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53histoire 24/01/07 13:26 Page 2 Histoire… (Suite du n° 198) Le fabuleux destin des inventions : un tunnel vers le Far West (adapté de documents Internet à la gloire du tunnel Hoosac) Pierre Duffaut Le 28 juin 1848 est une journée historique qui met sur les rails l’un des projets les plus audacieux du XIXe siècle. " En route vers Hoosac, en route vers l’Ouest ! " entend-on dans les nobles salles du parlement régional de Boston. Homme d’affaires et homme politique, Alvah Crocker entend bien rallier les députés à sa cause. Il projette de construire le tunnel le plus long que l’humanité ait jamais connu pour relier directement par une ligne de chemin de fer Boston à l’Ouest des Etats-Unis, en traversant les imposantes Appalaches. Aux quatre coins de la planète, la presse internationale s’émeut, qualifiant de " plus grand aventure de l’histoire du génie civil " le projet téméraire de Crocker, qui parvient finalement à faire adopter son projet. L'entrée Est du tunnel est située sur la commune de Florida, Berkshire, Massachusetts, et la sortie Ouest est à North Adams, également dans le Massachusetts. Au milieu du XIXe siècle, les voies ferrées tissent une immense toile d’araignée sur tous les continents car tout le monde souhaite aller et venir sans encombre et le plus vite possible. Seuls les Etats de la Nouvelle-Angleterre, berceau de la nation américaine, semblent irrémédiablement coupés de ce réseau de circulation : un imposant massif montagneux de 1000 mètres de hauteur barre la route vers les marchés de l’Ouest. Pour le contourner, il faut faire un immense détour par le Canada ou par New York. Ville bouillonnante, déjà industrialisée, Boston cherche désespérément le moyen de mettre fin à cet isolement. Le projet de gravir l’obstacle en train se révèle irréalisable. Pour sauver sa ville natale, Crocker a une vision de génie: " Si les trains ne peuvent pas passer sur les montagnes, alors nous les ferons passer à travers ! ". Les sceptiques pensent que l’ambitieux projet est irréalisable, tant le tunnel dépasse tout ce qui a été construit à cette date dans le monde, et il faudra l’infatigable persévérance d’Alvah Crocker pour mener à bien ce projet, malgré des hommes d’affaires influents qui gagnent beaucoup d’argent avec les lignes existantes, et qui tentent par tous les moyens de faire avorter le projet Hoosac. Après de nombreux revers, Crocker, au bout de 26 ans, aura finalement raison de cette opposition acharnée. 26 années au cours desquelles il lutte pour la réalisation de son rêve devant l’assemblée régionale et contre une géologie supposée infranchissable. 26 années qui engloutissent plus de 21 millions de dollars, qui correspondraient aujourd’hui à la somme astronomique d’un demi milliard de dollars ! 26 années qui coûtent la vie à 193 personnes. 26 années pour faire exploser et extraire quelque deux millions de tonnes de roche, qui voient naître d’innombrables inventions techniques qui révolutionnent le forage des tunnels. Le tunnel Hoosac franchit une nouvelle étape : de la construction artisanale, on passe aux explosifs et à l’abattage mécanisé. A eux seuls, les relevés topographiques durent deux années, posant des jalons pour l’avenir de ces techniques. Pendant la construction proprement dite, des centaines d’ouvriers percent la galerie des deux côtés sur une distance de huit kilomètres, 24 heures par jour, dans des conditions extrêmement périlleuses. Lorsque le premier coup de pelle est donné, en 1850, nombreux sont ceux qui y voient la pire erreur d’investissement jamais commise. Mais le 8 avril 1875, le jour où sous les yeux d’innombrables curieux et d’hommes politiques le premier train de marchandise traverse le tunnel Hoosac, les journalistes ne tarissent pas d’éloges, et comparent le tunnel aux merveilles de l’antiquité. Alvah Crocker ne vivra pas ce jour de liesse, il est mort quelques jours trop tôt, mais son infatigable volonté aura permis de poser la première pierre de l’ingénierie des temps modernes. Qu’il s’agisse du tunnel sous la Manche ou du projet mammouth actuellement en chantier des 56 kilomètres du Saint-Gothard, tous les grands chantiers souterrains seraient impensables sans les nouvelles techniques mises en œuvre par Alvah Crocker lors de la construction du tunnel sous la " montagne infernale ". Le " père de tous les tunnels " symbolise l’entrée dans une nouvelle ère : la conquête du sous-sol qui ne rime plus avec danger de mort, devient réalisable, verra l’avènement, en Amérique et ailleurs, des transports à grande vitesse et qui, grâce aux innovations techniques, jettera les bases de la construction de tous les tunnels à ce jour. Aujourd’hui encore, ce travail s’appuie sur des techniques éprouvées pour la première fois lors de la percée du tunnel Hoosac, qu’il s’agisse des gigantesques foreuses ou de l’utilisation d’explosifs. TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 199 - JANVIER/FEVRIER 2007 53