Sous-traitance pharma Redistribution des cartes
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Sous-traitance pharma Redistribution des cartes
Sous-traitance pharma A l’heure où le secteur pharmaceutique connaît de profondes mutations avec un modèle blockbuster très chahuté, les façonniers analysent les nouvelles opportunités pour demain. L es laboratoires font face à plusieurs déis : pour le cabinet de conseil Arthur D. Little, il leur faut à la fois retrouver de la propriété intellectuelle et de la diférenciation pour leurs produits, restaurer la coniance dans l’innocuité des médicaments, répondre à des besoins médicaux non satisfaits encore importants, tout en réussissant, sur des classes thérapeutiques déjà bien couvertes, à positionner de nouveaux médicaments par rapport à des produits existants, souvent eficaces, dont le prix peu élevé, du fait de la présence de génériques, sert de comparateur. Le modèle reposant sur l’innovation est par ailleurs bousculé dans plusieurs pays : en Allemagne, par exemple 1, le système des « jumbo groups » sert à ixer un prix de référence – accepté au remboursement – pour les produits d’une même classe, protégés ou non par un brevet. Les industriels du médicament n’ont plus le choix : il leur faut inventer un nouveau modèle pour renouer avec la croissance. Toujours plus d’externalisation Mais quel sera ce dernier ? Les analyses actuelles convergent dans une même direction : l’arrivée de traitements plus personnalisés, de produits 56 PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2008 DR Redistribution des cartes répondant à des mécanismes mieux le développement identiiés, associés à un test de dia- clinique. D’où une gnostic 2. Autrement dit, des théra- tendance probable à la pies ciblées permettant de prévoir la concentration des unités réponse à un traitement, en termes pour maîtriser l’ensemble d’eicacité mais aussi de toxicité. du processus. En termes d’orgaOutre les questions relatives à l’orga- nisation industrielle, on devrait donc nisation de ce nouveau modèle (quel assister à diverses évolutions au cours partage de la valeur entre laboratoi- des prochaines années. Ces évolures et sociétés de diagnostic ?) et au tions toucheront largement les sousinancement par les payeurs, publics traitants : les laboratoires, désireux ou privés, de ces nouvelles thérapies, de réaliser des économies d’échelle, ce bouleversement du modèle phar- de réduire les capitaux employés ou maceutique va entraîner dans d’opérer un transfert de resson sillage, divers autres ponsabilité (à l’image changements, notamde l’outsourcing de la ment dans le domaine R&D vers les sociéde la production. tés de biotech, les les évolutions Ainsi, ces thérapies CROs et les capiciblées sont la plutaux-risqueurs), toucheront les part du temps biolodevraient en efet sous-traitants giques, et leur fabripoursuivre sur la cation, plus complexe voie de l’externalisaque celle des molécules tion de la production. chimiques, concernera des Une tendance renforcée petites séries, contrairement par le durcissement de la aux grandes séries du modèle du législation environnementale et des blockbuster. En outre, comme le sou- contraintes de qualité, et qui entraîligne Frédéric homas, consultant nera mécaniquement la mise à dispochez Arthur D. Little, recherche, dé- sition de nombreux sites de producveloppement et production sont très tion pour les sous-traitants. liés dans le domaine du biologique. Par ailleurs, il y a fort à parier que la Par conséquent, pour être celui qui spécialisation des sites, déjà engagée, produira les lots commerciaux, il va s’accroître, notamment entre types faudra aussi être celui qui aura fait de produits (biologiques et chimi- Partenaires Industrie ques) et formes galéniques. Dans les pays développés, le nombre de sites de production de produits chimiques devrait diminuer, ces pays cherchant à se positionner sur des produits spécialisés, à forte valeur ajoutée. Les principes actifs standards, destinés aux produits matures, seront quant à eux de plus en plus fabriqués dans les pays émergents à bas coût. Les génériques seront sans doute aux mains des seuls génériqueurs et des façonniers qui développeront leurs implantations dans les pays à bas coûts et qui seront, à terme, selon Arthur D. Little, amenés à fusionner. La France en retard De nouveaux sites biologiques vont être créés, dans les pays développés, mais aussi dans les pays émergents. Or, construire de tels sites coûte cher et il n’y aura pas de revamping (reconversion d’un site chimique) : d’où un véritable choix industriel pour ces implantations, drivées par la recherche et non plus par la demande. Porto Rico est déjà passé au biologique, la Chine est sur les rangs. La France, qui reste bien placée dans la production de molécules chimiques, est en retard dans le biologique. Un retard qu’il lui faudra SÉBASTIEN AGUETTANT, LE PRÉSIDENT DU SPIS, MOBILISE SES ADHÉRENTS CONTRE LE «BOLAR». DR Les façonniers La production de génériques en France est mise à mal par la clause Bolar. Le SPIS (*) a constitué un groupe de travail pour faire remonter le problème auprès des pouvoirs publics. L’essor des génériques en France entraîne… une hausse des délocalisations. Car un génériqueur, pour pouvoir lancer son générique, a besoin de deux choses : une AMM et un stock. Concernant l’AMM, pas de problème : une directive européenne d’avril 2004, transposée en 2007 en droit français, permet de la développer avant la in du brevet. C’est sur la constitution du stock que le bât blesse : il est en efet interdit de fabriquer un générique en France avant la in du brevet… Résultat, les génériqueurs consti- combler pour se positionner sur un marché qui, s’il restera inférieur à celui des petites molécules, devrait croître trois fois plus vite à horizon 2012. En face, des pays comme la Chine et l’Inde, outre des avantages de coûts, ont une demande locale (quelque 50 millions de chinois accèdent aux soins chaque année) qui justiie à elle seule l’investissement, tant en sites biologique que chimique. Dans ce contexte, les façonniers ont leur carte à jouer et devront savoir anticiper pour tirer parti des opportunités : reprises de sites, spécialisation (entraînant une amélioration du savoir-faire) et internationalisation (indispensable pour les génériques notamment) vont gagner du terrain, en attendant un futur mouvement de concentration. n Valérie Moulle (1) Cf. Pharmaceutiques n° 155, mars 2008. (2) Voir aussi la stratégie de bioMérieux dans le théranostic page XXX contre l’aberration Bolar tuent leurs stocks dans d’autres pays européens, comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, qui n’appliquent les accords OMC que depuis 1992. Les génériques de produits dont les brevets ont été déposés avant cette date y sont donc produits en toute légalité. Le marché français des génériques s’élève à deux milliards d’euros. Selon le Gemme, 800 millions viendront s’y ajouter d’ici 2011, 800 millions qui seront produits ailleurs si rien n’est fait. Comme le souligne Sébastien Aguettant, « la France, historiquement, est productrice et exportatrice de médicaments. Créer les conditions de la poursuite de cette activité est essentiel ». (*) SPIS : Syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé. 57 AVRIL 2008 - PHARMACEUTIQUES