Contribution de la motricité graphique à la

Transcription

Contribution de la motricité graphique à la
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Psychologie française 55 (2010) 181–194
Article original
Contribution de la motricité graphique à la
reconnaissance visuelle des lettres
Contribution of writing movements to visual recognition of letters
M. Longcamp a,b,1,∗ , A. Lagarrigue a,c,2 , J.-L. Velay a,3
a
b
INCM CNRS, université de la Méditerranée, 31, chemin Joseph-Aiguier, 13402 Marseille cedex, France
LAPMA – UFR STAPS, université Paul-Sabatier, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 9, France
c IRIT, université Paul-Sabatier, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 9, France
Reçu le 14 décembre 2009 ; accepté le 2 mars 2010
Résumé
La capacité à reconnaître les lettres, pierre angulaire de la lecture, est traditionnellement considérée comme
reposant uniquement sur des processus visuels. Pourtant, comme beaucoup des objets qui nous entourent,
les lettres sont apprises par une mise en correspondance entre une configuration visuelle et des mouvements.
Nous présentons une revue des arguments suggérant que les caractéristiques des mouvements d’écriture
influencent la reconnaissance visuelle des lettres, à la fois au plan comportemental et au plan des réseaux
cérébraux mis en jeu. L’un des attributs des lettres dont la reconnaissance pourrait être la plus dépendante
de la motricité est leur orientation.
© 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Perception des lettres ; Lecture ; Écriture manuscrite ; Dactylographie ; Orientation ; Cognition incarnée
Abstract
The ability to recognize single letters, an important step in reading, is traditionally assumed to depend only
on visual processes. However, as many of the objects surrounding us, letters are learnt through a matching
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Longcamp).
1 Maître de Conférences. Thèmes de recherche : interactions perceptivo-motrices, imagerie cérébrale, écriture et
perception de l’écrit.
2 Doctorante. Thèmes de recherche : approche motrice et psycholinguistique de l’écriture.
3 Chercheur CNRS. Thèmes de recherche : contrôle moteur de l’écriture, analyse du geste graphique, remédiation des
troubles de l’écriture/dysgraphie, neurosciences/éducation.
0033-2984/$ – see front matter © 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.psfr.2010.03.001
182
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
between a visual configuration and movements. We review arguments suggesting that the characteristics of
writing movements impact visual recognition of letters, at both a behavioral and neural levels. This impact
might be especially strong when the orientation of letters has to be processed.
© 2010 Société française de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Letters perception; Reading; Handwriting; Typewriting; Orientation; Embodied cognition
1. Introduction
1.1. La reconnaissance des lettres, fondement de la lecture
La première étape dans la cascade de processus qui vont aboutir à lire un mot écrit est la capacité
à identifier des traits imprimés sur une feuille de papier comme étant une lettre de l’alphabet : c’est
la pierre angulaire de la lecture. La maîtrise de cette capacité est cruciale dans l’apprentissage
par les enfants de la lecture : elle est considérée comme l’un des meilleurs prédicteurs des futures
aptitudes de l’adulte en lecture (Adams, 1990, p. 61–64 ; Badian, 1995 ; Fitzgerald et Shanahan,
2000 ; Foulin, 2005 ; Näslund et Schneider, 1996).
Chez l’adulte, il peut arriver que cette étape initiale de la lecture soit empêchée : c’est ce
qui se produit dans le cas d’alexie pure (ou alexie sans agraphie, ou « lecture lettre par lettre »).
L’alexie pure est un trouble neurologique qui se traduit par une lecture très lente et laborieuse
et des difficultés d’autant plus importantes que le mot est long, en dehors de toute autre atteinte
du langage, et suite à une lésion cérébrale (Déjerine, 1892). Voilà ce qu’un patient (décrit par
Perri et al., 1996) écrivait dans son journal : « Je m’excuse auprès du lecteur, mon cerveau n’est
pas encore guéri. J’arrive à peine à écrire, et ensuite je ne peux plus lire ce que je viens d’écrire,
je ne connais plus les lettres, ni les miennes, ni celles qui sont imprimées sur les journaux ou
les livres » (notre traduction). L’une des hypothèses principales pour expliquer ce trouble général
de la lecture est un déficit d’identification des lettres qui empêcherait qu’elles soient traitées en
parallèle pour reconnaître efficacement le mot (Arguin et Bub, 1993 ; Bartolomeo et al., 2002 ;
Behrmann et al., 1998 pour une revue sur 57 patients ; Miozzo et Caramazza, 1998 ; Mycroft et
al., 2002 ; Perri et al., 1996).
Selon l’ensemble des modèles, cette étape d’entrée de la lecture serait basée sur des processus de
détection des traits qui doivent être associés pour accéder à une représentation visuelle de chaque
lettre présente dans le mot lu (visual analysis system ou visual features units, Coltheart et al.,
2001 ; Ellis, 1993 ; McClelland et Rumelhart, 1981 ; Perry et al., 2007). Sur le plan du traitement
visuel, reconnaître une lettre est un problème complexe. Les recherches dans ce domaine visent
à comprendre comment des formes physiquement aussi distinctes que « a » et « A », et arbitrairement associées dans un système graphique, sont traitées pour aboutir à une même identité. Selon
un modèle récent (Grainger et al., 2008) qui reprend l’idée du Pandémonium de Selfridge (1959),
l’identification des lettres serait effectuée grâce à des couches de « processeurs » fonctionnant en
parallèle et organisés hiérarchiquement, contenant des représentations de plus en plus invariantes
(traits, représentation de la forme physique puis de l’identité abstraite des lettres). Récemment,
Rey et al. (2009) ont montré que, moyennant certaines contraintes, un modèle connexionniste
simple (dérivé de McClelland et Rumelhart, 1981) rend bien compte à la fois des résultats comportementaux et de l’activité électrique cérébrale engendrée pendant l’observation des
lettres.
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
183
1.2. Bases neurales de la reconnaissance des lettres
Les bases neurales de la reconnaissance des lettres ont d’abord été déduites de la mise en
correspondance des troubles cliniques et du site des lésions de patients atteints d’alexie pure. Les
lésions causant une alexie pure sont quasi-systématiquement localisées dans le cortex occipital
gauche, s’étendent à la matière blanche de la partie postérieure du corps calleux (splénium),
et impliquent souvent une partie du lobe temporal (Damasio et Damasio, 1983 ; Montant et
Behrmann, 2000 pour une revue complète).
