Le succès des Frenchies à Hong Kong
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Le succès des Frenchies à Hong Kong
carrières & talents Edwige Murguet L’île de Hong Kong vue de la rue piétonne de Bowen Road, très appréciée des joggeurs et des promeneurs. Le succès des Frenchies à Hong Kong Marché de l’emploi dynamique, postes à responsabilités, entrepreneuriat, l’île chinoise ne manque pas d’atouts pour attirer les financiers français. www.agefi.fr/carrieres-emplois par Edwige Murguet, à Hong Kong L es financiers français impriment leur marque à Hong Kong. Ils sont un millier à vivre dans cette région administrative spéciale de la République populaire de Chine de près de 7,2 millions d’habitants. « Un Français sur sept exerçant une activité à Hong Kong travaille dans le secteur financier », indique Arnaud Barthélémy, consul général de France à Hong 38 Kong et Macao. Ils sont bien plus nombreux qu’il y a dix ans. Depuis la fin de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), en juillet 2003, le nombre de Français arrivant au « port parfumé » croît en moyenne de 5 % par an (pour atteindre 17.000, dont 11.700 enregistrés au consulat). Il augmente de 10% à 20 % certaines années, en fonction « de la croissance économique de la région. Depuis deux ans, la progression du nombre d’arrivées ralentit, à 3 % environ, comme celle du PIB de Hong Kong, de 2,7 % (en glissement annuel) au troisième trimestre L’agefi hebdo / du 18 décembre 2014 au 7 janvier 2015 2014 », observe Arnaud Barthélémy. Le nombre d’expatriés des banques et assureurs français suit cette trajectoire. « Ils exercent dans la banque de financement et d’investissement, la gestion d’actifs, les ‘hedge funds’, la banque privée, le ‘private equity’, dans toute la filière de l’assurance ou le conseil », détaille le consul général. Ceux qui arrivent aujourd’hui ne participent pas au développement des mêmes activités qu’au cours de la précédente décennie. Depuis la crise financière et les règles de Bâle 3, nombre de métiers exercés en L’aventure chinoise Les métiers des Français à Hong Kong évoluent, leur visage aussi. La communauté, d’une moyenne d’âge d’environ 30 ans selon l’estimation du consul général, rajeunit. « De plus en plus de jeunes Français rejoignent Hong Kong par le biais du volontariat international en entreprise (VIE) ou en stage. Très motivés pour y décrocher un premier poste, ils n’hésitent pas à postuler dans des groupes non français pour une deuxième expérience et afin de prolonger leur séjour », remarque Orianne Chenain, directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie de Hong Kong, qui propose aux acteurs bancaires français des services « emploi », afin de mieux les faire connaître auprès des talents locaux. Les motivations de ces cadres fraîchement diplômés sont multiples. Ils veulent profiter d’un marché de l’emploi dynamique (le taux de chômage est de 3,3 % environ), participer à l’aventure chinoise en anglais (Hong Kong a deux langues officielles, l’anglais et le cantonais), vivre la « Chine facile » avec un système juridique et L’avis de… Matthieu Pirouelle, consultant principal au cabinet de chasse de têtes Talent à Hong Kong « Le contrat local est devenu la norme » Comment évolue le profil des expatriés ? De plus en plus de Français veulent vivre l’Asie coûte que coûte. Les banques, qui contrôlent leur budget, le savent. Aussi proposent-elles de moins en moins de contrats d’expatriation. Le contrat local est devenu la norme. Quelles sont les caractéristiques du marché du travail ? C’est un véritable marché. Libéralisé, il dépend vraiment de l’offre et de la demande. Il est très dynamique pour ceux qui disposent de l’expertise convoitée. Les autres n’ont pas d’autre choix que d’apprendre à s’adapter. A l’heure actuelle, j’observe un grand appétit pour DR Asie par des groupes bancaires européens ont été restructurés. Certains ont disparu, d’autres se sont étoffés, parmi lesquels la conformité, la veille de la réglementation financière, la maîtrise des processus et des outils technologiques dédiés à son intégration, ou encore la gestion des risques. Se renforcent aussi considérablement toutes les activités liées à la transformation de l’économie chinoise et à l’internationalisation de sa devise. Un mouvement de