Consultez l`étude complète

Transcription

Consultez l`étude complète
36
3
LE MARCHÉ LOCATIF PRIVÉ
EN 2013 : DES HÉSITATIONS
À LA RÉCESSION
Par Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université Paris-Ouest, FRICS.
3.1 / INTRODUCTION
D
epuis l’été 2011, le marché locatif privé s’enfonce
dans la récession, affecté, comme l’ensemble de
l’économie immobilière, par le ralentissement
économique qui s’est amorcé avec le déclenchement de la
crise des dettes souveraines. Il doit, de ce fait, composer
avec une demande particulièrement déprimée par la montée
du chômage et les incertitudes sur le pouvoir d’achat. Et il
est déstabilisé par des annonces et des décisions publiques
qui bouleversent les projets des investisseurs et des propriétaires bailleurs, et finissent par renforcer le déséquilibre des
marchés.
À fin août 2013, les loyers de marché (1) ont ainsi augmenté de
0,1 %, en rythme annuel (2), alors que dans le même temps, la
progression des prix à la consommation a été estimée à 1,0 %
les loyers
progressent moins
vite que l’inflation.
par l’Insee. En 2012, à la même époque, les loyers de marché
augmentaient de 1,2 %, pour des prix à la consommation en
hausse de 2,1 %.
Comme cela se constate depuis 2006, les loyers de marché
augmentent donc moins vite que l’inflation. Et bien que le
marché retrouve habituellement des couleurs avec l’arrivée
de l’été, les évolutions des loyers ne prêtent guère à l’optimisme. D’ailleurs, dans 40 % des villes de plus de 100 000
habitants que CLAMEUR observe depuis 2000, les loyers
de marché baissent depuis le début de l’année 2013. Et dans
40 %, encore, de ces villes, les loyers progressent moins vite
que l’inflation.
(1) Les loyers de marché sont mesurés lors d’une relocation ou d’une location nouvelle, pour les seuls logements du secteur libre. Leur évolution ne peut donc
se comparer à celle de l’IRL, qui régit les baux en cours. Et elle ne doit pas être confondue avec la variation des loyers entre deux locataires, qui est trop souvent
utilisée pour « illustrer » le caractère excessif des hausses de loyer constatées dans les grandes villes.
(2) En glissement annuel, le niveau moyen des loyers observés par CLAMEUR sur les huit premiers mois de 2013 comparé au niveau constaté en 2012 à
la même époque.
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86
37
études
3.2 / UN MARCHÉ PROFONDÉMENT
DÉSÉQUILIBRÉ
D
ès l’automne 2011, le marché locatif privé a présenté des signes de faiblesse inquiétants : la dégradation de la demande a alors été rapide (détérioration du marché du travail, risques sur le pouvoir d’achat,
moral au plus bas…). Et la baisse de l’activité s’est poursuivie en 2012 : la mobilité résidentielle (3) des locataires du secteur privé s’est ainsi établie à 27,1 %, exprimant le déséquilibre du marché locatif privé.
◗ sur Marseille, elle s’établit à 15,6 % depuis le début de
l’année, confirmant que le marché est bloqué depuis 2007,
avec une activité (en moyenne de 2007 à 2013) de l’ordre
de 35 % inférieure à son niveau de la fin des années 90 ;
◗ sur Paris, elle s’établit à 17,1 % en 2013. Elle a donc reculé
de l’ordre de 11,4 % depuis 2009 et même, de 21,9 % par
comparaison avec la situation qui s’observait au milieu des
années 2000, avant le déclenchement de la grande dépression. La situation de ce marché est alors particulièrement
tendue, compte tenu de la pression des demandes qui s’y
présentent.
Le recul de la mobilité résidentielle des locataires du secteur privé se poursuit depuis le début de l’année 2013 : la
mobilité s’établit maintenant à bas niveau, à 26,3 %. Cela
signifie que, depuis 2011, l’offre locative privée nouvelle
(présentée chaque année sur le marché) s’est contractée de
près de 90 000 unités (4), alors que la construction locative
privée a particulièrement diminué depuis deux ans. Elle est
donc maintenant comparable à celle qui avait été constatée
en 2009, lors de la grande dépression. Ce sont ainsi les
effets de la reprise du marché constatée en 2010 puis en 2011
qui sont effacés.
Et dans la plupart des grandes villes, où le marché est plus
déséquilibré qu’ailleurs lorsqu’il conjugue une offre locative
insuffisante et une demande (étudiante, notamment) particulièrement soutenue durant l’été, le recul de la mobilité
devient préoccupant : tel est le cas, par exemple, à Lille,
Rennes ou Strasbourg. La situation paraît alors la plus critique pour les deux premières villes par le nombre d’habitants, où la mobilité résidentielle est descendue au plus bas :
(3) Le taux de mobilité résidentielle mesure la proportion de logements du secteur locatif privé qui sont remis chaque année sur le marché : comme les logements
disponibles à la location proviennent pour plus de 95 % d’une relocation, cet indicateur permet d’apprécier l’activité du marché locatif privé.
(4) Et même de plus de 180 000 unités si on prend comme référence la situation observée durant la première moitié des années 2000, avant le déclenchement de la crise
des années 2008-2009.
