La séparation des races - ramuz
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La séparation des races - ramuz
CONFERENCE DE PRESSE DU 10 JUIN 2016 PROGRAMME 9h45 Accueil, café-croissants 10h Introduction, par Sonia Martin, Présidente des Compagnons de la Navizence 10h10 Découverte des sites, par Yannick Poujol, Metteuse en scène Scène 1 Dépendance Edmond Bille Scène 2 Eglise Scène 3 Place Ste-Barbe Extrait scène 8, acte 3 Lionel Clavien, Firmin Candy Dumas, Frieda Veronique Tissières, Thérèse Georges Zufferey, Manu Scène 4 La place du Calvaire 10h45 La petite et la grande histoire, par Noël Cordonier, Editeur scientifique de La séparation des races. 10h55 Exposition Prélude à Ramuz, par Sonia Martin 11h Interviews et apéritif Conférence de presse au chalet Bille, à Chandolin : Au centre : Sonia Martin. A sa droite Yannick Poujol, Jean-Luc Virgilio, Noël Cordonier. Debout : Antoine Campiche, arrière petit-fils du peintre. LE CASTING Une quinzaine d’actrices et d’acteurs monteront sur scène pour y intérprêter La séparation des races. A côté des Firmin, Barthelemy, Frieda et autres Mathias, de nombreux figurants complètent la distribution. Sapés comme à l’époque, ils animeront les rues de Chandolin. Les membres de la troupe ont entre 15 et 60 ans, viennent d’Anniviers et du bassin sierrois. De gauche à droite : Georges Zufferey, Véronique Tissières-Abbé, Lionel Clavien, Candy Dumas QU’EN DISENT LES ACTEURS ? Candy Dumas, Montana, 21 ans, interprète Frieda. «Pourquoi je me suis engagée dans cette pièce? Tout simplement pour vivre une aventure en pleine nature et découvrir Chandolin. Et puis le fait que le spectacle soit itinérant m’a définitivement convaincue d’intégrer la troupe ». Lionel Clavien, Miège, 41 ans, interprète Firmin «J’ai très vite été séduit par le projet d’un spectacle en plein air, en costume d’époque, dans ce magnifique décor naturel qu’est Chandolin. En plus j’aime beaucoup Ramuz. J’ai adoré le film La grande peur dans la montagne avec Jean-Luc Bidault, l’ambiance de ces bergers montagnards, un peu rêches au premier abord. On retrouve un peu de ça dans La séparation des races. Et puis la possibilité de vivre cette aventure en famille, avec ma femme et mes enfants qui seront figurants, m’a définitivement convaincu ». Georges Zufferey, Mayoux, 60 ans, interprète Manu et Ramuz «Avant de jouer dans La séparation des races, je ne connaissais pas vraiment Ramuz. Ce qui m’a donné le déclic, c’est le fait d’évoluer à l’extérieur, qui plus est à Chandolin. Après plusieurs pièces en salle, l’envie était grande. Et puis jouer, j’aime ça ! ça donne confiance en soi ». Véronique Tissières-Abbé, Grimentz, 46 ans, interprète Thérèse «Le projet de Chandolin m’a séduite par son originalité, tout spécialement le concept des 4 scènes dans un environnement naturel. Jusqu’à présent au théâtre j’avais toujours joué des comédies. Cette fois, j’avais envie de faire autre chose, de vivre d’autres émotions. Le texte de Ramuz m’apporte toute cette poésie dont je rêvais ! » Thérèse et Firmin, sur la place Ste-Barbe, l’une des 4 scènes du spectacle, avec l’église, la dépendance Bille et le Calvaire Noël Cordonier sur la place du Calvaire, à Chandolin «Par hasard, je suis devenu spécialiste de La séparation des races » La séparation des races n’a plus de secret pour lui, ou presque. Noël Cordonier a participé au «Chantier Ramuz» qui a entre autres permis l’édition des œuvres complètes de l’écrivain vaudois. Lancée peu avant 2000, l’opération a duré près de 15 ans et a réuni une quarantaine de chercheurs. Enseignant notamment à la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne, Noël Cordonier est ainsi devenu l’éditeur scientifique de La séparation des races. Tout jeune retraité, il siège actuellement au Conseil de Direction de la Fondation C. F. Ramuz. A un mois de la première représentation de La séparation des races à Chandolin, Noël Cordonier nous a accordé un entretien. Vous avez consacré des années de recherches à l’œuvre de Ramuz et à La séparation des races en particulier. Pour quelles raisons ? « La question est intéressante parce que Ramuz est très déterministe : pour lui, les personnes sont déterminées par le temps-espace qui les a vu naître. Or, en fait, mon rapport à Ramuz est lié à l’inverse, au hasard. Par hasard, j’ai été berger lorsque j’avais une