Booklet 2004-2005 - Théâtre de la Ville

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Booklet 2004-2005 - Théâtre de la Ville
THÉÂTRE
D A N S E
MUSIQUE
MUSIQUES
DU MONDE
saison
2OO4
2OO5
ph. W. Bergmann
Il faut essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple.
Jacques Prévert
Lisbeth Gruwez dans Quando l’uomo principale è una donna, solo de Jan Fabre
atteindre d’autres choses
Saison 2003/2004, 234 000 spectateurs.
Y aurait-il « service public » sans public
conséquent ?
théâtre – l’ouverture
« Point de révolte : honorons les âges dans
leurs chutes successives et le temps dans sa
voracité. » Victor Segalen
Les saisons se suivent, bien vite, et se ressemblent, du moins en apparence.
Les artistes – ils sont invités pour cela –
apportent le changement et la nouveauté.
« Voilà ce que l’œuvre d’art réussie est pour
moi : communication d’un incommunicable ;
elle est quelque chose qui saisit au vif ce qui
est insaisissable autrement ; elle dit ce qu’on
ne peut dire autrement ; ce qu’on ne peut dire
logiquement (et dont la logique peut se saisir
une fois que cela a été fixé par l’image poétique) ; oui, elle est un mélange de lucidité
très pénétrante et d’inconscience. » Ionesco
La saison 2004/2005 débute le 20 septembre
pour se terminer le 1er juillet.
90 programmes de théâtre/danse/musique…,
467 représentations, 43 coproductions de
théâtre et de danse.
Rhinocéros de Ionesco, par Emmanuel
Demarcy-Mota, et L’Histoire du soldat de
Ramuz/Stravinski, dans une mise en scène
lumineuse d’Omar Porras, ouvrent les festivités et donnent le la.
politique et identité
Certains diront que le nombre ne fait rien à
l’affaire. Ils ont tort. En ces temps de chômage
des artistes, et de résistance nécessaire au
« tout et n’importe quoi » qui nous envahit de
plus en plus, il importe d’utiliser à 100 % tous
les moyens disponibles pour créer plus d’activités artistiques, en travaillant à la fois sur
l’offre et sur la demande. Même s’il est public,
il y a bien « marché », mais il faut tout faire
pour l’élargir et le fortifier. Le Théâtre de la
Ville – Paris capitale culturelle l’exige – se doit
d’avoir une action nationale et internationale.
« Ce ne sont pas les positions qui désormais déterminent les identités. Ce sont les
trajectoires. » Michel Foucault
Telle est, en quelques mots, souvent cités,
l’identité du Théâtre de la Ville.
Priorité aux créations, aux coproductions, aux
parcours, aux découvertes, aux confirmations… Diversité et cohérence des programmes, ouverture plus que jamais sur le
monde et sur ses différences, liberté totale de
choix laissée au public. Résultats aidant, la
Mairie de Paris apporte au Théâtre de la Ville
les moyens de cette politique, ce qui n’est pas
si fréquent.
Les metteurs en scène choisis, et suivis, indiquent la direction :
Emmanuel Demarcy-Mota, Christophe Perton,
Omar Porras, Olivier Py, Dan Jemmett, Michel
Didym, Jean-Christophe Saïs, Paul Desveaux,
Laurent Laffargue.
Ils sont jeunes et déjà riches de nombreux
succès, au Théâtre de la Ville ou ailleurs.
Les auteurs et les œuvres choisies font sens :
Ionesco, Rhinocéros ; Horváth, Le Belvédère ;
Tirso de Molina, El Don Juan, au Théâtre de la
Ville ; Middleton, Femmes gare aux femmes ;
Laura Forti, Pessah/Passage ; Koltès, Dans la
solitude des champs de coton ; Yedwart Ingey,
La Fille aux rubans bleus ; Ostrovski, L’Orage,
aux Abbesses ; Daniel Keene, Paradise au
Théâtre de la Commune d’Aubervilliers.
Ils sont anglais, espagnol, suisse, autrichien,
russe, italien, français. Réjouissant et enrichissant.
Lukas Hemleb et René Loyon mettront en
scène Laura Forti et Yedwart Ingey qu’ils ont
découverts.
9 créations théâtrales, toutes coproduites,
mais aussi :
• Le Vase de parfums, opéra de Suzanne
Giraud, texte et mise en scène d’Oliver Py.
• La Veillée des abysses, après La Symphonie
du hanneton, le cirque poétique de James
Thiérrée.
• Les animaux ne savent pas qu’ils vont mourir de Pierre Desproges et Michel Didym,
repris pour cause de triomphe.
• La Tête ailleurs : après les Sonnets de
Shakespeare, la comédienne Norah Krief
interprète les chansons spécialement écrites
pour elle par François Morel.
danse – le choix
« Je pense à la danse comme à une
constante transformation de la vie même. »
Merce Cunningham
Un choix probablement unique, à bien des
titres.
36 programmes, 33 coproduits, 196 représentations.
Pina Bausch, Sasha Waltz, c’est l’évidence.
Tous les Flamands sont là, ou presque : Anne
Teresa De Keersmaeker, Jan Fabre, Jan
Lauwers, Wim Vandekeybus, Sidi Larbi
Cherkaoui, Alain Platel, indirectement, avec
des « propositions » de danseurs des Ballets
C. de la B., mais aussi Hans Van den Broeck,
Koen Augustijnen, Wayn Traub, le dernier en
date qu’il ne faut surtout pas manquer.
Mathilde Monnier, Bernardo Montet, François
Verret, Josef Nadj, Hervé Robbe, continuent
leurs chemins comme bon leur semble.
Akram Khan, Marco Berrettini quittent les
Abbesses pour le grand plateau.
Robyn Orlin, Gilles Jobin reviennent, Thomas
Hauert, Emmanuelle Huynh, Boyzie Cekwana
arrivent.
Meg Stuart, Benoît Lachambre, Olga Mesa,
Nathalie Pernette, habitués de la « Ville »,
Pierre Droulers, Emmanuelle Vo-Dinh, nouveaux venus, dansent hors les murs, dans des
lieux amis plus appropriés à leurs besoins du
moment.
Hardis et originaux sont les projets de La
Ribot, Brice Leroux, Wayn Traub, Emmanuelle
Huyhn, Christian Rizzo. Le cinéma, les arts
plastiques entrent avec force et talent dans la
danse, et la bousculent.
Toujours un faible pour les danse de l’Inde :
l’odissi de Madhavi Mudgal, le bhârata natyam
de Maria-Kiran, le kuchipudi de Shantala
Shivalingappa, et pour le flamenco acéré
d’Andrés Marín.
musique – l’excellence
Des grands interprètes ; des jeunes, sur le
point de le devenir. Des fidélités réciproques,
des parcours accompagnés…
Christian Zacharias piano, Fabio Biondi violon,
Christian Tetzlaff violon et Leif Ove Andsnes
piano, le Quatuor de Tokyo.
Alexandre Tharaud piano, Marie Hallynck violoncelle et Cédric Tiberghien piano, Xavier
Philipps violoncelle et Emmanuel Strosser
piano, Ronald Van Spaendonck clarinette.
Révélés la saison dernière, Ferenc Vizi piano
et le Quatuor Aviv.
Des programmes originaux : Fandango par
Andreas Staier clavecin, Nueva España par
The Boston Camerata pour son cinquantième
anniversaire.
musiques du monde – le paradis
« Le paradis est dispersé sur toute la terre : il
suffit d’en rassembler les morceaux. » Novalis
Que de paradis musicaux de par le monde !
Quelques-uns, recherchés sur place et rassemblés pour votre bonheur.
Les pays régulièrement visités : l’Inde, le
Pakistan, l’Iran, l’Afghanistan, le Tadjikistan, la
Mongolie, la Turquie…
De nouveaux voyages : le Kenya avec Maulidi
Juma, Zuhura Swaleh et Mombasa Party,
l’Éthiopie avec Mahmoud Ahmed et
Gétatchèw Mèkurya, Java avec Imas Permas,
la Mauritanie avec Sid Ahmed Ould Ahmed
Zaydan, la Thaïlande avec l’Ensemble Pi-joom
de Chiang Mai.
Le retour des fascinants fakirs du mausolée de
Shah Abdul Latif.
En septembre, ouverture des portes du premier paradis, le plus proche de nous, la
Bretagne, par Denez Prigent et ses invités.
services rendus
Des prix de places légèrement augmentés –
ils ne l’avaient pas été depuis plusieurs
saisons. Rechercher un équilibre délicat
entre l’argent public et celui du public est la
moindre des responsabilités.
Des formules, abonnements ou cartes, “individuels” ou “relais”, simples et aux avantages
multiples.
Un journal (4 numéros par an) et un site internet simple et efficace (www.theatredelavilleparis.com) pour une information juste et de
qualité.
Une équipe compétente, expérimentée, attentive, pour vous renseigner, vous conseiller,
vous servir.
associés, partenaires et acteurs
Des associés à la production et la diffusion,
des amis : Le Festival d’Automne à Paris, Le
Centre Georges Pompidou, le Théâtre de la
Cité internationale, le Théâtre de la Bastille, le
Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, le
Centre national de la danse de Pantin.
Des partenaires à l’écoute et en soutien :
France Culture, France Inter, FIP, RFI, Radio
Classique, et Mondomix.
Des acteurs de la vie culturelle : les relais, les
enseignants, les abonnés. À Paris, dans une
grande salle, sans un engagement préalable
du public sur des projets, pas de créations,
pas de découvertes, pas de risques
artistiques…
le public doit travailler
« Le public doit travailler. S’il ne travaille pas, c’est
un art de digestion, de distraction. Si on veut que
le théâtre soit sacré, c’est-à-dire qu’il s’adresse à
la totalité de l’humain, y compris à l’inconscient,
cela suppose un travail. C’est un effort de découvrir un livre qui parle de choses inconnues, de lire
la science, la philosophie, assister à un spectacle
aussi si cela doit nous faire atteindre d’autres
choses. » Claude Régy*
À vous de jouer – et au travail !
Les dernières nouveautés du Kronos Quartet,
le programme passionnant, avec moult
vidéos, de Bang on a can all-stars, celui, surprenant, quelques Suites pour violoncelle seul
de Bach, interprétées au saxophone, du
Japonais Yasuaki Shimizu.
Le dialogue musical et amical ininterrompu
entre Joachim Kühn et Michel Portal.
le directeur
Gérard Violette
* extrait d’une interview de J.-P. Thibaudat, Libération.
THEATRE
THEATRE AU THEATRE DE LA VILLE
RHINOCÉROS
création
Eugène Ionesco
Emmanuel Demarcy-Mota
LE BELVÉDÈRE
Ödön von Horváth
Christophe Perton
création
EL DON JUAN
création
d’après Tirso de Molina
Omar Porras
LA FILLE AUX RUBANS BLEUS
Yedwart Ingey
création
René Loyon
L’ORAGE
Alexandre Ostrovski
Paul Desveaux
CHANSON THEATRE AUX ABBESSES
LA TÊTE AILLEURS
création
Norah Krief
chante François Morel
OPERA AU THEATRE DE LA VILLE
LE VASE DE PARFUMS création
Suzanne Giraud
Olivier Py
THEATRE HORS LES MURS
AU TH. DE LA COM. D’AUBERVILLIERS
L’HISTOIRE DU SOLDAT
Stravinski / Ramuz création
Omar Porras
CIRQUE AU THEATRE DE LA VILLE
PARADISE
création
CODES INCONNUS 1
Daniel Keene
Laurent Laffargue
LA VEILLÉE DES ABYSSES
James Thiérrée
création
THEATRE AUX ABBESSES
FEMMES GARE AUX FEMMES
Thomas Middleton création
Dan Jemmett
PESSAH / PASSAGE
Laura Forti
Lukas Hemleb
création
LES ANIMAUX NE SAVENT
PAS QU’ILS VONT MOURIR
Pierre Desproges
reprise
Michel Didym
DANS LA SOLITUDE création
DES CHAMPS DE COTON
Bernard-Marie Koltès
Jean-Christophe Saïs
Programmes susceptibles d’être modifiés
Rhinocéros
création
EUGÈNE IONESCO
EMMANUEL DEMARCY-MOTA
DU 20 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE
mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota
assistant à la mise en scène
Christophe Lemaire
scénographie Yves Collet
avec la collaboration de Michel Bruguière
lumières Yves Collet
musique Jefferson Lembeye
costumes Corinne Baudelot
maquillages Catherine Nicolas
avec Valérie Dashwood, Alain Libolt,
Serge Maggiani (distribution en cours)
coproduction Comédie de Reims, CDN –
Théâtre de la Ville, Paris
Pirandello, Melquiot, Ionesco… Débarrassant
de leur folklore les Six Personnages en quête
d’auteur Emmanuel Demarcy-Mota, en
octobre 2001, mettait en lumière la mystérieuse mécanique du théâtre, de la représentation, du jeu. En mars 2004, avec Ma vie de
chandelle, de Fabrice Melquiot, il continuait
d’explorer la fuyante frontière entre vie privée
et vie publique, entre celle que l’on garde
pour soi, en soi, et celle qui s’affiche, à travers
laquelle on est vu et jugé, et qui finit par dévorer l’autre. Celle qui se propose aux adeptes
de la télé-réalité ou simplement à l’entourage.
Ainsi étaient abordés les mystères du voyeurisme ordinaire qui fragilise tant les rapports
humains et conduit presque naturellement à
des comportements standards.
D’où, pour sa nouvelle mise en scène, le choix
de Rhinocéros, ou les mésaventures de
Béranger, antihéros porte-parole d’Ionesco,
sorte de Candide alcoolisé et débraillé,
confronté à un étrange phénomène : la métamorphose progressive de toute une population en “bêtes immondes”, en rhinocéros.
Ionesco fonce à coups de sarcasmes rageurs
dans la soumission fataliste aux idéologies
majoritaires qu’engendrent les totalitarismes,
fascistes ou communistes, puisque aussi bien
il venait de Roumanie.
Alors aujourd’hui, pourquoi un trentenaire
éprouve-t-il le besoin de plonger dans cet univers ? Pourquoi revenir aux racines du Théâtre
de l’Absurde ? Pourquoi affronter des problèmes qui ne se posent plus de la même
manière ?
« Justement parce que j’étais débarrassé du
contexte historique, j’ai pu lire Ionesco avec
autant de curiosité que du Melquiot par
exemple. Je l’avais en quelque sorte découvert il y a un peu plus de dix ans. Déjà j’avais
été frappé par son invention d’écriture, en
totale rupture avec les modèles de son
époque, comme a pu l’être Pirandello. La rupture, c’est ce qui m’intéresse au premier chef.
« Quand je me suis replongé dans l’œuvre
d’Ionesco, je l’ai redécouvert comme si je ne
le connaissais pas. Bizarrement, on continue
de monter Beckett, et lui, presque plus, à l’exception de La Cantatrice chauve et La Leçon
qui poursuivent leur inébranlable carrière.
Pourtant il demeure un auteur gigantesque. Et
Rhinocéros est une œuvre essentielle. Elle
dévoile quelque chose d’extrêmement fort :
l’obsession de l’image, de sa propre image
que l’on a de l’autre. Et cette tendance à l’uniformisation qui nous menace tous, qui existe
en chacun, qui concerne chaque individu.
C’est vrai, tout le monde finit par se ressembler, et jusqu’à dire les mêmes choses.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
Notre temps est celui du formatage, ce n’est
pas seulement une histoire de société de
consommation.
« Le danger est aujourd’hui plus secret, insidieux, pernicieux, qu’au temps de la guerre
froide. On a du mal à détecter là où il se terre.
Comment y échapper, comment trouver en soi
le lieu du débat, de la contradiction ? Que proposer d’autre, même au risque de se
tromper ? Jour après jour la question se pose.
« Ionesco joue avec le fantasme de destruction de notre monde bien organisé qui en un
instant peut exploser. Rhinocéros se crispe
autour d’une immense angoisse intérieure.
Mais le plus étonnant, le plus passionnant, est
la façon évidente dont cette angoisse se mêle
aux glissades délirantes de l’écriture, à la
loufoquerie d’Ionesco, à son génie du syllogisme, à la virtuosité des répétitions, des
dérapages…
« Cet homme est un grand dramaturge. La
construction de ses pièces offre de l’espace à
l’invention, installe un climat d’étrangeté qui
empêche de se laisser couler dans les habitudes. Et derrière la drôlerie, la folie, les égarements de l’absurde, existe une vraie tension,
une vérité indéniable, dérangeante, quelque
chose de profondément humain. »
Eugène Ionesco
Eugène Ionesco naît en 1909 en Roumanie. En
1911, sa famille l’emmène en France, patrie de
sa mère. En 1916, son père laisse femme et
enfants, repart pour la Roumanie, se remarie.
Eugène le rejoint en 1922, apprend le roumain,
entre à l’université de Bucarest, découvre les
surréalistes, écrit dans des revues, se marie en
1936, revient en France deux ans plus tard, .
En 1950, il se fait naturaliser français, Nicolas
Bataille monte La Cantatrice chauve aux
Noctambules (aujourd’hui cinéma). En 1951,
Marcel Cuvelier crée La Leçon. En 1952, les
deux spectacles sont repris à la Huchette, où ils
sont toujours donnés dans les mêmes mises en
scène. Ionesco écrit beaucoup (Les Chaises,
Amédée, Le roi se meurt…), il est l’auteur
incontournable, tous le recherchent, de JeanLouis Barrault (qui crée Rhinocéros en 1960) à
Roger Planchon, de Jean-Marie Serreau à
Jacques Mauclair entre des centaines d’autres.
En 1970, il est élu à l’Académie française, et
meurt en 1994.
Emmanuel Demarcy-Mota
Emmanuel Demarcy-Mota fonde en 1989 au
Lycée Rodin la Compagnie des Millefontaines,
qui présente déjà Six Personnages en quête
d’auteur, Rhinocéros entre autres. En 1994, au
Théâtre de la Commune d’Aubervilliers,
L’Histoire du soldat de Stravinski et Ramuz,
Léonce et Léna de Büchner… En 1997, la
compagnie est accueillie en résidence au
Forum Culturel du Blanc-Mesnil, crée en 1998
à Aubervilliers Peine d’amour perdue, repris en
1999 au Théâtre de la Ville, spectacle pour
lequel Emmanuel Demarcy-Mota reçoit le prix
de la révélation théâtrale décerné par le
Syndicat de la critique. Viennent ensuite MaratSade en 2000 à Aubervilliers, Six Personnages
en quête d’auteur en 2001 au Théâtre de la
Ville, (repris en 2003, puis aux Bouffes du
Nord). En 2002, Emmanuel Demarcy-Mota est
nommé à la direction du CDN de Reims. Il présente au Théâtre de la Bastille deux pièces de
Fabrice Melquiot L’Inattendu et Le Diable en
partage. Et du même, Ma vie de chandelle créé
à Reims et aux Abbesses.
3
Le Belvédère
création
ÖDÖN VON HORVÁTH CHRISTOPHE PERTON
DU 6 AU 28 JANVIER
traduction Bernard Kreiss
avec la collaboration d’Henri Christophe
mise en scène Christophe Perton
scénographie et costumes Marc Lainé
lumières Dominique Borrini
création sonore Philippe Gordiani
avec Nicolas Bouchaud, Roland Depauw,
Vincent Garanger, Marief Guitier,
Christophe Reymond (distribution en cours)
coproduction Comédie de Valence,
Centre dramatique national Drôme
Ardèche – Théâtre de la Ville, Paris
avec la participation du JTN
4
L’hôtel du Belvédère est un ancien palace
perdu aux frontières de nulle part. Hors saison
touristique, c’est un vrai désert. Le directeur,
les employés – qui semblent tous des grands
bourgeois tombés bien bas – sont à la charge
d’une richissime excentrique, Ada, flanquée
d’un frère joueur et malchanceux. Elle tient
son monde dans le creux de son porte-monnaie, manipule ses obligés avec un cynisme
joyeux, et cette situation l’enchante. De plus,
elle est la seule femme. Tout au moins jusqu’à
l’arrivée d’une autre, jeune – ce qu’elle n’est
plus tout à fait – et qui prétend avoir eu une
aventure avec le directeur, d’où un enfant.
Quant à savoir si elle dit la vérité… Si même
quiconque parmi cette bande a encore la
moindre idée de ce qu’est la vérité ! La seule
personne à ne pas mentir, à faire preuve d’une
terrifiante lucidité – elle en a les moyens –
c’est Ada. Sans complexe, elle assume son
pouvoir, sa fortune, son cynisme.
Cet hôtel déglingué pourrait être l’île de
Prospero dans une vision glauque et grinçante de La Tempête. Ou plutôt une Arche de
Noé après le déluge, un Radeau de la
Méduse échoué sur un rivage désolé… C’est
ainsi que le voit Christophe Perton :
« Un navire à la dérive, peuplé des survivants
d’une triste humanité. Ils composent une
microsociété adaptée à toutes les compromissions et lâchetés. Ces gens sont d’un égocentrisme abominable, ne vivent qu’en regard
d’eux-mêmes et de l’argent. Ils sont entrés
dans une logique anthropophage. Pour vivre,
survivre, il faut dévorer l’autre. L’hôtel est un
laboratoire des comportements humains.
Comportements qui se dévoilent et se révèlent
lorsque arrive Christine, la jeune femme…
« Autour d’elle se met alors en place un jeu de
rêves et de désirs, car elle représente le
monde du dehors, auquel ils avaient renoncé.
Elle aussi ment mais elle représente la Vie,
comme Ada pourrait représenter la Mort, personnage en dehors du temps, sans âge, sans
peur, sans scrupule, repue de pouvoir, et sans
illusions. Ce sera Marief Guitier.
« Souvent, les textes de Horváth sont historiquement datés. Dans celui-ci, il regarde
l’Europe qu’il connaît, celle des lâchetés et de
la corruption, qui, sans réagir, voit s’installer
les fascismes. Mais, en même temps, Le
Belvédère va plus loin. La pièce, cette fois,
dépasse le contexte socio-politique de son
époque, elle est universelle, offre une satire
implacable des rapports hommes/femmes,
des rapports marchands en général.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
« Et puis, l’écriture en est extrêmement
brillante. Horváth est un virtuose des répliques
frappantes, des dialogues étourdissants. Là, il
me fait penser à Feydeau. À cause des
portes, sans doute. Toutes ces portes qui vont
dans les chambres et les coulisses, qui
cachent ce qu’on cherche, montrent ce qu’on
veut cacher, se ferment, s’ouvrent, comme
animées d’une vie personnelle… Les portes
dans le labyrinthe des couloirs de l’hôtel, qui
cernent ce territoire de l’effondrement, du
délabrement.
« Mais surtout, en dehors même de sa cruauté, Horváth ici me rappelle Feydeau pour son
rythme, pour sa mécanique. Cette fameuse
mécanique du vaudeville qui emporte personnages et spectateurs dans un ouragan de sarcasmes, de rires, de folie. »
Ödön von Horváth
Né en 1901 d’un père hongrois diplomate, toute
sa vie Horváth a voyagé. Il a vécu la guerre des
Balkans et celle de 14. Il a fui les Soviets à
Vienne, puis à Munich où en 1920 Hitler
devient membre puis président du DAP, futur
parti nazi. Et déjà Horváth en dénonce les dangers. Parfois, il se réfugie à Murnau, villégiature
où ses parents possèdent une résidence
secondaire. C’est là qu’en 1927 il écrit Le
Belvédère, puis, dans l’Allemagne livrée au
chômage et à l’inflation, Légendes de la forêt
viennoise, La Foi, l’amour et l’espérance,
Casimir et Caroline… Portraits affreusement
lucides d’un pays qui se soumet à Hitler en
1933. L’errance continue entre Berlin et Vienne,
puis en 1938 lors de l’Anschluss, en Hongrie,
en Tchécoslovaquie, à Trieste, Venise, Milan,
Zurich… À Hollywood, Robert Siodmak veut
adapter son roman Jeunesse sans dieu. Les
deux hommes se rencontrent à Paris. Sur les
Champs-Élysées où il est allé voir Blanche
Neige, en plein orage Horváth meurt foudroyé.
Christophe Perton
Né en 1964, Christophe Perton fonde la
Compagnie des Cigognes à Lyon sa ville natale. À vingt-trois ans, il réalise sa première mise
en scène en 1988 : Play Strindberg de
Dürrenmatt. Il s’intéresse aux auteurs de
langue allemande : Harald Mueller (Roulette
d’escroc), Lenz (L’Anglais) entre autres. En
1993, il signe avec la ville de Privas une
convention, monte Pasolini Porcherie, Une vie
violente qui tourne dans les villages d’Ardèche,
puis Affabulazione, et notamment Les Soldats
de Lenz, Faust de Lenau, Les gens déraisonnables sont en voie de disparition de Handke
en 1998, année où se termine sa résidence à
Privas. En 1999, il crée La Chair empoisonnée
de Kroetz aux Abbesses, en 2000 Quatorze
Isbas rouges de Platonov au Théâtre national
de la Colline, en 2001 Lear de Bond au Théâtre
de la Ville et à la Comédie de Valence, qu’il
codirige avec Philippe Delaigue.
El Don Juan
création
d’après TIRSO DE MOLINA
OMAR PORRAS
DU 7 AU 25 MARS
adaptation et traduction
Omar Porras, Marco Sabbatini
mise en scène Omar Porras
avec Philippe Faure, Stéphanie Gagneux,
Philippe Gouin, Fabiana Medina,
Omar Porras, Hélène Seretti
(distribution en cours)
production Teatro Malandro
coproduction Le Théâtre de la Croix-Rousse
– Théâtre ForuMeyrin – Théâtre de Vidy,
Lausanne E.T.E. – Théâtre de la Ville, Paris
La mythologie occidentale s’articule autour de
deux héros « porteurs d’une passion démesurée, cherchant l’absolu dans la possession »,
possession de la connaissance pour Faust.
Possession des femmes pour El Don Juan, dit
Omar Porras, qui met en scène le premier de
tous, celui de Tirso de Molina.
En 1992, alors qu’il commençait à travailler à
Genève sur le Faust de Marlowe, il hésitait et
déjà lorgnait du côté de Molière et de son
Dom Juan. Il lui a pourtant fallu plus de dix ans
pour trouver l’occasion de l’approcher. Et finalement, sans pour autant s’en détacher
totalement, il s’est senti obligé de remonter
aux origines, jusqu’à la pièce fondatrice:
« Molière fait agir ses personnages à travers
le discours, Tirso de Molina enchaîne les faits.
Plus qu’un séducteur, son personnage est un
usurpateur, un envahisseur, un colonisateur.
Un fils à papa à qui sa caste sociale donne le
pouvoir et permet une certaine impunité. C’est
un égoïste, un lâche. Mais aussi un homme
affolé qui ne peut pas rester en place. Qui
avant même de se glisser dans le lit d’une
femme, prépare son cheval de façon à pouvoir s’enfuir. Il étouffe, explose, il ment, trahit,
ne cesse de fuir, se paie de ses angoisses sur
la chair.
« La pièce montre comment il arrive en
conquérant, pénètre en des territoires sur lesquels il n’a aucun droit et en abuse. Comment
il fabrique les victimes et les accumule. On ne
le voit pas discuter, ni réfléchir. On le voit agir,
consommer avidement l’amour, séduire Elvire
par tromperie, tuer le Commandeur… On le
voit, au long de ses aventures, se dégrader,
devenir un pantin, un monstre ridicule. Tandis
que, même si le Dom Juan de Molière suit un
itinéraire initiatique, même si lui aussi ne
cesse de fuir on ne sait quoi, dès que la pièce
commence il est déjà ce qu’il est encore à la
fin : un aristocrate athée, en guerre contre
toutes les hypocrisies. Pour lui l’éternité ne
signifie rien, car il vit uniquement ses désirs
de l’instant. C’est un politique cruel, une bête
féroce cherchant sa voie au travers des
femmes, une voie qui le conduit jusqu’aux
enfers, sans que jamais il se défasse de luimême, sans que jamais il cesse de braver
Dieu.
« L’autre Don Juan va finir par se repentir, du
moins exprimer ses regrets, et la pièce se termine d’une façon beaucoup plus chrétienne
que celle de Molière. Elle est plus dégringolée, moins élégante, plus proche de la cordillère des Andes que de Versailles… Elle va
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre.
Molière au contraire, économise les mots,
concentre l’action. Je pense par exemple à la
rencontre dans la forêt avec le mendiant que
Dom Juan oblige au sacrilège. Elle est d’une
grande force, et je m’en inspire pour retravailler cette scène chez Tirso de Molina. »
Le théâtre d’Omar Porras s’appuie sur le langage des corps, au moins autant que sur les
mots. Qu’il monte Dürrenmatt (La Visite de la
vieille dame) Cervantès (Ay ! Quixote),
Federico García Lorca (Noces de sang) il
accole, enchevêtre, il croise le mouvement et
les paroles et les voix et la musique et la
danse et les masques et le rêve et le rire.
Alors, il se sent proche de la folie du poète
espagnol et il s’est attaché à son héros mal
embouché.
« Cela dit, il me reste un regret. Parler des
femmes uniquement en tant que victimes n’est
pas intéressant. J’aimerais trouver comment
les mettre davantage en valeur. Peut-être, faudrait-il que j’aille vers Mozart. »
Tirso de Molina
Tirso de Molina – de son vrai nom Fray Gabriel
Tèliez – né vers 1583, est mort en 1648. Entretemps, il a fait des études à Madrid, a fréquenté la Cour, est entré en 1600 au couvent de la
Merced à Guadalajara où il a enseigné, puis a
été envoyé de 1615 à 1617 à Saint-Domingue.
De retour à Madrid, il rencontre Lope de Vega,
écrit L’Histoire générale de Notre Dame de la
Merced, est nommé commandeur du couvent
d’Almazan où il est resté jusqu’à la fin de sa
vie. Auteur de plus de trois cents pièces, dont
beaucoup se sont perdues, il est l’un des plus
féconds représentants du siècle d’or. Le
Trompeur de Séville ou Le Convive de pierre
date environ de 1625. On connaît également
Les Jardins de Tolède (1624) recueil dans
lequel il expose ses théories théâtrales, Le
Timide au palais, Les Amants de Teruel, Le
Damné par manque de foi, entre autres.
Omar Porras
Omar Porras est né à Bogota, y a commencé
son apprentissage de comédien, est arrivé
dans les années 80 à Paris où il ne connaissait
personne. Il a donc gagné sa vie avec des
spectacles de marionnettes dans le métro et
s’est tenu au courant de la vie théâtrale en se
glissant dans la salle du Théâtre de la Ville ! Le
hasard l’emmène en Suisse où il fonde sa compagnie Teatro Malandro en 1990. Avec comédiens et marionnettes, il monte Ubu Roi de
Jarry ; en 1992, La Tragique Histoire du docteur
Faustus d’après Marlowe ; en 1993 La Visite de
la vieille dame. Après quoi, la plupart de ses
spectacles viennent en France : en 1995 à
Dijon, Othello créé à la Comédie de Genève.
En 1997, Noces de sang, présentées aux
Abbesses en 1999. En 1998, il joue le metteur
en scène dans Ce soir on improvise mise en
scène de Claude Stratz, à l’Athénée. En 2000,
Les Bakkhantes d’après Euripide, également
aux Abbesses. En 2002, Ay ! Quixote * au
Théâtre de la Ville. En octobre 2003, il met en
scène aux Abbesses le spectacle d’Angélique
Ionatos Alas pa’volar. En 2004, La Visite de la
vieille dame toujours aux Abbesses.
* coproduction Théâtre de la Ville.
5
RHINOCÉROS
E. Ionesco
E. Demarcy-Mota
LE BELVÉDÈRE
Christophe Perton
Ödön von Horváth
EL DON JUAN
Omar Porras
LE VASE DE
PARFUMS
Suzanne Giraud
Olivier Py
6
photos Roger-Viollet, C. Parodi, X. DR, J.-P. Lozouet, L. Guiraud, R. Haughton, P. Gontier
LA VEILLÉE
DES ABYSSES
James Thiérrée
CIRQUE AU THÉÂTRE DE LA VILLE
La Veillée des abysses
JAMES THIÉRRÉE
LA COMPAGNIE DU HANNETON
DU 14 AU 29 DÉCEMBRE
auteur et metteur en scène James Thiérrée
son Thomas Delot
lumières Jérôme Sabre
costumes Victoria Thiérrée, Cidalia Da Costa
avec Gaëlle Bisellach-Roig,
Raphaëlle Boitel, Niklas Ek, Thiago Martins,
James Thiérrée, Uma Ysamat
coproduction La Compagnie du
Hanneton – La Coursive, scène nationale
de La Rochelle – Théâtre Vidy Lausanne
avec la collaboration de L’Espace des
Arts de Chalon/Saône, les Halles de Sierre
(Ch), l'Avant Seine Théâtre de Colombes
et l'Opéra-Comique
avec le soutien de la DRAC Bourgogne et
du conseil régional de Bourgogne
Le vent souffle à toute force. Il sont six à lutter
contre cet ouragan qui les ensevelit sous une
mer blanche et finit par les emporter au cœur
d’un monde intermédiaire, traversé de
musiques enchaînant concerto pour basson
et Tom Waits. Plus rien n’y est tout à fait à sa
place, et surtout pas le centre de gravité.
Alors tout s’emmêle, les objets se dérobent,
s’imposent, imposent leur loi, se métamorphosent, et les humains s’envolent…
C’est l’une des interprétations possible de La
Veillée des abysses. Des milliers et des milliers d’autres – autant que de spectateurs –
sont envisageables.
Pourquoi La Veillée des abysses ? Parce que
La Vie des abeilles, livre de Maeterlinck qui
d’ailleurs n’a strictement rien à voir avec ce
qui se passe sur scène, propose une certaine
ressemblance phonétique. Pourquoi les
abeilles ? Parce que les hannetons. Parce que
La Symphonie des hannetons – présentée au
Théâtre de la Ville l’avant-dernière saison –,
précédent spectacle de la Compagnie du
Hanneton, menée par un enfant du cirque,
dont la logique particulière prend sa source
dans le merveilleux de la poésie : James
Thiérrée.
Sa compagnie, il l’a, dit-il, fondée pour « être
sur scène ». À vrai dire, depuis l’âge de
quatre ans, la scène, il ne l’a guère quittée. Il
a voyagé avec et, devenu adulte, a été acteur.
Mais enfin, en mariant le théâtre à son pays
d’enfance, la piste, il a voulu faire naître et
exister son monde à lui. Monde en perpétuelle
mutation, que soir après soir il découvrirait, où
soir après soir, il emmènerait les spectateurs :
« Comme moi, comme tous, c’est ce qu’ils
demandent, ce dont ils ont besoin : être
emmenés quelque part ailleurs. Un endroit où
se retrouvent de vagues réminiscences, des
histoires un peu oubliées, des visions imaginées, des souvenirs enchevêtrés.
« Je ne peux pas dire précisément comment
me viennent les idées. Je pars d’une matière
brute, de faits concrets, de gestes simples. Le
spectacle se compose pas à pas, se modifie
de lui-même au long des représentations. Tout
est toujours en devenir. On pense construire
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
une œuvre, et à chaque instant on se rend
compte à quel point ses éléments vous
échappent.
« Au départ, j’imagine une ligne, et puis nous
travaillons. Les artistes sont acrobates,
contorsionnistes, musiciens, j’écoute leurs
envies. Ensemble, nous écoutons les publics,
leurs réactions. Pas seulement les manifestations de joie, les applaudissements. Compte
aussi la respiration d’une salle. C’est essentiel
pour assurer le rythme, dépasser la performance, le pur numéro de cirque, pour
atteindre l’humain ».
Atteindre la fluidité de la vie, laisser le cœur
s’ouvrir à l’innocence retrouvée des émotions
et des rires, se laisser glisser dans les
enchantements surréalistes des images. Et y
croire.
On y croit, on y est. Sans paroles, entre une
tempête et un tremblement de terre qui ramène dans le réel de l’instant, La Veillée des
abysses vous a mis en contact avec un royaume de fées blagueuses, où les canapés
avalent leurs occupants, où les chaises se
font fantômes, où lire le journal devient un
exploit… Pourtant ces aventures insensées
“atteignent l’humain” au travers de personnages fragiles et proches auxquels on s’attache. Des personnages de théâtre, en
somme. Peut-être un jour James Thiérrée
affrontera-t-il l’Espagne de don Quichotte, l’île
de Prospero, la forêt enchantée d’Obéron et
Titania…
« Je ne crois pas, parce que je fonctionne sur
les contrastes. Je n’ai pas envie d’entrer dans
un merveilleux déjà présent. Je préférerais
inventer les délires visuels adaptés à une
intrigue parfaitement normale, ou même réaliste. Tout au moins entre deux mondes. »
Une intrigue ? Une pièce écrite ? Les paris
sont ouverts…
James Thiérrée
Fils de Jean-Baptiste Thiérrée et de Victoria
Chaplin, il porte dans ses gènes le génie
comique de son grand-père. Il est né à
Lausanne, mais a vécu la vie des gens du
voyage avec le cirque de ses parents. De sorte
qu’il est acrobate, musicien, qu’il a fait son
apprentissage de comédien entre autres à
Milan au Piccolo Teatro, à Harvard, et même en
France avec Isabelle Sadoyan. À quatre ans il
était sur la piste. Puis il a tourné avec Peter
Greenaway, Coline Serreau, Raul Ruiz,
Philippe de Broca, a joué au théâtre avec
Benno Besson, Carles Santos… Et en 1998, il
décide de se consacrer à la scène, la sienne.
Alors il fonde sa compagnie, celle du
Hanneton, dont il offre La Symphonie révélée
au Théâtre de la Ville en 2003.
7
OPÉRA AU THÉÂTRE DE LA VILLE
Le Vase de parfums
création
SUZANNE GIRAUD OLIVIER PY
27 ET 28 OCTOBRE
musique Suzanne Giraud
texte et mise en scène Olivier Py
direction musicale Daniel Kawka
décor et costumes Pierre-André Weitz
avec A Sei Voci (5 chanteurs)
direction Bernard Fabre-Garrus
Ensemble orchestral contemporain
(20 musiciens)
L’opéra de la parole restituée.
Voilà plus de quatre ans que la compositrice
Suzanne Giraud travaille sur le projet d’un
opéra consacré au personnage de Marie de
Magdala. Tout a commencé par la commande
d’une cantate sur le texte de Charles Jennens
pour le célèbre oratorio de Haendel, Le
Messie. Ce dessein originel pour un effectif
conforme à l’œuvre dont il devait faire le pendant, cinq chanteurs et vingt instruments (seul
manque le chœur), s’est peu à peu transformé
en opéra. En octobre 2000, marquée par la
lecture de L’Évangile de Marie, apocryphe
présenté et commenté par le philosophe
orthodoxe Jean-Yves Leloup, Suzanne Giraud
fait passer la figure du Messie à l’arrière-plan
au profit de celle de Marie de Magdala, considérée comme l’un des apôtres favoris de
Jésus, d’où le premier titre choisi par la
compositrice Le Treizième Apôtre, qui, sous
l’impulsion d’Olivier Py, devient en septembre
2003, Le Vase de parfums. La passion de
Suzanne Giraud pour son sujet a rencontré en
Olivier Py un écho tel, que les deux créateurs
ne pouvaient que se stimuler l’un l’autre. Il en
est résulté une collaboration exceptionnelle,
d’autant plus fructueuse qu’ils sont tous deux
ouverts au monde et à la spiritualité qu’ils
observent et dans lesquels ils s’impliquent
avec le regard d’artistes sensibles et pénétrants. « Ce n’est pas tant une question
d’homme ou de femme que pose mon opéra
que celle de l’équilibre du monde et de l’épanouissement nécessaire des forces complémentaires, dit Suzanne Giraud. C’est toute la
civilisation judéo-chrétienne qui est ici interrogée, par la restitution imaginée de la parole,
longtemps occultée, d’une femme méprisée
pour avoir aimé. La question ici posée est :
pourquoi avoir escamoté la parole de Marie
de Magdala, alors que, grâce aux recherches
non limitées par les préjugés, s’impose le fait
qu’elle a été l’un des principaux apôtres du
Christ, si ce n’est le principal apôtre ? D’où un
déséquilibre fondamental qui, à l’instar de
toute oppression de ce qui dérange,
engendre violence, inquisition, extermination,
et, de façon plus générale, destruction de civilisations, voire de la planète entière. » Œuvre
se voulant de portée universelle, née de l’esprit d’une compositrice et d’un dramaturge
d’aujourd’hui, Le Vase de parfums est non
seulement un hommage à l’un des grands
mythes de l’Humanité, mais aussi à la
Renaissance, son expression artistique et son
inventivité. Le contrepoint et le recitativo cantando monteverdien magnifiés par l’harmonie
contemporaine en micro-intervalles, mais
aussi les images suggérées par le texte du
Vase de parfums se réfèrent aux grandes crucifixions des peintres italiens du seicento.
8
Bruno Serrou
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
L’anecdote.
La nuit du vendredi saint selon celle que les
apocryphes ont appelée le treizième apôtre,
Marie-Madeleine.
L’argument théologique.