38 le marché locatif privé en 2013…
CLAMEUR : QUELQUES RAPPELS DE MÉTHODE
Connaître les Loyers et Analyser les Marchés sur les
Espaces Urbains et Ruraux : tel est l’objectif du partenariat
qui a conduit l’Apagl, Ataraxia, Belvia Immobilier, Billon
Immobilier, Bouygues Immobilier, Century 21, Dauchez,
Foncia, Foncière Logement, Gécina, Groupama Immobilier, Habitat & Développement, Icade, ICF Habitat, Immo
de France, Loiselet & Daigremont, le Mouvement PACT,
Nexity, Oralia, Plurience, Sergic, le Groupe SNI, le SNPI,
Sogeprom, Square Habitat, Tagerim, l’UNIS, l’UNPI et le
Réseau Urbania à consolider leurs observatoires.
Il s’appuie pour cela sur un échantillon qui compte chaque
année plus de 250 000 références concernant des baux
signés dans l’année. CLAMEUR observe donc près de 17 %
de l’ensemble du marché (un bail sur six). Et il recouvre
95 % du marché locatif privé métropolitain.
Afin d’élargir sa capacité d’observation du marché,
­CLAMEUR étend le champ géographique de son analyse et
traite l’ensemble des villes, regroupements de communes et
pays de plus de 2 500 habitants, métropole et Dom confondus. Il compare alors les niveaux des loyers récemment pratiqués entre tous ces territoires a priori très dissemblables.
Le « tableau de bord » de CLAMEUR, qui est mis à jour
chaque trimestre, propose alors une analyse détaillée des
évolutions survenues depuis 1998 sur les marchés locatifs
privés de près de 1 300 villes, regroupements de communes
et pays de plus de 10 000 habitants.
Le « Recueil » des loyers qui est proposé classe ainsi
près de 2 800 villes (les deux tiers des villes de plus de
2 500 ha­bitants) et 1 600 EPCI (les deux tiers des EPCI de
plus de 2 500 habitants).
Figure 1. La mobilité résidentielle des locataires
(Source : clameur/Août 2013.)
31
30,3
30
29,5
Taux de mobilité (en %)
29,3
29
29,0
29,5
29,2
Moyenne 1998-2013
28
27,8
28,2
27,9
27,5
27
25
27,1
26,9
26,8
26
27,9
26,3
26,0
25,8
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86
39
études
3.3 / LES LOYERS EN RÉGION
Le ralentissement général des loyers qui s’observe depuis le
début de l’année 2013 illustre alors les difficultés du marché,
dans le contexte d’une dépression sévère de la demande.
UNE PROGRESSION DES LOYERS INFÉRIEURE
À L’INFLATION
En 2011, sur un marché qui avait commencé à se dégrader
durant l’été, le rythme de progression des loyers de marché
avait ralenti : + 1,6 % sur l’année, donc sous l’inflation (+ 2,1 %
sur l’année). Bien que l’activité ait continué à se dégrader, la
progression des loyers de marché a alors été plus vive en
2012 : + 2,2 %, pour une inflation qui reste élevée (+ 2,0 % sur
un an). Ainsi, depuis 2006, ces loyers ont augmenté de 1,4 %
par an, en moyenne, donc à un rythme légèrement inférieur
à celui de l’inflation (+ 1,6 % en moyenne, chaque année) : le
décrochage est spectaculaire (5), puisque de 1998 à 2006, ces
mêmes loyers avaient augmenté de 4,1 % chaque année, pour
une inflation qui était de 1,8 % par an.
Par exemple, si la hausse des loyers de marché se réalise
au rythme annuel de 0,1 % depuis le début de l’année 2013,
elle est de 0,3 % en Île-de-France pendant que les loyers
stagnent en Province. Et dans 15 régions, les loyers progressent lentement (et toujours moins que l’inflation) ou ils
baissent.
La baisse ou la quasi-stagnation qui se constate dans les
3 régions qui avaient tiré vers le haut l’indice des loyers
de marché en 2012, en raison des déséquilibres quantitatifs
prononcés qui les caractérisent, se confirme : en Aquitaine
(– 1,4 % en 2013 après + 3,1 % en 2012), en Île-de-France
(+ 0,3 % en 2013 après + 4,5 % en 2012) et en PACA (+ 0,2 %
en 2013 après + 2,3 % en 2012).
Figure 2. La variation des loyers de marché
(Source : clameur/Août 2013.)
Taux de variation des loyers (en %)
7
6
5
Moyenne 1998-2006
4,1
4
Moyenne 1998-2013
3
2,8
Prix à la consommation 1998-2013
2
Moyenne 2007-2013
1
0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
1,7
1,4
2013
–1
(5) Plusieurs causes permettent de comprendre le décrochage constaté sur le rythme de progression des loyers de marché depuis 2006 : le ralentissement de l’activité
observé sur ce marché (10,8 % au total, entre 2006 et 2013) sous l’effet de la grande dépression puis de la crise des dettes souveraines et la paupérisation des candidats
à la location (montée du chômage, ralentissement puis baisse du pouvoir d’achat, dégradation des aides personnelles au logement…), sans oublier l’effet de modération
que la connaissance des loyers de marché rendue possible par CLAMEUR a pu avoir.