Les propriétés fonctionnelles de ces régions occipito-temporales ont donc beaucoup retenu
l’attention et ont été l’objet de très nombreuses études d’imagerie cérébrale, principalement dans
des tâches de reconnaissance de mots écrits comparés à des pseudomots ou à des chaînes de lettres,
avec l’hypothèse d’une spécialisation fonctionnelle d’une partie du cortex occipito-temporal
gauche, au niveau du gyrus fusiforme, la visual word form area (VWFA) pour la reconnaissance
de mots (Cohen et al., 2000). Cette zone corticale se serait graduellement spécialisée pour traiter
l’écrit (McCandliss et al., 2003). En opposition assez radicale avec cette idée de spécialisation
stricte pour l’écrit, Price et Delvin (2003) suggèrent qu’elle ne serait pas spécifiquement dédiée
à l’orthographe des mots, mais qu’elle serait impliquée plus largement dans les traitements sur
la structure des objets qui peuvent acquérir le statut de symboles. En d’autres termes, la VWFA
serait activée par les mots, les lettres, mais aussi par tous les stimuli qui sont potentiellement
des symboles, même s’ils n’entrent pas dans la constitution des mots. Cela a été confirmé par
une étude faite avec des mots, des symboles ( ?, , ), des chiffres, des caractères hébreux
inconnus des sujets (Reinke et al., 2008). Les auteurs suggèrent que la VWFA serait activée par
beaucoup de stimuli visuels à caractère symbolique mais plus fortement par les mots (voir aussi
Vinckier et al., 2007). En outre, elle n’est pas mise en jeu seule mais dans un réseau large spécifiquement dédié au traitement des mots. Au-delà du débat à propos de la VWFA, assez peu de
données sont disponibles sur les substrats spécifiques de la représentation des lettres par rapport
à d’autres catégories d’objets physiquement ressemblants, comme des symboles, des chiffres ou
des pseudolettres. Parmi les études qui ont exploré ces substrats, la plupart se sont centrées sur
la sélectivité des régions postérieures, avec l’hypothèse que l’expertise acquise pour analyser les
lettres conduirait à ce qu’une partie du tissu neuronal de la région occipito-temporale gauche,
initialement dédiée à la reconnaissance des objets, se spécialise dans le traitement des lettres. Une
zone de l’aire 37 de Brodmann (gyrus fusiforme) parait effectivement répondre sélectivement
pour des lettres par rapport à des symboles sans signification (Flowers et al., 2004 ; Garrett et al.,
2000 ; Gros et al., 2001 ; James et al., 2005), à des chiffres (James et al., 2005 ; Polk et Farah,
1998 ; Polk et al., 2002), ou à d’autres catégories d’objets comme les visages (Gauthier et al.,
2000 ; Wong et al., 2009) et être sensible à des phénomènes comme l’habituation ou l’hystérèse
(Gauthier et al., 2000 ; Gros et al., 2001 ; Kleinschmidt et al., 2002). Cette zone apparaît distincte,
un peu à l’avant de la VWFA (Flowers et al., 2004 ; James et al., 2005 ; Joseph et al., 2006). Polk
et Farah (1998) expliquent cette préférence pour les lettres par une hypothèse de co-occurrence :
des représentations neurales localisées dans une région du cortex vont se développer pour des
catégories de stimuli qui apparaissent fréquemment et simultanément (comme les lettres au sein
des mots), selon des règles hebbiennes. Toutefois, la mise en jeu sélective et systématique de cette
région pour les lettres par rapport à d’autres catégories d’objets est encore discutée (Joseph et al.,
2003 ; Joseph et al., 2006, après une analyse poussée des effets spécifiques vs communs aux lettres
et à d’autres types de stimuli visuels, et systématiques vs tâches dépendants, ne retrouvent pas de
sélectivité aux lettres par rapport à des dessins d’objets et même à du bruit visuel ; Longcamp et
al., 2003, 2005a : pas de sélectivité pour des lettres par rapport à des pseudolettres ; Callan et al.,
184
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
2005 : pas de modifications d’activation suite à un apprentissage de nouveaux caractères). En fait,
sa sélectivité semble dépendre de la tâche réalisée : l’activation du gyrus fusiforme gauche serait
plus importante pour les lettres dans des tâches requérant l’accès aux représentations abstraites en
mémoire comme la catégorisation (Pernet et al., 2005) ou la dénomination (Joseph et al., 2006),
dans lesquelles des influences top-down pourraient entrer en jeu. Cette hypothèse est étayée par
les résultats de l’étude de Xue et al. (2006) qui montrent que lorsque des caractères inconnus
sont appris, un simple entraînement visuel tend à faire diminuer l’activité du gyrus fusiforme
gauche, tandis que lorsque l’on ajoute à cet apprentissage visuel une correspondance avec des
sons, le gyrus fusiforme gauche se remet à répondre plus fortement. Plus qu’une sélectivité liée à
l’expertise visuelle pour les lettres, il semblerait donc que le gyrus fusiforme gauche soit impliqué
dans une intégration de la forme visuelle des caractères avec leur phonologie.
L’ensemble de ces résultats suggère que l’analyse visuelle des lettres se limite à la mise en jeu
de régions visuelles ventrales. Cela peut être trompeur, tout simplement parce que, à de très rares
exceptions, la plupart des auteurs ont restreint leur exploration à ces régions, soit en définissant
a priori les régions d’intérêt, soit en ne scannant que la partie basse du cerveau. Il est pourtant
probable que d’autres régions sont recrutées lorsque des lettres sont présentées visuellement,
mais les données sont quasi inexistantes. Kleinschmidt et al. (2002) ont observé des activations
pariétales et frontales gauches suite à la présentation de lettres, James et al. (2005) une activation
dans le lobe pariétal inférieur gauche et Joseph et al. (2006) des activations dans le cortex pariétal
inférieur et l’insula gauches. Dans l’expérience de Joseph et al. (2006), une tâche d’appariement
était comparée à une tâche de dénomination pour des lettres et des objets et les activations pariétale
et insulaire gauches étaient mises en évidence sélectivement pour les lettres seulement dans
la tâche de dénomination. Selon ces auteurs, ce résultat s’explique par le fait que cette tâche
requiert l’accès aux codes phonologiques, et bien que ces codes phonologiques soient nécessaires
pour dénommer aussi bien des objets que des lettres, les processus de rappel sont probablement
différents pour les lettres et les objets. Ces activations reflèteraient donc l’accès à la mémoire des
codes phonologiques des lettres, qui n’aurait pas lieu lorsque les lettres doivent simplement être
appariées sur la base de leur forme visuelle. L’intervention des représentations phonologiques dans
la reconnaissance visuelle des lettres ne paraît en effet pas systématique : il semble que, comme
tend à le montrer l’étude de Joseph et al. (2006), le codage phonologique est surtout utilisé lorsque
la lettre doit être dénommée mais participe peu dans le contexte d’autres tâches (Bowers et al.,
1998 ; Niederbuhl et Springer, 1979). En outre, Mycroft et al. (2002) ont décrit une patiente
alexique, incapable de dénommer les lettres ou lire des mots, chez laquelle des tâches de nature
visuo-spatiale sur les lettres (comme juger leur orientation ou les apparier indépendamment de
leur forme visuelle mais sur la base de leur identité : « a » = « A ») étaient réalisées normalement
ce qui semble indiquer que l’accès aux représentations abstraites des lettres ne nécessite pas
l’accès simultané à leurs représentations phonologiques. Il est également possible que le poids
des représentations phonologiques dans la reconnaissance des lettres, et donc les activations
cérébrales associées, dépende de la transparence de la langue. En effet, dans une langue plutôt
opaque comme l’anglais, une même lettre peut avoir plusieurs correspondants phonémiques, et
on sait que l’opacité de la langue affecte les activations observées en lecture (Paulesu et al., 2000).
