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24>26 novembre 2016
LILLE GRAND PALAIS
BIEN-ÊTRE ANIMAL
PROGRAMME GÉNÉRAL
Bien-être
La notion de bien-être et ses implications légales
Dominique LACHAPELE
DV, DIE vétérinaire comportementaliste, Consultante itinérante en comportement
64800 ASSON
Introduction
La notion de « bien-être » fait régulièrement
l’actualité, chez les humains comme chez les
animaux. La prise de conscience est croissante
de devoir éviter toute souffrance « inutile » et
de rechercher des conditions de vie optimales
pour les animaux. Petit à petit, la règlementation a profondément évolué, un important
dispositif juridique est en place, tant au plan
national que communautaire ou international.
En 1999, une loi de protection animale modifie le code civil français afin que les animaux
ne soient plus assimilés à des choses, tout en
demeurant des biens. Le 16 février 2015, la loi
relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
a modifié de nouveau le code civil en qualifiant
les animaux comme des êtres doués de sensibilité :
« 5 freedoms »
12 critères
Farm Animal Welfare Council
(Welfare Quality)
Freedom 1 : « Absence de faim, de soif et de malnutrition »
accès libre à de l’eau fraiche et à une nourriture - Absence de faim prolongée
adéquate assurant la bonne santé et la vigueur
- Absence de soif prolongée
des animaux
Freedom 2 : « Environnements climatique et physique non agressifs »
environnement approprié comportant des abris et - Confort lors du couchage
une aire de repos confortable
- Confort thermique
- Facilité de mouvement
Freedom 3 : Absence de maladies et blessures
prévention ou diagnostic rapide et traitement
- Santé : absence de blessure
- Santé : absence de maladie
- Absence de douleur (différent de blessure ou
maladie)
Freedom 4 : Pouvoir exprimer les comportements naturels propres à l’espèce
espace suffisant, environnement approprié aux
- Expression normale du comportement social
besoins des animaux, et contact avec d’autres
- Expression normale des autres items
congénères
comportementaux de l’éthogramme
Freedom 5 : Ne pas éprouver de peur ou de détresse
conditions d'élevage et pratiques n’induisant pas - Bonne relation homme-animal
de souffrances psychologiques
- Absence de peur
« Art. 515-14. – Les animaux sont des êtres
vivants doués de sensibilité. Sous réserve des
lois qui les protègent, les animaux sont soumis
au régime des biens.»
Tableau 1: Les « five freedoms » énoncées par le « Farm Animal Welfare Council » en 1979 et les 12 critères en découlant, constituant le standard européen pour l’évaluation du bien-être animal (Welfare
Quality).
Le changement de statut dans le code civil et
l’importance croissante de la notion de bienêtre impacte la responsabilité du praticien.
Des évolutions sont prévisibles et les vétérinaires sont sensibilisés à la souffrance animale.
définition du bien-être animal par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) en
est un exemple:
Notion de Bien-Etre Animal
appliquée aux carnivores
domestiques
Définitions et conditions du bien-être
animal
Il existe plusieurs définitions du bien-être
animal qui font généralement référence à un
concept abstrait, l’adaptation harmonieuse
entre l’individu et son environnement, déclinées en principes et recommandations. La
“On entend par bien-être la manière dont un
animal évolue dans les conditions qui l’entourent. Le bien-être d’un animal est considéré comme satisfaisant si les critères suivants
sont réunis : bon état de santé, confort suffisant, bon état nutritionnel, sécurité, possibilité d’expression du comportement naturel,
absence de souffrances telles que douleur,
peur ou détresse. Le bien-être animal requiert
prévention et traitement des maladies, protection appropriée, soins, alimentation adaptée, manipulations réalisées sans cruauté,
abattage ou mise à mort effectués dans des
conditions décentes.” (5)
Le bien-être animal au sens large englobe non
seulement la santé et le bien-être physique
1
de l’animal, mais aussi son bien-être psychologique et la possibilité d’exprimer les comportements importants propres à son espèce.