40 le marché locatif privé en 2013…
DES ÉCARTS DE LOYER TOUJOURS TRÈS MARQUÉS
Mais au-delà de ces différences d’évolution, les écarts de
loyer restent très marqués entre les régions (comme cela
peut se constater depuis 1998) :
◗ entre l’Île-de-France, région la plus chère à 18,80 €/m2 en
moyenne, et l’Auvergne, la Franche-Comté et le Limousin,
régions les moins chères autour de 8,70 €/m2, la différence
est de 1 à 2 ;
◗ hors l’Auvergne, la Franche-Comté et le Limousin, les
régions les moins chères sont toujours la ChampagneArdenne et la Lorraine à un niveau de 9 €/m2 ;
◗ puis viennent la Bourgogne, la Bretagne, le Centre, MidiPyrénées et les Pays de la Loire entre 9,50 et 10,50 €/m2 ;
◗ de 10,50 à 11 €/m2, on trouve alors l’Alsace, l’Aquitaine, la
Basse-Normandie, la Haute-Normandie, la Picardie et le
Poitou-Charentes ;
◗ puis entre 11 et 11,50 €/m2, le Languedoc-Roussillon, le
Nord-Pas-de-Calais et le Rhône-Alpes ;
◗ et au-delà de 12 €/m2, la région Paca.
Il y a effectivement des valeurs locatives très différentes
suivant les villes et les régions, mais les travaux de l’Insee montrent que les revenus des ménages sont également
très différents. En 2009, par exemple, le salaire moyen par
habitant en Île-de-France était deux fois plus important que
celui des ménages vivant en Auvergne ou en Bretagne, par
exemple (et les revenus parisiens sont de 30 à 35 % supérieurs à la moyenne des revenus franciliens). Or, cet écart de
1 à 2 se retrouve en matière de loyers entre l’Île-de-France
et l’Auvergne ou la Bretagne : en pratique, les valeurs locatives sont à l’image des niveaux de revenus. Sur chaque territoire, les valeurs s’adaptent à la capacité financière des
clientèles potentielles. Donc, il est aussi difficile pour un
Auvergnat de trouver un logement à louer dans sa région à
un niveau compatible avec ses ressources, qu’à un Francilien en Île-de-France.
Figure 3. Loyer de marché en €/m2
(variation 2013 en %)
(Source : clameur/Août 2013.)
NordPas-de-Calais
11,6 (– 2,1)
Basse-Normandie
10,8 (– 3)
Haute-Normandie
10,8 (– 2,6)
Alsace
10,6 (– 0,3)
Picardie
10,6 (– 0,5)
Bretagne
9,5 (+ 1,3)
Pays de la Loire
10,1 (+ 1,7)
Poitou-Charentes
10,7 (– 1,3)
Lorraine
Île-de-France
8,9 (– 0,7)
18,8 (+ 0,3) Champagne
Ardenne
9,0 (+ 1,5)
Centre
10,0 (+ 0,1)
Bourgogne
9,7 (+ 1,4) Franche-Comté
8,7 (+ 0,1)
Limousin
8,7 (+ 0,5)
Auvergne
8,7 (– 1,0)
Rhône-Alpes
11,3 (+ 1,2)
Aquitaine
10,6 (– 1,4)
Midi-Pyrénées
10,1 (+ 0,6)
Languedoc-Roussillon
11,0 (– 0,5)
Niveau (€/m2) des loyers
de marché 2013
■ 11,3 à 18,8 (4)
■ 10,8 à 11,3 (3)
■ 10,7 à 10,8 (1)
■ 10,1 à 10,7 (5)
■ 9,0 à 10,1 (4)
■ 8,7 à 9,0 (4)
Provence
Alpes-Côte d’Azur
12,9 (+ 0,2)
France entière
Loyer : 12,6 €/m2 (2013 : + 0,1 %)
On peut alors constater que lorsque les niveaux des loyers
de marché sont bas, la qualité de l’offre en est affectée. Des
revenus faibles, pour les candidats à la location, sont souvent synonymes de loyers de marché faibles et d’un effort
d’amélioration et d’entretien du parc limité : sans soutien
public, sur ces territoires, la part des relocations après travaux (6) est par exemple deux fois moindre qu’à Paris,
­Marseille, Lyon, Toulouse ou Nantes ! Et les inégalités territoriales en sont alors d’autant renforcées.
(6) Cet indicateur mesure la part des logements locatifs remis sur le marché après la réalisation de gros travaux d’amélioration et d’entretien, donc hors les petits
travaux de réparation et de rafraîchissement, qui sont plus fréquents.
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86
41
études
3.4 / LES HÉSITATIONS DES LOYERS
DE MARCHÉ
DES CONTRASTES SAISISSANTS ENTRE
DES BIENS DE DIFFÉRENTES CATÉGORIES
La hausse des loyers constatée sur les huit premiers mois
de 2013 (+ 0,1 % sur un an, en glissement annuel) est moins
rapide qu’en 2012, à la même époque (+ 1,2 % sur un an).
