Vers une nouvelle expérience du shopping
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Vers une nouvelle expérience du shopping
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 70 Décembre 2008 John Oldridge Chapman Taylor Directeur Vers une nouvelle expérience du shopping Alcalá Magna, Alcalá de Henares, Espagne © Chapman Taylor 83 83-87 84 En haut : Cabot Circus, Bristol, Grande-Bretagne © Chapman Taylor En bas : Princesshay, Exeter, Grande-Bretagne © Chapman Taylor 85 Galatsi shopping centre, Athènes, Grèce © Chapman Taylor De nouveaux concepts de la vente au détail pour aujourd’hui et demain Les centres commerciaux existent depuis longtemps – certainement depuis des centaines d’années et on pourrait même dire des milliers – sous la forme de villes et centres-villes, puisqu’un centre commercial n’est rien d’autre qu’un ensemble de magasins regroupés en un même endroit. Le centre commercial fermé moderne fut imaginé d’abord en Amérique du Nord (le «shopping mall») et s’est étendu à l’Europe occidentale dans les années 1970 et ensuite au reste du monde. De nombreux exemples se situaient, et se situent toujours, hors de la ville, où les terrains sont moins chers et où l’architecte n’est pas limité par des restrictions liées aux quartiers historiques et à d’autres influences de ce type. Le centre commercial extérieur à la ville dépend de bons moyens de transport, c’est-à-dire généralement de la voiture et les voitures ont besoin de parkings, qui nécessitent à leur tour beaucoup de place, en particulier si le parking n’a qu’un niveau. Toutefois, ces dernières années, on s’est écarté des grands centres commerciaux hors de la ville en réaction à des modifications des plans d’aménagement du territoire, aux nouveaux choix en matière d’affectation du sol et à la prise de conscience environnementale et, dans de nombreuses régions du monde, les centres commerciaux sont revenus vers le centre ville dans le cadre du nouvel agenda sur la régénération urbaine. L’idée de la régénération urbaine consiste à profiter d’un grand projet de promotion d’un centre urbain (généralement un centre commercial) comme élément catalyseur en vue d’améliorer et de rénover tout le centre-ville, en combinant souvent une mixité d’affectations comme le logement, les bureaux, les loisirs, le sport et la culture, conjointement aux commerces. La synergie qui en résulte permet d’insuffler une nouvelle vie dans le centre de la ville et apporte de nombreux avantages à toute la communauté. Par exemple, en intégrant des appartements et des maisons avec des bars et restaurants, un quartier qui était désert la nuit peut s’animer et reprendre vie, avec des améliorations pour tous au niveau de la sécurité. Deux exemples récents de cette approche sont Princesshay, à Exeter, au Royaume-Uni et Cabot Circus, à Bristol, également au Royaume-Uni. Il est intéressant de noter que ces deux projets mélangent les rues à ciel ouvert et les galeries couvertes et ne sont pas entièrement fermés. Cela permet une économie non négligeable à la fois en coût de construction et en frais de fonctionnement tout en s’intégrant plus aisément dans un centre-ville traditionnel. Une autre tendance nouvelle dans les centres commerciaux consiste à combiner les commerces de détail et les stades sportifs, ce qui permet de partager les parkings et les restaurants/cafés/ bars tout en les utilisant à des moments différents. On peut citer comme exemples de cette évolution Madrid Xanadú (avec un centre de ski indoor) et El Centre, à Barcelone (avec un stade de football). Même les fonctions culturelles peuvent être combinées avec le commerce de détail. Dans City Palais, à Duisburg, nous avons intégré une salle de concert et un casino. Et je vois bien cette tendance se développer à l’avenir avec toutes sortes d’activités civiques combinées avec le commerce, ce qui bien entendu n’est qu’un juste retour à la composition du centre-ville traditionnel. Aujourd’hui, l’Agenda vert gagne en importance et des thèmes comme la durabilité et l’environnement ont aussi un impact sur la conception de nos centres commerciaux, de la même manière qu’ils influencent la politique en matière de transports, nos habitations et notre mode de vie. C’est particulièrement apparent avec les parcs commerciaux, qui ont un impact très dommageable sur le paysage dans des sites sensibles. Aux abords immédiats de Quimper, dans le nord-ouest de la France, nous construisons un nouveau