Sils-Maria : à l`aube de Zarathoustra

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Sils-Maria : à l`aube de Zarathoustra
Iliade
Institut pour la longue mémoire européenne
http://institut-iliade.com
Sils-Maria : à l'aube de Zarathoustra
Date : 28 février 2015
« 6000 pieds au-dessus de la mer, et bien plus haut encore au-dessus de toutes les choses
humaines… » C’est ainsi qu’apparaissait à Nietzsche le décor enchanteur qui, le 26 août 1881,
vit naître son Zarathoustra. « J’étais assis là, en attendant – et pourtant je n’attendais rien –
par delà le bien et le mal, jouissant tantôt de la lumière, tantôt de l’ombre […]. Et là, soudain,
Amie, l’Unique devint deux – et Zarathoustra vint à moi. » Une fulgurance qui allait bouleverser
la philosophie occidentale.
L’Engadine, ce sont des alpages fleuris, des villages aux maisons décorées de bouquetins et
d’edelweiss, le château de Tarasp et des vallons sauvages.
L’Engadine vous parle aussi de Cocteau et de Hesse, de Rilke et de Proust, de Giacometti, de
Segantini, et des Romains au Col du Julier.
L’Engadine, le toit de notre Europe, d’où les eaux descendent vers la mer Noire, l’Adriatique
et la mer du Nord…
Pays : Suisse
Région : Engadine, Grisons
Modes de déplacement : Randonnées à pied, à bicyclette (VTT), à ski de fond ou en
raquettes. Voiture, trains, cars postaux. Les bicyclettes peuvent être chargées dans le
train et dans certains cars postaux.
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Durée des parcours : De la promenade d’une heure et demie à la semaine de randonnée.
Difficulté des parcours : De la promenade familiale à la randonnée en montagne.
Eventuellement en raid, mais l’environnement est soit urbain, soit montagnard (vallée à
plus de 2000 m). La plupart des circuits sont accessibles en famille, avec des enfants
autonomes.
Périodes possibles
L’été est court mais généralement bien ensoleillé (de fin juin à début septembre). L’automne
peut être superbe, mais les jours raccourcissent et les bus se font rares. L’hiver est très
rigoureux, enneigé mais très ensoleillé.
Présentation géographique
L’Engadine, vallée où l’Inn prend sa source, appartient au canton des Grisons, à l’extrême est
de la Suisse, aux frontières du Tyrol et de l’Italie. Du col de la Maloja à Zernez, c’est la Haute
Engadine, une des rares vallées alpines aussi ouverte et aussi peuplée à cette altitude –
1800 m à Sils-Maria. Si les influences italiennes lui garantissent des étés relativement chauds
et secs, les hivers y sont fort longs et très froids, témoins les grands glaciers qui descendent de
la Bernina. De Zernez à la frontière autrichienne, c’est la Basse Engadine, à la vie pastorale et
aux villages mieux conservés, dans un cadre plus austère.
Le paysage est adouci par la présence de deux grands lacs naturels : le lac de Silvaplana et le
Lej da Segl, ou lac de Sils.
Cadre historique et culturel
Cette haute vallée a été, grâce à ses cols, une voie de passage fréquentée de toute antiquité
entre mondes romain, germanique et celtique. Occupée dès l’âge du Bronze, l’Engadine est
incluse dans la province romaine de Rhétie.
Le col de Maloja et le col de la Bernina ouvrent vers l’Italie ; le col du Julier, du nom des
Césars qui y firent passer leurs légions, le Septimer, aujourd’hui un sentier, l’Albula et le Flüela
permettent de rejoindre la vallée du Rhin ; le col du Fuorn est un passage facile vers le Tyrol du
sud et vers Meran. La vallée de l’Inn, malgré des gorges encaissées, permet de commercer
avec l’Autriche. Lieu de passage et donc de péages pour le commerce et d’éventuels pillages
pour toutes les armées. Les communautés des vallées, fort indépendantes et désireuses de
s’enrichir sans se laisser conquérir, se sont, dès le Moyen-Age, fédérées en ligues. Au XVe
siècle, ces ligues rhétiques s’affranchissent de la tutelle des Habsbourg. La « République des
trois ligues » est fondée en 1471. L’Engadine rejoint le canton des Grisons en 1803.