Il ne s’agit pas seulement de la nuit du vendredi saint mais de toutes les nuits où la foi est
absente, de toutes les nuits où l’évidence de
la mort, reprend ses droits.
Et pourtant c’est là que s’exprime l’intrinsèque
liberté de l’homme.
Une foi qui survit à la mort de la foi, voilà désignée cette lumière qu’il nous appartient, en
propre, d’éteindre ou de proclamer.
C’est pourquoi Madeleine s’appelle ici la
Femme libre, celle qui la première a cru à la
résurrection, celle que le Christ a choisie
comme premier témoin de son retour, peutêtre parce qu’entre eux l’amour s’était fait
chair. Qu’est-ce qu’il y a quand il n’y a rien ?
Il y a notre libre assentiment qui si étrangement ressemble à l’œuvre d’art.
Et comment l’art peut-il être réponse à cette
nuit de l’âme ? Le Vase de parfums, c’est cette
oraison impossible qui est la seule urgence et
le dernier geste possible au royaume de
l’impossible.
Olivier Py
Suzanne Giraud
Née à Metz en 1958, Suzanne Giraud fait
toutes ses études à Strasbourg où elle travaille
le piano, le violon, l’alto et l’écriture musicale.
Puis elle entre au Conservatoire de Paris où
elle obtient les premiers prix d’harmonie,
contrepoint, analyse, orchestration, composition, et direction. Élève de Marius Constant et
Claude Ballif au Conservatoire, elle se perfectionne auprès d’Hugues Dufourt et Tristan
Murail, puis Franco Donatoni à Sienne et Brian
Ferneyhough à Darmstadt. Elle étudie l’électronique à l’Ircam et à l’Upic. À Rome, durant son
séjour à la Villa Médicis, elle côtoie Giacinto
Scelsi et se découvre une passion pour la
Renaissance, son architecture, sa peinture, sa
poésie et son humanisme. Auteur d’une cinquantaine d’œuvres, elle signe avec Le Vase
de parfums son deuxième opéra, après Œdipe
qu’elle a elle-même adapté de Sophocle en
1995, inédit à ce jour.
B. S.
Olivier Py
Olivier Py dirige le Centre dramatique national/
Orléans-Loiret-Centre depuis juillet 1998.
Auteur, metteur en scène et comédien.
Il écrit et publie essais, romans, nouvelles ou
pièces dont Théâtres mis en scène par Michel
Raskine, créé au Point du Jour à Lyon en 1998
puis aux Abbesses en 1999.
Au théâtre, il stupéfie public et critique en 1995
avec La Servante puis en 2003 avec Le Soulier
de satin (Prix Georges Lherminier du Syndicat
de la critique) créé à Orléans en coproduction
avec le Théâtre de la Ville qui le programme
quelques mois après. En mars 2004, toujours à
Orléans, il a créé deux des pièces de sa dernière épopée, Les Vainqueurs.
En 1999, il a réalisé son premier film, Les Yeux
fermés, pour Arte.
Il a monté trois opéras : Der Freischütz, Les
Contes d’Hoffmann et La Damnation de Faust.
A.-M. B.
L’Histoire du soldat
STRAVINSKI / RAMUZ
OMAR PORRAS
DU 21 SEPTEMBRE AU 3 OCTOBRE
mise en scène Omar Porras
direction musicale Antoine Marguier
scénographie Fredy Porras, Omar Porras
costumes, masques, maquillages
Fredy Porras
assistants à la mise en scène
Elidan Arzoni, Joan Mompart
lumières Laurent Prunier
univers sonore Andres Garcia
avec Philippe Gouin, Joan Mompart,
Fabiana Medina, Omar Porras,
Francisco Cabello
ENSEMBLE CONTRECHAMPS :
René Meyer clarinette
Alberto Biano, Alberto Guerra basson
Gérard Métrailler trompette
Andréa Bandini trombone
Nicolas Jéquier, Isabelle Magnenat violon
Jonathan Haskell, Noëlle Reymond
contrebasse
Sébastien Cordier, François Volpé percussion
Antoine Marguier direction
Une création d’Am Stram Gram
Le Théâtre, Genève
en coproduction avec Contrechamps
avec le soutien de Pro Helvetia
(Fondation suisse pour la culture)
Am Stram Gram Le Théâtre est subventionné par le département des Affaires
culturelles de la ville de Genève et le
département de l’Instruction publique du
canton de Genève.
L'Ensemble Contrechamps est subventionné par la ville et le canton de Genève.
En permission pour deux semaines, le soldat
n’a qu’un souhait : retrouver au plus vite sa
famille, sa fiancée. Il marche, marche encore,
et voilà que fatigué, il s’arrête. Alors, vient à
sa rencontre un gracieux vieillard, qui, en
échange de son violon, lui promet le secret de
la fortune, et plus si affinités, c’est-à-dire une
princesse. Naturellement, il s’agit du Diable
en personne, virtuose en l’art de faire perdre
la tête à de moins innocents qu’un jeune garçon encore tout ébahi.
Ce conte de tous les temps et de tous les
pays, Igor Stravinski, au cours de son exil
suisse, l’a raconté à Charles-Ferdinand
Ramuz. Chacun de son côté s’en est inspiré,
et ensemble ils ont créé L’Histoire du soldat,
« spectacle dramatique pour théâtre ambulant », donc en totale harmonie avec la manière d’Omar Porras. Il en tire un spectacle
enchanté, se promenant, nous emmenant
dans les méandres et les ambiguïtés de la
féerie et de la poésie, du burlesque et de la
tendresse :
« J’ai découvert Stravinski par Le Sacre du
printemps : pour moi, le chef-d'œuvre absolu.
Puis, à un moment donné, je me suis trouvé
face à cette Histoire du soldat, celle d’un
homme piégé par Satan, en quelque sorte un
autre Faust. Le contraste et la miraculeuse
union entre le texte de Ramuz tellement moral,
et la musique tellement païenne, a déclenché
chez moi une explosion d’images. Comme si
se dévoilait un rêve dont on n’aurait pas osé
se souvenir.
« Par sa facture, l’œuvre me fait penser à la
façon dont les peintres, parfois, embrument
certaines formes pour mieux révéler des
figures cachées, pour montrer l’inmontrable.
C’est-à-dire que la musique raconte autant
que les mots, leur donne de multiples sens,
elle les fait danser. Alors les acteurs doivent
obéir à cette danse. Les mouvements, la
musique, l’anecdote s’entremêlent étroitement, directement, sans interférences, et
déchaînent un feu d’artifice magique. On ne
peut pas les dissocier.
« L’idée de les marier ainsi m’a donné l’audace de m’aventurer dans cette entreprise
plutôt risquée. Le travail n’était pas évident,
mais nous n’avions pas le choix. À l’intérieur
d’eux-mêmes, les comédiens ont dû déchiffrer
chaque note avant de les traduire de tout leur
corps. Ils étaient préparés pour, ils l’ont fait. »
Ayant laissé le champ libre à son imagination,
mais pour une fois rigoureusement fidèle à la
lettre comme à la note, Omar Porras a précipité sur scène un éblouissant ballet de
masques et d’ombres fugaces, de couleurs
raffinées, d’apparitions saugrenues, d’images
émerveillées, d’objets étincelants et misérables, et le fameux violon tout chatoyant
d’or… L’orchestre invisible fait battre le cœur
de cette étrange musique qui semble prendre
ses racines dans des souvenirs mal éteints.
Les paroles s’y incrustent, elles font chanter
les voix. Le soldat et le récitant retrouvent la
complicité bouffonne qui les unissait dans Ay !
Quixote où ils étaient le Chevalier et Sancho
Pança. La Princesse traverse l’histoire en ballerine aérienne, et le Diable naturellement
c’est Omar Porras, souriant manipulateur en
perpétuelle métamorphose, qui se dérobe et
revient, insaisissable, indispensable.
Charles-Ferdinand Ramuz
Né à Lausanne en 1878, Charles-Ferdinand
Ramuz, dès son adolescence décide d’écrire. Il
poursuit ses études à Paris. En 1903, est
publié, sans succès, son premier livre de
poèmes, Le Petit Village, et en 1905 son
premier roman, Aline. Il quitte Paris, revient
chez lui. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cesse
d’écrire, Le Village dans la montagne (1908),
Jean-Luc persécuté (1909), Aimé Pache
(1911), entre beaucoup d’autres titres. En
1915, il rencontre Stravinski, se lie d’amitié, et
L’Histoire du soldat est créée en 1918. Il est
publié chez Gallimard où tous ses livres sont
édités. Antifasciste, anticommuniste, pourfendeur de la bourgeoisie et du goût de l’argent, il
se tient à l’écart du monde, écrit en 1940 Salut
à la France en guerre, et meurt le 23 mai 1947.
Omar Porras (biographie p.5)
9
LES ABBESSES • TARIF B
L’HISTOIRE DU SOLDAT
10
PESSAH/PASSAGE
Lukas Hemleb
Caroline Chaniolleau
photos M. Vanappelghem, J.-P. Lozouet, © Enguerand, X. DR, Anne Rotger, ph. A. Fonteray
FEMMES GARE AUX FEMMES
(photos de répétitions)
Dan Jemmett
Femmes gare aux femmes
Women beware women
THOMAS MIDDLETON DAN JEMMETT création
DU 8 AU 23 OCTOBRE
traduction Marie-Paule Ramo
mise en scène Dan Jemmett
assisté de Céline Gaudier
scénographie Denis Tisseraud, Dan Jemmett
assistés de Jeanne-Lucie Schmutz
lumières Arnaud Jung
costumes Sylvie Martin-Hyszka
assistée de Nathalie Saulnier,
Dominique Chauvin et Magali Perrin-Toinin
avec Pierre Banderet, Vincent Berger,
Thierry Bosc, Sonia Cardeilhac,
Mathieu Delmonté, Julie-Anne Roth,
Josiane Stoléru
coproduction Théâtre de Vidy, Lausanne
E.T.E. – Théâtre de la Ville, Paris – Espace
Jean Legendre, Théâtre de Compiègne
C’est en champion hors catégorie que Dan
Jemmett plonge dans les eaux agitées d’un
théâtre qui a cours en Angleterre au début du
XVIIe siècle, et auprès duquel les comédies les
plus extravagantes de Shakespeare font figure de classiques harmonieux.
« En ce temps-là, le théâtre professionnel
venait tout juste de naître, de sorte que pour
donner au public l’envie d’y aller, il fallait lui
offrir de l’inhabituel, de l’extravagance. »
Après une Nuit des rois, retitrée Shake, explosion burlesque on ne peut plus britannique,
Dan Jemmett s’est emparé d’un drame gore
de Thomas Middleton et William Rowley, The
Changeling, retitré Dog Face. Fable d’une formidable liberté, d’une violence inouïe, d’une
cruauté sans nom, transformée en réjouissante saga complètement déjantée. Deux
spectacles présentés au Théâtre de la Villeles Abbesses. Et puisque rien n’arrête Dan
Jemmett, le voilà donc aux prises avec une
autre pièce de Thomas Middleton seul :
Femmes gare aux femmes. Traduction directe
du titre anglais : Women beware women.
Shake se passait devant des cabines de
bains sur une plage, Dog Face autour d’une
caravane. Cette fois, sur une route anonyme,
ce sera une voiture. Une Triumph des années
60, pareille à celle que le père de Dan
Jemmett aimait tant, et qu’il a démolie un jour
dans un accident:
« Les comédiens joueront avec, il en sortira
de la musique, il y aura aussi un rideau
rouge… Nous utilisons les éléments de la
même manière que le texte : nous cherchons
une logique. Dans ce cas, celle de l’espace.
Nous avons besoin de savoir pourquoi à tel
moment, untel se trouve à tel endroit. »
À tel endroit, pour faire quoi ? Tenter de résumer l’intrigue de Femme gare aux femmes
relèverait du pari stupide. La pièce comporte
une dizaine de personnages importants, plus
des domestiques, messagers, dignitaires,
chevaliers et bourgeois, quelques masques…
Tous plus pittoresques, plus cyniques les uns
que les autres, ils sont concentrés ici sur sept
comédiens incarnant les protagonistes indispensables à l’action. Aux actions car, naturellement, rien n’est linéaire.
Il est question d’un jeune homme (Leantio)
affligé d’une mère autoritaire maladivement
attachée à une morale pour le moins puritaine.
Selon elle, une épouse doit vivre enfermée
LES ABBESSES • TARIF A
sans jamais jeter un regard sur un autre
homme que son mari. Or, Leantio a enlevé une
jeune fille de seize ans, Bianca, pour l’épouser. Et puis le Duc, cinquante-cinq ans –
Middleton ne laisse pas passer la différence
d’âge – la veut pour lui et à la fin tout le monde
ou presque, meurt. L’histoire se passe en
Italie, de sorte que Thomas Middleton a pu
dénoncer toutes sortes de turpitudes sans
vexer personne ni risquer la censure :
« À le lire, on se rend bien compte de son attirance pour le plaisir, pour la luxure. Mais le
puritanisme de la religion entrave ses personnages. Ils vivent dans un état de tension sauvage. C’est ce que j’aime dans son théâtre,
dans le théâtre en général : les émotions, les
idées qui viennent du plateau, se communiquent directement par la chair, par le corps,
sans passer par une rhétorique.
« Ces gens ne sont pas fous, ni idiots. Ils
tiennent des raisonnements fondés sur ce
qu’ils savent devoir faire ou ne pas faire pour
répondre à des règles qui ne tiennent aucun
compte des élans. Elles sont sévères, rigides,
tuent la tendresse, la compassion, la solidarité. Enfermées dans un même carcan, les
femmes luttent pourtant les unes contre les
autres, n’hésitent pas à se trahir. Elles suivent
l’exemple des hommes. Tout le monde joue
avec les émotions de tout le monde. Un jeu
dangereux. Même en situant l’affaire loin de
l’Angleterre, Middleton ne peut pas prendre
clairement position. Cela dit, sa critique d’une
pourriture sociale, morale est évidente. Et
féroce.
« La pièce finalement n’est pas tellement
gaie. Elle est sous-titrée “tragédie”, c’est juste
dans le sens où une fatalité pèse sur chacun,
chacun est prisonnier de son destin. Mais les
excès mêmes donnent un côté farce, une
théâtralité immédiate, forcenée qui me réjouit.
Quel que soit le sujet que l’on traite, le théâtre
est une fête, et à la fin il faut bien quelque
chose à fêter ensemble. »
Thomas Middleton
Thomas Middleton naît en 1580 à Londres, suit
des études à Oxford et à vingt ans publie trois
volumes de poésie. Auteur prolifique, il publie
en 1605 La Tragédie du vengeur, modèle d’un
théâtre baroque, excessif, proche du GrandGuignol. À partir de 1613, il produit nombre de
comédies que l’on appellerait aujourd’hui
“urbaines”, décrivant sans indulgence les
comportements sociaux, parmi lesquelles en
1622, The Changeling. Femmes gare aux
femmes, est l’une de ses dernières pièces. Elle
est créée en 1625, deux ans avant sa mort.
Dan Jemmett
Né en 1967 à Londres, Dan Jemmett étudie la
littérature et le théâtre à l’université avant de se
lancer dans la vie professionnelle. Il joue Heiner
Müller, Brecht, Marlowe, Shakespeare bien
entendu. Il adapte Kafka et Borgès. En France,
il apparaît avec un Ubu à trois personnes et un
fauteuil rouge. En 2002, au Théâtre de la Villeles Abbesses, il monte Shake d’après La Nuit
des rois (Prix de la critique), puis à Lausanne et
à Chaillot Presque Hamlet et en 2003, toujours
aux Abbesses, Dog Face de Middleton et
Rowley.
11
Pessah / Passage
création
LAURA FORTI LUKAS HEMLEB
DU 5 AU 27 NOVEMBRE
traduction Caroline Chaniolleau
mise en scène Lukas Hemleb
scénographie,costumes Jane Joyet, Alice Laloy
assistante à la mise en scène Leïla Férault
avec Caroline Chaniolleau, Laurent Mazoni,
Annie Perret, Mila Savic
12
Soit, une femme au cœur fragile et qui fume
en cachette. Soit, la fille aînée, elle-même
mère pour le moins négligente, et qui tente
d’oublier le gris de sa vie dans le cognac.
Soit, la fille cadette qui cherche ailleurs ce
qu’elle ne sait trouver nulle part. Soit, le fils qui
tente de croire et de faire croire à son pouvoir
de séduction… Une famille (presque) normale, réunie pour célébrer la Pâque juive,
laquelle tombe juste le jour anniversaire du
petit fils. On ne le verra pas : il préfère rêver
d’une mobylette et se défoncer avec des
camarades de son âge. On ne verra pas non
plus le père, retenu en clinique par un
brouillard mental profond.
On pourrait craindre un drame glauque, il n’en
est rien. Laura Forti, auteur de Pessah/
Passage* vient du soleil : elle est italienne. Et
puis juive. Elle est bardée d’humour, de vitalité truculente, de curiosité et de sympathie
envers ses personnages comme envers son
prochain. Lorsque Lukas Hemleb a lu la pièce,
en italien et avant qu’elle soit publiée, il s’est
rendu compte qu’elle lui apportait exactement
ce qu’il avait envie de rencontrer juste à ce
moment : « Une écriture émancipée, débarrassée de ces interrogations devenues routinières chez un grand nombre d’auteurs
contemporains, à propos des codes, et ruptures de codes, de déconstruction et reconstruction. Au travers de son écriture, Laura Forti
n’a pas voulu créer de distance entre elle et
les autres. Elle ne se pose pas de questions
sur ses influences, ne cherche ses racines
qu’en elle-même.
« Cette authenticité, tellement rare aujourd’hui, m’a d’emblée séduit. À partir de là, j’ai
compris les pourquoi de mon intérêt.
Notamment, la pièce offre aux comédiens des
occasions formidables. À moi, elle offre la
possibilité de renouer avec quelques-uns
d’entre eux, qui ont déjà travaillé avec moi. Je
les connais suffisamment pour savoir qu’ils
peuvent constituer un groupe, une famille. Je
les sais capables et désireux de s’engager
avec moi dans cette aventure qui peut nous
emmener loin en nous-mêmes.
« Une autre raison de mon choix : je suis
curieux de la judéité. Je ne suis pas juif, mais
je me sens proche, alors j’ai envie de
comprendre : la mémoire, la religion et le refus
de la religion. Et, dans une période de
ruptures comme celle que nous vivons, l’importance retrouvée d’un rituel réduit à une
habitude… J’en ai d’ailleurs beaucoup discuté avec Laura Forti, et aussi du rêve d’Israël,
plus ou moins présent dans cette famille, sous
une forme ou une autre.
« Le grand défi de cette pièce : parvenir à
établir l’équilibre entre d’une part l’universalité
de la situation et des personnages, c’est-àdire la violence des rapports entre la mère et
les enfants, d’autre part leur singularité. C’està-dire la façon évidente dont l’Histoire est
venue détourner leur existence privée, la
façon dont elle les a marqués. Partout, de
telles conditions de désarroi peuvent amener
à chercher un ancrage dans le spirituel, sinon
LES ABBESSES • TARIF A
le religieux. Ouvrir ces questions me semble
actuellement très très important ».
Dans cette pièce, écrite par une femme, le
seul homme présent est une sorte de faux
macho, complexe, ambigu, moins affirmé
dans son identité que ses sœurs et sa mère.
Lukas Hemleb ne s’en émeut pas : « Je peux
même dire que cela ne me semble pas en
rupture avec la réalité. Face aux coups de
l’Histoire, souvent les hommes se montrent
plus fragiles que les femmes, en tout cas plus
évanescents. Ils ont tendance à disparaître.
J’en connais tant de cette sorte, que ma réaction navigue entre frissons et amusement.
Quant au donjuanisme revendiqué du frère, je
le comprends comme un refus de continuité.
Plus précisément la capacité de vivre la discontinuité. Il est vrai que dans un monde déréglé, fonctionner comme une horloge suisse
me paraît pour le moins utopique ».
Le parcours récent de Lukas Hemleb enchaîne Figure, portrait d’un homme monstrueusement tourmenté – le peintre Francis
Bacon – et Titus Andronicus, la tragédie la
plus sanglante de Shakespeare. La violence
de Passages est aussi forte sinon davantage,
et d’une tout autre nature. Plus insidieuse, perdue de contradictions et de doutes :
« Dans Titus, les actes sont abominables,
leurs motivations très claires, les actes assumés. Ici, non. Les personnages sont écrasés
par les syndromes superposés de l’Histoire et
de leur histoire. On commence avec une
situation connue de tous, et qui vous entraîne
ailleurs, Dieu sait où… Avec, quand même,
une constatation réjouissante : la jubilatoire et
féroce volonté de vivre. Théâtralement, c‘est
passionnant. »
Laura Forti
Auteur, traductrice de théâtre israélien, comédienne, metteur en scène depuis 1992,
Laura Forti dirige des cours d’expression corporelle à Prato, et des performances. En 1998,
elle a obtenu le Prix spécial de la critique pour
une pièce écrite avec la communauté albanaise d’Italie : Les nuages retournent à la
maison, et en 2001 le prix Ugo Betti pour
Pessah/Passage. Elle a notamment mis en
scène Rezah sur le thème du conflit israëlopalestinien, et Les Cannibales de George
Tabori… En 2003 elle a été chargée de la
commémoration de la Shoah qui, en Italie, a
lieu chaque année, en montant un de ses
textes : Dis-moi, une histoire jamais écrite.
Lukas Hemleb
Né en 1960 à Francfort, Lukas Hemleb a un
peu plus de vingt ans lorsqu’il entame un parcours simultanément théâtral et musical. Il part
pour l’Afrique, revient en Europe, y monte ici et
là des opéras, de sorte qu’il parle un nombre
considérable de langues. Il pose ses valises en
Belgique, puis s’installe en France. Il monte
Daniil Harms au Petit-Odéon, puis à La
Cabane, Loué soit le progrès de Gregory
Motton. La Comédie-Française fait appel à lui :
Une visite inopportune de Copi au Studio et au
Vieux-Colombier, Le Dindon de Feydeau, Salle
Richelieu – retransmis par ARTE. Au Théâtre
Vidy-Lausanne, il monte Marina Tsvetaïeva, à
la MC93 de Bobigny, Vision de Dante, deux
spectacles où la musique tient un rôle primordial. Viennent ensuite Figure de Pierre Charras,
Titus Andronicus de Shakespeare. Lukas
Hemleb est un explorateur de textes.
* Pièce traduite à l’initiative du Centre international de la
traduction théâtrale – Maison Antoine Vitez.
Les animaux ne savent
pas qu’ils vont mourir
PIERRE DESPROGES MICHEL DIDYM reprise
DU 7 AU 29 DÉCEMBRE
textes et chansons Pierre Desproges
adaptation Hélène Desproges, Michel Didym
mise en scène Michel Didym
musique Johann Riche
avec Philippe Fretun, Daniel Martin,
Clotilde Mollet
production Théâtre de la Ville, Paris –
Compagnie Boomerang
« C’était pas un point de côté, c’était un cancer de biais » constatait Pierre Desproges,
juste avant que ce cancer n’achève de le ronger. Quinze ans plus tard, Michel Didym prend
contact avec Hélène Desproges qui lui confie
des textes connus et d’autres inédits. Il ose un
pari : grâce à un accordéoniste et à trois
comédiens de rêve, il veut prouver que ces
textes résistent à des interprétations autres
que celle de l’auteur, bref qu’ils appartiennent
à notre patrimoine culturel. Pari tenu. C‘était et
c’est toujours Les animaux ne savent pas
qu’ils vont mourir. Ils ont triomphé aux
Abbesses, ils y reviennent.
Des textes qui résonnent encore à nos
oreilles, perçus à la radio, à la télé ou lus
récemment, parce qu’on ne se lasse pas de
cette prose qui écorche, poétique quand elle
veut, goulue, implacable. Parsemé d’inédits,
de chansons, de musique, ce spectacle se
joue à trois personnages, incarnant femmes et
hommes, chercheurs, médecins, haineux
ordinaires et naïfs en tout genre…
Assia Rabinowitz, Le Figaro, 29 avril 2003
Car seule l’écriture intéressait celui qui avait
débuté par la télé et la radio, mais trop subtil,
trop décalé de ses pairs humoristes, était trop
occupé à fourrager dans les facéties de la
langue française pour être véritablement
populaire. […] Tout en colères et sarcasmes
de grand sentimental : « Je suis un artiste
dégagé, disait-il. Un agresseur agressé par
l’état sauvage du monde ».
Maia Bouteillet, Libération, 30 avril 2003
On n’avait plus l’habitude d’entendre sur
scène parole si insolente, paradoxes si impitoyables sur l’humaine condition, ses hypocrisies, ses lâchetés… C’est peu dire que la
parole de Pierre Desproges – mort d’un cancer en 1988 à l’âge de 51 ans – réveille nos
consciences molles, nos individualismes
repus.
Fabienne Pascaud, Télérama, 30 avril 2003
Tout est là. Ses colères contre le racisme, l’intolérance (avec un sketch au troisième degré,
féroce, L’Association des non-handicapés de
France), la vieillesse, impitoyablement décrite, son anticléricalisme insolent, son goût
des jolies femmes et des bons vins, sa truculence pour parler du sexe, son plaisir de fustiger les clichés (on rit aux larmes à la lecture à
trois voix d’un texte jargonneux), son amour,
finalement de la vie, en même temps que son
obsession permanente de la mort. Michel
Didym, qui met en scène ce spectacle vraiment jubilatoire, a eu raison d’oser faire vivre
sur scène l’univers « hargneusement loufoque » de Desproges.
A.C, Les Échos, 28 avril 2003.
LES ABBESSES • TARIF A
Et c’est cela qu’avec élégance, sans rien forcer, en demeurant du côté du clown qu’il était
aussi, nous font comprendre Clotilde Mollet,
robe rouge et violon ailé, et ses camarades
Daniel Martin et Philippe Fretun, eux aussi
musiciens. Trois interprètes remarquables,
acteurs fins et sensibles, unis dans la cocasserie et la gravité qui vous assènent avec le
sérieux et le détachement qui conviennent,
quelques textes profondément dérangeants
mais qui sont aussi au-delà d’une facile
provocation. Pierre Desproges allait à l’os, aux
nerfs […] Mais éclate quelque chose d’innocent, de sans défense, de pur, que les trois
acteurs portent avec une intelligence
bouleversante.
Armelle Héliot, Le Figaro, 29 avril 2003
Pierre Desproges
Né à Pantin en 1937, il entre dans la vie professionnelle comme vendeur d’assurances-vie,
enquêteur pour l’IFOP, auteur de romans photos et de courriers du cœur, directeur d’une
fabrique de poutres synthétiques, journaliste à
L’Aurore, quotidien légendaire racheté par Le
Figaro, et disparu. Il participe au Petit
Rapporteur, émission dominicale de Jacques
Martin sur Antenne 2, en ce temps qui demeure encore l’âge d’or de la télévision (1975-77).
France Inter fait appel à lui : Les Saltimbanques
de Jean-Louis Foulquier (1978-79), Le Tribunal
des flagrants délires de Claude Villiers et Luis
Rego (1980), Les Chroniques de la haine ordinaire (1986). Et France 3 pour La Minute
nécessaire de Monsieur Cyclopède (1982).
Parallèlement, il se produit sur scène, collabore à Pilote, publie ses textes dont un roman,
Des femmes qui tombent. En 1988, il meurt
d’un cancer.
Michel Didym
Lorrain de naissance, il entre à l’école du
Théâtre national de Strasbourg pour devenir
comédien. En 1986, il participe à l’APA :
Acteurs producteurs associés, une initiative de
comédiens en quête d’indépendance. Lauréat
en 1989 du prix de la Villa Médicis hors les
murs, il dirige des ateliers à New York et San
Francisco. L’année suivante, à son retour il
fonde la compagnie Boomerang, en 1995 la
Mousson d’été, en 2001 la MEEC (Maison
européenne des écritures contemporaines)
dans un même but : faire connaître des auteurs
vivants, français et étrangers. Comme comédien, il a travaillé notamment avec Lavaudant,
Lavelli, Françon. Comme metteur en scène, il a
monté entre autres Minyana, Vinaver, Beckett,
Koltès (Sallinger aux Abbesses*), Daniel Danis
(Le Langue à langue des chiens de roche) au
Vieux-Colombier.
* Coproduction Théâtre de la Ville comme Visiteurs de
Botho Strauss en octobre 1994.
13
LES ANIMAUX NE SAVENT
PAS QU’ILS VONT MOURIR
DANS LA SOLITUDE
DES CHAMPS DE COTON
Bernard-Marie Koltès
Jean-Christophe Saïs
14
photos Enguerand, M. Enguerand, X. DR, V. Dargent
LA FILLE AUX RUBANS BLEUS
René Loyon
Yedwart Ingey
Dans la solitude des
champs de coton
création
BERNARD-MARIE KOLTÈS JEAN-CHRISTOPHE SAÏS
DU 21 JANVIER AU 12 FÉVRIER
mise en scène Jean-Christophe Saïs
assistante à la mise en scène Edith Chaffard
scénographie Jean Tartaroli
et Jean-Christophe Saïs
lumières Jean Tartaroli
musique Gilbert Gandil
costumes Montserat Casanova
avec Nathalie Royer, Laurent Vercelletto
coproduction Théâtre de la Ville, Paris –
Carré Saint-Vincent, scène nationale
d'Orléans – Halle aux Grains, scène nationale de Blois – Espace Jules Verne, scène
conventionnée de Brétigny-sur-Orge
(en cours)
En 1999, Jean-Christophe Saïs apparaît professionnellement, et avec éclat : il offre une
mise en scène âpre et fougueuse de Sallinger,
de Bernard-Marie Koltès, qu’il crée aux
Rencontres internationales de théâtre à Dijon,
puis reprend au Théâtre Gérard Philipe de
Saint-Denis. Trois ans plus tard, il monte Quai
Ouest, au Théâtre national de Strasbourg,
ensuite au Théâtre de la Ville. Et le voici à nouveau plongé au cœur du monde crépusculaire, du génie poétique de Koltès, avec cette
étrange rencontre au milieu de nulle part entre
deux hommes sans nom, l’un dealer, l’autre
client : Dans la solitude des champs de coton.
« Sallinger, pièce de jeunesse est d’une écriture narrative, alors que Quai Ouest se
construit sur un balancement dialectique.
Dans la Solitude des champs de coton amalgame les deux formes. Les trois pièces marquent trois moments dans le parcours de l’auteur au long de son existence. J’étais jeune
moi aussi quand j’ai commencé, et en
quelque sorte, j’ai suivi sa chronologie. J’ai
l’impression de grandir avec lui.
« Des trois, et d’ailleurs de toute son œuvre, la
troisième est certainement la plus parfaite. Au
début, quand je l’ai lue, j’ai pensé à une joute
verbale. Et puis, non, il y a quelque chose
d’autre, quelque chose de plus. Elle parle des
désirs, de ce qui se passe en soi quand on les
a tous épuisés… C’est le cas du dealer. Sans
désirs, il est étranger à la vie, une sorte de
monstre, comme les enfants de la guerre que
l’on a obligés à tuer, qui ne connaîtront jamais
l’enfance. Mais lui qui n’a plus à vendre que
sa “vieille carcasse”, devine, comprend,
ressent les désirs de quiconque passe à sa
portée, et se voit obligé de les combler. C’est
son destin, quoi qu’il arrive il n’a pas le choix.
Il souffre, il est au supplice et, pareil à Prométhée, attelé à une tâche inutile et sans fin.
« Tout se passe comme si le client marchait
droit le long d’une ligne, une ligne de vie. Et
sur sa trajectoire Koltès jetterait quelqu’un qui
le ferait bifurquer. Chacun suivrait sa propre
route, vivrait dans son propre monde. »
Deux mondes qui se croisent et se confondent
sur l’espace du plateau, que Jean-Christophe
Saïs imagine nu, brouillardeux, malléable,
cerné de frontières indécises: « La rencontre
se fait à un point indécis. Les deux routes se
croisent. Les deux hommes se font face. Alors
le monde du dealer, celui de la métaphore, de
LES ABBESSES • TARIF A
la poésie, aspire et absorbe le monde du
client, celui de la réalité. Deux solitudes se
croisent sans parvenir à se rejoindre. »
Dans l’idée de Koltès, le dealer est un Noir,
c’était essentiel. Mais finalement, la plupart du
temps sa volonté n’a pas été suivie, sinon à
la création dans la mise en scène de Patrice
Chéreau aux Amandiers de Nanterre, où
le rôle était tenu par Isaac de Bankolé. JeanChristophe Saïs, quant à lui, l’a confié à une
comédienne : Nathalie Royer qui, déjà
dans Sallinger, interprétait un garçon, un
adolescent :
« Elle interprétait un mort, quelqu’un venu
d’ailleurs. Ce que représentait pour Koltès le
Noir : l’étranger, l’autre, celui qui vous ressemble et qui n’est pas vous, qui vient d’un
autre pays, d’une autre culture. Personnellement, le côté “clochard métaphysique”
des personnages ne m’intéresse pas. La
connotation homosexuelle de la rencontre,
non plus. Nathalie Royer ne se travestit pas.
Elle est simplement quelqu’un d’autre, qui ne
serait ni homme ni femme, qui serait à la fois
homme et femme. Un être indéfinissable,
d’une ambiguïté suprême, avec lequel le
client ne peut pas établir de vrai contact. Il
peut seulement imaginer…
« On pourrait imaginer deux personnes face à
face dans un métro ou un train, ils se regarderaient… D’abord, ils entameraient une conversation, mais bientôt n’auraient plus rien à se
dire, alors ils commenceraient à fantasmer
l’un sur l’autre, à s’inventer l’un l’autre. À rêver,
comme en état d’hypnose. Dans la solitude
des champs de coton est une histoire de possession, une pièce d’envoûtement. »
Bernard-Marie Koltès
Les pièces de Bernard-Marie Koltès ont, dans
un premier temps, été mises en scène par
Patrice Chéreau.
Le Théâtre de la Ville a coproduit et présenté :
• au Théâtre de la Ville
Retour au désert et Combat de nègre et de
chiens mis en scène par Jacques Nichet –
Roberto Zucco par Bruno Boeglin.
• au Théâtre des Abbesses
Quai Ouest, mis en scène par Jean-Christophe
Saïs – La Nuit juste avant les forêts par Kristian
Frédric – Sallinger par Michel Didym –
L’Héritage par Catherine Marnas.
Jean-Christophe Saïs
Jean-Christophe Saïs est né à Lyon, et y a fait
ses débuts comme scénographe. Mais c’est à
Dijon aux Rencontres internationales de
théâtre 1999, que pour son coup d’essai-coup
de maître, il met en scène Sallinger, pièce dans
laquelle il se retrouvait avec bonheur, et que
reniait son auteur Bernard-Marie Koltès. JeanChristophe Saïs continue d’ailleurs à explorer
son œuvre, sur laquelle il fait travailler les
élèves de l’École du TNB à Rennes. Après
avoir monté Quai Ouest en 2002, il aborde
aujourd’hui Dans la solitude des champs de
coton. Entre-temps, il s’est tourné vers
Shakespeare pour Roméo et Juliette au
Théâtre Stable de Turin et Hamlet à l’École du
TNB où déjà il avait initié les élèves à Copi et
Edward Bond (Les Quatre Jumelles et Pièces
de guerre).
15
La Fille aux rubans
bleus YEDWART INGEY RENÉ LOYON
création
DU 9 MARS AU 2 AVRIL
mise en scène René Loyon
collaboration artistique Yedwart Ingey
décor Vincent Tordjman
lumières Laurent Castaingt
son Françoise Marchessau
costumes Nathalie Martella
maquillages, coiffures Sandrine Roman
avec Yedwart Ingey, Olivier Werner…
(distribution en cours)
production
Compagnie R.L. – Théâtre de la Ville, Paris
16
C’était la fin de la guerre d’Indochine, au Laos.
Une jeune fille tombe en amour fou pour un
officier français qui, perturbé par cette passion dont il n’a que faire, en profite mais la
tient à distance. Comme il tient à distance le
fils né de cette liaison sans issue, et qui va en
faire revivre le parcours chaotique, sous forme
d’échanges épistolaires, de souvenirs.
Yedwart Ingey connaît bien cette histoire. Il est
arrivé pour la première fois en France à dixsept ans, adolescent désemparé, dépaysé.
Devenu comédien, et auteur, il a travaillé entre
autres à Nancy avec Charles Tordjman qui,
voilà trois ans, a organisé un “chantier” à partir de son texte La Fille aux rubans bleus. C’est
là que René Loyon en a pris connaissance, et
a décidé de le monter, absolument :
« L’écriture de Yedwart Ingey me touche, sa
position, la façon dont il dit comment son personnage échappe au malheur annoncé. Sur la
page la plus sombre de son existence, il fait
un travail de mémoire qui lui est indispensable
pour reprendre pied dans la réalité.
« Et puis, il s’agit d’une histoire coloniale. Ma
première mise en scène était le journal intime
de mon grand-père. Mon grand-père que je
n’ai pas connu parce qu’il est mort avant la
guerre. Mais il avait travaillé en Afrique.
L’histoire de ma famille n’est en rien aussi abominable que celle racontée ici. Cela dit, je suis
évidemment sensible à la situation des
colons, à la façon dont ils la considéraient,
aux circonstances qui ont, partout, provoqué
une même forme d’oppression sur les peuples
colonisés. Victor Hugo déjà dénonce les massacres perpétrés dans le Maghreb…
« On a enfin commencé en France à parler de
l’Algérie. Mais on semble ignorer toujours
l’Indochine. Peut-être parce qu’entre-temps il
y a eu la guerre du Viêt-nam et les Américains
qui, eux, l’ont beaucoup utilisée au cinéma…
« La situation coloniale peut déclencher une
épouvantable brutalité, y compris chez des
gens “normaux”, ni monstres, ni beaufs grotesques. On peut, selon la tradition de l’armée
française, imaginer le personnage de l’officier
comme un fils de la bonne bourgeoisie catholique, sorti de Saint-Cyr. Alors qu’est-ce qui,
chez lui, provoque une attirance irrépressible
vers la cruauté ? La violence de son mépris à
l’égard de l’autre ? Et en particulier envers les
femmes ? Quelle est la source de son machisme délirant ? Dans une guerre, qu’elle soit
ou non “civile”, depuis toujours la première
arme, c’est le viol. Prendre possession de la
femme de l’autre… D’où vient la force de ce
fantasme sur la disparition de l’autre ? »
Questions qu’il ne s’agit pas de résoudre en
LES ABBESSES • TARIF A
quelques mots, quelques slogans. Mais déjà il
est nécessaire de pouvoir les poser, de chercher des réponses en soi. De s’interroger sur
ses propres pulsions.
« Certaines œuvres, comme celle de
Strindberg quand il traite de ce qu’il appelle
la guerre des cerveaux, font surgir en soi
des violences inattendues. J’ai joué Les
Créanciers, et à certains moments je me faisais peur. On comprend que la seule arme
contre la sauvagerie, c’est la force d’une autocensure morale. Adamov expliquait que le
théâtre devait établir un lien entre vie individuelle et sociale. Notre histoire coloniale nous
concerne tous, et aujourd’hui encore. »
Naturellement, dans ce type de spectacle, le
réalisme n’est pas de mise. Non plus l’imagerie poétique. René Loyon envisage une architecture verticale d’ombres et de lumières
traçant un parcours dans la géographie de
l’imaginaire : le rêve de beauté et de vie, il ne
faut jamais l’oublier.
Yedwart Ingey
Yedwart Ingey est donc né au Laos. Il a fait ses
débuts de comédien à Rouen dans la compagnie d’Alain Bézu, a joué notamment Corneille
(La Place royale), Beaumarchais (Le Barbier
de Séville) puis avec Stéphane Braunschweig
La Cerisaie de Tchekhov, Le Conte d’hiver et
Le Marchand de Venise de Shakespeare, Dans
la jungle des villes de Brecht. À la Manufacture
de Nancy, avec Charles Tordjman, L’Amante
anglaise de Duras, L’Opéra de quat’sous de
Brecht et Kurt Weill, Oncle Vania de Tchekhov.
Il y travaille également comme dramaturge, sur
Neiges de Nicolas Bréhal, La Vie de Myriam de
François Bon. Il est également l’auteur de
Chartres sous une pluie d’automne (prix de la
nouvelle de langue française 1988), Le ciel ressemble au ciel en 1990.
René Loyon
Né en 1948, René Lyon entre en 1967 à l’École
de la Comédie de Saint-Étienne, puis au
Centre de formation du Théâtre de l’Ouest
Parisien. En 1969, avec Jacques Kraemer et
Charles Tordjman, il co-anime le Théâtre populaire de Lorraine qu’il quitte en 1975 pour fonder l’année suivante avec Yannis Kokkos le
Théâtre Je/Ils, avec lequel il met en scène Le
Journal de mon grand-père (1980), La Lettre au
père de Kafka, L’Invasion et Tous contre tous
d’Adamov, Mille Francs de récompense de
Hugo… De 1991 à 1996, il dirige le Centre dramatique national de Franche-Comté, y monte
notamment avec Michel Didym, Visiteurs de
Botho Strauss – présenté au Théâtre de la Ville
(1994). En 1997, il fonde la Compagnie RL,
joue Molière, Pirandello, García Lorca, Kleist,
Marivaux, Vinaver (l’Émission de télévision).
