3 photographes – 3 regards (Réunion du 16 décembre 2014)

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3 photographes – 3 regards (Réunion du 16 décembre 2014)
((Actualité Culturelle) 3 photographes – 3 regards (Réunion du 16 décembre 2014) Une véritable avalanche d’images s’est déversée sur Paris pendant le mois de la photo en novembre et au-­‐delà pour témoigner de la diversité et vivacité de ce medium : plus de 100 événements dans des galeries, des musées, pendant le salon ‘Paris photo’ au Grand Palais ( 13 – 16 novembre 2014).... Tout cela tient -­‐ bien compacté -­‐ en 2 kilo de catalogue. On y trouve des prises de vues de professionnels toutes nationalités confondues, d’amateurs témoins de la libération de Paris, de célébrités comme Michel Houellebecq, ( mairie du 20° ) et des illustres inconnus ( Voilà les Daltons : Musée de la chasse et de la Nature ) Jean Louis Dalton qui a créé le seul et unique studio de photographies hippique en 1862 à Boulogne, ... un mois de trésors, un miroir des émotions.... 3 photographes ont été choisis ... qui observent le monde avec leur œil-­‐caméraet chaque fois, c’est un monde très différent qui se manifeste : 1 ) l’Américain Garry Winogrand ( 1928 – 1984 ) un gargantua de la pellicule. Considéré comme l’un des maîtres de la photographie de rue, au même titre que Walker Evans, Robert Frank, Lee Friedlander, William Klein. Le Jeu de Paume montre jusqu’au 8 février 2015 la plus complète rétrospective de ses photos en grande partie inédite. Garry : « on pourrait dire que j’étudie la photographie ; mais en réalité, j’étudie l’Amérique » C’est uniquement l’image qui l’intéresse sans message. Il veut rester celui qui voit et passe son chemin sans chercher un contact, il est le passant sans souci.... à New York, Houston, Dallas, Los Angeles, Santa Monica... Avec un appétit gargantuesque, il a fixé splendeur, misère et amertume de la vie urbaine américaine entre 1950 au débuts des années 80... un monde à l’état brut... des clichés en noir et blanc. Avec son objectif il mitraille la foule des passants, des meetings politiques, les stades de football, des rodéos. il photographie des hommes, des femmes anonymes, des amoureux, des solitaires, des mendiants. « Du Bronx à Manhattan » est la partie la plus palpitante et optimiste de l’expo. 1964 Dallas : un lonely cowboy court plus vite que son ombre... 1980/83 : Los Angeles : La belle inconnue à une intersection de rues ; elle tient ses chaussures à la main, se tourne, soucieuse ? perdue ? qui sait ... une silhouette fluide, elle esquisse le seul mouvement dans cet environnement qui interdit -­‐ par ce panneau de signalisation interposé -­‐ de rebrousser chemin, toute rétrospection L’historien US Robert Cowley dira de lui : « Il exprime d’une façon poignante le sentiment de ce que nous sommes : le vide et la folie , mais aussi la vitalité de la vie américaine ». Né le 14 janvier 1928 dans le Bronx de parents juifs immigrés il étudie la peinture et découvre à 20 ans la photographie. Il débute comme photojournaliste pour des revues comme Life et Collier’s mais développe très vite son propre style. Grace au soutient du directeur du département photo de la MOMA à NY, ( John Szarkowski ) dès 1962, il peut régulièrement y exposer ses travaux. C’est un homme d’une monumentale énergie, on le dit un cosaque, 3 fois mariées. Cet American way of life déchante après 1970, après la guerre de Vietnam et Watergate.Il sera fauché d’un coup : A 56 ans il apprend qu’il est atteint d’un cancer incurable. Il meurt le 19 mars 1984 en Mexique. Il laissera une œuvre en désordre : des milliers de prises jamais tirées ou triées, plus de 6 000 rouleaux de pellicules et planches–
contacts. Paris lui rend hommage à la station de métro Bir Hakeim ( ligne 6 ) au milieu de la foule des citadins sont suspendus de grands tirages de ses vues de villes américains. 2 ) Michael Kenna, l’Anglais ( 1953 ) le promeneur solitaire. Le Musée Carnavalet expose jusqu’au 1er février des tirages de prises entre 1984 et 2013 ( fonds du musée, dons et prêts de l’artiste ). Expo plus modeste que celle à la Bibliothèque de France ( 2009-­‐2010 ) mais exclusivement dédiée à la capitale. MK, l’artiste entre les photographes et grand voyageur parcourt le monde jusqu’en Asie en quête de paysages et vues urbaines sans présence humaine qu’il traduit en majestueux tirages noir & blanc. Kenna est né en 1953 ( 61 ans ) en Grande Bretagne, étudie art et photographie. dès 1979 s’installe pendant 25 ans à San Francisco, vit aujourd’hui à Seattle. 