les enjeux regionaux de la negociation sur le budget de l

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les enjeux regionaux de la negociation sur le budget de l
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14 JANVIER 2005
LES ENJEUX REGIONAUX DE LA NEGOCIATION SUR LE BUDGET
DE L’UNION POUR LA PERIODE 2007-2013
(Document approuvé à l’unanimité par le Bureau Politique de la CRPM - 14 janvier 2005 à Santiago de Compostela – Galicia, E)
I. – LE CONTEXTE DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION POUR LA FUTURE
POLITIQUE REGIONALE
Dans sa communication du 14 juillet 2004 (COM(2004)487), la Commission européenne a confirmé
sa proposition budgétaire de 336,2 milliards d’euros en faveur de la politique régionale (chapitre
1b des perspectives financières : cohésion en faveur de la croissance et de l’emploi)1. Celle-ci se
caractérise par une ambition mesurée comparativement aux périodes précédentes :
-
En ce qui concerne « l’objectif convergence », si celui-ci va augmenter fortement en valeur
absolue par rapport à la période actuelle, c’est essentiellement pour prendre en compte les
élargissements et la forte augmentation de population éligible qui en résulte. Par contre, à
population éligible constante, l’effort par habitant est en baisse. En effet, dans la mesure où
un plafond des dépenses à 4% du PIB des zones éligibles est appliqué, l’aide en Euro par
habitant va varier d’environ 50 à 150 euros par habitant dans les 10 nouveaux Etats
membres alors que dans la période actuelle elle s’établissait en moyenne à 220 euros par
habitant. Il n’est pas question ici de remettre en cause la pertinence de ce plafond, mais bien
de pondérer une lecture trop rapide de l’évolution des crédits consacrés à cet objectif entre
les deux périodes de programmation (+40% environ sur 2007-2013 par rapport à l’année
2006) ;
-
Les orientations retenues pour l’objectif « compétitivité régionale et emploi » empruntent
une toute autre direction. Une lecture rapide de la proposition de la Commission pourrait
conclure à une augmentation des crédits ( + 6% par rapport à 2006). Une lecture plus
approfondie permet de conclure au contraire à une forte baisse des ambitions qui lui sont
consacrées :
o
En Euros constants, sur la base d’une inflation annuelle moyenne de 2%, la baisse
constatée est de l’ordre de 10%. En effet, la somme objectif 2 + objectif 3 de la
période 2000-2006 s’établit à 48,31 milliards d’Euros. En appliquant sept années
d’inflation à 2% cela nous donnerait un montant de 53,47 milliards d’Euros pour la
période 2007-2013. Or la proposition de la Commission ne s’établit qu’à 48,31
milliards d’euros soit un net retrait. Les 9,59 milliards consacrés dans cet objectif au
« phasing in » devraient d’ailleurs être comptabilisés dans l’objectif convergence
comme lors de la période actuelle (phasing out objectif 1) pour permettre une réelle
comparaison entre les deux périodes de programmation.
1
Cf. Commission temporaire du Parlement européen sur les défis et les moyens budgétaires de l’Union élargie 2007-2013, Document de
Travail N° 2 “Situation actuelle”, 21 octobre 2004, rapporteur Reimer Böge
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« Les enjeux régionaux de la négociation sur le budget de l’Union pour la période 2007 – 2013 »
o
-
Il convient en outre de souligner que la population éligible à cet objectif va être en
nette progression par rapport à la période précédente et que là encore l’intensité de
l’aide va se trouver en nette diminution. Au total on peut estimer la baisse à environ
15% entre les deux périodes de programmation.
Seul l’objectif coopération enregistre effectivement une augmentation réelle des crédits. Si
cette orientation nous semble emprunter la bonne direction, il est toutefois intéressant de
souligner que seul le moins « coûteux » des objectifs a connu une orientation à la hausse et
un soutien de la plupart des Etats.