En bref, bien que la phonologie puisse avoir une influence dans les activations observées dans
certaines tâches, la participation de régions « extra-occipitales » à la représentation des lettres est
actuellement mal connue.
En résumé, il apparaît que l’étape la plus précoce de la lecture implique l’analyse d’une
configuration de traits qui, d’après les données cliniques et de neuro-imagerie et selon les modèles
les plus actuels de la lecture, serait un processus essentiellement visuel. Bien sûr, il ne viendrait à
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
185
l’idée de personne de contester le fait que la vision est majoritairement impliquée dans la lecture
et en particulier dans cette étape initiale. Cependant, tous les chercheurs intéressés par les lettres,
soit en tant que stimulus d’entrée des modèles de la lecture, soit en tant qu’objet visuel pour lequel
on acquiert une expertise et donc potentiellement une spécialisation neurale, ont négligé un aspect
fondamental de l’identité des lettres : le fait que nous sachions non seulement les reconnaître et
les nommer, mais aussi les écrire. En effet, par certains aspects, l’analyse visuelle d’une lettre
implique un traitement de nature plus largement spatiale car il s’agit de reconstruire une forme à
partir de ses traits constitutifs. Or, il est reconnu depuis longtemps que les compétences motrices
sont importantes pour traiter visuellement les aspects spatiaux de l’environnement et des objets
qui le composent.
2. Quelle place pour la motricité dans la reconnaissance des objets ?
2.1. Cognition incarnée
L’idée selon laquelle les mouvements par lesquels nous interagissons avec le monde sont structurants pour notre perception est loin d’être nouvelle puisqu’elle apparaît déjà dans les écrits des
philosophes du début du 20e siècle (Bergson, 1939 ; Husserl, 1989 ; Poincaré, 1905). L’historique
de la notion d’interaction perceptivo-motrice a été fait par ailleurs : nous n’y reviendrons pas
(voir par exemple Viviani, 1990). C’était une notion déjà très présente dans la pensée de Paillard
qui écrivait par exemple en 1971 « l’extraction des invariances qui vont conférer à l’objet sa permanence et son identité, quels que soient son éloignement ou sa position par rapport à l’organe
analyseur, va relever de la mise en jeu d’une transformation des relations spatiales « impliquant les
activités du sujet », la réversibilité de ces activités [. . .] » (Paillard, 1971 p. 306). Les expériences
de Freyd (1983), puis de Viviani et Stucchi (1989, 1992) ont été parmi les premières à mettre en
évidence l’impact des connaissances motrices sur les jugements appliqués à un stimulus visuel.
Ces derniers auteurs ont montré que la perception de la forme décrite par un point lumineux en
mouvement dépendait de la cinématique du mouvement de ce point, et que des illusions spatiales
pouvaient être engendrées par le non-respect des règles cinématiques des mouvements biologiques. Ces études sont longtemps restées noyées dans la conception cognitiviste selon laquelle
les versants perceptifs et moteurs ne sont que les étapes d’entrée et de sortie des processus
cognitifs. Pourtant, l’approche qu’elles ont initiée tend aujourd’hui à se généraliser sous le terme
d’approche « incarnée » de la cognition. La « cognition incarnée » rejette la conception jusqu’alors
dominante dans les sciences cognitives selon laquelle des symboles amodaux représenteraient les
connaissances. Au contraire, la cognition serait « enracinée » dans des représentations modales.
Les capacités de traitement sensoriel et de contrôle moteur d’un organisme et les interactions
entre cet organisme et l’environnement détermineraient donc la nature des capacités cognitives.
Dans ce cadre, la motricité ne serait plus une étape périphérique du traitement de l’information :
avec les entrées sensorielles qui l’accompagnent, elle serait le substrat à partir duquel la cognition
se construirait (Barsalou, 2008 ; Varela et al., 1991 ; Wilson, 2002).
2.2. Motricité et reconnaissance des objets
Le domaine dans lequel l’idée de cognition incarnée s’exprime le plus clairement est celui
de la perception des objets. En effet, de nombreuses études indiquent maintenant que les objets
manipulables sont perçus non seulement par leurs attributs visuels (couleur, forme. . .) mais aussi
par les attributs sensorimoteurs qui leurs sont attachés, c’est-à-dire par les mouvements que nous
186
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
pouvons réaliser avec ou sur eux. Il a souvent été montré par exemple que l’observation d’objets
saisissables déclenche parfois la simulation intériorisée d’un geste de saisie qui peut interférer
avec une réponse motrice réellement exécutée (par exemple : Craighero et al., 1999 ; Olivier et
Velay, 2009 ; Tucker et Ellis, 2001). Par ailleurs, l’hypothèse d’une composante motrice dans le
réseau sous-tendant la représentation des objets manipulables est appuyée par l’existence, chez
le singe macaque, de neurones dits « canoniques », situés dans l’aire F5 du cortex prémoteur, qui
déchargent à la fois lorsque l’animal manipule des objets et lorsqu’il les observe simplement, sans
intention particulière de bouger (Murata et al., 1997). Ces neurones seraient à même de décrire
les objets visuels en termes moteurs.
Enfin, l’imagerie cérébrale a beaucoup fait avancer ce champ, dans lequel la « catégoriespécificité » des troubles de la reconnaissance des objets, suite à des lésions cérébrales, avait
donné lieu à de nombreuses spéculations sur la manière dont les connaissances sémantiques
sont organisées dans le cerveau. Les données actuelles, basées en majorité sur des études en
imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), apportent de forts arguments en faveur
d’un modèle dans lequel la représentation des objets serait distribuée sur les régions corticales
impliquées dans le traitement de leurs attributs les plus saillants (Martin, 2007). Des catégories
se formeraient pour des objets possédant les mêmes types d’attributs sensori-moteurs. L’une de
ces catégories contient les objets manipulables comme les outils, pour lesquels les connaissances
relatives aux mouvements de manipulation sont particulièrement discriminantes et ont un rôle
fondamental : de nombreuses expériences montrent, en effet, que des régions corticales telles que
le cortex prémoteur ventral et la région intrapariétale, qui contiennent des neurones codant les
mouvements de saisie, s’activent lorsque des objets manipulables sont perçus visuellement dans
le contexte de tâches diverses (voir Martin, 2007 pour revue).
3. Une approche « incarnée » de la reconnaissance des lettres ?
3.1. Données comportementales
Les lettres ne sont pas des objets manipulables à proprement parler. Cependant, comme les
objets, elles entretiennent une relation étroite avec des mouvements particuliers qui permettent
de les former : les mouvements d’écriture. À de nombreux égards, la relation qui existe entre
les lettres et les mouvements d’écriture est plus stricte que celle qui peut exister entre un
objet et les mouvements de manipulation car les mouvements d’écriture ont de fortes spécificités. Par exemple, il a été montré que la cinématique d’écriture d’une lettre dépend de la
lettre suivante. En effet, lors de la production d’un digramme (« le » ou « ln »), les caractéristiques cinématiques du premier « l » diffèrent selon la deuxième lettre « e » ou « n » (Orliaguet
et al., 1997). Or, cette particularité motrice a son pendant perceptif : si on montre le tracé dynamique du « l », les sujets parviennent à identifier la seconde lettre avec un taux de réussite élevé
bien qu’ayant souvent l’impression de répondre au hasard (Kandel et al., 2000a ; Kandel et al.,
2000b). Babcock et Freyd (1988) ont fait l’hypothèse que les informations dynamiques pouvaient
être extraites directement sur la base de stimuli statiques. Les sujets apprenaient des caractères
manuscrits présentés visuellement sous forme statique, en les associant avec des chiffres. Au
cours du test de reconnaissance, ils devaient écrire le caractère associé à un chiffre donné. Il
s’avéra que leur façon d’écrire le caractère correspondait aux règles de production présentes
dans les déformations des stimuli appris, comme si en voyant simplement les caractères au
cours de l’apprentissage, les sujets avaient implicitement intégré la manière dont ils avaient été
tracés.