Il serait possible d’affirmer que le bien-être
d’un animal est satisfaisant si les 5 besoins,
« 5 freedoms » contenus dans le « cahier des
charges » du bien-être animal établi par le
« Farm Animal Welfare Council » en 1979, sont
assurés [cf Tableau 1 - colonne1].
Bien que l’évaluation du 4ème besoin suscite
toujours beaucoup de débats car il est difficile de définir ce qu’est un comportement
« normal », ces « 5 libertés fondamentales »
constituent un socle de référence pour définir les contours du bien-être animal. Ils ont
débouché sur l’établissement d’un standard
européen pour l’évaluation du bien-être animal (Welfare Quality) qui énonce 12 critères
à respecter [cf Tableau 1 – colonne2]. (7) (8)
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Adaptation de ces notions aux
carnivores domestiques
Les « 5 libertés fondamentales » nécessitent
quelques adaptations pour être transposés
de l’animal de rente à l’animal de compagnie.
En particulier, l’impératif de « pouvoir exprimer les comportements naturels propres à
l’espèce » pose question. Le terme « naturel »
pour les animaux de rente faisait référence au
départ aux comportements exprimés « dans
la nature », c’est à dire par les individus restés
à l’état sauvage. Trouver une telle référence
pour les carnivores domestiques posait problème, ce qui a bloqué pendant des années
l’émergence d’études scientifiques sur le sujet
pour ces espèces. Une certaine évolution des
idées à ce sujet a conduit progressivement à
considérer que « l’environnement naturel »
d’un animal domestique est l’environnement
humain. D’où des travaux menés à l’INRA sur
l’influence des pratiques d’élevage sur le bienêtre et la productivité. Pour les carnivores
domestiques, le champ d’étude de « l’environnement naturel » est donc tout naturellement
la famille.
Par ailleurs, si chez les animaux de rente, l’évaluation du bien-être est avant tout collective
et le mode opératoire d’intervention préventif,
pour le carnivore domestique de compagnie,
l’évaluation du bien-être est individuelle et
l’intervention est non seulement préventive,
mais aussi curative.
Cette approche centrée sur l’individu rejoint
l’évaluation de la qualité de vie des humains,
qui énumère les facteurs de stress et évalue
plus l’absence de mal-être qu’un véritable
bien-être. L’évaluation de la qualité de vie
chez l’animal prend en compte positivement
des signes tels que le jeu, le sommeil apaisé,
etc.
Ainsi le bien-être des carnivores domestiques
pourrait faire référence à la qualité de vie telle
qu’un animal - en tant qu’individu - en fait l’expérience et impliquerait le maintien d’un état
de bonne santé physique ET psychologique.
Les textes de loi en vigueur
Le 16 février 2015, l’Assemblée nationale a
conféré à l’animal le statut d’être sensible.
Code civil, code rural et code pénal
L’article 2 de la loi n° 2015-177 du 16 février
2015 a inséré un article 515-14 dans le Code
civil, ainsi rédigé : « Les animaux sont des êtres
vivants doués de sensibilité. Sous réserve des
lois qui les protègent, les animaux sont soumis
au régime des biens ». (4)
Cependant, même s’ils sont civilement reconnus sensibles, les animaux restent des objets
de droit, et ne sont pas encore des sujets. Et
cela ne modifie pas, ni ne renforce les dispositions de protection animale qui figurent déjà
dans le code rural et le code pénal.
l’attachement de Mme Y... pour son chien, en
a exactement déduit que son remplacement
était impossible, au sens de l’article L. 211-9
du code de la consommation ; »
Dans le Code rural, au chapitre IV relatif à la
protection des animaux, l’article L. 214-1 stipule : « Tout animal étant un être sensible doit
être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». De nombreux articles
interdisent les mauvais traitements.
« Ayant retenu que le défaut de conformité
de l’animal était présumé exister au jour de sa
délivrance, concomitante à la vente, sans que
soit démontrée une acquisition en connaissance de cause, le tribunal a implicitement
mais nécessairement considéré que Mme X...,
réputée connaître le défaut de conformité du
bien vendu en sa qualité de vendeur professionnel, avait commis une faute. »
Le Code pénal, quant à lui, prévoit des sanctions allant jusqu’à l’emprisonnement pour
réprimer les actes de cruauté envers les animaux. Et les animaux victimes de mauvais
traitements sont remis à une association de
protection animale.
