Etude d`Oh, boy

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Etude d`Oh, boy
Etude d’Oh, boy !, de Marie-Aude MURAIL :
1 .Présentation générale :
1.1. L’auteure :
Marie-Aude Murail est née en 1954 dans une famille de littéraires, entourée d’un père poète, d’une
mère journaliste, d’un frère Lorris et d’une sœur cadette Elvire également écrivains. Cette dernière est
plus connue sous le pseudonyme de Moka, auteure entre autres de la série Sorcier !
Marie-Aude Murail est titulaire d’une thèse de lettres modernes obtenue à la Sorbonne, et consacrée à
l’adaptation du roman classique au public enfantin.
Elle commence à écrire pour les jeunes à partir de 1985.
On trouve deux de ses ouvrages dans la liste de référence de littérature de jeunesse :
-pour le cycle 2 : Mystère (son 1er roman pour les plus jeunes lecteurs, parodie de contes),
-pour le cycle 3 : Le Hollandais sans peine.
Oh, boy ! n’est donc pas référencé pour les classes du primaire.
L’étude de ce roman se fait au collège (voire au lycée) car les thèmes qu’il traite sont plus faciles à
aborder avec des adolescents.
1.2. Résumé de l’histoire :
L’histoire des 3 enfants Morlevent commence par un pacte, le matin où ils deviennent orphelins .Ils
jurent qu’on ne pourra jamais les séparer.
Pourtant, au fil du roman, leur pacte va être mis à mal à cause des disputes entre leur demi-frère de
sang Barth et leur demi-sœur d’adoption Josiane et puis par la suite par la maladie de Siméon.
2 .Etude de l’œuvre :
Introduction :
Au-delà du thème des enfants sans parents qui est assez dominant dans les romans pour la jeunesse,
Marie-Aude MURAIL intègre deux thèmes peu courants: la maladie et l’ombre de la mort ainsi que
l’homosexualité.
Ces différents thèmes sont difficilement dissociables : en effet, comment parler de la maladie de
Siméon sans évoquer les liens fraternels qui se resserrent « grâce à »elle? C’est cette épreuve qui
soude les Morlevent.
La trame de notre exposé suit le cours de l’histoire, les chapitres, en développant plus précisément les
3 points suivants : la maladie, les relations Bart/Siméon et l’humour face aux situations tragiques.
Développement :
Comme le dit l’un des personnages de l’histoire, le Professeur Mauvoisin, la fratrie Morlevent est
« exceptionnelle et exceptionnellement frappée par le destin » (p.150).
Tout commence par les 3 petits Morlevent, qui se retrouvent un beau matin sans parents :
leur père les a abandonnés il y a quelques années,
leur mère dépressive vient de se donner la mort.
Ils jurent donc tous les trois, «Les Morlevent ou la mort », que personne ne pourra les séparer (p.11).
Au début (chapitre 1 jusqu’au chapitre 5), toute notre attention est portée sur le sort des 3 petits
Morlevent…
On découvre :
-Siméon, l’adolescent surdoué de 14 ans, qui aime prendre les choses en main,
-Venise, la petite dernière de 5 ans, « toute mimi toute jolie » qui accroche l’œil et émeut par son
fraîcheur et son « innocence »,
-et Morgane, 8 ans, coincée entre son frère et sa sœur si remarquables, qui est la petite fille qu’on
oublie (p .191). Morgane dit souvent que Siméon est sa moitié (p .123, 132 ,192).
Au cours des premiers chapitres, on se préoccupe du placement des enfants en foyer, des problèmes de
tutelle/garde/adoption. A cette fin, il y a :
-des « adjuvantes » : la juge et l’assistante sociale, qui veulent vraiment le meilleur pour les enfants ;
-une «opposante » : Josiane, jalouse de son demi-frère Bart et en mal d’enfant, qui voudrait à tout prix
avoir la garde de Venise, la petite fille de ses rêves, en délaissant volontiers Morgane et Siméon ;
-et Bart.
Les enfants sont presque entourés exclusivement de personnages féminins, sans compter Bart qui est
homosexuel.