La Tête ailleurs
création
NORAH KRIEF CHANTE FRANÇOIS MOREL
DU 5 AU 16 AVRIL
textes de François Morel
composition Frédéric Fresson
et le groupe Sonnets
direction artistique Éric Lacascade
lumières Bruno Goubert
son Alain Français, Olivier Gascoin
Norah Krief chant
Philippe Floris batterie, percussions,
accordéon, voix
Frédéric Fresson piano, voix
Daniel Largent basse, percussions, voix
production Centre Dramatique national
de Normandie, Comédie de Caen
Après avoir quitté la famille Deschiens,
François Morel raconte son enfance dans un
spectacle Les Habits du dimanche, auquel
assiste Norah Krief. À la fin, elle va le féliciter
dans sa loge et lui dit : « Je voudrais que
tu me fasses un récital ». Depuis qu’elle a
chanté en concert rock Les Sonnets de
Shakespeare, elle a pris goût à la musique.
Même sans se montrer excessivement
modeste, l’idée de succéder au grand Will
peut faire peur.
François Morel a peur, il commence par refuser. Tout au moins il essaie, car il est des mots
que Norah Krief ne sait pas entendre. “Non”
par exemple. Et comme sa tournée des
Sonnets coïncide dans plusieurs villes avec
celle des Habits du dimanche, que leurs
affiches se côtoient, elle saisit ce signe du
destin pour insister et convaincre.
François Morel le reconnaît, il y a dans son
spectacle un rapport à la chanson, des amis
musiciens le lui ont confirmé:
« Il est composé par flashes de souvenirs, en
une suite de moments brefs, comme des
ritournelles, avec des refrains, des mots qui se
répètent… Et puis c’est vrai, je suis peut-être
un chanteur frustré; quoi qu’il en soit, j’adore
la chanson. C’est une façon d’écrire des histoires courtes. Mais dans le cas de Norah,
puisqu’elles sont destinées à une femme,
c’est plus compliqué, je dois inventer des
situations que je ne pourrais pas interpréter. »
Norah Krief n’était pas vraiment inquiète:
« J’étais certaine qu’il lui faudrait du temps,
mais qu’il le ferait. Il suffit de rester en contact,
de se parler ouvertement, de se raconter…
Peu à peu, on se libère. »
François Morel s’est donc mis au travail, a
envoyé ou même téléphoné ses textes sans
s’attacher à un thème particulier. Plutôt en
échafaudant une sorte de portrait, celui d’un
personnage suffisamment divers pour convenir au talent à multiples facettes de Norah
Krief, à la force lumineuse de sa présence
scénique, à sa façon d’être simultanément
éclatante de vitalité et immensément fragile,
drôle et bouleversante.
Alors, la voici amoureuse bien entendu, audacieuse voyageuse, rêvant de « Partir décoller/Dans le ciel monter/Débarrasser le plancher/Aller tout là-haut/Faire du vélo/Ou du
pédalo/Et saluer les oiseaux… Bagarreuse en
rage contre les mots qui roulent des mécaniques. Une paumée qui se demande qui a eu
l’idée de m’éparpiller deux cent dix CD/Tout
est mélangé/J’ai mal à la tête/Lendemain de
LES ABBESSES • TARIF D
fête… Une désemparée capable de perdre un
gilet vert, sa carte de crédit, ses clefs, et ne
retrouver que la lettre/Tant de fois lue et
relue/Je n’arrive plus à remettre/La main sur
mes années perdues… »
La Tête ailleurs, tel est le titre du spectacle.
Mais celle de Norah Krief ne s’est pas perdue,
bien au contraire :
« François a atteint quelque chose de moi que
je ne connais pas encore, que je n’osais peutêtre pas aborder, et que je veux révéler. Je
plonge dans un univers à l’opposé de celui
des Sonnets, bien que je travaille avec les
mêmes musiciens, et naturellement Éric
Lacascade assure la mise en scène. »
Tout à l’heure j’étais pour vous dans la lumière/Une garce une sainte une sœur une
mère/J’entends encore en moi comme un
chant enivrant/Le souvenir joyeux des applaudissements/Le dernier spectateur est sorti/
Comme un amant futile aurait quitté mon lit.
Le spectacle est fini… Et puis tout recommence.
François Morel
François Morel fut un Deschiens des débuts,
dans Lapin chasseur, Les Frères Zénith, Les
Pieds dans l’eau, C’est magnifique… Il a
également participé aux émissions des
Deschiens sur Canal +, travaillé encore avec
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff dans
Les Brigands d’Offenbach créé à l’OpéraBastille, et Les Précieuses ridicules de Molière.
Il a également participé au premier spectacle
professionnel d’Éric Vigner : La Maison d’os de
Roland Dubillard, dont, sous la direction de
Jean-Michel Ribes, il a joué Le Jardin des betteraves au Théâtre du Rond-Point. Puis c’est
Feydeau, Feu la mère de Madame et N’te promène donc pas toute nue dans la mise en
scène de Tilly. Entre-temps, il a écrit et joué Les
Habits du dimanche, tourné avec Jean-Pierre
Mocky, Molinaro, Lucas Belveaux, entre autres.
Éric Lacascade
En 1983, avec Guy Alloucherie, il fonde le
Ballatum. En 1997, Éric Lacascade est nommé
seul à la tête du Centre dramatique national de
Normandie (Comédie de Caen). En 1997-1998,
il rapproche Racine, Claudel et Eugène Durif
sous le titre À la vie, à l’amour, à la mort. Puis
il travaille sur trois pièces de Tchekhov réunies
en un triptyque, La Mouette, Ivanov, Le Cercle
de famille d’après Les Trois Sœurs. Ce qui
l’amène en 2002 à une grandiose mise en
scène de Platonov qui, dans la Cour d’honneur,
inaugure le Festival d’Avignon.
Norah Krieff
Comédienne atypique, passant avec la même
fougue et la même grâce de Beaumarchais à
Tchekhov, de Tennessee Williams à William
Shakespeare, Norah Krief a travaillé sous la
direction de Florence Giorgetti : Blanche Aurore
Céleste de Noëlle Renaud ; Jean-François
Sivadier : Italienne avec orchestre, La Folle
Journée ou Le Mariage de Figaro ; Éric
Lacascade : Phèdre de Yannis Ritsos, La Double
Inconstance de Marivaux, Atelier sur les Trois
Sœurs, et Ivanov d’après Tchekhov. Avec YannJoël Collin : Homme pour homme de Brecht, Henri
IV de Shakespeare, spectacle dans lequel elle
devait chanter a capella, d’où son désir de
musique et son spectacle sur Les Sonnets, spectacle créé au Festival d’Avignon 2002, repris au
Théâtre de la Ville-les Abbesses en février 2003.
17
L’Orage
création
ALEXANDRE OSTROVSKI PAUL DESVEAUX
DU 17 MAI AU 11 JUIN
traduction André Markowicz
mise en scène Paul Desveaux
assistante à la mise en scène Irène Afker
chorégraphie Yano Iatridès
scénographie Chantal de la Coste Messelière
musique Vincent Artaud
lumières Joël Hourbeigt
avec Francine Bergé, Fabrice Cals,
François Clavier, Véronique Dossetto,
Yano Iatridès, Millaray Lobos Garcia,
Océane Mozas (distribution en cours)
coproduction
L’Héliotrope – Théâtre de la Ville, Paris
avec la participation artistique du JTN
18
Orage du ciel, orages du cœur et des sens
dans le monde des marchands qu’Alexandre
Ostrovski a très bien connu et décrit. Il voyait
en eux les parfaits représentants d’une bourgeoisie en voie d’enrichissement, encore
ancrée dans le passé. Sur son manuscrit, il a
noté : « tous les personnages portent des costumes traditionnels russes à l’exception de
Boris, défini comme “jeune homme assez instruit” ».
Il ne faut cependant pas attendre de Paul
Desveaux qui met en scène L’Orage, chemises brodées au point de croix, pantalons
bouffant sur bottes, et balalaïkas. Le folklore
ne le tente pas : « Je ne suis pas très “samovar”. Je ne connais pas la Russie, sinon par
Dostoïevski, Tolstoï, Tchekhov. Quant à
Ostrovski, je l’ai en quelque sorte rencontré
par hasard, dans ma bibliothèque – c’est souvent de cette manière que les choses se
passent pour moi. J’ai été attiré par sa démesure à la Kusturica, par sa nostalgie douloureusement ironique à la Fellini : il aurait pu
dans Intervista, écrire les fantastiques retrouvailles entre Mastroianni et Anita Ekberg,
regardant leur scène de La Dolce Vita, et
pleurant.
« J’admire avant tout chez Ostrovski la façon
dont il pose et en même temps renverse les
stéréotypes. Si l’on prend par exemple le personnage de Kabanova, à première vue on a
l’exemple même de la mère abusive, possessive. Pourtant, ce n’est pas si simple. À toute
force, elle voudrait aider son fils, un être à la
fois pitoyable et drôle. Ayant depuis longtemps renoncé à la contredire, il a choisi la
solution la plus simple : mentir et aller clandestinement faire la fête, loin des femmes de
sa famille, y compris la sienne, Catherine,
amoureuse à mort dudit Boris.
« On trouve là un machisme très méditerranéen. Autre exemple : si Dikoï, le plus riche
des marchands, se conduit en tyran, c’est par
stratégie plus que par cruauté, pour être obéi.
Il me fait penser à un de ces oligarques dont
on parle aujourd’hui, qui, avec une bonne
conscience imperturbable, amassent des fortunes colossales sans se préoccuper des
conséquences. Dikoï s’en explique sans le
moindre remords, son cynisme n’a d’égal que
sa candeur.
« C’est la Russie éternelle, telle en tout cas
qu’on l’imagine. Un pays immense, un peuple
marqué par la religion et une culpabilité
judéo-chrétienne qu’incarne Catherine. Alors
que son amie Varvara décide de prendre le
LES ABBESSES • TARIF A
large et de vivre sa vie, elle se ronge de
remords et se punit elle-même d’oser penser
à un autre homme que son époux…
« J’ai vu une photo du spectacle dans l’une de
ses premières mises en scène. Le rôle était
tenu par une jeune femme très belle, la tête
penchée, mélancolique… Pourtant on sent
une force en elle, on a envie qu’elle se bouge,
qu’elle évolue, on a envie de la secouer, mais
elle est habitée, ligotée par cette morale bourrée d’interdits…
« Chacun des personnages inspire des sentiments contradictoires. Ils ne sont d’ailleurs
pas monolithiques. Ainsi Kouliguine, l’horloger
perdu dans sa recherche du mouvement perpétuel est pittoresque, mais pas seulement. Il
est persuadé que s’il y parvient, il changera le
monde. Voilà pourquoi il continue… Tout d’un
coup, j’ai pensé à L’Idiot de Dostoïevski.
« Je commence à lire des pièces russes, et je
m’étonne de l’attachement des gens aux
codes sociaux. La Russie me fascine, j’aimerais la connaître, la traverser dans toute son
immensité en prenant le temps de la voir… »
Alors, pour donner une réalité à son rêve, Paul
Desveaux passe par un autre rêve : il veut
agencer les éléments disparates de sa Russie
imaginée dans le hangar d’une Cinecitta imaginaire, peuplée des fantômes abandonnés
par Fellini, Visconti, Bertolucci…
Alexandre Ostrovski
Alexandre Ostrovski est né en 1823 à Moscou,
dans un quartier pauvre, celui des marchands.
Dès le collège, il tente d’écrire. Mais sur les
ordres de son père, qui rêve pour lui d’une vie
plus confortable, il entre à l’université. En 1843,
il devient scribe au tribunal, occasion rêvée
d’observer les comportements et la corruption
ambiante. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire, et
sa pièce Ne t’assieds pas sur le traîneau d’autrui, le fait connaître. Les pièces se suivent –
une par an, et en 1859 L’Orage. Il assiste aux
répétitions, donne son avis, mais est interdit de
mise en scène. Son talent d’auteur largement
reconnu, son portrait figure parmi les gloires de
son temps sur le plafond du Théâtre Maly. Il
rêve d’un théâtre renouvelé, noble et populaire.
Rêve que, après sa mort et pour un temps, réalisera Stanislavski.
Paul Desveaux
En 1997, Paul Desveaux, jusqu’alors comédien, fonde sa compagnie, l’Héliotrope. Il met
en scène La Fausse Suivante de Marivaux, et
en 1999 Elle est là de Nathalie Sarraute.
L’année suivante, la directrice du Centre d’Art
et d’Essai de Mont-Saint-Aignan, Nathalie
Marteau, l’invite à travailler sur “théâtre et chorégraphie”. Avec la chorégraphe Yano Iatridès,
commence alors une collaboration qui se poursuit en 2001 sur L’Éveil de printemps de
Wedekind, puis en 2002 sur des textes de
Kerouac, sous le titre Vraie Blonde et autre –
repris en 2004. Entre-temps, au Trident, scène
nationale de Cherbourg, il crée un Richard II de
Shakespeare, également présenté au Festival
des Collines à Turin. Parallèlement, Paul
Desveaux participe au comité de lecture de
l’Hippodrome, scène nationale de Douai, dont il
est artiste associé depuis 2003.
textes théâtre Colette Godard
LA TÊTE AILLEURS
Norah Krief
François Morel
photos T. Jeanne-Valès, A. Enguerand/Bernand, Roger-Viollet, G. Lancestre, X.DR, P. Bun
L’ORAGE
Alexandre Ostrovski
Paul Desveaux
PARADISE
Daniel Keene
Laurent Laffargue
19
THÉÂTRE HORS LES MURS : AU THÉÂTRE DE LA COMMUNE D’AUBERVILLIERS
Paradise Codes inconnus 1
DANIEL KEENE LAURENT LAFFARGUE création
DU 5 NOV. AU 16 DÉC.
traduction Séverine Magois
conception et mise en scène
Laurent Laffargue
assistante mise en scène Sonia Millot
scénographie
Philippe Casaban, Éric Charbeau
lumières Alain Unternehr
costumes Hervé Poeydomenge
musique Arnaud Méthivier
son Yvon Tutein
accessoires Marc Valladon
maquillages Muriel Leriche
(distribution en cours)
Le Théâtre de la Commune d’Aubervilliers
et le Théâtre de la Ville se sont associés
pour coproduire et présenter Paradise
dans la petite salle du Théâtre de la
Commune transformée, pour l’occasion,
en vrai cabaret (180 places).
(autres coproducteurs voir p. 72)
20
Voilà deux ans, Laurent Laffargue recevait le
Prix Jean-Jacques Gautier pour sa mise en
scène d’une pièce de l’auteur australien
Daniel Keene, Terminus, présentée au Théâtre
de la Ville-les Abbesses. C’était leur première
collaboration. S’en est suivie une entente
complice et un nouveau spectacle : Paradise.
Laurent Laffargue a proposé un thème sur
lequel Daniel Keene a rêvé. Et travaillé en
quelque sorte dans une même ligne :
Terminus est l’enseigne d’un bar lugubre.
Paradise, celle d’un cabaret déjeté, où les serveuses sont danseuses, dont le patron répète
en boucle que la vie est merveilleuse. Dans
les deux œuvres, se retrouvent les mêmes
paumés trébuchant dans le même monde de
faux-semblant, de cruel désarroi. Et la même
poésie traversée d’ironie.
Encore une fois, Laurent Laffargue prend ses
références au cinéma. Non plus dans Blue
Velvet comme précédemment, mais toujours
chez David Lynch : Mulholland Drive pour ses
ambiguïtés. Plus chez Atom Egoyan : Exotica
pour l’ambiance noire féerie du lieu, là aussi
un cabaret. Plus chez Michael Haeneke pour
la construction en fragments déboîtés de son
film Code inconnu, et de son cinéma en
général :
« Je voulais des histoires mises en parallèle.
Celle du patron et de son entourage, des
clients, du public. Des éclats de vie qui se
chevauchent, se croisent, se cognent, traversent les numéros des artistes, produisent
une mise en abîme qui entraîne le public dans
le doute. Le décor est un cabaret, dans lequel
les spectateurs sont introduits, et enfermés.
C’est d’ailleurs pourquoi Paradise se jouera à
Aubervilliers où la petite salle peut être aménagée. Donc, ils passent par un sas, les photos de quelques-uns seront projetées, mais
sous une fausse identité, de sorte qu’ils verront leur propre visage sans plus être certains
de rien… Ils ont été installés des deux côtés
d’une passerelle. À un bout est le plateau où
se produisent les artistes avec un bar, des
écrans, une tournette; de l’autre, c’est le restaurant… »
Ce Paradis, Laurent Laffargue le voit comme
un endroit fermé au monde extérieur, coupé
d’une réalité trop pénible à vivre. Le seul élément qui fasse le lien entre le dedans et le
dehors, c’est l’obsession de l’argent. La vioTHEATRE COMMUNE • TARIF D
lence du commerce des corps. On vient là
pour échapper à sa solitude, en s’agrippant à
d’autres solitudes. On y vient par manque
d’amour, on n’y trouve pas même le sexe. Ni le
désir. À peine un fantasme. Seulement une
représentation :
« Je voudrais que le spectacle interroge l’endroit de cette invraisemblable communication
qui passe par l’appel à la sexualité. On espère
nous vendre tout et n’importe quoi en passant
par des nudités féminines ou masculines. Les
affiches ne sont pas seules en cause. Les
clips à la télé, c’est le même procédé, la
même fausse transgression qui, à force,
tourne au ridicule et ne fait que renforcer le
puritanisme :
« Mais les personnages ne sont pas des caricatures. Ils se débattent au cœur d’un désespoir énorme, qui les met en danger, les rend
dangereux… Par leur sensibilité trouble, certaines scènes me font penser à Tchekhov.
D’autres aux Marx Brothers, par leur force burlesque, leur désolation furieuse. La violence
est présente, c’est certain, au bord du passage à l’acte. Et la sensualité comme un rappel d’enfance. Et la perversion, comme une
menace dont on ne sait pas où elle se tient,
d’où elle vient… Et aussi une sorte de curiosité intense pour tout ce qui vit. »
Laurent Laffargue qui, entre Terminus et
Paradise a créé au Théâtre de la Ville une version joyeusement extravagante de la comédie
de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien,
n’est pas homme à se complaire dans la
mélancolie.
Daniel Keene
Né en 1955 à Melbourne, Daniel Keene écrit
pour la radio, est acteur, metteur en scène,
cofondateur de la revue Masthead, scénariste
et dramaturge reconnu en Australie. En 1989, il
obtient le prix Louis Esson pour Silent Partner,
adapté pour le cinéma par l’Australien Alan
Tsilimidos. En 1997, Daniel Keene fonde avec
Ariette Taylor une compagnie théâtrale, consacrée principalement à ses propres pièces. En
France, Jacques Nichet monte en 1999 au
Théâtre national de Toulouse, Silence complice. Suivent en 2001, Avis aux intéressés par
Stéphane Müh ; en 2002, Terre natale par
Laurent Gutman, Terminus par Laurent
Laffargue, La Marche de l’architecte par
Renaud Cojo, textes également diffusés par
France-Culture, et publiés pour la plupart aux
Éditions Théâtrales.
Laurent Laffargue
En 1993, Laurent Laffargue fonde sa compagnie, le Soleil bleu, avec laquelle il commence
par monter des classiques : Molière, Feydeau,
Marivaux, et avec L’Épreuve reçoit le prix du
jury et du public au Festival Turbulences de
Strasbourg. En résidence de 1994 à 1998 au
CDN de Bordeaux-Aquitaine, il se tourne vers
les auteurs anglais : Harold Pinter, Edward
Bond, qu’il rencontre à Cambridge, dont, en
1998, il met en scène Sauvés, et qui le conduit
vers Brecht : Homme pour homme. En 1999,
sous le titre Nos nuits auront raison de nos
jours, il inclut Le Songe d’une nuit d’été et
Othello. Parallèlement, Laurent Laffargue aborde l’opéra : Le Barbier de Séville en 1999, Don
Giovanni en 2002, année où il porte sur scène
une pièce de Daniel Keene, Terminus, avant de
retourner à Shakespeare avec Beaucoup de
bruit pour rien, et de revenir à Daniel Keene :
Paradise.
DANSE
CHRISTIAN RIZZO
DANSE AU THEATRE DE LA VILLE
Soit le puits était profond,
soit ils tombaient très lentement,
car ils eurent le temps de regarder tout autour
création
SASHA WALTZ
DANSE AUX ABBESSES
Impromptus
création
MATHILDE MONNIER
Publique
kuchipudi
création
SIDI LARBI CHERKAOUI
Tempus Fugit
création
AKRAM KHAN
Ma
HANS VAN DEN BROECK
création
BALLETS C. DE LA B.
Propositions
création
JAN LAUWERS
BERNARDO MONTET
création
création
BRICE LEROUX
Quasar-quatuor
When I take off my skin and
touch the sky with my nose, only
then can I see little voices amuse
themselves
création
créations
MADHAVI MUDGAL
odissi
création
ROBYN ORLIN
création
ANDRÉS MARÍN
Asimetrías flamenco
création
DANSE HORS LES MURS
AU CENTRE GEORGES POMPIDOU
LA RIBOT
GILLES JOBIN
création 2005
BOYZIE CEKWANA
<<Rew
création
THOMAS HAUERT
Parcours 2C (Vobiscum)
création
HERVÉ ROBBE
MARCO BERRETTINI
La Chambre d’Isabella
création
KOEN AUGUSTIJNEN
Almost dark
Sonic Boom
création 2004
bhârata natyam
Rona - Ja, nee
création
WIM VANDEKEYBUS
No Paraderan
création
MARIA-KIRAN
Bâche
création
JAN FABRE
The Crying body
SHANTALA SHIVALINGAPPA
création
40 Espontáneos
création
AU THEATRE DE LA CITE INTERNATIONALE
JOSEF NADJ
Poussière de soleils
création
PIERRE DROULERS
Inouï
PINA BAUSCH
création 2004
création
FRANÇOIS VERRET
Not a way
création
WAYN TRAUB
Jean Baptiste
création
ANNE TERESA
DE KEERSMAEKER
A love supreme raga for
the rainy season
solos – duos – trio
création
MEG STUART
BENOÎT LACHAMBRE
HAHN ROWE
création
Forgeries, love and other matters
EMMANUELLE VO-DINH
Croisées
création
AU THEATRE DE LA BASTILLE
OLGA MESA
création
création
On cherche une danse
AU C.N.D DE PANTIN
EMMANUELLE HUYNH
NATHALIE PERNETTE
Heroes
Solos
création
Programmes susceptibles d’être modifiés
création
création
DANSE
AU THEATRE
DE LA VILLE
Sasha Waltz, ph. J. Sandeg
six et huit minutes) pour incursions vives au
fond des choses (la solitude, l’amour…),
Sasha Waltz persévère dans sa voie avec la
passion cruelle d’une femme sans illusion sur
l’humanité mais non sans amour. « Au fond, je
ne fais jamais que ça dans mes spectacles :
regarder en face ce qui m’effraie ou ce que je
ne comprends pas. »
Jeanne Liger
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 19 AU 23 OCT.
Mathilde
Monnier
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE
MONTPELLIER LANGUEDOC-ROUSSILLON
Publique
9 danseuses
musique P.J. Harvey
CRÉATION
avec le Festival d’Automne à Paris
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 12 AU 16 OCT. ET DU 5 AU 9 AVR.
Sasha Waltz
SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ
Impromptus
CRÉATION
7 danseurs et 1 pianiste
musique Franz Schubert
22
Un geste chorégraphique charpenté par une
pensée limpide, des partis pris esthétiques
tranchés : l’œuvre de la chorégraphe allemande Sasha Waltz file droit. Ce qui ne l’empêche pas à chaque nouvelle pièce de relancer les dés sur un terrain imprévu. En
quelques années, elle est passée de feuilletons faussement réalistes comme Allee der
Kosmonauten (1996) dissection du quotidien
d’une famille ordinaire ou Zweiland (1997) bâti
sur le clivage entre les deux Allemagne, à des
fresques plus abstraites autour du corps (anatomique, sexuel, collectif) tout en conservant
son lyrisme coup de poing. Choc d’images
saisies à même le cru de la vie, mouvement
charnel nourri des singularités de ses interprètes, cette championne de l’improvisation
ne s’enferme dans aucun style mais impose
une veine existentielle fiévreuse qui prend
l’humain à la gorge. Après une série de
pièces lourdes, dont la plus récente Insideout
rassemblait dix-neuf danseurs et dix musiciens, Sasha Waltz a désiré resserrer sa quête
en renouant avec l’intimité d’un groupe de
sept danseurs. Pour la première fois, la
musique classique, et en l’occurrence les
Impromptus de Schubert, constitue le plancher de sa danse et de sa réflexion autour des
émotions. Formules musicales brèves (entre
Répétition de Publique : neuf femmes dansent
comme en boîte de nuit. Émotion, dépense,
petites transes… Lorsqu’elle évoque sa création 2004, Mathilde Monnier parle d’« une
approche non conceptuelle, mais sensitive du
mouvement » ou encore de « plaisir » et
« d’éveil au corps, de rapport premier » qui
animent les engouements adolescents pour la
danse. Ces notions se démarquent du
souvenir de gravité austère laissé par les
pièces Les Lieux de là 1, ou Déroutes 2.
La chorégraphe médite sur les recherches
des dernières années qui ont mené nombre
d’artistes « à mille lieues de ce que peut signifier le mot danse pour beaucoup de gens ».
Elle ne les renie pas. Mais du philosophe
Jean-Luc Nancy, elle sait lire aussi la réflexion
sur ce privilège de la danse qui est « de
représenter une pratique de tous et de
quelques-uns de telle manière qu’entre la
danse populaire ou la danse de boîte de nuit
et la danse chorégraphique, il y a une
communication discrète mais effective ».
Publique ne cherche certes pas à ramener la
danse populaire sur scène. Mais à faire émerger, chez ses interprètes de haut niveau,
savantes du corps et conscientes de leur
exposition, des strates du mouvement
enfouies, intimes, beaucoup moins contrôlées. La musique de P.J Harvey, rockeuse
actuelle, brute et sensuelle, chevillée dans
une féminité ardente et sans concession,
ouvrira des voies aux mémoires de gestes,
aux surgissements d’états.
Car Mathilde Monnier voit ce voyage dans
l’empathie de la danse, dans les projections
des spectateurs, leurs mouvements intérieurs,
leurs rejets, leurs reconnaissances, comme un
moment de partage intense, en prise sans
réserve, donc à effectuer pour elle avec
d’autres femmes.
Gérard Mayen
Les Lieux de là , en avril et décembre 1999 au
Théâtre de la Ville.
2
Déroutes, décembre 2002 hors les murs (Théâtre
de Gennevillers).
1
M. Monnier, ph. M. Coudrais
S. L. Cherkaoui, photos K. Van der Elst
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 4 AU 13 NOV.
Sidi Larbi
Cherkaoui
BALLETS C. DE LA B.
Tempus Fugit
CRÉATION
10 danseurs-chanteurs
et 4 musiciens du groupe Weshm
À LA RECHERCHE D’UN TEMPS COMMUN
La démarche de Sidi Larbi Cherkaoui –
découvert au Théâtre de la Ville avec sa première création Rien de rien – se développe en
grande complicité avec de remarquables
interprètes. Tous sont issus de différentes
cultures et horizons artistiques. Ensemble, ils
échafaudent d’étranges ouvrages : boy’s
band médiéval dans d’avant, opéra médiévocontemporain dans Foi, œuvre magistrale
interrogeant les convictions de chacun à travers d’impressionnantes images orphiques.
Induits par une perspective musicale qui
intègre musiques savantes, chant et danse,
les spectacles du jeune chorégraphe belge et
marocain réagissent avec finesse aux sujets
les plus actuels.
Comme son titre latin le laisse entendre,
Tempus fugit, nouvelle création, s’intéresse au
temps, à ses différentes conceptions et à ses
bouleversements.
Chants corses, musiques marocaines, chansons du Sud et d’Afrique occidentale, donnent
à ce spectacle sa couleur méditerranéenne
où se réfléchissent ces instants rares qui
laissent à chacun un souvenir « éternel ». Le
chorégraphe joue avec les contrastes.
Rythme et répétition, lenteur et rapidité de la
danse font jaillir toutes sortes d’idées en
boucle, cherchant à faire du temps « un partenaire avec qui l’on peut danser, s’amuser,
savourer l’instant ».
Tempus fugit – nouvelle traversée spectaculaire où s’entrelacent voix et mouvement –
interroge la notion de tolérance et décortique
l’absurdité des Identités meurtrières*. Ce faisant, Larbi Cherkaoui met en scène un paysage forgé d’humanités composites. Sertie
d’humour, cette ballade chorégraphique
délivre un formidable message d’espoir et
rappelle entre autres que « le temps ne respecte que ce qui se fait avec lui ».
Irène Filiberti
* Titre d’un livre d’Amin Maalouf, cité pour la création
de Tempus fugit.
23
Akram Khan, ph. A. Tanveer
Jan Fabre, ph. X. DR
W. Vandekeybus, ph. C. Van der Brught
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 16 AU 20 NOV.
CRÉATION
Akram Khan
AKRAM KHAN DANCE COMPANY
Ma
7 danseurs, 3 musiciens
Étonnant mélange de détermination et de
séduction qu’Akram Khan ! Dès qu’il apparaît
sur scène en solo, on tombe sous le charme
de sa grâce fluide qui sait créer un contact
immédiat avec le public. Né à Londres de
parents venus du Bangladesh, ce danseur et
chorégraphe, interprète hors pair de kathak,
s’affirme comme l’obstiné artisan d’un alliage
tradi-contemporain solide. Depuis cinq ans, il
impose une danse insolite nervurée par l’écriture millénaire du kathak. Ce style classique
du nord de l’Inde, rythmé par des claquements de pieds sonores et véloces, rivalise
d’intensité dans des pirouettes stoppées en
plein élan. Cet appétit contrôlé pour la vitesse
et le vertige, qui rapproche le kathak de la
danse des derviches tourneurs, fait le suc
d’une quête personnelle blindée par un
apprentissage pluridisciplinaire. Pour sa prochaine création intitulée Ma, il s’allie avec un
écrivain dont le talent fait déjà fantasmer sur
l’œuvre à venir : il s’agit d’Hanif Kureishi,
auteur de My beautiful laundrette et du non
moins cultissime Le Bouddha de banlieue.
Après avoir coalisé les forces du plasticien
Anish Kapoor et du musicien Nithin Sawhney,
tous deux figures de la scène anglo-indienne,
dans Kaash, Akram Khan élargit la brèche
autour de questions de fond : que devient la
terre si personne ne la nourrit ? ne l’arrose ? ne
la pleure ? ne témoigne de sa beauté ? Sept
danseurs et trois musiciens tenteront de trouver des réponses chorégraphiques à cette
riche histoire de semence aussi matérielle que
spirituelle. Akram Khan vient d’être nommé
artiste associé au Royal Festival Hall de
J. L.
Londres.
24
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 23 AU 27 NOV.
CRÉATION
Jan Fabre
TROUBLEYN
The Crying body
8 danseurs-acteurs
LA SATURATION ET LE DÉRÈGLEMENT
À la domestication de l’homme en animal
docilement social, Jan Fabre préfère depuis
toujours la verve tumultueuse des corps en
excès. Ce que la raison, religieuse ou scientifique, n’a pu totalement éradiquer dans l’être
humain, éternel barbare en puissance, revient
dans ses spectacles avec le bellicisme exalté
d’une nature refoulée. Car la beauté est, pour
l’artiste flamand, une guerre incessante contre
les canons de l’ordre moral. Taillant à vif dans
la chair des conventions, il atteint ainsi une
plastique de la saturation et du dérèglement.
Protéiforme, toute son œuvre est exaltée par
cette mise à vif. Dès ses premières performances, au sortir de l’Académie royale des
beaux-arts d’Anvers, il met en scène son
propre corps, objet et sujet d’un théâtre des
limites. Pour Jan Fabre, Jérôme Bosch
contemporain, passionné d’entomologie et de
Moyen Âge, les mystères du corps sont l’inépuisable matrice d’obsessions fiévreuses et
insomniaques qu’il cisèle en alchimiste
orfèvre. Dans la veine de ses précédents
opus (de Sweet Temptations en 1991, à Je
Jean-Marc Adolphe
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 30 NOV. AU 4 DÉC.
Wim
Vandekeybus
ULTIMA VEZ/TONEELGROEP AMSTERDAM
Sonic Boom
texte Peter Verhelst
8 danseurs et 3 acteurs du Toneelgroep
Amsterdam
PUISSANCE D’ÉCLATEMENT
C’est un nouveau Wim Vandekeybus que le
public du Théâtre de la Ville va découvrir avec
Sonic Boom. Dix-sept ans après la création de
What the body doesn’t remember, qui a
propagé dans le monde entier une danse
hyperphysique et chargée en adrénaline, le
chorégraphe d’Ultima Vez intègre pour la première fois dans son travail trois acteurs du
Toneelgroep Amsterdam, Kitty Courbois, Joop
Admiraal et Titus Muizelaar. Adepte des corps
en état de fougue, puis d’un onirisme fiévreux,
Vandekeybus rôde depuis quelque temps
déjà autour des vertiges du verbe, après avoir
éprouvé ceux de l’image. Sa rencontre avec
l’écrivain Paul Bowles, voici quelques années
à Tanger, semble lui avoir inoculé le virus de la
fable poétique ; et c’est avec Peter Verhelst,
auteur flamand contemporain, que s’est tissée
la nervure de Scratching the Inner Fields et
Blush, ses deux dernières créations. Enfin,
dans It, solo conçu pour et avec Sidi Larbi
Cherkaoui, un âne racontait une histoire.
Une narration, aujourd’hui, est forcément polyphonique, fragmentaire et hétérogène. Pour
Sonic Boom, c’est à nouveau un texte de
Peter Verhelst qui dessine le fil sur lequel vont
se tenir les corps funambules du théâtre et de
la danse. La rencontre de fortune entre un
homme et une femme, dans l’attente d’un
embarquement, quelque part dans la nuit d’un
port, scelle une puissance d’éclatement. Entre
l’arrimage de la rencontre et la partance qui
va larguer bien des amarres, voici l’espacetemps fugace où vont se déchaîner, en un ultime ressac, la violence et l’amour, la mort et le
souvenir. Ephémère et torride. Et remugle
aussi : Wim Vandekeybus et Peter Verhelst
savent bien que toute histoire est hantée par
un bruit de fond, qui cogne quand il remonte
à la surface. Dans Sonic Boom, cette sourdine
est celle d’une radio nocturne, sur laquelle
éructe un DJ agressif et manipulateur, le chanteur David Eugene Edwards, du groupe 16
Horsepower. Aux côtés des danseurs d’Ultima
Vez, les comédiens du Toneelgroep donnent
une épaisseur inattendue à cette chorégraphie de l’agonie. Le nouveau Vandekeybus
est heureusement resté insomniaque.
J.-M. A.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
DU 7 AU 11 DÉC.
Marco Berrettini
*MELK PROD.
No Paraderan
CRÉATION
8 interprètes
avec le Festival d’Automne à Paris
L’ENVERS DU RIDEAU
Cela sonne comme un étrange cri de barricade : « Ils ne défileront pas ». Serait-ce une
référence au célèbre « No pasaran » des
républicains espagnols en 1936 ?, un écho à
l’annulation des festivals de l’été dernier en
vertu de la défense du statut des intermittents ? Une évocation des nombreux projets
chorégraphiques stigmatisés par la presse
sous le label « non-danse » et structurés sur
le mode du défilé ? Allez donc savoir avec
Marco Berrettini !
De source sûre pourtant, on peut avancer que
le chorégraphe, expert en ascèse critique et
fan de son temps comme de disco – en
témoigne son épatant Sorry, do the tour * ! –
s’intéresse désormais à la modernité en
danse à travers une œuvre mythique, Parade,
créée en 1917 par Massine pour les célèbres
Ballets russes (livret de Cocteau, rideau de
scène peint par Picasso). Le dictionnaire de la
danse, autre passion de Marco Berrettini (voir
son spectacle Petits Roberts) présente
Parade dans son contexte : « Créée en pleine
guerre, la pièce est accueillie comme une provocation par le public pour son parti pris de
légèreté. ».
Avec de fameux complices, huit interprètesinventeurs maniant magistralement l’autodérision et l’humour corrosif, le chorégraphe
évoque cette création qui ne manque pas
d’air : « Si le spectacle original des Ballets
russes pouvait encore proposer une parade
aux événements sociaux des années 20, No
Paraderan aura du mal à se défendre des
pressions ambiantes ». Aussi a-t-il confié la
réalisation du fameux rideau au plasticien Jan
Kopp.
Glissant comme un frisson entre passé et présent, la nouvelle pièce de Marco Berrettini distille ses drôles de réflexions autour de l’art et
I. F.
du spectacle.
* Présenté du 11 au 15 mars 2003, aux Abbesses.
M. Berrettini, ph. X. DR
suis sang, dix ans plus tard), sa prochaine
création, The Crying body, avec huit acteursdanseurs, devrait cette fois-ci puiser aux
« larmes du corps » : « les larmes et la transpiration, ces sécrétions que le corps produit
lorsqu’il est heureux ou malheureux, anxieux ou malade, lorsqu’il fournit un effort ou
éprouve un désir sexuel. Comment le corps
réagit-il face au danger ? Face à une menace,
à une attirance soudaine, à la douleur, à un
effort extrême ? ». Bien loin de l’écriture neutre
d’un « pleurer sans larmes », Jan Fabre ne
retient pas l'émotion. Tout au contraire, il lui
lâche la bride et l’exacerbe, en peintre
hérétique.
25
Jan Lauwers, ph. Enguerand
T. Hauert, ph. I. et J. Cieslikowscy
régraphique tandis que les talentueux
danseurs de la compagnie « laissent le corps
créer l’inimaginable ». Car le désir et le plaisir
d’inventer ensemble sont l’un des éléments
fondateurs des pièces de Thomas Hauert.
I. F.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 8 AU 12 FÉV.
CRÉATION
Jan Lauwers
NEEDCOMPANY
La Chambre d’Isabella
9 interprètes
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
DU 1er AU 5 FÉV.
CRÉATION
Thomas Hauert
ZOO
création 2004
26
6 danseurs
LIBRES D’INVENTER
Chez Thomas Hauert, la mise en jeu des
corps reste étroitement liée à l’environnement
musical et sonore. Sans qu’on y prenne garde,
les gestes du jeune chorégraphe suisse-allemand installé en Belgique, s’épanchent au
gré du souffle et des mots. Ils suivent
d’étranges parcours, nous entraînent vers de
tendres ballades, développant différentes
visions abstraites. Ce travail rigoureux n’est
pourtant pas dénué de sensibilité, avec ses
modulations délicates qui articulent voix et
mouvement, solos et compositions de groupe.
Interprète chez Anne Teresa De Keersmaeker
de 1991 à 1994, Thomas Hauert est entré en
chorégraphie à la fin des années 90, favorisant la recherche sur le mouvement et l’improvisation. Depuis Cows in Space (1998), en
passant par Jetzt (2000) ou bien encore
Verosimile, le chorégraphe approfondit avec
sérénité sa démarche. Ressentir physiquement les qualités du son, interroger ordre et
chaos, convention et liberté au cœur même
de l’écriture et du mouvement. Ces questions
se prolongent dans sa prochaine création
envisagée à partir des sombres chants russes
d’Alfred Schnittke, les Psalms of Repentance.
Les recherches du compositeur sur les sonorités et les couleurs, inspirent la matière cho-
UN PUZZLE ÉTOURDISSANT
Constamment soutenu par le Théâtre de la
Ville depuis son tout premier spectacle à la
tête de la Needcompany, voici seize ans, Jan
Lauwers est enfin invité cet été au Festival
d’Avignon. Juste consécration pour un artiste
que l’on peut tenir pour l’un des metteurs en
scène les plus importants du théâtre contemporain. Et ce ne sont pas les récentes présentations du Needlapb à Paris qui pourraient
venir démentir cette certitude. En exposant,
texte à l’appui, le plan de travail sur lequel
s’élabore la création de La Chambre
d’Isabella, Jan Lauwers et sa kyrielle d'époustouflants interprètes (dont la prodigieuse
ogresse Viviane De Muynck) ont une fois de
plus subjugué. Est-il utile de redire ici l’acuité
de ce « théâtre de friction », physique et
visuel autant que littéraire, qui puise polyphoniquement parmi toutes les ressources
expressives pour polir l’intarissable matière
des histoires, des désirs et de leurs empêchements, qui nous constituent en tant
qu’humains ? Lignes de corps et essences
narratives entrent en résonance dans cet
étourdissant puzzle scénique. En entrant dans
La Chambre d’Isabella, peuplée de fétiches
anthropologiques, on parcourt le siècle achevé, en sa monstruosité guerrière, ses aventures coloniales, mais aussi en sa puissance
d’émancipation, dont les amants d’Isabella,
du plus vieux au plus jeune, sont la fougueuse
ligne de vie. Et cette ligne est forcément insolente, moqueuse, rieuse, cruelle, tendre,
nostalgique, intimement politique et poétiquement épique. Rien n’est asséné, tout est délivré au gré d’un récit acéré et de ses digressions labyrinthiques. De l’isolement (une île,
un phare) au tout-monde (l’Afrique rêvée, les
traces de cultures englouties), la scène est ici
le lieu d’une insatiable voracité d’expérience.