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
187
En outre, l’écriture se distingue des autres mouvements de manipulation car elle impose
au cours de son exécution une forte « séquentialité » dans laquelle, selon les principes de la
« grammaire de l’action » (Goodnow et Levine, 1973), l’ordre des traits est relativement invariant
(début d’écriture de la lettre en haut et à gauche, traits horizontaux de gauche à droite, etc.). Cette
propriété a été exploitée dans plusieurs études, dont les résultats concordent pour montrer que
l’ordre d’écriture des traits affecte la reconnaissance des lettres. Par exemple, Flores d’Arcais
(1994) a distingué les traits « précoces » (tracés en premier) et « tardifs » des idéogrammes chinois. Son hypothèse était que si le code moteur est automatiquement mis en jeu dans le traitement
visuel des idéogrammes, les traits précoces seront activés plus rapidement et vont donc plus facilement initier le rappel du caractère en mémoire que les traits tardifs. Sur cette base, l’auteur a
démontré : que les traits précoces, s’ils sont présentés brièvement avant le caractère entier, sont
des amorces plus efficaces que les traits tardifs pour la reconnaissance ; que les caractères qui
partagent des traits précoces sont plus fréquemment confondus par les lecteurs chinois que par
des sujets n’ayant jamais appris le chinois.
Des résultats similaires existent pour les lettres latines (Kosslyn et al., 1989 ; Parkinson
et Khurana, 2007 ; Parkinson et al., 2010), et posent un problème aux théories du type
« pandémonium », car ils impliquent que la reconnaissance des lettres n’est pas seulement le
résultat de l’activation parallèle de tous les traits constitutifs, mais est également contrainte par
des informations sur l’ordre dans lequel ces traits sont écrits.
Ces données expérimentales acquises chez l’adulte suggèrent qu’une forme de mémoire liée à
l’écriture des caractères serait réutilisée au moment de leur reconnaissance visuelle. La plupart des
auteurs intéressés par ce phénomène s’accordent à penser qu’il serait la conséquence, comme dans
le cas des objets manipulables, de l’apprentissage conjoint de l’écriture et de la forme visuelle des
lettres. Pour confirmer ce point, il est possible de faire apprendre les lettres en ne demandant pas
de les former par écrit, par exemple en les faisant frapper au clavier. Dans la dactylographie, les
lettres sont associées à un mouvement qui n’a pas de lien étroit avec la forme, ni avec la séquence
de traits qui la constitue. Si on fait apprendre ainsi les lettres de l’alphabet à de très jeunes enfants,
on constate qu’ils sont moins capables ensuite d’identifier visuellement les lettres apprises, ce qui
indique que les mouvements d’écriture « impriment » la représentation des lettres (Longcamp et
al., 2005b ; Velay et al., 2004).
D’autres arguments en faveur d’un rôle de l’écriture sur la reconnaissance des lettres proviennent de l’observation de patients alexiques dont les capacités à reconnaître des lettres sont
facilitées si les lettres sont tracées du bout du doigt simultanément (Bartolomeo et al., 2002 ;
Mycroft et al., 2002). Cette facilitation motrice pour la lecture avait été décrite de manière anecdotique, notamment par Déjerine (1892). Seki et al. (1995) l’ont étudiée plus systématiquement
comme méthode de rééducation pour deux patients alexiques. La méthode était basée sur le traçage
des caractères avec le doigt, et éventuellement la copie explicite avec un crayon. Elle s’est révélée
très efficace et a finalement abouti à la lecture de caractères et de mots simples, sans nécessité de
« traduction kinesthésique » simultanée. L’amélioration semblait stable dans le temps (six mois
à un an après le traitement). Ces données montrent que l’identité d’une lettre peut être retrouvée
en mémoire sur entrée visuelle si le mouvement d’écriture est évoqué, et que la reconnaissance
visuelle peut être partiellement restaurée si le poids des entrées sensorimotrices est accru au cours
de la rééducation.
La grande majorité des données anatomocliniques montre que l’incapacité à reconnaître les
lettres survient après une lésion des aires occipito-temporales gauches. Toutefois une étude de
Anderson et al. (1990) décrit une patiente présentant de grandes difficultés à lire et écrire les
lettres après la résection d’une tumeur située dans une zone frontale gauche, dans l’aire 6 de
188
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
Brodmann. Le fait que la patiente ait perdu, à la fois, la capacité d’écrire les lettres, mais aussi
de les reconnaître visuellement, souligne une fois de plus les liens étroits entre production et
perception des lettres de l’alphabet, et également le fait que des régions cérébrales éloignées des
aires occipito-temporales ont un rôle fonctionnel dans la reconnaissance visuelle de lettres.
3.2. Mesures en imagerie cérébrale
L’hypothèse d’une participation des connaissances motrices de l’écriture sur la perception
visuelle de lettres isolées peut être directement testée en imagerie cérébrale, en s’inspirant des
travaux portant sur la reconnaissance d’objets manipulables : il s’agit de vérifier si des aires
sensorimotrices s’activent pendant l’observation de lettres. Une première brèche a été ouverte par
une équipe japonaise, qui a comparé en IRMf les structures cérébrales impliquées dans le rappel
visuel de caractères Kanji (idéogrammes) et dans l’écriture de ces Kanji (Kato et al., 1999 ; Matsuo
et al., 2003). Leurs résultats montrent qu’une série d’aires motrices associatives comme le sillon
intrapariétal, le cortex prémoteur gauche ou la partie rostrale de l’aire motrice supplémentaire (préAMS) qui sont activées quand les sujets écrivent, le sont aussi quand ils retrouvent les caractères
en mémoire. Cependant, l’étude du traitement des caractères idéographiques est complexifiée par
le fait que chaque caractère est aussi un mot, donc associé à des représentations linguistiques
de haut niveau. Longcamp et al. (2003) ont donc mis en œuvre le même type de protocole avec
des lettres latines. Les sujets devaient successivement observer passivement des séries de lettres
et de pseudolettres, et écrire ces mêmes lettres et pseudolettres au cours d’un enregistrement
IRMf. Ils ont observé qu’une zone corticale prémotrice qui est activée pendant les mouvements
d’écriture l’est aussi sélectivement pendant l’observation de lettres, alors que les sujets sont
immobiles (voir aussi James et Gauthier, 2006, pour une confirmation de ces données). Un certain
nombre d’arguments nous ont permis d’avancer l’idée que cette zone serait impliquée dans la
représentation des mouvements nécessaires à écrire chaque lettre, en particulier le fait qu’une zone
prémotrice symétrique s’active dans l’hémisphère droit sélectivement au cours de l’observation
de lettres chez des gauchers (Longcamp et al., 2005a).