Jurisprudence de décembre 2015
Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation
en date du 9 décembre 2015, le juge tire les
conséquences du nouveau statut de l’animal,
et les garanties applicables dans les ventes
d’animaux sont redéfinies. Dans cette affaire,
il était question d’une éleveuse professionnelle ayant vendu un chiot, à usage de compagnie, à un particulier.
« Mme X..., éleveuse professionnelle, a vendu à Mme Y... un chiot de race bichon frisé,
à usage de compagnie ; invoquant un défaut
de conformité constitué par une cataracte
héréditaire entraînant de graves troubles de la
vision, la seconde a sollicité la réparation de
ce défaut et l’allocation de dommages-intérêts, tandis que la première a proposé le remplacement de l’animal, estimant le coût de la
réparation manifestement disproportionné ; »
Etait en jeu la garantie de conformité d’un
bien meuble, vendu par un professionnel à
un particulier, prévue à l’article L. 211-9 du
Code de la consommation, qui laisse un droit
d’option à l’acheteur de choisir entre la réparation et le remplacement du bien. Cependant
l’alinéa 2 de cet article stipule que le vendeur
peut s’opposer à la réparation du bien lorsque
« ce choix entraîne un coût manifestement
disproportionné au regard de l’autre modalité,
compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut ». De plus, il appartient à
l’acheteur de démontrer que ce défaut existait
avant la vente et que le vendeur, en tant que
professionnel, ne pouvait l’ignorer.
Conséquences pour les éleveurs
professionnels
Ils ne pourront plus proposer à un particulier d’échanger l’animal dans le cadre de la
garantie de conformité et ils seront obligés
de prendre en charge le coût des frais vétérinaires. (1) Il y a donc redéfinition des garanties
applicables dans les ventes d’animaux entre
professionnels et particuliers.
IV- Les responsabilités du vétérinaire praticien
Même s’il est évident pour nous vétérinaires
que l’animal est un être sensible, certaines
évolutions sont prévisibles.
Ce changement de statut de l’animal implique
une meilleure prise en compte de la souffrance, de la sensibilité douloureuse et aussi
psychologique. Les pratiques des vétérinaires
changent petit à petit, pour réduire au maximum la souffrance et la peur de l’animal en
consultation et en hospitalisation.
Cela suppose de se former, de repenser son
lieu d’exercice pour qu’il soit le plus possible
« Pet-friendly ».(6)
Le changement de statut renforce notre obligation de moyens et de conseils. Nous devons
nous assurer que les conditions de vie de
l’animal (y compris dans nos structures) respectent les libertés fondamentales énumérées
précédemment, pour ne pas risquer d’être mis
en cause lors l’atteinte au bien-être animal.
Le juge de la Cours de Cassation a condamné
l’éleveuse à 3 000 € pour les motifs suivants :
La première évolution pourrait être qu’un vétérinaire n’ayant pas respecté l’animal ni pris en
charge sa douleur soit sanctionné. Le nouveau
Code de déontologie renforce les obligations
des vétérinaires en matière d’éthique vétérinaire vis-à-vis des animaux, ainsi que la prise
en compte de leur souffrance. Le vétérinaire
doit prendre en compte les relations affectives
existant entre l’animal et son maître.
« Ayant relevé que le chien en cause était un
être vivant, unique et irremplaçable, et un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique, le tribunal, qui a ainsi fait ressortir
Cette évolution du statut peut entraîner des
changements concernant la valeur de l’animal. Dans la pratique le remboursement des
frais relatifs aux animaux de compagnie ne se
limite pas à la valeur vénale de ceux-ci. Les dé-
2
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dommagements en cas de mise en cause de
la responsabilité du vétérinaire peuvent s’en
trouver modifiés.
