Brésil : des noms de foot !
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Brésil : des noms de foot !
8 L’HUMEUR DE CHENEZ Bleu Rouge Noir Jaune L’HISTOIRE Brésil : des noms de foot ! LES SUPPORTERS DE GUARANI, club de D 1 brésilienne, ne sont pas tous fans de rock américain de la fin des années 60. Mais ils sont tous de fervents adeptes de Creedence Clearwater Couto, longiligne attaquant (1,93 m) de vingt-quatre ans qui a déjà inscrit cinq buts cette saison en Championnat. Vous avez bien lu : Couto est vraiment prénommé Creedence Clearwater, comme Creedence Clearwater Revival, grand groupe californien de la fin des sixties, conduit par les frères Fogerty, John et Tom. Grand. Le plus grand de tous les temps, selon Aflanio Couto, le père du joueur, qui a convaincu en 1979 sa femme Leila de donner à leur dernier-né ce prénom pour le moins original. Et beaucoup plus rock’n roll que Roberto Carlos. Le célèbre joueur du Real Madrid doit son prénom à l’amour de sa mère pour Roberto Carlos, chanteur brésilien de variétés inconnu en Europe. Depuis ses débuts, Creedence Clearwater (le joueur) doit sans cesse s’expliquer et parler de Creedence Clearwater (le groupe). « Les gens pensent souvent que c’est un surnom, mais non, c’est mon vrai prénom, enregistré à l’état civil, explique l’attaquant de Guarani. C’est difficile à écrire, encore plus à prononcer, à tel point qu’on m’a souvent surnommé Paulista (nom des habitants de sa région d’origine, l’État de Sao Paulo). Les plus jeunes ne connaissent pas le groupe, je dois répéter mon nom plusieurs fois. » Des surnoms dans l’annuaire Mais le joueur a fini par s’habituer à son prénom, comme à la musique du groupe, qu’il aime presque autant que son père. « Mais je regrette que l’on s’intéresse PROLONGATIONS très bien de ce Delon brésilien. L’ancien capitaine du Paris-SG est bien placé pour parler des prénoms originaux des Brésiliens. « C’est une grande habitude dans mon pays, surtout dans le Nordeste. Et si l’on ne possède pas de prénom curieux, on a très souvent un surnom (apelido) qui nous suit presque toute notre vie. C’est parfois lié à notre région de naissance, à l’origine de nos parents, à un détail physique ou à un trait de caractère. On adore se chambrer, se moquer sans méchanceté. Ça fait partie de notre mentalité. » Dunga, capitaine du Brésil vainqueur de la Coupe du monde 1994, en sait quelque chose. Son surnom signifie tout simplement « Grincheux », comme l’un des sept nains de Blanche-Neige. Tout Brésilien qui se respecte a donc son surnom, de Luis Inacio da Silva, dit Lula, le président de la République, à Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé. Dans certaines villes, les surnoms figurent même dans les annuaires téléphoniques. « Chez nous, tout le monde s’appelle par son prénom, ou bien son surnom », poursuit Rai. Quand plusieurs joueurs d’une même équipe ont le même, il faut parfois pratiquer la surenchère. En débarquant à moins de dix-huit ans en équipe nationale, en 1994, Ronaldo tomba sur un autre Ronaldo, défenseur et déjà en place. Au Brésil, il devint donc Ronaldinho. Et quand un jeune prodige de Porto Alegre appelé Ronaldinho intégra la Seleção en 1999, ce fut logiquement sous le nom de Ronaldinho Gaucho (comme les habitants de sa région, le Rio Grande do Sul). Creedence Clearwater Couto, lui, n’aura sans doute jamais à modifier son nom… Creedence Clearwater Couto, en démonstration devant ses coéquipiers de Guarani, hilares, aimerait bien qu’on s’intéresse d’abord à ses qualités de footballeur. (Photo Renato Luiz Ferreira) d’abord à moi à cause de mon état civil, et seulement ensuite à mes qualités de footballeur. » Un autre attaquant brésilien est passé, ces dernières années, à la postérité en raison de son identité. Son (vrai) nom ? Allan Delon Silva Dantas, vingt-trois ans. Actuellement en D 1 