hommage : le messie discret vu par lewis trondheim

Transcription

hommage : le messie discret vu par lewis trondheim
neuviemeart2.0 > auteurs > david b. > hommage : le messie discret vu par lewis trondheim
david b.
hommage : le messie discret vu par lewis
trondheim
commenté par Christian Rosset
En janvier 2010, le musée de la bande dessinée présentait l’exposition Cent pour Cent : à l’invitation
de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, une centaine d’auteurs du monde
entier rendaient hommage, par une planche inédite, à une planche originale choisie dans les
collections du musée d’Angoulême. Lewis Trondheim avait porté son regard sur une planche du
Messie discret de David B. Son hommage est commenté par Christian Rosset.
Images d’un temps incertain : comme une éclipse du réel faisant vaciller les repères, où nuit et jour
s’entremêlent, se dévorent, se fondent dans un noir et blanc de rêve… Il y est question d’une
conversation secrète avec l’Ange de la Mort au sujet d’un délai à obtenir. Le personnage qui épie à
la fenêtre est la projection de l’auteur. Son sourire, son regard, sont aussi étranges que le calme qui
se dégage de cette planche. Ce double observe celui qu’il nomme Messie avec une intense
discrétion, « sans faire de bruit », puis il part « sur la pointe des pieds ». Lumières et sons : écrits avec la
même encre que l’auteur dépose sur le papier sous forme de lignes, d’aplats ou de mots. Il ne faut
pas oublier qu’en bande dessinée ce sont en principe les mêmes outils, les mêmes fluides qui tracent
les figures visuelles, les décors, les récitatifs, les dialogues… ou les nombres : ici, le numéro de la page
– 19 – est le même que celui de l’immeuble. Nul hasard dans cet ancrage précis dans l’espacetemps d’une page du livre infini de l’encre et des rêves.
Reprenant la page de David B. avec la malice de qui propose un jeu des « x erreurs » (qu’il faut
décrypter plutôt en tant que jeu des quatre vérités), Lewis Trondheim [1] met au clair ce qui change
d’un auteur à l’autre. Tout d’abord, le noir, le blanc, ne sont jamais de même texture, de même
intensité, de même qualité ; ils marquent la personnalité de qui les dépose au moins autant et peutêtre parfois davantage que le trait. Trondheim fait, comme à son habitude, un portrait de lui-même
par petites touches (par petits riens) bien que portant masque d’oiseau impassible, quasi immuable :
bec nez et bouche, un long trait pour les yeux. Comme nous sommes dans de la bande dessinée
animalière, on cherche la morale de la fable : a-t-elle trait à cette folie de l’encre gâchée ou à
l’infortune de ne pas comprendre le placement des « masses de noir » ? L’humour – voire
l’autodérision –, dans cet hommage amical, garde trace sinon des rêves, du moins des petites
pensées qui circulaient jadis dans l’atelier partagé.
Christian Rosset
iconacheter les livres de David B.
Notes
[1] Lewis Trondheim (Laurent Chabosy, dit), né en 1964, France
Membre fondateur de L’Association, Lewis Trondheim s’est imposé depuis vingt ans dans le
paysage de la bande dessinée francophone comme un auteur prolifique et profondément
original. Des Aventures de Lapinot à Donjon en passant par les expériences de l’OuBaPo, il
s’amuse à raconter des histoires le plus souvent animalières, faisant preuve d’une grande
efficacité narrative et d’un humour décapant.