Une autre approche peut être utilisée pour mettre en évidence la participation des aires sensorimotrices à la perception des lettres : elle consiste à évaluer le niveau d’excitabilité des voies
cortico-spinales pendant la perception visuelle de lettres. C’est ce qui a été fait par Papathanasiou
et al. (2004) qui ont montré que les potentiels moteurs évoqués par stimulation magnétique transcrânienne au niveau du cortex moteur gauche augmentaient de façon significative quand les sujets
regardaient des lettres. Cet effet traduit une augmentation de l’excitabilité des structures motrices
induite par l’observation de lettres. Cette augmentation mesurée pour la main droite n’était pas
présente au niveau de la main gauche, quand le cortex moteur droit était stimulé.
L’ensemble de ces résultats montre que même dans un contexte de perception passive, les
lettres ne sont pas uniquement traitées par les régions visuelles ventrales comme cela est supposé
par la plupart des chercheurs, mais également par une région impliquée dans l’écriture.
À quel moment dans la séquence temporelle d’activation cérébrale ces informations motrices
interviennent-elles ? Les effets sont-ils dus à des processus bottom-up, où l’activation des régions
cérébrales impliquées dans l’écriture se produirait au bout de la cascade, une fois les traitements
visuels achevés ? Ou bien ces régions exercent-elles leurs contraintes de manière top-down sur
des étapes précoces du traitement dans la voie visuelle ventrale ? Une étude récente apporte des
arguments en faveur d’une influence précoce de la composante motrice de la représentation des
lettres, contraignant le traitement visuel de manière top-down (Parkinson et al., 2010). Dans
une tâche d’identification de lettres présentées trait après trait, les sujets sont plus rapides à
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
189
reconnaître une lettre si les traits sont présentés dans l’ordre habituel d’écriture. En outre, l’ordre
de présentation des traits influence la latence des composantes visuelles P1 et N1, entre 100 et
200 ms après la présentation du stimulus : celles-ci sont plus précoces quand l’ordre de présentation
des traits est compatible avec l’ordre d’écriture.
Les données présentées jusqu’ici montrent de manière univoque que la motricité de l’écriture
intervient dans la reconnaissance visuelle des lettres. Certaines études suggèrent en outre que
le poids de cette motricité est particulièrement crucial lorsque l’orientation des lettres doit être
traitée.
4. L’orientation des lettres : un traitement visuo-moteur ?
Selon Corballis et Beale (1976 voir aussi Dehaene, 2007), le système visuel a évolué pour
« généraliser en miroir », c’est-à-dire pour ignorer les différences résultant de transformations en
miroir des objets ou des scènes visuelles. Cette généralisation à toutes les orientations pourrait
être utile comportementalement parlant, par exemple pour les visages : il est utile de reconnaître
immédiatement un visage, même si on l’a vu une première fois dans une autre orientation. Il
en va de même pour les objets : il n’est pas nécessaire de les voir dans toutes leurs orientations
possibles avant de les reconnaître. En revanche, les lettres ont une autre caractéristique qui les
distingue fortement de tous les autres objets : elles ne se conforment pas aux mêmes règles de
symétrie. Alors que l’image en miroir d’un vélo reste un vélo, l’image en miroir d’une lettre
va le plus souvent devenir une forme qui n’a pas de signification. Pire encore, elle peut devenir
une autre lettre (« b » ⇔ « d »). Pour reconnaître les lettres et donc pour lire correctement, un
enfant doit « désapprendre » cette généralisation. L’orientation des lettres est donc un problème
auquel il faut faire face au cours de la lecture et cela n’est pas toujours simple, même après le
« désapprentissage » de la généralisation pour l’orientation. En effet, chez le lecteur expert et
encore plus chez le « mauvais » lecteur, les lettres « b » et « d », et « p » et « q » sont parmi les plus
souvent confondues entre elles (Terepocki et al., 2002 ; Wolff et Melngailis, 1996).
Se prononcer sur la bonne ou mauvaise orientation d’une lettre est une opération mentale
coûteuse qui se traduit par une réponse toujours plus lente quand la lettre est présentée en miroir
(voir par exemple Hamm et al., 2004). Tout se passe comme si une opération supplémentaire était
effectuée quand la lettre est vue dans sa mauvaise orientation. Classiquement, il est admis que
cette opération supplémentaire est une rotation mentale de la lettre : si la lettre est à l’envers, il
faut d’abord la faire pivoter mentalement pour la mettre dans sa bonne orientation avant de se
prononcer. Cette rotation mentale ne se produirait pas quand la lettre est à l’endroit. Une hypothèse
alternative serait qu’une simulation mentale de l’écriture pourrait servir à déterminer l’orientation
de la lettre, c’est-à-dire un processus moteur et non visuel. En effet, comme nous l’avons déjà
mentionné, les règles de production graphiques habituelles décrites sous le terme de « grammaire
motrice » impliquent que des programmes moteurs différents sont mis en jeu pour écrire une lettre
et pour écrire la même lettre en miroir. De ce fait, la représentation sensori-motrice des lettres
n’a pas le caractère ambigu de la représentation visuelle quant à l’orientation. Associée à cette
dernière, elle pourrait permettre de lever l’ambiguïté sur l’orientation des lettres.
Cette hypothèse est expérimentalement vérifiable : en effet, si l’opération qui consomme du
temps est une rotation mentale de la lettre, comme le suggèrent Hamm et al. (2004), elle devrait
être indépendante de la main avec lequel le sujet effectue la réponse. Si, au contraire, elle met
en jeu un processus moteur en rapport avec l’écriture, elle devrait interagir avec la main qui
est impliquée dans la réponse. C’est cette hypothèse qui a été testée en demandant à des sujets
d’effectuer un jugement d’orientation des caractères dans une tâche de GO/NOGO (Lagarrigue et
190
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
Velay, en préparation). Les sujets devaient répondre le plus vite possible par un appui de l’index
quand le caractère était à l’endroit (GO) et ne pas répondre quand il était à l’envers (NOGO).
L’autre association (GO/envers et NOGO/endroit) a aussi été testée. Si le jugement d’orientation
fait intervenir des processus moteurs en rapport avec l’écriture, la réponse d’appui devrait être plus
longue à donner avec la main droite. Il s’avère que, comme cela est classiquement observé, les
sujets répondent plus lentement quand la lettre est présentée à l’envers. Mais, le « temps perdu »
est significativement plus long quand ils répondent avec la main droite (+ 96 ms) que lorsqu’ils
répondent avec la main gauche (+ 64 ms). De plus, ils ont rapporté avoir eu plus de doutes lorsque
le caractère était à l’envers et pour plusieurs d’entre eux, un moyen de vérification de la réponse
à donner consistait à essayer d’écrire la lettre mentalement et même parfois réellement avec la
main droite lorsque la réponse était donnée avec la main gauche.
