MAUD LE PLADEC / OKWUI OKPOKWASILI

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MAUD LE PLADEC / OKWUI OKPOKWASILI
DU 27 AU 31 JANVIER 2015
4ème ÉDITION - FESTIVAL INTERNATIONAL MUSIQUE / DANSE
MAUD LE PLADEC / OKWUI OKPOKWASILI
HUNTED Création
Sur la musique de Kalevi Aho
Texte de la pièce (français)
Je… Je… Je… Je suis… eh bien… Que suis-je ?... Affamée. Quoi d’autre ? Le sang battant dans mon
périnée – le détroit qui relie mon cul à ma chatte. Qu’y a-t-il entre les deux ? Tout ceci nous
entremêle comme des membres arrachés, comme des brindilles cassées formant un tas uniforme
et désespéré. Tu me fais claquer la langue. Je me bave dessus. Oh, mon Dieu.
Je vais maintenant ouvrir la bouche, oh, mon Dieu. Mes yeux commencent à suer. Mon cœur bat,
je me raidis et entre mes jambes, mon petit abysse trempé est une bouche édentée, attendant
désespérément de pomper et de pulvériser ton muscle s’épaississant. Je brûle d’envie. Pends-moi
comme une hérétique. Tire-moi par les os. Je suis enfermée dans ces stries roses, semblables
à des dents pointant dans la gencive d’un nouveau-né, ou aux souvenirs qu’elles laisseraient
dans la bouche d’une vieille mégère édentée. Mais je brûle de l’intérieur. Oh, mon Dieu. Ce n’est
pas moi qui te regarde comme ça, c’est l’œil de ma fièvre battant dans mes lèvres labiales. Je
veux crier alors que je commence à mouiller, je peux sentir le fluide, en moi, dans mon canal,
t’implorant de te baigner dans mes lacs, puis de les laper avec ta langue afin de t’y noyer en
essayant de les boire, mais ces eaux n’étancheront pas ta soif, même si tu es submergé par les
remous du jus de ma chatte, puits sans fond. Je veux te blesser en te martelant avec mon clitoris et
te faire perdre la tête avec mon implosion. Je veux te frotter jusqu’à t’écorcher, puis nous brûlerons
tous les deux comme la vieille sorcière édentée, battue et jetée dans un brasier, elle ne résiste plus
mais elle nous regarde, toi et moi, et ses yeux te dévorent comme une bouche et les morceaux de
toi sont des miettes jaillissant du coin de ses yeux, alors qu’elle digère ton image brisée, ses yeux
disent :
« Désormais, la lumière jaillissant de ma chatte vous éclaire, car j’allume ma chatte dans le pot de
la Terre. »
Elle ramasse des herbes pour arrêter le saignement, le saignement de quand cette petite fille a
tenté d’expulser une autre fille plus petite d’entre ses hanches nubiles et que tout s’est brisé,
couvrant tout le monde de sang et la vieille sorcière a regardé, regardé et elle a hurlé car elle a senti
venir le feu et elle a fui, et quand elle s’est fait prendre, elle a dit qu’elle ramassait des herbes pour
arrêter le saignement. Elle a dit qu’elle avait essayé de la sauver, de la même manière qu’elle a sauvé
des générations de connards comme vous avec sa médecine. Malgré sa peur, elle te défie et dit :
« toi, le maître des sciences et de l’argent, essaie de mieux faire. » Mais tu réponds : « Brûle, chienne »
et une fois qu’elle est réduite en cendres, tu prends ses terres, ses vaches et tu les vends pour
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quarante dollars, qui te permettent de manger pendant deux mois.
J’ai le sentiment de n’avoir qu’à ouvrir la bouche pour t’engloutir tout entier. Ce sentiment quand tu
marches devant moi, ton nombril à la hauteur de mon front, que tu es tumescent et que tu bandes
tout contre ma lèvre supérieure car je suis assise et je me tortille imperceptiblement contre ta taille
et ma bouche s’ouvre en grand et ma langue claque et je suis prête à accueillir le corps et le sang.
Quand commencera le festin, que je puisse me gaver de viande ?
