16. Il s'ensuit que « la députation temporaire dans les actions liturgiques considérées par le canon 230 § 2 ne confère aucune dénomination spéciale au fidèle non­ordonné »17.
Un service, non une promotion. Au point où nous sommes arrivés, nous savons que la collaboration des fidèles laïcs aux activités de la hiérarchie, dans l'exercice des tria munera, ne constitue aucunement une promotion du laïcat. Il s'agit d'un service, non d'un honneur18.
Un agent de pastorale. Le laïc qui exerce cette fonction de suppléance est parfois appelé « agent de pastorale »19 ou « animateur pastoral »20.
Ne pas offusquer la vocation des laïcs. Ces tâches de suppléance « peuvent obsurcir la vocation spécifique des laïcs et (...) peuvent donner lieu à des « échappatoires » vis­à­vis de ces responsabilités particulières puisque, comme le disait Paul VI, leur tâche première et immédiate n'est pas l'institution et le développement de la communauté ecclésiale ­ c'est là le rôle propre des pasteurs ­ mais la mise 12
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Cf. c. 517 § 2 (sans répondant oriental).
Cf. Aurelio Fernández, « Ministerios no ordenados y laicidad », La misión, p. 402­404.
Sur l'exposition et la reposition du très Saint­Sacrement.
Sur l'assistance aux mariages en tant que « témoin qualifié ».
Saint­siège, Instruction interdicastérielle Ecclesiæ de mysterio sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres, 15 août 1997, Dispositions pratiques, art. 1 § 3 (DC 89 (1997), p. 1009­1020).
Ibid.
« Les laïcs désignés retiendront la charge qui leur est confiée non comme un honneur, mais comme une charge, et en premier lieu un service envers leurs frères, saous l'autorité du curé. Leur fonction ne leur est pas propre, mais de suppléance, puisqu'ils l'exercent « quand la nécessité de l'Église le suggère, par manque de prêtre » (CIC, c. 230, par. 3) » (Congr. pour le Culte divin et la Discipline des sacremenst, Directoire pour les célébrations dominicales en l'éabsence de prêtres, 2 juin 1988, n° 30).
Cf. Anne Asselin, « Les agents de pastorale dans la structure actuelle des paroisses et quelques propositions pour l'avenir », SC 39 (2005), p. 109­127 ; Jean­Yves Marchand, « Les agents de pastorale : les perspectives offertes par le Code de 1983 », SC 20 (1986), p. 181­196.
Cf. Olivier Échappé, « À propos des statuts civil et canonique des animateurs en pastorale : Réactions d'un canoniste », AC 35 (1992), p. 45­53 ; Jean Savatier, « L'animateur pastoral selon le droit du travail », ibid., p. 29­43.
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en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques »21.
Selon le droit. Cette députation doit s'effectuer dans le respect du droit. Celui­ci, par exemple, précise à quelles conditions un laïc peut être autorisé à prêcher, comme nous l'avons vu à propos du canon 229 § 1.
Le mode de députation. Il « n'est pas nécessaire que cet acte de députation revête une forme liturgique ; toutefois, si tel est le cas, celle­ci ne doit être en aucune façon assimilée à une ordination sacrée »22.
3. La nature de la suppléance
Pas de cléricalisation. « Il faut remarquer toutefois, écrit Jean­Paul II, que l'exercice d'une telle fonction ne fait pas du fidèle laïc un pasteur : en réalité, ce qui constitue le ministère, ce n'est pas l'activité en elle­même, mais l'ordination sacramentelle. Seul le sacrement de l'Ordre confère au ministre ordonné une participation particulière à la fonction du Christ Chef et Pasteur et à son sacerdoce éternel. La fonction exercée en tant que suppléant tire sa légitimité formellement et immédiatement de la délégation officielle reçue des pasteurs et, dans l'exercice concret de cette fonction, le suppléant est soumis à la direction de l'autorité ecclésiastique »23.