Et alors que les loyers des « studios et 1 pièce » et des
« 2 pièces » baissent de manière sensible, le ralentissement
est marqué sur tous les biens de « 3 pièces et plus » : le
rythme de la hausse des loyers de marché est même deux
fois moindre qu’en 2012, à la même époque.
ou Rennes : dans ces villes où le marché locatif privé est
en panne, la hausse des loyers constatée depuis 2006 reste
deux fois moindre que l’inflation ;
◗ lorsque les loyers augmentent moins que l’inflation, c’est la
plupart du temps de 0,2 ou 0,3 % : c’est le cas, par exemple,
à Angers, Limoges, Marseille, Nantes ou Strasbourg. Et
dans ces villes, la hausse des loyers constatée depuis 2006
a été moindre que l’inflation ;
◗ en outre, pour la plupart de ces villes de plus de 100 000
habitants, la progression des loyers a fortement ralenti
depuis 2007 : en général, le rythme de la hausse a été
divisé par deux. Et pour 61,5 % d’entre elles, la hausse des
loyers de marché a été au plus égale à l’inflation.
LA MONTÉE DES INCERTITUDES
Sur un marché locatif privé qui s’enfonçait dans la dépression,
sur les cinq premiers mois de l’année 2012, les loyers baissaient dans 38,5 % des villes de plus de 10 000 habitants. En
2013, alors que le marché continue à se dégrader, les loyers
reculent dans 38,6 % des villes.
Si on se limite aux villes de plus de 100 000 habitants, le
constat est similaire :
◗ les loyers baissent dans 38,5 % des villes, ils progressent
moins que l’inflation dans 30,8 % des villes et ils augmentent
au-delà de l’inflation dans douze villes (30,7 % des villes) ;
◗ la baisse se confirme sur Paris, où la hausse avait été soutenue en 2012. Mais aussi en province, dans les villes où
avaient été constatées des hausses supérieures à l’inflation en 2012 : Besançon, Bordeaux, Montpellier ou Nice.
La baisse se poursuit, en 2013, pour la deuxième année
consécutive, et souvent à un rythme soutenu, dans trois
villes : Caen, Le Havre et Le Mans. Et souvent, elle fait
suite à des augmentations modérées (et toujours sous l’inflation) comme à Amiens, Clermont-Ferrand, Perpignan
Sur un marché inquiet et hésitant, sans véritable perspective
de progression des recettes locatives, la hausse des loyers de
marché reste très modérée.
Aussi, parmi les locations nouvelles et les relocations du
secteur privé, une part non négligeable est présentée sur
le marché à des loyers inférieurs aux loyers plafonds des
logements locatifs sociaux : par exemple, en zone B1, un
quart de l’offre locative privée nouvelle est accessible à des
ménages modestes et un huitième à des ménages pauvres et
très modestes.
Comme la mobilité résidentielle mesurée par CLAMEUR
pour le parc locatif privé s’élève à 27,9 %, en moyenne,
depuis 1998, contre 10,2 % dans le parc locatif social, compte
tenu de la taille respective de chacun des parcs considérés,
l’offre nouvelle est près de trois fois plus importante dans le
secteur locatif privé que dans le secteur locatif social (7). Par
ailleurs, de l’ordre d’un tiers de cette offre locative privée
nouvelle est accessible à des ménages modestes (sous le
plafond de ressources du PLS).
(7) « Données et statistiques », septembre 2011, Union sociale pour l’habitat et « Chiffres clés du logement social », septembre 2012, Union sociale pour l’habitat.
42 le marché locatif privé en 2013…
Figure 4. L’évolution des loyers de marché dans le secteur privé
(Source : CLAMEUR/Août 2013.)
4,5
3,1
3,0
2,3
Variation des loyers (en %)
1,2
1,8
1,3
1,5
1,7
0,9
0,1
0,0
– 0,5
– 0,5
– 1,5
– 3,0
Studios et 1 pièce
(22,9 % du marché)
■
Mai 2012 (+ 0,9 %)
2 pièces
(31,9 % du marché)
■
3 pièces
(26,1 % du marché)
4 pièces
(12,5 % du marché)
5 pièces et plus
(6,6 % du marché)
Août 2013 (+ 0,5 %)
UN ENCADREMENT LÉGISLATIF
EN PLEINE ÉVOLUTION
Dans ce contexte, le projet de loi « Pour l’accès au logement et
un urbanisme rénové », qui a été présenté au Parlement, prévoit dans son titre I (« Favoriser l’accès de tous à un logement
digne et abordable ») (8) d’introduire un nouveau dispositif d’encadrement des loyers, « dans certaines zones tendues dotées
d’un observatoire des loyers ». Le nouveau loyer ne pourra
excéder un « loyer médian de référence majoré » tenant (éventuellement) compte des caractéristiques du logement (9).
En supposant que tous les préfets fixent le loyer médian de
référence majoré à 20 % au-dessus du loyer médian, on peut
remarquer, avec CLAMEUR, que le mécanisme d’écrêtage
des loyers de marché que déclencherait le seuil précédent
concernera de l’ordre de 25 % des relocations et locations
nouvelles. Les résultats présentés ici ne concernent que la
seule approche globale par zone géographique, hors distinction selon « chaque catégorie de logements », sans modifier
la nature des conclusions proposées.
Le chiffrage des conséquences a été réalisé en supposant que
le dispositif allait impacter le marché durant plusieurs années,
avant de parvenir à un nouvel équilibre : simplement pour
mieux souligner les conséquences à en attendre. Les résultats
(construits sur les observations du marché réalisées par CLAMEUR pour le premier semestre 2013) sont présentés pour
Paris et une grande métropole régionale avec marché « qualifié
de tendu », par exemple Lyon (mais les résultats sont de nature
comparable dans les autres grandes villes de la zone B1).