mexicaine, à Quere- taro, il se fit remarquer, il y a trois saisons, sous le maillot de Vitoria de Bahia, devenant l’un des meilleurs buteurs du Championnat brésilien. Mais celui qui a failli s’appeler Christopher Reeve Silva Dantas (sa mère a hésité jusqu’au dernier moment, avant de tomber sur un officier d’état civil peu regar- dant sur l’orthographe) sait bien qu’il doit une grande part de sa célébrité à un acteur français au regard perçant. « Je n’ai peut-être pas d’aussi beaux yeux que lui, confiait-il en 2000, mais j’ai du charisme et beaucoup de succès avec les filles. » Rai, frère cadet de Socrates, se souvient STÉPHANE KOHLER REPORTAGE LA COURSE VERS LE FUTUR Après les départs de Yannick Souvré et d’Isabelle Fijalkowski, l’équipe de France a dû opter pour un style de jeu plus rapide. PYRGOS – (GRE) de notre envoyée spéciale Pas plus tard qu’après le deuxième match de l’Euro à Pyrgos, rencontre perdue sur le fil contre la Serbie-Monténégro : l’équipe de France rend un pitoyable 50 % de réussite aux lancers francs, une honte pour Alain Jardel, qui ne manque pas alors de rappeler : « Des filles comme Yannick, Isabelle, Laetitia, elles ne loupaient pas un lancer ! Qui est-ce qui nous a tiré les deux lancers décisifs, en finale contre la Russie ? Yannick… Qui est-ce qu’on faisait venir sur la ligne afin de tirer nos lancers ? Yannick. C’est toute la différence entre des joueuses qui ont des fondamentaux parfaits, maîtrisés, et les autres !… » Les autres, celles qui ont connu tout ça, il en reste un noyau fort. Du groupe qui succomba face à la Pologne en finale, à Katowice en 1999, elles ne sont plus que six : Nicole Antibe, Edwige Lawson, Sandra Le Dréan, Nathalie Lesdema, Cathy Melain et Audrey Sauret. De celles qui furent championnes d’Europe en 2001, restent ces six-là, rejointes par Sandra Dijon et Dominique Tonnerre. Ensemble, ces huit-là auront aussi vécu le Mondial chinois. Mais si, dans ces quatre dernières années, l’équipe de France a pu, bon an mal an, conserver cette ossature, les départs de Yannick Souvré et d’Isabelle Fijalkowski l’ont obligée à révolutionner complètement son jeu, à abandonner un style de basket très tenu, très contrôlé, axé sur la conservation de la balle le plus longtemps possible. « Le style de jeu qu’on pratiquait avant, on pouvait se le permettre vu les joueuses dont on disposait. Avec Yannick et Isabelle, sur du jeu cinq contre cinq demi-terrain, on était les meilleures, se souvient Cathy Melain, propulsée capitaine des Bleues, en partenariat avec Audrey Sauret, après le départ de Yannick Souvré. Mais on n’a plus une intérieure puissante, qui contrôle la raquette, sur laquelle s’appuyer. On a des joueuses plus petites, très véloces, et c’est pour ça qu’on essaie de vraiment mettre du rythme dans le match, plus de pression défensive, de jouer sur d’autres qualités. » Alors, aujourd’hui les Bleues courent, courent, misent sur leur vivacité et leur vitesse d’exécution afin de compenser centimètres et kilos envolés, se jettent dans un « basket de guérilla », dit le coach, un rush vers l’avant qui d’ailleurs fait se hérisser plus que de coutume sur leur chemin des zones diverses et tenaces, armes à tuer le rythme et à forcer le tir extérieur, une des faiblesses françaises. PAGE 8 PYRGOS. – Sandra Le Dréan, Nicole Antibe, Audrey Sauret et Cathy Melain (de gauche à droite) forment, avec Nathalie Lesdema et Edwige Lawson, le noyau dur de cette équipe de France. Elles ont été de toutes les campagnes, avec en point d’orgue le titre de championnes d’Europe en 2001. (Photo Pierre Lablatinière) Audrey Sauret : « On ne changera rien dans le basket français en ce qui concerne la défense. Ça, ça restera » Oui, ces Bleues-là courent après leur nouvelle identité de jeu. Mais sans oublier que ce tempo d’attaque tourbillonnant ne peut se nourrir que d’une