Je veux faire quelque chose. N’as-tu jamais ce sentiment de vouloir faire quelque chose pour le
monde ? L’inviter à un dîner aux chandelles, avec le doux bourdonnement vibrant des conversations et toute la nourriture que tu aimes ? Car les gens pleurent, nous pleurons dans un orage de
douleur et nous sommes balayés par les flots. Je veux faire quelque chose comme ta grand-mère
le ferait, avec du lard, des os de poulet, de la moelle de porc, des haricots, des oignons, du sel
provenant des larmes d’une jeune maman et les postillons d’un puceau de quatorze ans pour
lubrifier et adoucir sa paume, car le sentiment de vouloir faire quelque chose provient d’un
sentiment d’amour et de chagrin et si je pouvais faire quelque chose, cela te guérirait. Je crois en
l’homéopathie et en les vaccins, car n’est-ce pas vrai que l’on doit ingérer un peu de ce qui nous
rend malade pour permettre à notre organisme de reconnaître la maladie ou les germes d’une
maladie afin de construire ses défenses ? Aussi, prends quatre cheveux sur la tête de quatre
hommes dont les mains sont ensanglantées par les couteaux qu’ils ont utilisés pour découper des
innocents, prends cinq clous rouillés d’une bombe artisanale ayant éviscéré des enfants, ajoute la
crosse d’une Kalachnikov ayant fendu le crâne d’un père et la pierre qui a porté le coup fatal à la
tête d’une femme violée accusée d’adultère, ajoute du sel tiré des larmes de l’enfant éploré qui la
connaissait et l’aimait.
De 1 500 à 1 660, l’Europe vit entre 50 000 et 80 000 sorcières présumées se faire exécuter. Cette
période fut également marquée par l’augmentation du travail salarié, la privatisation des terres,
l’engrangement de la nourriture par les commerçants, les proto-capitalistes, la famine et la
malnutrition chez les pauvres qui étaient à l’époque les ouvriers, anciennement les agriculteurs
de subsistance, et par les émeutes. L’une d’entre elles avait commencé à Cordoba, en Espagne
lorsqu’une pauvre femme avait parcouru en pleurs les rues du quartier pauvre, tenant le corps de
son fils mort de faim. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il existe autant d’images de sorcières
qui mangent et tiennent des banquets. C’étaient elles, les émeutières qui ont volé le grain – qui
leur appartenait – des instigatrices, des femmes autonomes propriétaires de terres ou de terres
communes, qui autrefois se nourrissaient mais furent progressivement exclues des marchés et
de l’accession à quelconque propriété, comme leurs enfants et leurs propres corps. N’était-ce pas
prévisible qu’elles se révoltent ? Exclues des marchés de capitaux, elles furent indisciplinées par
eux – ces capitaux insaisissables.
La sorcière est une chimère soigneusement créée par les marchés de capitaux. La peur de la
sorcière et la peur rouge ont davantage en commun que ce que l’on pourrait croire.
De 1 500 à 1 660, l’Europe vit entre 50 000 et 80 000 sorcières présumées se faire exécuter.
Combien de ces dizaines de milliers de femmes étaient des mères forcées de voir leurs enfants
mourir de faim car la classe marchande émergente possédait de plus en plus de terres et engrangeait de plus en plus de grain, ce qui cause la famine dans les rues alors que l’entrepôt du coin
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croule sous le poids de tout le grain stocké – les prix augmentent encore et encore ? Combien
d’entre elles étaient de simples teigneuses, tendant des embuscades aux camions de grain, espérant faire une miche de pain ? Combien d’entre elles étaient des femmes autonomes distribuant
des contraceptifs ou faisant avorter d’autres femmes affamées ne voulant ni ne pouvant mettre
d’autres enfants au monde pour qu’ils meurent de faim ou qu’ils fassent tourner le moulin des
capitaux ? Car les capitaux ont besoin de corps, et avec la maladie et la famine, les corps n’étaient
pas assez nombreux et les marchés de capitaux ne supportaient pas cette retenue radicale –
lorsque les corps sont retenus – qu’ils ne s’ouvrent ni ne produisent – lorsque les mains ne moulent
rien, lorsque les bras n’actionnent pas les leviers, lorsque les jambes ne s’écartent pas pour laisser
une tête de nouveau-né poindre du canal sacré – les capitaux ne peuvent le tolérer – mais toi,
monsieur le marché de capitaux, tu ne m’as pas invitée à cette danse, tu es seulement venu jusqu’ici
alors que je réchauffais tout, et maintenant tu veux me tirer par les cheveux comme le ferait un
homme de Néandertal – et m’assécher sans même un discours lubrifiant – eh bien, je ne viendrai
pas, je ne viendrai pas car je cuisine – je cuisine vraiment…
« Versons du sang d’une truie qui a dévoré ses neuf marcassins, et de la graisse qui coule du gibet
d’un meurtrier ; et jetons-les dans la flamme. »1
« Imagine une rivière, les eaux remuantes d’une rivière. Au fil du temps, l’eau laisse sa marque sur la
berge, des ondes s’élargissant, traçant des motifs dans la pierre et dans le sol. Mais aujourd’hui, le lit
de cette rivière définit le flot de ces eaux. Il y a donc deux entités, agissant l’une sur l’autre, la rivière
et son lit. La rivière est tumultueuse... » La rivière modèle la roche et le sol, sculptant un motif dans
la terre et ce motif dirige le flot de la rivière – à ce moment – dans la spirale de nos regards, peutêtre sommes-nous un flot, et dans le même temps, nous sculptons notre motif, nous l’imprimons.
