La voie vers un art martial spontané et explosif

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La voie vers un art martial spontané et explosif
La voie vers un art martial spontané et explosif...
Interview de Gérald Ansart
Article publié dans Kyoiku Budo 1
La voie vers un art martial spontané et explosif...
Kyoiku Budo : Vous avez commencé à pratiquer le karaté très tôt.
Gérald Ansart : J'ai découvert le karaté à l'âge de treize ans, avec M. Dumont, qui est actuellement le directeur de
l'Ecole de Cadres de Dauphiné Savoie. Il a su faire naître en moi un enthousiasme très fort. C'est avec lui que j'ai
forgé mes bases. Il y avait aussi un jeune Japonais, Yamashita, qu'il avait, par l'intermédiaire de Maître Kase, fait
venir de la JKA et je l'avais pris comme modèle. Quand on est jeune, on a besoin de modèle n'est-ce pas ? Lui
apportait le travail très dur et très carré de la JKA. C'était un Shotokan, je dirais un certain esprit du Shotokan que
j'essayais d'imiter.
K.B. : Aujourd'hui, vous avez changé de forme de travail. Pourquoi ?
G.A. : Comme je viens de le dire, Yamashita avait une conception très japonaise du karaté et de l'entraînement.
Moi, j'étais très jeune et prenais au pied de la lettre ce qu'il disait. Comme j'étais très passionné, je m'entraînais
comme un forcené. Par exemple, j'ai tellement frappé le makiwara, qu'à dix-huit ans, j'ai contracté une
inflammation articulaire des phalanges des doigts. Les médecins m'ordonnèrent d'arrêter cet entraînement sous
peine d'aggraver mon cas.
K.B. : Cela vous a-t-il empêché de continuer ?
G.A. : Bien sûr que non. J'ai cessé le travail au poteau de frappe, mais je m'entraînais plus fort. Dans les deux
années qui suivirent, je fus pris de tremblements et de palpitations cardiaques. J'ai été hospitalisé. Je risquais de
mourir. C'était très sérieux. Les médecins m'ont sauvé.
K.B. : C'est là que vous vous êtes mis en rapport avec Kenji Tokitsu ?
G.A. : Non, pas de suite. Je le connaissais depuis quelques années déjà. En effet, avec M. Dumont, je participais à
tous les stages animés par les experts du Shotokan, comme le maître Kase. Kenji Tokitsu venait au stage de la
Cluze. Il était encore Shotokan, mais commençait déjà à changer sa façon de travailler au niveau des kata par
exemple.
A la sortie de l'hôpital, je suis parti à l'armée. Ce fut pour moi une expérience enrichissante sur le plan... du karaté.
K.B. : Comment cela ?
G.A. : Je me suis retrouvé à Reims et j'ai rencontré des pratiquants très valables. Vous savez l'esprit Shotokan JKA
est assez carré, ce qui d'ailleurs se retrouve dans la façon de pratiquer. En dehors de leur école, rien n'existe ! J'ai
découvert d'excellents karatéka Wado ryu, Shito ryu, Kyokushinkai, avec qui j'ai pu m'entraîner. Après l'armée,
j'étais arrivé à la conclusion qu'il fallait que je fasse autre chose, car si je continuais le Shotokan, je ne tiendrais pas
longtemps. J'étais 2e dan. C'est à ce moment que j'ai pris contact avec Kenji Tokitsu qui, comme je l'ai dit,
s'orientait déjà vers le Taiki ken.
Auparavant, je m'étais essayé à la boxe américaine. Là encore, je me suis rendu compte que le Shotokan m'avait
formé à un travail rigide, ce qui rendait difficile les blocages face à des gens qui enchaînaient, de façon très fluide,
les coups de poing et de pied. Si la boxe américaine me plaisait assez pour cet aspect des choses, son manque
d'approche Budo me posait un problème. C'est pourquoi je n'ai pas continué ce sport de combat. Donc je me suis
mis en relation avec Kenji Tokitsu.
K.B.: Comment s'est passée la transition d'une forme de travail à une autre ?
G.A. : J'étais assez corpulent (quatre-vingt dix kilos), j'avais l'habitude de travailler en force et je manquais, à
cette époque, d'aisance pour les blocages. J'ai recommencé à zéro. Kenji Tokitsu m'a fait mettre une ceinture
blanche. Cela fait, aujourd'hui, dix-sept ans que je travaille avec lui.
K.B.: Donc cela fait dix-sept ans que vous appartenez à son école : le Shaolin Mom.
G.A. : Pas exactement. Je suis son élève, mais je n'appartiens pas à son école sur le plan administratif. C'est une
relation personnelle qui s'est instaurée entre lui et moi, où confiance mutuelle et liberté de recherche sont les
qualités dominantes.
Je crois que le terme relation personnelle est très exact. Vous savez, quand j'étais à l'hôpital, c'est le seul expert qui
soit venu me voir. Il rentrait du Japon et a pris un train tout de suite pour venir à mon chevet. C'est assez
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personnel, mais cela m'a fait chaud au coeur. Je n'ai jamais oublié ce geste d'autant que j'étais entre la vie et la
mort, assez seul.
K.B.: Et en quoi consistent vos axes de recherches actuelles ?
G.A. : Tout en continuant à étudier avec Kenji Tokitsu, je pars en Chine pour étudier les arts martiaux mais aussi
la médecine traditionnelle et énergétique. Je prépare, en Suisse, un diplôme de réfle-xothérapie.