Dès la fin des années 1880, la haute société européenne se découvre un grand engouement
pour les vallées de l’Engadine. Air sec et ensoleillement soignent les poumons malades, dans
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un cadre enchanteur et romantique. Dans les grands hôtels à l’architecture débridée de SaintMoritz, de Silvaplana ou de Sils-Maria, tout le gratin intellectuel se retrouve en villégiature : F.
Nietzsche, mais aussi, au fil des années, Th. Mann, R.M. Rilke, H. Hesse, F. Durrenmatt, J.
Cocteau, M. Chagall y rencontrent des artistes comme Segantini ou les Giacometti.
Aujourd’hui, Saint-Moritz, véritable ville à la montagne, est une station mondaine et
cosmopolite à éviter. Le village de Sils-Maria, devenu une station de sports d’hiver réputée
grâce au ski de fond, a perdu une grande part de son cachet. Reste le cadre, immuable, qui
inspira F. Nietzsche.
Description des itinéraires
L’été, la vallée offre 1 200 kilomètres de sentiers entretenus et balisés des légendaires poteaux
jaunes, avec indication de temps et détails sur l’hébergement et le ravitaillement.
L’hiver, plus de 200 km de pistes de ski de fond (Loipen) balisées et damées, notamment sur
les lacs gelés et de nombreux sentiers damés pour les piétons.
Que ce soit sur les cartes, les panneaux, les dépliants, presque tout les lieux ont plusieurs
noms : en allemand, en italien, et en romanche. Quand s’y ajoute un nom français, c’est à y
perdre… son latin ! Ainsi, le Lej da Segl, en romanche, est le Silsersee en allemand, le lac de
Sils en français.
1 – Presqu’île de Chasté
Durée : une heure au minimum. Sentier promenade.
La presqu’île de Chasté est une avancée dans le lac de Sils (Lej da Segl).
C’est aux premières lueurs du jour, en solitaire, qu’il faut aller la découvrir. Depuis SilsBaselgia, un étroit sentier longe le lac. Sur un bloc de rocher, une plaque de bronze rappelle le
chant de Zarathoustra :
« O homme! Prend garde !
Que dit le profond Minuit ?
J’ai dormi, j’ai dormi, d’un profond sommeil je me suis éveillé :
Le monde est profond, plus profond que n’a pensé le jour.
Profond est son mal,
Mais la joie est plus profonde que la peine de l’âme.
La douleur dit : passe !
Mais toute joie veut l’éternité, – veut la profonde, profonde éternité ! »
Tout ici invite à la méditation : la calme horizontalité du lac qui vibre dans la lumière naissante,
la verticalité des sommets, tempérée par le vert des forêts et des alpages soigneusement
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entretenus. Moment intense. Même sous l’averse. On se promet déjà de revenir au coucher du
soleil.
2 – Montée au belvédère de Marmoré (2202 m)
Durée : une heure et demie à deux heures. Bon sentier. 300 m de dénivelé.
Départ derrière la maison de Nietzsche.
En 1994, le grand aigle en bronze (œuvre d’Hermann Hubacher, 1959) qui veillait devant la
maison a été déplacé sur le côté gauche ; il est accompagné d’un serpent (œuvre de Dmitry
Levin, 2014)… Devant la maison a été installée une sculpture de Giuliano Pedretti, « Nietzsche
in seiner Dynamik » (Nietzsche en dynamique). Ce bronze représente, selon le sculpteur
engadinois, la « pensée périlleuse » et en mouvement du philosophe – ce que signifiait
parfaitement le « Dernier Aigle de Marmorè »… La modeste pension de famille où Nietzsche
passa plusieurs étés est devenue un petit musée qui se visite. Souvenirs et expositions d’art
moderne.