(8) Et plus précisément au chapitre 1 (« Les rapports entre propriétaires et locataires dans le parc »), Article 3-II modifiant l’article 17 de la loi de 1989 relative au loyer
des logements.
(9) Le texte précise en outre : « Pour certains logements présentant des caractéristiques qui le justifient et que les indicateurs de loyers ne peuvent prendre en compte,
le contrat peut déroger à ce plafond en imputant au loyer un complément de loyer exceptionnel ». À des fins de simplification, et en l’absence des précisions permettant
d’en intégrer les effets, l’exercice d’évaluation a priori qui est proposé dans cet article en néglige (partiellement) l’impact.
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86
43
études
Tableau 1. Les loyers en 2013 dans les villes de plus de 100 000 habitants
(Source : CLAMEUR/Août 2013.)
Ville
Loyer 2013
(en €/m2)
Variation
2013 (1)
(en %)
Rappel
variation
2012
Variation (2)
2006-2013
(en %)
Ville
Loyer 2013
(en €/m2)
Variation
2013 (1)
(en %)
Rappel
variation
2012
Variation (2)
2006-2013
(en %)
Aix-en-Provence
16,3
5,2
1,9
2,1
Nimes
10,1
1,6
– 0,2
1,1
Reims
12,1
3,8
1,4
3,1
Villeurbanne
11,9
1,5
– 0,6
2,6
Metz
9,5
3,8
1,1
1,5
Tours
10,6
1,5
0,7
1,3
16,0
3,5
5,0
2,1
Montreuil
16,0
1,5
– 2,1
1,1
Brest
8,7
3,3
1,2
1,7
Dijon
11,1
1,2
2,1
1,0
Orléans
11,0
2,0
1,8
1,9
Lyon
12,7
1,1
2,4
2,8
Toulouse
11,8
0,8
2,7
1,3
BoulogneBillancourt
21,1
0,3
3,0
2,3
Toulon
11,0
0,7
4,6
2,0
Mulhouse
7,9
0,3
– 4,0
0,2
Saint-étienne
8,2
0,5
1,4
2,0
Argenteuil
15,7
0,3
4,4
2,8
Grenoble
12,0
0,5
1,2
0,2
Nantes
11,7
0,2
2,1
1,7
Marseille
12,6
0,3
1,6
1,0
Angers
10,4
0,1
– 0,7
0,5
Limoges
9,0
0,3
– 1,0
1,0
Strasbourg
12,5
0,0
2,4
1,5
Paris
24,1
– 0,4
4,8
2,3
Perpignan
9,9
– 1,1
0,4
0,9
Nice
14,5
– 0,4
3,7
2,2
Rennes
11,8
– 1,5
0,9
0,8
9,9
– 0,5
1,2
0,9
Rouen
11,4
– 2,1
1,8
1,4
Montpellier
13,5
– 0,8
2,2
1,3
Besançon
9,4
– 2,3
3,4
0,6
Lille
13,5
– 0,8
1,5
2,8
Nancy
10,4
– 2,4
1,6
1,5
Le Mans
8,4
– 0,9
– 1,8
0,4
Le Havre
10,8
– 2,6
– 0,6
0,9
Bordeaux
12,2
– 1,0
3,1
1,3
Caen
11,6
– 2,8
– 0,3
0,4
Amiens
11,7
– 1,0
0,9
– 1,2
Saint-Denis
Clermont-Ferrand
(1) Moyenne France entière : + 1,4 % (2006–2013).
(2) Huit premiers mois de l’année, en glissement annuel.
es villes avec un loyer moyen en progression plus rapide que l’inflation.
L
Les villes avec un loyer moyen en progression moins rapide que l’inflation.
Les villes avec un loyer moyen en baisse.
44 le marché locatif privé en 2013…
Tableau 2. Part du marché privé dont le loyer (en €/m2) est inférieur…
(Source : CLAMEUR/Août 2013.)
Loyer de marché 2013
(CLAMEUR /mai 2013/ )
Paris
... au PLUS
... au PLS
... au PLI
–
1/8
1/4
Communes limitrophes
–
1/8
1/4
Reste de la région parisienne
–
1/8
1/2
1/8
1/4
1/2
Zone B1
Zone B2
1/8
1/2
3/4
Zone C
1/4
Entre 1/2 et 3/4
3/4
◗ Au cours de l’année suivant la promulgation de la loi et de
ses décrets, tous les loyers de marché sont écrêtés dès
qu’ils excèdent la « médiane majorée » : le niveau moyen
des loyers de marché va baisser mécaniquement, de l’ordre
de 5 % à Paris et de 9 % à Lyon. Pour les 23 % supérieurs
du marché concernés par l’écrêtage, la baisse des loyers
serait, à Paris, de l’ordre de 16 % en moyenne, voire de
32 % pour les 5 % supérieurs du marché. Sur Lyon, la
baisse serait de 20 % pour les 25 % supérieurs du marché
et de 43 % pour les 5 % supérieurs du marché. À Lyon, la
baisse serait de 26,5 % pour les 20 % supérieurs du marché
et de 41,5 % pour les 5 % supérieurs du marché. En
revanche, le niveau du loyer médian ne sera guère affecté
puisqu’a priori, la structure du marché n’est pas modifiée.