fond dont Hong Kong, premier fournisseur en liquidités de renminbi, est le pilier. Trois événements majeurs viennent d’ailleurs de le confirmer : le lancement, le 17 novembre, du Shanghai-Hong Kong Connect – la liaison directe entre les Bourses de Hong Kong et de Shanghai –, la suppression de la limite quotidienne imposée aux résidents sur leurs opérations de conversion en renminbi, ainsi que la levée des restrictions sur leurs prêts bancaires dans la devise chinoise. les spécialistes de la conformité et de la technologie. Les Français du secteur bancaire sont recrutés par des acteurs français, mais aussi anglo-saxons ou régionaux (australiens par exemple). Il est rare qu’ils intègrent des banques locales ou chinoises qui n’ont pas encore développé une image d’ouverture à l’international. Que conseillez-vous aux nouveaux venus ? Il faut savoir écouter, mais aussi comprendre les besoins pour y répondre. Il ne faut pas se montrer trop gourmand en matière de rémunération pour un premier emploi. Dès lors que l’on a fait ses preuves, les salaires grimpent vite. créer une relation de confiance ». un droit des affaires simples à assimiDepuis trois ans, elle chapeaute cinq ler. Les jeunes Français savent qu’ils plates-formes de gestion des risques bénéficieront d’une expérience extrêd’entreprise, dédiée chacune à l’Inde, mement enrichissante. Ils « vivront l’Australie, le Japon, le Nord de l’Asie avec toutes les nationalités travaillant et le Sud-Est asiatique. à Hong Kong : chinoise, d’Asie-PaciLa motivation des Français expafique, australienne, indienne, britriés est d’autant plus grande que, en tannique, américaine, européennes, général, les missions qui leurs sont tout en étant plongés au cœur d’une confiées correspondent à des créaculture différente dans un décor tions de postes, à un élargissement dépaysant », commente Xavier de leurs responsabilités et à une plus Denis, global strategist chez Société grande autonomie. Il n’est Générale Private Banking, pas rare de rencontrer à basé à Hong Kong. Des Hong Kong des personnalités atouts qui séduisent aussi « Tout est organisé à la fibre entrepreneuriale. les trentenaires et quaranpour faciliter Karine Hirn par exemple, tenaires. Cette cité internales affaires » cofondatrice d’East Capital, tionale « est bien plus cosa lancé en 2010 le bureau mopolite que d’autres villes de Shanghai de la société de où j’ai pu vivre par le passé, gestion d’actifs spécialisée dans les témoigne Karine-Laure Delvallée, marchés émergents. Elle a pris ses responsable régionale du risque créquartiers dans la ville aux bauhinias. dit d’entreprise en Asie-Pacifique de « Il est très commode de voyager BNP Paribas. Lors du démarrage de partout en Asie grâce à un aéroport ma mission à Hong Kong, en l’octrès pratique. On peut enregistrer currence la création d’un poste de ses bagages, obtenir sa carte d’emgestion globale des risques du crébarquement à certaines stations de dit d’entreprise en Asie-Pacifique, métro du centre-ville et de Kowloon l’un des grands défis à relever a été (partie de Hong Kong située sur le d’apprendre à travailler avec toutes continent, NDLR) ! », se réjouit la les cultures asiatiques. Il faut savoir du 18 décembre 2014 au 7 janvier 2015 / L’agefi hebdo 39 u carrières & talents « Une ville tournée vers l’avenir, en évolution constante » Louis-Vincent Gave est loin d’être le seul Français à s’être attaché à Hong Kong. « Plus de la moitié de nos membres y habitent depuis plus de dix ans », constate Orianne Chenain. « La durée moyenne de séjour s’allonge », observe pour sa part Arnaud Barthélémy. « La diversité des situations auxquelles je suis confronté dans mon métier est très enrichissante, apprécie Gaetan des Rieux, responsable de l’investment banking en Asie-Pacifique chez Crédit Agricole Corporate & Investment Bank (CACIB). A mon arrivée à Hong Kong, il y a huit ans et demi, j’ai d’abord été chargé du développement des dérivés stratégiques chez CACIB, puis des marchés primaires et des fusions et acquisitions, à partir de 2009. » Après s’être installé à Hong Kong il y a neuf ans, Grégoire Déchy, responsable depuis un an du développement du hedge fund SPQ Asia Capital, au sein du fonds de private equity SAIF Partners Group, se plaît « dans une ville tournée vers l’avenir, en