Trois questions sur le partage de la valeur ajoutée
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Trois questions sur le partage de la valeur ajoutée
FLASH ECO « Analyse à caractère économique ne constituant pas une prise de position. Liste complète disponible sur www.afep.com » Trois questions sur le partage de la valeur ajoutée en France Jeudi 18 juin 2015 Le présent flash s’interroge sur le partage de la valeur ajoutée en France, avec trois éclairages sur les principaux indicateurs en la matière. 1. Quel partage de la valeur ajoutée depuis plus d’un demi-siècle ? Depuis plus d’un demi-siècle, la valeur ajoutée des sociétés non financières (SNF) se ventile en approximativement deux tiers de rémunération du travail et un tiers de rémunération du capital1. L’évolution du partage a logiquement suivi celle de la conjoncture : ainsi, le premier choc pétrolier en 1973 a poussé à la hausse la part des salaires (alors indexés sur les prix), qui a atteint un point haut en 1982 (73,3 %). Les politiques de désindexation salariale et le contre-choc pétrolier ont eu l’effet inverse : le point haut des profits a été atteint en 1998 (37,4 %). Si les variations ont ensuite été relativement faibles jusqu’en 2007, la chronique depuis est celle d’une dégradation de 4 points de la part des profits (en 2014, la part des salaires était au plus haut depuis 1986). Ceci s’explique clairement par les effets de la conjoncture économique : lors d’une récession, les profits (- 10,2 % en 2009) baissent plus que les salaires (- 1,2 %). Par ailleurs, l’excédent brut d’exploitation (EBE) reste sur trois années de repli (- 1,2 % en moyenne) quand la masse salariale progressait elle de 1,6 % en moyenne. Partage de la valeur ajoutée des SNF, en % 74% 39% "Salaires" (gauche) "Profits" (droite) 37% 72% 35% 70% 33% 68% 31% 66% 29% 64% 27% 62% 25% 1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014 Source : Afep à partir d’INSEE. 2. Comment expliquer la chute du taux de marge depuis 2007 ? Entre 2007 et 2014, le taux de marge (qui rapporte l’EBE à la valeur ajoutée) des SNF est passé de 33,5 % à 29,4 %. S’il est très fruste, cet indicateur fait office de référence lors des discussions macroéconomiques sur la profitabilité des entreprises. Dans sa décomposition du taux de marge des SNF, l’INSEE retient usuellement cinq facteurs explicatifs (sens de l’évolution entre parenthèses) : les gains de productivité (+), le salaire par tête réel (-), le taux de cotisation employeur (-), le ratio du prix de la valeur ajoutée et du prix de la consommation (+, on parle également à son propos de « termes de l’échange ») et une catégorie résiduelle « autres facteurs ». En pratique, l’écart entre les deux premiers facteurs détermine largement l’évolution du taux de marge : ainsi, entre le point haut du T3 2007 (33,7 %) et le point bas du T2 2014 (29,2 %), la baisse de 4,4 points tient pour + 1,3 point à l’évolution de la productivité et à - 4,5 points à celle du salaire. 1 La part des « salaires » rapporte à la valeur ajoutée les agrégats D11 (salaires et traitements bruts) et D12 (cotisations sociales). La part des « profits » rapporte à la valeur ajoutée les agrégats B2 (excédent brut d’exploitation), D29 (impôts sur la production) et D39 (autres subventions sur la production). Pour mémoire, la valeur ajoutée des SNF représentait 56 % de la valeur ajoutée totale en 2014. Evolution du taux de marge des SNF, en cumul depuis le T1 2007 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 2007T1 2007T2 2007T3 2007T4 2008T1 2008T2 2008T3 2008T4 2009T1 2009T2 2009T3 2009T4 2010T1 2010T2 2010T3 2010T4 2011T1 2011T2 2011T3 2011T4 2012T1 2012T2 2012T3 2012T4 2013T1 2013T2 2013T3 2013T4 2014T1 2014T2 2014T3 2014T4 -6 Productivité Salaires réels Autres éléments Variation du taux de marge Source : calculs Afep à partir d’INSEE. Il est à noter la chute de la productivité courant 2008 et 2009 (cas typique où la contraction de l’activité réduit la productivité, car l’emploi baisse moins que la production). Les deux autres principaux facteurs explicatifs ont joué négativement sur la variation du taux de marge (- 0,9 point pour le ratio du prix de la VA/prix à la consommation et - 0,5 point pour le taux de cotisation employeur). S’agissant des termes de l’échange, leur sensibilité aux variations des prix énergétiques fait qu’ils contribuent positivement lorsque ces derniers baissent et, à l’inverse, négativement lorsqu’ils augmentent. 3. Quelle utilisation du profit par les sociétés non financières ? En comptabilité nationale, le profit brut (EBE) se répartit en cinq usages : le plus important est l’épargne (59 % en 2014), qui correspond au revenu qui reste disponible pour l’autofinancement des investissements ou l’alimentation de la trésorerie. La rémunération des créanciers et des actionnaires, d’une part, et les impôts et autres éléments, d’autre part, représentent chacun 20 %. D’un point de vue historique, il est à noter les fortes variations des intérêts versés, en lien avec les fluctuations des taux d’intérêt, ainsi que la montée en puissance des bénéfices nets distribués même si leur part a reculé depuis le point haut de 2009. Ventilation de l'EBE par composantes, en % 100% 90% 80% 70% Epargne (blanc) 60% Autres 50% Impôt sur les sociétés 40% Intérêts nets versés 30% Bénéfices nets distribués 20% 10% 2014 2009 2004 1999 1994 1989 1984 1979 1974 1969 1964 1959 1954 1949 0% Source : calculs Afep à partir d’INSEE. *** Débat récurrent, le partage de la valeur ajoutée des SNF est marqué sur la période récente par une déformation qui s’est opérée au détriment de la rémunération du capital (et non du travail) avec, en particulier, une nette baisse du taux de marge. Si cette dernière semble interrompue grâce à l’amélioration de la conjoncture et aux mesures de réduction des prélèvements, le chemin du redressement sera sans doute long compte tenu de l’ampleur du choc récessif initial. 2