dizaine d’années avec mon père dans un alpage à un kilomètre et demi de celui où se passe l’histoire de La séparation des races, et par hasard, quelque 25-30 ans plus tard, je me suis retrouvé engagé par le «Chantier Ramuz». A mon arrivée, il ne restait plus que quelques romans à s’attribuer. Il y avait notamment La séparation des races que j’avais lu quand j’étais adolescent et dont je ne me souvenais pratiquement plus. Je suis donc devenu tout à fait par hasard spécialiste de La séparation des races ». Comment est née La séparation des races ? «Ramuz est venu à Lens à l’invitation de son ami peintre Albert Muret. Et là, ça a été le lieu d’inspiration d’au moins trois romans. D’où est venue l’idée de ce roman à Ramuz ? Très certainement d’une légende que Ramuz a dû entendre d’Albert Muret. C’est légendaire, mais c’est fondé sur des éléments historiques. Au 14e et 15e siècle, il y a bien eu de la vendetta, il y a bien eu des disputes de part et d’autre de la montagne entre Valaisans et Bernois. Et c’est avéré, les Bernois ont bien incendié quatre villages du «Mont de Lens» au 15e siècle, par exemple ». Dans La séparation des races, Ramuz ne situe pas l’action, pour quelle raison ? «Il y a une coquetterie de Ramuz à ne pas nommer les lieux. Il écrit une fois le mot Italie, il y a peut-être encore Savoie. Le Rhône est nommé une fois sauf erreur et l’Oberland jamais. C’est donc simplement le pays d’ici et le pays de là-bas, de l’autre côté. Il s’agit pour Ramuz d’inscrire son histoire dans le domaine pérenne de la légende, du mythe ». Pour vous, pas de doute, l’histoire se déroule dans la région de Lens ? «Il est évident que l’histoire commence, pour être extrêmement précis, au-dessus de l’actuel barrage du Rawyl, sur l’alpage dit d’Armeillon, c’est-à-dire sur le versant valaisan du col du Rawyl, puis elle se passe à Lens même. Une partie de l’alpage est, je crois, toujours pâturée par des bêtes bernoises ! Dans cette histoire-là, Firmin va essayer de légitimer son crime, le rapt de la jeune Bernoise, en expliquant qu’il fallait reprendre des terres à ces Bernois et leur montrer qu’on n’allait pas se laisser faire ». La première version s’intitulait Le feu à Cheyseron, référence à Chetzeron ? «Oui, absolument ! C’est une première histoire qui est nettement plus réaliste avec plus de personnages. Dans le titre Le feu à Cheyseron, un lieu est bien nommé [la pente au-dessus de Crans] ainsi qu’un acte, l’incendie de vengeance. A l’inverse, le titre La séparation des races est plus conceptuel. Mais dans les deux cas, Ramuz a exploité des noms locaux, comme toujours avec beaucoup de liberté, pour les maintenir ou les transformer ou égarer la localisation exacte». Le feu à Cheyseron devient La séparation des races dix ans plus tard, en 1922-23. Le mot race est aujourd’hui sensible. Est-ce qu’il avait la même signification à l’époque ? «Non, il n’avait pas la même signification. D’abord, on en usait plus librement. Aujourd’hui, on ne peut plus parler du mot race sans devoir faire référence, silencieuse au moins, à l’holocauste et aux génocides de la Seconde Guerre mondiale. Le mot est ainsi devenu presque tabou. On le remplace par des termes comme «communauté», «ethnie» et autres. Mais le mot jusqu’en 1940 avait un usage beaucoup plus libre, même s’il était déjà inscrit dans un mouvement de radicalisation politique. Ramuz utilise le mot race à l’intérieur de la perspective européenne qui est, pour aller très vite, racialiste. Pas raciste, mais racialiste. C’est-à-dire qu’elle est fondée sur le primat de l’homme blanc et de la civilisation européenne. Ramuz s’inscrit à l’intérieur de cette perspective-là et il va spécialiser, renforcer certains points de vue. Mais, pour lui, la race peut être une communauté plus petite qu’une nation, plus petite même qu’un canton. Il y a une extrême divisibilité de la notion de race chez lui. A la limite, il retrouve presque la race au sens biblique du terme, c’est à dire les descendants de, c’est une famille quasiment. » L’accueil du roman à sa parution en 1922-23, quel est-il ? «C’est la première fois depuis dix ans au moins que Ramuz peut publier à Paris. Pendant une bonne dizaine d’années, il avait publié soit en coédition entre Suisse et France, soit uniquement en Suisse. Donc il a retrouvé un lectorat français en 1922-23. Ce qui change