Le chemin zigzague à travers prés et forêts jusqu’au belvédère de Marmoré (2202 m). Vue
magnifique sur les lacs engadinois, le bucolique Val Fex et ses glaciers.
Une boucle de 12 km (5h30 de marche) permet de continuer dans le Val Fex, interdit aux
voitures, mais parcouru par des calèches, pour apercevoir les glaciers. L’hiver, superbe
parcours à ski de fond.
3 – Montée au col du Septimer (2310 m)
Voir fiche détaillée : « Col du Septimer, de la Suisse à l’Italie sur les pas des Romains et des
voyageurs médiévaux »
Durée : 6h à 6h30, selon le sens. Bivio / Maloja. Sentier en partie muletier.
Le seul col qui ne soit pas parcouru par une route ! Voie romaine, puis un des principaux axes
nord-sud au Moyen Age, ce passage fut détrôné par son voisin, le col du Julier, au début du
XIXe siècle. Le Septimer se situe sur le chemin européen de saint Colomban, qui relie Bangor
en Irlande à Bobbio en Italie en passant par Luxeuil-les-Bains.
A proximité du Piz Lunghin se trouve le seul point de partage entre trois fleuves d’Europe : le
Pô, le Rhin et le Danube.
4 – Visiter le musée Segantini à Saint-Moritz
Le musée consacré au peintre symboliste Giovanni Segantini (1858–1899) expose notamment
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le célèbre Triptyque des Alpes : Harmonie de la vie – la Nature – Harmonie de la mort (Devenir
– Être – Disparaître). Sa technique pointilliste, inspirée de Seurat, lui permet de traduire la
magie des paysages de neige, des aubes et des crépuscules. Ses toiles solaires sont inspirées
par la montagne, le pastoralisme et ses traditions et donnent à l’homme une place
harmonieuse dans la nature.
5 – Découvrir les villages de la Basse Engadine
Ces villages se visitent à pied. De l’un à l’autre, voiture ou car postal.
Les villages traditionnels, étagés sur des terrasses ensoleillées, méritent deux ou trois jours de
visite, essentiellement pédestre. La circulation y est réglementée, voire interdite. Le long de la
rue principale, les maisons, pour la plupart du XVIIe siècle, rivalisent par les décors de leurs
murs peints ou recouverts de « sgraffitti », grattés sur le crépi. Motifs solaires, décors floraux,
bouquetins, emblème des Grisons, ondines, vouivres et dragons témoignent d’une imagination
débordante. Ici ou là, des motifs plus contemporains alternent avec bonheur avec le simple,
mais méticuleux, entretien des tableaux anciens. Il faut aller à Ardez contempler les soldats
suédois tenant compagnie, sur le même mur, à Adam et Ève ou « lire » la légende de la mort,
de la vigne et du pain tout autour de la « maison du boulanger Giacometti », aller se désaltérer à
la fontaine toute fleurie du Chevalier noir de Scuol, admirer l’une après l’autre les maisons de
Guarda, se perdre dans les ruelles de Sent. Le château de Tarasp, sur son piton, offre une vue
plongeante sur toute la vallée. Reconstruit au début du siècle par un magnat allemand du
dentifrice, il abrite une belle collection de boiseries, de vitraux et de meubles régionaux
« récupérés » dans les vallées voisines.
Bibliographie
Le goût de l’Engadine, textes réunis et présentés par Stéphane Baumont, Collection Le
Petit Mercure, Mercure de France
Textes d’André Gide, Hermann Hesse, Yves Bonnefoy, Theodor Adorno, Marcel
Proust, Pierre Jean Jouve, Jean Cocteau, Renaud Camus, Paul Celan, et bien d’autres.
Dictionnaire des Alpes, Glénat, 2006.
Pour les enfants
Selina Chönz, Une cloche pour Ursli, illustré par Aloïs Carigiet, texte français de Maurice
Zermatten, Orell Füssli Verlag, 1980 – 2010.
