New York à vélo

Transcription

New York à vélo
Ailleurs
New York
à vélo
Je suis allé à New York fin août. Hélas pas en vélo. En
passant par la Sibérie, l’Alaska, le Canada et les Chutes
du Niagara, il m’aurait fallu plus de temps, mais sans
doute pas plus d’énergie.
Le gros avion qui m’a emmené a
également emmené avec lui
plusieurs dizaines de milliers de
litres de kérosène. Mon bilan
carbone pour 2010 est passé
d’exemplaire à désastreux. Pour
soulager ma conscience, je me
disais qu’après tout, en tant que
cycliste quotidien, j’avais moi aussi
le droit de cramer un peu d’or noir.
Premier contact
Premier contact avec New York : les
autoroutes qui relient l’aéroport à
Manhattan. Deux fois 4, 5 voire 6
voies, saturées de bagnoles et de
4x4 énormes. De nuit, ces embouteillages forment un serpent rouge
ou blanc selon qu’on regarde derrière ou devant. Passé un des tunnels sous l’East River entre Queens
et Manhattan, surprise : le trafic a
considérablement fondu. Mais où
sont donc passées toutes les boîtes
de conserve à roulettes ? Autre surprise : le trafic a jauni. Le jaune, c’est
la couleur des taxis. Rois de la rue
new yorkaise, les taxis sont majoritaires. Il n’est pas question de gêner
leur déplacement. Ils sont les seuls à
utiliser leur avertisseur. Bref : la rue
leur appartient.
Le contexte urbain
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Ça roule !
Des vélos à NY, il y en
a. Et leur présence est
palpable. Un demi-million dit l’affiche ! « Join
the half-million new
yorkers who bike ! ». Il
faut dire que Monsieur
l’maire,
Michael
Bloomberg, a globalement agi pour faciliter
l’utilisation de notre
mode de locomotion
préféré. L’écologie, il
paraît que c’est son
dada. Il a quand
même du pain sur la
planche en matière de
déchets et de consommation d’énergie…
Mais pour les déplacements, chapeau monsieur l’maire ! Le métro
et les bus sont très
efficaces et très bon
marché ; et la vie du
cycliste urbain est facilitée.
Dans tous les quartiers
de NY, des espaces et
Un demi-million de cyclistes à New York,
dit l’affiche !
D. Gesland
Un mot sur le plan de Manhattan et
son prolongement nord, Harlem, car
il a son importance sur l’utilisation
du vélo. Entre la pointe sud de
Manhattan (Lower Manhattan) et
Canal Street, le plan rappelle les premières implantations hollandaises et
anglaises des 17ème et 18ème siècle :
rue courbes, intersections dantesques à six ou sept embranchements,
petites rues étroites serrées entre
deux gratte-ciel. Au-delà de Canal
Street, NY est agencée en blocs :
2500 peut-on lire au NY City
Museum. Le plan orthogonal croise
d’est en ouest des rues numérotées,
du nord au sud les célèbres avenues : 5e, 6e, Central Park, West Park,
Madison… La grande majorité des
rues et avenues sont en sens unique. La rigidité monotone du plan
est rompue par l’interminable et oblique Broadway (20 km !), de belles
places végétalisées et Central Park.
Le plan urbain de Queens est lui
aussi orthogonal et zébré d’autoroutes géantes et de nœuds autoroutiers qui défient l’entendement. Le
plan de Brooklyn est en partie plus
tortueux et intimiste.
Voilà pour le décor. Maintenant, place
au vélo !
Hé oui ! Et le vélo dans tout ça ? Des
vélos à NY ? Au pays de la voiture,
de l’exubérance et de la vitesse ?
Pure folie !