Le tout avec la grâce de s’amuser des vicissitudes sans lesquelles la vie n’est rien. Il faut
prendre le metteur en scène au sérieux lorsqu’il annonce « une comédie musicale tra-
B. Montet, ph. A. Monot
scène une transmutation éclatante et les faire
basculer dans le camp de ceux à qui elles
n’étaient pas destinées. À une vision manichéenne de l’humain, Robyn Orlin oppose la
complexité d’une pensée souple et guerrière
qui n’a de cesse de rééquilibrer la balance du
J. L.
monde grâce au théâtre.
R. Orlin, montage R. Orlin
gique ». Le spectacle est dédié à un ami
assassiné en Somalie en 1991 et au père de
Jan Lauwers, décédé l’an dernier, dont le prénom – Felix – est rappelé comme un viatique
pour le bonheur. Sans doute la vie est ainsi
faite, souvent, que le bonheur s’échappe toujours. Mais toute l’énergie contenue dans La
Chambre d’Isabella rend justice à cette
injonction de Georges Bataille : « Il faudrait
que l’existence soit autre chose que la remise
J.-M. A.
à plus tard de l’expérience ».
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 15 AU 19 FÉV.
CRÉATION
Robyn Orlin
When I take off my skin
and touch the sky with
my nose, only then can
I see little voices amuse
themselves 6 danseurs-chanteurs
Robyn Orlin n’a pas froid aux yeux. Rien que
les titres de ses spectacles, toujours à rallonges, indique le ton étrangement détaché et
offensif de la chorégraphe sud-africaine.
Paradoxalement, lorsqu’on évoque par
exemple Daddy, I’ve seen this piece six times
before and I still don’t know why they’re hurting each other, fresque ravageuse sur la
métamorphose des petits canards noirs en
superbes cygnes blancs, on se contente
aujourd’hui de dire Daddy tout court. Pour son
nouvel opus, Robyn Orlin hésite entre trois
titres à tiroirs. Elle a momentanément élu
When I take off my skin and touch the sky with
my nose, only then can I see little voices…
Restons-en là. Pour cette femme dont la générosité spectaculaire n’a de sens que taillée au
cordeau d’idées affûtées, il n’est pas question
de jeux de mots mais de trouver le ton juste,
les nuances mêmes de l’esprit de la future
pièce. Après avoir essoré le mythe de Faust,
elle s’attaque à l’opéra occidental et déporte
ses grands airs chantés par tout un chacun
quels que soient son origine, son pays, dans
le contexte de l’Afrique du Sud. Comment
cette tradition musicale élitiste résistera-t-elle
au regard ironique des populations noires en
pleine quête identitaire ? Quelle est la stabilité
d’une forme artistique aussi ancienne lorsqu’on la transplante ailleurs ? Une fois de plus,
Robyn Orlin s’approprie les œuvres symboliques de l’art occidental pour en opérer sur
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 30 MARS AU 2 AVR.
CRÉATION
Bernardo
Montet
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE DE TOURS
Parcours 2C (Vobiscum)
9 interprètes, 2 musiciens
UN POÈME DE CHAIR
Danseur d’exception, nouvellement nommé à
la direction du Centre chorégraphique national de Tours, Bernardo Montet a fait ses
débuts de chorégraphe après des années de
complicité artistique et de nombreuses créations réalisées en tandem avec Catherine
Diverrès. Dès ses premières pièces*, il interroge le monde, en particulier sa violence, à
partir du corps, de sa propre histoire, intime,
et de ses multiples cultures.
Dans Parcours 2C (Vobiscum), sa dernière
pièce créée, comme à son habitude, avec des
interprètes de différents pays : Kenya, Grèce,
Italie, Côte d’Ivoire, Maroc, Israël, ainsi que
deux acteurs handicapés mentaux de la
compagnie Catalyse installée à Morlaix, il met
en scène un énigmatique poème de chair qui
interroge les convictions de chacun autant
que la montée des intégrismes.
Nulle compassion dans ce parcours au raffinement intense, composé de quatorze stations, scandé par la dramaturgie musicale de
Robert Piéchaud, compositeur et pianiste
accompagné en scène par le trompettiste
Sylvain Gontard. Recherche harmonique qui
creuse l’espace et le corps des sons, entre
silence, souffle et vibrations. Avec des inter-
27
prètes immobiles ou exultants, mêlant voix de
récitant, postures de recueillement et supplications abstraites, Bernardo Montet extrait la
pulpe d’images paradoxales, inspirées entre
autres des peintres de la Renaissance italienne, faisant de cette marche insensée, de
ces poses en tension aux multiples références
christiques et chamaniques, une œuvre
magistrale en bascule entre deux mondes.
I. F.
B. Montet, ph. A. Monot
* Opuscules présenté hors les murs à l’American
Center en 1996, Issê Timossé en 1997 et Dissection
d’un homme armé présenté au Théâtre de la Ville en
2000.
de chorégraphier avec succès pour deux
grands ballets néo-classiques, du Grand
Théâtre de Genève et le Gulbenkian de
Lisbonne.
« Organiquement organisé » : ainsi définit-il
son mode d’écriture, jamais préconçu, mais
issu du développement exigeant d’un mouvement qui serait apte à réfléchir consciemment
sur lui-même. Un mouvement rare, captivant,
magnétique. Dans sa création 2005, on
retrouvera Jean-Pierre Bonomo comme l’un
de ses interprètes emblématiques, en tant
qu’« artiste sachant réfléchir avec son corps,
plutôt que danseur ».
Avec les autres interprètes de cette grande
pièce, il se confrontera au retour à un dispositif scénographique en lieu et place du plateau
nu. De quoi négocier des appuis, souligner
des présences, affirmer les actes d’une danse
qui deviendrait plus concrète sans pour
G. M.
autant se faire théâtrale.
1
Présenté au Théâtre de la Ville en novembre 2003.
Présenté au Théâtre des Abbesses en mai 2001.
Gilles Jobin, ph. A. Bett/Espetaculum. Ballet Gulbenkian
Josef Nadj, ph.T. Thibaudeau
2
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
DU 12 AU 16 AVR.
28
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
CRÉATION
DU 19 AU 26 AVR.
CRÉATION
Gilles Jobin
Josef Nadj
création 2005
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL D'ORLÉANS
4/5 danseurs
Lorsqu’il montre une pièce au Théâtre de la
Ville, Gilles Jobin estime qu’il est accueilli
dans « le meilleur théâtre de danse du
monde ». À pareille hauteur de défi, sa précédente création, Under construction 1, avait
atteint un niveau ultime de dépouillement,
quant à la définition de ce qu’est la danse : au
final, on vit ses interprètes se dissoudre lentement sous le tapis de scène.
Depuis qu’il l’évoqua pour Moebius strip 2, on
se souvient fort que ce chorégraphe suisse
eut pour père un peintre du courant de l’abstraction géométrique. Car on lui trouve cette
attitude de mise en œuvre systématique de
principes de composition rigoureux. Mais l’art
chorégraphique, avec son medium corps projeté dans les trois dimensions, trouve alors
une vigueur paradoxale par une sorte d’évidence non évidente de l’acte de danse. À ses
débuts, Gilles Jobin poussa très loin la
déconstruction de cet acte. Il considère cette
période aujourd’hui définitivement révolue :
« Je n’ai plus aucun problème à m’investir
dans la production du mouvement, y compris
de haut niveau technique » assure-t-il, venant
Poussière de soleils
en hommage à Raymond Roussel
12 danseurs
Il y a des phrases qui restent inscrites dans la
mémoire. Celles par exemple du chorégraphe
Josef Nadj évoquant la violence de l’homme et
la nécessaire reconnaissance de ses pulsions
les plus sombres. « La violence existe en chacun de nous et il nous faut explorer notre
propre mystère avec courage en sachant qu’il
n’y a pas de fin dans le dévoilement de notre
profondeur. » Depuis la création de sa
compagnie en 1987, le chorégraphe d’origine
hongroise, né en ex-Yougoslavie, n’a cessé de
composer le puzzle d’une identité masculine
chavirée, articulant la volonté et la fatalité sur
une ligne de crête tragique-burlesque.
Burlesque évidemment un peu acide dont les
traits accusent la silhouette d’un homme
voûté, un peu bancal, qui soudain se métamorphose en interprète ondulant. Pour danser
sa vie, sa mémoire, Josef Nadj s’est d’abord
appuyé sur l’histoire haute en couleur de son
village, Kanjiza, dont il a opéré sur scène une
relecture mythique. Dans son labyrinthe inté-
F. Verret, ph. Enguerand
rieur, il accueille depuis quelque temps des
écrivains (Franz Kafka, Bruno Schulz) dont la
complicité le stimule et le conforte. Pour
Poussière de soleils, il trimballe dans ses
poches toujours déformées par les livres,
l’œuvre de Raymond Roussel (1877-1933)
dont le fameux Impressions d’Afrique. Au-delà
de la pureté de l’écriture, Josef Nadj avoue sa
fascination pour la vie extravagante de l’écrivain et ses insuccès répétés pour faire de ses
écrits des réussites théâtrales. Ce qui ne l’empêcha pas de persister. Conduite à risques,
conduite d’échecs, jusqu’à sa mort par intoxication aux barbituriques (suicide ?). Comme
Raymond Roussel, Josef Nadj aime les mysJ. L.
tères et jouer aux échecs.
F. Verret, dessin V. Fortemps
THEATRE DE LA VILLE • TARIF EXCEPTIONNEL
DU 3 AU 15 MAI
CRÉATION
Pina Bausch
TANZTHEATER WUPPERTAL
création 2004
résidence au Japon
Pina Bausch, L. Philippe
Fructueuse idée que celle de mettre à profit
les tournées internationales de sa compagnie
pour s’installer en résidence dans différentes
grandes villes du monde. Depuis vingt ans,
Pina Bausch ne se contente pas de croiser le
public de Rome, de Rio ou de Hong-Kong.
Elle plonge pendant trois semaines dans le
concret de la vie quotidienne des gens et partage aussi, le temps de rencontres informelles, les réflexions des artistes les plus
fameux de chaque ville. Intelligence souterraine de ces rapports de proximité tissés à
même la fibre populaire et intellectuelle de
chaque capitale étrangère. Ces séjours de
création, véritables leviers pour l’imaginaire,
illustrent avec finesse le double visage d’une
œuvre nourrie d’humanité au sens large. Sa
nouvelle étape de voyage a emmené la chorégraphe et son Tanztheater à Tokyo. On rêve
sur la façon dont Pina Bausch s’est appropriée cette mégalopole proliférante dont les
avenues ultramodernes jouxtent des ruelles
sombres cernées de maisonnettes en bois
brun, les temples cousinent avec les centres
commerciaux, le brouhaha urbain avec le bruit
des grillons. On a hâte de contempler sur
scène cette métamorphose toujours insolite
que Pina Bausch et ses danseurs font subir
aux curiosités rapportées de leurs pérégrinations. Lors de ce voyage, Pina Bausch était
comme à son habitude accompagnée par
Thomas Erdos, complice et ami de longue
date, mort en février. Ce fut son ultime périple
avec une chorégraphe dont il a contribué à
faire partager la singularité et le talent quasi
alchimique de raconter la vie en la faisant
J. L.
passer pour une œuvre d’art.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 24 AU 28 MAI
CRÉATION
François Verret
COMPAGNIE FRANÇOIS VERRET
Not a way
6 interprètes
d’après William Faulkner
Sur quelles fondations reposent les ÉtatsUnis ? Le génocide des Indiens, l’esclavage
des Noirs, la guerre civile. Sous les récits raisonnés qu’on peut en produire, quelque
chose se joue, de plus profond, qui déborde
et ne renonce pas. Pour sa nouvelle pièce,
Not a way, François Verret se tourne vers
Absalon, Absalon ! de William Faulkner. Mais
ce n’est pas principalement l’histoire du Sudiste Thomas Sutpen qu’il y lit. Ce qu’il y
perçoit, c’est la force au travail qui pousse
successivement Quentin, Miss Rosa ou
Mr Compson, à tenter de dire cela, chacun à
sa façon, se risquant dans les méandres de
l’indéterminé où des fantômes se cognent
qu’il faut mettre en mouvement par ce dire
même, sans quoi toujours ils reviendront. Not
a way, puisqu’il n’y a donc pas qu’un seul
chemin et puisqu’une vérité ne consistera
qu’à se raconter des histoires sur les histoires
que se racontent les autres, dont le célèbre
écrivain américain.
Kaspar Konzert * ou Chantier Musil * ont montré de grandes architectures chorégraphiques
qui renvoient au spectateur les regards multiples par lesquels il est libre de recréer sa
propre histoire, flottante, saisissante, jamais
close. S’y croisent, sans se heurter, s’y
cherchent, s’y frôlent et s’y échappent, des
subjectivités éminemment singulières, forgées
au souffle de l’intuition, à l’ombre des héritages de chacun des artistes, comme au jour
d’un laboratoire de rencontres. Délicatement,
mais avec fulgurance, les talents spécifiques
des danseurs, comédiens, artistes du cirque,
plasticien, et musicien strient la matière dynamique d’une poésie de l’espace habité.
Passé maître en cet art qui subjugue les spectateurs, François Verret se soucie aussi de ris-
29
Wayn Traub, ph. D. Monkhorst
quer de nouvelles rencontres comme autant
de nouvelles pratiques. Parmi lesquelles la
contorsionniste Angela Laurier, qui déplace
son art au-delà des prouesses, ou la clarinettiste Carole Robinson, Américaine du Sud, au
travail sur la langue comme sur un rythme
inouï. Chez François Verret, le plateau n’est
jamais voué à une narration linéaire. Il donne
à vivre l’expérimentation d’une simultanéité
G. M.
vertigineuse.
Wayn Traub, Maria Dolores, ph. P. Deprez
* Kaspar Konzert, présenté en novembre 1998 et
octobre 1999 au Théâtre de la Ville. Chantier Musil,
présenté en novembre 2003. Également Bartleby en
novembre 2000 et février 2002.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
DU 31 MAI AU 4 JUIN
CRÉATION
Wayn Traub
HET TONEELHUIS
Jean Baptiste 3 interprètes + film
30
RITE D’EXORCISME
On n’en a décidément pas fini avec le sacré et
ses reliques. Admettons : bien que catholique
de baptême (c’est un exemple, mais il a ici
force d’évidence), vous ne fréquentez plus les
églises depuis belle lurette, gardez vos
péchés pour vous-même et avez oublié jusqu’aux paroles du Notre Père. Vous n’allez pas
au théâtre comme on va à la messe, et pourtant, vous y retrouvez un jour la Vierge Marie
et le mystère de la Conception (immaculée ou
pas ?), une Mère supérieure et Dieu dans tout
ça. Bref, vous buvez le calice jusqu’à la lie. Ce
fut Maria Dolores, première rencontre avec un
étrange garçon au visage d’ange, Wayn
Traub. En Belgique, on l’a déjà catalogué
« curé des arts » ! Nulle bigoterie pourtant
chez cet artiste malin en diable, qu’admirent
aussi bien Jan Fabre qu’Alain Platel (un
exploit, tant ces deux-là ont peu de choses en
commun). Wayn Traub, créateur polymorphe.
Études d’art, de cinéma, d’anthropologie et de
théâtre. Mais comment réconcilier la découverte d’Artaud et de Grotowski avec les
années d’enfance passées dans un internat
catholique flamand, à l’ombre de la Bible tutélaire, et que l’on porte en soi de surcroît une
histoire un peu compliquée, avec une mère
schizophrène et un grand-père condamné
pour inceste et pédophilie ? Cela fait pas mal
de fantômes à gérer… Wayn Traub (son nom
d’artiste est l’exact patronyme de sa mère,
coupé en deux) a fait du théâtre son rite
d’exorcisme, qu’il a d’emblée placé sous l’injonction d’un « Manifeste du théâtre de l’ani-
malité » ! Après quelques performances,
Maria Dolores est son premier grand spectacle : un chef-d’œuvre. On n’a pas le souvenir d’avoir jamais rien vu de tel : un théâtre
psalmodié et chanté par deux actrices, une
iconographie moyenâgeusement crépusculaire, et surplombant le tout, un film de
long métrage absolument délirant, qui enchevêtre la fiction et le réel, le mythe et le présent,
dans un extraordinaire labyrinthe où aucun fil
ne se perd tout à fait. Il y a assurément du
Godard chez ce Wayn Traub qui arrive tout
naturellement au Théâtre de la Ville avec un
deuxième opus, Jean Baptiste. Le héros
biblique revient ici sous les traits d’un « chanteur prophétique et engagé », à l’allure androgyne, « qui prêche l’espoir et l’amour d’une
manière personnelle, en évoquant les thèmes
de l’amour impossible, de la mort inéluctable
et de la beauté de la belle aimée » ! Ultime
précision : Wayn Traub ne fait rien à moitié.
Les chansons du spectacle sortiront en CD
(une tournée est même prévue), et les vidéoclips de Jean Baptiste deviendront ultérieurement un vrai film.
J.-M. A.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 7 AU 11 JUIN 1er PROG.
CRÉATION
Anne Teresa De
Keersmaeker
ROSAS
A love supreme raga for
the rainy season 12 danseurs
musique raga-s indiens, John Coltrane
Explorer l’inspirante rencontre entre la
musique populaire la plus savante d’Occident
– le jazz – et la musique savante la plus popu-
laire d’Orient – la musique classique indienne.
Miles Davis, John Coltrane avec India, Ornette
Coleman, infatigables défricheurs, s’y étaient
frottés en leur temps, mus par cette manière
commune de construire sur le mode improvisé
au départ d’un thème autour duquel on
tourne, au fil d’un rythme qui se déroule. Avec
Rosas, Anne Teresa De Keersmaeker veut
poursuivre le travail d’improvisation amorcé
dans Bitches Brew et développé dans les
coulisses de Kassandra. Elle choisit de
confronter deux monuments émotionnels de la
musique dévotionnelle, portés par le souffle
vocal ou instrumental : un raga pour la saison
des pluies, Raga for the Rainy Season, chanté par Sulochana Brahaspati et le mythique A
Love Supreme de John Coltrane. Tous deux
offrandes sensuelles et mystiques… Elle rappelle les partenaires artistiques qui avaient
accompagné les naissances de Just Before
(1997), Drumming (1998) et Rain (2001) : Jan
Versweyveld, pour les éclairages et le décor,
et Dries Van Noten pour les costumes.
De huit ou neuf danseurs, essentiellement
féminins, pour le Raga Mian Malhar de cette
amante qui attend son aimé et dont le cœur
bat la nuit au rythme des éclairs qui déchirent
le ciel, elle passera à quatre (2 femmes, 2
hommes) pour l’action de grâce musicale de
Coltrane qui tire sa charnelle élévation d’un
brassage fervent de polyrythmies africaines,
jazz modal, folk music, free jazz, bebop, blues
et gospel. Fragilité, don, abandon, profonde
méditation et ode à la vie, les danseurs tels
des « intercesseurs » de l’ordre du bonheur,
louvoient quelque part entre la terre et ses
souffrances, et le ciel qui les transcende… La
danse pour rendre cette grâce. Le corps pour
la ciseler d’humanité.
DU 15 AU 18 JUIN 2e PROG.
CRÉATION
Anne Teresa De
Keersmaeker
ROSAS
solos – duos – trio
Anne Teresa De Keersmaeker,
Marion Ballester et Salva Sanchis
musique raga-s indiens, John Coltrane
2 + 1 + 3 + 1 + 2 : une suite de solos, duos
et trio pour trois danseurs, Marion Ballester,
Salva Sanchis et Anne Teresa De
Keersmaeker. En leur corps, la quête d’un
nouveau vocabulaire mu par l’antinomie et
taraudé par l’harmonie : directions contrariées, spirales opposées… Trois pour se
distinguer et s’unir ; pour se danser soi et par
l’autre ; pour être ensemble et danseur et chorégraphe ; pour que, d’une forme à l’autre, se
propage le mouvement… Confronter la naissance singulière de petites entités à la croissance exponentielle de leur progression, pour
offrir un tout équilibré, graduellement contrebalancé. Sa respiration ? La musique indienne. Son heure ? La quiétude intime de la
nuit. Son sol ? Une légère poussière d’argile,
ambrée comme le miel. Sa couleur ? De l’orangé flamboyant à la blancheur éclatante. Ses
lumières ? Latérales.
Par la musique, dit-on, Brahma créa l’univers :
cosmos né du son ou musique née du cosmos ? Microcosme, l’homme dans ce macromonde, tel un intercesseur. Anne Teresa De
Keersmaeker puise encore ici dans son
souffle : voix céleste de Sayeeduddin Dagar
pour le duo de Desh ; duo de flûtes de bambou (bansuri) modulé par la maître Hariprasad
Chaurasia et son fils Rakesh, pour son propre
solo (Flute Duet) qu’elle chorégraphie pour la
première fois en duo, avec Salva Sanchis ;
voix, flûte et tabla pour le Trio ; saxophone
soprano du plus spiritualiste des jazzmen,
John Coltrane, rendant ici hommage à la
musique indienne (India) pour le solo dansé et
chorégraphié par Salva ; avant le duo final,
renvoyant face à face Anne Teresa et Marion
Ballester. Autant de dominantes, vocale, mélodique ou percussive pour arpenter ici un
nouvel ordre du corps, infime et infini, un et
multiple.
C. D.
A. T. De Keersmaeker, ph. H. Sorgeloos
John Coltrane, ph. © Universal Music Group
Claire Diez
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
31
E. Huynh, photos M. Domage
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
DU 21 AU 24 JUIN
CRÉATION
Emmanuelle
Huynh
tourne mentalement, et librement, pour aborder ses pièces actuelles : « J’y reviens à une
certaine forme de récit, alors que fondamentalement je suis issue de la danse abstraite.
Ce que m’inspire le cinéma, ce sont les
contractions de temps, les juxtapositions de
plans, les ellipses, les rapprochements, etc. »
Cela convient à sa propre écriture chorégraphique qui est invention d’un lieu de circulations, frictions, infiltrations, plutôt que simple
production de mouvement ; qui revendique de
réfléchir son propos, ses projections, ses
implications, et de n’inscrire le geste qu’en
fonction de cela.
Ainsi Heroes combinera des voix, quatre ou
cinq. Ces voix suggèrent aussi des voies, des
parcours, des strates de fiction où les personnalités se nourrissent au croisement des
mémoires collectives et des imaginaires singuliers. D’un côté les traces des grands films
connus de tous, airs populaires ou textes militants qui mettent en mouvement, de l’autre
des héritages plus intimes, telle la double
langue avec laquelle ont grandi tant et tant
d’enfants de notre époque et de nos pays.
Nous sommes faits de tout cela, et la danse
s’élabore comme une expérience patiente,
prudente et émouvante d’une présence très
forte, extrêmement consciente, exigeante, à
l’espace. Emmanuelle Huynh aborde le grand
plateau du Théâtre de la Ville comme une
extension de l’inconscient, où le son se
déploie déjà comme une architecture chorégraphique, à peupler de présences saisies
par des zooms aussi bien que dans les plans
G. M.
larges.
COMPAGNIE MUA
Heroes
5 interprètes
avec le Centre national de la danse
32
« We can be heroes » chantait David Bowie
sur la bande son d’A vida Enorme/épisode 1,
d’Emmanuelle Huynh. Heroes est à présent le
titre de la pièce qui en prend la suite, pour le
Théâtre de la Ville. Y accède ainsi pour la première fois cette figure marquante des nouvelles tendances qui ont cherché à bousculer
le paysage chorégraphique français ces
dernières années. Au même moment,
Emmanuelle Huynh, qui ne dédaigne pas de
rappeler ses études de philosophie, vient
d’être placée par l’État à la tête de l’unique
école supérieure de danse contemporaine du
pays, le CNDC d’Angers.
Un peu comme s’il s’agissait de 7e art, on vient
d’écrire “bande son” à propos de Bowie. En
effet, c’est vers ce qu’elle perçoit de l’écriture
cinématographique qu’Emmanuelle Huynh se
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
DU 28 AU 30 JUIN
CRÉATION
Christian Rizzo
L’ASSOCIATION FRAGILE
Soit le puits était profond,
soit ils tombaient très
lentement, car ils eurent
le temps de regarder
tout autour
7 danseurs et 3 musiciens
avec le Centre national de la danse
Le projet de création 2005 de Christian Rizzo
a déjà plusieurs fois changé de nom. Qui se
soucierait d’un jeune dos mouillé ? s’est ainsi
transformé en Soit le puits était profond, soit ils
Christian Rizzo, ph. g.nox/fragile
NDLR : Et pourquoi pas : "bodymakers", "falbalas",
"bazaar", etc., etc. ? de Christian Rizzo, fut programmé au Théâtre de la Ville en février 2002.
DANSE
AUX ABBESSES
S. Shivalingappa, ph. C. P. Satyajit
tombaient très lentement, car ils eurent le
temps de regarder tout autour. Foin d’exégèse
de ces titres kilométriques, et laissons-nous
gagner par la résonance littéraire de ces
phrases où déjà on entend des “il”, on entend
des “nous”, qui racontent des mouvements,
une attitude – de danse ?
La traversée commence, conduite par un chorégraphe qui joua d’abord du rock, créa une
marque de vêtements, ne monta sur scène un
jour que par hasard, “performe” dans des
vitrines ou des galeries, sinon confectionne en
coulisses les costumes de pièces qui ne sont
pas les siennes, quand il se plaît à s’y glisser
comme « simple » danseur.
Tandis que les artistes observent le monde
pour créer des formes, Christian Rizzo renverse l’idée : « Les formes que je crée
m’aident à regarder le monde. Une pièce
existe toujours déjà, mais c’est le travail qui la
révèle ». On ne décrit donc pas un projet de
Christian Rizzo. On s’attend à le recevoir
comme le résultat façonné d’une intervention,
où il prône l’éloignement dans la perspective
du plateau.
Pour sa création 2005 au Théâtre de la Ville,
Christian Rizzo devrait réunir un groupe de
hard rock, ainsi rappeler une part de son
monde enfui, pour un spectacle de danse à
écouter, un concert à voir, misant sur la
puissance érotique du genre. Avec sept ou
huit danseurs de sa tribu, et l’irremplaçable
Caty Olive aux lumières, il concevra à nouveau sa pièce comme un événement plastique géant, possiblement divagant, autant
que chorégraphique.
Turbulent, il cite les Années folles du siècle
dernier, pour « leur grand brassage, extraordinairement vivant, ou rien n’était séparé ».
Puis songe un instant : « Je suis un romanG. M.
tique, mais un romantique éclairé ».
LES ABBESSES • TARIF A
26, 27, ET 30 OCT.
CRÉATION
Shantala
Shivalingappa
kuchipudi
Kuchipudi. À lui seul, le nom de cette forme
de danse – l’un des six grands styles classiques de la tradition indienne – exhale, dans
le roulis de sa sonorité, une saveur gouleyante
et parfumée. Toute une sensualité que l’on
retrouve dans le geste même du kuchipudi,
fluide, gracieux et dynamique. Shantala
Shivalingappa en avait fait découvrir l’attrayant bouquet au public du Théâtre de la
Ville en janvier 2000 puis en juin 2002. Elle
revient avec un nouveau programme où la tradition se nourrit d’une créativité renouvelée.
Sur une musique spécialement composée par
son maître, Vempati Chinna Satyam (auprès
de qui elle travaille régulièrement à Madras),
elle invente sa propre ornementation de l’inépuisable figure de Shiva, le dieu créateur de
la danse. « Ma gestuelle est imprégnée de
tout ce que j’ai fait par ailleurs », confie
Shantala Shivalingappa. Engagée toute jeune
par Maurice Béjart, elle a ensuite participé à
des créations de Bartabas, Peter Brook et
Pina Bausch, tout en poursuivant un mémoire
d’ethnologie sur le gurukoulam, mode de vie
traditionnel qui rassemblait jadis maîtres et
élèves durant le temps de l’apprentissage.
Initialement formée au bhârata natyam (sa
mère, Savitry Nair, en est une chorégraphe
réputée), elle a choisi l’art du kuchipudi pour
les contrastes offerts par cette danse : « C’est
une danse légère, bondissante, mais ancrée
dans le sol. Ondulante, toute en courbes, elle
n’en demeure pas moins basée sur une structure forte et rigoureuse ». Et c’est avec des
talents comme le sien que la plus ancienne
des traditions garde une fraîcheur intacte.
J.-M. A.
33
28, 29 OCT. 20H30 ET 30 OCT. 17H
Maria-Kiran
bhârata natyam
CRÉATION
Il reste heureusement en ce bas monde
quelques lieux où la frénésie de la nouveauté
à tout prix n’a pas totalement chamboulé les
esprits. Les danses de l’Inde portent ainsi en
elles un héritage multiséculaire qui se transmet de maître en maître, au fil des générations. Un art enraciné dans l’histoire des corps
et des mythes n’est pas pour autant immuable. Quels que soient les grands styles
qui composent sa palette, la « danse indienne » s’acquiert graduellement. Les élèves
doivent d’abord maîtriser les subtilités d’une
technique éprouvée, avant d’aborder les
nuances expressives qui vont colorer et singulariser les virtuosités patiemment forgées.
Vient ensuite le temps de l’invention, toujours
accompagnée par un maître qui prépare ainsi
la relève. C’est sur ce chemin de grâce escarpée que s’est engagée Maria-Kiran.
Formée au raffinement ornemental du bhârata
natyam, née en Inde mais adoptée en France,
elle a suivi l’enseignement de Yamini
Krishnamurti et Jamuna Krishnan à New Delhi,
dont elle interprétait les chorégraphies lors de
son premier récital au Théâtre des Abbesses,
en février 2003. Dans le spectacle qu’elle présentera la saison prochaine, elle combine
pour la première fois un répertoire traditionnel
et des compositions de son cru. La danse est
J.-M. A.
un éternel recommencement.
LES ABBESSES • TARIF C
LES ABBESSES • TARIF C
DU 30 NOV. AU 4 DÉC.
CRÉATION
Koen
Augustijnen
BALLETS C. DE LA B.
Bâche
4 danseurs
Steve Dugardin chant
Guy van Nueten composition,
arrangement musical, piano
34
K. Augustijnen, ph. L. Philippe
Maria-Kiran, ph. Enguerand
LES ABBESSES • TARIF A
Anglais, s’ils revenaient aujourd’hui, seraient
sans doute surpris (et peut-être même ravis)
de constater que leurs compositions s’adaptent sans coup férir aux virtuosités
contemporaines de la breakdance, des acrobaties du cirque et des contorsions du théâtre
dansé. Pour la commodité, on qualifiera Koen
Augustijnen d’enfant terrible, comme s’il était
effrayant, au jour d’aujourd’hui, d’aimer plusieurs choses à la fois et de les aimer pour ce
qu’elles sont, forcément ambivalentes. La
peur, par exemple. Peut-on ne pas en avoir
peur, l’apprivoiser, jouer avec, reconnaître ses
mécanismes ? Aimer se faire peur : drôle
d’idée… Mais en ces temps d’obsession
sécuritaire, où « la peur devient un état généralisé, irrationnel », seule l’énergie qui se
risque aux termes de l’inconnu peut dessiner
des territoires où la vie est susceptible de s’inventer hors des dispositifs de surveillance. « Il
faut un espace où les interprètes puissent se
rencontrer », note à juste titre Koen
Augustijnen. Comme si la scène du théâtre
n’était plus à elle seule un refuge suffisant, il
recouvre le plateau, avec la complicité du
scénographe Jean-Bernard Koeman, d’une
bâche verte. Et c’est de ce bivouac que
sourdent la musique et la voix (Guy Van
Nueten et Steve Dugardin, haute-contre), formidable cocon des éclosions bigarrées,
tumultueuses, inouïes, dont la danse entreJ.-M. A.
prend l’incessant chantier.
Dans To Crush time, on pouvait entendre Eli
De Vondel, à la guitare électrique, massacrer
Bach en toute beauté. Dans Just another landscape, la musique de Schubert s’acoquinait
aux airs nostalgiques et râpeux du fado. Pour
Koen Augustijnen, l’auteur de ces deux spectacles réalisés sous la houlette des Ballets C.
de la B., la vie est un sacré juke-box. Dans sa
dernière création, Bâche, ce sont Purcell et
Britten qui mènent la danse, et les délicats
DU 4 AU 8 JAN.
Boyzie
Cekwana
THE FLOATING OUTFIT PROJECT
Rona duo
musique live Thabani Sibisi
Ja, nee 8 danseurs
QUAND LES HOMMES ONT PERDU LEUR
FIERTÉ
Boyzie Cekwana est né en Afrique du Sud, à
Soweto, là où aux temps de l’apartheid, dans
l’illégalité, Robyn Orlin faisait travailler
ensemble des Blancs et des Noirs et fondait
une école. Issu de la nouvelle génération, le
jeune chorégraphe remporte dès 1995 différents prix internationaux. En France, il se fait
connaître avec Rona : « Nous » en langue
sotho. Une pièce raffinée, composée sur des
B. Cekwana, ph. A. Van Kooïj
musiques traditionnelles et créée en hommage à l’identité africaine. Rythmée par une
élégante lenteur, la gestuelle intègre des éléments rituels et premiers comme l’eau, la
terre, et des postures de corps issues de la
modernité évoquant le célèbre Faune de
Nijinski.
Changeant abruptement de cap, lui succède
Ja, nee dont le dispositif, ancré dans la nouvelle réalité sud-africaine mêle savamment
arts plastiques et théâtralité, création contemporaine et références traditionnelles pour stigmatiser les mutations sociales de l’ère postapartheid. Dans Ja, nee, Boyzie Cekwana met
en scène sept hommes et une femme seule,
marchant sur demi-pointe, traversant l’espace
comme sur un fil. Une façon d’interroger les
violences commises envers les femmes ou
encore certaines pratiques obscures qui incitent au viol d’enfants pour guérir du sida. Au
milieu des photographies de Val Adamson
représentant des hommes nus avec armes et
enfants, images accrochées sur des cordes à
linge ou projetées sur scène, les sept comédiens s’expriment en langue zouloue et xhosa,
chantent des prières, dansent aux rythmes
des marches de mineurs, se combattent entre
jeu de canne, jonglage et claquements de
mains.
À mi-chemin entre le cri et le chant, Ja, nee
reste une pièce sobre dont la puissance âpre
et sans concession donne un nouveau visage
I. F.
à la dimension tragique.
pièces, il reconstitue quelque chose de la
famille, au gré de foyers éclatés, de liens hésitants ou maladroits, de la beauté et de la difficulté simultanées de faire partie d’un même
groupe. Tout récemment, c’est autour de la
relation fictive entre un frère et une sœur, qu’il
a commencé à réaliser un court métrage,
Odeur de sainteté. Sa nouvelle création,
Almost dark, fouille à nouveau une part
d’ombre, en exposant des individus qui tentent de faire face à un cycle sans fin.
Comment faire avec la mémoire qui se transmet de génération en génération, et s’en
défaire aussi… Contre la langue de bois des
mots passe-partout, Hans Van den Broeck
parie sur une sorte d’innocence corporelle
pour faire émerger la part d’inconscient qui
joue en chacun dans son rapport au collectif.
Ainsi, observe t-il, « l’être humain est porté
vers le conflit, en dépit des efforts qu’il fait
pour l’éviter ». Ne pas masquer cette conflictualité des rapports humains, tendus entre le
sentiment de vide et la quête des places à
prendre : c’est à cette condition qu’Hans Van
den Broeck aime la danse-théâtre, parfois
plus efficiente à nous concerner qu’un long
traité de psychologie. Autour de lui, la
Française Carole Bonneau, le Suédois Palle
Dyrvall, le Belge Harold Henning, le Brésilen
Gustavo Miranda et la suédoise Maria Öhman
forment une petite communauté dont la devise
pourrait être : « l’humanité formant un tout,
personne n’est étranger ». Et pourtant…
LES ABBESSES • TARIF C
DU 11 AU 15 JAN.
CRÉATION
Hans Van den
Broeck
S.O.I.T.
Almost dark
6 danseurs
L’HUMANITÉ FORMANT UN TOUT…
Cofondateur des Ballets C. de la B. avec Alain
Platel, Hans Van den Broeck a décidé après la
création de Lac des singes (présentée au
Théâtre de la Ville en novembre 2001), de
poursuivre sa trajectoire en solitaire. Car s’il
partage avec Platel le goût des univers qui
battent la breloque et des vies déboussolées
qui continuent pourtant de chercher leur pôle,
Hans Van den Broeck est porteur d’une poésie bien à lui, qui se traduit dans une théâtralité malicieuse et sournoise, aux saveurs à la
fois drôles et amères. Dans chacune de ses
H. Van den Broeck, ph. Ch. Van der Burght
J.-M. A.
35
Damien Jalet, ph. J.-P. Maurin
Hervé Robbe, ph. Enguerand
LES ABBESSES • TARIF C
DU 15 AU 19 FÉV.
Hervé Robbe
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DU
HAVRE-HAUTE NORMANDIE
<<Rew
duo dansé par Alexia Bigot et Hervé Robbe
musique Andrea Cera
C’est un bonheur devenu exceptionnel, que
de retrouver Hervé Robbe dansant lui-même
pendant une heure, avec dévoration, l’une de
ses pièces sur un plateau. Bonheur redoublé
d’étonnement devant une gestuelle devenue
brusque et cassée, nourrie d’une énergie frémissante. Urgente, déterminée, cette danse
a-t-elle à voir avec le mouvement accéléré de
rembobinage des bandes, qu’on déclenche
en appuyant sur la touche << Rew des appareils électroniques (et qui donne son nom à
cette nouvelle pièce) ?
Dans ce mouvement retour, se percevrait l’état
d’esprit d’un directeur de centre chorégraphique national, au Havre, aujourd’hui sensible aux questions pressantes, aux doutes,
aux réorientations, qui préoccupent sa profession. Resserrant vigoureusement son propos
sur un duo, quel plus beau signe qu’il le fasse
en choisissant à son côté Alexia Bigot, de
vingt ans sa cadette, la plus jeune des
danseuses de sa compagnie, la plus significative d’une époque, voire d’une culture, à
réinventer ?
Ainsi << Rew marquerait une fin de cycle,
dont le chorégraphe, maître de la préciosité
des plans et des perspectives, revendique le
caractère baroque jusqu’à la saturation. Il le
porte ici au comble de la démultiplication narrative, au travers d’une chorégraphie
d’images ultra sophistiquée. Car cette pièce
relève un défi exceptionnel : comment représenter un suicide sur scène ? Comment saisir
une idée de mort, déjà à son travail de désagrégation, dans le mouvement des corps
vivants ? Comment frôler l’état d’abandon,
effleurer l’instant du passage à l’acte, mais
dans ce même mouvement se surpasser dans
la survie et l’action du plateau ? Par boucles et
répétitions, se reflètent et se croisent des hantises, des quêtes, des obsessions. Un autre
duo s’invente, entre la présence incarnée, et
ce que projette l’image.
En retour vers l’intériorité mentale, << Rew
cherche à bousculer, sans craindre l’âpreté,
ce que de précédentes pièces * d’Hervé
Robbe eurent d’onirique délicatesse. G. M.
36
* Des horizons perdus, présenté au Théâtre de la
Ville, en octobre 2003.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 22 AU 26 FÉV.
CRÉATION
Ballets
C. de la B.
Propositions
projets choisis par Alain Platel et le collectif
C. de la B.
Erna Ómarsdóttir, Damien Jalet (duo)
Mette Edwardson (solo)
Samuel Louwyck, Sam Lefeuvre, Lizi Estaras
(trio)
Arend Pinoy, Pieter Jan Vervondel,
Anja Gros (trio)
présentation Darryl Woods
UN MAÎTRE DE DANSES
Contre l’esthétique b.c.b.g. (bon chic bon
genre), Alain Platel et Sidi larbi Cherkaoui ont
fait des Ballets C. de la B. une pépinière
d’énergies insolentes et d’expressions plutôt
brutes de décoffrage. Ils continuent de hérisser le poil de ceux pour qui la danse ne saurait dévier de sa joliesse, tout en réjouissant
les autres (bien plus nombreux) qui reconnaissent dans les liqueurs épicées du mouvement les humeurs du temps présent, ses
foucades et ses échappées. Tout en ayant
forgé l’univers iconoclaste des Ballets C. de la
B., Alain Platel ne se prétend pas un nouveau
deus ex machina de l’écriture chorégra-
Darryl Woods, ph. R. Senera/Enguerand
Sam Louwyck et Lizi Estaras, ph. L. Philippe
LES ABBESSES • TARIF A
DU 26 AU 30 AVR.