D’autres études, à la fois comportementales et de neuro-imagerie, soutiennent l’idée que
l’écriture facilite la reconnaissance de l’orientation des caractères. Longcamp et al. (2006, 2008)
ont fait apprendre des nouveaux caractères visuellement complexes à des adultes, soit en les
écrivant, soit en les frappant au clavier. Ensuite, pendant plusieurs semaines après la fin de cet
apprentissage, ils ont présenté ces caractères à l’endroit et en miroir et les sujets devaient effectuer
un jugement quant à leur orientation. Les performances étaient durablement meilleures quand les
caractères avaient été écrits que lorsqu’ils ont été frappés au clavier. En outre, bien que le jugement
d’orientation ne nécessite pas une réponse motrice, les activations cérébrales observées en IRMf
dépendaient de la façon dont les caractères avaient été appris. Les caractères associés à l’écriture
manuscrite réactivaient des zones pariétales et prémotrices qui ne s’activaient pas pour ceux qui
avaient été appris au clavier (Longcamp et al., 2008).
5. Conclusion
Selon nous, les lettres ne seraient pas représentées uniquement par leurs caractéristiques
visuelles mais plus largement sur la base d’un réseau plurimodal dont l’une des composantes
serait de nature sensorimotrice. Cette composante se mettrait en place avec les composantes
visuelles et phonologiques pendant l’apprentissage simultané de la lecture et de l’écriture. C’est
cette représentation plurimodale qui serait activée au cours de la perception des lettres. Simultanément à la composante visuelle, la composante sensorimotrice de cette représentation serait
réactivée automatiquement par résonance et elle jouerait un rôle dans les traitements spatiaux
initiaux lors de la perception des lettres. Il apparaît donc fondamental d’examiner comment les
informations visuelles et motrices sont intégrées au cours de l’apprentissage pour aboutir à une
représentation stabilisée sur des populations de neurones spécifiques, et quel est le poids de
l’écriture dans cette représentation.
D’autres processus sensori-moteurs pourraient-ils jouer un rôle pour assister la reconnaissance
visuelle des lettres ? Très probablement, comme l’ont montré Gentaz et al. (2003) et Bara et al.
(2004) qui ont associé le toucher à la vision pendant l’apprentissage des lettres et qui ont observé
que les enfants identifiaient ainsi mieux les lettres, ensuite. Il faut noter de plus, que les enfants
qui avaient appris ainsi lisaient mieux des pseudomots que ceux qui n’avaient appris les lettres
que visuellement, ce qui indique que, au-delà de la lettre elle-même, c’est la relation graphèmephonème qui est améliorée par la manipulation des lettres. À un niveau plus cognitif encore, les
processus moteurs liés à l’écriture auraient-ils un rôle à jouer dans la lecture à proprement parler ?
Une étude récente (Tan et al., 2005) sur la langue chinoise montre que la capacité des enfants
chinois en lecture est étroitement liée à leur performance d’écriture. L’écriture jouerait un rôle
de conscience graphique du logographe, facilitant le développement de liens logiques et efficaces
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
191
avec les symboles visuels, la phonologie et la sémantique. De plus l’écriture permettrait la mise
en place d’un programme moteur qui faciliterait la mémorisation à long terme des caractères
chinois. Le débat sur ce point est loin d’être clos, car ce résultat très stimulant a été radicalement
contredit par une étude ultérieure (Bi et al., 2009).
En dernier lieu, il nous paraît important de souligner que les pratiques de l’écriture changent
considérablement et rapidement, à la fois dans la vie professionnelle, mais surtout à l’école, au
moment des apprentissages primordiaux de l’écrit. De plus en plus, les claviers détrônent les
crayons, les livres électroniques (e-books) les livres papier. L’impact que ces nouveaux outils et
supports auront sur la pratique de l’écriture et de la lecture, bien que difficile à anticiper, mérite
d’être réfléchi et, si possible, étudié expérimentalement (Mangen et Velay, in press). C’est là sans
doute un des enjeux des neurosciences pour l’éducation.
Conflit d’intérêt
Aucun.
Références
Adams, M.J., 1990. Beginning to read: Thinking and learning about print. MIT press, Cambridge.
Anderson, S.W., Damasio, A.R., Damasio, H., 1990. Troubled letters but not numbers: Domain specific cognitive impairments following focal damage in frontal cortex. Brain 113 (3), 749–766.
Arguin, M., Bub, D.N., 1993. Single-character processing in a case of pure alexia. Neuropsychologia 31 (5),
435–458.
Babcock, M.K., Freyd, J.J., 1988. Perception of dynamic information in static handwritten forms. The American Journal
of Psychology 101 (1), 111–130.
Badian, N.A., 1995. Predicting reading ability over the long term: the changing roles of letter naming, phonological
awareness and orthographic processing. Annals of Dyslexia 45, 79–96.
Bara, F., Gentaz, E., Colé, P., Sprenger-Charolles, L., 2004. The visuo-haptic and haptic exploration of letters
increases the kindergarten-children’s understanding of the alphabetic principle. Cognitive Development 19 (3),
433–449.
Barsalou, L.W., 2008. Grounded cognition. Annual Review of Psychology 59, 617–645.
Bartolomeo, P., Bachoud-Lévi, A.C., Chokron, S., Degos, J.D., 2002. Visually and motor-based knowledge of letters:
Evidence from a pure alexic patient. Neuropsychologia 40 (8), 1363–1371.
Behrmann, M., Plaut, D.C., Nelson, J., 1998. A literature review and new data supporting an interactive account of letter
by letter reading. Cognitive Neuropsychology 15, 7–51.
Bergson, H., 1939. Matière et mémoire. PUF, Paris.
Bi, Y., Han, Z., Zhang, Y., 2009. Reading does not depend on writing, even in Chinese. Neuropsychologia 47, 1193–1199.
Bowers, J.S., Vigliocco, G., Haan, R., 1998. Orthographic, phonological, and articulatory contributions to masked letter
and word priming. Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance 24 (6), 1705–1719.
Callan, A.M., Callan, D.E., Masaki, S., 2005. When meaningless symbols become letters: neural activity change in
learning new phonograms. NeuroImage 28, 553–562.
Cohen, L., Dehaene, S., Naccache, L., Lehericy, S., Dehaene-Lambertz, S., Henaff, M.A., Michel, F., 2000. The visual
word form area: Spatial and temporal characterization of an initial stage of reading in normal subjects and posterior
split-brain patients. Brain 123 (2), 291–307.
Coltheart, M., Rastle, K., Perry, C., Langdon, R., Ziegler, J.C., 2001. DRC: A dual route cascaded model of visual word
recognition and reading aloud. Psychological Review 108, 204–256.
Corballis, M.C., Beale, I.L., 1976. The psychology of left and right. Lawrence Erlbaum Associates, Hove, Hillsdale, NJ.
Craighero, L., Fadiga, L., Rizzolatti, G., Umilta, C., 1999. Action for perception: A motor-visual attentional effect. Journal
of Experimental Psychology: Human Perception and Performance 25 (6), 1673–1692.
Damasio, A.R., Damasio, H., 1983. The anatomic basis of pure alexia. Neurology 33, 1573–1583.
Dehaene, S., 2007. Les neurones de la lecture. Odile Jacob, Paris.