évolution constante ». Ce n’est pas tant la rému40 « Il faut avoir un goût prononcé pour la compétition » « Convaincu que la Chine deviendrait un jour la première économie mondiale, j’ai passé une grande partie de ma vie professionnelle entre Shanghai et Hong Kong. Au cours des dix premières années, j’ai adoré y implanter, développer et défendre les couleurs de La Compagnie Financière Edmond de Rothschild Banque. J’ai notamment participé à l’obtention de la licence de son bureau de représentation à Shanghai, de son premier Qualified Foreign Institutional Investor, à la signature du partenariat avec Bank of China en 2009. J’ai aussi fondé et dirigé l’activité de capital-investissement, Edmond de Rothschild Private Equity China. Depuis un an, je conseille et j’investis dans des sociétés chinoises et françaises. Je les aide à se déployer et à nouer des alliances en Chine, à l’image de Pronuptia, spécialisée dans la robe de mariée, ou de Dietrich Carebus Group, premier distributeur privé d’autocars en France. Pour réussir à Hong Kong, à l’élite excellemment formée et où le monde entier se retrouve, il faut avoir un goût prononcé pour la compétition. Exister dans cet univers unique nécessite surtout d’être soimême et de laisser toute son originalité s’exprimer afin de se démarquer. » Alexandre Bouy, responsable de Fairman Consulting à Hong Kong (à Hong Kong depuis quatre mois) « Construire et mobiliser un réseau de contacts est fondamental » « Cette aventure correspond à un grand défi professionnel. Ma mission à Hong Kong est celle d’un entrepreneur : lancer et développer les activités de Fairman Consulting, cabinet de conseil en management spécialisé dans les programmes de transformation des grandes banques d’investissement. Je suis arrivé en août 2014 avec une feuille de route minutieusement préparée avec les associés du L’agefi hebdo / du 18 décembre 2014 au 7 janvier 2015 groupe. A Hong Kong, comme la compétition est vive, il faut savoir se démarquer et aller vite. Construire et mobiliser un réseau de contacts, d’appuis solides, est tout aussi fondamental. Le coût de la vie plus élevé et les loyers souvent exorbitants nécessitent de bien préparer son budget. Hormis l’épreuve des visites d’appartements, l’installation est facile. L’atmosphère est accueillante, nération – négociée au cas par cas – qui séduit les Français du secteur financier, mais surtout le cadre de travail. Et de vie également. « Entre plages et montagnes, Hong Kong est un Manhattan dans la forêt tropicale qui abrite de multiples chemins de randonnée », décrit Karine Hirn. La vie familiale, décontractée et sécurisée, est épanouis- le sens des affaires, du service et de l’efficacité imprègne la ville. Nos perspectives de développement me permettent de prévoir l’embauche de cinq à dix consultants d’ici fin 2015. J’observe à cet égard que la stratégie des Hongkongais diffère souvent de celle des Français. Le niveau de salaire et la réputation de l’employeur comptent bien plus qu’inscrire une carrière dans une logique de long terme. » sante. De plus, « beaucoup d’enfants en repartent bilingues en anglais avec un bagage solide en mandarin », souligne Gaetan des Rieux. Hong Kong est la destination idéale pour ceux qui ont de l’énergie à revendre, prêts à la compétition permanente, « dans cette ville d’émigrés qui ont la rage de réussir », conclut Louis-Vincent Gave. n DR Manhattan tropical Laurent Dorpe, président d’Asia Private Investors Management (résident permanent de Hong Kong) DR gérante d’actifs qui met un point d’honneur à visiter les entreprises dans lesquelles elle investit, qu’elles soient basées au nord de la Chine ou au Bangladesh. « Tout est organisé pour faciliter les affaires, poursuit Louis-Vincent Gave, cofondateur de Gavekal. Les démarches sont simples. L’administration est efficace. Le code du travail va à l’essentiel. Cet environnement rassure les entrepreneurs qui n’ont qu’à se concentrer sur l’activité qu’ils souhaitent faire croître. » Après s’être fait un nom dans l’analyse financière asiatique indépendante, la société créée en 2001, d’aujourd’hui 60 collaborateurs, a démarré en 2005 des activités de gestion d’actifs. Depuis 2010, elle vend les données de « macrobond », un logiciel de valorisation de modèles de marchés. témoignages