Le préjudice moral lors de la perte de l’animal
pourra être pris en compte par des magistrats,
puisque la valeur affective est prise en compte
dans le lien homme-animal.
Conclusion
Selon Ghislaine Jançon : « Le vétérinaire garantit le bien-être animal et aide la société à
faire en sorte qu’il soit respecté. »
D’après Claude Béata : « La loi considère que
l’animal est un être sensible et le vétérinaire
est chargé de le protéger. Cela remonte le
moral et accroît le plaisir d’exercer ce métier.
C’est mieux que de se dire : « Je répare des
biens meubles » ! (3)
Bibliographie
1 Corlouer N. Les impacts du nouveau statut juridique de l’animal. La Semaine Vétérinaire / fév 2016/
n°1660
2 Cour de cassation, 1re chambre civile, 9/12/2015,
n° 14-25.910. https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITE
XT000031608173
6 Herron M. E., Shreyer T. The Pet-friendly Veterinary
Practice: A Guide for Practitioners. Veterinary Clinics
of North America: Small Animal Practice, Volume 44,
Issue 3, May 2014, Pages 451-481
7 https://www.gov.uk/government/groups/farm-animal-welfare-committee-fawc
8 http://www.welfarequality.net/everyone/41858/5/
0/22
3 Komaroff S. Dossier L’animal être sensible : comment cette avancée touche la profession. La Semaine
Vétérinaire, 9/5/2015, n° 1629-44 à 49
4 Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la
modernisation et à la simplification du droit et des
procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/
loi/2015/2/16/2015-177/jo/texte
5 Gaultier E. Bien-être / Qualité de vie chez les carnivores domestiques. Afvac Gecaf-Gedac Marseille,
mai 2014
3
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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BIEN-ÊTRE ANIMAL
PROGRAMME GÉNÉRAL
Bien-être
Conscience animale et bien-être
Guillaume SARCEY
DV, titulaire du DIE de vétérinaire comportementaliste
Clinique Vétérinaire Saint-Roch - 1 avenue François Mitterand - 05000 GAP
En 1838, Charles Darwin s’interrogeait déjà
sur l’existence d’une conscience animale. Il
avait observé Jenny, femelle orang-outan du
zoo de Londres, éprouvée un sentiment de colère alors que son gardien refusait de lui donner une pomme. Il eut alors l’idée de lui présenter un miroir, afin d’analyser ses réactions.
Jenny, après une phase de surprise, reconnu
son image.
De nos jours, la conscience animale fait encore l’objet d’un vif débat. Les enjeux sont
importants. Si les animaux sont susceptibles d’éprouver de la souffrance, s’ils sont
conscients du monde, des autres et de leur
propre existence, s’ils agissent en fonction de
leurs savoirs et de leurs croyances, il n’est plus
possible de les traiter comme des machines et
la question de leur bien-être s’impose.
Une théorie de la conscience
De nombreuses théories tentent d’expliquer
la conscience. Certaines excluent d’emblée la
possibilité d’une conscience animale, d’autres,
au contraire, étendent ce concept à de nombreuses espèces. La théories d’Edelman présentent l’avantage d’être étayées par les derniers travaux en neuroscience. Edelman décrit
deux niveaux de conscience (Edelman et coll.
2011).
• La conscience primaire est la capacité de
lier des perceptions, des émotions et des
éléments mémorisés et de créer des images
mentales. Elle se réfère au présent et au passé
remémoré sans perception réelle du passé et
du futur. Elle permet de prendre conscience du
monde qui nous entoure. Elle existe chez de
nombreuses espèces animales.
• La conscience secondaire est la capacité
d’avoir accès à notre histoire, d’aller au-delà
de notre passé remémoré. Elle permet par
la pensée réflexive, d’être conscient d’être
conscient. Elle est liée à la métacognition, aux
pensées abstraites et au langage.
La conscience émergerait de l’interaction
entre deux groupes de structures cérébrales.
Le tronc cérébral et le système limbique, d’une
part, qui gèrent les fonctions organiques. Le
thalamus et le cortex, d’autre part, qui intègrent les informations sensorielles.