Quel type de suppléance ? Étant donné l'indétermination du terme « suppléance », il a été proposé de qualifier d'« apostolat » les activités exercées en vertu du canon 230 § 1, s'agissant là d'un mot « passe­partout qui désigne la mission de l'Église tout entière », ou bien de « service », mot que le Concile utilise pour « le ministère ou l'action réalisée pour l'amour de Dieu »24.
Des aumônières ? Il n'est pas rare d'entendre parler d'aumônières ou même de ce terme dans les revues religieuses. Or, dans la continuité de ce qui vient d'être dit, la même instruction précise qu'il « n'est donc pas licite de faire prendre à des fidèles non­ordonnés la dénomination de « pasteur », d'« aumônier », de « chapelain », de « coordinateur », de « modérateur » ou d'autres dénominations qui, quoi qu'il en soit, pourraient confondre leur rôle avec celui du pasteur, qui est uniquement l'évêque et le prêtre »25.
La distribution de la communion. Pour ce qui concerne la distribution de la sainte Communion, l'instruction déjà mentionnée rappelle que le fidèle non­ordonné, « si des motifs de vraie nécessité y invitent, peut être député en qualité de ministre extraordinaire par l'évêque diocésain, en utilisant la formule de bénédiction liturgique appropriée : pour distribuer la sainte Communion y compris en dehors de la célébration eucharistique ad actum vel ad tempus, ou de façon stable. Dans des cas exceptionnels et imprévisibles, l'autorisation peut être concédée ad actum par le prêtre qui préside la célébration eucharistique ». Pour que le ministre extraordinaire puisse distribuer la communion au cours de la messe, est­il encore précisé, « il est nécessaire ou bien qu'il n'y ait pas d'autres ministres présents26, ou bien que ceux­ci soient vraiment empêchés ». Il est fait ici renvoi à une interprétation 21 Paul VI, exhort. ap. post­syn. Evangelii nuntiandi, 8 décembre 1975, n° 70. Cité par Julio Manzanares, « Les laïcs et la vie liturgique », AC 29 (1985­1986), p. 136.
22 Saint­siège, Instr. interdicastérielle Ecclesia de mysterio, o.c., n° 1 § 3.
23 Jean­Paul II, CFL, n° 23.
24 Cf. Elissa Rinere, C.P., « Conciliar and Codicial... », a.c., p. 222­226.
25 Saint­Siège, Instr. interdicastérielle Ecclesia de mysterio, o.c., Dispositions pratiques, art. 1 § 3.
26 « Même s'ils ne participent pas à la célébration eucharistique », est­il précisé.
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authentique du Code27. Le fidèle non­ordonné « peut remplir aussi cette charge quand, à cause d'une participation particulièrement nombreuse de fidèles désireux de recevoir la sainte Communion, la célébration eucharistique se prolongerait excessivement en raison de l'insuffisance de ministres ordonnés »28.
L'assistance aux mariages. Des fidèles laïcs peuvent encore recevoir de leur évêque diocésain une délégation pour être témoin qualifié du mariage. Cette délégation est soumise à des conditions plutôt strictes : absence de prêtres et de diacres, avis favorable de la Conférence des évêques, autorisation du saint­siège29.
La législation particulière de la CEF. Pour être institué au ministère de lecteur ou d'acolyte, il faut avoir 25 ans accompli et réunir les conditions suivantes : a) mener une vie chrétienne sérieuse et une maturité humaine reconnue ; b) jouir d'une bonne réputation qui permette d'assumer une responsabilité pour une communauté, un bon équilibre du foyer ; c) avoir la capacité de collaborer en Église ; d) posséder la compétence nécessaire à l'exercice du ministère envisagé »30.