style de parc commercial (le Moulin des Landes), conçu pour s’intégrer dans le paysage, avec des toits ondulants couverts d’herbe et des bâtiments semi-enterrés qui semblent sortir des vallons et des collines. La conception du parking a fait l’objet d’une attention particulière également en vue de réduire son impact. Ces centres sont aussi conçus avec la durabilité et l’économie en énergie à l’esprit. Un autre bon exemple est le Parklake Plaza à Bucarest, qui s’est offert un toit vert aux courbes harmonieuses pour se fondre dans le site du parc environnant. à Chambourcy en France, nous ajoutons une extension à un centre commercial existant, qui cachera un vilain bloc de béton derrière un bâtiment élégant avec un mouvement de vague et, ici aussi, un toit vert. On peut s’attendre à de nombreuses extensions du même type en guise de solution intelligente au problème difficile que pose l’agrandissement de vieux centres commerciaux tout en améliorant leur aspect visuel. 86 En haut : H2Ocio Rivas, Madrid, Espagne © Chapman Taylor En bas : El Muelle de Santa Catalina, Las Palmas de Gran Canaria, Espagne © Chapman Taylor 87 Une autre nouvelle tendance intéressante est l’émergence du centre de style de vie, combinant généralement le commerce avec l’amusement et des activités de loisirs comme des nightclubs, des discothèques et des restaurants. Ils sont parfois liés à des destinations de vacances, comme El Muelle de Santa Catalina, à Las Palmas, et sont en phase avec l’animation des clubs de bord de mer, en mettant l’accent sur la vie nocturne et une atmosphère de fête. Deux autres exemples espagnols sont H2Ocio, près de Madrid et Alcalá Magna, à Alcalá de Henares. Près d’Athènes, nous avons réalisé un projet qui convertit le Stade olympique en un centre de style de vie avec un mélange très intéressant de sport, loisirs et commerces. En poursuivant le raisonnement sur la base de cette idée du centre spécialisé, on pourrait songer à des centres commerciaux axés sur la femme, ou, de façon identique, consacrés à 100% aux hommes – et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi pas l’Européen homo ? Tout est possible… Alors, qu’en est-il de l’avenir ? Quels nouveaux concepts et quelles nouvelles directions devrionsnous retenir pour les centres commerciaux de demain ? Examinons quelques possibilités. Les Européens grisonnants et les Woofs («Well-off-older-folks» ou «personnes âgées qui ont les moyens») Le Moulin des Landes, Quimper, France © Chapman Taylor Madrid Xanadú, Madrid, Espagne © Chapman Taylor Parklake Plaza, Bucarest, Roumanie © Chapman Taylor On dit que 70 ans aujourd’hui, c’est la cinquantaine d’autrefois, et il n’y a aucun doute que les seniors sont aujourd’hui en bien meilleure forme que jamais auparavant et que leurs attentes ont évolué. Il s’ajoute à cela qu’ils disposent de moyens – les plus de 50 ans possèdent 80% de la richesse – et qu’ils veulent dépenser. Ils apprécient la liberté comme jamais et cherchent à réaliser leurs rêves, qui peuvent prendre la forme de voyages à l’étranger, peut-être souhaitentils aussi acquérir de nouvelles connaissances, apprendre à pratiquer un sport ou à parler une langue étrangère. Quel que soit leur rêve, ils sont prêts à dépenser de l’argent et ils sont l’occasion pour le détaillant de cibler ce marché lucratif. Un centre commercial spécialement axé sur l’Européen grisonnant constitue une possibilité intéressante, par opposition à l’accent généralement mis sur la jeunesse et le jeune ménage. Comme toujours, la localisation et le mix d’enseignes seront déterminants, tout comme le style et l’atmosphère. Les plus de 50 ans veulent de la qualité, de la sophistication et du confort – mais ils veulent aussi de l’amusement et veulent en avoir pour leur argent. Il faut également garder à l’esprit que cette catégorie d’âge ne se considère pas comme âgée (comme les adolescents ne se considèrent pas comme jeunes), ils n’ont donc pas envie qu’on les dorlote. Ils préfèrent sans doute manger dans une brasserie à la française plutôt que dans un fast food et des emplacements plus larges sur le parking mais surtout, qu’on ne leur rappelle pas leur âge ! En poursuivant le raisonnement sur la base de cette idée du centre spécialisé, on pourrait songer à des centres commerciaux axés sur la femme, ou, de façon identique, consacrés à 100% aux hommes – et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Pourquoi pas l’Européen homo ? Tout est possible…