Au total, les ménages (les plus) modestes qui supportent
les loyers de marché les plus bas ne vont guère en bénéficier (10) : bien au contraire, puisque le dispositif « ouvre au
bailleur un recours en réévaluation du loyer si le loyer
appliqué au locataire est inférieur au loyer médian de référence minoré. » (11) En revanche, les ménages aux revenus
élevés vont être les grands gagnants de l’affaire.
◗ C’est donc un dispositif d’encadrement des loyers particulièrement déstabilisateur pour le secteur locatif privé qui
a été élaboré. Et compte tenu de l’ensemble des autres
dispositions contenues dans le texte de loi, la rentabilité
locative devrait diminuer très sensiblement, tant sur le
flux que sur le stock. Pour maintenir un rendement satisfaisant, les bailleurs vont donc être tentés de réaliser des
plus-values en capital, dès que le marché de l’ancien se
sera suffisamment redressé : le risque de la vente d’une
partie du patrimoine locatif privé telle qu’observée entre
1978 et 1988 ressurgit. Supposons, alors, que la vente des
5 % des logements les plus pénalisés par le dispositif survienne. La moyenne des loyers de marché va de nouveau
baisser… ainsi que la médiane puisque, maintenant, la
structure du marché se déforme : l’équilibre du marché se
déforme donc comme le niveau de la « médiane majorée » a baissé. Les loyers qui se situent au-dessus du seuil
diminuent : mais toujours rien pour les ménages les plus
modestes, si ce n’est une diminution de l’offre nouvelle
et donc (presque sûrement) le renforcement de la concurrence avec la demande des ménages à revenus moyens/
élevés, qui bénéficient d’un véritable effet d’aubaine. Et
l’éviction de ces ménages modestes renforce les mécanismes d’exclusion que la pénurie de logements et les
réglementations successives ont nourri depuis le milieu
des années 70.
(10) Par exemple, sur les 2.6 millions de ménages locataires du secteur privé (hors meublés et logés gratuits) dans les unités urbaines de plus de 100 000 habitants,
900 000 comptent parmi les trois premiers déciles de revenus par unité de consommation (source : Filocom). Et il est peu probable qu’ils soient concernés par
des loyers d’au moins 27.5 €/m2 à Paris (ceux qui seront écrétés), par exemple. En revanche, ce seront les 700 000 ménages qui comptent parmi les trois déciles
supérieurs de revenus par unité de consommation qui en bénéficieront – et qui pourront donc se loger à moindre coût !
(11) Ce qui concerne de l’ordre de 16 % du marché à Paris et de l’ordre de 22 % du marché à Lyon.
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86
45
études
◗ Depuis la promulgation de la loi et de ses décrets, ce sont
de l’ordre de trois années qui se sont écoulées et durant
lesquelles les mécanismes ont œuvré. Si, comme cela est
probable, le désengagement des propriétaires bailleurs se
poursuit, ceux qui ont beaucoup perdu et restaient encore
revendent : les 4 à 5 % supérieurs des locations encore
sur le marché, ayant perdu de l’ordre de 21 % de leurs
recettes à Paris et près de 30 % à Lyon. L’étau se resserre sur les ménages les plus modestes, grands perdants
du dispositif. Mais au total, au bout de cinq années, à
peu près, l’objectif recherché aura été atteint : le niveau
moyen des loyers aura perdu près de 8 % à Paris (presque
17 % au prix de l’année de promulgation de la loi, pour
une inflation à 2 % l’an) et près de 12 % à Lyon (près de
20 % après correction de l’inflation). En masse de loyers,
compte tenu de l’impact du désengagement des propriétaires bailleurs, la perte globale, pour les bailleurs, serait
alors de l’ordre de 30 % sur Paris et sur Lyon (38 % après
correction de l’inflation).
Le nouveau dispositif d’encadrement des loyers fait ainsi
peser des risques non négligeables sur l’ensemble de
l’économie immobilière et sur la cohésion sociale, tant du
fait de la contraction de l’offre locative nouvelle (et donc
du renforcement du mouvement d’éviction des ménages
modestes de la plupart des villes concernées par le dispositif)
que de son impact sur le niveau des loyers. Mais il est vrai
que l’objectif principal qui est recherché est bien celui de la
baisse des loyers du secteur privé.
3.5 / LE SECTEUR LOCATIF PRIVÉ :
UN SIÈCLE DE GRANDEUR
ET DE MISÈRE
1914–1947, UN IMPORTANT DÉFICIT
DE LOGEMENTS
Dès 1914, le blocage total des loyers va nourrir la pénurie de
logements et dissuader d’entretenir les immeubles : découragés par ce blocage instauré pour protéger les Poilus et leur
famille, les investissements privés se détournent de l’immobilier sans que les pouvoirs publics ne prennent véritablement le relais, faute de volonté et des moyens nécessaires
pour ce faire. Certes, durant ces années, toutes les énergies
et la plupart des moyens ont été concentrés sur l’effort de
guerre. Mais une fois la paix revenue, l’aménagement d’un
régime de contrôle des loyers assoupli, qui s’apparente pour
beaucoup au maintien du blocage des années de guerre, ne
peut renverser cette tendance : d’autant que l’euphorie boursière de la seconde moitié des années 1920 n’incite guère à
ce genre de placement.
