25 ans, un quart de siècle, une génération … Quelle aventure

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25 ans, un quart de siècle, une génération … Quelle aventure
FARES 25 ans
Berne, le 29 avril 2015, la FARES fête ses 25 ans
25 ans, un quart de siècle, une génération … Quelle aventure !
Certains ont pu suivre cette saga dès ses débuts. Ils n‘ont d’ailleurs pas fait
que suivre, ils furent les auteurs, les acteurs de ces 25 ans de débats, de
discussions, de propositions, de luttes, de partages et de réussites aussi. Ce
sont particulièrement à ces instigateurs que nous pensons avec
reconnaissance en cette journée d’anniversaire.
La FARES compte 21 associations issues de toute la Suisse qui se regroupent
sous le toit de notre Fédération. Et d’importantes candidatures se profilent
encore.
Sans forfenterie, on peut dire qu’avoir su faire de la FARES la plus grande
fédération des retraités de Suisse est une belle réussite. Et cette réussite nous la
devons à ses créateurs qui ont eu la sagesse de la construire sur le socle d’un
forum démocratique.
Ce principe de forum démocratique impreigne l’activité de la FARES et de ses
groupes de travail dans la recherche d’un consensus – et je ne dis pas
compromis-. Le consensus en effet se construit pas à pas, en veillant à ce que
personne ne perde la face, au contraire du compromis qui, lui, laisse le perdant
anéanti.
C’est sur cette base que la FARES et ses groupes de travail ont pu prendre des
positions fermes qu’ils ont défendues tout aussi fermement, dans le respect de
chacun et surtout des retraités, de leurs droits, avec le souci de la solidarité entre
les générations. C’est avec de tels objecifs qu’elle s’est investie avec conviction
dans la création du Conseil suisse des Aînés en 2001. Ce souci de consensus
fait partie intégrante de la réussite de notre fédération, de sa force, de sa
pérennité et a joué un rôle essentiel dans la reconnaissance officielle dont elle
est l’objet.
Lors de la création de la FARES en 1990, on ne parlait pas de « tsunami gris » c’est-à-dire nous - comme on le fait aujourd’hui. Mais les assurances sociales
entraient dans une période de turbulence. Le 2ème pilier, mis en oeuvre 5 ans
auparavant, en était à ses premiers balbutiements et on commençait à
comprendre combien le partenariat promis était difficile à réaliser. Les
assurances sociales étaient à une sorte de tournant. Un principe de plus en plus
répandu consistait à faire jouer davantage la responsabilité individuelle des
chômeurs, des personnes vivant avec un handicap, des assurés, donc aussi des
retraités.
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Plus que jamais, l’étude des projets et les prises de positions de la FARES
jouèrent un rôle de passeur d’idées.
La sécurité sociale évolua alors sur plusieurs fronts, qui ne furent pas exempts
de conflits. Sur toile de fond d’une conjoncture en dents de scie, - une situation
que nous subissons depuis lors - les forces politiques eurent toujours plus de
peine à négocier des compromis susceptibles de rallier une majorité.
Il resta malgré tout possible de rassembler, mais non sans peine, une majorité
autour de projets comme l’assurance-maladie obligatoire (en 1994), l’assurancematernité (en…2004) ou l’harmonisation des allocations familiales (2006). En
revanche, des réductions de prestations et de nouvelles approches controversées
sont adoptées pour l’assurance-chômage et l’assurance-invalidité (en 1995 et en
2006). La 11ème révision de l’AVS s’avéra, quant à elle, être un serpent de
mer : le premier projet est rejeté par le peuple en 2004 et le second ne passe pas
l’écueil des Chambres fédérales en 2010, ce qui a réjouit la FARES qui prit une
part importante dans le refus de ces révisions.
- On retrouve aujourd’hui le cœur de ce qui constituait la 11ème révision de
l’AVS dans le projet appelé « le paquet Berset ». Le XXe siècle finissant vit réapparaître ce qu’on a appelle la « nouvelle
pauvreté », toujours aussi présente aujourd’hui, touchant les mères seules avec
leurs enfants, les chômeurs en fin de droits, les familles modestes et les retraités
surtout ceux qui n’ont pas de 2ème pilier et qui tirent le diable par la queue
malgré les PC. Ils sont à ce jour toujours plus nombreux.