Perdu.
une signalisation verticale leurs sont
dédiés. Le réseau cyclable, bien que
morcelé, est bien conçu. On trouve
même des voies décalées et du
jalonnement. Chose innovante et
rare en Europe : les bandes cyclables
sont très souvent installées à gauche
de la chaussée des artères principales, pour une raison évidente de
sécurité : le côté droit est réservé aux
bus et aux taxis, qui s’arrêtent fréquemment. L’endroit le plus calme
est à gauche. Il fallait oser. Et ça marche.
La plupart des ponts sont cyclables,
comme les emblématiques Brooklyn
et Manhattan Bridges. Traverser à
vélo l’East River par le pont de
Brooklyn au petit matin est un pur
bonheur. Arrêt obligatoire au 1er pilier
pour la photo de la Skyline (littéralement : la « ligne du ciel », en fait
l’impressionnante ligne de crête formée par les gratte-ciel) ! Attention
toutefois aux cyclistes sportifs qui
emmènent le grand braquet…
Chacun sa voie !
les bagnoles (le
stationnement est
hors de prix).
D. Gesland
La coulée
verte de NY
Il est possible et
vivement conseillé
de
traverser
Central Park à
vélo, dans tous les
sens. D’abord
pour le plaisir :
silence en plein
NY, végétation
luxuriante, immenses pelouses,
plans d’eau, fontaines, traversée
d’une forêt au
cœur d’une mégapole, faune variée,
contact avec les
New Yorkais en
Les bandes cyclables sont très souvent installées
train de se détenà gauche de la chaussée des artères principales.
dre… Ensuite
pour se déplacer : du
nord au sud, on peut
La lenteur des voitures
parcourir l’équivalent de 40 blocs
Les quartiers intimistes comme sans croiser la moindre voiture et en
Greenwich Village, Lower East Side, toute sécurité. A la sortie sud-ouest
Harlem, Chinatown, SoHo … ne sont du parc, le seul et unique rond-point
pas toujours équipés mais se prêtent de NY : Colombus Circle. A éviter si
très bien à l’utilisation du vélo pour on est à vélo. Il vaut mieux le franune raison et une seule : les voitures chir en piéton et s’engouffrer dans
y sont lentes et dociles. Voilà le 2e Broadway. La mythique avenue est
point incitatif : la lenteur du trafic. devenue en partie cyclable, avec des
Les voitures à NY sont lentes. Primo, doubles sens (!), et même piétonne
il ne sert à rien d’appuyer sur le entre le frénétique Time Square et le
champignon car toutes les intersec- délicieux Madison Square Park.
tions sont gérées par des feux non Broadway piétonne et cyclable : là
synchronisés. Secundo, l’Américain a encore il fallait oser !
le sens de la règle : hors de question
de griller les feux ! L’automobiliste La topographie
new yorkais s’arrête à l’orange ; il se L’île de Manhattan est majoritairemet à la place des autres usagers de ment plate. Des côtes font un peu
la rue. Quelle surprise et quel forcer dans Upper West Side (vers la
contraste avec nos villes françaises 90e rue) et au nord-ouest pour
où l’usager carapacé de métal se atteindre l’incroyable Cloysters.
croit souvent tout permis… NY véri- Queens, c’est les Pays-Bas. Harlem
fie en tout cas le principe selon est presque plat. Brooklyn en revanlequel le développement du vélo che est principalement construit sur
urbain n’est pas nécessairement lié à une corniche de la rive gauche de
celui des pistes cyclables : il suffit l’East River. En quittant le pont, ça
aussi de ralentir voire de décourager descend sec vers le parc d’où on a
le meilleur point de vue sur les
gratte-ciel de Manhattan. Il faut
ensuite remonter pour aller se balader dans les Heights, les vieilles
maisons ombragées de Brooklyn. On
peut gratuitement faire voyager son
vélo dans le métro.
NY n’est tout de même pas
Copenhague !
