IRAK - geopolitis.net
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IRAK : L'ENGRENAGE FATAL par Jean-Claude Courdy La collusion des Chiites et des Sunnites contre l'ennemi commun inaugure une nouvelle phase de la guerre imprudemment déclarée par George W. Bush au régime de Saddam Hussein. Aux Etats-Unis, le Secrétaire d'Etat, Colin Powell, a beau s'évertuer à contrecarrer la formule du Sénateur Ted Kennedy qui qualifie l'Irak de "Vietnam de George Bush", on ne peut s'empêcher de penser au conflit vietnamien et à son enlisement fatal aux américains, quelles que soient par ailleurs les différences soulignées par Colin Powell, lui-même ancien du Vietnam. Le secrétaire d'Etat note que contrairement au Vietnam, il ne s'agit pas d'un débordement. Cette comparaison concerne une situation que les Américains n'ont connue que dans les derniers mois qui ont précédé la chute de Saigon. Le Secrétaire d'Etat Powell argumente en mettant en doute la pertinence de ce parallèle entre les conflits irakien et vietnamien en feignant d'ignorer la règle essentielle qui veut que la valeur comparative ne se mesure que "mutatis mutandis". L'heure de la débâcle n'a pas sonné en Irak car la phase actuelle rappelle fâcheusement la situation pendant l'offensive du Têt en 1968, puis un an après, celle des débuts du tandem Nixon Kissinger à la Maison Blanche et leur voyage d'encouragement au Vietnam dans les premiers mois de 1969. L'enlisement en Irak peut donc durer des mois, voire des années. Des experts américains pensent avec raison que la défaite de la coalition ne sera pas la conséquence d'un débordement sur le terrain mais sera politique. De nouvelles stratégies irakiennes Si les Irakiens sunnites ont opté à Fallouja pour la guerre de rue et un harcèlement dont l'exemple le plus spectaculaire est le sort horrible et inhumain réservé à quatre américains brûlés vifs dans leur voiture et dont les corps ont été traînés dans les rues, les Chiites radicaux de Moqtada Al Sadr et un groupe inconnu jusqu'ici, les brigades des "Moudjahidins" ont inauguré une nouvelle tactique de prise d'otages. La presse internationale a porté une attention spéciale au cas de trois Japonais menacés par leurs ravisseurs d'être brûlés vifs si le gouvernement de Tokyo ne retirait pas ses troupes de la coalition, suivi de l'enlèvement de onze Chinois, de Russes et d'autres ressortissants de diverses nationalités. Les nationaux appartenant à la coalition sont considérés comme prisonniers de guerre autrement dit comme monnaie d'échange. Les autres sont en principe libérés comme les Chinois au lendemain de Pâques. Toutefois, comme le confirme le témoignage d'un journaliste français enlevé puis relaché et comme le démontre la libération des trois japonais après deux jours de palabres, cette stratégie des otages paraît plutôt marquée par une certaine anarchie des comportements: Il y a ceux qui veulent exécuter à tout prix n'importe qui, ceux qui veulent libérer tout le monde à l'exception des américains, ceux qui préfèrent consulter les autorités religieuses. Dans la confusion ambiante, ces gestes montrent une volonté des Irakiens de soulever les opinions publiques des pays alliés de Washington afin de faire pression sur leurs gouvernements. Une trentaine d' otages sont ainsi retenus tandis que l'armée chiite du Mehdi appelle la population à la lutte armée. La trêve intervenue pendant le week end pascal à Fallouja n'incite pas à l'optimisme d'autant plus qu'elle a été violée à plusieurs reprises. La guerre ne pourra donc que s'amplifier jusqu'à ce que le dernier GI ait quitté le Proche Orient. Plus la Maison Blanche s'entête, plus l' échec militaire probable des EtatsUnis dans une guerre asymétrique, sera suivi d'un séisme politique qui ne touchera pas seulement l' Amérique, mais se répercutera sur tous les pays épris de liberté. Des voix commencent à s'élever aux USA pour que l'autorité en Irak soit transférée aux Nations Unies. Il serait temps que l'administration Bush revienne à ce multilatéralisme dont le concept lui a été légué par les pères fondateurs de la plus grande démocratie du monde que la France a aidée à naître. Jean-Claude Courdy www.geopolitis.net