K.B.: Nous en resterons là si vous le voulez bien. Bonne chance pour vos recherches.
RITZU ZEN
Au Japon, le zazen, méditation assise, est la forme de discipline la plus répandue dans le zen. Mais les Chinois qui
pratiquent les arts martiaux utilisent plus souvent la méditation zen debout, créée pour développer la force
intérieure et pour leur permettre de la générer de façon explosive. Cette énergie est le ki, et le zen, en position
debout, est la meilleure façon de la cultiver.
Le principe du ki, sans lequel il n'est pas de Taiki ken, n'est pas difficile. Bien qu'il existe des différences dans son
intensité, le ki se trouve chez chacun. Les pratiquants d'arts martiaux s'efforcent de cultiver leur ki, au point qu'en
entrant en contact avec leur adversaire, ils puissent le libérer totalement. Cela doit être ainsi, car cela n'aurait
aucun sens de s'entraîner, même avec assiduité, si on était incapable de faire jaillir son ki, le moment venu.
Il n'existe pas de méthode pour s'assurer la capacité de faire appel au ki, mais le zen debout, tel qu'il est pratiqué
par les adeptes d'arts martiaux en Chine et tel qu'il est utilisé dans le Da cheng et le Taiki ken, peut développer
cette capacité. Le zen debout calme la nervosité, aiguise les sens de la perception et régule la respiration.
Quand une personne débute, son esprit est troublé par toutes sortes de pensées. Très rapidement elle va sentir la
douleur dans ses bras, ses jambes et ses hanches. Quand ceci survient, toute sa pensée se concentre sur la partie
du corps qui souffre et elle ne peut penser à autre chose… A force de souffrir cet inconfort pendant quelques
années… et avant même qu’elle ne le réalise, son ki a déjà commencé à gagner en maturité.
J'ai souffert quand j'ai pratiqué le zen debout avec mon maître Wang Xianghai et je me demandais ce que cela
pouvait m'apporter de bon. Quand je pensais ainsi, Wang me disait : "Même si je te l'expliquais des centaines de
fois, tu ne comprendrais pas le ki. C'est une chose que tu dois expérimenter toi-même".
Malgré la difficulté d'expliquer le sens profond du ki, je pense pouvoir éclaircir son sens en me référant au
mouvement de rotation d'une toupie pour enfant. La toupie tourne rapidement autour de son axe, semble être
debout et immobile et si quelque chose entre en contact avec elle, elle le rejette avec force.
Un pratiquant d'arts martiaux, qui génère son ki, est comme une toupie. Bien qu'extérieurement il semble
parfaitement calme et immobile, si un adversaire entre en contact avec lui, il se trouve immédiatement éjecté par la
puissance de son ki.
K. Sawai
SOKIUZUKE
Le taiki ken propose certains exercices fondamentaux que l'on pratique seul. Ainsi, le ritzu-zen -méditation zen en
station debout- le hai et le neri que nous verrons dans les pages suivantes.
L'intérêt du sokiu-zuke que l'on pratique à deux est ailleurs. Il offre la possibilité à deux partenaires de travailler de
façon plus réaliste. L'adversaire, dans ce cas, est réel, tandis que, dans le travail seul, il est imaginaire... Le
sokiuzuke permet ainsi de passer à l'application des sensations que l'on a appris à développer dans le travail des
exercices seuls précités.
Le sokiuzuke s'inspire fortement dans son principe du tsuishu que l'on trouve dans les arts chinois. Il s'appuie sur
un principe fondamental : la complémentarité entre deux adversaires. Cet exercice est un combat ! Il ne s'agit pas,
en effet, de créer une chorégraphie bien synchronisée entre deux partenaires, mais de pratiquer, avec dans l'esprit,
l'idée que l'on est dans une situation de combat... à défaut de quoi, il n'offrirait aucun intérêt dans le cadre d'un art
martial.
Le sokiuzuke consiste en un travail à deux niveaux : celui de la partie supérieure (tête jusqu'à la taille) et de la
partie inférieure (taille et jambes) du corps humain.
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Au niveau supérieur, les bras, considérés comme des antennes, servent à capter le moindre mouvement et la
moindre intention de l'adversaire. Les bras des deux partenaires sont en contact constant, afin de développer la
capacité réceptive.
Les bras agissent de deux façons. Un bras cède à la pression de l'adversaire, tandis que l'autre pousse le bras de
l'adversaire. L'action des bras -céder et pousser- tend à exprimer la notion de défense et d'attaque. Elle permet, en
permanence, à chacun des deux partenaires, de vérifier la qualité de leur défense, ainsi que de leur réponse.
Au niveau inférieur, -taille et jambes- le sokiuzuke fait travailler la rotation des hanches, importante quand il faut
absorber l'énergie de l'adversaire pour la dévier vers le vide.
Le travail des hanches doit être fluide, de petite amplitude, mais précis, car il doit s'effectuer tout en contrôlant
l'axe du corps de l'adversaire. Exercice effectué en déplacement, le sokiuzuke enseigne le déplacement du poids du
corps, la notion de la distance et, surtout, le rythme.
Le sokiuzuke, tel que l'enseigne Gérald Ansart, s'inspire d'un principe éducatif du sabre.
Gérald Ansart
Instructeur diplômé 4e dan de l'Ecole Shaolin Mon de Maître Kenji Tokitsu
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