Attention néanmoins : tout n’est pas
rose. Il faut éviter de rouler à droite
des grandes artères, éviter certaines
rues importantes dépourvues de
corridor cyclable (exemples : 42e rue,
8e avenue, Broadway entre Flatiron
District et Battery Park), proscrire les
highways urbaines sur berge qui
enserrent Manhattan. Le cadenassage est peu aisé. On fait avec ce
qu’on trouve… Très peu de couloirs
de bus sont ouverts aux cyclistes.
Contrairement à Berlin, il est impossible de circuler sur les trottoirs,
même pour un « dépannage » : il y a
trop de monde et de trucs encombrants (poubelles, monticules de
déchets, distributeur de journaux, de
cigarettes, échafaudages...). Enfin, il
faut parfois composer avec les nombreux véhicules de livraison qui stationnent où bon leur semble, notamment à l’entrée d’un virage aveugle
en angle droit. NY est bien une fourmilière « qui ne dort jamais ».
Vélos et comportements
Pas de typologie précise du cycliste
urbain new yorkais. Le vélo est utilisé
par tous, sans distinction d’âge, de
sexe ou de classe sociale. Côté matériel, c’est l’exubérance. Vélo coloré,
vélo nationaliste, livreurs… Egalement
des Brompton, des électriques, des
pliants électriques, de superbes fixies
et des taxis vélo tout autour et à l’intérieur de Central Park. Le port du
casque n’est pas obligatoire. Il n’est
pas systématiquement porté. Ni gilet
fluo, ni écarteur de danger. Une
autre chose curieuse : l’absence fréquente d’éclairage pour les déplacements de nuit. Faut-il en déduire que
le cycliste se sent en sécurité à NY ?
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Ailleurs
Toujours est-il que, contre toute
attente, dans la ville de nos « bienfaiteurs » Chrysler (qui a même SON
building au sommet en forme de
pare-choc auto) et Rockfeller (lui, il
en a 14… dans son célèbre
« Center »), on se déplace à vélo !
Certes, ce n’est pas Copenhague,
mais j’ai moins ressenti de stress
qu’à Londres voire Paris dans certains coins.
Infos pratiques
Pour finir,
- les coordonnées de deux associations (très) militantes avec balades, événements, conseils, photos… :
•
•
- et quelques idées de balade à vélo :
•
David Gesland
•
•
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•
20
D. Gesland
Traverser à vélo l’East River par le pont de
Brooklyn au petit matin est un pur bonheur.
http://www.transalt.org
http://www.bikemonthnyc.org
Flânerie dans Greenwich Village et Meatpacking district :
petites rues, maisons basses et délicatement décorées,
petits cafés et indépendants, Washington Square Park, la
place de toutes les contestations, pour se reposer /
2 heures
Harlem / Central Park / Broadway : les Brownstones
(maisons marrons) de Harlem, la campagne et la forêt
de Central Park et la frénésie de Brodway, cyclable sur
plusieurs kilomètres jusqu’à Flatiron building, via Time
Square / 4 heures
Brooklyn par le pont, les Heights (quartier paisible avec
belles maisons et noms de fruits donnés aux rues),
Dumbo (ancien port de Brooklyn) pour la vue sur la
Skyline / 3 heures
La rive gauche de l’Hudson River : parcs, vues sur le New
Jersey, la Statue de la Liberté, anciens Piers (quais)
reconvertis, rencontre avec les New Yorkais en footing et
leur chienchien… / 3 heures
Pour les mordus, Queens par le Manhattan Bridge (traversée étrange, sujets au vertige s’abstenir !) à prendre
dans Chinatown, puis Williamsburg et le Corona Park,
immense espace vert un peu bizarre car on y trouve le
nouveau stade de base-ball des Yankees, Flushing
Meadows et surtout le Queens Museum et les vestiges
de l’exposition universelle de 1964, en pleine guerre
froide. Cette balade offre d’autres visages de NY, notamment si on longe la ligne 7 du métro : l’International
Express. On passe successivement en Inde, au Pakistan,
au Costa Rica, au Pérou, en Ukraine, en Irlande… /
4 heures.