CRÉATION
Madhavi
Mudgal
odissi - 3 danseuses et 5 musiciens
Sa générosité sans emphase, sa capacité à
évaluer son interlocuteur d’un coup d’œil, en
disent long sur la femme et l’artiste exceptionnelles qu’est Madhavi Mudgal. Unanimement respectée pour son talent de danseuse
et de pédagogue, cette fabuleuse interprète
d’odissi s’attache aussi à jeter les bases d’un
geste neuf entre ancien et moderne. Elle n’est
pas pour rien directrice du Gandharva
Mahavidyalaya à New Delhi, un institut de
musique et de danse créé par son père en
1939. Pour le spectacle Générations 1, elle
avait rassemblé sur le plateau neuf danseuses
de tous les âges pour composer un vivant
kaléidoscope. Dans leurs habits chatoyants,
les neuf femmes portaient à un sommet la
rigueur et la sensualité de la gestuelle, ses
frappes de pieds particulièrement complexes
avec ses pas sur les talons et son délicat travail des orteils. Cette multiplication du geste
lancé dans un tourniquet infatigable donnait
au spectacle un aspect irréel. Originaire de
l’État d’Orissa, province de forêts et de lacs au
sud de Calcutta, l’odissi est une danse
lyrique, liée à la nature et au monde animal,
dont les mouvements de torse et les rotations
disent l’ouverture au monde. C’est en voyant
le guru Kelucharan Mohapatra 2, fine silhouette
étrangement androgyne, que Madhavi
M. Mudgal, ph. X. DR
phique. En effet, loin de plier les interprètes à
une marque de fabrique préétablie, il
accouche des désirs, des folies et des fantaisies de chacun. Cela en fait un maître de
danses, dont l’aptitude à faire éclore et mettre
en valeur d’insoupçonnées personnalités
témoigne d’une vraie générosité, à mille lieues
de tout ego d’auteur. Il avait même lancé, voici
quelques années, le concours du meilleur
solo de danse belge, ouvert à tous vents, où
s’était révélé Sidi Larbi Cherkaoui. Un même
sens du partage anime le directeur de
compagnie, qui n’a pas craint de laisser les
rênes des Ballets C. de la B. à certains de ses
jeunes complices : Hans Van den Broeck,
Christine De Smedt, Sam Louwyck, Sidi Larbi
Cherkaoui ou encore Koen Augustijnen. C’est
au regard de cet enthousiasme toujours en
éveil que le collectif C. de la B. a décidé de
lancer une sorte d’appel aux projets parmi
tous les interprètes qui ont joyeusement
émaillé de leurs présences aussi étincelantes
qu’espiègles les productions des Ballets C.
de la B. Un signe supplémentaire de cette
démocratie en actes que met en œuvre la
compagnie de Gand, honorant ainsi l’esprit
ancien du centre culturel Vooruit (ex-Maison
du Peuple), qui l’héberge aujourd’hui. Dans
ce programme de créations où l’on aurait tort
de ne voir que manifestation d’épigones, on
retrouvera notamment Damien Jalet, Mette
Edwardson, Samuel Louwyck, Sam Lefeuvre,
Lizi Estaras, Arend Pinoy, PieterJan Vervondel
et Anja Grosne, avec l’active complicité de
Darryl Woods, en Monsieur Loyal qui donnera
quelque fantaisie supplémentaire à cette
véritable multinationale de l’humanité en
J.-M. A.
goguette.
37
1
Présenté au Théâtre de la Ville en 2002.
Récemment décédé.
Brice Leroux, ph. X. DR
2
Andrés Marín, ph. X, DR
Mudgal décida de se consacrer à l’odissi. Il
était également présent sur le plateau de
Générations et donna une troublante leçon de
grâce et de détachement. Madhavi Mudgal
revient cette saison en plus petit comité : rien
que trois danseuses pour fêter avec elle cette
danse odissi dont l’apparent minimalisme
J. L.
recèle des trésors d’expressivité.
LES ABBESSES • TARIF C
HORS ABT
LES ABBESSES • TARIF A
DU 14 AU 18 JUIN
CRÉATION
DU 27 JUIN AU 1er JUILLET
Brice Leroux
Andrés Marín
Quasar -
solo flamenco
3 chanteurs et 5 musiciens
VZW DIXIT
Quatuor
4 danseuses
LE MOUVEMENT CONTINU
Bien nommée, la compagnie de Brice Leroux
s’appelle Continuum, car « chaque création,
explique cet ancien interprète d’Anne Teresa
De Keersmaeker, est une variation sur le
spectacle antérieur ». Accueilli pour la première fois au Théâtre des Abbesses, la saison
dernière avec Gravitations-Quatuor, le jeune
chorégraphe français installé en Belgique
montrait à quel point extrême il pouvait imposer dans la plus pure sobriété, la puissance
d’un langage singulier. Avec une écriture
énigmatique, minimaliste et virtuose, cette fascinante proposition autour du phénomène de
la transe et des effets de la gravitation, engendrait un monde magique dont la haute teneur
poétique hypnotisait le spectateur.
Dans sa récente création, Brice Leroux travaille à nouveau aux frontières du conscient et
de l’inconscient, cherchant à capter, avec
cette écriture répétitive qui le caractérise, ces
moments où le corps échappe, au-delà de
toute maîtrise.
Comme dans son premier solo, et dans le
quatuor, fusionnant rituels et concepts, le chorégraphe explore un nouveau champ des
possibles. Invitant aussi le public à partager
cette recherche sur le sensible, à partir d’un
sobre et pourtant spectaculaire agencement
des costumes, des lumières et des sons.
Organique, le monde des sens qui intéresse
Brice Leroux reste un espace imaginaire où le
corps se laisse infléchir par le temps. Dans
cet univers de silence et de pénombre,
comme dans un songe éveillé, la danse du
chorégraphe évolue cherchant d’autres
façons de voir, bouger, penser.
I. F.
38
CRÉATION
Asimetrías
Il y a deux ans, Andrés Marín créait l’événement parmi les amateurs de flamenco. Loin
d’une danse connue pour ses débordements
et claquements de talons frénétiques, le
Sévillan nouait et dénouait avec une retenue
jouissive les fils de cette gestuelle stylisée tout
en torsions et entrelacs qu’est le flamenco.
Minimaliste, épuré mais batailleur dans sa
façon de tirer sur le mors de l’énergie, le spectacle intitulé Más alla del tiempo était à
prendre ou à laisser. Seul en scène, parfois
simplement vêtu d’un châle pour arpenter le
plateau, ce fils d’un danseur et d’une chanteuse reculait comme pour mieux l’attiser,
l’instant de l’implosion : le flamenco est une
blessure vive dont la cicatrice ne se referme
jamais. Avec Asimetrías, sa nouvelle pièce
pour un homme (lui-même), trois chanteurs et
cinq musiciens, il met en scène un espace
asymétrique pour travailler au corps les
notions de tradition et de modernité, de style
et d’interprétation. « L’asymétrie est une
nécessité expressive, un champ d’expérimentation, un point de rencontre. Ce que j’ai de
plus profond en moi, commente le chorégraphe qui aime à dire qu’il veut toucher le
spectateur en lui serrant le cœur. » Si la
sobriété reste la marque d’Andrés Marín, il se
laisse néanmoins aller à un peu plus de joie
sur des musiques choisies avec soin.
Trompette, percussions, guitares, voix masculines aux timbres différents, dégagent un nouvel horizon à la danse sans oublier pour
autant ses racines. Les forges par exemple,
lieux de naissance du flamenco, entre frappes
sur le métal et chants viscéraux, racontent
comment le geste de l’artisan et du danseur
J. L.
battent du même cœur.
La Ribot, ph. I. Meister
Pierre Droulers, photos X. DR
DANSE
HORS LES MURS
CENTRE G. POMPIDOU • TARIF C HORS ABT
DU 18 AU 21 NOV.
CRÉATION
La Ribot
40 Espontáneos
avec le Festival d’Automne à Paris
CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C
LE COMMERCE DES CORPS
Après près dix ans de semi-galère madrilène,
La Ribot a fait une irruption remarquée dans le
champ chorégraphique en se lançant, seule,
dans la longue série des Pièces distinguées,
savoureuse collection à la fois burlesque et
conceptuelle de variations d’un corps exposé
à sa propre enchère. On aura aimé l’insolence
du projet, son habileté à manier le froid et le
show, sa stimulante remise en cause des
attendus de la danse, et son acuité à « déformater » le regard du spectateur. Ces solos,
initialement conçus dans un contexte espagnol peu propice à la création contemporaine,
ont aussi été pour La Ribot le fait d’un « instinct de survie ». Ce cycle est aujourd’hui
achevé, et la chorégraphe aspire à retrouver
le sens d’une multitude. Mais plutôt que
d’avoir à reconstituer une compagnie stricto
sensu, La Ribot embarque dans cette nouvelle aventure des danseurs « spontanés »,
qui seront différents dans chaque ville où le
spectacle sera présenté : enfants, personnes
âgées, sportifs, etc. Ce processus original
sera pour elle l’occasion de confronter la singularité de chacun, dans son individualité
constitutive, au « commerce des corps » et à
toutes ses stratégies de transactions, de trafic, de troc, d’échange, de location ou de prêt.
Bref, un jeu de rôles, et pas seulement, pour
cultiver la joyeuse irrévérence de l’acte poétique à l’égard des modernes injonctions du
profit, de la rentabilité et de la sacro-sainte
économie. L’évidence et la simplicité du mouvement sont, pour La Ribot, la « richesse »
des « corps de tous les jours ». Les interprètes qu’elle « emprunte » pour ce projet
seront, en eux-mêmes, la plus-value d’une
dissidence subtile contre le marché des spectacles. La danse, vraiment, n’a pas de prix !
J.-M. A.
DU 2 AU 14 DÉC.
CRÉATION
Pierre Droulers
COMPAGNIE PIERRE DROULERS
Inouï
6 danseurs
avec le Festival d’Automne à Paris
UNE PIÈCE-PAYSAGE
« À l’intime le pouvoir de renverser toute idéologie, tout systématisme ». Ce pourrait être un
slogan ; il aurait quelque pertinence à l’heure
où le dogme de la rentabilité et des ineffables
“gains de productivité” tend à occuper en tout
lieu et à tout moment le travail invisible et
secret de l’expérience. Pour Pierre Droulers,
c’est simplement un chemin, qui a pris sa
source dans le mouvement de la danse voici
plus de vingt ans, et qu’il poursuit avec l’obstination lente du poète. À l’époque où, à
Bruxelles, il improvisait en compagnie du
saxophoniste Steve Lacy, Maurice Béjart
tenait le haut du pavé. Puis est venue la « nouvelle danse » française ; Pierre Droulers s’en
est tenu à l’écart, peu soucieux de coller à
l’utopie d’une effervescence politico-artistique. En Belgique a ensuite déferlé la « nouvelle vague flamande » ; même s’il a dansé
pour Anne Teresa De Keersmaeker dans le
magnifique Ottone, Ottone, Droulers ne s’est
pas mêlé à ce bouillonnement. Et aujourd’hui ?
Pas conceptuel pour deux sous, il continue à
distiller l’essence de l’émotion. Bref, il n’a
jamais été à la mode, ce qui est sans doute
une façon de ne jamais se démoder. Sans se
gorger de mots, ni céder à une quelconque
surenchère spectaculaire, il a égrené au fil de
ses créations des saveurs dont l’espace, le
temps, la lumière, et bien sûr la densité du
mouvement sont les matières premières.
Après Mountain/Fountain et Ma, qui l’ont enfin
39
pleinement consacré, Pierre Droulers signe
avec Inouï une œuvre essentielle et ample où
l’espace frémit et respire. Sans forcer aucun
passage, dans un éveil perceptif constant,
jouant du proche et du lointain comme de
l’ombre et de la luminosité, la danse est ici au
bord de l’effacement, sans la moindre velléité
superflue. Tableau tour à tour expressif et abstrait, agité et immobile, où s’inscrivent et se
dilatent des présences ténues, atomisées,
décantées, Inouï est une pièce-paysage semblable à la vague lente d’une aube qui se lève.
tère énigmatique, sa discontinuité, ses
absences, renouant avec les fondamentaux
de l’écriture chorégraphique de Res non
verba, mais à partir des images plutôt que du
corps même. On cherche une danse ne s’explique pas, mais interroge : « Que voyonsnous de la réalité ? À quoi avons-nous accoutumé notre vision ? », et cherche à capter ces
instants subtils où se manifeste une autre
vision du monde.
I. F.
1
2
Présenté du 20 au 24 février 2001, aux Abbesses.
Présenté du 14 au 17 mai 2002, aux Abbesses.
M. Stuart, H. Rowe, B. Lachambre, ph. A. Riley
J.-M. A.
THÉÂTRE DE LA BASTILLE • TARIF C
DU 8 AU 14 DÉC.
CRÉATION
Olga Mesa
COMPAGNIE OLGA MESA
On cherche une danse
avec Olga Mesa, Nilo Gallego,
Daniel Miracle
Olga Mesa, ph. Pino Mesa
LE REGARD COMME ÉCRITURE TRANSITOIRE
« Mon objectif est de rendre visible un processus de recherche qui s’inscrit dans le
temps. » explique Olga Mesa. Depuis 1996, la
chorégraphe espagnole a développé sa
démarche sous la forme de thématiques. La
première, Res non verba (Les Choses pas les
mots) une trilogie, s’intéressait au langage
des émotions. Une réflexion issue du corps et
de ses aspects les plus intimes d’où naissait
une écriture brute, empreinte d’une forte dimension charnelle, évoluant mystérieusement
à la façon d’un texte ou d’un poème, notamment dans le remarquable solo, Esto no es mi
cuerpo 1.
Más Público, más privado 2, projet de quatre
mouvements cette fois-ci, se consacre à l’interprète, à son expérience physique et à la
dimension du regard. À partir d’une question :
« Comment témoigner devant un public de
l’intimité du travail de la danse et son émergence dans le studio ? » Créé avec trois interprètes, le troisième volet, On cherche une
danse, se déroule dans un environnement
particulier : un dispositif de captation et de
transmission d’images en direct conçu par le
vidéaste Daniel Miracle. La danse qui se
déploie sous nos yeux à travers un trio en
constante mutation, évoque les origines du
mouvement : impulsion, matière, mémoire,
image-corps. Cette nouvelle création s’intéresse au mouvement du regard, à son carac-
40
CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C
DU 8 AU 13 MARS
CRÉATION
Meg Stuart
Benoît
Lachambre
Hahn Rowe
DAMAGED GOODS
PAR B. L. EUX
Forgeries, love and
other matters
chorégraphie et danse
Meg Stuart, Benoît Lachambre
musique Hahn Rowe
Qui a vu No longer Readymade, spectacle initiatique de l’Américaine Meg Stuart en 1993,
n’a pu oublier sa folle ouverture : un danseur
démenait sa tête en une longue et violente
transe qui remuait le visage jusqu’à en troubler l’image, à l’égal de certains portraits de
Bacon. En même temps que Meg Stuart se
détachait là des corps fluides de la postmodern dance, on découvrait avec Benoît
Lachambre l’insoupçonnable beauté d’un
corps heurté, propulsé hors d’un trop sage
savoir-faire, engagé au plus vif de ses
débords.
Si Meg Stuart et Benoît Lachambre ont eu
depuis lors l’occasion de travailler à nouveau
ensemble, le temps d’un Crash Landing tissé
d’improvisations (1997) puis pour la création
de Not to know, voici deux ans ; ils n’ont encore jamais eu l’occasion d’éprouver en duo
la complicité artistique qui les unit à distance.
Autant dire que la création de Forgeries, love
and other matters, est légitimement attendue !
Enrobés par le voltage musical de l’excellent
Hahn Rowe, guitariste et compositeur présent
sur scène, Meg Stuart et Benoît Lachambre se
retrouvent pour continuer à explorer « les paysages souterrains du corps, à la recherche de
ses manques et aspirations, de ses lacunes et
densités, de ses méandres temporels et
points sensibles ». L’un et l’autre vivent et
éprouvent la danse comme « transformation » de l’expérience, déchirant la surface des conforts de pacotille pour laisser
venir la secousse des fondations ébranlées.
Du mouvement comme sismographe des utopies déchues et pour autant toujours vivantes.
idées de fugue se poursuivront, se lieront, se
déferont, au travers des précieuses gammes
lumineuses de Françoise Michel, et de la scénographie de Laurent Pariente qui dans l’espace invente des pièges démultiplicateurs
des dynamiques.
Croisées, où se tisse une complexité transluG. M.
cide de croisements de talents.
Nathalie Pernette, ph. X. DR
E. Vo-Dinh, ph. C. Losson
J.-M. A.
CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C
DU 17 AU 22 MARS
CRÉATION
Emmanuelle
Vo-Dinh
SUI GENERIS
Croisées
9 interprètes
avec le Centre national de la danse
Elle est discrète mais franche. On n’enferme
pas Emmanuelle Vo-Dinh dans une chapelle
chorégraphique. D’abord interprète de
François Raffinot, son parcours depuis lors
indépendant lui fait affirmer une écriture très
singulière, rigoureuse et pourtant accessible.
Les pièces Sagen ou Texture/Composite
vibraient de son intérêt pour des pensées
actuelles et stimulantes, comme celle du neurologue Antonio Damasio sur les relations
entre émotions et raison. Elles font bouger la
danse. Ainsi Emmanuelle Vo-Dinh s’approche
d’une formule magique où l’abstraction produirait des pièces lisibles, où la répétition
relancerait l’aventure du regard, où le minimalisme bénirait l’évidence de la présence. Cette
jeune chorégraphe tranquillise le temps, tisse
des réseaux subtils, et dégage devant la chair
l’élégance du détachement. Les amoureux du
mouvement se délectent de ses exigences
intellectuelles, quand le plus souvent ces
notions s’opposent.
Sa première collaboration avec le Théâtre de
la Ville lui permet de concevoir une pièce
ambitieuse. Huit danseurs et un comédien
interpréteront Croisées, dont elle partage la
préparation depuis plus d’une année déjà
avec plusieurs artistes qu’elle désigne comme
d’autres « créateurs », plutôt que « collaborateurs ». Ils sont réunis autour d’un principe
d’écriture : celui de la fugue musicale, à
l’image de la Grande Fugue de Beethoven.
Soit une dynamique enivrante de la répétition
et de la variation, dans l’enrichissement irrépressible d’un déroulé partant d’éléments
simples.
C’est de cette façon qu’Emmanuelle Vo-Dinh
élabore sa partition chorégraphique. De
même la harpiste Zeena Parkins pour sa
composition musicale (elle sort de deux
années de collaboration discographique et
scénique avec la chanteuse Björk). Et le jeune
auteur Frédéric-Yves Jeannet emprunte lui
aussi à ce principe pour l’écriture d’un texte
qui traverse la pièce (la critique littéraire a
salué ses premiers romans pour la nouveauté
époustouflante de leur écriture). Ces trois
C. N. D. DE PANTIN • TARIF C
HORS ABT
DU 21 AU 25 MARS ET DU 29 AU 31 MARS
Nathalie
Pernette
COMPAGNIE PERNETTE
Je ne sais pas
Un jour - Peut-être CRÉATION
3 solos dansés par Nathalie Pernette
avec le Centre national de la danse
Qui l’eût cru ! Que Nathalie Pernette, femme
au tempérament aiguisé par les aléas de la
vie, se découvre un goût pour l’autodérision,
est une surprise. On savait déjà que cette
chorégraphe à angles vifs n’était pas du
genre à se bander les yeux pour affronter la
réalité d’un monde qui a depuis longtemps
décidé de laisser au vestiaire tout l’attirail du
conte de fées. Après quinze ans de recherche
chorégraphique (dont une dizaine menée en
complicité avec Andréas Schmid), elle ajoute
donc une corde rare à son arc : celle du grotesque aussi périlleux à manipuler dans la
danse que le comique ou le kitsch. Mais
Nathalie Pernette a toujours préféré explorer
que camper sur ses repères. Dans sa série de
trois solos entamée en 2002, elle met à nu une
silhouette féminine dont l’humour corporel
désarticulé va se chercher des amis du côté
de Buster Keaton. Le premier opus s’intitulait
Je ne sais pas et s’évertuait à arracher
quelques lambeaux de vérité à une montagne
de doutes faite femme. Bouger sans arrêt ne
finit-il pas par faire tourner en rond ? Dans
cette spirale infernale, Nathalie Pernette
s’amuse et se désole de ses limites, envoie sa
timidité se rhabiller chez les Indiens
d’Amérique pour enfin se laisser aller à des
fantasmes les plus fous : jouer dans un opéra
chinois, savoir cuisiner comme un chef, être
un chat siamois… Ces Solos composent l’autoportrait flamboyant d’une rêveuse qui règle
ses comptes avec elle-même pour se contenter de ce qu’elle est : une femme qui prend
des risques, et c’est déjà beaucoup.
J. L.
41
MUSIQUE
L’HISTOIRE DU SOLDAT
Stravinski / Ramuz
création
Omar Porras
TARIF B
LE VASE DE PARFUMS
Suzanne Giraud
Olivier Py
création
TARIF B
ANDREAS STAIER clavecin
CHRISTINE
SCHORNSHEIM clavecin
LUZ MARTÍN LEÓN-TELLO
FABIO BIONDI violon
EUROPA GALANTE
(7 musiciens)
SAMMARTINI - PURCELL - CASTELLO - MASCITTI COUPERIN - W. F. BACH
castagnettes
Fandangos (2 clavecins et castagnettes)
A. SOLER - D. SCARLATTI - L. BOCCHERINI F. M. LOPEZ - S. DE ALBERTO
CHRISTIAN ZACHARIAS
CHRISTIAN TETZLAFF violon
LEIF OVE ANDSNES piano
BEETHOVEN - CHOSTAKOVITCH - SIBELIUS - GRIEG
piano
CHOPIN - LISZT
RONALD VAN SPAENDONCK
ELENA ROZANOVA pianoclarinette
SERGEY OSTROVSKYviolon
QUATUOR AVIV
BRAHMS
piano, saxophone alto
MICHEL PORTAL
clarinette basse, saxophone alto, bandonéon
KRONOS QUARTET
artiste invitéé Wu Man pipa
TERRY RILEY - RAHUL DEV BURMAN WALTER KITUNDU…
QUATUOR DE TOKYO
MOZART - WEBERN - BEETHOVEN
MARIE HALLYNCK violoncelle
CÉDRIC TIBERGHIEN piano
MENDELSSOHN - BRAHMS
FERENC VIZI
YASUAKI SHIMIZU
saxophone
Quatuor Habanera
Transcriptions pour saxophone des Suites pour violoncelle seul de Bach, et autres pièces
BANG ON A CAN
ALL-STARS
piano
MOZART - DEBUSSY - LISZT
ALEXANDRE THARAUD
JOACHIM KÜHN
piano
BACH
programme avec vidéo
JULIA WOLFE - DAVID LANG MICHAEL GORDON - ARNOLD DREYBLATT STEVE REICH - DON BYRON - THURSTON MOORE
XAVIER PHILLIPS violoncelle
EMMANUEL STROSSER piano
BEETHOVEN
les 50 ans de
THE BOSTON CAMERATA
JOEL COHEN direction
Chœur de femmes haïtiennes de l’église
Les Amis de la sagesse de Dorchester (USA)
Nueva España, musiques du Nouveau Monde
(1590-1690)
Programmes susceptibles d’être modifiés
TARIF D
DU 21 SEPT. AU 3 OCT. 20H30 AUX ABBESSES
L’HISTOIRE DU SOLDAT
mise en scène Omar Porras
direction musicale Antoine Marguier
scénographie Fredy Porras, Omar Porras
costumes, masques, maquillages
Fredy Porras
assistants à la mise en scène
Elidan Arzoni, Joan Mompart
lumières Laurent Prunier
univers sonore Andres Garcia
(voir p. 9)
27 ET 28 OCT. 20H30
LE VASE DE PARFUMS
musique Suzanne Giraud
texte et mise en scène Olivier Py
direction musicale Daniel Kawka
décor et costumes Pierre-André Weitz
C. Zacharias, ph. Th. Martinot
MUSIQUE
AU THEATRE
DE LA VILLE
double la mise : jouées sur deux clavecins, 4
des 9 œuvres proposées électrisent le programme. Avec une partenaire de prédilection,
la Berlinoise Christine Schornsheim qui a participé à leur transcription, Andreas Staier
« explore les possibilités de cette combinaison délicate et dangereuse ». Déjà fou joué
sur un seul clavecin, le Fandango de Soler
puissance 2 ouvre le concert. Celui de
Boccherini, qu’Andreas Staier a toujours rêvé
de jouer, le clôt avec le diable et ses
sorcières, les castagnettes de Luz Martín
León-Tello, prévues dans l’édition originale.
Le malin jaillit encore des sonorités torrides du
Concerto n°2 pour deux claviers de Soler. Mais
disparaît devant la Ritirata di Madrid de
Boccherini, « charmante sérénade idyllique et
sensuelle ».
Trois sonates de Scarlatti irisent de leur fraîcheur la chaleur dominante où crépitent le
Fandango de Lopez et le Ricercata, Fuga y
Sonata de De Alberto qu’Andreas Staier joue
seul. De quoi survolter « un public comme
toujours fantastique, là pour la musique, pas
pour le fait social ». Là pour un surdoué du
clavecin, du pianoforte, du piano. Qui peut,
qui sait jouer ses amours !
Andreas Staier, ph. X. DR
(voir p. 8)
SAM. 13 NOV. 17H
SAM. 16 OCT. 17H
ANDREAS STAIER clavecin
CHRISTINE
SCHORNSHEIM clavecin
LUZ MARTÍN LEÓN-TELLO
castagnettes
Fandangos (2 clavecins et castagnettes)
A. SOLER : Fandango*
D. SCARLATTI : Sonate en mi majeur, K 215
A. SOLER : Concerto n°2, en la mineur, des
Seis Conciertos de dos Organos Obligados…
D. SCARLATTI : Sonate en mi majeur, K 216
L. BOCCHERINI : Variazioni sopra la Ritirata
di Madrid* du Quintette n° 6, en ut majeur,
G 418, des Six Quintetti pour piano avec
accompagnement de deux violons, alto
et violoncelle, op. 57*
F. M. LOPEZ : Fandango
S. DE ALBERTO :
Ricercata, Fuga y Sonata en ré
D. SCARLATTI : Sonate en si mineur, K 87
L. BOCCHERINI : Fandango*
* arrangement pour 2 clavecins
par Andreas Staier et Christine Schornsheim
LES CLAVECINS DU DIABLE
« On ne peut pas expliquer ses amours.
J’aime le fandango comme peu d’autres
répertoires. » Andreas Staier flambe son
onzième concert au Théâtre de la Ville dans le
soufre et la lave de cette danse qui enfièvre
l’Espagne du XVIIIe siècle, la guitare de ses
bas-fonds, le clavecin de ses salons. Et
comme les étincelles d’un seul instrument ne
lui suffisent pas toujours, le génie des claviers
CHRISTIAN ZACHARIAS piano
CHOPIN : Nocturne en ut mineur, op. 48 n°1
Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur,
op. 61
LISZT : Gretchen – 2e mouvement de la
Faust Symphonie, version pour piano
CHOPIN: Polonaise en fa dièse mineur, op. 44
LISZT : Sonate en si mineur
UN RÉCITAL FAUSTIEN
« C’est étrange, après avoir tant de fois changé de répertoire, varié mes recherches c’est
comme si je jouais mon passé. Ce grand “pianisme” est celui de mon adolescence, de mes
concours. Mais c’est tout à fait autre chose :
je suis l’interprète du jeune Zacharias. »
L’immense artiste allemand s’est toujours dit
« beaucoup plus fasciné par l’organisation du
temps que par les sonorités ». En quête de ce
qui demeure ou change, comme en témoigne
son compact préféré sorti en 1995, les 20
prises sur 11 ans de la même sonate de
Scarlatti (K55). Pour son retour tant espéré au
Théâtre de la Ville – son dernier et dixième
concert remonte à 1997 – Zacharias part à la
recherche de ses 20 ans. Pactise avec le
diable. Chevauche à ses côtés dans le tumulte tragique du Nocturne et des deux
Polonaises de Chopin, comme dans les
remous telluriques de la Sonate en si de Liszt.
Mais sans perdre son âme. Sans trahir
Marguerite : « le cœur de mon concert, c’est la
Gretchen de Liszt, rarement pour ne pas dire
jamais jouée ». Le compositeur hongrois l’aimait, lui aussi. De sa Faust Symphonie, c’est
le seul mouvement qu’il ait transcrit pour
piano. À la tête de l’Orchestre de Lausanne
depuis 2000, Zacharias le dirige souvent dans
43
R. Van Spaendonck, ph. E. Manas
E. Rozanova, Quatuor Aviv, ph. X. DR
ses concerts symphoniques : « Là, Liszt est
assez discret, il chante comme les mouvements lents des dernières sonates de
Schubert ». Au piano ou devant sa formation,
Zacharias sait écouter Gretchen, sa douceur,
sa tendresse. Harmonie du masculin et du
féminin. Plénitude.
Quatuor Tokyo, ph. J. Henry Flair
SAM. 20 NOV. 17H
RONALD
VAN SPAENDONCK clarinette
ELENA ROZANOVA piano
QUATUOR AVIV
Sergey Ostrovsky violon
Evgenia Epshtein violon
Shuli Waterman alto
Rachel Mercer violoncelle
BRAHMS : Quintette pour clarinette et
cordes, en si mineur, op. 115
Sonate pour violon et piano n°3 en ré
mineur, op. 108
Quintette pour piano et cordes, en fa
mineur, op. 34
À LA SOURCE DE L’ART
« Un accueil de fête » se souvient Sergey
Ostrovsky. C’était le 17 janvier 2004 au
Théâtre de la Ville. Dans le cadre d’un miraculeux “trois concerts en un”, le public ovationnait le jeune Quatuor Aviv, créé en 1997,
dont il est le premier violon. Du printemps dont
il porte le nom (aviv en hébreu) le quatuor
israélien a la jeunesse, la magie. De Sergey
Ostrovsky, sa pureté et son étonnante maturité. Fondamentales dans un concert consacré
à Brahms, son compositeur préféré avec
Chostakovitch et Ravel. « Cela veut dire que
j’en aime toutes les œuvres sans exception. »
Les trois choisies le bouleversent. « Le
Quintette avec clarinette atteint à la plus profonde des intimités, l’essence même de l’instrument. » La sonorité chaude de Ronald Van
Spaendonck en sera le nid. Le Quatuor Aviv
se réjouit de découvrir le virtuose belge qui
vient pour la sixième fois place du Châtelet.
Mais pour le Quintette avec piano « véritable
pièce symphonique » qu’il a joué avec une
douzaine de partenaires, il a voulu Elena
Rozanova : « Pour cette pièce, les pianistes
doivent avoir une forte personnalité. Elena est
faite pour elle. Si dominante et tellement
capable de s’investir dans son jeu en oubliant
tout le reste ! » Avec l’artiste russe, Sergey
Ostrovsky interprète aussi la Troisième Sonate
de Brahms. Une autre chance de retrouver
« ces transitions bouleversantes entre deuxième et troisième mouvements. Ce sentiment
de s’éveiller d’un rêve, seul et vide, de découvrir qu’il s’agissait seulement d’un rêve. Je
pense que de la tragédie que vécut Brahms
est né ce message hors de notre monde ».
Sublimation.
44
SAM. 11 DÉC. 17H
QUATUOR DE TOKYO
MOZART :
Quatuor n°22, en si bémol majeur, K 589
WEBERN : Quatuor n°1 (1905)
BEETHOVEN :
Quatuor n°15, en la mineur, op. 132
IMPÉRIAL
Il y a les bons quatuors et il y a les grands,
très rares. Le Quatuor de Tokyo en fait partie.
Son troisième concert au Théâtre de la Ville en
2003 l’a rappelé. Somptueuse, cette mystérieuse entité qui dépasse quatre individualités, ce cinquième homme cher à Miguel da
Silva, l’altiste du Quatuor Ysaÿe, est là.
Puissante au point de résister aux changements qui modifièrent la formation depuis sa
création à New York, en 1969. Cinq en 35 ans.
Seul l’altiste des débuts, Kazuhide Isomura,
est le gardien de l’esprit de la Toho School de
Tokyo dont étaient issus, comme l’actuel
second violon, les quatre membres fondateurs. Le son des Tokyo est majesteux, rond
bondissant, souple. Il jaillit, il est vrai, de 4
stradivarius appelés “quatuor Paganini” en
hommage au virtuose qui les acheta et les
joua.
En 2005 sortira l’enregistrement des Quatuors
Prussiens de Mozart dédiés à FrédéricGuillaume, un roi violoncelliste. Le K 589 écrit
en 1790 est l’un des trois. Élégant et mutin,
mais aussi mystérieux et complexe. L’approche de la mort ? Cent quinze ans plus tard,
le triptyque inachevé Devenir-Être-Disparaître
du peintre suisse Segantini inspire à un autre
Viennois, Anton Webern, son Quatuor de
1905. Les Tokyo vont encore plus loin dans la
spiritualité en jouant l’opus 132, le quinzième
des 17 quatuors de Beethoven. « Une des
œuvres les plus dignes de mon nom » disaitil. Un Himalaya de l’âme. À la hauteur des
Tokyo.
MARIE HALLYNCK violoncelle
CÉDRIC TIBERGHIEN piano
MENDELSSOHN : Romance sans paroles, en
ré majeur, op. 109
Sonate n°2 pour violoncelle et piano, en ré
majeur, op. 58
BRAHMS : Six Lieder transcrits pour violoncelle et piano
Sonate n° 1 pour violoncelle et piano, en
mi mineur, op. 38
M. Hallynck, ph. X. DR
A. Tharaud, ph. E. Manas
D’UN DUO, L’ÂME
Festival de Besançon 1999. Dans le Triple
Concerto de Beethoven se rencontrent, sur la
même longueur d’onde, deux artistes de
lumière : la violoncelliste belge Marie Hallynck,
le pianiste français Cédric Tiberghien. Faits
pour s’entendre, ils le savent dès le début.
Comme le public du Théâtre de la Ville au premier accord de leur concert en décembre
2002. La maîtrise absolue de leur instrument
permet aux deux jeunes gens (Marie, 30 ans
à peine ; Cédric, pas encore !) d’aller à l’essentiel. Les plus hautes récompenses les
consacrent. Tel ce premier Grand Prix du
concours Long-Thibaud gagné par Cédric en
1998.
Leur programme bipolaire, si finement articulé
entre Mendelssohn et Brahms, exige virtuosité
et musicalité. Le “violoncelle-voix”, cher à
Marie Hallynck, y est roi. Il émeut – “aimeut”
voudrait-on dire – autant que la voix humaine.
« La Romance sans paroles (l’allemand
emploie plus justement le mot Lied) écrite à
l’origine pour violoncelle et piano, fait un lien
très beau avec les transcriptions des Lieder
de Brahms », précise Marie. Parues de son
vivant et chez son éditeur même, elles
devaient sûrement être connues du compositeur. La voix chante, elle parle aussi.
Malicieuses, des fées gazouillent dans l’élégante Sonate n°2 de Mendelssohn. L’opus 38
de Brahms est le dialogue fiévreux de deux
âmes, sœurs de Cédric et de Marie. Troué
d’arcs-en-ciel, orage au cœur d’un vrai duo.
emporte. Une étoile le guide. Elle a mené à la
musique cet enfant de famille modeste que
rien ne destinait au piano. Elle a placé sur son
chemin Gérard Frémy, le découvreur, György
Sebök, le mage. Les astres magnétisent son
instinct et son imaginaire : « Un matin en me
levant, j’ai vu dans mon jardin une plante sauvage qui avait poussé à mon insu : la sonate
de Liszt. » Peu d’œuvres peuvent conduire à
ce vertigineux chemin « où la nuit devient
lumière et la lumière, nuit ». Celles du programme visionnaire de Ferenc Vizi y parviennent. C’est « qu’elles se jouent aussi en
clair-obscur ». L’Adagio en si mineur « aux
harmonies wagnériennes inexplicables d’un
Mozart terrible et la lumineuse Sonate en si
bémol majeur d’un Mozart rayonnant » entourent dans la première partie les Children’s
Corner de Debussy. « Ce coin d’enfance en
nous, on ne devrait jamais l’oublier, cet univers d’innocence… » Dans la seconde partie,
un Impromptu “nocturne” éclairé d’amour et
les noirs Nuages gris de Liszt annoncent les
gouffres et les aiguilles de la Sonate en si. « Il
ne faudrait pas applaudir entre ni après ces
deux courtes pièces. » Aveuglé tour à tour par
les ténèbres ou le soleil, le public ne le pourra
pas. Il se rattrapera après.
F. Vizi, ph. X. DR
MAR. 17 MAI 20H30
C. Tiberghien, ph. C. Albaret
SAM. 29 JAN. 17H
SAM. 12 FÉV. 17H
FERENC VIZI piano
ALEXANDRE THARAUD piano
MOZART : Adagio en si mineur, K 540
DEBUSSY : Children’s corner
MOZART :
Sonate n°13, en si bémol majeur, K 333
LISZT : Nocturne-impromptu ; Nuages gris ;
Sonate en si mineur
BACH : Prélude et Fugue sur un thème
d’Albinoni, BWV 923
Concerto pour clavier seul, en sol majeur,
d’après Vivaldi, BWV 973
Concerto pour clavier seul, en sol mineur,
d’après Vivaldi, BWV 975
Concerto pour clavier seul, en ré mineur,
d’après Marcello, BWV 974
Sicilienne BWV 596 (transcription A. Tharaud)
Concerto “Italien”, en fa majeur, BWV 971
CLAIR-OBSCUR
Bonheur de retrouver le pianiste roumain de
30 ans, acclamé, adopté par le public du
Théâtre de la Ville il y a quelques mois seulement. Dans ce “3 concerts en 1” de janvier
2004 particulièrement réussi qui le révélait
avec le hautboïste russe Alexeï Ogrintchouk et
le Quatuor Aviv lui aussi à l’affiche de cette
saison. Habité, inspiré, Ferenc Vizi touche,
"L’EXCELLENCE"
C’est ainsi que la critique a salué les
compacts Ravel et Rameau d’Alexandre
Tharaud. Le public aussi, mais en allant plus
loin : de vive voix, par mail ou lettre, il a
45
partage sa passion pour Beethoven. Les deux
musiciens français brûlent de faire ensemble
l’intégrale de ses œuvres pour violoncelle et
piano. Pour l’heure, ils ont élu la 3e et la 5e
sonates. Deux séries de Variations sur La
Flûte enchantée les encadrent de leur parfum
mozartien. Écrite en 1815, « la cinquième et
dernière sonate est un chef-d’œuvre absolu,
d’une gravité et d’une densité à couper le
souffle ». C’est pourtant par la troisième
(1802) qu’après avoir longuement hésité ils
finiront leur splendide concert : « elle est plus
joyeuse et le rythme de l’allegro final est fantastique ». Le choix de la jeunesse.
José C. Roza, Musée du Nouveau Monde, La Rochelle
demandé au pianiste français de jouer Bach.
C’était son rêve, il ose enfin le réaliser. Voilà
trois ans qu’il cherche, rassemble des
dizaines et des dizaines de partitions qu’il
vient déchiffrer, essayer, sur les pianos de ses
amis puisqu’il a renoncé à en avoir un chez
lui. « J’ai fini par aller vers ce Bach italien, fasciné par Vivaldi, Marcello… » Au centre d’un
bouquet d’essences rares qu’il compte bien
enregistrer. Le fabuleux Concerto italien qui en
est la pièce maîtresse est très connu, très
joué. Les autres œuvres beaucoup moins.
Mais toutes témoignent d’un génie à transcender le processus de transcription, absolument naturel à l’époque baroque. En effet,
dans ses concertos pour clavier seul, Bach
non seulement assimile la forme et le style des
Italiens dont il s’inspire, mais il en fait un matériau idiomatique et sublime. Alexandre
Tharaud lui aussi a le goût de la transcription.
En 2001, au Théâtre de la Ville où il vient pour
la 7e fois, il avait clos son récital par sa propre
version pour piano de L’Apprenti sorcier de
Paul Dukas. En 2002, il avait transformé les 3
Romances de Schumann en trio pour clarinette, alto et piano. Dans un programme qu’innervent les arcanes de la transcription, sa version pour piano de la Sicilienne BWV 596
coule de source. Eau pure dont il fait soif.
