Décision : 7532 Du : 22 avril 2002 Dossier : 1201

Transcription

Décision : 7532 Du : 22 avril 2002 Dossier : 1201
Décision :
7532
Du :
22 avril 2002
Dossier :
1201-03
En vertu de : Loi sur les producteurs agricoles
(L.R.Q., c. P-28)
UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES
555, boulevard Roland-Therrien
Longueuil (Québec) J4H 3Y9
Organisme demandeur
ET
MONSIEUR CLAUDE VÉZINA
Pisciculture Stoneham enr.
340, rue Whalen
Stoneham (Québec) G0A 4P0
Mis en cause
OBJET :
Détermination de statut de producteur agricole
pour les années 1998 à 2001 inclusivement
ÉTAIT PRÉSENT :
Président :
201, boulevard Crémazie Est, 5e étage
Montréal (Québec) H2M 1L3
Téléphone : (514) 873-4024
Télécopieur : (514) 873-3984
Monsieur Gaétan Busque
DÉCISION
1.
LA DEMANDE
Le 21 février 2002, M. Jean Blache de l’Union des producteurs agricoles (UPA) adresse
à la Régie une requête en vertu de l’article 46 de la Loi sur les producteurs agricoles.
Cette requête est à l’effet de déterminer si M. Claude Vézina de Pisciculture Stoneham
enr., répond à la définition de producteur agricole pour les années 1998 à 2001
inclusivement.
Compte tenu que cette requête n’a pas été signifiée à M. Vézina, la Régie lui en
expédie copie le 27 février 2002 lui demandant ses intentions quant à cette requête.
Le 7 mars 2002, M. Claude Vézina informait la Régie que ce dossier faisait déjà l’objet
d’une poursuite en Cour supérieure, qu’il avait produit une défense au palais de justice
de Longueuil et qu’il estimait avoir déjà fourni les preuves et les explications au litige
existant avec l’UPA.
2.
LE CADRE JURIDIQUE
La Régie entend la demande en vertu des articles 1 et 46 de la Loi sur les producteurs
agricoles (L.R.Q., c. P-28) :
1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les mots et
expressions suivants signifient ou désignent :
(…)
j) « producteur » : une personne engagée dans la production d'un produit agricole
sauf :
(…)
iii) une personne engagée dans la production d’un produit agricole consommé
entièrement par elle-même et les membres de sa famille;
iv) une personne dont la production agricole destinée à la mise en marché est d'une
valeur annuelle inférieure à 3 000 $ ou, compte tenu de la variation du prix des produits
agricoles, à toute autre somme que peut déterminer le gouvernement par décret, lequel
entre en vigueur à la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute
date ultérieure qui y est fixée;
46. Outre les autres pouvoirs que lui confère la présente loi, la Régie peut tenter de
régler, concilier ou arbitrer tout différend survenant à l'occasion ou dans le cours de
l'application de la présente loi entre l'association accréditée et les producteurs,
syndicats, syndicats spécialisés, fédérations, fédérations spécialisées, offices ou les
personnes engagées dans la mise en marché d'un produit agricole ou entre l'une ou
l'autre de ces personnes ou organismes, si le différend porte sur l'une ou l'autre des
matières suivantes :
(…)
d) le statut de producteur d'une personne au sens du paragraphe j de l'article 1;
Le Décret 1618-95, du 13 décembre 1995, a modifié à compter du 1er janvier 1996, le
montant de la valeur annuelle prévue à l’article 1 comme suit :
Qu’aux fins du sous-paragraphe iv du paragraphe j de l’article 1 de la Loi sur les
producteurs agricoles (L.R.Q., c., P-28), le montant de la valeur annuelle de production
destinée à la mise en marché, en deçà duquel une personne engagée dans la
production d’un produit n’est pas considérée être un producteur, soit fixée à 5 000 $.
3
3.
LA SÉANCE PUBLIQUE
La séance publique se tient le 19 avril 2002 au bureau de la Régie à Lévis. L’UPA est
représentée par Me Johanne Brodeur ainsi que par Mme Roseline Drolet, Mme Ginette
Thivierge et M. Alain Juneau.
La séance, prévue pour 10 h conformément à l’avis transmis aux parties le 28 mars
2002, débute à 10 h 25 en raison de l’absence de M. Claude Vézina et des
conversations téléphoniques de Me Pierre Labrecque, conseiller juridique et secrétaire
de la séance pour s’enquérir auprès de M. Vézina des raisons de son absence.