Johanna Spiry : les aventures de Heidi se déroulent en Engadine.
Accès et données GPS
Depuis la France, l’Engadine paraît très lointaine ! Il faut la mériter…
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En voiture, vous quittez les autoroutes suisses à Landquart, pour remonter sur Davos, puis
passer le col de la Fluëla, doublé par le tunnel de Vereina (autos sur le train). Vous pouvez
aussi passer par le col du Julier, venir par les lacs italiens et le col de Maloja ou remonter l’Inn
depuis Landeck en Autriche.
En avion, jusqu’à Zürich, avec des correspondances fréquentes en train (changement à
Landquart), pour le plaisir d’emprunter les petits trains rouges de la « Rhetische Bahn » qui,
comme des jouets, courent de tunnels en viaducs.
Sur place, cars postaux et trains.
Matériel spécifique, équipement
Matériel de randonnée en été ; de ski de fond en hiver. Attention aux effets de l’altitude : froid,
réverbération…
Festivités
1er mars : Chalandamarz, fête au cours de laquelle on chasse l’hiver. Habillés de leur costume
engadinois, garçons et filles vont d’une maison à l’autre, chantent des chansons traditionnelles
et quêtent pour le bal de Chalandamarz qui aura lieu le soir.
Dans le cortège, résonnent les grandes cloches de vache – les plumpas – avec lesquelles les
enfants vont chasser les esprits de l’hiver dans la plus pure tradition du «Schellen-Ursli».
Mars : Marathon de l’Engadine : course de ski de fond internationale
1er août : fête nationale suisse. Défilés en costumes, feux d’artifice…
Art de vivre
L’Engadine est la région la plus chère de la Suisse. Un grand choix de pensions et d’hôtels
confortables, quelques campings, de rares gîtes d’étapes (Touristenhaus) où il est prudent de
réserver. Attention à la réglementation suisse, très tatillonne, si vous préférez le bivouac ou le
camping sauvage.
Somptueux petits déjeuners, pâtisseries réconfortantes (les habitants de l’Engadine se sont
longtemps expatriés dans toute l’Europe sur leur réputation de pâtissiers) et haltes
sympathiques dans les restaurants d’altitude ou les chalets d’alpage. Pour les amateurs de
bière, la « Calandabraü », la bière la plus haute d’Europe, servie avec générosité. Et la viande
des Grisons, filet de bœuf séché, à déguster en très fines tranches.
A défaut d’avoir les moyens d’y séjourner, allez prendre le thé à l’Hôtel Waldhaus, construit
en 1908 : Art Nouveau, Proust et Visconti, orchestre…
Cartographie
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Préférez les cartes au 1:50 000, plus lisibles que les cartes au 1:25 000, car les itinéraires y
sont reportés en rouge. Nombreux dépliants dans les offices du tourisme.
Carte 5013 T Oberengadin, Swisstopo (1:50 000)
Carte 268 T Julierpass, Swisstopo (1:50 000)
Liens
Cartes suisses en ligne (zoomer pour changer d’échelle) : map.wanderland.ch
Maison de Nietzsche : nietzschehaus.ch
Randonnée dans le val Fex (5h30) : wanderland.ch
Randonnée au col Septimer : wanderland.ch et wanderland.ch/fr/services/
Musée Segantini : segantini-museum.ch
Un article du Corriere della Sera (en italien) : « In fuga dalla modernità, sulle montagne
di Segantini »
Les amis de saint Colomban (PDF) : amisaintcolomban.net
Hôtel Waldhaus : waldhaus-sils.ch/de
Quelques manifestations traditionnelles : engadin.stmoritz.ch
Office de tourisme de la vallée (Maloja) : engadin.stmoritz.ch
Année où ces itinéraires ont été parcourus
Etés 1991 et 2000 – Hiver 2005 – Informations vérifiées en avril 2014.
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Photos : © Institut Iliade pour la longue mémoire européenne.
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