E. Strosser, ph. S. Strosser
X. Phillips, ph. C. Nieszawer
SAM. 2 AVR. 17H
SAM. 19 MARS 17H
XAVIER PHILLIPS violoncelle
EMMANUEL STROSSER piano
BEETHOVEN : Sept Variations, en mi bémol
majeur, pour violoncelle et piano sur Bei
Männern, welche Liebe fühlen de La Flûte
enchantée de Mozart, Woo 46
Sonate n°5, en ré majeur, op.102 n°2
Douze Variations, en fa majeur, pour violoncelle et piano sur Ein Mädchen oder
Weibchen de La Flûte enchantée de
Mozart, op. 66
Sonate n°3, en la majeur, op. 69
46
CHARME ET FEU
Le violoncelliste apparu en 1994 aux côtés
d’Alexandre Tharaud dans le premier “3
concerts en 1” du Théâtre de la Ville, n’a pas
changé. À 33 ans, papa d’un petit Eliott de 9
mois, Xavier Phillips a le don de la jeunesse et
du bonheur. À 6 ans, ce n’est pas le piano de
ses parents ni le violon de son frère aîné JeanMarc, membre du Trio Wanderer qu’il choisit,
mais le violoncelle. Tout seul. « L’instinct, dit-il,
prédomine en moi, même si l’intellect s’est
développé jusqu’à me permettre d’envisager
un programme consacré à un seul compositeur. » Beethoven ! Il se sait prêt. « Il faut avoir
le coffre, la respiration sinon on se brise en
route. » Lui qui ne pourrait pas faire de la
musique de chambre sans aimer ses partenaires, a choisi Emmanuel Strosser : « J’ai une
grande complicité avec ce pianiste très fin. »
Le fils du metteur en scène Pierre Strosser
les 50 ans de
THE BOSTON CAMERATA
JOEL COHEN direction
Anne Azéma soprano
Margaret Swanson soprano
Michael Collver contre-ténor, cornetto
Dan Hershey ténor
Donald Wilkinson baryton-basse
Olaf Chris Henriksen guitare baroque
Frances Conover Fitch clavecin, orgue,
percussions
Carol Lewis viole de gambe
Joel Cohen luth, percussions
Chœur de femmes haïtiennes de l’église
Les Amis de la sagesse de Dorchester
(Massachussetts, USA)
Nueva España, musiques
du Nouveau Monde (1590-1690)
JOYEUX ANNIVERSAIRE !
50 ans ! C’est au Théâtre de la Ville où elle
vient pour la cinquième fois depuis 1980, que
la Camerata de Boston veut fêter en France
son demi-siècle. « Avec un programme
consacré aux musiques de la Nueva España
à la frontière des musiques du monde et des
musiques anciennes », se réjouit Joel Cohen
qui dirige l’ensemble états-unien depuis 1969.
« Le Nouveau Monde, c’est notre vocation.
Nous faisons un travail missionnaire. » Dans
l’allégresse ou le recueillement, les pièces se
succèdent, vocales ou instrumentales. Il s’agit
de partitions importées d’Espagne, fidèles à
l’original ou transformées par les autochtones,
ou bien encore de compositions écrites sur
place. Et quand au détour d’une portée, une
tradition orale surgit, Joel Cohen jubile.
Comme dans « la Guaracha où une danse
africaine, toujours très populaire de nos jours
à Cuba, vient métisser la partition du XVIIe
siècle ». Des chanteuses haïtiennes, Les Amis
de la sagesse, la pimentent de leurs voix
raides et fruitées. Après Didon et Énée *,
Tristan et Yseut * ou L’Émigré huguenot de la
Nouvelle Angleterre au XVIIIe siècle *, et tant
d’autres, Joel Cohen ressuscite les indigènes
et les colons de la Nouvelle Espagne des XVIIe
et XVIIIe siècles. Dans leurs rencontres éton-
L. Ove Andsnes, ph. S. Fowler
L. Tetzlaff, ph. A. Vosding
nantes bat le cœur de l’homme « capable
d’exploiter, d’anéantir son prochain mais aussi
de ressentir la richesse de l’autre, de l’assimiler. Ces éléments positifs faits de respect et
d’amour, c’est tout de même un autre témoignage ! » Heureux l’anniversaire placé sous le
sceau de la fraternité !
* Trois des cinq concerts donnés au Théâtre de la
Ville.
SAM. 9 AVR. 17H
FABIO BIONDI violon
EUROPA GALANTE (7 musiciens)
SAMMARTINI : Symphonie pour cordes, en
fa majeur, J.C. 36
PURCELL : Chaconne sol mineur
CASTELLO : Quinzième Sonate pour deux
violons, alto et basse
MASCITTI : Concerto en la majeur, op. 7 n°4
F. COUPERIN :
Sonate en trio, L’Apothéose de Corelli
W. F. BACH : Symphonie en fa majeur,
Les Dissonances
L’ART DE LA TOLÉRANCE
Quatorzième escale de Fabio Biondi au
Théâtre de la Ville. Dans son carnet de voyage
vit et chante l’Europe du XVIIe et XVIIIe siècles, si
chère au fabuleux violoniste qu’il a appelé son
ensemble Europa Galante, nom italianisé de
l’opéra-ballet de Campra, L’Europe galante.
Le compositeur aixois y métisse le style français et le style italien comme François
Couperin, à la même époque, dans ses Goûts
réunis dans L’Apothéose de Corelli. « Une
œuvre absolument sublime où le compositeur
parisien rend hommage au compositeur
romain le plus diffusé de son temps »,
commente Fabio Biondi. Même « regard élargi » chez Sammartini et Mascitti, deux Italiens
qu’influence l’esprit français. Un Anglais et un
Allemand viennent faire entendre leur différence dans ce dialogue franco-italien. Avec la
sombre Chaconne de Purcell et les fantasques Dissonnances du fils aîné de Bach,
l’énigmatique Wilhelm Friedeman, Fabio
Biondi « évite comme un danger terrible cette
attribution géographique : la musique allemande aux Allemands, la française aux
Français, et ainsi de suite ». Cette voie sans
issue, il ne l’a jamais prise : « Derrière les
bagarres musicales se cache toujours un côté
nationaliste… Dans une société dangereuse,
les musiciens doivent donner l’exemple. Il faut
utiliser la musique comme moyen de tolérance et de rencontre. Surtout dans les
moments politiques si compliqués d’aujourd’hui. » Avec son violon, un gagliano de
légende, Fabio Biondi s’oppose au « maniaco-dogmatisme baroque ». Mais pas
seulement !
JEU. 21 AVR. 20H30
CHRISTIAN TETZLAFF violon
LEIF OVE ANDSNES piano
BEETHOVEN : Sonate n°6, en la majeur,
op. 30 n°1
CHOSTAKOVITCH : Sonate op. 134
SIBELIUS : Danses champêtres op. 106.
GRIEG : Sonate n° 3, en ut mineur, op. 45
LE VIOLONISTE QUI REMET
LES PENDULES À L’HEURE.*
Au soleil-musique et non sous de vulgaires
projecteurs médiatiques, grandit la renommée
de Christian Tetzlaff. À 38 ans, le violoniste
allemand est reconnu pour ce qu’il est : un
grand musicien, un vrai. Sachant s’effacer
devant les œuvres et faire de chacun de ses
programmes un tout. « C’est un cycle », disaitil aux Abbesses en 1999 à l’issue de son intégrale des Sonates et Partitas de Bach pour
violon seul. « Il faut les interpréter les unes par
rapport aux autres. » Au Théâtre de la Ville,
deux ans plus tard, il reliait très joliment
Brahms à l’un de ses héritiers viennois en
intercalant deux fois l’opus 7 de Webern entre
ses trois sonates. Son nouveau programme
est aussi subtil. La Sonate n°6 de Beethoven
l’ouvre dans la gaieté, la grâce. Une infinie
tendresse. L’ombre du génie allemand hante
l’unique Sonate pour violon de Chostakovitch
qui lui succède. Un raz de marée. Colossal,
dévastateur. Cela rabote, crie. Besoin d’entracte avant les Danses champêtres du
Finlandais Jean Sibelius. Elles fleurent bon
l’âme populaire avec leurs rythmes et leurs
mélodies à faire fondre la neige. Et puis, nouveau paroxysme : la Sonate n°3 de Grieg. Une
tragédie. Ses élans cosmiques, passionnels
n’ont pas de secret pour Leif Ove Andsnes,
Norvégien comme le compositeur. Avec ce
pianiste de grande classe, Christian Tetzlaff
peut mettre en vibration violon-cristal et terres
nordiques.
* Jacques Doucelin, Le Figaro, 22 mars 04.
F. Biondi, ph. Th. Martinot
JEU. 3 FÉV. 20H30
JOACHIM KÜHN
piano, saxophone alto
MICHEL PORTAL clarinette basse,
saxophone alto, bandonéon
36 ANS D’AMITIÉ ET DE MUSIQUE
« Il est arrivé comme un empereur ! C’est un
homme de scène… La musique à cent pour
cent, un engagement total. Des fulgurances,
des déflagrations… Je crois qu’il a voulu
mettre le feu » * se souvient Michel Portal.
C’était en janvier 1968, Joachim Kühn débarquait pour la première fois à Paris et allait
jouer à l’ORTF avec le quintet du divin souffleur français. Un an plus tard, un disque
47
M. Portal, ph. Th. Dorn
J. Kühn, ph. Th. Dorn
* In Joachim Kühn, une histoire du jazz moderne de
Marc Sarrazy, Éditions Syllepse.
Kronos Quartet, ph. J. Blakesberg
historique, Our feelings and our meanings,
scellait l’entente immédiate des deux jeunes
barbares du jazz. Musicale, humaine, définitive. Voilà 36 ans que le miracle se renouvelle
en trio, quartet ou quintet. En duo, il sera plus
éclatant encore. « Nous avons souvent la
même idée de la musique, explique le pianiste
allemand. En quintet, c’est déjà intéressant
mais en duo c’est une mise à nu. Tout est possible. Avec Michel, nous nous inspirons
mutuellement. Chacun peut suivre la proposition de l’autre. Il n’y a pas d’obstacle. » Pas de
filet pour cette haute voltige qui débute en
Italie en 1999 et s’est renouvelée peu de fois.
C’est un rare privilège que les deux félins
offrent au Théâtre de la Ville où ils sont venus
si souvent séparément et une fois ensemble
en 2003 avec Daniel Humair et Jean-Paul
Celea. Le dialogue de deux seigneurs de la
musique. Michel Portal a toujours pratiqué
jazz et classique. Avec le même génie. « Une
exception » dit Joachim Kühn, pianiste prodige, qui abandonne le classique à 17 ans
mais y revient en 1996 – et de plus en plus –
quand Ornette Coleman lui suggère de « jouer
Bach comme il le sent ». Composer c’est respirer pour lui : il a même écrit 4 concertos
classiques pour piano et orchestre et des
quatuors qu’il vient d’enregistrer. Dommage
que Michel Portal ait toujours refusé de passer
du classique au jazz le même jour. Joachim
Kühn aurait bien pu pimenter d’œuvres classiques celles que tous deux apporteront dans
un concert brûlant d’improvisations.
pour Kronos, Cerulean Sweet, inspiré par
Charlie Mingus. Mais Terry Riley est au centre
de ce 16e concert au Théâtre de la Ville. Pour
fêter en juin 2004 les 70 ans de son ami de
longue date, le quartet lui a commandé The
Cusp of magic. Le grand chef de file du courant minimaliste américain a toujours su capter les rayons cosmiques. Ils traversent ses
œuvres et leurs beaux titres tels Sunrise of the
planetary dream collector, ou One earth, one
people, one love de Sun rings, deux des six
pièces entendues place du Châtelet. Des
forces surnaturelles habitent aussi cette
"corne de magie". D’autant que Whu Man, la
ravissante Chinoise installée à Boston, y jouera de sa flûte à eau enchanteresse, le pipa.
Découverte dans le Ghost Opera de Tan Dun,
présenté à Paris par Kronos en 1995, elle fut,
avec son maître Chen Zhong, l’invitée d’un
magnifique concert aux Abbesses un an plus
tard. « Le pipa chinois et l’ensemble à cordes
occidental ont des résonances et des timbres
très différents. J’ai dans l’idée d’explorer les
régions où ces deux cultures se croisent,
explique Terry Riley. Ma nouvelle pièce va
compléter de façon significative l’image de
ma collaboration avec Kronos depuis près de
25 ans […] Douze quatuors à cordes, un quintette, un concerto pour quatuor à cordes et
une longue soirée pour quatuor à cordes,
chœur et sons enregistrés par la Nasa dans
l’espace. À travers ces pièces, Kronos et moi
avons grandi ensemble et avons ouvert beaucoup de nouvelles voies de communication.
C’est par ces associations au long cours entre
musiciens que la musique atteint profondeur
et plénitude. » Et c’est par ces associations au
long cours entre des musiciens et une institution, qu’elle se révèle au public.
LUN. 30 MAI 20H30 AUX ABBESSES
YASUAKI SHIMIZU
JEU. 19 MAI 20H30
KRONOS QUARTET
artiste invitéé Wu Man pipa
TERRY RILEY - RAHUL DEV BURMAN - WALTER
KITUNDU…
48
FIDÉLITÉS
Il est toujours nouveau, le blé que Kronos
Quartet nous apporte chaque année depuis
1992. La moisson 2004 n’est pas encore
achevée. Y participent le compositeur indien
Rahul Dev Burman (1939-1994) dont on
entendit, en 2000, Tonight is the night et
Walter Kitundu qui écrira sa première pièce
saxophone
Japon
Quatuor Habanera
Transcriptions pour saxophone des Suites
pour violoncelle seul de Bach
et autres pièces
Baignant depuis toujours dans un univers
musical multi-azimuté (son père fut l’un des
introducteurs des musiques latines au Japon),
Yasuaki Shimizu se situe résolument du côté
des expérimentateurs et des créatifs. Après
de solides études de piano et de saxophone,
il n’a jamais cessé d’explorer toutes sortes
d’univers sonores, japonais aussi bien qu’occidentaux, mais loin du légendaire perfectionnisme nippon pour le clonage, la personnalité
de Shimizu irradie de chacune de ses aventures musicales.
Y. Shimizu, ph. X. DR
LUN. 13 JUIN 20H30
BANG ON A CAN
ALL-STARS
programme avec vidéo
JULIA WOLFE – DAVID LANG – MICHAEL
GORDON – ARNOLD DREYBLATT – STEVE
REICH – DON BYRON – THURSTON MOORE
Bang on a can all-stars, ph. P. Serling
Musiques de films (Havre de Juliet Berto,
Pillow Book de Peter Greenaway), installations
multimédia, accompagnements de danseurs
butô (en particulier Goro Namerikawa de
Sankai Juku), publicités excentriques (Music
for Commercials, Crammed Discs), aucun
registre n’est à négliger pour Shimizu compositeur, arrangeur ou instrumentiste. À la tête
d’une impressionnante discographie, amorcée en 1983 avec L’Automne à Pékin (en français dans le texte), étonnante relecture des
standards jazz américains d’avant-guerre,
Shimizu a enregistré en 1996 et 1999 sa
propre transcription pour saxophone des six
Suites pour violoncelle seul de Bach, une première. Près de trois siècles après la composition de cette “bible” du répertoire classique,
cette audacieuse transcription est certainement un aboutissement majeur du saxophoniste japonais. Fidèles au texte original
comme à l’esprit, ces sarabandes, gigues et
autres allemandes rendent à Bach une modernité que tant d’académismes avaient fini par
contredire. La faveur de Shimizu pour les
acoustiques naturelles plutôt que pour la sidérale asepsie des studios, l’a conduit à enregistrer ces Suites dans des espaces aux
acoustiques aussi inattendues que celles d’un
temple bouddhiste, d’une mine ou d’un palazzo italien du XVIIe siècle.
Fondé il y a une dizaine d’années, le Quatuor
Habanera est en train de devenir l’un des très
grands quatuors de saxophones. Amateurs
de territoires musicaux peu fréquentés, ses
membres (Christian Wirth, Sylvain Malézieux,
Fabrizio Mancuso, Gilles Tressos) savent allier
esprit de découverte, commandes à des compositeurs contemporains, transcriptions et
répertoire connu. Plaisir et rencontre du public
ne leur paraissent pas contradictoires. Ce
qu’ils démontrent en interprétant, par
exemple, Bach, Debussy, Nino Rota, Xenakis,
Webern, Leonard Bernstein et Steve Reich
lors d’un même concert. Louis Sclavis ne s’y
est pas trompé, qui joue désormais régulièrement avec le Quatuor Habanera, mêlant ses
colériques improvisations aux solides charpentes du quatuor.
Après Mysterious Morning (Alpha 010) qui
présentait des œuvres de Ligeti, Fuminori
Tanada, Donatoni, Xenakis et Gubaïdulina,
leur dernier CD (Alpha 041) nous fait découvrir deux transcriptions (la Suite Holberg
de Grieg et le Quatuor américain de Dvorák)
et le Quatuor pour saxophones op. 109
d’Alexandre Glazounov. Ceci n’est encore
qu’un début. On peut raisonnablement parier
qu’ils n’en resteront pas là.
UN GRAND CRU
Il fait fort, le groupe new-yorkais fondé par
Julia Wolfe, David Lang et Michael Gordon, au
Théâtre de la Ville pour la troisième année
consécutive ! À son nouveau programme,
sept œuvres que pétrissent en toute liberté les
six musiciens virtuoses de l’ensemble. Trois
d’entre elles, uniquement musicales, distillent
leurs grooves explosifs : Lick, « résolument
“motown, rock et funk” » selon sa créatrice
Julia Wolfe ; Escalador d’Arnold Dreyblatt,
composé en 1987 sur les rythmes d’escalators défectueux du boulevard Ansbach de
Bruxelles ; Stroking, typique de la période guitare électrique – Glen Branca – Rhys Chatham
de Thurston Moore.
Mais c’est la présence de la vidéo ou du cinéma dans les quatre autres œuvres et la façon
dont s’y articulent son et image, qui donnent à
ce concert une bien grande originalité.
Light is calling de Michael Gordon baigne le
film pictural et mouvant de Bill Morrison dans
ses nappes planantes de violons avec contrepoints de guitare ou de voix.
Tout autre, l’enjeu d’Eugene. Dans une
logique de cinéma muet, Don Byron a écrit sa
musique pour introduire, accompagner, bruiter, quelques épisodes de la série d’Ernie
Kovac, comique iconoclaste de la télévision
américaine. Situations surréalistes et gags
inénarrables s’enchaînent. La musique participe de ces ambiances à la Chaplin, à la Luis
Buñuel du Chien andalou. Un régal.
Dans Phase l’image fait totalement partie du
chef-d’œuvre pour deux pianos de Steve
Reich, interprété de façon inattendue par
David Cossin. Époustouflant ! Une vidéo
montre le jeune et séduisant percussionniste
de Bang on a can all-stars jouant la partition
d’un des deux pianos sur des mid-percussions, sorte de synthé de toile qu’il frappe de
ses baguettes. Simultanément, dissimulé
derrière l’écran qui tient toute la scène, David
Cossin joue live et de la même façon la partie
du deuxième piano. Hallucinant le ballet
de ses quatre bras : deux blancs, ceux de la
vidéo en noir et blanc et deux légèrement
colorés, ceux de la réalité. Aussi fascinant
que la chorégraphie d’Anne Teresa De
Keersmaeker dans sa version de Fase qu’elle
a dansé avec Michèle Anne De Mey plusieurs
fois dans cette même salle !
Quels liens la vidéo de Doug Aitken entretientelle avec le chant et le violoncelle célestes de
Heroin de David Lang ? Réponse le 13 juin
2005 dans ce concert à marquer d’une pierre
blanche.
Francis Falceto
textes musique A.-M. Bigorne
49
MUSIQUES
DU MONDE
AU THEATRE DE LA VILLE
MAHMOUD AHMED
DENEZ PRIGENT
Bretagne
chant
invitées exceptionnelles
Louise Ebrel chant, Mari Boine chant
Éthiopie
chant
artiste invité :
GÉTATCHÈW MÈKURYA
saxophone
GHULAM MUSTAFA KHAN
Inde du Nord
chant khyal
DAVLATMAND
Tadjikistan
chant falak (musique populaire)
AUX ABBESSES
GÜLCAN KAYA
Turquie
chants d’Anatolie
MAULIDI JUMA
Kenya
ZUHURA SWALEH
avec MOMBASA PARTY
DIVNA
Taarab traditionnel de Mombasa
VOIX ET BAMBOUS
DE THAÏLANDE
Thaïlande
SOWMYA
Inde du Sud
chant carnatique
USTAD HAMÂHANG chant
USTAD GHULÂM HUSSEIN
rubâb
Afghanistan
musique de Kharâbât (Kaboul)
ZAKIR HUSSAIN
SULTAN KHAN
chant
Serbie
studio Melodi, ensemble de 9 chanteurs
chants byzantins, bulgares et serbes
IMAS PERMAS chantJava ouest
HENDRAVATI chant
ELAN SAHLAN SUMARNA chant
chants à répons du pays Sounda
ABDULVALI ABDURASHIDOV
Tadjikistan
sato, tanbur
tabla
Inde du Nord
sarangi
OZODA ASHUROVA chant, doyra
KAMOLIDDIN HAMDAMOV
tanbur, chant
ZAKIR HUSSAIN tabla
GANESH violon
Inde du Sud
KUMARESH violon
"VIKKU" VINAYAKARAM ghatam
HÉNGAMEH AKHAVAN
Iran
chant - musique classique persane
KNAR
Turquie
musique arménienne d’Anatolie
ASHOK PATHAK
Inde du Nord
surbahar, sitar
ALI AHMAD HUSSAIN KHAN
SIROGIDDIN JURAYEV dutâr
MURAD JUMAYEV doyra
Shashmâqâm (musique classique)
SHASHANK
Inde du Sud
flûte murali
KAYHAN KALHOR kamantché
SIAMAK AGHAÏ santour Iran
musique persane
SÜLEYMAN ERGUNER ney
HASAN ESEN rebab, kamantché
ALI RIZA SHAHIN muezzin
musique soufie
Turquie
Inde du Nord
shanaï
SID AHMED OULD
AHMED ZAYDAN
musique des steppes
RYSBEK JUMABAEV
Kirghizie
barde épique, manaschi
ZEYNODDIN IMANALIEV
chant, komuz
SAEÏD NABI dutâr
DORJNYAM
SHINETSDJ-GENI
Mauritanie
tidinît (luth) et voix
Kirghizie
Turkmène
LA TÊTE AILLEURS
création
Norah Krief chante François Morel
Mongolie
chant, morin khour
FAKIRS DU MAUSOLÉE DE
SHAH ABDUL LATIF Pakistan
ROSS DALY
TARIF D
Crète, Inde, Iran
chants et musiques traditionnels
Programmes susceptibles d’être modifiés
D. Prigent, ph. X. DR
G. Mustafa Khan, ph. X. DR
MUSIQUES DU MONDE
AU THEATRE
DE LA VILLE
LUN. 27 SEPT. ET LUN. 4 OCT. 20H30
DENEZ PRIGENT chant
Mickael Cozien cornemuse
Bretagne
David Pasquet bombarde
Sylvain Barou flûte irlandaise, biniou kozh
Valentin Clastrier vielle
Jean-Marc Illien clavier
David Rusaouen batterie
Jérome Seguin basse
Soig Sibéril guitare
Ahmed Khan Latif tablas
invitées exceptionnelles
Louise Ebrel chant
Mari Boine chant (lun. 27 sept.)
DE L’AUDACE, ENCORE DE L’AUDACE !
Chanter seul, encore presque inconnu, à voix
nue, en breton, des chants traditionnels, entre
un groupe de rock et un autre groupe de rock
au festival des Transmusicales à Rennes, était
un pari audacieux, voire impossible. Ce soir-là
pourtant, Denez Prigent a imposé sa voix et
son répertoire à un public d’abord interloqué,
puis attentif, séduit et enfin conquis ! C’était à
ses débuts.
Depuis, les années ont passé, compliments et
éloges ont célébré la voix, la créativité et le
talent. La presse, guère avare de superlatifs à
son sujet, y a contribué et les lauriers ne
cessent de s’accumuler. En février 2004, le
quotidien breton Le Télégramme lui a décerné son 1er Grand Prix du disque pour son
album Sarac’h témoignant ainsi que Denez
Prigent est aussi prophète en son pays. Une
gageure !
Depuis longtemps en Bretagne, l’ouverture
est une aventure partagée par de nombreux
artistes : Alan Stivell, Yann-Fanch Kéméner,
Erick Marchand, Lors Jouin, Annie Ebrel et
d’autres ont, tout en préservant leur identité,
mêlé leur voix à des traditions venues
d’ailleurs, trouvé un langage commun et osé
ainsi d’improbables mariages, surprenants et
souvent réussis. Denez Prigent, quant à lui, a
poussé l’audace jusqu’à unir sa noble et
subtile voix aux sonorités nouvelles et
étranges de la musique électronique. Les
pieds dans la tradition, il en illumine le cours
de cette lumière prodiguée par les étoiles de
la modernité. Ses chants – ceux d’hier, ceux
d’aujourd’hui – évoquent des thèmes universels et contemporains : la mort, la guerre, la
pollution… Il chante la Bretagne, il chante le
monde. Il chante l’Homme dans ses heurs et
malheurs ; celui d’hier et celui d’aujourd’hui.
Une autre facette de la modernité.
Son retour au Théâtre de la Ville est un événement singulier : une construction narrative originale, un répertoire enrichi de titres jusqu’alors absents de la scène et des invités
exceptionnels d’ici et d’ailleurs car, n’est-ce
pas, « nous sommes tous les feuilles d’un
même arbre, un même vent nous anime ».
Jacques Erwan
SAM. 9 OCT. 17H
GHULAM MUSTAFA KHAN
chant khyal
Inde du Nord
Ghulam Rabbani Khan chant et tampuras
Liyaqat Ali Khan sarangi,
Ghulam Qadir Khan harmonium
Shadaad Bhartiya tabla
Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville
Respecté comme l’un des plus grands chanteurs de l’ancienne génération, Ghulam
Mustafa Khan représente une très ancienne
tradition immergée dans le chant : ses
ancêtres étaient des chanteurs que les puissants s’arrachaient à prix d’or !
Le voir répéter et se chauffer avec ses musiciens dans l’intimité de sa loge juste avant le
concert, entouré de fidèles et autres disciples
attentifs aux yeux écarquillés, est une expérience émouvante et riche de l’enseignement
qu’elle porte sur la nature d’une musique qui
se tisse à travers les âges : là où le sentiment
de recueillement et la sensation de fluidité
vont de pair.
Par son appartenance à la prolifique gharana
(école) de Rampur, issue de celle de Gwalior,
sa lignée est rattachée à la Seniya gharana de
Tansen (l’illustre chanteur-compositeur de la
cour de l’empereur Akbar) d’où est issu Ali
Akbar Khan.
Ce sexagénaire d’allure sobre possède un
charisme qui prête à la confidence. Sa
noblesse de cœur et d’âme, son visage, nous
attirent à lui avec cette envie d’une onctueuse
douceur : on est prêt à l’écouter, sentant intuitivement qu’on peut croire en lui, dans la
vérité de son art et de son aptitude à le faire
foisonner. Sa voix sensuelle, parfois digne de
la puissance du tigre, qui nous happe et porte
à son incandescence le haut chant de
l’Hindoustan, est célèbre pour voguer dans
des graves qui rappellent le dhrupad.
51
M. Juma, ph. X. DR
Lorsqu’il initie le chant lent et majestueux du
barâ khyal, il pose les pierres d’un immense
édifice dont le sommet conduit au tarana jubilatoire final.
Cet artiste d’immense envergure s’est déjà
produit à Paris, en 1986, au Théâtre de
l’Odéon lors des Vingt-quatre heures du raga.
Christian Ledoux
SAM. 23 OCT. 17H
SAM. 6 NOV. 17H
DAVLATMAND
MAULIDI JUMA
ZUHURA SWALEH
avec MOMBASA PARTY
chant
4 musiciens
Tadjikistan
chant falak (musique populaire)
Le Tadjik Kholov Davlatmand est un musicien
hors pair. Il peut jouer de tous les instruments
qui circulent en Asie centrale tels le setâr, le
ghidjak, le dotâr. Il chante aussi d’une voix
profonde les grands poètes comme Rûmi,
Hâfez, Ferdousi. Et s’il n’a pas d’instrument à
portée de la main, il joue avec ses doigts. Par
ailleurs son érudition est confondante.
Autrement dit, il fait autorité dans un pays où
la musique traditionnelle a bien des facettes.
Les yeux de Davlatmand brillent quand il parle
du falak (ce qui veut dire voûte céleste).
Qu’est-ce ? Une plainte, un chant bordé de
sanglots, l’âme de la musique tadjike qui nous
vient des hautes montagnes du Badakhchan
dans le Pamir, là où l’homme tutoie le ciel.
Davlatmand craint que cette forme de
musique ne s’étiole dans la tourmente des
changements, jusqu’à être dénaturée. il souhaite créer un centre consacré à cette
musique mais cela ne l’empêche pas de
chanter des pages entières du Livre des rois
de Ferdousi ou de disserter sur l’art subtil du
shashmâqâm.
Il est arrivé dans la vie de cet homme rond et
modeste, un événement étonnant. Devant
venir à Douchanbe en visite officielle, Jacques
Chirac avait demandé à être initié à la culture
tadjike. Une conseillère avisée lui fit écouter
un CD de Davlatmand. Dans son discours, le
président français évoqua le musicien tadjik.
Ce fut une révolution. Depuis, Davlatmand est
respecté et les Tadjiks ne jurent que par les
Français. Comme quoi la musique adoucit les
relations internationales.
Jean-Pierre Thibaudat
Davatland, ph. X. DR
52
taarab traditionnel de Mombasa
Kenya
Omar Swaleh al-Abdi dumbak, bongos,
chœur et chef d’orchestre
Mohamed Adio Shigoo harmonium, tashkota
Ibrahim Mwinchande tashkota
Ali Gofu contrebasse
Anasi Mbwana bongos, chœur
Kibbi Jum chœur, rika
Taarab (émoi, extase, en arabe), c’est ainsi
que les populations swahili de la côte est-africaine et des îles nomment la principale de
leurs musiques populaires.
Alors que le taarab de Zanzibar est dominé
depuis un siècle par d’impressionnantes sections de cordes héritées de la tradition égyptienne, le taarab de la côte kenyane (encore
inédit en France) est depuis les années 1950
sous influence indienne. C’est en particulier le
petit harmonium à soufflet cher à de nombreuses cultures musicales d’Inde et du
Pakistan, qui donne ses couleurs indianisantes au taarab de Lamu et Mombasa. Un
autre instrument spécifique de ce taarab est le
tashkota d’origine japonaise (taishokoto/petit
koto) mais ayant d’abord transité par l’Inde
avant d’atteindre les rivages kenyans.
L’effectif des formations de la côte continentale est aussi notablement plus modeste que
celui des grands orchestres de l’île aux
épices, lesquels peuvent compter plusieurs
dizaines de musiciens.
C’est surtout à la saison des mariages que le
taarab bat son plein à Mombasa. C’est strictement une affaire de femmes, et les musiciens
sont les seuls hommes dont la présence est
autorisée durant ces festivités qui peuvent
durer plusieurs jours et nuits, débordant dans
les rues et sur les places – aucune maison ne
saurait accueillir des centaines d’invitées.
Nourriture à profusion, débauche d’élégance
et de paraître, encens et parfums, danses et
chansons résolument dévergondées. Les percussions d’influence africaine ngoma ne sont
pas en reste. À travers les interminables couplets, bien souvent improvisés à la demande,
c’est la chronique piquante, acide voire féroce
de la société qui s’épanche. Un moyen privilégié de libre expression. Certes les
hommes de la noce festoient également, à
part, dans la maison du marié, mais rien
d’aussi démonstratif.
Née en 1947, Zuhura Swaleh chante depuis
l’âge de quatorze ans. Véritable mémoire
du patrimoine traditionnel, appréciée autant
pour sa langue bien pendue que pour sa voix,
elle se produit sur toute la côte kenyane et
tanzanienne.
Né en 1941, très tôt orphelin de père, Maulidi
Juma chante et compose depuis plus de quarante ans. Lui aussi est l’une des grandes
figures du taarab est-africain.
Francis Falceto
SOWMYA
Inde du Sud
chant carnatique
Embar Kannan violon
Neyveli Narayanan mridangam
Une précocité exceptionnelle semble être
l’apanage de nombre d’artistes carnatiques.
On se rappelle le cas extrême de Ravikiran
qui, à l’âge de deux ans et demi, pouvait
reconnaître plus de cent raga-s…
Enfant prodige, Sowmya a eu pour gourou
S. Ramanathan, savant et pédagogue de
haute volée. Adolescente, elle accumule les
premiers prix de différents concours, et les
distinctions qui viennent l’honorer la situent
depuis quelque temps dans le cénacle restreint des divas. Ainsi reçoit-elle à l’âge de
vingt-quatre ans le prix D.K. Pattamal, du nom
de cette colossale interprète, gourou de
maints artistes prometteurs. Elle reçoit parmi
d’autres le titre envié de Isai Peroli, remis en la
présence des titans de l’art vocal que furent
M.S. Subbulakshmi et Semmangudi Srinivasa
Iyer.
Ses programmes, judicieusement élaborés,
relèvent d’un équilibre idéal entre son savoir et
le plaisir revigorant qu’elle nous offre. Par rapport à tant de chanteuses sans surprise et
sans flamme, cela s’appelle du savoir-faire.
Diplômée en chimie, Sowmya fait son grand
œuvre, alliant un classicisme toujours prégnant à une approche toute personnelle qui
vient nous éveiller et nous maintient sous le
charme : là réside le pouvoir créateur de la
construction bien pensée et de l’imagination
fertile. Bien qu’elle puise dans le fonds quasi
insondable de sa science musicale, son
approche expressive et sans concession
donne une dimension inhabituelle à son art,
celle d’un classicisme redynamisé.
La densité jaillissante de sa voix et son homogénéité dans les différents registres sont rarissimes. Douée d’une belle présence sur scène,
elle nous convie à un long moment de grâce
où une puissante et inépuisable énergie nous
submerge.
C. L.
SAM. 4 DÉC. 17H
USTAD HAMÂHANG chant
USTAD GHULÂM HUSSEIN
rubâb
Afghanistan
et trois autres musiciens
musique de Kharâbât (Kaboul)
Kharâbât, le quartier historique des musiciens, est situé au sud-est de Kaboul. Il fut
choisi par le roi d’Afghanistan Ahmad Shah
Durrani (1747), fondateur de l’identité nationale du pays, pour sa proximité avec le palais
royal. Il a une valeur doublement symbolique,
de par sa situation géographique au centre de
la vieille ville et en tant que garant de la
musique sur le plan national.
Le terme kharâbât désigne un statut social,
culturel et religieux particulier. Les kharâbâti
Jérôme Louis
Zakir Hussain, ph. S. Millman
Sowmya, ph. X. DR
SAM. 27 NOV. 17H
ne reconnaissent pas l’autorité en place, ou
plutôt ils ont créé, parallèlement à la cour des
rois, une cour rivale : celle des renonçants.
Héritiers du saint poète soufi Khwaja Muin alDin Chîstî, ils associent la musique à cet état
de renoncement. Celle-ci transcende les clivages sociaux et la poésie reste la seule
représentation morale. Ce sont ces poètesmusiciens, parfois élevés au rang de pîr
(saints), qui règnent sur Kharâbât.
Jusqu’à une période récente, Kaboul était
appelée La Mecque de la musique. Les
grands maîtres de l’Inde ainsi que ceux du
riche répertoire traditionnel afghan étaient
tenus d’y faire leur mujrahi (pèlerinage).
Malheureusement, depuis les guerres civiles
et la politique des talibans, il ne reste du
célèbre quartier qu’un amoncellement de
ruines. Quelques-uns de ces kharâbâti ont
survécu. De retour d’exil, ils tentent de reconstruire l’identité culturelle de leur pays. C’est ce
que nous proposent de découvrir, entourés de
trois autres musiciens, Ustad Amâhang et
Ustad Ghulâm Hussein, derniers maillons de
la fragile chaîne de la connaissance musicale
afghane.
SAM. 18 ET DIM. 19 DÉC. 17H
SAM. 18 DÉC. 17H
Inde du Nord
ZAKIR HUSSAIN tabla
SULTAN KHAN sarangi
Pour la 2e fois au Théâtre de la Ville
Pour ce week-end d’avant-Fêtes prometteur
en surprises musicales, Zakir Hussain réunit
des maîtres de l’archet de l’ancienne et nouvelle génération.
Le monstre sacré Zakir Hussain retrouve
Sultan Khan, interprète le plus romantique du
sarangi. Impressionnante expérience que
celle du maestro dans le foisonnement d’un
voyage musical accompli à travers plus de
cinq décades.
Ce vieux loup de mer a d’abord accompagné
les plus grands chanteurs de khyal dès l’âge
de onze ans, ce qui est la meilleure école pour
un futur soliste : on observe, on accumule un
vaste répertoire de compositions, on se frotte
à des maîtres reconnus, captant ce qui fait
leurs différences de style. On suit leur chant
au plus près, en devant adapter son jeu aux
variations les plus infimes. On apprend aussi
à deviner chaque nouvelle phrase mélodique,
chaque passage rythmique et tous les enchaînements les plus inattendus. C’est une école
de patience, d’éveil et d’invention.
Découvert par Lata Mangeshkar, diva du playback du cinéma indien, on le retrouve dans
les studios de Bollywood où il enregistre et
compose à tour de bras, toujours prêt à se
livrer à de multiples expériences avec des
53
Les frères Ganesh, ph. X.DR
DIM. 19 DÉC. 17H
nant, ont, dès l’âge de trois ans, appris chacun le violon, l’instrument le plus joué dans le
sud. Avec leur père comme gourou, ils suivent
chaque jour l’enseignement le plus traditionnel qui soit : réveil à quatre heures pour le
cours matinal. Aussitôt rentrés de l’école, pratique des exercices sous l’œil attentif de leur
mère, en attendant le retour paternel à huit
heures pour reprendre leur classe du soir, et
chaque jour ainsi, inlassablement. Très tôt ils
se font remarquer par la critique. Les ténors
du violon solo Lalgudi Jayaraman et M.S.
Gopalakrishna les encouragent. Mais, vu l’immense compétition entre violonistes, la voie
du succès est jonchée d’écueils. Ayant longtemps pratiqué maints exercices dans les
cinq vitesses d’exécution, ils acquièrent une
vélocité et une maîtrise rythmique hors pair.
C’est alors qu’ils se forgent un style chaleureux, vif, aérien et poétique avec en prime les
beaux chants de Ganesh…
C. L.
S. Khan, ph. Birgit
jazzmen, des musiciens pop dont George
Harrison, des guitaristes flamencos ou,
récemment, des DJ de Londres…
La première partie du concert est vouée à l’interprétation d’un raga. Sultan Khan y déploie
en solo son jeu si coulant, presque mozartien,
sous le regard attentif de Zakir. Puis viennent
les compositions au cours desquelles celui-ci
se contente de jouer le cycle rythmique pour
se livrer en alternance à de fulgurantes improvisations. Le raga terminé, Zakir Hussain se
lance dans un solo de tabla où il nous régale
d’un plaisir toujours palpitant, tandis que son
complice de si longue date l’accompagne tout
en joie, s’émerveillant de ses tours. Tant de
fois présenté de par le monde, ce duo fait
merveille, l’archet aux contours lyriques et à la
puissante vélocité rythmique s’accorde aux
tonalités inouïes déployées par l’inventeur
d’un nouveau style de tabla que tant
cherchent à imiter. On reste bouche bée
devant les frappes hallucinantes de ce
démiurge chevauchant l’espace.
C. L.
Inde du Sud
ZAKIR HUSSAIN tabla
GANESH violon
KUMARESH violon
"VIKKU" VINAYAKARAM ghatam
Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville
Le 19 décembre, place aux violons de
Ganesh et Kumaresh.
54
Habitué aux rencontres avec des musiciens
du sud, Zakir Hussain a eu l’occasion de jouer
pour la première fois avec les jeunes frères
Ganesh et Kumaresh à l’instigation de son ami
“Vikku” Vinayakaram qui suggère leur nom
pour un concert que donne chaque année
Zakir dans la salle la plus prestigieuse de
Madras. Celui-ci acquiesce sans avoir jamais
entendu les violonistes : il peut faire confiance
les yeux fermés au géant du ghatam qu’il fréquente sur scène depuis trente ans et
quelques. Sans l’ombre d’une répétition les
musiciens se produisent ainsi à la Music
Academy de Madras en janvier 1998. Ils s’entendent intuitivement devant un parterre vite
conquis par la richesse de leur jeu. Deux ans
plus tard, le Théâtre des Abbesses les présente pour une série de quatre concerts très
suivis. Depuis lors ils forment un ensemble à
géométrie variable.
La fraîcheur de jeu des frères virtuoses n’est
pas étrangère à l’intérêt que porte Zakir à ces
prodiges maintenant très connus dans le sud.
Ganesh le méditatif et Kumaresh le bouillon-
SAM. 8 JAN. 17H
HÉNGAMEH AKHAVAN chant
musique classique persane
4 musiciens
Iran
Pour la 1re fois en France
À 59 ans, Héngameh Akhavan est reconnue
comme la grande voix féminine de l’Iran. Son
timbre est aigu et parfumé de variations multiples. Sa voix : un souffle dévastateur qui jaillit
avec puissance, clarté et émotion ; capable
de déferler en une vertigineuse cascade de
vocalises dignes des plus grands interprètes
de mugham. On se souvient de la voix prodigieuse du chanteur azéri Alim Qasimov. Celle
d’Héngameh Akhavan est de cette trempe-là.