Le chapitre 4 « déclare la fratrie en danger » et à partir de là, la fratrie est éclatée :
Venise va seule à Deauville avec Josiane, Siméon et Morgane vont seuls chez Bart.
Puis très vite (dès les chapitres 5/6), le focus se fait sur Siméon, sa maladie, ses relations avec Bart…
La maladie :
Tout le parcours de Siméon est décrit d’une manière totalement réaliste :
-il y a d’abord les symptômes, une tâche rouge. Siméon dit à sa sœur qui le questionne que c’est un
coup (p .14)…Il aurait été battu ? Enfant abandonné rime assez bien avec enfant maltraité donc en tant
que lecteur on ne soupçonne rien…
Puis apparaît une autre tâche…Puis la fatigue s’insinue…Il y a le goût de sang dans la bouche (p .40,
50)…Siméon saigne subitement du nez…ce qui alerte Bart (p.55) et Mme la juge (p.67).
Et « Soudain, quelque chose sur le poignet de son frère retient l’attention (de Bart) » (p .81)…Bart est
hésitant, car il sait que s’il s’occupe de son frère, il prend un engagement…Ca le rend responsable, lui
qui « se fout de tout et tout le monde »…
Mais sa décision est prise : il appelle son médecin, qui lui dit de venir directement à son bureau.
Le Dr Chalons pose un diagnostic : leucémie. La prise de sang et le rendez-vous avec le Professeur
Mauvoisin confirment le verdict. Siméon est hospitalisé.
Tout le protocole médical est bien détaillé : le Professeur donne des explications sur la maladie, le
médecin décrit la ponction de moelle épinière, le don de plaquettes sanguines. Il y a une description de
la perfusion (p .117).
On trouve le champ lexical du feu, évoquant la maladie qui brûle de l’intérieur :
« Tu as dans ton sang, Siméon, des globules blancs immatures(…) qui se répandent comme un feu de
forêt (p.111), «Cette fois-ci, selon son expression, on sortirait le lance-flammes » (p.149).
Il y a aussi le champ lexical lié à la guerre, évoquant la bataille contre la maladie :
« nous avons les moyens de lutter » (p.111)
« on allait encore sortir l’artillerie lourde »+personnification de la maladie « L’ennemi avait été
repoussé mais pas forcément exterminé » (p.183).
On assiste aux moments d’espoir, de rechute. Comme Bart, on y croit, on y croit plus : p. 172 :…Puis
il y a la rémission complète…mais le traitement d’entretien doit commencer. Quand Siméon et Bart se
retrouvent à l’hôpital 3 semaines après l’avoir quitté, ce sont des habitués du lieu (p .195) :
«Bart commençait à avoir l’habitude de cet univers, de son langage, de ses rythmes. »
Cette maladie est un parcours initiatique : elle permet le passage à l’âge adulte de Bart plutôt que de
Siméon, pourtant frère cadet. En effet, les rapports entre Bart et Siméon sont ambigus, complexes, et
parfois on ne sait plus trop lequel d’entre eux est l’adulte…C’est ce que nous allons étudier
maintenant.
Les relations entre Bart et Siméon :
Bart se comporte souvent en enfant plutôt qu’en adulte, et les rôles sont souvent inversés entre son
demi-frère de 14 ans et lui.
Les propos de Siméon à Bart pourraient être ceux d’une mère à son fils :
-p .62 : Siméon à Bart « Tu peux dire quelque chose de cohérent de temps en temps ?
-Oui, boss. »
-p.118 : « Mais tu as vu l’heure ?l’accueillit Simon, ulcéré. ».
Les rapports entre Bart et Siméon sont parfois contradictoires, comme dans ce passage
intéressant(p.80/81)où Barthélémy « passe le relais à son frère cadet »puis quelques lignes plus loin,
« surjouant la virilité », « lui coupe le sifflet »et dit : « C’est moi l’adulte, petit ?Vu ? »
Contradiction entre :
- thérapie familiale : la psychologue note « Siméon protégeant Bart » (p .189)
et bac de Siméon : Bart est « plus paniqué qu’une mère de famille ». (p .193).