Les nuances du CCEO. La norme parallèle du CCEO, le canon 403 § 2, est plus lapidaire et précise. Il souligne davantage que le canon latin le caractère exceptionnel de la participation des laïcs aux cérémonies liturgiques. Il établit, en effet, que « si les besoins ou une véritable utilité de l'Église le conseillent et qu'il n'y a pas de ministres sacrés, certaines fonctions des ministres sacrés peuvent être confiées à des laïcs selon le droit ». Par rapport au c. 230 § 3, la clause d'« une véritable utilité de l'Église » est introduite. Le canon latin énumérait aussi une série de fonctions qui n'est pas reprise dans le canon oriental. Les précisions relatives à l'administration du baptême, à la distribution de la communion et comme témoin qualifié au mariage se trouvent à leur place, à savoir les canons 677 § 2, 709 § 2 et 1112 respectivement31.
4. Des critiques de ce canon
Une mise en cause. Plus d'un canoniste a mis en cause le bien fondé du canon 230 dans son ensemble, en estimant que ses normes ne se justifient guère ou, plus précisément, qu'elles seraient trop timides par rapport aux « ouvertures » du Concile Vatican II ou aux besoins pastoraux. Nous serions confrontés à « une espèce d'essai juridique dans lequel les données théologiques et les circonstances pastorales ont été rédigées en forme de préceptes dans la mesure où cela a été possible »32. Mais l'auteur est conscient d'avoir été très critique. Disons qu'il n'a pas été possible de 27 Conseil pontifical pour l'Interprétation authentique du Code de Droit canonique, Réponse, 21 février 1987 ; cf. Code Bleu, p. 1776­1779 (DC 86 (1989), p. 214) et « commentaire au c. 230 », Ibid., p. 212. Voici le texte de la Réponse : « Le ministre extraordinaire de la sainte communion, délégué aux termes des c. 910 § 2 et 230 § 3, peut­il exercer sa fonction de suppléance alors que sont présents dans l'église, même s'ils ne participent pas à la célébration eucharistique, des ministres ordnaires qui ne sont aucunement empêchés ? Negative, « non ». »
28 Saint­Siège, Instruction sur quelques questions..., o.c., Dispositions pratiques, art. 8 § 1­2.
29 Cf. c. 1112 CIC 83 (sans répondant oriental).
30 Bulletin Officiel de la Conférence des Évêques de France, n° 30, 28 janvier 1986 (cf. Code Bleu, p. 1857). Fin 1989, 33 Conférences d'évêques avaient pris des dispositions de droit particulier en la matière : cf. José T. Martín de Agar, Legislazione delle Conferenze episcopali complementare al C.I.C., Milan, Dott. A. Giuffrè Editore, 1990.
31 Ces normes n'ont pas leur équivalent en droit oriental. Cf. James H. Provost, « Commentaire au c. 230 », Text and Com., p. 168­169.
32 José María Díaz Moreno, S.J., « Los laicos en el nuevo ordenamiento canónico. Temática actual », REDC 46 (1989), 4
faire mieux. Nous savons que le titre sur les fidèles laïcs a dû faire droit à différentes tendances et qu'il s'en ressent.
Un autre reproche. Un autre reproche à l'endroit de ce canon est l'extrême complication qui ressort des dispositions concernant les « ministères ».
Une présentation des ministères. La situation des « ministères » a été présentée comme suit33 :
min. commun : de tous les fidèles
min. non ord.
min. ordonné
institué
acolyte & lecteur (hommes)
liturgique
non liturgique
de fait
de suppléance
permanent
diacre
prêtre
évêque
(séculier
d'ivc
ou de sva)
de laïcs
membres ivc & sva
Une subtilité. On remarquera que pour l'équilibre du tableau il a fallu parler de ministère commun, de ministère ordonné et de ministère non ordonné, en gommant la distinction classique entre sacerdoce commun et sacerdoce ministériel. L'architecture ne tient plus si nous rétablissons cette dénomination, qui n'est pas simple affaire de jeu de mots.
p. 62 (c'est l'auteur qui souligne).
33 M. Gutiérrez, C.M.F., « Los ministerios laicales », IC 26 (1986), p. 193­194.
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