Née à Fuman, dans la province du Guilan, elle
commence à chanter dès l’âge de 6 ans et
demi. L’environnement familial y est pour
beaucoup : « Mes parents m’ont élevée dans
un esprit musical. Ils vivaient en chanson », se
souvient-elle. Très tôt, son père lui apprend le
avaz-e dashti (un des modes de la musique
H. Akhavan, ph. D. Minoui
iranienne). Il lui fait également découvrir les
grandes cantatrices iraniennes de l’époque,
Ghamar et Rouhanguiz, dont il collectionne
les disques. Invitée par sa sœur à Téhéran, à
l’âge de 12 ans, Héngameh Akhavan saisit
alors sa chance au concours de la radio nationale iranienne. Elle est finalement reçue au
bout de la troisième audition, après avoir
complété sa connaissance du radif (système
modal iranien). Grâce aux encouragements
du musicien Ali Tajvidi, elle suit pendant dix
ans les cours du grand maître de la musique
persane, Ostâd Adib Khansari. En 1975, elle
enregistre sa première chanson à la radio, La
Saison des fleurs, un poème de Vahid
Dastgerdi, habituellement chanté par Ghamar.
Héngameh Akhavan commence alors un long
travail d’exploration des nombreux chants de
cette grande diva iranienne, qui aboutit
aujourd’hui à un concert exceptionnel baptisé
En mémoire de Ghamar. Accompagnée par
les instruments traditionnels iraniens (kamântché, târ, ney, tombak, oud), Héngameh
Akhavan part à la découverte d’un registre
inépuisable, qui comprend « L’Oiseau de
l’aube », la chanson fétiche des artistes
iraniens.
Knar, ph. K. Ozturk
Delphine Minoui
ordre des choses : « le déplacement forcé de
la population arménienne » – ainsi dit-on – a
ensuite conduit la quasi-totalité de ces
Arméniens à Istanbul. C’est là qu’ils vivront
désormais, loin du berceau de leur musique,
l’Anatolie.
« Une des principales caractéristiques de
cette musique est, si l’on en croit un spécialiste, qu’elle se fonde sur la tradition asug ou
achik (barde) en turc. Les asug-s étaient des
musiciens professionnels qui, d’abord disciples, recevaient leur formation d’un maître.
Allant de village en village munis de leur instrument – saz ou santur — ils jouèrent, grâce
à leurs poèmes et à leurs chants, un rôle
important dans le développement de la
langue arménienne ainsi que dans celui de la
composition musicale. Ainsi transmettaient-ils
aussi leur tradition musicale d’un village à
l’autre. »
Originale, voire unique, cette musique arménienne d’Anatolie, chef-d’œuvre en péril, semblait menacée de disparition. En 1997, l’ensemble Knar prit conscience de la fragilité de
ce patrimoine et du devoir de le sauver. Dès
lors, ce fût son seul objectif.
Les deux disques de Knar recèlent une
collection de chansons arméniennes originaires de nombreuses villes d’Anatolie –
Sivas, Adapazari, Mus, Erzurum, Diyarbakir,
Samsun… mais aussi d’Istanbul et d’Arménie.
Le répertoire offre berceuses et complaintes,
chansons d’amour et musiques de danse,
chants religieux… Le groupe poursuit son travail d’archivage, continuant ainsi à enrichir
son répertoire.
Six musiciens et chanteurs contribuent au sein
de l’ensemble Knar à vivifier cette tradition :
Sezar Avedikyan (tar et baglama), Arto
Erdogan (percussions), Sirak Sahrikyan
(duduk, svi, zurna et accordéon), Taniel
Koyuncu (luth, cümbüs et chant), Murat Sirin
SAM. 22 JAN. 17H
KNAR
Turquie
musique arménienne d’Anatolie
Sezar Avedikyan tar, baglama
Arto Erdogan percussions
Sirak Sahrikyan duduk,svi,zurna,accordéon
Taniel Koyuncu luth, cümbüs, chant
Murat Sirin chant
Tatiana Bostan chant
UNE MUSIQUE À CARESSER L’ÂME
L’Orient est, dit-on, souvent complexe pour un
esprit cartésien. C’est là son intérêt , c’est là
son charme. Au temps de l’empire ottoman et
jusqu’au début du XXe siècle, la majorité des
Arméniens du pays vivait en Anatolie. Les
vicissitudes de l’Histoire ont bouleversé cet
(chant) et Tatiana Bostan (chant). Outre les
instruments, donc, deux voix masculines et
une voix féminine éclatante de pureté. Tantôt
mélancolique, tantôt festive, une musique à
caresser l’âme.
J. E.
SAM. 5 FÉV. 17H
ASHOK PATHAK
surbahar, sitar
accompagné au tabla
Inde du Nord
Le surbahar, étonnant et rarissime version
basse du sitar, est apparu (sans doute au
Bengale) au début du XIXe siècle. Cependant,
à l’écoute de la puissance et de la pureté sonore de ce luth imposant, on pourrait imaginer
qu’il perdurait depuis des âges, comme la
55
A. Pathak, ph. X. DR
A. Ahmad Hussain Khan, ph. X. DR
rudra veena jouée pour les dhrupad anciens,
dont Mohinuddin Dagar, déjà présenté au
Théâtre de la Ville, fut le plus grand interprète.
L’idée de son créateur, musicien de cour,
ancêtre de Vilayat Khan (ceci n’a rien d’étonnant) était d’aborder l’élaboration des raga-s
en ayant à sa disposition le maximum de possibilités expressives pour faire au mieux
entendre les srutis, ces hauteurs de notes
calibrées au microton, qui donnent sa forme et
sa plénitude aux raga-s. Pour cela, jouer dans
le puissant registre des graves donne le relief
nécessaire à une perception optimum des
intervalles (comme l’a toujours fait Ravi
Shankar sur les cordes basses de son sitar).
On compte sur les doigts les joueurs de surbahar qui se produisent en public. Certains
sitaristes en jouent uniquement chez eux,
pour pratiquer l’alap introductif, ce qui leur
donne un excellent exercice musculaire des
mains et les place dans un monde propice à
la méditation sur le raga.
Écouter les sonorités si enveloppantes et
ensorcelantes d’Ashok Pathak au surbahar
est une expérience unique. On nage dans le
son… Outre l’incroyable talent de cet artiste
étonnamment discret, cela s’explique : il
appartient à une famille de musiciens qui a
forgé sa propre école stylistique et lui a donné
son propre nom : celui de la Pathak gharana.
Son père Balaram Pathak était un illustre
joueur de surbahar et de sitar dont Radio
France enregistra un microssillon.
On imagine difficilement qu’un tel instrument
puisse exister : il faut l’entendre pour le croire,
mais cela fait partie du génie organologique
des luths indiens. La forme, le son et les
possibilités si expressives du surbahar en font
l’instrument de la solitude totale, celle qui
oblige l’artiste, comme mis à nu, à tout réinventer. On pourrait le comparer aux pièces
pour violoncelle seul de J.S. Bach, qui nous
offrent les plus belles partitions du monde.
Tout joueur de surbahar est aussi sitariste, et
Ashok Pathak le prouve avec une grâce et un
doigté d’une finesse exquise lorsqu’il interprète d’anciennes compositions accompaC. L.
gnées au tabla. À ne pas manquer !
fie le « nay du Shah ». C’est dire le prestige
impérial qui y est attaché. Les personnages
éminents étaient jadis accueillis dans les
cours princières par ses mélopées. De nos
jours, l’inauguration des festivals se déroule
au son velouté et ardent de ce hautbois réputé auspicieux mais redoutable d’exécution.
Descendant d’une illustre lignée de musiciens
d’Allahabad, Ali Ahmad Hussain Khan relate
avec fierté que son grand-père Wazir Ali fut le
premier joueur de shanaï à se produire devant
la reine Victoria, non pas en Inde, mais à
Buckingham Palace en 1910 !
Le maestro, maintenant octogénaire, est le
joueur de shanaï le plus demandé en Inde. Il
a eu le privilège et le bonheur de jouer en duo
avec le regretté Vilayat Khan, génie absolu du
sitar, a donné le concert d’inauguration de la
télévision nationale à Delhi (Vigyan Bhavan)
en 1973, puis enregistré l’indicatif de la
chaîne, composé par Ravi Shankar. Depuis, il
participe régulièrement aux concerts retransmis en direct le dimanche matin par All India
Radio.
On a déjà pu juger de son talent au Théâtre de
la Ville, lors d’un concert en jugalbandi en
compagnie du sitariste Manilal Nag. Son
contrôle impressionnant des enchaînements
de notes lui permet une totale liberté expressive. Ses sonorités moelleuses se fondent
dans une perfection sonore qu’un souffle mystérieux attise jusqu’au mince filet quasiment
miraculeux d’une note longuement soutenue
en suspens… Son jeu imaginatif, son sens
inné du swing et l’approche intime des raga-s
en font le digne continuateur de Bismillah
Khan, référence absolue en la matière.
C. L.
LUN. 21 MARS 20H30
musique des steppes
RYSBEK JUMABAEV
barde épique, manaschi
Kirghizie
ZEYNODDIN IMANALIEV
chant, komuz
SAM. 12 MARS 17H
ALI AHMAD HUSSAIN KHAN
shanaï
Inde du Nord
Hassan Haider, Ahmad Abbas shanaï
Ali Ahmed surmandal, surpeti
Samar Saha tabla
Sandip Banerjee khurdak
Tanveer Imam tampura
56
Souvent entendu dans les temples, à l’aurore
ou au crépuscule, le shanaï, si apprécié par le
lyrisme de ses sons nostalgiques, préside aux
cérémonies dans maintes occasions religieuses et sociales. Mot persan, shanaï signi-
SAEÏD NABI dutâr
DORJNYAM
SHINETSDJ-GENI
chant, morin khour
Kirghizie
Turkmène
Mongolie
Nouvelles chevauchées musicales à travers
les steppes d’Asie centrale avec ce concert
qui réunit Kirghizes, Turkmènes et Mongols !
« L’histoire kirghize n’est pas enfermée dans
les livres mais dans plus de 2000 mélodies
traditionnelles » rappelait Asan Kaybildaev, ce
musicologue qui a passé sa vie à explorer
l’épopée de Manas. Véritable « Iliade des
steppes » dotée de quelque 500 000 vers et
enrichie oralement depuis le IXe siècle, le
paysage de Mongolie, ph. D. Tassin
Fakirs du Mausolée, ph. Birgit
Manas est devenu le fleuron identitaire de ce
pays adossé à la Chine, où la montagne est
partout présente. Rysbek Jumabaev, l’un de
ces conteurs et musiciens de Manas (les
manaschi), nous fera goûter ces intrigues dramatiques et palpitantes, mémoire collective
du peuple kirghize. Il fait partie de l’ensemble
Tengri Too, chargé de revitaliser la musique
traditionnelle kirghize, tout comme Zeynoddin
Imanaliev. Chanteur, Zeynoddin est aussi un
virtuose du komouz, ce petit luth à long
manche et trois cordes emblématique du
pays. Il faut non seulement l’écouter mais le
voir user d’un doigté vertigineux, presque
acrobatique, qui n’est pas sans rappeler celui
de la guitare flamenca.
À l’est de la Kirghizie, sa « petite sœur », la
Mongolie, voisine elle aussi de la Chine, possède un instrument privilégié, le morin khour
qui accompagne chants et danses. Selon la
légende, ce luth joué avec ou sans archet,
serait né d’un cheval mythique mort tragiquement, d’où la tête de l’animal sculptée à l’extrémité de son manche. Dans ce pays où le
cheval est roi, pas étonnant que la musique lui
rende un singulier hommage. Dorjnyam
Shinetsdj-Geni est passé maître de cet instrument à deux cordes qui, malgré sa simplicité
illusoire, révèle une étonnante richesse de
sons.
Appuyées contre la mer Caspienne, l’Iran et
l’Afghanistan, les vastes plaines du Turkménistan résonnent encore des caravanes de
Marco Polo, des empires turcs, perses et des
mélopées de l’islam sunnite. Le dutâr, luth à
long manche et deux cordes est l’instrument
le plus populaire de ce pays. S’il peut accompagner chants et danses, c’est en solo que
Saeïd Nabi en exprime toute la subtilité.
Des musiques « nomades » pour une évasion
sans limite.
Jacqueline Magnier
SAM. 16 AVR. 17H
FAKIRS DU MAUSOLÉE
DE SHAH ABDUL LATIF
7 musiciens
Pakistan
Bonheur ! Les Fakirs de Bhit Shah sont de
nouveau parmi nous ! Leur précédent passage au Théâtre des Abbesses en 1999 avait
laissé les spectateurs sidérés, happés par les
troublantes envolées vocales de ces hommes
tout drapés de noir et pénétrés d’un amour
éperdu pour leur maître, le saint soufi Shah
Abdul Latif Bhittai. Et voici qu’à nouveau,
chance nous est donnée de nous confronter à
ces voix abrasives, souffles de désert mettant
à nu nos repères, nos certitudes : « L’ego est
un voile couvrant le Soi… Son existence nous
barre le chemin vers l’union. Mais quand le
voile est enlevé, tout conflit et tout tourment
cesse… », nous avertit le poète.
Jusqu’à sa mort en 1752, Shah Latif n’aura de
cesse d’enrichir ce message d’amour mystique, élaborant une singulière alliance de
chant et de musique, quotidiennement vivifiée
par ses disciples depuis lors.
« Génie coulant comme une rivière cristalline,
brillant comme la lumière, clair comme le
vent », le saint de Bhit Shah s’inspira des
légendes sindhies pour évoquer l’amour divin
en des termes profondément humains : quête
dans le désert, attente d’une femme de marin,
retrouvailles d’amants éperdus… Musicien
d’exception, il imagina un chant communautaire où les vers étaient interprétés à différentes octaves dans une stupéfiante
harmonie, dépassant les dualités : graves et
aiguës, plainte et fougue, passion humaine et
amour divin…
Or le maître est mort voici 250 ans maintenant,
et depuis lors, il n’est de nuit que ses disciples
ne reprennent ces chants sur le seuil du mausolée, de l’oraison Isha du soir à la prière Fajr
du matin… Sublime permanence d’un chant
d’amour qui, à Paris pour un soir, tentera nouvellement de lever quelques coins du voile…
Pierre-Alain Baud
57
Ross Daly, ph. X. DR
M. Ahmed, ph. V. Guillien
MER. 11 MAI 20H30
MER. 18 MAI 20H30
ROSS DALY
MAHMOUD AHMED
rabab, lyre crétoise, tarbu, tampura, laouto
Iris
chants et musiques traditionnels de Crète,
d’Inde et d’Iran
Hamid Reza Khabazi tar, chant
Partha Sarathi Mukherjee tabla
Vassilis Rakopoulos guitare
Kelly Thoma lyre crétoise
Yiogos Xylouris laouto crétois, chant
Pedram Khavar-Zamini tombak
Dhruba Ghosh sarangi, chant
L’ART DE L’ÉCHANGE
Ross Daly revient. C’est la quatrième fois. Il
récidive donc, mais ne se répète guère tant il
cultive l’art de l’échange. Au fil de ses pérégrinations à travers le monde et au gré de
multiples rencontres, ce frère des hommes a
développé une sagesse et enrichi sa palette
musicale. Il a créé un univers original. Tel un
peintre avec ses couleurs, il mélange des traditions musicales complémentaires et invente
une musique à nulle autre pareille, à la fois traditionnelle et nouvelle. « Un arc-en-ciel musical » comme emblème d’un « message de
paix et d’amour. »
Dans ce nouveau répertoire, intitulé Iris, Ross
Daly associe musiciens grecs, crétois, iraniens et indiens ainsi que voix grecques, iraniennes et indiennes. Dans ses compositions,
il assimile certains éléments des traditions
respectives de ses compagnons : mélodies
traditionnelles de Crète, d’Inde, d’Iran et aussi
d’Azerbaïdjan, se marient et témoignent ainsi
de l’existence de ce socle commun dont elles
sont issues. Chez Ross Daly, l’amour de la
liberté nourrit, sans doute, l’idée d’abolir les
frontières et de réunir les êtres.
« Chacun d’entre nous, écrit-il, recherche les
mêmes choses dans la musique, quelque
chose que chacun “voit” clairement dans le
regard des autres. C’est pour cette raison que
nous nous sommes rassemblés ; non pas pour
démontrer ou prouver à quiconque que
Indiens, Iraniens et Grecs peuvent jouer de la
musique ensemble. C’est, pour nous, un fait
évident et avéré. Il ne requiert, c’est certain, ni
démonstration ni preuve. Au contraire,
l’unique sens de cet accomplissement que
chacun d’entre nous tente est quelque chose
que nous sommes honorés de partager avec
quiconque souhaite écouter. »
Au-delà de la musique, subtile et enjouée, une
célébration de la fraternité humaine. Une certaine idée du bonheur d’être ensemble.
J. E.
58
chant
artiste invité :
Éthiopie
GÉTATCHÈW MÈKURYA
saxophone
Dix ans après son premier et mémorable passage sur la scène du Théâtre de la Ville
(février 1994), Mahmoud Ahmed revient. Celui
qui a entrouvert la porte de l’Éthiopie musicale
au public occidental n’a pas cessé depuis de
gagner en audience. Le Live in Paris (au
Théâtre de la Ville, justement) et les patientes
rééditions de ses vinyles haute époque dans
la collection Éthiopiques nous font toujours
plus espérer le disque définitif qu’il lui reste à
graver.
Aujourd’hui encore, alors que toutes sortes de
musiques sont accessibles aux amateurs
d’exotismes sonores, l’Éthiopie fait toujours
figure de monde musical oublié et de chaînon
manquant au sein du concert panafricain,
comme si les clichés tenaces perpétuellement
associés à ce pays interdisaient une approche sereine de ses cultures musicales,
extraordinairement riches et singulières. La
musique de Mahmoud Ahmed, urbaine, électrique, cuivrée, dansante, hypnotique, tour à
tour déchirante et funky, si différente de tout
ce que l’on connaît en provenance du continent africain, demeure pratiquement le seul
témoin visible de ce groove entêtant.
Homme de scène hors pair, Mahmoud invitera
spécialement pour ce concert un non moins
flamboyant acolyte : Gétatchèw Mèkurya.
Gétatchèw est le vétéran culte de la saxophonie éthiopienne. Non seulement il appartient
au panthéon de tous les souffleurs abyssins,
mais il est l’inventeur d’un style musical remarquable, hérité d’un genre purement vocal,
guerrier, épique, déclamatoire, hurleur, égosillé, appelé shillèla. Autrefois – et jusqu’au XXe
siècle –, c’était un exercice obligé que de
donner ainsi de la voix pour galvaniser les
troupes avant une bataille. Thème guerrier où
se mêlent bravade, dithyrambe, promesses
d’héroïsme aussi bien qu’invectives à l’ennemi, ce fracas vociférant était improvisé avant
chaque assaut. C’est cette jactance époumonée, homérique, qui a contribué à la gloire de
Gétatchèw Mèkurya, celui-ci ayant eu la riche
idée de le transposer pour le saxophone. Pardelà les références guerrières, nous voilà
confrontés à une forme musicale audacieuse,
improvisée, impétueuse, enragée, où chaque
mèlisme dérape avec bonheur vers plus de
déstructuration et de liberté dans le jeu. Le
shillèla saxophone a ainsi des airs de free jazz
avant la lettre : Gétatchèw Mèkurya se souvient de s’être essayé à ces exaltations
sonores dès 1952-53, alors qu’il n’avait pas
encore vingt ans. Il ignore toujours tout
G. Kaya, ph. X. DR
G. Mèkurya, ph. Shillèla
d’Ornette Coleman ou Albert Ayler, du free
jazz et des batailles d’Hernani qui s’ensuivirent après 1960. Ces faits d’armes musicaux
lui ont valu en Éthiopie le titre incontesté de «
Negus du saxophone ».
Gétatchèw Mèkurya ne s’est encore jamais
produit sur une scène européenne.
F. F.
MUSIQUES DU MONDE
AUX ABBESSES
LUN. 22 NOV. 20H30
chants d’Anatolie
Turquie
Divna, ph. X. DR
GÜLCAN KAYA
comme soliste à la radio d’Istanbul tout en
poursuivant ses études. Ensuite, elle
enseigne, produit des émissions consacrées
à la chanson populaire à la radio et à la télévision, et elle chante !
Elle chante de cette voix qui charme l’oreille et
l’âme et dont la couleur singulière la distingue
de celle des voix de la plupart de ses
consœurs. Une voix qui s’orne, à l’occasion,
du frémissement d’un vibrato. Fidèle à la tradition dans sa manière de chanter, et interprète confirmée, Gülcan Kaya s’empare d’un
répertoire de chansons anonymes recueillies
dans toute l’Anatolie : chants alevis, chansons
d’amour, airs de danse, chants zeybeks de la
mer Egée et chansons de la mer Noire… Une
large palette.
Au Théâtre des Abbesses, Gülcan Kaya sera
entourée de Kemal Kaplan (saz, baglama et
çögür), Ismaïl Altinsaray (saz), Özcan Gök
(percussions) et Kenan Elmas (kaval, ney et
zurna) pour magnifier ces chansons populaires (türkü) d’Anatolie. Pour elle, les plus
belles du monde ! C’est dire.
J. E.
Kemal Kaplan saz, baglama, çögür
Ismaïl Altinsaray saz
Özcan Gök percussions
Kenan Elmas kaval, ney, zurna
L’ANATOLIE AU CŒUR
Il était une fois en Anatolie un village sis dans
la région d’Erzinçan, à l’est de la Turquie. Les
habitants de ce village, appelé Doluca,
aimaient tellement la musique et les chansons, qu’elles étaient pour eux aussi indispensables que l’air, l’eau et le pain. Chaque événement était prétexte à chansons. Chacun
puisait alors dans le répertoire des chansons
populaires, les türkü-s. Les hommes du village
aimaient aussi jouer d’un instrument : petit luth
nommé baglama, flûte que les bergers appellent kaval ou bien encore cette autre flûte
que les musiciens ont baptisé ney. Les
femmes, elles, vaquaient à leurs occupations
en chantant et le sens de ces chansons-là
était, pensaient-elles, plus ou moins sacré.
C’est dans ce village, où elle naquit en 1969,
que, petite fille, Gülcan Kaya eut le bonheur
de vivre son enfance : au milieu de ces villageois épris de musique. Conscience ou
inconscience, sans doute, hérita-t-elle de
cette passion.
Encore enfant, elle fut dépêchée auprès de
son oncle paternel à Istanbul pour suivre des
études primaires. Dans cette cité mirifique, sa
voix attira l’attention de ses instituteurs ainsi
que, plus tard, de ses professeurs de lycée.
Séduits, ils l’orientèrent vers le conservatoire.
À vingt-deux ans, la jeune femme, talentueuse
et belle, entre dans la section chant du
conservatoire de musique turque. Deux ans
plus tard, en 1993, elle entame sa carrière
LUN. 13 DÉC. 20H30
DIVNA chant
Serbie
studio Melodi,ensemble de 9 chanteurs
(6 hommes et 3 femmes)
chants liturgiques byzantins, bulgares et
serbes
DIVIN
La beauté de sa voix comme celle de son
visage justifierait que son prénom, Divna,
signifie divine dans sa langue. Mais celle-ci
est injuste, qu’importe, Divna est divine. C’est
un fait.
Née à Belgrade en 1970, Divna Ljubojevic est
donc serbe. Elle s’est, dès l’enfance, initiée au
chant religieux et saura très tôt en interpréter
les subtilités au sein du chœur du monastère
Vavedenje. Ce sont des moniales qui l’ont formée au chant et, pour les experts, sa biogra-
59
SAM. 15 ET DIM 16 JAN. 17H
VOIX ET BAMBOUS
DE THAÏLANDE
Répertoire de chants populaires religieux
et profanes
1re PARTIE : Orgues à bouche khène et
chants mholam de l’Isan (Khon Kaen,
Nord-Est), 2 musiciens.
2e PARTIE : Ensemble Pi-joom et chants saw
du Lanna (Chiang Mai), 6 musiciens
60
ENVOÛTANT
En l’ancien royaume du Siam, de multiples
influences, héritées de la Birmanie, du Laos et
du Cambodge ainsi que de l’Inde, de la
Chine, de la Malaisie et de l’île de Java, se
sont mêlées au fil du temps. La Thaïlande,
terre de métissage, est donc un véritable
creuset dans lequel se sont fondues des traditions diverses. Le pays a échappé à la colonisation, et dans la plupart de ses régions
subsiste aujourd’hui une multitude de musiques et de danses populaires.
Dans certains villages du nord (Lanna, région
de Chiang-Mai) et de l’est (Isan), aux frontières de la Birmanie, de la Chine et du Laos,
demeurent des formes ancestrales, riches de
voix et d’instruments en bambou qui s’harmonisent et se défient au cours de joutes. Un
véritable jeu musical qu’évoque en experte
Isabelle Gruet : « la douceur et la suavité des
célèbres orgues à bouche khènes ou des
tuyaux à anche libre pi dialoguant avec les
Thaïlande, photos I. Gruet
phie précise que celles-ci « chérissaient très
fidèlement le style unique de chant propre à la
région de Karlovac, dans la version du
compositeur Baracki, ainsi que le chant traditionnel russe ». Divna a également étudié à
l’École de musique Mokranjac de Belgrade.
Elle est, par ailleurs, diplômée de l’Académie
de musique de Novi Sad.
Dès 1988 – elle n’a que dix-huit ans – elle
commence à diriger un chœur : d’abord le
chœur Mokranjac avec lequel elle multiplie les
concerts en Serbie comme à l’étranger. Entre
autres, à Paris, la Première Liturgie de
Pâques, sous les voûtes de la cathédrale
orthodoxe serbe Saint-Sava.
Elle devient, en 1989, la plus jeune chef de
l’histoire de la Première Société chorale de
Belgrade, formation créée en… 1853 ! À Paris
en 1997, elle fonde le chœur de l’église SaintSava en compagnie duquel elle offre des
concerts de musique liturgique slave et
grecque… Son palmarès l’atteste, il y a du
prodige chez cette jeune femme.
Aujourd’hui, elle consacre l’essentiel de son
activité artistique au chœur Melodi, qui
compte trente-cinq membres, fondé avec un
groupe d’amis et d’associés, et à son émanation, le studio Melodi. C’est cette dernière formation mixte de neuf chanteurs (six hommes
et trois femmes) qui l’accompagnera sur la
scène du Théâtre des Abbesses.
Le répertoire se compose de chants liturgiques byzantins anciens, bulgares et serbes
qui, conséquence du schisme entre l’Église
d’Orient et l’Église d’Occident au XIe siècle, se
distinguent à tous égards de ceux de l’Église
de Rome. Le silence qui précède ces chants
sacrés symbolise Dieu le père, le soliste qui
les interprète, la réincarnation du Christ, et le
bourdon continu (Ison) qui les parcourt,
l’Esprit Saint. Sous les coupoles des églises,
ils suscitent la ferveur, et sur les scènes,
quand s’élève la voix divine de Divna, l’admiration. Mais comment dit-on sublime en
serbe ?
J. E.
chanteuses endiablées de mholam ou de saw
laissent aussi place aux rythmes effrénés et
délirants ».
Une musique qui tourne en boucle comme
tournerait une roue en un mouvement perpétuel. Hypnotique, elle captive l’oreille, stimule
l’imaginaire et accapare la conscience.
L’Isan, région la plus vaste du pays, s’étend
de la frontière du Laos, au nord, à celle du
Cambodge, au sud. Tribus thaïs-lao et populations d’origine khmère occupent de vastes
plaines agricoles.
Du rituel au divertissement, la tradition vocale
du mholam s’empare et se nourrit de toutes
les histoires, sacrées ou profanes, fondatrices
de la communauté. Croyances spirituelles,
contes merveilleux, épisodes des 547 vies du
Bouddha (jataka), récits d’actualité, les chanteurs rivalisent de talent au cours de joutes
verbales qui se déroulent au sein de la famille,
lors des cérémonies de guérison ou des fêtes
de villages. Entre parole et chant, la voix
grosse de son tourbillon de mots s’acoquine
aux lignes mélodiques et rythmiques du
khène et ainsi contribue à perpétuer la mémoire collective. Instrument central de la tradition du mholam, le khène, assemblage de
seize à vingt-huit tuyaux en bambou, peut
atteindre une hauteur de quatre mètres et
produire plusieurs sons simultanément : « Il
déploie, écrit Alain Weber, sa polyphonie
éthérée grâce à une savante respiration
continue ».
La complexité des mélodies de l’Isan comme
du Lanna témoigne de la sophistication et du
raffinement du vieux fond culturel rural de ces
musiques.
Annexé définitivement au Siam à la fin du XIXe
siècle, le Lanna conserve aujourd’hui encore
son particularisme. Le pi, ancêtre du khène,
est un tuyau à anche libre en bambou ; on
l’embouche obliquement ; son jeu requiert un
souffle continu. L’Ensemble Pi-joom se
compose d’au moins quatre pi-s de tailles différentes, d’un grand luth süng et d’un duo
mixte de chanteurs. « Le sawpijoom, écrit
Isabelle Gruet, est la parole des paysans
bouddhistes du Lanna. » Musique en partie
improvisée, le pi-joom fait une large place à la
voix, au chant, à la narration. Elle mêle à « la
subtilité de l’héritage chinois la vigueur des
rythmes puisés dans le substrat des minorités
ethniques et des sociétés traditionnelles ».
Entre parlé et chanté, le style du chant surprend, de prime abord, avant de séduire : « la
voix monte délicatement d’un ton en fin de
strophe dans un raffinement extrême, divin et
presque imperceptible ». La répétition régulière du refrain provoque un effet hypnotique
et la noria des musiques suscite une sensation d’envoûtement. Le chant emporte l’auditeur dans le tourbillon de ses sonorités, le
rebondissement du souffle et les envolées
lyriques…
J. E.
Imas Permas a déjà été présentée au Théâtre
de la Ville. Sa voix inimitable, suave, presque
fragile, se prête idéalement à l’enchantement.
C. L.
SAM. 2 AVR. 17H
ABDULVALI
Tadjikistan
ABDURASHIDOV sato, tanbur
OZODA ASHUROVA chant, doyra
KAMOLIDDIN HAMDAMOV
tanbur, chant
I. Permas, ph. V. Sukanda-Tessier
SIROGIDDIN JURAYEV dutâr
MURAD JUMAYEV doyra
Shashmâqâm (musique classique)
IMAS PERMAS chant
HENDRAVATI chant
ELAN SAHLAN SUMARNA
chant
Tembang Sounda Java ouest
chants à répons du Pays Sounda
avec 3 musiciens (cithares et flûte)
Pour la 1re fois en Europe
Le genre Tembang Sounda ou fleurs du pays
Sounda, s’apparente par sa forme exquise à
un art savant dû au raffinement incomparable
d’ornements pleins de grâce et à une intonation frémissante toute en finesse.
Pour ces deux concerts, celle qui fut découverte par le microsillon enchanteur publié
jadis chez Alvares, est entourée d’une chanteuse (Hendravati) et d’un baryton (Elan
Sahlan Sumarna), permettant ainsi d’aborder
des chants à répons à trois voix, chaque
strophe étant dévolue à son tour aux trois
interprètes.
Une émotion intense naît de ces chants parfois juste murmurés. Les soupirs d’extase ou
de douleur nostalgique, les exclamations
vibrantes, ponctuent ces chants aériens au
grain sensuel, rythmiquement soutenus par
les arpèges réguliers des cithares et rehaussés des arabesques si plaisantes de la flûte
en roseau.
C’est dans cette atmosphère d’intimité avec la
nature qu’il est bon de s’oublier pour s’immerger dans un monde sensible, étrangement
impalpable et qui semblait avoir disparu…
mais vient nous toucher à chaque note pour
nous emmener dans un voyage en boucle où
tout semble palpiter autour, où le corps, infiniment relaxé, est comme en suspension entre
deux mondes.
Cette musique voguant entre ciel et terre qui
reflète si bien l’âme soundanaise est exprimée
à son summum par ces chants évocateurs de
grandeurs disparues, d’amour et de mélancolie, d’exquise confidence, de savoureuse
sagesse et de rires aussi…
Cet art tout en nuances suscite les émotions
les plus délicates, celles d’un paradis perdu
soudain entrouvert par la magie musicale.
A. Abdurashidov, ph. Kamrouz
SAM. 19 ET DIM. 20 MARS 17H
Au cœur de l’Asie centrale rayonne le
Shashmâqâm – littéralement, six mâqâm –
une tradition qui a su abolir la frontière entre
l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Cette musique
savante, mêlant voix et instruments, est devenue au XVIe siècle un art de cour hautement
raffiné, réputé à Boukhara, mais il a également
fleuri dans d’autres grandes villes situées sur
la route de la soie, dont Khiva, Tachkent,
Samarcande et Qoqand. Dans ces villes historiquement multiculturelles où se côtoient
mélomanes et musiciens tadjiks, ouzbeks et
boukharan, juifs d’Asie centrale, le shashmâqâm s’est emparé de textes d’inspiration soufie et s’est orné de suites orchestrales pour
remplir toutes les fonctions sociales, du sacré
au profane, de la prière à la danse. Durant
l’ère soviétique, il se transforme et se réduit
alors à une sorte de cantate avec chœur et
petit ensemble. Aujourd’hui, il retrouve toute
sa vitalité grâce au dynamisme d’éminents
musiciens et enseignants. Au Tadjikistan,
Abduvali Abdurashidov en est le leader incontesté. Dans l’Académie de mâqâm qu’il a
créée à Duchanbe, la capitale, il offre une
solide formation à un petit groupe de jeunes
talents rigoureusement sélectionnés. L’ensemble retrouve ainsi son authenticité première – deux voix, une percussion, doyra
(tambourin), deux ou trois luths à long
manche, dûtar, tanbur et sato plus rarement
joué – et parvient à une clarté de texture et
une souplesse de forme remarquables.
Le concert du Théâtre de la Ville réunira
autour d’Abduvali Abdurashidov au sato et
tanbur, quatre de ses élèves : Ozoda
Ashurova (chant et doyra), Murod Jumayev
(doyra), Kamoliddin Hamdamov (chant, tanbur
et doyra) et Sirogiddin Jurayev (dûtar). Une
occasion exceptionnelle d’apprécier la
vigueur et l’élégance de ce précieux joyau
dont la renaissance lui permet de figurer
désormais à une place de choix sur la carte
musicale de l’Eurasie.
J. M.
61
DU 5 AU 16 AVR. 20H30
NORAH KRIEF chante
La Tête ailleurs
textes de François Morel
composition Frédéric Fresson
et le groupe Sonnets
direction artistique Éric Lacascade
lumières Bruno Goubert
son Alain Français, Olivier Gascoin
Norah Krief chant
Philippe Floris batterie, percussions,
accordéon, voix
Frédéric Fresson piano, voix
Daniel Largent basse, percussions, voix
production Centre dramatique national
de Normandie, Comédie de Caen
Shashank, ph.© Sruthi Records Inc.
(voir p. 17)
LUN. 11 AVR. 20H30
SHASHANK
flûte murali
Inde du Sud
accompagné au violon, mridangam
et ghatam
Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville
62
Lorsque le père de Shashank, lui-même flûtiste, s’aperçoit des dons singuliers de son
garçon de quatre ans, il songe à le présenter
au génie de la flûte T.R.Mahalingam, la référence suprême, le magicien qui, pendant quarante ans, a attiré les foules pour les mettre en
extase. Le maître embrasse le bambin avec
l’affection spontanée dont il était si souvent
capable. Ému jusqu’aux larmes il confie au
père : « la musique n’est plus guère pratiquée
pour apaiser le cœur et abreuver l’esprit…
J’aurai sans doute disparu avant que je n’entende ce garçon en concert. J’ai pourtant une
vision qui me fait lui prédire un futur glorieux.
Je suis persuadé que vous êtes venu à moi en
espérant que je le prenne comme disciple.
J’insiste pour que non seulement vous arrêtiez
vous-même la flûte, mais pour que votre
enfant n’apprenne la flûte de personne ». Tels
furent l’augure et l’avis du maître.
Le père de Shashank avait de quoi être
déçu… Mais il comprend bien vite le sens de
ces paroles salutaires. Ainsi divers maîtres se
succèdent pour l’apprentissage du répertoire
que l’enfant assimile à vive allure. Pour le
reste, ses incroyables dons rythmiques et son
sens de l’improvisation font qu’il n’a pas vraiment besoin de leçons…
À l’âge de dix ans, il est déjà accompagné par
les plus grands musiciens de Madras, et la
demande de concerts va grandissant. Mais
bientôt, lassé de la contrainte de ne jouer que
d’une flûte (celle en sol, aiguë, qu’affectionnait
Mahalingam), il cherche d’autres sonorités. Il
expérimente et réussit l’exploit d’utiliser neuf
flûtes, inventant des doigtés différents à
chaque fois ! Chaque flûte révèle alors sa qua-
lité sonore, ses reflets, ses contours, sa dynamique, ses graves passionnés, ses aigus
angéliques.
Shashank fait résonner et vibrer la flûte en
bambou comme nul autre en Inde du Sud. Il
tournoie dans l’air tel un oiseau, lançant un
appel foudroyant à la pureté.
C.L.
LUN. 23 MAI 20H30
KAYHAN KALHOR kamantché
SIAMAK AGHAÏ santour
musique persane
Iran
D’origine kurde, le musicien iranien Kayhan
Kalhor est un éternel voyageur. Son kamantché sous le bras, il part à la rencontre de
cultures voisines, de musiciens d’origines différentes, de jeunes talents prometteurs. Sur
une de ses nombreuses routes vient de naître
un nouveau dialogue musical avec Siamak
Aghaï, jeune maître de santour, cet instrument
d’Iran aux allures de xylophone trapézoïdal.
Un concert à deux, aux accents de Perse
sous forme d’improvisation. Mais le travail de
Kalhor est une promenade qui dépasse les
frontières de l’Iran. Né à Kermanchah en
1965, dans un environnement musical, il fait la
découverte du kamantché à l’âge de cinq
ans : sorte de petit violon persan, flanqué de
quatre cordes, qui se joue avec un archet. Sa
formation est essentiellement autodidacte.
D’où son goût pour une musique sans partition, mêlant les rythmes classiques et le
folklore iranien à des airs plus modernes et
créatifs. Sa rencontre, il y a dix ans, avec le
maître indien Shujaat Hussain Khan, a ainsi
débouché sur un savant mariage entre
musique iranienne et musique indienne présenté en novembre dernier au Théâtre de la
Ville dans un concert mémorable. Récemment
repéré par le musicien japonais Yo Yo Ma,
Kayhan Kalhor a été invité à rejoindre un projet musical intitulé La Route de la soie. Le
maître de kamantché a également rédigé des
morceaux pour le Kronos Quartet. Sa passion
pour l’inépuisable culture persane lui a aussi
fait rencontrer les plus grands maîtres d’Iran,
avec qui il joue régulièrement. En se produisant avec Siamak Aghaï, il donne cette fois-ci
sa chance à la nouvelle génération de musiD. M.
ciens iraniens.
JEU. 2 JUIN 20H30
SÜLEYMAN ERGUNER ney
HASAN ESEN rebab, kamantché
ALI RIZA SHAHIN muezzin
musique soufi
Turquie
SÜLEYMAN ERGUNER ENSEMBLE
« Écoute l’histoire que raconte la flûte, la
séparation.
Depuis que j’ai été coupé de mon lit de roseau,
Je lance ces pleurs. »
Nul autre que le poète mystique du XIIIe siècle
d’origine afghane, Jalâl ed-Din Rûmi, fondateur de l’ordre des derviches tourneurs à
Konya où il est enterré, n’a mieux chanté la
beauté nostalgique du ney dont le souffle
épuré offre un havre de paix propice à la
méditation. Pas étonnant que cette longue
flûte de roseau soit devenue l’instrument privilégié de la musique soufie.
À l’instar de son grand-père du même nom,
mort en 1953, et de son père Elvi Erguner, ses
S. Erguner, ph. X. DR
SAM. 11 JUIN 17H
SID AHMED OULD
AHMED ZAYDAN
tidinît (luth) et voix
Mauritanie
Ahmed Ould Sid Ahmed tidinît et voix
Oum-El-Kheïry Mint Ebweysif ardine
(harpe), voix et tbal (percussion)
Mama Mint Abdellahi Ould Nanna ardine,
voix et tbal
« ZAYN HATTA », TRES BEAU !
À Nouackchott (Mauritanie), assis sur l’un des
tapis qui couvrent le sol de sa maison, le griot
Sid Ahmed Ould Ahmed Zaydan, vêtu d’un
boubou bleu, sourit. Barbe et cheveux blancs,
il a, dit-il, soixante-neuf ans et n’a encore
jamais quitté son pays. Son regard est intense
et lumineux. Il choisit une tidinît, un luth tendu
de quatre cordes, sans frettes, dont la caisse
de résonance adopte la forme d’une pirogue,
et joue… C’est un instrument de cour, celui
des musiciens professionnels dont la vocation
est l’hommage et la louange.