L’évolution des rapports de travail et des modes de vie posait le cadre d’un
changement de société et un fossé se creusait de plus en plus - et continue à se
creuser - entre riches et pauvres.
Rassemblés autour de David de Pury, président d’Asea Brown Boveri, les
dirigeants économiques allèrent très loin dans leur « Livre blanc » . Ils
demandaient la refonte du système public de protection sociale, qui ne devrait
garantir que le minimum vital. Un programme qui fait flores encore aujourd’hui.
En 1994, la conseillère fédérale Ruth Dreifuss se vit même dans l’obligation de
publier une lettre ouverte à la population afin de démentir les rumeurs d’une
faillite prochaine de l’AVS…
La FARES et ses groupes de travail prirent une part active dans ces luttes et
dans la conquête du droit de parole des retraités.
Et aujourd’hui ? les similitudes sont flagrantes.
Les assurances sociales continuent à être prises dans la tourmente.
L’individualisme grandissant, la tendance à vouloir considérer les assurances
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sociales à l’aune de la responsabilité individuelle, la stigmatisation des pauvres
ou de ceux qui ne « produisent » pas ou plus – les chômeurs, les retraités - et
les séquelles de la crise de 2008 prêtent le flanc à des remises en cause
fondamentales.
Au point que, récemment, un conseiller national déclarait avec le plus grand
sérieux que le terme de « solidarité » était désuet et qu’il valait mieux parler de
« cohésion sociale »… Certes, il n’est pas question, pour nous seniors, de renier
la cohésion sociale à laquelle nous sommes attachés, mais cette cohésion ne peut
exister dans notre société que grâce à la solidarité.
Quant au droit de parole des retraités, la bataille n’est pas facile.
D’année en année, la question de l’heureuse augmentation de l’espérance de vie
titille politiciens, universitaires, spécialistes et experts. Une pléthore de rapports
et de recherches parle des vieux que nous sommes, examine nos modes de vie,
calcule les coûts que causent nos maladies et fourmille de conseils. Avec la
sollicitude et le souci que mettrait un éthologue à étudier la vie des fourmis ou
des ornithorynques…
Et nous ? Trop souvent notre parole est confisquée ou sert d’alibi. La FARES
s’est toujours battue pour faire entendre les experts en vieillissement que nous
sommes. Peu à peu, cette revendication est enfin entendue, nous le verrons cet
après-midi. Pas plus tard que lundi dernier, le conseiller fédéral Schneider Ammann a consulté des représentants des associations de retraités dont la
FARES à propos des travailleurs âgés et les « risques de fin de carrière » Nous
avons pu présenter nos propositions, elles figurent sur notre site.
En avril 2011, la FARES avait invité la présidente de la Confédération
Micheline Calmy-Rey à notre assemblée des délégués. Nous lui avions remis
une sorte de cahier de doléances concernant tous les départements de la
Confédération et nous l’avions chargée de le transmettre à ses collègues. Nous
demandions instamment d’être au moins consultés sur les thèmes qui nous
concernent. Il faut bien dire qu’il n’y a guère de nouvelles depuis lors… Une
piqûre de rappel s’impose !
L’année 1990 fut celle de la découverte que des milliers de citoyens étaient
surveillés et fichés. Or, en 2015, Big Data est bien présent et concerne
l’ensemble de la population dans sa vie quotidienne, au profit, non pas de la
police mais au profit des publicitaires, des commerçants… et des assureurs.
Entre souci de sécurité et intrusion dans la vie privée, des entreprises
proposent de fixer des capteurs dans les logements des personnes âgées
pour surveiller la façon de boire et de se nourrir, de dormir, de vivre en
somme des « clients ». De quoi vivifier la curiosité des assureurs… Des
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montres calculent votre nombre de pas quotidiens, votre pouls, vos heures
de sommeil, votre respiration, votre digestion, vos horaires de repas. Que
deviennent ces amas d’informations ? qui en profite ? qui les surveille ?