Notre propos n’est pas ici de minimiser l’ambition affichée par la Commission, celle-ci ayant été
dans l’obligation de prendre en compte à minima les réticences budgétaires de certains Etats
membres. Il convenait cependant de bien remettre en perspective la nature et la portée exacte de la
proposition.
II. – LES REGIONS ET LA STRATEGIE DE LISBONNE ET DE GOTEBORG
Le socle de réflexion, qui a abouti aux propositions de la Commission européenne sur la future
politique régionale et sur le budget, repose essentiellement sur la reconnaissance de la forte
contribution de cette politique à la stratégie de Lisbonne et de Göteborg (cf. troisième rapport sur
la cohésion économique et sociale). On peut notamment l’illustrer à travers les quelques exemples
suivants :
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-
-
-
financement par le Fonds Social Européen (FSE) de l’essentiel de la stratégie européenne
pour l’emploi et notamment de l’adaptation et de la formation des actifs européens à la
compétitivité internationale ;
financement par le Fonds Européen de développement régional (FEDER) des mesures en
faveur de l’innovation et des transferts de technologie (tout aussi essentiel que le
Programme Cadre de Recherche et de Développement) ;
financement par le FEDER de nombreuses mesures d’accompagnement économique dans
les territoires ;
financement par le FEDER de l’essentiel des infrastructures de transport et de
modernisation des réseaux de communication à haut débit ;
Accompagnement par le FEDER et le FSE de l’ensemble des mesures en faveur de
l’économie de la connaissance par les acteurs politiques et économiques régionaux et
locaux ;
Financement de l’essentiel des mesures environnementales dans les territoires permettant
une mise en œuvre effective de la stratégie de Göteborg en faveur du développement
durable ;
…
Ainsi la politique régionale ne constitue pas uniquement un instrument de solidarité entre pays ou
territoires plus ou moins compétitifs à l’échelle européenne. Elle constitue également le principal voire l’unique- effet levier disponible pour mettre en œuvre de nombreuses stratégies européennes
innovantes. Sans cet effet levier budgétaire, de nombreuses orientations communautaires resteront
lettre morte et risquent fort de rester au chapitre des déclarations d’intention.
Si l’on peut comprendre le plafonnement opéré dans le cadre de l’objectif convergence en raison
des capacités réelles d’absorption des crédits de certaines économies, on comprend plus
difficilement la baisse proposée pour la majeure partie du territoire européen. Elle aura pour
conséquence concrète de limiter l’impact réel de la stratégie de Lisbonne et de Göteborg et de la
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« Les enjeux régionaux de la négociation sur le budget de l’Union pour la période 2007 – 2013 »
stratégie européenne pour l’emploi. Nul doute qu’une telle orientation risquerait de conforter
durablement les conclusions pessimistes mais néanmoins réalistes du rapport Kok consacré
dernièrement à cette question.
Par ailleurs, cette timidité des propositions de la Commission pose un problème de gouvernance et
de reconnaissance réelle du rôle des acteurs régionaux et locaux. A l’heure où le traité
constitutionnel propose une claire reconnaissance de l’échelon régional dans la mise en œuvre de
nombreuses politiques communautaires, on propose de limiter la portée de la seule grande
politique à laquelle il est associé. Les principales ambitions proposées se concentrent au contraire
essentiellement sur les politiques de nature gouvernementale, faisant fi de la réalité de la mise en
œuvre de ces orientations sur le terrain.
Evolution du budget par rapport à 2006 pour quelques postes budgétaires
(Sur la base des propositions de la Commission du 14 juillet 2004)
Objectif convergence :
Objectif compétitivité régionale et emploi :
Espace Européen de la recherche
Transport, Energie et réseaux de télécommunication :
Education formation :
Compétitivité et entreprenariat :
L’UE « global player »
+40%
+6%
+159%
+309%
+323%
+115%
+185%
Sources : commission temporaire du Parlement européen sur les perspectives budgétaires de l’Union élargie
Le modèle économique sous-jacent à ses orientations reste à ce titre extrêmement daté et peu
sensible à l’évolution réelle de nos économies. En cherchant à copier les vertus du modèle
américain, il agit exactement à l’inverse, oubliant ce qui fait le dynamisme de l’économie
américaine et notamment sa capacité locale à innover constamment. Par ailleurs, en termes de
gouvernance et d’échelle de l’action publique, la mise en œuvre de la politique européenne de
l’emploi comme de la stratégie de Lisbonne ont assez montré les limites, sinon l’échec, de la seule
modalité intergouvernementale.