192
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
Déjerine, J., 1892. Contribution à l’étude anatomo-pathologique et clinique des différentes variétés de cécité verbale.
Mémoires de la Société de Biologie 4, 61–90.
Ellis, A.W., 1993. Reading, writing and dyslexia A cognitive analysis. Laurence Erlbaum Associates, Hove.
Fitzgerald, J., Shanahan, T., 2000. Reading and writing relationships and their development. Educational Psychologist
35, 39–50.
Flores d’Arcais, G.B., 1994. Order of strokes writing as a cue for retrieval in reading Chinese characters. European Journal
of Cognitive Psychology 6, 337–355.
Flowers, D.L., Jones, K., Noble, K., Vanmeter, J., Zeffiro, T.A., Wood, F.B., Eden, G.F., 2004. Attention to single letters
activates left extrastriate cortex. NeuroImage 21 (3), 829–839.
Foulin, J.N., 2005. Why is letter-name knowledge such a good predictor of learning to read? Reading and Writing 18,
129–155.
Freyd, J.J., 1983. Representing the dynamics of a static form. Memory and Cognition 11 (4), 342–346.
Garrett, A.S., Flowers, D.L., Absher, J.R., Fahey, F.H., Gage, H.D., Keyes, J.W., Porrino, L.J., Wood, F.B., 2000. Cortical
activity related to accuracy of letter recognition. NeuroImage 11 (2), 111–123.
Gauthier, I., Tarr, M.J., Moylan, J., Skudlarski, P., Gore, J.C., Anderson, A.W., 2000. The fusiform “face area” is part of
a network that processes faces at the individual level. Journal of Cognitive Neuroscience 12 (3), 495–504.
Gentaz, E., Colé, P., Bara, F., 2003. Évaluation d’entraînements multisensoriels de préparation à la lecture pour les enfants
de grande section maternelle : étude sur la contribution du système haptique manuel. L’Année Psychologique 104,
561–584.
Goodnow, J.J., Levine, R.A., 1973. The grammar of action: Sequence and syntax in children’s copying. Cognitive
Psychology 4, 82–98.
Grainger, J., Rey, A., Dufau, S., 2008. Letter perception: From pixels to pandemonium. Trends in Cognitive Science 12
(10), 381–387.
Gros, H., Boulanouar, K., Viallard, G., Cassol, E., Celsis, P., 2001. Event-related functional magnetic resonance imaging
study of the extrastriate cortex response to a categorically ambiguous stimulus primed by letters and familiar geometric
figures. Journal of Cerebral Blood Flow and Metabolism 21 (11), 1330–1341.
Hamm, J.P., Johnson, B.W., Corballis, M.C., 2004. One good turn deserves another: An event-related brain potential study
of rotated mirror-normal letter discriminations. Neuropsychologia 42 (6), 810–820.
Husserl, E., 1989. Chose et espace : leçons de 1907. PUF, Paris.
James, K.H., James, T.W., Jobard, G., Wong, A.C., Gauthier, I., 2005. Letter processing in the visual system: Different activation patterns for single letters and strings. Cognitive, Affective and Behavioural Neuroscience 5 (4),
452–466.
James, K.H., Gauthier, I., 2006. Letter processing automatically recruits a sensory-motor brain network. Neuropsychologia
44 (14), 2937–2949.
Joseph, J.E., Gathers, A.D., Piper, G.A., 2003. Shared and dissociated cortical regions for object and letter processing.
Cognitive Brain Research 17 (1), 56–67.
Joseph, J.E., Cerullo, M.A., Farley, A.B., Steinmetz, N.A., Mier, C.R., 2006. fMRI correlates of cortical specialization
and generalization for letter processing. NeuroImage 32, 806–820.
Kandel, S., Orliaguet, J.P., Boe, L.J., 2000a. Detecting anticipatory events in handwriting movements. Perception 29,
953–964.
Kandel, S., Orliaguet, J.P., Viviani, P., 2000b. Perceptual anticipation in handwriting: The role of implicit motor competence. Perception and Psychophysics 62 (4), 706–716.
Kato, C., Isoda, H., Takehar, Y., Matsuo, K., Moriya, T., Nakai, T., 1999. Involvement of motor cortices in retrieval of
kanji studied by functional MRI. Neuroreport 10, 1335–1339.
Kleinschmidt, A., Buchel, C., Hutton, C., Friston, K.J., Frackowiak, R.S.J., 2002. The neural structures expressing
perceptual hysteresis in visual letter recognition. Neuron 34 (3), 659–666.
Kosslyn, S.M., Koenig, O., Barret, A., Cave, C.B., Tang, J., Gabrieli, J.D.E., 1989. Evidence for two types of spatial representations: Hemispheric specialization for categorical and coordinate relations. Journal of Experimental Psychology:
Human Perception and Performance 15, 723–735.
Longcamp, M., Anton, J.L., Roth, M., Velay, J.L., 2003. Visual presentation of single letters activates a premotor area
involved in writing. NeuroImage 19 (4), 1492–1500.
Longcamp, M., Anton, J.L., Roth, M., Velay, J.L., 2005a. Premotor activations in response to visually presented single letters depend on the hand used to write: A study in left-handers. Neuropsychologia 43 (12),
1801–1809.
Longcamp, M., Zerbato-Poudou, M.T., Velay, J.L., 2005b. The influence of writing practice on letter recognition in
preschool children: A comparison between handwriting and typing. Acta Psychologica 119 (1), 67–79.
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
193
Longcamp, M., Boucard, C., Gilhodes, J.C., Velay, J.L., 2006. Remembering the orientation of newly learned characters
depends on the associated writing knowledge: A comparison between handwriting and typing. Human Movement
Science 25 (4–5), 646–656.
Longcamp, M., Boucard, C., Gilhodes, J.C., Anton, J.L., Roth, M., Nazarian, B., Velay, J.L., 2008. Learning through
hand- or typewriting influences visual recognition of new graphic shapes: Behavioral and functional imaging evidence.
Journal of Cognitive Neuroscience 20 (5), 802–815.
Mangen, A., Velay, J.L. Digitizing literacy: Reflections on the haptics of writing. In A. Lazinica (Ed.), Advances in
Haptics. Vienna: IN-TECH web, 18 pp, in press.
Martin, A., 2007. The representation of object concepts in the brain. Annual Review of Psychology 58, 25–45.
Matsuo, K., Kato, C., Okada, T., Moriya, T., Glover, G.H., Nakai, T., 2003. Finger movements lighten neural loads in the
recognition of ideographic characters. Brain Research Cognitive Brain Research 17 (2), 263–272.
McCandliss, B.D., Cohen, L., Dehaene, S., 2003. The visual form area: Expertise for reading in the fusiform gyrus. Trends
in Cognitive Sciences 7 (7), 293–299.
McClelland, J.L., Rumelhart, D.E., 1981. An interactive activation model of context effects in letter perception: part 1 An
account of basic findings. Psychological Review 88 (5), 375–407.
Miozzo, M., Caramazza, A., 1998. Varieties of pure alexia: The case of failure to access graphemic representations.
Cognitive Neuropsychology 15 (1–2), 203–238.