Me Labrecque informe la Régie qu’il a communiqué par téléphone avec M. Claude
Vézina de Pisciculture Stoneham enr. qui lui a dit, d’une part, ne pas avoir compris le
sens de l’avis de séance publique reçu de la Régie et, d’autre part, avoir été conseillé
de ne pas se présenter devant la Régie. Me Labrecque indique que compte tenu des
propos de M. Vézina, il conclut que ce dernier refuse de se présenter devant la Régie.
À la suite de ces informations, la Régie décide de procéder et d’entendre les
observations de l’UPA.
4.
LES OBSERVATIONS DE L’UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES
Me Johanne Brodeur fait témoigner successivement Mme Roseline Drolet, Mme Ginette
Thivierge et M. Alain Juneau qui sont assermentés.
4.1
Mme Roseline Drolet
Mme Roseline Drolet est secrétaire du Syndicat de base de Fossambault (le Syndicat)
depuis 1981; elle indique qu’en 1998, elle a eu deux contacts téléphoniques avec
M. Claude Vézina puis reçu de ce dernier, en avril de la même année, une demande
écrite pour être retiré du Syndicat.
À la suite de cette demande, Mme Drolet achemine à M. Vézina le formulaire
« Déclaration du statut de non-producteur agricole » afin que ce dernier le complète et
lui retourne. Un modèle de ce document est déposé sous U-1. Après avoir reçu ce
formulaire, M. Vézina la rappelle pour lui indiquer qu’il ne le signera pas parce qu’il
retire un revenu supérieur à 5 000 $ de son entreprise et qu’il ne veut pas payer de
contribution à l’UPA.
Le 2 septembre 1998, elle fournit l’information au conseil d’administration du Syndicat
qui refuse alors de retirer M. Claude Vézina de sa liste de producteurs. Elle téléphone
par la suite à M. Vézina pour l’informer de la décision du conseil d’administration le 12
septembre 1998. Une preuve de cet appel est déposée sous U-2. Au cours de cette
conservation téléphonique, M. Vézina a indiqué que ses revenus avoisinaient les
10 000 $ et qu’il ne pouvait pas payer une cotisation à l’UPA. Il voulait que l’UPA le
considère comme une exception et qu’elle l’aide à passer à travers et qu’il paierait
lorsque son revenu s’améliorerait. Dans le cas contraire, il dit qu’il préparerait un
dossier contre l’UPA et alerterait l’opinion publique.
Mme Drolet, à partir de son cahier de notes, fait la lecture du compte rendu d’un point à
l’ordre du jour de la rencontre du conseil d’administration du Syndicat du 22 mai 2000 :
« 8. Liste des producteurs : Pisciculture Stoneham ne veut pas payer et
demande ce que fait l'UPA. Alain Juneau s’occupe de répondre. »
Mme Thivierge informe la Régie que M. Vézina a déjà déclaré être producteur au sens
de la Loi et une « Formule d’adhésion à un syndicat de base » datée du 11 mai 1995
est déposée sous U-3. Également déposé, sous U-4, un article paru au Journal de
Québec, le 8 décembre 2001, dans lequel la journaliste Diane Tremblay indique avoir
reçu l’information de M. Vézina que ses revenus de l’entreprise Pisciculture Stoneham
enr. dépassaient les 5 000 $ requis pour être déclaré producteur agricole.
4
4.3
M. Alain Juneau
M. Alain Juneau est président du Syndicat de base de Fossambault depuis l’automne
1999. Il était auparavant membre du conseil d’administration et, à ce titre, a déjà
entendu parler du dossier de M. Vézina. Il a d’ailleurs lui-même parlé à ce dernier suite
à la rencontre du conseil d’administration du 22 mai 2000 afin de connaître ses
préoccupations.
M. Vézina désirant connaître ce que l’UPA faisait pour les
pisciculteurs, M. Juneau a obtenu et reçu une documentation pertinente le 26 mai 2000
qu’il lui a par la suite transmise par courrier. Cette documentation est déposée sous
U-5. Il n’a pas reçu de commentaires de M. Vézina sur cette documentation.
Dans sa conversation avec M. Vézina, M. Juneau indique que ce dernier a déclaré avoir
des revenus d’environ 10 000 $ mais qu’il n’avait pas les moyens de payer une
cotisation à l’UPA.