complètement le mode de diffusion, de publicité des livres. Il a donc une très bonne presse. Enormément de recensions sont faites et ces recensions sont très positives dans leur majorité. On commente fortement sa langue et son style antiacadémique. Par contre, très peu de commentaires sur ce qui aujourd’hui nous interpelle sous le titre La séparation des races. Une chronique seulement revient sur le contenu politique de l’histoire. En gros, les races sont-elles faites pour s’entendre ou pas, est-ce qu’on est dans une fatalité de non compréhension, etc. ». La séparation des races reste-t-il un roman d’actualité ? «Oui, et je dirais même plus, malheureusement oui, parce qu’on assiste de nouveau à un durcissement identitaire. La notion de race telle qu’elle se durcit maintenant est fondée sur une sorte de primat de justice que possèderaient ceux qui habitent tel ou tel lieu. Je suis d’ici, j’ai raison. Je suis d’ici, ici je suis fondé en vérité. Et ce que dit La séparation des races, c’est cette fatalité-là. On a raison ici et on a tort ailleurs. Il y a un durcissement et il y a un classement des identités. Alors oui, aujourd’hui La séparation des races est très importante pour différentes raisons. Parce que d’une part la science nous donne des moyens maintenant de définir les individus avec une précision extrême, c’est le cas de l’ADN. Et à partir de là, on a tendance à reprendre ces déterminismes qui nous classent définitivement, qui minimisent la culture que l’on acquiert après la naissance, au profit de l’héritage génétique qu’on reçoit. D’autre part, du point de vue culturel, on observe les mêmes mouvements. La mondialisation nous amène un contre-mouvement de repli sur, par exemple, les AOC, les origines contrôlées, l’indigénat. Ce qui est très bien par certains aspects. Mais, c’est aussi sujet à certaines dérives. Et puis les mouvements de personnes que l’on connaît maintenant, notamment l’immigration, engendrent des réflexes protectionnistes très forts. Alors oui, La séparation des races est très actuelle. Elle va se jouer par exemple à Chandolin, mais on pourrait très bien la jouer dans un camp de réfugiés. Je pense que là aussi la pièce aurait sa place». Quel est votre passage préféré ? «En dehors de ce qui sera joué, je dirais le chapitre descriptif inaugural qui décrit toute la vallée du Rhône du point de vue d’un aigle. C’est absolument remarquable. Par contre, dans la pièce théâtrale, on entendra la langue de Ramuz. Ramuz a une phrase extraordinaire, c’est une phrase qui ne ressemble à aucune autre, on est dans ce qu’on appelle le moment parlant de la littérature, le moment où la littérature reconstitue des formes d’oral. La langue de Ramuz est inspirée de l’oral. Pratiquement toutes ses phrases sont faites pour être dites, mangées, mais avec une articulation assez particulière. Ça ne coule pas de source, c’est une langue souvent difficile, rocailleuse, qui demande un énorme travail de la part des acteurs, et je suis très curieux de voir le résultat auquel aboutiront les acteurs de la pièce». Quelle place occupe La séparation des races dans toute l’œuvre de Ramuz ? «Du point de vue de sa poétique, c’est un moment où il prend plus conscience de ses propres instruments linguistiques. Il radicalise la révolution littéraire qu’il est en train d’introduire. Il a été encouragé quelques années plus tôt par un équivalent, l’équivalent de ce que Stravinsky a fait avec la musique. Stravinsky, avec qui il a collaboré, met en évidence le son pour luimême. Ramuz va mettre en évidence le mot pour lui-même. Si je pousse à bout, je dirais que chez Ramuz les intrigues importent peut-être moins que la langue. Ramuz, c’est une affaire de langue. Les intrigues comme dans La séparation des races se résument très souvent à un canevas simple. L’histoire de La séparation des races est assez simple, c’est un rapt. Et si le roman tient debout, c’est une affaire de langue. En gros, il habille un mini-scénario avec une phrase, un souffle qui sont absolument inédits, extraordinaires. Ce qui lui vaudra aussi de sérieux problèmes. Il va y avoir des livres entiers qui se publieront pour ou contre Ramuz, parce qu’on est complètement opposé à la langue qu’il écrit. Il écrit une langue non académique. Les critiques diront : « S’il veut écrire en français ou s’il veut être publié en