Certains voient dans le vieillissement une chance, vu le potentiel d’emplois
nouveaux et d’innovations technologiques, sociales et culturelles, des
inventions de nouveaux produits. C’est une vision certes plus réconfortante
que celle véhiculée par les oiseaux de mauvaise augure qui qualifient les
vieux de profiteurs, de dilapidateurs, voire de rapaces. Mais ces innovations
ne sauraient remplacer une présence humaine bienveillante. La « silver
économie » ne doit pas faire oublier, en ces temps de complexité, de
déshumanisation et d’individualisme, que rien n’est plus essentiel que la
présence humaine, le lien social et l’accompagnement.
Les aînés doivent contribuer eux mêmes à la destruction des mythes,
comme l’âgisme, qui les concernent. C’est à quoi la FARES doit continuer à
s’attacher.
Sans jamais oublier de rappeller combien le bénévolat des aînés est
indispensable au fonctionnement de nombre d’associations. En outre,
beaucoup d’entre eux assurent les soins et l’aide à des conjoints, des
enfants, des proches ou à des voisins, toutes activités qui permettent
d’économiser 12 milliards par an. Quant aux grands parents qui assurent la
garde de leurs petits enfants , ils sont un apport économique essentiel, vu le
manque de crèches et de structures d’accueil de jour des écoliers. Ce
bénévolat là, surtout offert par les grands mères, représente plus de 2
milliards d’économie par an pour la société.
Les maladies du vieillissement comme Alzheimer ne sont pas aussi tristes
que ce qu’on imagine.
Vieillir ne signifie pas obligatoirement finir dément.
Les aînés vivent plus longtemps mais sont en meilleure forme. On compte
un demi millier de centenaires dans notre pays ! Et cela me permet
d’adresser un souvenir ému à Hans Erni qui dessina les tapisseries de cette
salle et qui a quitté ce monde récemment à l’âge de 106 ans, sans avoir
cessé un seul jour de dessiner et de peindre.
Vieillir est un projet individuel et collectif. La FARES l’a bien compris.
Devenir vieux, cela fait partie de la vie et ce n’est pas inéluctablement être
malade ou devenir de façon incontournable candidat à la démence, être
inutile ou se sentir un fardeau…
Ce qui caractérise la vieillesse, entendu comme le grand âge, c’est peut-être
principalement le changement du rapport qui s’institue, en nous et malgré
nous, entre ce qu’on appelle le « normal » et le pathologique.
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Un sujet dépendant ou dément est un humain dont il faut respecter la
dignité . S’il y a un effort à faire, c’est dans la stimulation - les associations
de retraités jouent là un grand rôle, à la fois thérapeutique et de prévention
en proposant des animations et des activités - et il y a aussi un effort à faire
dans l’adaptabilité. Celle ci diminue avec l’âge et ne devrait pas s’estomper.
Mourir, n’est-ce pas peut-être renoncer à s’adapter ?
Qu’il s’agisse de fragilité, de dépendance ou de démence, l’exclusion des
vieux a un coût économique et social. Il est temps d’en être conscient et de
travailler à ce que les vieux puissent faire sens socialement, pour la société
et surtout pour eux mêmes.
Sans l’imposer, il est indispensable d’informer combien il est important de
maintenir du désir dans sa vie, des projets, des risques, de l’imprévisible. A
nous les associations de fournir les conditions permettant à ces désirs, à ces
projets, à ces utopies d’être vécus et d‘exister. Merci à la FARES de
continuer à encourager les réflexions, les débats et les discussions sur ces
questions de société.
Encore un vœu qui nous concerne tous :
Les multiples activités de la FARES et celles de ses groupes de travail qui en
constitutent l’ossature, ces activités sont le plus souvent réactives et trop
rarement pro actives. Il serait sans doute judicieux qu’un fléchissement se
dessine dans ce sens pour les 25 prochaines années !
En conclusion,
Il y a peu de différence entre une personne et une autre, mais c’est cette
différence qui fait tout. Mais tous doivent pouvoir participer, chacun à sa
manière, à un projet commun de l’être humain, de la naisssance à la mort.
C’est un tel projet qui me tient particulièrement à cœur.
Chj 29 avril 2015
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