Fiche support pour le cours sur la religion
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Fiche support pour le cours sur la religion
CROIRE EN L’EXISTENCE D’UN DIEU, EST-CE RATIONNEL ? INTRODUCTION Une religion se définit par : – un ensemble de croyances obligatoires (un dogme), – des pratiques rituelles et des contraintes sur le mode de vie, – une organisation du culte. Russell faisait ainsi remarquer que « chacune des grandes religions historiques présentent trois aspects : 1° une Église, 2° un credo, 3° un code de morale individuelle » (Science et religion) Nous interrogeons ici la religion sous un de ses aspects seulement, celui de la croyance. Plus précisément, nous nous limitons à la croyance en l'existence d'un dieu. Toutes les religions ne sont pas fondées sur la croyance en l'existence d'un dieu. Les religions animistes se définissent par la croyance en l'existence d'êtres spirituels qui existent dans la nature et qui ne semblent pas pouvoir être considérés comme des dieux. Le bouddhisme quant à lui, même si on a tendance à se le représenter comme une simple manière de vivre et de penser, comme une sagesse individuelle, doit être considéré comme une religion (on retrouve les trois éléments caractéristiques d'une religion)., pourtant il n'y a pas de dieu dans le bouddhisme. Notre interrogation sur la religion est doublement restreinte (à un élément caractéristique de la religion : la croyance ; et aux religions qui reposent sur la croyance en l'existence d'un dieu). Toutefois cette restriction conserve l'essentiel du problème de la religion, puisque nous nous attachons ici au fondement même des trois grandes religions. La croyance en l'existence d'un dieu pose un problème, celui de sa justification. Cette croyance est-elle rationnelle, est-elle fondée en raison ? Peut-on faire la différence entre cette croyance et la croyance en des fées, des jedi (cf. le recensement en 2001 dans certains pays anglo-saxons), au père Noël, en un monstre spaghetti qui aurait créé l'univers (cf. le pastafarisme), en une licorne rose invisible, ou encore en une théière chinoise tournant autour du Soleil entre la Terre et Mars (Russell's teapot). L'enjeu est d'abord du point de vue du croyant : si la croyance en un dieu n'est pas justifiée, alors le croyant qui continue de croire sans pouvoir justifier sa croyance n'est pas rationnel. Ne devrait-il pas abandonner cette croyance ? Cela impliquerait, dans ce cas, pour lui un changement important, à la fois dans sa manière de penser, mais aussi dans son mode de vie. Mais il y aussi un enjeu pour l'athée. La question est de savoir si sa position est justifiée. L'athée croit qu'il n'existe aucun dieu. Cette croyance est-elle fondée en raison ? Pour répondre à ces questions, il faut d'abord comprendre ce que signifie une croyance qui est rationnellement justifiée. Anthony Kenny affirme que « Les individus peuvent croire en l'existence de Dieu […] mais ils ne sont rationnellement justifiés de le faire que s'il est en général possible d'offrir des arguments fondés en faveur de l'existence de Dieu et de réfuter les arguments à son encontre. » (What is Faith ? Essays in the Philosophy of Religion, Oxford, 1992, p.45) En effet, une croyance fondée en raison est une croyance fondée sur des arguments, et qui est capable de résister aux critiques que l'on peut lui faire. Nous devons donc examiner les arguments que l'on peut avancer en faveur et à l'encontre de l'existence d'un dieu, pour déterminer si la croyance en un dieu est rationnelle. I - ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'EXISTENCE DE DIEU L'argument téléologique Le monde est une réalité complexe. Plus une réalité est complexe, plus il est probable qu'elle soit l'effet d'une cause intelligente. Par conséquent, il est très probable que le monde soit l'effet d'une cause intelligente. Évaluation de l’argument téléologique « Cet argument présente deux aspects importants. En premier lieu, il s'agit d'un argument par analogie. Le monde ressemble aux objets conçus par l'homme. Aussi, de même qu'il serait raisonnable en présence d'une montre, d'imaginer un concepteur humain, il est raisonnable, face au cadre entier de la nature, de postuler un divin concepteur. En second lieu, c'est un argument a posteriori. Autrement dit, il part de l'expérience, ou de ce que nous savons du monde tel que nous le trouvons. Mais c'est ici que l'argument du dessein perd de son éclat. Après que le darwinisme a commencé à offrir une explication naturelle de l'ajustement mutuel des systèmes biologiques complexes, l'argument a perdu un peu de son lustre. […] L'argument de l'analogie ne saurait être fiable qu'à certaines conditions. Premièrement, les bases de l'analogie doivent être extrêmement semblables. Deuxièmement, il faut avoir une certaine expérience des explications probables. Autrement dit, il nous faut connaître autant que possible le genre de cause qui produit de genre d'effet. Par exemple, un trou dans un arbre ressemble beaucoup à un trou dans un corps humain. Mais, de là à penser, « par analogie », que l'arbre risque d'en mourir comme l'homme, c'est forcer le