Montant, M., Behrmann, M., 2000. Pure alexia. Neurocase 6, 265–294.
Murata, A., Fadiga, L., Fogassi, L., Gallese, V., Raos, V., Rizzolatti, G., 1997. Object representation in the ventral premotor
cortex (area F5) of the monkey. Journal of Neurophysiology 78 (4), 2226–2230.
Mycroft, R., Hanley, J.R., Kay, J., 2002. Preserved access to abstract letter identities despite abolished letter naming in a
case of pure alexia. Journal of Neurolinguistics 15 (2), 99–108.
Näslund, J.C., Schneider, W., 1996. Kindergarten letter knowledge, phonological skills, and memory processes: Relative
effects on early literacy. Journal of Experimental Child Psychology 62 (1), 30–59.
Niederbuhl, J, Springer, S.P., 1979. Task requirements and hemispheric asymmetry for the processing of single letters.
Neuropsychologia 17, 689–692.
Olivier, G., Velay, J.L., 2009. Visual objects can potentiate a grasping neural simulation which interferes with manual
response execution. Acta Psychologica 130 (2), 147–152.
Orliaguet, J.P., Kandel, S., Boe, L.J., 1997. Visual perception of motor anticipation in cursive handwriting: Influence of
spatial and movement information on the prediction of forthcoming letters. Perception 26 (7), 905–912.
Paillard, J., 1971. Les déterminants moteurs de l’organisation spatiale. Cahiers de Psychologie 14 (4), 261–316.
Papathanasiou, I., Filipovic, S.R., Whurr, R., Rothwell, J.C., Jahanshahi, M., 2004. Changes in corticospinal motor
excitability induced by non-motor linguistic tasks. Experimental Brain Research 154 (2), 218–225.
Parkinson, J., Khurana, B., 2007. Temporal order of strokes primes letter recognition. Quarterly Journal of Experimental
Psychology 60, 1265–1274.
Parkinson, J., Dyson, B.J., Khurana, B. (2010). Line by line: The ERP correlates of stroke order priming in letters.
Experimental Brain Research 201 (3), 575–586.
Paulesu, E., McCrory, E., Fazio, F., Menoncello, L., Brunswick, N., Cappa, S.F., Cotelli, M., Cossu, G., Corte, F., Lorusso,
M., Pesenti, S., Gallagher, A., Perani, D., Price, C., Frith, C.D., Frith, U., 2000. A cultural effect on brain function.
Nature Neuroscience 3 (1), 91–96.
Pernet, C., Celsis, P., Demonet, J.F., 2005. Selective response to letter categorization within the left fusiform gyrus.
NeuroImage 28 (3), 738–744.
Perri, R., Bartolomeo, P., Silveri, M.C., 1996. Letter dyslexia in a letter by letter reader. Brain and Language 53 (3),
390–407.
Perry, C., Ziegler, J.C., Zorzi, M., 2007. Nested incremental modeling in the development of computational theories: The
CDP+ model of reading aloud. Psychological Review 114 (2), 273–315.
Poincaré, H., 1905. La science et l’hypothèse. Flammarion, Paris.
Polk, T.A., Farah, M.J., 1998. The neural development and organization of letter recognition: Evidence from functional
neuroimaging, computational modeling, and behavioral studies. In: Proceedings of the National Academy of Sciences
of the USA 95, pp. 847–852.
Polk, T.A., Stallcup, M., Aguirre, G.K., Alsop, D.C., D’Esposito, M., Detre, D.A., Farah, M.J., 2002. Neural specialization
for letter recognition. Journal of Cognitive Neuroscience 14, 145–159.
Price, C.J., Delvin, J.T., 2003. The myth of the visual word form area. NeuroImage 19 (3), 473–481.
Reinke, K., Fernandes, M., Schwindt, G., O’Craven, K., Grady, C.L., 2008. Functional specificity of the visual word form
area: General activation for words and symbols but specific network activation for words. Brain and Language 104
(2), 180–189.
194
M. Longcamp et al. / Psychologie française 55 (2010) 181–194
Rey, A., Dufau, S., Massol, S., Grainger, J., 2009. Testing computational models of letter perception with item-level
event-related potentials. Cognitive Neuropsychology 26 (1), 7–22.
Seki, K., Yajima, M., Sugishita, M., 1995. The efficacy of kinesthetic reading treatment for pure alexia. Neuropsychologia
33 (5), 595–609.
Selfridge, O.G., 1959. In: Blake, D.V., Uttley, A.M. (Eds.), Pandemonium: A paradigm for learning. H.M. Stationary
Office, pp. 511–529.
Tan, L.H., Spinks, J.A., Eden, G.F., Perfetti, C.A., Siok, W.T., 2005. Reading depends on writing in Chinese. In: Proceedings
of the National Academy of Sciences of the USA 102, pp. 8781–8785.
Terepocki, M., Kruk, R.S., Willows, D.M., 2002. The incidence and nature of letter orientation errors in reading disability.
Journal of Learning Disabilities 35, 214–233.
Tucker, M., Ellis, R., 2001. The potentiation of grasp types during visual object categorization. Visual Cognition 8,
769–800.
Varela, F.J., Thompson, E., Rosch, E., 1991. The embodied mind: Cognitive science and human experience. MIT Press,
Cambridge.
Velay, J.L., Longcamp, M., Zerbato-Poudou, M.T., 2004. De la plume au clavier : est-il toujours utile d’enseigner l’écriture
manuscrite ? In: Gentaz et, E., Dessus, P. (Eds.), Comprendre les apprentissages : sciences cognitives et éducation.
Dunod, Paris, pp. 69–82.
Vinckier, F., Dehaene, S., Jobert, A., Dubus, J.P., Sigman, M., Cohen, L., 2007. Hierarchical coding of letter strings in
the ventral stream: Dissecting the inner organization of the visual word-form system. Neuron 55 (1), 143–156.
Viviani, P. (1990). Motor-perceptual interactions: The evolution of an idea. In: Piatelli Palarini, M. (Ed.), Cognitive science
in Europe: issues and trends. Golem Monograph Series, pp. 11–39.
Viviani, P., Stucchi, N., 1989. The effect of movement velocity on form perception: Geometric illusions in dynamic
displays. Perception and Psychophysics 46, 266–274.
Viviani, P., Stucchi, N., 1992. Biological movements look uniform: Evidence of motor-perceptual interactions. Journal of
Experimental Psychology: Human Perception and Performance 18 (3), 603–623.
Wilson, M., 2002. Six views of embodied cognition. Psychonomic Bulletin and Review 9 (4), 625–636.
Wolff, P.H., Melngailis, I., 1996. Reversing letters and reading transformed text in dyslexia: A reassessment. Reading and
Writing 8 (4), 341–355.
Wong, A.C., Jobard, G., James, K.H., James, T.W., Gauthier, I., 2009. Expertise with characters in alphabetic and
nonalphabetic writing systems engage overlapping occipito-temporal areas. Cognitive Neuropsychology 26, 111–127.
Xue, G., Chen, C., Jin, Z., Dong, Q., 2006. Language experience shapes fusiform activation when processing a logographic
artificial language: An fMRI training study. NeuroImage 31, 1315–1326.

Documents pareils