Volkswagen : das Auto, die Arroganz

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Volkswagen : das Auto, die Arroganz
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Volkswagen : das Auto, die Arroganz
LE MONDE | 06.10.2015 à 20h31 • Mis à jour le 07.10.2015 à 06h57 | Par Stéphane Lauer (/journaliste/stephane-lauer/) (New York,
correspondant)
Adolf Hitler montant dans un des trois modèles de la nouvelle Volkswagen baptisée coccinelle par le Führer, derrière lui le Dr
Porsche. Berlin, 1938. Suddeutsche Zeitung/Rue des Archives
Volkswagen (VW) vient d’être déboulonné de son piédestal. Le
fleuron de l’industrie allemande a triché à grande échelle sur
la performance environnementale de ses moteurs diesel en
les équipant d’un « logiciel trompeur » capable de modifier les
résultats d’émissions polluantes en cas de test. L’histoire
officielle retient qu’il s’agirait d’un faux pas dévastateur mais
inédit. Mais, lorsqu’on se penche sur l’histoire du groupe, la
route empruntée est moins rectiligne que ce que l’on pourrait
croire .
Les choses n’avaient effectivement pas débuté sur de très bonnes bases. Tout le monde sait que la
voiture qui lancera VW, la Coccinelle, a été au départ un projet du mouvement Kraft durch Freude
(KDF, « la force par la joie »), du nom d’une branche du Front du travail nazi. L’idée, qui remonte à
1934, est d’imaginer une voiture vendue moins de 1 000 reich marks – cinq mois de salaire ouvrier
–, la KDF Wagen, capable d’accélérer l’adhésion au national-socialisme. Ce que l’on sait moins,
c’est que l’ingénieur à qui fut confié ce projet de « voiture du peuple », Ferdinand Porsche, s’est
largement inspiré, pour ne pas dire plus, d’un modèle lancé quelques années auparavant. Son
concepteur ? Hans Ledwinka, un ingénieur tchèque, qui travaillait pour le constructeur Tatra.
Son modèle, la T97, avec son moteur arrière et son système de refroidissement à air, est très
innovant pour l’époque. Une originalité qui ne passe pas inaperçue auprès de M. Porsche, d’autant
qu’il est originaire de Maffersdorf, en Bohéme, ville devenue tchèque en 1919. « Comme tout bon
ingénieur, Porsche regarde ce qui se fait autour de lui et connaît bien le potentiel industriel des
Sudètes, notamment les firmes Tatra et Skoda », note l’historien de l’automobile Jean-Louis Loubet.
Petits arrangements avec l’histoire
La KDF Wagen, qui se transformera en Coccinelle après la guerre, reprend tout de la T97 : ses
formes rondes et son ingénierie innovante. VW niera toujours avoir copié les plans de Ledwinka.
Mais, comme le rappelle M. Loubet, trois éléments contredisent cette version. D’abord le refus des
organisateurs du Salon de Berlin de 1939 d’exposer la T97, susceptible de faire de l’ombre à la
vedette de la manifestation. En 1946, Pierre Lefaucheux, tout juste nommé PDG de Renault , qui
vient d’être nationalisé, n’hésite pas à prendre la plume dans la très sérieuse Revue des ingénieurs
civils de l’automobile pour dénoncer la supercherie. Il y a plus gênant pour VW : un procès pour
plagiat intenté et gagné par Tatra en 1961. Une victoire à la Pyrrhus, car le constructeur allemand
s’en tira avec le versement d’un dédommagement de 3 millions de marks. Une misère au regard
d’une voiture qui fut vendue à plus de 21 millions d’exemplaires et qui plaça VW sur orbite.
Les petits arrangements du groupe avec l’histoire ne s’arrêtent pas là. En 2009, Audi, aujourd’hui
l’une des principales marques de VW, a fêté son centième anniversaire. Le problème, c’est que
cette célébration est largement une réécriture du passé compliqué que le groupe passe allègrement
sous silence. August Horch est à l’origine de la marque August Horch Automobil Werke. Manque de
chance, le nom est déjà déposé et il est obligé de la rebaptiser Audi. La dépression des années
1930 oblige Horch à s’allier avec trois concurrents pour donner naissance à Auto Union. « Durant le
nazisme, Auto Union a été un vecteur et une vitrine de la propagande du régime. Le groupe n’hésite
pas à afficher la croix gammée sur ses bolides de course », rappelle M. Loubet.
A la fin de la guerre, les usines du groupe sont démantelées. Auto Union AG est radié du registre du
commerce de la ville de Chemnitz en 1948. Il faudra attendre les années 1960 pour que la marque
aux quatre anneaux renaisse de ses cendres. On est loin du centenaire annoncé en 2009. « Audi
est une extraordinaire machine de marketing qui a oublié complètement la vérité de son histoire »,
dit M. Loubet.
Apprentissage de l’humilité
Au contraire de Mercedes, qui a toujours assumé son passé glorieux et moins glorieux, VW a
toujours du mal. Question d’arrogance ? Le slogan de la marque « Das Auto » ne plaide pas en
faveur de la modestie. Même Henry Ford, qui n’était pas réputé pour son humilité, n’avait pas osé.
C’est un peu comme si IBM à une époque avait choisi pour signature commerciale « The Computer » ou bien encore Apple , « The iPhone ».
Depuis les années 1990 et la reprise en main du groupe par Ferdinand Piëch, le petit-fils de
Ferdinand Porsche, Volkswagen a connu un immense succès industriel. Mais, à force d’être monté
dans les cimes de l’industrie automobile , le constructeur ne s’est-il pas brûlé les ailes ? Tous ses
concurrents ont eu, à un moment donné, la tentation de gonfler leurs performances pour en faire un
argument de vente, mais aucun n’a été jusqu’à tricher de façon aussi éhontée. En voulant
contourner les règles, VW s’est d’une certaine façon cru au-dessus d’elles. Et qu’on ne s’y trompe
pas : ce n’est pas le fait d’un individu isolé qui, par sa faute, aurait fait déraper toute une
organisation. Cette tricherie volontaire nécessitait la participation et le consentement de plusieurs
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échelons de la hiérarchie du groupe.
La mission de Matthias Müller, nouveau PDG de VW, sera de remettre à plat une organisation qui a
sans doute failli par excès d’arrogance. La sortie de crise passe par l’apprentissage de l’humilité.
Pour cela, il peut prendre exemple sur la nation allemande, qui en 1991, dans la foulée de la
réunification, avait rebaptisé symboliquement son hymne, le Deutschland über alles (« l’Allemagne
au-dessus de tout ») devenant un Deutschlandlied (« chant d’Allemagne ») plus apaisé. Au
constructeur maintenant de tourner la page du « Volkswagen über alles ».
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