Entre les logements manquants et les logements insalubres,
le déficit en logements d’avant-guerre est estimé à près de
2 millions de logements (12). Et pourtant, en 1947, le parc
locatif privé était fort de près de 5,1 millions de logements :
il représensait alors 40,1 % des résidences principales.
(12) Entre 1919 et 1939, près de 3.1 millions de logements sont mis en chantier en France : moins d'un neuvième de ceux-ci ont bénéficié d'une aide publique (à peu près
60 000 logements entre 1920 et 1928, principalement sous la responsabilité d'élus municipaux qui mobilisent pour cela leurs offices d’HBM, et les 260 000 logements
à l'initiative de la loi Loucheur). Et parmi ces 3,1 millions de logements, près de 1,8 million sont des maisons individuelles : dont un peu moins de la moitié construites
entre 1921 et 1928, pour une majorité d'entre elles grâce aux dommages de guerre, et de l'ordre de 200 000 dans le cadre de la loi Loucheur.
Pourtant, durant ces années, alors que les milieux économiques sont fermement interpellés par les premiers écrits de Keynes et par les témoignages de la misère
ouvrière, le roi George V engage la Grande-Bretagne dans un effort de construction remarquable, avec son discours du trône de 1919 : près de 3,7 millions
de logements seront construits entre 1919 et 1939. Alors qu'aucune destruction n'est venue endommager le parc du fait d'actes de guerre, cela représente donc
un effort de construction de près de 70 % supérieur à celui de la France (hors les dommages de guerre) et aidé pour 40 % du total des constructions par l'état ou
les collectivités locales.
De même, consciente de la nécessité de « répondre aux demandes de la classe ouvrière », la République de Weimar engage un effort sans précédent : par une politique
foncière ambitieuse qui libère les terrains nécessaires, par une réorganisation de l'appareil de production et un soutien permanent aux entreprises de construction,
par des prêts accordés sur fonds publics à des taux très bas… ce sont 2,5 millions de logements qui sont construits entre 1919 et 1932 (soit le double de ce qui
se réalise dans le même temps en France, hors les dommages de guerre). Et l'Allemagne nazie ne relâchera pas ses efforts, puisque de 1933 à 1939, ce sont 1,7 million
de logements qui sont construits… soit encore le double de ce qui se réalise alors en France.
46 le marché locatif privé en 2013…
Figure 5. La répartition du marché parisien (en %) selon le niveau du loyer lors de la location
(Source : CLAMEUR/Juillet 2013.)
10
9
8
7
6
5
4
3
2
Médiane
1
0
Médiane minorée
Moins
de 4
■
5 à 10
Situation de départ (2013)
11 à 15
■
16 à 20
Médiane majorée
21 à 25
Hypothèse : revente par les 5 % supérieurs
1947-1975, DES ANNÉES DE PROMOTION
DE L’ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ
Trente années plus tard, et juste avant que la France et les
marchés immobiliers ne s’enfoncent dans la dépression provoquée par le second choc pétrolier, le parc locatif privé
comptait un peu plus de 4,8 millions d’unités (13) – donc à peu
près autant qu’en 1947 –, mais il ne représentait plus, alors,
que 25,9 % des résidences principales. Il est vrai que la loi
de 1948 n’a pas produit les effets escomptés : l’investissement privé n’a guère été suffisant dans le locatif, découragé
par les conditions de mise en valeur qui lui étaient proposées. Et dans un contexte de pénurie généralisée qui ne
prendra fin qu’au milieu des années 70, l’essentiel des interventions et des incitations publiques a concerné, durant ces
années, la construction locative sociale et la promotion de
l’accession à la propriété.
26 à 30
■
31 à 35
36 à 40
41 à 45
46 à 50
Hypothèse : revente par les 5 % suivants
LES ANNÉES 80, LA DÉCENNIE
DU DÉSENGAGEMENT DES PROPRIÉTAIRES
BAILLEURS
Durant dix années, entre 1978 et 1988, le secteur locatif privé
va alors connaître sa « descente aux enfers », celle du désengagement des propriétaires bailleurs : et le parc locatif privé
va perdre 540 000 logements, pour descendre à moins de
4,3 millions d’unités et 20,2 % du parc des résidences principales. Comme, pendant ces années, l’investissement locatif
privé est au plus bas (en moyenne, chaque année, 24 000 mises
en chantier), cela signifie que ce sont de l’ordre de 120 000
logements locatifs privés qui sont revendus tous les ans : et
la plupart du temps, des logements situés en milieu urbain et
jusqu’alors occupés par des ménages modestes (et souvent
âgés). Un puissant mécanisme de ségrégation urbaine naît ou
se renforce, suivant les territoires.