Finalement, qui protège qui ?
Moment fort en émotion entre les 2 frères p.179 :
« Bart s’assit dans le fauteuil et les deux frères se regardèrent. Un même sourire les unit où la
tendresse se mêlait à la moquerie.
-Merci pour tout, dit Siméon.
-Merci pour le reste.
Merci d’être entré dans ma vie sans crier gare. Merci d’en avoir changé le cours et de m’avoir changé.
Mais comme tout cela ne s’avoue pas quand on est le frère aîné, Bart n’ajouta rien. Siméon attrapa un
livre.»
Les deux dernières phrases permettent d’introduire une nouvelle idée : celle que Bart et Siméon
partagent un autre trait commun : chacun à leur manière, ils se cachent derrière un masque :
-à 2 reprises, paradoxe entre ce que dit Siméon et ce qu’il a sur le cœur :
p.34 :+p.97«Chaque fois, Siméon regrettait sa suffisance envers Barthélémy. Ce n’était pas du tout ce
qu’il avait envie de dire ».
-Bart, lui, est « barricadé dans son humour cynique et égoïste » (p .152).
Toutefois, c’est son décalage, sa légèreté de façade qui permettent de sortir des pires situations, de
dédramatiser :
L’humour face aux situations les plus tragiques :
La particularité de ce roman est qu’il traite de plusieurs situations assez dramatiques tout en gardant un
esprit léger et ceci grâce à Bart qui introduit l’humour :
Bart est un personnage décalé, il est maniéré et cela surprend à première vue les gens qu’il rencontre,
exemple :
-p .35 : « la juge enregistra quelques détails un peu dérangeants : la boucle d’oreille, le bronzage
impeccable à la mi-décembre, les mèches décolorées ».
Toutefois, passées les premières impressions tout le monde finit par apprécier Bart et son
extravagance :
-p .134 « Sa démarche chaloupée et ses manières fantasques avaient d’abord fait rire dans son dos.
Mais comme Bart assumait ce qu’il était, finalement, tout le monde riait avec lui »,
-p .169 : idem avec le proviseur du lycée.
Le personnage de Bart est à lui seul une caricature : il lit Spirou pendant que Siméon lit Descartes, on
en rit, on en oublie presque qu’on est dans une chambre d’hôpital jusqu’à ce que Siméon ait mal au
ventre et vomisse (p .119 à 121).
Bien que l’on suive essentiellement l’évolution de la leucémie de Siméon (du chapitre 5 jusqu’à la
p .204 chapitre 16 où le mot guérison est enfin prononcé), le problème de tutelle reste en toile de fond.
Après l’hospitalisation de Siméon, la fratrie Morlevent se reconstitue :
-chez Bart (p .181) : « il y eut un merveilleux mercredi(…), où la fratrie Morlevent savoura la douceur
d’être quatre »,
-puis en thérapie familiale (p.188) où l’on essaie de régler les problèmes entre Bart et sa demi-sœur
Josiane…
Au bout du compte :
Josiane obtient la garde de Venise et Morgane (les 3 filles ensemble),
Bart obtient la garde de Siméon (les 2 garçons ensemble).
Le pacte du début est rompu…mais la maison Morlevent que Venise a dessiné au début de l’histoire
(p.35/36) trouve quand même un toit, représenté symboliquement par l’introduction du Professeur
Mauvoisin dans le clan Morlevent à la toute fin. Il prend part au pacte, comme Bart plus tôt avant lui :
« Saisie par une inspiration, Morgane tendit son poing et fit le jurement :
-Les Morlevent ou la mort.
Les mains des deux frères devinrent immédiatement deux poings et Venise compléta la pile en y
mettant le sien. Mauvoisin sourit en voyant le fragile édifice :
-Je peux ?dit-il.
Et il ajouta ses mains en tuile, tout en haut, comme on poserait un toit » (p.207).
Conclusion :
L’intérêt littéraire d’Oh, boy !réside dans le fait :
-que c’est un roman de société traitant de thèmes peu banals, mélangeant brillamment humour et
drames ;
-que c’est un véritable roman pour la jeunesse, avec des personnages attachants auxquels les lecteurs
peuvent s’identifier.