Représentation schématique de la théorie
d’Edelman. La conscience primaire nait des
interactions entre les structures cérébrales.
La conscience secondaire nécessite la mise en
jeu d’une mémoire biographique.
Les travaux de Baars viennent compléter cette
théorie (Baars 2005). Pour ce dernier, les
bases physiques de la conscience sont des
groupes de neurones, spatialement dispersés
dans de nombreuses aires cérébrales et interconnectés. Ils constituent un Espace de Travail
Global.
Neurosciences et conscience
Les progrès en neuroscience ont permis
d’étayer les travaux d’Edelman et de Baars.
Les échanges d’information synchronisés à
partir d’aires cérébrales distantes sont mis en
évidence par les techniques récentes.
Un potentiel évoqué (ERP pour l’anglais EventRelated-Potential) désigne la modification du
potentiel électrique produite par le système
nerveux en réponse à une stimulation externe.
L’échange d’information se traduit par l’émission d’ondes gamma synchronisées à 40 Hz
(P40). Ce canal attentionnel conscient permet la prise de décision et éventuellement
un acte moteur. Ces synchronisations sont
4
transitoires. Elles s’achèvent par l’émission
d’une onde de fréquence 300 Hz (P300),
potentiel inhibiteur qui ferme le canal attentionnel et permet la préparation de nouvelles
synchronisations. La méthode ERP a été appliquée chez le cheval par Claude Tomberg
(conférence, travaux non publiés). Elle a mis
en évidence une synchronisation fronto-pariétale avec l’émission de bandes de fréquences
P40 et P300. Des marqueurs de la conscience
existent donc chez le cheval.
L’IRM fonctionnel permet de mettre en évidence des aires de reconnaissance vocale
dans le cerveau des chiens comme celui des
humains. Les chiens possèdent des aires cérébrales auditives capables de percevoir les
émotions contenues dans les paroles de leurs
maîtres (Andics 2014).
Le langage, révélateur
de conscience
L’écoute des paroles, des chants ou l’étude
de la langue des signes chez certains animaux peuvent permettre de comprendre
leurs pensées et de déterminer leurs niveaux
de conscience. Certains perroquets, élevés
dans un milieu particulièrement stimulant,
maîtrisent le concept de volonté. Ils asso-
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cient un mot à un concept ou à un objet. Ils
sont conscients de la présence ou l’absence
de leur partenaire humain et n’utilisent pas de
phrases induisant une interaction sociale en
leur absence (Kaufman et coll. 2013).
Preuves éthologiques
de la conscience animale
La sentience est la capacité de percevoir ou
de sentir son environnement et d’avoir des
expériences subjectives. Elle constitue une
conscience minimale. Si la perception de la
douleur est reconnue chez les mammifères,
certains auteurs nient encore, de nos jours,
l’existence d’une souffrance chez les poissons.
Pourtant, Lynne Sneddon a démontré que
des récepteurs de la douleur existent chez
les poissons téléostéens, ils sont identiques
à ceux des mammifères et répondent aux
mêmes stimuli. De plus, une douleur entraîne
une activité électrique dans le cerveau antérieur et moyen de la truite. Les cerveaux des
truites et des carpes modifient l’expression de
certains gènes jusqu’à 6 heures après un stimulus douloureux. Enfin, des récepteurs opiacés existent chez les truites. L’administration
de morphine avant l’exposition à une douleur
permet de diminuer les réactions comportementales (Sneddon 2009). La sentience ne se
limite pas aux mammifères.
La conscience de soi est la capacité de se
reconnaître soi-même comme un individu distinct de son environnement et des autres individus. Gallup a démontré que les chimpanzés
se reconnaissaient dans un miroir (Gallup
1970). Ces travaux ont été très controversés
pendant de nombreuses années.
Suddendorf a confirmé dans une méta-analyse les travaux de Gallup. Il a rapporté l’existence de potentiel évoqué cognitif particulier
de sujet confrontés à leur propre photographie (Suddendorf et Butler 2013). Howell et
Bennett ont montré que les chiens n’utilisent
pas la réflexion d’un miroir pour rechercher
leur propriétaire (Howell et Bennett 2011). En
2013, ils ont tenté une autre expérience de
recherche de nourriture à l’aide d’un miroir.