raisonnement. Il nous faut davantage d'observations, une intelligence plus fine de la manière dont les choses dépérissent avant de pouvoir en tirer sagement une telle inférence. C'est ce second type d'expérience qui fait cruellement défaut en théologie, car nous n'avons pas la moindre idée du genre de « chose » qui fait exister des univers physiques entiers. » Simon BLACKBURN, Penser, une irrésistible introduction à la philosophie, p.205-207 L'argument cosmologique Toute réalité a une cause. Il doit donc aussi y avoir une cause du monde, c’est-à-dire un créateur du monde : Dieu. Évaluation de l’argument cosmologique « L'argument de la cause première répond à des inquiétudes qui sont naturelles et en fait, selon certains philosophes, notamment Kant, inévitables. Quand nous pensons au big bang, la question fuse aussitôt : mais alors, pourquoi cet événement ? Nous ne pouvons nous satisfaire d'un « sans raison », parce que nous ne nous satisfaisons pas des événements qui « arrivent par enchantement » : le besoin d'explication est plus fort. Aussi postulons-nous autre chose, une autre cause derrière celle-ci. Mais ce besoin menace de se manifester éternellement. Si nous avons mentionné Dieu à ce stade, il nous faut soit demander ce qui a causé Dieu, soit interrompre la régression par un décret arbitraire ». Mais si nous nous prévalons d'un droit arbitraire d'arrêter la régression à ce stade, nous pourrions aussi bien la suspendre à l'univers physique. Autrement dit, nous sommes dans la position du philosophe indien auquel on demandait sur quoi le monde repose : Un Éléphant, réponditil. – Et l'éléphant ? – Sur une tortue. Et la tortue ? Il demanda alors à changer de sujet. » Simon BLACKBURN, Penser, une irrésistible introduction à la philosophie, p.202-203 II - ARGUMENTS À L'ENCONTRE DE L'EXISTENCE DE DIEU L'argument du mal Le concept de Dieu renvoie à un être moralement parfait, tout-puissant (omnipotent), qui sait tout (omniscient). Supposons que Dieu existe. Dans ce cas, puisque Dieu sait tout, il sait ce qui est mal. Puisqu'il est tout-puissant, il suffit que Dieu ait la volonté de faire que le mal n'existe pas pour que le mal n'existe pas. Puisqu'il est moralement parfait, il a la volonté de faire que le mal n'existe pas. Donc, si Dieu existe, alors le mal n'existe pas. Mais le mal existe. Par conséquent, Dieu n'existe pas. L'argument naturaliste On ne peut pas observer Dieu. Et il n'est pas nécessaire d'admettre l'existence de Dieu pour expliquer tel ou tel phénomène. Par conséquent, il n'y a aucune raison d'affirmer que Dieu existe. L'argument de la meilleure explication La croyance en Dieu s'explique très bien sans présupposer l'existence d'un Dieu. On peut en effet expliquer cette croyance en montrant qu'elle dérive d'un désir d'être protégé, rassuré, apaisé. « Pour bien se représenter le rôle immense de la religion, il faut envisager tout ce qu'elle entreprend de donner aux hommes : elle les éclaire sur l'origine et la formation de l'univers, leur assure, au milieu des vicissitudes de l'existence, la protection divine et la béatitude finale, enfin elle règle leurs opinions et leurs rites en appuyant ses prescriptions de toute son autorité. Ainsi remplit-elle une triple fonction. En premier lieu, tout comme la science, mais par d'autres procédés, elle satisfait la curiosité humaine, et c'est d'ailleurs par là qu'elle entre en conflit avec la science. C'est sans doute à sa seconde mission que la religion doit la plus grande partie de son influence. La science en effet ne peut rivaliser avec elle quand il s'agit d'apaiser la crainte de l'homme devant les dangers et les hasards de la vie, ou de lui apporter quelque consolation dans les épreuves. […] C'est du fait de sa troisième fonction, c'est-à-dire quand elle formule des préceptes, des interdictions, des restrictions que la religion s'éloigne le plus de la science. » Sigmund FREUD, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, septième conférence Conclusion « Il semble que nous soyons ici irrémédiablement dans le domaine de l’éthique. Il serait impossible, dans un espace aussi réduit, d’évaluer les nuisances et les bénéfices de la croyance religieuse, tout comme il est difficile, mais pas impossible, d’estimer les bienfaits et les dégâts causés par la croyance à la thérapie magnétique, au Feng Shui, etc. De toute évidence, elle a une fonction et répond à des désirs ou à des besoins humains. Certains besoins font partie du lot commun de l’humanité : j’ai déjà évoqué la nécessité de cérémonies à des étapes cruciales de la vie, ou le besoin de poésie, de symboles, de mythes et de musique pour exprimer les émotions et les relations sociales que nous avons besoin d’exprimer. Très bien. Malheureusement, certains désirs peuvent être un peu moins admirable : le désir séparatiste ou schismatique, le désir d’imposer notre mode de vie aux autres, de trouver des justifications morales au colonialisme, à l’impérialisme tribal ou culturel – et tout cela sans la moindre culpabilité sous prétexte que c’est au nom du Seigneur. » Simon BLACKBURN, Penser, une irrésistible introduction à la philosophie, p.237-238