Je danse en territoire convoité, entre la rivière et son lit, vibrant sur le site de ma première dispute.
Est-ce ainsi qu’une femme se meut ? En public ? Le reconnais-tu ? Je vibre dans l’espace où ton
regard croise le mien et sculpte une marque indélébile sur une courbe imperceptible le long des
berges de la conscience que nous partageons en ce moment même.
Écoute. Entends-tu le faible écho de notre vibration ?
« Et [la reine, la sorcière, entourée de sa cour], qui allume sa chatte dans le pot de la Terre, ne nous
dira jamais ce qu’elle sait, et ce que nous ne saurons jamais. »2
1 (MacBeth, Acte IV, scène 1)
2 (Kathy Acker, In Memoriam to Identity, page 42)
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AIRE DE JEU
DU 27 AU 31 JANVIER
4ÈME ÉDITION - FESTIVAL INTERNATIONAL
DANSE / MUSIQUE
3 WORKSHOPS’BRUNCH
CONCERTS AVANT LES SPECTACLES !
Expérimentez l’univers des chorégraphes !
Ateliers accessibles tout niveau, à partir de 15 ans,
suivis d’un brunch convivial avec les artistes.
Concerts donnés gracieusement par les étudiants artistes du Conservatoire national supérieur
musique et danse de Lyon en préambule des
spectacles.
Au programme :
Elizabeth Paavel - Deux airs de Tina extraits de
l’opéra Frida y Diego / Justine Eckhaut - Monologue de Tina, Solo unos dias et parodie de Hitler /
Pauline Lorieux et Vincent Roess - Avant la nuit
pour contrebasse et percussion / Pierre Dekker Solo VI pour contrebasse / Victor Auffray - Solo
VIII pour euphonium.
> samedi 31 janvier 10h30 – 12h30
Workshop animé par Maud Le Pladec
Workshop animé par Julien Monty (Loge 22)
Workshop animé par Adam Linder
Tarif : 16 € par atelier / brunch
2 WORKSHOPS’PRO
Ateliers adressés aux danseurs professionnels.
> jeudi 29 janvier 10h – 14h :
Workshop’pro animé par Julien Monty (Loge 22)
> vendredi 30 janvier 10h - 14h :
Workshop’pro animé par Douglas Letheren
(danseur pour Vexed Vista d’Adam Linder)
Workshops organisés en collaboration avec le Centre national
de la danse de Lyon.
ÉCOUTEZ L’ŒUVRE DE KALEVI AHO
À L’AUDOTORIUM DE LYON
Kalevi Aho dialogue avec les « classiques »
du XXe siècle !
Dimanche 1er février 2015 à 16h
Bénéficiez du tarif réduit à 11 € sur présentation
de votre billet du festival Aire de jeu.
De 8 à 16 € / Billetterie Auditorium : 04 78 95 95 95
BABEL EXCEPTIONNEL !
Rencontre – discussion avec les artistes
(compositeur, chorégraphes et musiciens)
du festival Aire de jeu.
> samedi 31 janvier à 21h
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles.
AMBASSADE DE FINLANDE
PARIS
Les Subsistances
Laboratoire international
de création artistique
Cirque / Théâtre / Danse / Musique
04 78 39 10 02 www.les-subs.com