Empruntant un mode nostalgique, Sid Ahmed
joue une musique raffinée. Descendant d’une
octave, il poursuit l’exploration du mode. Une
femme s’approche, elle tient dans ses mains
un ardine, la harpe des femmes maures. Pour
introduire le rythme, elle frappe la table de
l’instrument comme elle aurait pu battre la
peau du tambour, le tbal. L’un des fils s’accroupit derrière son père et chante. Ils sont
trois, c’est la formation minimale pour jouer
cette musique de chambre élégante, apanage des griots professionnels, personnages
respectés et craints.
Dès l’enfance, ils s’initient aux complexités de
cette musique savante dont la tradition se perpétue depuis trois siècles. Pentatonique, la
musique maure, explique Michel Guignard,
auteur de l’ouvrage de référence, hélas épuisé, Musique, honneur et plaisir au Sahara, se
distingue de la musique arabe, heptatonique.
C’est aussi une musique modale : cinq modes
principaux, vingt-huit sous-modes et deux
« voies » – blanche (la nostalgie) et noire (la
tension). Une musique sophistiquée et raffinée que tout jeune noble maure, forcément
mezzaywan, mélomane, doit connaître. Elle
est jouée à l’abri de la khaïma, la tente des
nomades : musique de chambre, elle requiert
proximité, convivialité et attention. Connaisseur, l’auditeur s’exclamera volontiers à
l’écoute d’un barma, un « tour de gorge »,
zayn hatta, très beau ! Et c’est très beau en
effet.
Au Théâtre des Abbesses, Sid Ahmed, tidinît
et voix, sera accompagné de son fils Ahmed
Ould Sid Ahmed, tidinît et voix ; de sa bellefille, Oum El-Kheïry Mint Ebweysif, ardine, voix
et tbal ; et de l’une de ses nièces, Mama Mint
Abdellahi Ould Nanna, ardine, voix et tbal.
J. E.
S. Ahmed Ould, ph. B. Minimum, Mondomix
K. Khalor, ph. B. Minimum, Mondomix
premiers professeurs, Süleyman Erguner est
passé maître en l’art de cet instrument dont la
douceur touche au plus profond de l’âme.
Avec son frère Kudsi, il a su enrichir ce brillant
héritage familial d’une touche très personnelle, composant sur les poèmes des plus
grands mystiques, ouvrant dès 1975 ce répertoire à un auditoire élargi, du Japon aux
États-Unis en passant par l’Europe. Dans son
pays natal la Turquie, il multiplie les expériences : à Istanbul, enseignant au conservatoire de l’université, instrumentiste à la Radio
Télévision dont il dirige le chœur classique et
l’ensemble mystique, chef de l’ensemble
musical Mevlevi, confrérie des derviches tourneurs, directeur artistique de l’Ensemble de
femmes, il compte aussi à son actif une vingtaine d’enregistrements.
Pour son premier récital au Théâtre de la Ville,
il sera entouré de Hasan Esen au kamantché,
fidèle compagnon, et d’Ali Riza Sahin, muezzin de la mosquée Fatih d’Istanbul.
Un concert sous la grâce de cette flûte,
« écorce transparente animée par le souffle
divin ».
J. M.
63
calendrier
NOVEMBRE 2004
SEPTEMBRE 2004
LU 20
MA 21
ME 22
JE 23
VE 24
SA 25
DI 26
LU 27
MA 28
ME 29
JE 30
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
20h30 mat 15 h u
Denez Prigent
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat u
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
OCTOBRE 2004
VE 1
SA 2
DI 3
LU 4
MA 5
ME 6
JE 7
VE 8
SA 9
DI 10
LU 11
MA 12
ME 13
JE 14
VE 15
SA 16
DI 17
LU 18
MA 19
ME 20
JE 21
VE 22
SA 23
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros u
Denez Prigent
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Ghulam Mustafa Khan 17h
20h30 mat 15 h u
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat
L’Histoire du soldat u
Sasha Waltz
Sasha Waltz
Sasha Waltz
Sasha Waltz
Staier/Schornsheim 17h
Sasha Waltz
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
Davlatmand 17h
Mathilde Monnier
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
DI 24
LU 25
MA 26
ME 27 Le Vase de parfums
JE 28 Le Vase de parfums
VE 29
SA 30
Femmes gare aux…
Femmes gare aux…
Femmes gare aux… u
Femmes gare aux…
Femmes gare aux… u
Femmes gare aux…
S. Shivalingappa
S. Shivalingappa
Maria-Kiran
Maria-Kiran
Maria-Kiran 17h
S. Shivalingappa
DI 31
en noir = théâtre, danse
en rouge = musique
64
JE 4
VE 5
SA 6
DI 7
LU 8
MA 9
ME 10
JE 11
VE 12
SA 13
DI 14
LU 15
MA 16
ME 17
JE 18
VE 19
SA 20
DI 21
LU 22
MA 23
ME 24
JE 25
VE 26
SA 27
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
M. Juma/Z. Swaleh 17h
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui u
20h30 mat 15 h u
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
Christian Zacharias 17h
Sidi Larbi Cherkaoui
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Akram Khan
Akram Khan
Akram Khan
Akram Khan
Van Spaendonck… 17h
Akram Khan
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Jan Fabre
Jan Fabre
Jan Fabre
Jan Fabre
Sowmya 17h
Jan Fabre
DI 28
LU 29
MA 30 Wim Vandekeybus
Pessah/Passage
Pessah/Passage u
Pessah/Passage
Gülcan Kaya
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Pessah/Passage
Koen Augustijnen
DECEMBRE 2004
ME
JE
VE
SA
1
2
3
4
DI 5
LU 6
MA 7
ME 8
JE 9
VE 10
SA 11
DI 12
LU 13
MA 14
ME 15
JE 16
VE 17
SA 18
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Ustad Hamâhang… 17h
Wim Vandekeybus
20h30 mat 15 h u
Koen Augustijnen
Koen Augustijnen
Koen Augustijnen
Marco Berrettini
Marco Berrettini
Marco Berrettini
Marco Berrettini
Quatuor de Tokyo 17h
Marco Berrettini
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
La Veillée des abysses
La Veillée des abysses
La Veillée des abysses
La Veillée des abysses
Z. Hussain/S. Khan 17h
La Veillée des abysses
DI 19 Z. Hussain/Ganesh… 17h
LU 20
MA 21 La Veillée des abysses
ME 22 La Veillée des abysses
JE 23 La Veillée des abysses
VE 24
SA 25
DI 26
LU 27 La Veillée des abysses 17h
MA 28 La Veillée des abysses
ME 29 La Veillée des abysses
Koen Augustijnen
Les animaux…u
Divna
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…u
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
Les animaux…
NOVEMBRE 2004
JANVIER 2005
AUBERVILLIERS
CENTRE G. POMPIDOU
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 16 h u
20h30
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
Boyzie Cekwana
Boyzie Cekwana
Boyzie Cekwana
Boyzie Cekwana
JE 4
VE 5 Paradise
SA 6 Paradise
MA
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JE
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DI 7
LU 8
MA 9
ME 10
JE 11
VE 12
SA 13
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MA 16
ME 17
JE 18
VE 19
SA 20
Paradise u
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
La Ribot
La Ribot
La Ribot
DI 21
LU 22
MA 23
ME 24
JE 25
VE 26
SA 27
Paradise u
La Ribot 17h
4
5
6 Le Belvédère
7 Le Belvédère
8 Héngameh Akhavan 17h
Le Belvédère
DI 9
LU 10
MA 11 Le Belvédère
ME 12 Le Belvédère
JE 13 Le Belvédère
VE 14 Le Belvédère
SA 15
Le Belvédère
DI 16 Le Belvédère u
LU 17
MA 18 Le Belvédère
ME 19 Le Belvédère
JE 20 Le Belvédère
VE 21 Le Belvédère
SA 22 Knar 17h
Le Belvédère
DI 23 Le Belvédère u
LU 24
MA 25 Le Belvédère
ME 26 Le Belvédère
JE 27 Le Belvédère
VE 28 Le Belvédère
SA 29 Ferenc Vizi 17h
DI 30
LU 31
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
DI 28 Paradise u
LU 29
MA 30 Paradise
Boyzie Cekwana
Hans Van den Broeck
Hans Van den Broeck
Hans Van den Broeck
Hans Van den Broeck
Thaïlande 17h
Hans Van den Broeck
Thaïlande 17h
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude… u
DECEMBRE 2004
ME
JE
VE
SA
1
2
3
4
AUBERVILLIERS
CITÉ INTER.
BASTILLE
20h30
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
20h30
21h
DI 5
LU 6
MA 7
ME 8
JE 9
VE 10
SA 11
Paradise 16 h
DI 12
LU 13
MA 14
ME 15
JE 16
Paradise 16 h
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
Paradise
P. Droulers
P. Droulers
P. Droulers
MA
ME
JE
VE
SA
P. Droulers
P. Droulers
P. Droulers
P. Droulers
P. Droulers
P. Droulers 15h
P. Droulers
P. Droulers
FEVRIER 2005
O. Mesa
O. Mesa
O. Mesa
O. Mesa 17h
O. Mesa
O. Mesa
1
2
3
4
5
DI 6
LU 7
MA 8
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JE 10
VE 11
SA 12
DI 13
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MA 15
ME 16
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VE 18
SA 19
DI 20
LU 21
MA 22
ME 23
JE 24
VE 25
SA 26
DI 27
LU 28
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
Thomas Hauert
Thomas Hauert
Kühn/Portal
Thomas Hauert
Ashok Pathak 17h
Thomas Hauert
20h30 mat 15 h u
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Jan Lauwers
Jan Lauwers
Jan Lauwers
Jan Lauwers
Alexandre Tharaud 17h
Jan Lauwers
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Dans la solitude…
Robyn Orlin
Robyn Orlin
Robyn Orlin
Robyn Orlin
Robyn Orlin
Hervé Robbe
Hervé Robbe
Hervé Robbe
Hervé Robbe
Hervé Robbe
age
ont
m
t
n
e
ns Jua
itio Don
t
é
rép El
Dans la solitude…
Dans la solitude… u
Dans la solitude…
Les Ballets C. de la B.
Les Ballets C. de la B.
Les Ballets C. de la B.
Les Ballets C. de la B.
Les Ballets C. de la B.
65
MARS 2005
MARS 2005
LU 7
MA 8
ME 9
JE 10
VE 11
SA 12
DI 13
LU 14
MA 15
ME 16
JE 17
VE 18
SA 19
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
CITÉ INTERNATIONALE
CND DE PANTIN
20h30 mat 15 h u
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
Hussain Khan 17h
El Don Juan
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
20h30
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
Phillips/Strosser 17h
El Don Juan
El Don Juan u
Steppes
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
El Don Juan
DI 20
LU 21
MA 22
ME 23
JE 24
VE 25
SA 26
DI 27
LU 28
MA 29
ME 30 Bernardo Montet
JE 31 Bernardo Montet
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
LU 7
MA 8
ME 9
JE 10
VE 11
SA 12
Meg Stuart/B. Lachambre
Meg Stuart/B. Lachambre
Meg Stuart/B. Lachambre
Meg Stuart/B. Lachambre
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
Imas Permas… 17h
La Fille aux rubans …
Imas Permas… 17h
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux … u
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
La Fille aux rubans …
DI 13
LU 14
MA 15
ME 16
JE 17
VE 18
SA 19
Meg Stuart/B. Lachambre u
Emmanuelle Vo-Dinh
Emmanuelle Vo-Dinh
Emmanuelle Vo-Dinh
DI 20
LU 21 Emmanuelle Vo-Dinh
MA 22 Emmanuelle Vo-Dinh
ME 23
JE 24
VE 25
SA 26
DI 27
LU 28
MA 29
ME 30
JE 31
AVRIL 2005
THEATRE DE LA VILLE
20h30 mat 15 h u
VE 1 Bernardo Montet
SA 2 Boston Camerata 17h
Bernardo Montet
DI 3
LU 4
MA 5 Sasha Waltz
ME 6 Sasha Waltz
JE 7 Sasha Waltz
VE 8 Sasha Waltz
SA 9 Biondi/Europa Galante 17h
Sasha Waltz
DI 10
LU 11
MA 12 Gilles Jobin
ME 13 Gilles Jobin
JE 14 Gilles Jobin
VE 15 Gilles Jobin
SA 16 Fakirs… 17h
Gilles Jobin
DI 17
LU 18
MA 19 Josef Nadj
ME 20 Josef Nadj
JE 21 Tetzlaff/Andsnes
VE 22 Josef Nadj
SA 23 Josef Nadj
DI 24 Josef Nadj u
LU 25 Josef Nadj
MA 26 Josef Nadj
ME 27
JE 28
VE 29
SA 30
66
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
Nathalie Pernette
MAI 2005
LES ABBESSES
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
La Fille aux rubans …
Tadjikistan 17h
La Fille aux rubans …
20h30
20h30
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
age
ont
m
et
ns ge
titio L’Ora
é
p
ré
Pina Bausch
Pina Bausch 17h
Pina Bausch
Pina Bausch
Ross Daly
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch 17h
age
ont
m
t
se e
ion rag
étit L’O
p
é
r
Hallynck/Tiberghien
Mahmoud Ahmed
Kronos Quartet
Conservatoire…
Conservatoire…
L’Orage
L’Orage
L’Orage
L’Orage
L’Orage
François Verret
François Verret
François Verret
François Verret
François Verret
Kalhor/Aghaï
L’Orage
L’Orage
L’Orage
L’Orage
L’Orage
Wayn Traub
Yasuaki Shimizu
L’Orage
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
Shashank
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
La Tête ailleurs
Madhavi Mudgal
Madhavi Mudgal
Madhavi Mudgal
Madhavi Mudgal
Madhavi Mudgal
DI 1
LU 2
MA 3
ME 4
JE 5
VE 6
SA 7
DI 8
LU 9
MA 10
ME 11
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MA 24
ME 25
JE 26
VE 27
SA 28
DI 29
LU 30
MA 31
JUIN 2005
ME 1
JE 2
VE 3
SA 4
DI 5
LU 6
MA 7
ME 8
JE 9
VE 10
SA 11
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
Wayn Traub
Wayn Traub
Wayn Traub
Wayn Traub
20h30 mat 15 h u
L’Orage
Süleyman Erguner…
L’Orage
L’Orage
L’Orage u
De Keersmaeker 1er prog.
De Keersmaeker 1er prog.
De Keersmaeker 1er prog.
De Keersmaeker 1er prog.
L’Orage
L’Orage
L’Orage
L’Orage
Ould Ahmed Zaydan 17h
L’Orage
Gérard Violette directeur
De Keersmaeker 1er prog.
DI 12
LU 13
MA 14
ME 15
JE 16
VE 17
SA 18
DI 19
LU 20
MA 21
ME 22
JE 23
VE 24
SA 25
DI 26
LU 27
MA 28
ME 29
JE 30
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
Brice Leroux
Brice Leroux
Brice Leroux
Brice Leroux
Brice Leroux
Emmanuelle Huynh
Emmanuelle Huynh
Emmanuelle Huynh
Emmanuelle Huynh
Christian Rizzo
Christian Rizzo
Christian Rizzo
THEATRE DE LA VILLE
Brigitte Giuliani
assistante de direction
ADMINISTRATION
Michael Chase
administrateur
Marie-Christine Chastaing chef service paie
Solen Le Guen
adjointe de l'administrateur
ARTISTIQUE
Serge Peyrat
Antoine Violette
Bang on a can all-stars
Jacques Erwan
Georges Gara
Soudabeh Kia
directeur adjoint
à la programmation
directeur technique
à la communication
conseiller musiques du monde
conseiller musique
conseillère musiques du monde
COMMUNICATION
Anne-Marie Bigorne secrétaire générale
Jacqueline Magnier relations presse, publicité
et documentation
Marie-Laure Violette relations presse, iconographie
Elisa Santos
invitations
RELATIONS AVEC LE PUBLIC
Lydia Gaborit
responsable du service
Florence Thoirey-Fourcade
Andrés Marín
Andrés Marín
Andrés Marín
Andrés Marín
RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES"
(étudiants, enseignement…)
Isabelle-Anne Person
Maud Rognion
LOCATION
Marie Katz
Ariane Bitrin
ACCUEIL
Natacha Reese
responsable du service
responsable du service
ACCUEIL DES ABBESSES (artistes et public)
Delphine Dupont
responsable du service
JUILLET 2005
LES ABBESSES
20h30
VE 1
l’équipe
Andrés Marín
en noir = théâtre, danse
en rouge = musique
TECHNIQUE
Serban Boureanu
Jean-Michel Vanson
Jean-Marie Marty
Claude Lecoq
Jean-Claude Paton
Manuel Sanchez
Frédéric Duplessier
Charles Deligny
Didier Hurard
Pierre Tamisier
Alain Frouin
Victor Koeppel
Marion Pépin
directeur technique
directeur technique adjoint
régisseur général
directeur de scène
sous-chef machiniste
chef cintrier
chef électricien
sous-chef électricien
chef accessoiriste
chef service son
régisseur du son
régisseur du son
chef habilleuse
TECHNIQUE DES ABBESSES
Alain Szlendak
directeur technique
Patrice Guillemot
régisseur général
Georges Jacquemart régisseur son
ENTRETIEN SÉCURITÉ
Jacques Ferrando
Jean-Claude Riguet
IMPRIMERIE
Robert Ainaud
ISSN 0248-8248
DIRECTION, ADMINISTRATION :
16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04, Tél. : 01 48 87 54 42
directeur de la publication : Gérard Violette
maquette : Maurice et Juliette Constantin
correcteur : Philippe Bloch
Imprimerie STIPA : 8 rue des Lilas 93189 Montreuil Cedex
Tél. : 01 48 18 22 50
67
prix des places
• programme distribué par les hôtesses
• pourboire interdit
• places numérotées (sauf exception)
TARIF A théâtre, danse
re
NORMAL 1 cat. 23 e
2e cat. 16 e
JEUNES
1re et 2e catégorie ..........11,5 e
TARIF B théâtre, danse, opéra
re
NORMAL 1 cat. 26 e
2e cat. 17 e
JEUNES
1re et 2e catégorie .............13 e
TARIF C théâtre, danse
NORMAL 1 seule catégorie............. 17 e
JEUNES
1 seule catégorie........... 11,5 e
TARIF D
musique, musiques du monde, chanson
NORMAL 1 seule catégorie............. 16 e
JEUNES
1 seule catégorie............11,5 e
TARIF exceptionnel Pina Bausch
re
NORMAL 1 cat. 30 e
2e cat. 23 e
re
e
JEUNES
1 et 2 catégorie............. 23 e
JEUNES
: moins de 27 ans ou étudiant
(justificatif obligatoire)
location
COMMENT RÉSERVER ?
• par téléphone 01 42 74 22 77
du lundi au samedi de 11h à 19h
• aux caisses :
THEATRE DE LA VILLE
2 place du Châtelet, Paris 4
du mardi au samedi de 11h à 20h
(lundi de 11h à 19h)
LES ABBESSES
31 rue des Abbesses, Paris 18
du mardi au samedi de 17h à 20h
• par correspondance :
2 pl. du Châtelet 75180 Paris Cedex 04
QUAND RÉSERVER ?
• LOCATION PRIORITAIRE
abonnements, cartes :
28 jours à l'avance, jour pour jour
(7 jours de location réservée)
• LOCATION NORMALE
21 jours à l'avance, jour pour jour
renseignements
68
tél. 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
individuels
les abonnements
jeunes
THEATRE-DANSE
• 4 spectacles minimum
•10 spectacles minimum
MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT *
THEATRE-DANSE
•3 spectacles minimum
PASSEPORT MUSICAL
• 8 places minimum,
4 programmes minimum
PASSEPORT MUSICAL
• 8 places minimum,
4 programmes minimum
t
les abonnements
individuels
l tarifs
préférentiels abonnement
ABONNEMENT
TARIF A
TARIF B
TARIF C
TARIF D
TARIF EXC.
THEATRE-DANSE
MUSIQUE…
4 spect.
10 spect.
jeune
3 spect.
1re catégorie
1re catégorie
1re catégorie
14,5 e
17 e
12,5 e
23 e
11,5 e
14 e
10,5 e
19,5 e
10 e
11,5 e
10 e
19,5 e
pass. mus.
tarif normal
1re catégorie
1re catégorie
10 e
-
23
26
17
16
30
e
e
e
e
e
jeune
tarif normal
toutes catégories
11,5
13
11,5
11,5
23
e
e
e
e
e
l tarifs préférentiels hors abonnement
2 places à tarif préférentiel par abonné(e) sur tous les spectacles
dans la limite des places disponibles.
HORS ABT
THEATRE-DANSE
4 spect.
10 spect.
ttes catégories ttes catégories
TARIF A
TARIF B
TARIF C
TARIF D
TARIF EXC.
l location
12,5
14
11,5
10
23
e
e
e
e
e
12,5
14
11,5
10
19,5
e
e
e
e
e
MUSIQUE…
jeune
3 spect.
pass. mus.
ttes catégories
ttes catégories
10
11,5
10
10
19,5
e
e
e
e
e
12,5
14
11,5
10
23
e
e
e
e
e
prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la
représentation (7 jours de location réservée).
la carte (8 e)
places aux jeunes
t
la carte (22 e)
places à 2
MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT *
2 places à tarif préférentiel sur tous les specl tarifs préférentiels cartes
tacles dans la limite des places disponibles.
CARTES
THEATRE-DANSE-MUSIQUE
places à 2
places aux jeunes
toutes catégories
TARIF A
TARIF B
TARIF C
TARIF D
TARIF EXC.
12,5
14
11,5
10
23
e
e
e
e
e
toutes catégories
10
11,5
10
10
19,5
e
e
e
e
e
tarif normal
jeune
tarif normal
1re/2e catégorie toutes catégories
23/16 e
26/17 e
17 e
16 e
30/23 e
11,5
13
11,5
11,5
23
e
e
e
e
e
l location prioritaire par correspondance :
5 SEMAINES JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation ;
par téléphone et aux caisses :
28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (7 jours de
location réservée).
* justificatif obligatoire
69
individuels (suite)
l autres
avantages abonnement et cartes
journal
envoi à domicile du journal du Théâtre de la Ville
(textes et photos), 4 numéros par saison.
librairie, disques
tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus
après certains spectacles.
renseignements “individuels” tél. 01 42 74 22 77
relais
t
Vous devenez relais en prenant l'initiative de regrouper au minimum 10 personnes intéressées à souscrire un abonnement au Théâtre de la Ville pour un
minimum de 3 spectacles. Ces 10 personnes sont alors des abonnés relayés.
Le relais a la possibilité de mêler public adulte et jeune dans un même abonnement et ainsi de bénéficier des tarifs relais et relais jeunes.
les abonnements
relais
les abonnements
relais jeunes
MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT
THEATRE-DANSE
• 3 spectacles minimum,
• 10 places minimum/spectacle
THEATRE-DANSE
• 3 spectacles minimum,
10 places minimum/spectacle
PASSEPORT MUSICAL
• 3 programmes minimum,
• 10 places minimum/programme
PASSEPORT MUSICAL
• 3 programmes minimum,
10 places minimum/programme
l tarifs
préférentiels abonnement relais
ABT RELAIS
THEATRE-DANSE
MUSIQUE
3 spect. jeune 3 spect. pass. mus.
TARIF A
TARIF B
TARIF C
TARIF D
TARIF EXC.
11,5 e
14 e
10,5 e
19,5 e
8e
8e
8e
19,5 e
10 e
-
pass. mus.
jeune
tarif normal
8e
-
23
26
17
16
30
e
e
e
e
e
jeune
tarif normal
11,5
13
11,5
11,5
23
e
e
e
e
e
Si le relais a communiqué les coordonnées de ses abonnés relayés :
l journal
l tarifs
envoi à domicile du journal du Théâtre de la Ville
à chaque abonné relayé
préférentiels hors abonnement relais - location prioritaire
L’abonné relayé peut demander aux services relations publiques une carte
d’abonnement personnalisée lui donnant les avantages suivants :
HORS
70
relais
relais jeunes
2 places à tarif préfé- ABONNEMENT
toutes catégories
toutes catégories
rentiel par abonné(e)
TARIF A
12,5 e
10 e
sur tous les spectacles
TARIF B
14 e
11,5 e
dans la limite des
places disponibles.
TARIF C
11,5 e
10 e
TARIF D
10 e
10 e
e
e
TARIF
EXC.
23
19,5
location prioritaire
28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (7 jours de
location réservée).
t
les groupes
les groupes jeunes
10 places minimum/spectacle
MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT
10 places minimum/spectacle
t
À partir du mois de septembre, la réservation pour les groupes est limitée
aux spectacles ayant lieu en septembre-octobre dans la limite des places
disponibles.
Dès le mois de novembre, la réservation pour les groupes s’étend à tous les
spectacles de la saison dans la limite des places disponibles.
la carte liberté relais
40 e la carte
Carte réservée aux comités d’entreprise et aux associations, qui permet de
bénéficier de tarifs préférentiels et d’une réservation sans contrainte de
nombre fixe de places par représentation, dans la limite des places disponibles (conditions particulières de location).
l tarifs
préférentiels groupes et carte liberté relais
THEATRE-DANSE- MUSIQUE
TARIF A
TARIF B
TARIF C
TARIF D
groupes
groupes jeunes
carte
liberté relais
toutes catégories
toutes catégories
toutes catégorie
12,5
14
11,5
10
e
e
e
e
8
8
8
8
e
e
e
e
12,5
14
11,5
10
e
e
e
e
tarif normal
jeune
tarif normal
1re/2e catégorie toutes catégories
23/16 e
26/17 e
17 e
16 e
11,5
13
11,5
11,5
e
e
e
e
pour vous conseiller, vous renseigner, vous servir *
RELATIONS AVEC LE PUBLIC
RELATIONS PUBLIQUES “JEUNES”
comités d’entreprise, associations,
relais jeunes, étudiants,
groupes d’amis
enseignement
Lydia Gaborit, responsable du service ; Isabelle-Anne Person
Florence Thoirey-Fourcade ;
Maud Rognion
tél. 01 48 87 54 42
Isabelle Krich, secrétariat
tél. 01 48 87 54 42
suivi personnalisé et mise en
organisation de manifestations
place d’actions pédagogiques
autour des spectacles, forums,
avec chacun des relais
visites du Théâtre…
intéressés
souscription, choix des dates, règlements *
LOCATION RELAIS
Marie Katz, responsable du service ; Ariane Bitrin
tél. 01 48 87 43 05 (ligne directe) - fax 01 48 87 09 81
renseignements, formulaires
Formulaires d’abonnements individuels et relais :
- dans le hall du Théâtre de la Ville ;
- à télécharger sur www.theatredelaville-paris.com et à envoyer par
correspondance;
- envoi à domicile sur demande.
* Jusqu’au 16 juillet et à partir du 23 août.
71
théâtre et danse : partenaires au 30 avril
THÉÂTRE DE LA VILLE
EL DON JUAN
Le Teatro Malandro est soutenu par le DIP de l’État de
Genève et la Ville de Genève – département des Affaires
culturelles.
VASE DE PARFUMS
Production Angers Nantes Opéra. Coproduction
Ensemble Orchestral Contemporain – A Sei Voci.
SASHA WALTZ IMPROMPTUS
Coproduction Schaubühne am Lehniner Platz, Berlin –
Teatro Comunale di Ferrara.
MATHILDE MONNIER PUBLIQUE
Coproduction Festival Montpellier Danse 2004 – Théâtre
de la Ville, Paris – Festival d’Automne à Paris – deSingel,
Anvers – Centre chorégraphique national de Montpellier
Languedoc-Roussillon.
SIDI LARBI CHERKAOUI TEMPUS FUGIT
Coproduction Festival d’Avignon – Théâtre de la Ville, Paris
– Tanztheater Wuppertal-Pina Bausch – Kunstencentrum
Vooruit, Gand. En collaboration avec STUK Louvain.
WAYN TRAUB JEAN-BAPTISTE
Production Het Toneelhuis.Coproduction Théâtre de la
Ville, Paris – Vlaams Radio Orkest.
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER A LOVE… • SOLOS…
Production Rosas & De Munt, La Monnaie. Dans le cadre
du KunstenFestivaldesArts. Avec l’aide de la Monnaie
Foundation.
EMMANUELLE HUYNH HEROES
Coproduction Centre national de danse contemporaine, Angers – Théâtre de la Ville, Paris – Centre national
de la danse, Pantin – compagnie Mua.
AKRAM KHAN MA
Coproduction The South Bank Centre, Londres – Théâtre
de la Ville, Paris – Singapore Arts Festival – Romaeuropa
Festival, Rome – Kunstencentrum Vooruit, Gand –
Tanzhaus, Düsseldorf – Holland Festival, Amsterdam –
Göteborg Dance et Theatre Festival-Lincoln Center for
Performing Arts, New York. L’Akram Khan company reçoit
l'appui de l’Arts Council England et du British Council.
CHRISTIAN RIZZO SOIT LE PUITS ÉTAIT PROFOND, SOIT…
Production l’Association Fragile. Coproduction Centre
national de la danse de Pantin – Théâtre de la Ville, Paris
– Le Quartz, scène nationale de Brest. L’Association
Fragile est subventionnée par le ministère de la Culture et
de la Communication-DRAC Ile-de-France, au titre de
l’aide aux compagnies.
JAN FABRE THE CRYING BODY
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – deSingel, Anvers.
LES ABBESSES
WIM VANDEKEYBUS SONIC BOOM
Production Toneelgroep Amsterdam et Ultima Vez.
Coproduction Festival de Marseille – PACT Zollverein,
Choreographisches
Zentrum
NRW,
Essen
–
Stadsschouwburg Amsterdam. Ultima Vez reçoit l’appui
de la Communauté flamande. Avec la coopération de
la Commission communautaire flamande de la région
de Bruxelles-Capitale.
MARCO BERRITTINI NO PARADERAN
Coproduction * Melk Prod. – Théâtre de la Ville, Paris –
Festival d’Automne à Paris – L’Espace Malraux, scène
nationale de Chambéry et de la Savoie (Résidence de
création) – Centre chorégraphique national de Créteil et
du Val-de-Marne, Compagnie Montalvo-Hervieu. Avec le
soutien de la MC2, la Maison de la culture de Grenoble,
de la Fondation Beaumarchais, de l’Adami, de ProHelvetia (Fondation suisse pour la culture). Avec l’aide du
Parc de la Villette pour le prêt studio. La compagnie
*Melk Prod. est subventionnée au titre de l’aide aux
compagnies chorégraphiques par le ministère de la
Culture et de la Communication-DRAC Ile-de-France.
THOMAS HAUERT CRÉATION 2004
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Kaaitheater,
Bruxelles – Tanzquartier, Vienne. Avec le soutien du gouvernement de la Flandre, de Vlaamse Gemeenschapscommissie, de Pro-Helvetia, de “Ein Kulturengagement des Lotterie-Fonds des Kantons Solothum”
et de la SACD (programme “1500 heures pour danser”).
JAN LAUWERS LA CHAMBRE D’ISABELLA
Coproduction Festival d’Avignon – Théâtre de la Ville,
Paris – Théâtre de Garonne, Toulouse – La Rose des Vents,
Villeneuve-d’Ascq – Octobre en Normandie – Brooklyn
Academy of music, New York – Welt in Basel
Theaterfestival. Avec la coopération du Kaaitheater,
Bruxelles et de la Commission communautaire flamande
de la région Bruxelles-Capitale. Needcompany bénéficie
de l’aide du ministère de la Communauté flamande et
la Loterie nationale.
ROBYN ORLIN WHEN I TAKE OFF MY SKIN AND TOUCH …
Coproduction City Theater & Dance Group – Théâtre de la
Ville, Paris – Le Cargo, scène nationale de Grenoble –
Grand Théâtre de Luxembourg. Avec le soutien du Théâtre
de la Ville de Reimscheid.
BERNARDO MONTET PARCOURS 2C
Coproduction Centre chorégraphique national de Tours –
Association Mawguerite – Théâtre de la Ville, Paris – Le
Quartz, scène nationale de Brest. Avec le soutien de la
ville de Chambray-lès-Tours. Le Centre chorégraphique
national de Tours est subventionné par la ville de Tours, la
DRAC Centre (ministère de la Culture) DMDTS, le conseil
régional du Centre et le conseil général d’Indre-et-Loire.
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JOSEF NADJ POUSSIÈRE DE SOLEILS
Coproduction Centre chorégraphique national d’Orléans
– Carré Saint-Vincent, scène nationale d’Orléans – Théâtre
national de Bretagne – Théâtre de la Ville, Paris – Le Volcan,
scène nationale du Havre.
FRANÇOIS VERRET NOT A WAY
Coproduction Théâtre national de Bretagne, TNB, Rennes
– Compagnie FV, Paris – Théâtre de la Ville, Paris – Opéra
de Lille. La Compagnie FV est soutenue par la DRAC Ilede-France, ministère de la Culture et de la
Communication et par le conseil général de Seine-SaintDenis.
GILLES JOBIN CRÉATION 2005
Production Parano Fondation, Lausanne. Coproduction
Théâtre de la Ville, Paris – Spielzeiteuropa/Berliner
Festspiele, Berlin – Teatro Comunale Di Ferrara, Italie –
Théâtre Arsenic, Lausanne – Danse à Aix, Aix-enProvence. Avec le soutien de la ville de Lausanne, du
Canton de Vaud, Pro-Helvetia (Fondation suisse pour la
culture) et la Loterie romande.
PESSAH / PASSAGE
Production Maison de la culture de Bourges / Centre de
créations et de productions en région Centre.
Coproduction Compagnie Lettre H – Théâtre de la Ville,
Paris.
L’ORAGE
La Compagnie l’Héliotrope reçoit le soutien de la DRAC
Haute-Normandie/ministère de la Culture et de la région
Haute-Normandie.
KOEN AUGUSTIJNEN BÂCHE
Production Les Ballets C. de la B. Coproduction Théâtre
de la Ville, Paris – Hebbel Theater, Berlin – Tanzhaus NRW,
Düsseldorf – Centre d’Arts, Gand – Göteborg Dance &
Theatre Festival, Göteborg – La Rose des Vents,
Villeneuve- d’Ascq.
BOYZIE CEKWANA RONA • JA, NEE
Coproduction The Floating Outfit Project – Centre national de la danse de Pantin – Springdance, Utrecht. Avec
le soutien de l’AFAA (Association française d’action artistique, Afrique en créations, ministère des Affaires étrangères) et de Georgina Thompson (Dance Umbrella,
Johannesburg), Jerry Pooe et Eager Artists.
HANS VAN DEN BROECK ALMOST DARK
Production SOIT. Coproduction Théâtre de la Ville, Paris –
La Rose des Vents, Villeneuve-d’Ascq. En collaboration
avec le Kunstencentrum Vooruit Gand, STUK Louvain,
CK*/De Kortrijkse Schouwburg Courtrai, KVS Bottelarij de
Bruxelles. Avec le soutien du ministère de la Culture de la
Communauté flamande.
HERVÉ ROBBE << REW
Production Centre chorégraphique national du Havre
Haute-Normandie. Coproduction Festival de danse de
Cannes – Commande de Culturgest, Lisbonne 2003 –
IRCAM-Centre Georges Pompidou.
BALLETS C. DE LA B. PROPOSITIONS
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Tanzquartier,
Vienne – Kunstencentrum Vooruit, Gand – Hebbel
Theater, Berlin.
BRICE LEROUX QUASAR-QUATUOR
Production vzw Continuum, Bruxelles. Coproduction
Théâtre national de Bretagne, Rennes (résidence dans le
cadre du Centre européen de production théâtrale et
chorégraphique) – KunstenFestivaldesArts, Bruxelles –
Théâtre de la Ville, Paris – Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (dans le cadre d’un
accueil-studio). Avec le soutien de la Communauté flamande, du Festival Armunia, Castiglioncello.
ANDRÉS MARÍN ASIMETRÍAS
Production Arte et Movimiento Producciones. Avec le
soutien de la Junta de Andalucía Consejería de Cultura.
photos couvertures : R. Orlin, A. van Kooij, C. P. Satyajit,
J.-P. Lozouet, I. et J. Cieslikowscy, K. Van der Elst,
R. Haughton, L. Philippe, A. Monot, A. Maniglier,
Ch. Van der Burght, Enguerand, M. Domage, M.
Coudrais, J. Magnier, X DR.
photos Birgit
2 théâtres
THEATRE
DE LA VILLE
2 PL. DU CHÂTELET
PARIS 4
LES ABBESSES
31 RUE DES ABBESSES
PARIS 18
HORS LES MURS 5 THÉÂTRES
AU THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
17 BD JOURDAN PARIS 14
PIERRE DROULERS INOUÏ
Coproduction Charleroi, Danses – Festival de Marseille –
Festival d’Automne à Paris – Théâtre de la Ville, Paris.
Avec l’aide du Centre de développement chorégraphique de Toulouse/Midi-Pyrénées dans le cadre du projet “In Vivo”. Avec le soutien du Centre chorégraphique
de Rennes et de Bretagne, et du Théâtre de la
Balsamine. Avec la collaboration de l’Agence WallonieBruxelles Théâtre et du service Culture de la commune
d’Ixelles. La Compagnie Pierre Droulers est subventionnée par la Communauté française de Belgique, direction générale de la Culture, service Danse.
MEG STUART/BENOÎT LACHAMBRE/HAHN ROWE FORGERIES…
Production Damaged Goods – par b.l.eux ;
Coproduction Schauspielhaus Zürich – Volksbühne am
Rosa-Luxembourg-Platz, Berlin – Centre national des Arts,
Ottawa. Meg Stuart/Damaged Goods sont artistes en
résidence au Schauspielhaus Zürich et bénéficient de
l’aide du gouvernement flamand et de la Commission
communautaire flamande. Benoît Lachambre/par
b.l.eux remercient le Conseil des arts du Canada, le
Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil
des arts de Montréal pour leur appui financier.
EMMANUELLE VO-DINH CROISÉES
Production Sui Generis. Coproduction Théâtre de la Ville,
Paris – La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc –
Centre national de la danse de Pantin – L’Arsenal, Metz.
La compagnie Sui Generis est subventionnée par la
direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, le
ministère de la Culture et de la Communication (aide
aux compagnies chorégraphiques), le conseil régional
des Affaires culturelles de Bretagne, le conseil général
des Côtes-d’Armor et la ville de Saint-Brieuc. La compagnie bénéficie du soutien de l’AFAA, Association française d’action artistique, et du ministère des Affaires
étrangères pour ses tournées à l’étranger.
AU THÉÂTRE DE LA COMMUNE D’AUBERVILLIERS
2 RUE ÉDOUARD POISSON AUBERVILLIERS 93
PARADISE
Coproduction La Coursive, scène nationale de La
Rochelle – Théâtre national Bordeaux-Aquitaine – Théâtre
de la Commune/CDN d'Aubervilliers – Théâtre de la Ville,
Paris – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées – Le
Moulin du Roc, scène nationale de Niort – Compagnie du
Soleil Bleu. La Compagnie du Soleil Bleu est conventionnée par le ministère de la Culture-DRAC Aquitaine et subventionnée par le conseil régional d'Aquitaine, le conseil
général de la Gironde et la mairie de Bordeaux.
AU THÉÂTRE DE LA BASTILLE
76 RUE DE LA ROQUETTE PARIS 11
OLGA MESA ON CHERCHE UNE DANSE
Production Cia Olga Mesa.Coproduction Parc de La Villette
dans le cadre des Résidences d’artistes 2004 – Centre chorégraphique national de Franche-Comté, Belfort – Centre
chorégraphique national de Rennes et de Bretagne dans le
cadre de la mission Accueil-studio – Danse Bassin
Méditerranée 2004 subventionné par la Commission européenne dans le cadre du programme Culture 2000 –
Consejeria de las Artes, Comunidad de Madrid.Avec le soutien du Théâtre de la Ville, Paris ; du Théâtre Pôle Sud,
Strasbourg ; du CND, Paris ; et du Théâtre de la Bastille.
AU CENTRE GEORGES POMPIDOU
19 RUE BEAUBOURG PARIS 4
LA RIBOT 40 ESPONTANÉOS
Production 36 Gazelles-La Ribot, Londres. Coproduction
Le Quartz, scène nationale de Brest (création, résidence)
– Théâtre de la Ville, Paris – Centre Pompidou – Festival
d’Automne à Paris – La Batie, Festival de Genève.
AU CND DE PANTIN
1 RUE VICTOR HUGO PANTIN 93
NATHALIE PERNETTE JE NE SAIS PAS • UN JOUR • PEUT-ÊTRE
Coproduction Association NA – Centre national de la danse
de Pantin – Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre de l’Espace,
scène nationale de Besançon – l’Agora de la danse,
Montréal. En coréalisation avec Sur Terre multimédia, le
Théâtre des Bergeries à Noisy-le-Sec et la ville des Mureaux.
théâtre danse musique : partenaires radios
Théâtre de la Ville
2 place du Châtelet Paris 4
01 42 74 22 77
theatredelaville-paris.com