(13) Ce parc locatif privé est alors détenu par des personnes morales (caisses de retraite, banques et assurances, principalement) pour 14,5 % et par des bailleurs
personnes physiques pour 85,5 %. Il ne concerne que les locaux loués vides avec bail onéreux : on dirait, aujourd’hui, le parc locatif privé régi par la loi de 1989
(y compris dans le cadre de dispositifs fiscaux d’aide à l’investissement locatif ou d’un conventionnement Anah) ou par la loi de 1948. Il exclut donc les meublés,
les logés gratuits…
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86
47
études
La succession des dispositions fiscales et législatives
(notamment la loi Quilliot et l’instauration de l’impôt sur
les grandes fortunes en 1982) a généré des incertitudes
ayant conduit les ménages à réarbitrer au bénéfice de ces
placements mobiliers, qui ont désormais la faveur des
pouvoirs publics. Par exemple, dès 1978, la loi Monory
favorise l’orientation de l’épargne des ménages vers les
marchés financiers par des incitations fiscales attractives
et une stratégie de rémunération de l’épargne longue
convaincante. Puis, avec la réforme du financement de
l’économie de 1983, les pouvoirs publics amorcent une succession d’aménagements législatifs et réglementaires qui
accompagnent une période riche en innovations financières
(sophistication des formules de placement obligataire,
développement des émissions à taux variable…). Pendant
que, dans le même temps, s’annonce une longue et douloureuse période de réductions répétées du taux d’abattement
forfaitaire sur les revenus fonciers.
Le placement et l’investissement immobiliers n’ont plus la
cote (14) et le désengagement des propriétaires sanctionne une
volonté délibérée des pouvoirs publics.
Mais l’effondrement de la construction, que les politiques
publiques observent, impuissantes, devient préoccupant. Et
dès l’automne 1984, les pouvoirs publics annoncent la mise
en place d’une réduction d’impôt (le dispositif Quilès) destinée à inciter les investisseurs à revenir vers la pierre. Mais
le dispositif est encore discret et il va s’améliorer au fil des
années, notamment à partir de 1986, avec un recalibrage (le
dispositif Quilès-Méhaignerie) qui va désormais convaincre
les investisseurs.
DEPUIS, UN REGAIN D’INTÉRÊT
POUR LA CONSTRUCTION ET LA PROPRIÉTÉ
Si on se limite aux logements locatifs privés ayant bénéficié
d’une défiscalisation, ce sont au total près de 1 286 000
mises en chantier qui ont ainsi été réalisées entre 1984 et
2012 (15), tant par des promoteurs immobiliers que par des
constructeurs de maisons individuelles. Plusieurs étapes
doivent néanmoins être distinguées pendant cette période.
Dans un premier temps, dès 1984, c’est le dispositif QuilèsMéhaignerie qui va soutenir la construction de 468 000
logements locatifs privés (39 000 par an). Il va être remplacé, dès 1996, par le dispositif Périssol, qui retient désormais le mécanisme de l’amortissement fiscal, suivant en
cela les recommandations du rapport de la Commission
« Financement du logement » (Commissariat général du
plan, 1991). De 1996 à 1999, ce dispositif va accompagner la
construction de 157 000 logements locatifs privés (39 000
par an (16)).
Ensuite, dès 1999, le dispositif Besson change la donne et
les flux de l’investissement locatif privé vont se réduire en
conséquence : le bénéfice de l’amortissement est maintenant
conditionné par le respect d’un double plafond, un plafond
de loyer et un plafond de ressources pour le locataire. Le
dispositif ambitionne, alors, d’élargir l’offre locative privée à des logements de type intermédiaire : de l’ordre de
26 000 logements neufs en bénéficient chaque année en
moyenne (pour un total de 80 000 unités entre la fin de l’année 1999 et 2002).
Enfin, avec l’abandon du double plafond et le retour sur
un produit d’investissement largement consommable, les
flux de l’investissement locatif privé vont se redresser dès
(14) Durant les années 1980 à 1984, les taux du secteur concurrentiel s’établissent en moyenne à 16,7 %, sans jamais descendre sous les 16,0 % ! Il n’est donc guère aisé
d’investir avec une rentabilité suffisante et capable de concurrencer un investissement mobilier : par exemple, durant ces années, les taux de rentabilité des obligations
du secteur privé s’établissent en moyenne à 15,2 %, alors que leur fiscalité s’améliore considérablement.
(15) évaluation réalisée à partir des données de l’administration fiscale (l’ancienne DGI pour les données antérieures à 2003), puis à partir des statistiques
professionnelles et de Filocom, depuis.
(16) Et même près de 76 000 unités en 2011 !
48 le marché locatif privé en 2013…
La succession
des dispositions
fiscales
et législatives a généré
des incertitudes.
2003, avec la mise en place du dispositif de Robien. Compte
tenu des aménagements ultérieurs (dispositif Borloo, puis
dispositif Scellier) destinés à rendre le produit plus puissant,
ces incitations fiscales vont conduire à la construction de
581 000 logements neufs : soit 58 000 mises en chantier par
an, en moyenne, de 2003 à 2012.
Comme chaque année, un certain nombre d’investisseurs
personnes physiques renoncent à leur avantage fiscal
(abandon volontaire ou contraint représentant en moyenne
de l’ordre de 11 à 12 % des flux de l’investissement locatif
privé) ; depuis 1985, ce sont au total plus de 1 493 000 logements locatifs privés qui ont été mis en chantier (53 000 par
an, en moyenne).
Ainsi, depuis 1988, la taille du parc locatif privé s’est redressée
pour atteindre plus de 5,7 millions d’unités à la fin de l’année
2012. Le parc a donc regagné plus de 1 400 000 unités pour
représenter 20,4 % de l’ensemble des résidences principales.
l’observateur de l’ immobilier du crédit foncier – Nº 86