défense tout aussi tonique, tribut accepté et reconnu, versé à une certaine culture du basket français. « On ne changera rien dans le basket français en ce qui concerne la défense. Ça, ça restera, apprécie Audrey Sauret. Mais, aujourd’hui, notre défense on essaie de l’utiliser non plus pour arrêter le jeu, conserver plus longtemps la balle, mais pour nous lancer en attaque, pour mettre du rythme. Et je crois que ça va dans le sens du basket français et du basket moderne. Je crois que c’est important qu’on arrive à faire cette transition et, dès le plus jeune âge, à inculquer cette mentalité à nos jeunes. » La tâche ne devrait pas être trop ardue. La jeune génération, représentée par Céline Dumerc, Émilie Gomis, Élodie Godin et Emmeline N’Dongue, ne dédaigne pas ce style, dont certaines formes de jeu s’apparentent à celles qu’elles mettent déjà en pratique en Espoirs. Céline Dumerc, qui à Bourges est appelée à succéder à Yannick Souvré avec l’Australienne Alicia Poto, prévient, avec révérence cependant : « Je pense que personne ne pourra plus avoir dans le basket français l’impact qu’a eu une fille comme Yannick Souvré. Mais, comme elle, j’ai du caractère, j’ai envie de réussir. Yannick et moi, on a des styles de jeu bien différents. Je sais que les gens à Bourges vont attendre énormément de moi, mais ce que je peux apporter ne se fera pas dans le même registre que ce qu’apportait Yannick. » Autres temps, autre jeu, donc. Peutêtre certaines anciennes auront-elles renâclé un peu devant ce nouveau basket, audacieux, risqué aussi, antithèse du jeu qui porta la France au paradis. « On prend plus de risques quand même en défense, admet Cathy Melain. C’est plus exigeant. Et, surtout, il faut y croire. Par principe, on a toujours tendance à protéger son panier et là, au contraire, il faut aller vers l’avant. Il faut s’y mettre, quoi ! De temps en temps, on a un peu des doutes, et ça se voit vite… Bon, il faut du temps. » L’éclatante victoire face à la Pologne (79-66), lors du troisième match de l’Euro, semble avoir fait œuvre de conviction, si besoin en était. Et les cavales françaises, galopant avec ardeur et foi sur les bases de leur nouveau jeu, se sont mises au départ d’une longue course pour l’avenir de ce basket féminin français. Elles courent aussi pour ne pas tomber, eu égard à un futur moins grisant que le jeu qui l’annonce. Car, dans le Les six fidèles 2e 5e 1ree 8e • Luc BER • Johana BOUTET • Christine GOMIS ? • Émilie GOMIS • Céline DUMERC • Élodie GODIN • Émeline N’DONGUE contexte très relevé de ce Championnat d’Europe, à l’exception d’une Élodie Godin stupéfiante, Alain Jardel ne peut pas user énormément de ses jeunes rotations. « Ce qui leur arrive va un peu trop vite pour elles, considère Pascal Pisan, coach des Espoirs et assistant-coach d’Alain Jardel. On met la pression sur des filles d’une vingtaine d’années, à qui on demande de prendre la relève, alors que celles de la génération 79-80-81, à l’exception d’Edwige Lawson (24 ans) se font très discrètes. » Pour aller dans le sens du nouveau coach de Tarbes en Ligue féminine, Alain Jardel ramène aussi le futur français à ce qui lui manque : « On est toujours sur un jeu d’équilibriste. Je rappelle que, tant que l’équipe nationale n’aura pas de centre dominant sur lequel s’appuyer véritablement afin de bâtir un basket et construire son avenir, on sera toujours un coup dans le bonheur, un coup dans le malheur… Un centre d’avenir, pour aller sur tous les terrains d’Europe et peut-être plus loin, c’est une joueuse qui a des mensurations exceptionnelles, qui fait de toute façon plus de 1,95 m, et avec une gestuelle exceptionnelle. On n’a pas ça pour le moment dans les cartons de la Fédération… » Et la suppression, cette saison, du Championnat Espoirs, « arraché par un lobbying des clubs en échange de la limitation à quatre joueuses