Oh, boy ! est le livre le plus primé et le plus traduit de Marie-Aude Murail. Il a également été adapté à
la télévision et au théâtre.
N .B : Bien que nous ayons sélectionné trois thèmes pour bâtir notre exposé, Marie-Aude MURAIL
développe avec tout autant de réalisme l’homophobie et un autre thème tristement connu : les femmes
battues, avec le personnage d’Aimée, la voisine de Bart, qui subit hebdomadairement les violences
physiques et morales de son mari.
Tous ces faits sont relatés par un narrateur externe doté d’un point de vue omniscient : il sait tout et
anticipe les faits inconnus des personnages (phénomènes de prolepse), ce qui laisse souvent présager
de mauvaises surprises, exemples :
« Dès lors, (Barthélémy) passa une excellente fin de semaine sans se douter le moins du monde de la
réaction de son frère cadet » (p .75), « Pourtant, (Laurence) ignorait encore que Siméon devait être
hospitalisé le mercredi. »(p.99).
Cela permet de montrer qu’il est impossible de tout avoir sous contrôle, en permanence. Il y a des
choses qui nous échappent dans la vie…On interagit avec d’autres personnes, et cela peut créer des
interférences.
3 .Exploitation pédagogique :
Nous avons fait le choix de proposer des pistes pédagogiques pour une étude de ce roman à l’entrée du
collège, en classe de 6ème/5ème.
Cependant, on peut envisager de l’étudier à la fin du CM2, avec des élèves assez matures.
A l’inverse, on peut prolonger l’étude de cette œuvre jusqu’au lycée, en l’approfondissant très
largement.
-Maîtrise de la langue :
Le dire : Travail sur la structure du roman (narration, temps verbaux, actions, thèmes, etc.).
L’écrire : Travail d’anticipation à partir des différents titres de chapitres c'est-à-dire émettre des
hypothèses sur la suite de l’histoire.
Conjugaison : Relever les verbes au passé simple employés par la petite Venise et les remettre sous
leur forme correcte (p.46).
Vocabulaire : Remanier le langage familier dans un langage courant.
Interdisciplinarité :
Education civique : Débattre sur le thème des droits de l’enfant, le droit des homosexuels (pour ou
contre l’adoption d’enfants par ces couples ?) ou encore sur les violences conjugales.
Elaborer une charte sur les règles de vie qui prônerait le respect de ses camarades (différents ou
semblables) car vivre ensemble dans la diversité culturelle est une préoccupation de la vie quotidienne.
Arts visuels : Travailler sur la première de couverture, donner une autre illustration à cet ouvrage à
partir de leur lecture.
4. Mise en réseau :
Sur la maladie et l’angoisse de la mort :
Goumi-Goumi par Zoran Pongrasic : roman pour adolescents racontant l’histoire de Marina, 13ans
atteinte d’un cancer.
Résumé : Marina, 13 ans, rentre chez elle, après un séjour de six mois en hôpital. Atteinte d’un cancer,
elle a subi une chimiothérapie et a perdu ses cheveux. Les retrouvailles avec ses parents et son frère,
Darko, ne sont pas faciles. Elle a le sentiment que personne ne peut comprendre ce qu’elle vient de
vivre : la rencontre avec d’autres enfants malades comme elle, dont certains sont morts. Elle pense
beaucoup à l’un d’entre eux, Niki, dont elle est amoureuse, et dont elle n’a pas de nouvelles. Ses
parents en font trop, ne trouvent pas les mots et les gestes. Elle s’enferme dans sa chambre, refuse de
rencontrer les amis de la famille. Progressivement, elle réussit à renouer avec sa vie d’avant, avec son
frère notamment, et accepte de descendre dans la rue pour retrouver ses deux amies d’école, Sanya et
Ivana, qui passent leur temps à jouer au goumi-goumi, un jeu à l’élastique...
Travail réalisé par Elodie MEDALIN et Vanessa THORINIUS.

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