1973 : Première d’une longue série de visites à Paris. MK a un don exceptionnel de voir « plus intensément » que les autres gens. Ce qui selon Bill Brandt ( 1904 -­‐ 1983 ) un des plus influents photographes anglais, est le travail d’un photographe. Evidemment, il connaît la riche tradition esthétique paysagiste anglaise ( héritage de Constable, Turner, Whistler ). Comme Joseph Mallord William Turner ( 1775 -­‐ 1851 ) qui peignait la lumière plutôt que les choses elles-­‐mêmes, MK, dépeint avant tout l’atmosphère des lieux qu’il explore. On sent également l’Influencé d’Eugène Atget et « merci » Brassaï ...MK s’approche du motif, attend patiemment qu’il dévoile ses secrets, alors se réveille un monde étrange, rêveur, silencieux, plongé dans une atmosphère feutrée où le temps s’est arrêté. Pas âme qui vive ...des arbres, des statues, des bâtisses, des oiseaux. Il travaille avec des prises de vue à l’aube, à la tombée de la nuit où au crépuscule... c’est l’heure exquise...Alors, dans le pénombre trois accords suffisent pour immortaliser la poésie des sites : des noirs serrés, des gris tendres et raffinés, l’éclat d’un blanc franc. Les ponts : Pont des Arts, Pont Royal, Pont Neuf, Pont Notre Dame... Le jeux des reflets dans la fleuve....les lumières de la ville tel un fourmillement de lucioles.. la tour Eiffel la nuit -­‐ une flèche dans le ciel. Le jardin des Tuileries irréel dans la brume. Le quai des Grands Augustins, le quai Voltaire surpris dans leur intimité. Regard sur ‘le vieux parc solitaire et glacé’ ( Paul Verlaine ) de Saint Cloud : un jeu avec lignes et volumes, le plein et le vide : les cônes de buis -­‐ des sculptures végétales sombres contrastent avec la grisaille des allées clairs...un graphisme épuré....Son dernier livre ‘France’ dont sont extrais ces photos ( 2014 ) un pur merveilleOn découvre son côté plus âpre dans ( 2001 ) L’impossible oubli : 10 ans de prises de vues des camps de concentrations Nazi. 3 ) Hedi Sliman : ( 1968 -­‐ ) le créatif sous toutes les coutures, vit entre Paris et Los Angeles. HS photographe et styliste excelle dans une triple carrière mode, musique photo, né à Paris en 1968 ( 46 ans ) mère italienne, père tunisien. Depuis 2012 Directeur de la création chez Yves Saint Laurent. La Collection printemps/été 2015 chez Yves Saint-­‐Laurent : Psych Rock. Il a publié plusieurs livres : 2011 : Anthology of a decade : musique rock, mode et photographie. Expose ses photos en Europe et USA. Il a crée des costumes de tournée pour David Bowie, Mick Jagger et Daft Punk et inspire les allures des groupes rock comme Franz Ferdinand. L’expo ‘Sonic’ à la Fondation Pierre Bergé /Yves Saint Laurent jusqu’au 11 janvier 2015 reprend une sélection de 15 années d’archives de Sliman exclusivement en noirs & blanc dont des portraits de studio de grands noms de l’univers ‘rock’n roll.( Londres 2003 – 2007 / Californie 2007 – 2014 ). Il guette l’âme de ses modèles, déjoue leur garde, extrapole leur personnalité, leur humanité au-­‐delà de leurs carrières historiques « héroïques ». Il offre une extraordinaire expérience du regard....Voilà Lou Reed : icône du rock ( 1942 -­‐ 2013 ) le photo a été pris à New York en juin 2013 quelques mois avant sa disparition en octobre à 71 ans ( mort d’une hépatite suite à un shoot d’héroïne à 17 ans ). Ces traits marqués, ces chairs ciselées comme dans du roc, un portrait fulgurant... Lou Reed : prince de la nuit et des angoisses -­‐ toujours à l’abri derrière ses lunettes noires. Longtemps, longtemps l’ex-­‐
guitariste des Velvet Underground a marché du côté sauvage de la vie ( take a walk on the wild side ). Mick Wall, son biographe, raconte cette vie houleuse ( Lou Reed : une vie -­‐ parue 2014 chez Robert Laffont ). Brian Wilson ( 1942 -­‐ ) 72 ans ... Los Angeles mars 2011. Compositeur exclusif des Beach Boys. Subitement, s’opère un renversement du regard...il donne l’impression qu’il nous regarde autant qu’on le regarde. Ce vieux monsieur un peu fatigué, désillusionné a l’œil intense et jeune. BB ( Blues Boy ) King Las Vegas septembre 2013. ( 1925 -­‐ ) 89 ans King de la guitarre blues......Dans la dernière salle : une installation vidéo projette en boucle que des images de la jeune garde californienne.... Sans aucun son, silence totale...Assise sur des divans moelleux en velours noir à même le sol, je me laisse volontiers entraîner dans ce monde à part. Je vois des jeunes gens au minois angélique, le regard innocent se muer en seigneurs soniques dès qu’ils touchent leur guitare, le rythme les habite, ils explosent en musique, mettent toute une congrégation de fans, de jeunes filles en extase. Lydie Salvayre a décrit cette attitude frondeuse, cette façon de se donner entièrement dans : Hymne -­‐ en racontant vie et mort de Jimi Hendrix ( Seuil 2011 ) : « ..sa guitare devient le centre de sa vie, sa consolation, son garde-­‐fou, sa lady électrique, son seul bonheur, sa seule force, sa passion qui ne souffrait nulle rivale, et à laquelle il se donna sans mesure. Sans mesure ». Extra-­‐ordinaire !