De la peinture aux images-lumières
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De la peinture aux images-lumières
De la peinture aux images-lumières U Cette technique qui, effectivement suscite un sentiment de magie, me permet aussi d’apporter un éclairage sur ce jeu perpétuel entre notre conscient et notre inconscient qui se chevauchent sans pour autant qu’on le perçoive…comme dans un rêve. ne salle de cinéma, un écran blanc, les lumières s’éteignent et soudain l’écran s’anime, se peuple, la vie apparaît et on se laisse emporter par le mouvement des images. Cette magie, propre au cinéma m’a toujours émerveillée. Cela prend beaucoup de temps d’élaborer sa propre technique. En inventant, je plonge dans l’océan des inconnus. Sortir des limites statiques de la peinture D ans ma démarche de peintre, j’étais à la recherche d’un Je ne sais quoi qui me surprendrait et m’émanciperait des limites statiques de la peinture, avec cependant le désir d’en garder sa plasticité et de continuer à manipuler la matière. En m’intéréssant à la préhistoire du cinéma et au très grand nombre de découvertes et de jeux d’optique qui sont les précurseurs de nos possibilités d’expression cinématographique actuelle, j’ai découvert le principe des boîtes d’optiques diurnes et nocturnes du XVIIIe siècle. Elles procurent des illusions visuelles en créant des effets de lumière. La pellicule de cinéma : support de mes premières expérimentations L ’enfance, la mémoire du cinéma, tels sont les thèmes avec lesquels j’ai commencé mes expérimentations. J’ai trouvé aux Puces des bouts de pellicule noir et blanc Pathé Cinéma des années 1935 environ dont il émanait un charme particulier et intemporel. Ces films représentaient entre autre une petite fille se balançant aux bras de deux adultes dans la rue d’un village. Un jeu universel que tous les enfants adorent. J’ai alors cherché à mettre au point une technique qui puisse me permettre d’éprouver le sentiment de rentrer dans cette dimension engendrée par les diverses visions possibles d’un sujet. En associant par transparence rythmes/mouvements de lumière, photos/photogrammes, peinture, ces différents mediums se combinent et créent des fondus-enchainés, des jeux d’ombre et de lumière et des effets de surprise par l’apparition et la disparition de certains éléments. J’ai réalisé sur ordinateur des photomontages tout en retravaillant l’image pour créer la vision de jour de mon sujet. Lors de ces compositions, je cherche la spontanéité du dessin et de la peinture. Je m’approprie ainsi l’image en lui insufflant du graphisme et de la picturalité. Puis je reporte cette image sur une toile de châssis. S’ensuit alors un travail d’installation de la lumière qui unit la scène de jour et la scène de nuit. J’ajoute des touches de peinture et j’intègre les éléments qui se superposent à la scène de jour. 1 C e n’est pas pour autant que j’abandonne la pellicule de cinéma en tant que médium. Comme par magie, quand les lumières s’allument, le tableau se métamorphose en des images-lumières et se décline en multiples visions selon les combinaisons rythmiques de lumière et l’éclairage ambiant. J’ai trouvé par hasard aux Puces, une copie d’un moyen métrage de Jean-Luc Godard en 35mm, que j’ai visionné dans un premier temps manuellement. Puis, j’ai eu la chance de le revoir image par image, de manière plus confortable, sur une table de montage. J’aime le contact direct avec la matière film et j’ai la curiosité d’en découvrir la face cachée. Autrement dit, ce que l’on ne voit pas quand le film est projeté à sa vitesse normale. C’est un travail minutieux, délicat et difficile que de trouver la position harmonieuse pour chaque led que je fixe un par un à la main. Leur nombre varie selon le format du tableau (de 100 à 500 leds). . Penser cinéma : le passage à la mise en scène A lors que j’attendais le RER, Quai de Javel, j’ai été saisie par la poésie et les lignes graphiques de l’angle de vue qui s’offrait à mon regard : la Tour Eiffel, les voies de chemin de fer surplombées d’enchevêtrement de câbles électriques, une profondeur de champ exceptionnelle. Cela m’a fait penser à la révolution industrielle, à l’Exposition Universelle de 1900 et à la frénésie avec laquelle scientifiques, ingénieurs, et artistes de l’époque convergeaient d’une manière passionnée vers le progrès. J ’ai la quasi-certitude que les visionnages image par image de la pellicule de ce film ont impressionné mon imaginaire et ont nourri mes désirs de mise en scène que je réalise aujourd’hui avec L’Esprit de Paris. Anne Vanrechem, Paris, juin 2011 Instinctivement, j’ai pensé cinéma. J’ai eu envie de mettre en scène des personnages dans ce cadre qui m’est apparu effectivement comme un décor de film. En réalisant le tableau lumineux Quai de Javel, je suis donc passée de la pellicule de cinéma à la photo numérique et au DVD. En prenant mes propres photos, je trouve effectivement plus de liberté dans le choix de mes sujets. Quant au DVD, il me permet d’effectuer une capture-image de mes personnages lorsque leurs mouvements et leurs expressions m’interpellent. 2