français, qu’il apprenne notre langue ». Et maintenant, puisqu’on est sorti d’un moment très académique de la conception de la littérature, on redécouvre les qualités de la langue de Ramuz qui sont rythmiques, musicales. C’est une langue parfaite pour mâcher, pour crier, pour hurler aussi, ou pour lire en mentalisant. Lui-même, sur ses manuscrits, il pratiquait des retours à ligne qui ne se comprennent vraisemblablement que pour des raisons rythmiques. Il ne va pas jusqu’au bout de la ligne, c’est comme si c’était une sorte de partition ». Est-ce que jouer La séparation des races à Chandolin a du sens ? «Ça a beaucoup de sens ! Un des premiers, c’est que Ramuz a aussi travaillé sur le village de Chandolin, puisqu’en 1907, il a été appelé par le peintre Edmond Bille à collaborer avec lui pour faire un livre d’art, un livre de luxe même, qui sera publié chez Payot [Le village dans la montagne] ; Ramuz se chargeant du texte et Bille des illustrations. Pour ce faire, Ramuz est allé vivre une semaine à Chandolin où il a écrit une description, on va dire ethnographique, de la vie dans un village d’altitude. Il y a donc une première raison historique et personnelle de jouer à Chandolin. Et puis, il y a une deuxième raison. Je l’ai dit tout à l’heure, Ramuz est très déterministe, c’est-à-dire que les individus sont façonnés par le temps-espace. Et la montagne est un des gros paysages déterministes. En gros, La séparation des races, c’est celle que crée la montagne entre les Bernois et les Valaisans. Alors, de jouer le roman dans un décor naturel en montagne permet de retrouver un de ces constituants de la poétique de Ramuz à savoir : nous sommes pensés par le pays qui nous a donné vie, par le lieu qui nous a vu naître. Enfin, une dernière bonne raison de jouer de manière itinérante dans le village historique de Chandolin, c’est justement d’y sentir une organisation sociale de type holistique. Dans tout village ancien, le groupe était très fort, contrairement aux sociétés actuelles qui sont individualistes. Ce qui est intéressant dans cette pièce-là, c’est que Firmin lorsqu’il aura eu cette émotion pour Frieda va se découvrir avoir une existence personnelle. Il va sortir du groupe et réfléchir à ses moyens de penser par lui-même et non pas à l’intérieur d’une hiérarchie très stricte qui, à l’époque, était fondamentalement liée à la religion. Firmin va être tenté de quitter son pays, c’est-à-dire de pratiquer une déculturation. Frieda, qui ment, l’invite à venir vivre avec elle, c’est-à-dire à repasser la montagne et à aller vivre de l’autre côté. Et il y a un débat intérieur, que la pièce va sans doute travailler, il y a un débat pour savoir s’il peut vivre ailleurs. D’une certaine manière, il y a une séparation d’avec la race à ce moment-là. Ce n’est donc pas que la séparation des races, c’est aussi la séparation d’avec la race ». EXPOSITION PRELUDE À RAMUZ LES COMPAGNONS DE LA NAVIZENCE Fondée en 1959 dans le Val d’Anniviers, la troupe des compagnons de la Navizence a pour but la promotion du théâtre amateur dans la Vallée. Giorgio Brasey, Anne Salamin, Jean-Luc Virgilio et Cédric Jossen ont assuré la mise en scène des dernières pièces. En voici un bref aperçu : 2011 : « L’Iliade d’Homère » en plein air à Vissoie 2012 : « Le Cosmos est dans le pré » dans un chapiteau à St-Luc 2012 : « Une demande en mariage » à la Tour d’Anniviers à Vissoie 2013 : « Il était nu, madame la commissaire » au foyer Lyrette à Ayer 2013 : « Hard Copy » à la Tour d’Anniviers 2014 : « Ainsi soient-elles » à la salle polyvalente de Zinal Avec La séparation des races, les compagnons de la Navizence renouent cet été avec le théâtre en plein air. L’événement peut accueillir jusqu’à 120 personnes par date. LES DATES De la mi-juillet à la fin août 2016, onze représentations sont à l’affiche. En cas d’impératif météo, l’organisation prévoit 4 supplémentaires. Juillet 2016 Vendredi 15 juillet Samedi 16 juillet Vendredi 22 juillet Samedi 23 juillet Vendredi 29 juillet Samedi 30 juillet Août 2016 Vendredi 5 août Samedi 6 août Lundi 15 août Vendredi 19 août Samedi 20 août Supplémentaires Jeudi 21 juillet Jeudi 28 juillet Jeudi 4 août Jeudi 18 août CONTACTS Présidente Sonia Martin 079 864 23 79 [email protected] Metteuse en scène Yannick Poujol 079 658 04 61 [email protected] Site internet : www.ramuz-anniviers.ch