Sur Internet, escort-girls et mineurs sont parfois des gendarmes !

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Sur Internet, escort-girls et mineurs sont parfois des gendarmes !
MAI 11
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UNITES SPECIALISEES
Sur Internet, escort-girls
et mineurs sont
parfois des gendarmes !
Deux militaires de la section de recherches de Dijon
infiltrent les forums et « chats » d'adolescents ou les
sites de prostituées, pour confondre pédophiles et
proxénètes qui recrutent leur proies sur la toile.
evant leur ordinateur, ils revêtent l'identité d'un mineur
pour démasquer les pédophiles ou d'une escort-girl pour
démanteler un réseau de proxénètes : à Dijon, où la
deuxième unité de cybermfiltration de France a récemment vu
le jour, les gendarmes patrouillent sur Internet.
Dans leur bureau, le matériel informatique saisi déborde des
étagères et de puissants ordinateurs vrombissent toute la jour-
D
née. L'adjudant-chef S., 43 ans, et l'adjudant E., 39 ans, passent d'un forum Internet d'ados à un « ichat » fréquenté par des
mineurs.
« ll faut acquérir le vocabulaire des ados, fautes
d'orthographe composes, comme tout bon tchateur qui se respecte », explique l'adjudant-chef S., qui insiste sur « la capacité
à se créer un scénario et à se mettre dans la peau d'un personnage, comme dans une vraie infiltration ».
« Pour que ce soit crédible, on se base sur des gens qui existent, comme nos enfants », détaille-t-il.
Depuis octobre dernier, la section de recherche de la Gendarmerie de Dijon dispose de deux enquêteurs spécialisés, formes notamment à l'université de technologie de Troyes et habilités à « participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques », comme l'indique la loi de mars 2007 qui encadre
strictement leur action.
Au côté des cinq gendarmes basés au fort de Rosny-sousBois (Seine-Saint-Denis), également affectés à la cyberinfiltration depuis début 2009, ils patrouillent sur le Net dans les domaines des « atteintes aux mineurs », de « la traite des êtres humains » et du « proxénétisme ».
« Aujourd'hui, le moyen le plus facile d'approcher un gamin,
ce n'est plus devant l'école, c'est sur la toile, où se développent
aussi certaines formes de proxénétisme », analyse le lieutenantcolonel Francis Hans, commandant de la section de recherche
de Dijon
« Cette évolution fait qu'on ne peut plus suivre les affaires a
posteriori. Intercepter des filles sur le parking d'un hôtel puis
chercher à remonter une filière, on travaillait encore comme ça
Hy a quatre ou cinq ans, plus maintenant », poursuit celui qui est
à l'origine de cette deuxième unité.
« Notre objectif va être, par exemple, de nous faire passer
pour une jeune femme qui contacterait un site Internet d'escortgirls pour gagner de l'argent afin de voir ce qu'il y a derrière »,
dévoile-t-il.
Face au rôle croissant d'Internet dans notre vie quotidienne,
«il y a une volonté de la Gendarmerie de se développer dans ce
domaine », ajoute le lieutenant-colonel Hans, qui attend deux
nouveaux cyberpatrouilleurs « dans le courant de l'année » et la
création « d'autres unités ailleurs en France ».
Durant leur « chasse », les cybergendarmes se focalisent sur
les pédophiles « susceptibles de passer à l'acte ». Une fois le
contact établi avec un suspect et en cas de rendez-vous proposé au mineur fictif dans un lieu public, l'homme sera interpellé
par les gendarmes.
Une affaire de ce type, conduite par les cybergendarmes de
Dijon qui opèrent surtout l'Est de la France dans plusieurs dossiers de pédophilie, doit être jugée prochainement.
Les cybergendarmes sur les bancs
dè l'université de Troyes
A Troyes, la seule université de France
a former des cybergendarmes propose depuis
janvier 2011 une nouvelle licence aux officiers de police judiciaire (OPJ) désireux
de se spécialiser dans
les technologies numériques pour répondre
aux besoins croissants
dans ce domaine.
« Le domaine numéTROYES
8006818200504/XFA/ANN/3
rique est une scene de
crime à part entière »,
explique un formateur
devant la première promotion de gendarmes
spécialistes en cybercriminalité à suivre
la licence « Enquêteur
technologies numériques » dispensée par
l'Université de technologie de Troyes (Aube).
« Au même titre que
l'empreinte digitale
ou les traces ADN,
la recherche et
l'exploitation de la
preuve numérique
constituent des éléments déterminants
pour les enquêtes Judiciaires actuelles »,
poursuit l'adjudant
Emmanuel Bonheure,
du Centre national de
formation de la police
judiciaire (CNFPJ), qui
assure l'enseignement
Reportage de Tupac POINTU.
avec des professeurs
de l'UTT.
Selon l'adjudant
Bonheure, deux cents
gendarmes qualifiés
« NTech » sont déjà
en activité en France.
« Certains sont munis
d'un simple diplôme
universitaire, maîs avec
la licence professionnelle de l'UTT, la formation est plus complète
et surtout reconnue
au niveau européen »
A terme, l'objectif est
de pourvoir chaque brigade départementale
Eléments de recherche : UNIVERSITÉ DE TECHNOLOGIE DE TROYES (10) : toutes citations
et chaque section
de recherche d'au
moins deux gendarmes
diplômés NI'Tech
L'enseignement dispense en alternance
à Troyes et au CNFPJ
de Fontainebleau
concerne aussi bien
les délits liés à
l'Internet, comme la diffusion d'images pédopornographiques, que
le « technocrime international » qui touche
à la securité
des entreprises.
Par Alain JULIEN