non françaises par équipe en LFB », raconte Jean-Pierre Siutat, président de la Ligue féminine, ne va pas forcément arranger les choses. C’est pour ça qu’aujourd’hui, en attendant qu’Élodie Godin devienne une vraie grande joueuse, l’équipe de France continue à courir, de toutes ses forces, vers son avenir. LILIANE TRÉVISAN MARDI 23 SEPTEMBRE 2003 Bleu Rouge Noir Jaune Rouge Cathy Melain : « Avec Yannick et Isabelle, sur du jeu cinq contre cinq demi-terrain, on était les meilleures » Bleu Rouge bronze au dernier Mondial de leur catégorie cet été, le sélectionneur est allé dans le sens de son discours, dans sa volonté proclamée de tordre le cou à une certaine nostalgie et de privilégier l’avenir même si, parfois, certaines réalités ramènent au galop, malgré lui, de douloureuses réminiscences du passé. Jaune Bleu Jaune CE FUT COMME UNE RUPTURE, la fin d’une liaison passionnelle, d’une histoire enflammée, qui s’est consumée en apothéose sur le parquet du Mans à l’automne 2001. La France était championne d’Europe et deux sacrées blondes, Yannick Souvré, capitaine comblée, et Isabelle Fijalkowski, piv ot m a gn ifi qu e, c h a ntai e nt les Corons, enamourées de cette équipe mythique qui venait de battre les Russes, enfiévrées de toucher enfin leur Graal après une longue quête démarrée dans les brumes européennes en 1997. Pour Isabelle Fijalkowski, dite « Fija », la meilleure intérieure française vue sur un terrain depuis Elizabeth Riffiod, planait déjà une certaine idée de la fin. « Fija », meilleure marqueuse de tous les temps en équipe de France (2 563 points), 204 sélections, tirera sa révérence à la sélection puis, à seulement trente ans, au basket à l’issue de la saison régulière de Ligue féminine en 2002. Amer, déçu, Alain Jardel, l’entraîneur des Bleues, qui lui voyait encore quelques belles années au plus haut niveau, lui en voudra longtemps. Sans doute lui en veut-il encore un peu. Orpheline de son pivot au Championnat du monde 2002, en Chine, la France perd ensuite, après un match, Yannick Souvré, sa capitaine courage, blessée à une cheville. Dans le vent mauvais qui souffle sur cette équipe déboussolée (huitième du Mondial), l’irréductible Berruyère, la figure de proue des Bleues à travers tous les écueils, sait que sa carrière internationale s’arrêtera là. Après 243 sélections, elle aura posé une empreinte indélébile non seulement sur le jeu français, sur la vie du groupe, mais aussi sur son image de marque. Classe et intelligence : meneuse, capitaine, porte-parole, déléguée syndicale, VRP, Yannick était tout et plus encore. C’est dire si, à l’heure d’aborder ce Championnat d’Europe 2003 en Grèce, pour la première fois de son histoire moderne sans son axe fort Souvré-Fijalkowski, la sélection était dans ses petits souliers. D’autant, et Jardel n’omit pas d’insister légitimement sur leur importance dans les rotations bleues, que deux autres fidèles s’en étaient allées : Laetitia Moussard, intérieure de devoir, et Laure Savasta, arrière dure et loyale, toujours fiable. Un sacré manque à gagner, un choc à l’affect… Alain Jardel s’attacha donc à reconstruire : il y aurait une vie après ces départs. Pas la vie promise ni la vie rêvée des anges, mais une autre vie, d’autres filles, un autre jeu aussi, par la force des choses. Avec quatre Espoirs intégrées au groupe, médaillées de Noir Noir Championnes d’Europe en titre, les Bleues tentent cette semaine, lors de l’Euro en Grèce, de se qualifier une deuxième fois d’affilée pour les Jeux Olympiques. Toujours sous la houlette d’Alain Jardel, elles ont dû digérer depuis deux ans les retraites internationales de deux joueuses majeures de l’histoire du basket féminin en France, la meneuse et capitaine Yannick Souvré et l’intérieure Isabelle Fijalkowski. D’où une évolution vers un jeu plus ouvert utilisant les qualités de vitesse.