III. – QUE DOIT-ON CRAINDRE DES NEGOCIATIONS FUTURES ?
Avec les réserves émises précédemment sur l’évolution réelle du budget consacré à la politique
régionale, on constate combien celle-ci est, en termes dynamiques, le parent pauvre des
propositions de la Commission. Alors que les politiques et les actions qu’elle finance répondent à
100% aux objectifs que l’Europe s’est donnés, elle voit sa part relative dans l’ambition européenne
nettement régresser (en dehors de l’impact purement mécanique de l’élargissement).
Il apparaît ainsi clairement que c’est moins le contenu des actions financées par la politique
régionale qui est remis en cause, que le passage par les deux prismes que sont :
- la solidarité entre pays et entre territoires ;
- le recours au niveau régional et local dans la mise en œuvre d’un certain nombre de
politiques.
C’est à ce titre que les débats actuels nous semblent les plus dangereux pour l’avenir du projet
européen.
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« Les enjeux régionaux de la négociation sur le budget de l’Union pour la période 2007 – 2013 »
Les Régions ont dû prendre acte des propositions de la Commission et de ces orientations
fortement influencées par la volonté de régression défendue par certains Etats. Si ces propositions
devaient rester en l’état, elles constitueraient une base minimum au dessous de laquelle il serait
extrêmement dangereux de se diriger.
Notre principale inquiétude réside maintenant dans la nature des négociations en cours entre
Etats. Il semble en effet que ce mouvement en faveur d’une baisse drastique de l’appel à la
solidarité européenne et à l’investissement de l’ensemble des acteurs régionaux et locaux aux
objectifs de l’Union se poursuit. La plupart des Etats contributeurs nets appelant à un
plafonnement du budget à 1% souhaitent en effet amplifier cette première baisse relative de l’effort
régionalisé et solidaire.
La Commission parlementaire temporaire présidée par Josep Borrell (rapporteur Reimer Böge) a
déjà mis en exergue la première baisse historique du plafonnement des ressources propres traduite
à la fois par la proposition pour 2000-2006 et par celle relative à la période 2007-2013 :
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de 1,15% à 1,20% du PIB européen pour 1988-1992,
de 1,24% à 1,27% du PIB européen pour 1993-1999
de 1,27% du PIB européen (1,24% du RNB) pour 2000-2006
1,24% du RNB pour 2007-2013.
Dans ce contexte, les premières rumeurs circulant sur un possible compromis autour de 1,05% du
RNB communautaire ne peuvent qu’inquiéter très fortement les européens convaincus que nous
sommes. Nous continuons à ce titre à soutenir fermement la proposition de la Commission
européenne à 1,14 % en crédit de paiement.
Ainsi, les régions périphériques maritimes d’Europe comptent fortement sur le Parlement
européen, la Présidence semestrielle luxembourgeoise et les gouvernements authentiquement
attachés à l’approfondissement de la construction européenne :
-
d’une part pour œuvrer au maintien d’un haut niveau d’ambition pour le projet européen,
-
d’autre part pour éviter que la politique régionale ne devienne la variable d’ajustement
favorite des négociateurs du prochain Sommet européen.
Il nous semble en effet, qu’au-delà de la défense de nos territoires, c’est bien du contenu du projet
européen et de sa capacité à recueillir l’adhésion des citoyens européens dont il est question.
L’absence d’un ancrage des politiques européennes dans les territoires risquerait fort de signifier la
fin d’une époque pour l’ambition européenne.
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« Les enjeux régionaux de la négociation sur le budget de l’Union pour la période 2007 – 2013 »