Fugue à Venise
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Fugue à Venise
DES IIEUX ]l ! Fugue à Venise :.: Son environnement aquatique donne à la Sérénissime son atmosphère très particulière faite de mystère et de langueur. George Sand et Thomas Mann ont contemplé l'éphémère dans ses eaux. il I rriver à Venise par le che- min de fer, c'était entrer dars un palais par laporte de denière ; il ne fallaitpas approcher I'inrnaisemblable cité autrement que comme lui, en bateau, par le large. > (In mrlrt ù Vmise, p. 57.) Convoyé en4 CV, Jean Giono n'a pas suivi le conseil de Thomas Marur. Celane I'empéche pas de saisir I'rure des particularitéste la Séré nissime: < Uneville de scaphandriers nous entoure [...]. I.e.silence deVenise peut èhe utilisé sans fatigue pour la jouissance (et pas banale) de toute une vie. Il a cependant la qualité des grands silences. Depuis que j'ai dé barqué [...], j'éprouve ce pour quoi depuis toqiours et partout tant , dhommes de qualité ontfui le monde. [...] Comme rur aveu$e seraitheureux à Venise ! >> (Voyage en Italie, p.9598). Mais que signifie une fugue vénitierme ? S'aveugler de beauté, s'eniwer de silences ou s'embarquer pour ìrnvoJxage sans retour? Thomas Mann ressent une appréhension secrète à mettre le pied dans une gondole : les silencieuses et cri" Celarappelle minelles aventures de nuits où I'on nentend que le clapotis des ear:x, cela suggère I'idée de Ia mort elle-méme, de corps transportés sur des civières, d'événements firnèbres, d'un zupréme etmuetvoyage. > (1d., p.58.) Ic moralisbe anglican John Ruskin, dans un traité d'esthétique qui encharúaProust, portait le mème regard éclaixant surVenise, << fantóme étendu sur le sable, si faible, si Fanquille, si dénué de tout sauf de son charme, qu'on peut, en contemplant son pàle reflet dans la lagune, se demander quelle est la cité, quelle est I'ombre ! > (Les pienus de Veruise, p. 4.) Theophile Gartier, entré dans lia charnbre de sa " chimère les yeux bandés > (il est arrivé de nuit dans laville), ressent une impression similaire : < Uombre lui rend le mystère dont le jour la dé- 2OO6 < Les gondoles privées, à I'amarre, sur pouille, remet le masque et le domino notre passage, hochent tristement du fer, nous troublons leur r6ve. > (/d., antique aux r,rrlgaires habitants, et p. 109.) Ou encore, sous dorme auxplus simples mouvements de la vie des allures d'intrigue ou de crime. > (Voyage en ltalie, p.70.) Llatrnosphère mortifère de la cité impregne les textes qui lui sont consacrés, y compris chez les bons vivants, ies mondairs presque blasés, tel Paul Morand : < Venise résume dans son espace conhaint ma durée sur terre, située elle aussi au-dessus du vide, entre les ea,ux fetales et celles du Styx. Je me sens décharmé de toute la planète sauf de Venise, sauf de Saint-Marc, mosquée dont le pave- I'eil de George Sand : <. Les fleurs de Venise, nées dans une glaise tiède, écloses dars un aA humide, ont [...] une langueur d'attitude qui les fait ressembler aux femmes de ce climat, dont la beauté est éclatante et éphémère comme laleur. (Lettres d,'un uoyageur," p. 82.) Sand ajoute : < Elle n'avait pas quitté le deuil qu'elle endosse avec ì'hiver, quand tu as lu ses piliers de marbre grec, dont tu comparais la couleur et la forme à celles des osse- Carnel dtadresses àVenise Porsioto La Gelcùia zRrrrnr Rr c,Esunrt, ooRsoouno zgo Transformée en hótel de charme, cette maison du XDf fut celle de Ruskin. Il y rédigea les píeres de Veníse. HarnrrBar CALLE VALLARESSO,sAN MARCO 1323 Dans ce lieu myùique, Cipriani inventa le carpaccio et Hemingway le cocktail Montgomery Et les incontoumables : CaJé Florian, Grifti Palace et h6tel Danieli (pow Proust). Iltonartann IanoíàVeníse (livre de poche) feanGioro Voyage an lolurXrtrldr I*s píues iìe Hermann) îhóophile Voyage ultalíe Eoîte à (Ibid.) Eaultcand Et Gautier de conclure, commetous les amoureux GeorycSand de cette beauté fata.le : (GB ments desséches. > Veníses Irltesil'wt Nous n'avons jamais souhaité qu'un seul grain de poussière accéléràt sa chute dans le sablier, tant nous sommes sùrs que la mort arrivera > (1d., p.66.) Enafbendantqu'elle sombre, les gondoles aux airs de corbillard n'en finissentpas de glisser le long de ses palais de marbre, crus<. tacés cramporures àlavie. Tristan Savin DESSIN AIAIN CHARRIER 22.I. IRE NOVEMBRE ment déclive et boursouflé ressemble à de+tapis de prièrejuxtaposés. > (Veruises, p. 9.) Lacité des Doges, berceau de Casanov4 n'apas résisté aux envahisseurs. < Elle avait mieux à faire : surviwe. > (1d,., p. 33.) On I'a qualifiée de ville musée, elle palpite encore à travers de menus détails :