M. Juneau raconte qu’il a vu M. Vézina au congrès de l’UPA de 1998 alors que
Mme Sylvie Marier cherchait un représentant des pisciculteurs pour une entrevue avec
une journaliste.
Les témoignages terminés, Me Brodeur demande à la Régie de déclarer M. Claude
Vézina producteur agricole puisque les trois témoignages complétés par la déclaration
de la journaliste Diane Tremblay sont constants, concordent à l’effet que M. Claude
Vézina est propriétaire de Pisciculture Stoneham enr., qu’il ne nie pas avoir de revenus
de cette entreprise dépassant 5 000 $, ayant même déclaré qu’ils avoisinaient les
10 000 $.
Me Brodeur soumet qu’il s’agit d’un aveu. De plus, les déclarations faites à la journaliste
indiquent que M. Vézina refuse de payer ses contributions à l’UPA parce qu’il n’y avait
adhéré que pour obtenir un remboursement de taxes auquel il n’a finalement pas eu
droit. La photographie de M. Vézina où l’on voit clairement les installations piscicoles et
ses déclarations démontrent qu’il exploite cette entreprise.
D’ailleurs, elle souligne que M. Vézina a déjà signé une déclaration à l’effet qu’il était
producteur agricole en 1995 et il a refusé de signer la déclaration du statut de nonproducteur agricole dans lequel il aurait déclaré « ne pas répondre à l’exigence de
5 000 $ de vente minimum de produits agricoles ou de potentiel de vente ».
Sur la base des témoignages et des pièces documentaires déposées, Me Brodeur
demande que M. Claude Vézina soit déclaré producteur agricole pour les années 1998,
1999, 2000 et 2001.
5.
ANALYSE ET DÉCISION
La Régie doit d’abord déterminer si l’intimé est engagé dans la production d’un produit
agricole, si cette production est destinée à la mise en marché et si sa valeur annuelle
est supérieure à 5 000 $.
La Régie détient l’information que M. Claude Vézina avait pour les années 1995, 1997
et 2000 un enregistrement en vertu du Règlement sur l’enregistrement des exploitations
agricoles sur le remboursement des taxes foncières et des compensations. Pour
obtenir un tel enregistrement du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de
l’Alimentation, la personne qui demande un enregistrement doit démontrer que
l’exploitation agricole a généré, au cours de l’année civile précédente, un revenu brut
égal ou supérieur à la valeur minimale de production agricole nécessaire pour se
qualifier comme producteur en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles. M. Vézina
a fait une telle demande pour les années 1995, 1997 et 2000 et obtenu
l’enregistrement. Cet enregistrement n’a pas été radié, donc il est toujours valable.
Sa propre déclaration indique qu’il est propriétaire à 100 % de l’entreprise Pisciculture
Stoneham enr. pour l’avoir acquise en 1994, que la source de revenus de l’entreprise,
qui dépassent largement 5 000 $, est la pisciculture, notamment l’élevage de truites de
table, de truites d’ensemencement et la production d’œufs de truites.
5
Au sens de la Loi sur les producteurs agricoles, le produit de l’aquiculture est assimilé à
un produit agricole. Cette même loi indique que la « mise en marché » est la mise en
marché au sens de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et
de la pêche (L.R.Q., c. M-35); elle précise également qu’en l’absence de toute preuve
contraire, la personne qui détient un produit agricole dans une quantité qui excède les
besoins de sa propre consommation est présumée la destiner à la vente.
La vente étant une activité de mise en marché et les unités vendables de produit
piscicole déclarées par M. Vézina excédant les 10 000 par type, la Régie ne peut que
conclure que ce dernier est engagé dans la production d’un produit agricole destiné à la
mise en marché.
Des déclarations mêmes de M. Vézina à sa fiche d’enregistrement, des témoignages
entendus à la séance publique, la Régie retient que les revenus tirés de cette entreprise
sont supérieurs à la valeur annuelle permettant de considérer M. Vézina comme
producteur agricole.
EN CONSÉQUENCE et pour les motifs ci-dessus exprimés, la Régie des marchés
agricoles et alimentaires du Québec :
DÉCLARE que M. Claude Vézina est un producteur agricole au sens de l’article 1 j) de
la Loi sur les producteurs agricoles pour les années 1998, 1999, 2000 et 2001.
__________________________________
Gaétan Busque