Ce test a également été un échec, les chiens
trouvant la nourriture à l’aide d’autres indices
(Howell et coll. 2013). Le test du miroir n’est
pas adapté à une espèce dont le sens dominant n’est pas la vision, l’olfaction et l’audition
étant prépondérantes. Un test de reconnaissance de soi reste encore à inventer chez les
carnivores.
La métacognition est la connaissance de ses
propres états mentaux. Des tests d’imitation
sélective ont été réalisés chez le chien (Range
et coll. 2007). Les résultats ont montré que
les chiens réalisent une imitation sélective,
dépendant des contraintes contextuelles. Ces
capacités ne peuvent être expliquées par des
processus non-mentaux (facilitation sociale
et renforcement de stimuli). Ces résultats
abondent dans le sens d’une métacognition
au moins rudimentaire chez le chien.
La théorie de l’esprit est la capacité de maîtriser des concepts tels que croire, savoir,
connaître, vouloir et voir. Ainsi un animal possédant cette forme de conscience croit que les
états mentaux jouent un rôle dans la survenue
de comportement. Il déduit les états mentaux
d’autres individus en observant leur apparence et leur comportement dans diverses circonstances. Chez le chien, l’équipe du Family
Dog Project a réalisé un test d’attribution de
connaissance (Virányi et coll. 2006). L’objectif était de déterminer si des enfants de moins
de trois ans et des chiens adultes attribuaient
ou non à une personne la connaissance d’un
fait. Les chiens, comme les enfants, donnaient
significativement plus d’indications au joueur,
lorsque ce dernier n’avait pas vu ou le jouet
était caché. Les chiens savaient si les joueurs
connaissaient ou non l’emplacement de l’objet. Voir et savoir est un des éléments de la
théorie de l’esprit.
Le bien-être au travers du prisme
de la conscience
Lorsque la conscience animale est pour nous
une évidence, chaque patient devient un sujet
pensant, animé par des émotions. Nous nous
rapprochons de nos clients, pour lesquels ce
fait est certain. Notre façon de soigner évolue.
Il n’est nul besoin de protocoles sophistiqués
ou de grilles d’évaluation pour devenir des acteurs du bien-être animal dans ces conditions.
Il suffit alors de considérer l’animal comme
une personne et d’en tenir compte dans chacun de nos actes, dans chacune de nos décisions. Cette approche du bien-être est donc
adaptée à chaque individu pris en charge. Elle
diffère d’un animal à l’autre en fonction des
besoins exprimés. Elle exige du personnel soignant une attitude ouverte et attentive.
Ce que nous demande en premier lieu nos
clients est de limiter la souffrance animale. La
sentience animale, cette conscience minimale
est présente chez toutes les espèces que nous
soignons. Les progrès de la médecine vétérinaire dans le domaine de la prise en charge de
la douleur sont importants. De nombreuses
spécialités et de nouveaux protocoles existent
pour répondre à cette attente.
Nous devons également accepter que les animaux hospitalisés, qui mordent les barreaux
de leur cage ou qui crient, communiquent
avec nous et ne sont pas simplement des
animaux pénibles ou mal éduqués. Que pou-
5
vons-nous faire pour répondre à cette forme
de langage non verbal et accroître leur confort
et leur bien-être ?
La prise en charge des animaux passent également par l’évaluation de leur état mental.
L’anorexie sur un vieil animal très médicalisé
peut-être la conséquence d’un état dépressif.
Des chiots atteints de gastroentérite hémorragiques et isolés en cage peuvent parfois
mourir de la rupture du lien d’attachement,
plutôt que de leur pathologie infectieuse.
Les nouvelles thérapies comportementales
prennent également en compte cet état de
conscience. Il est ainsi possible de faire évoluer une relation conflictuelle entre un maître
et son chien en utilisant les capacités cognitives de l’animal, en favorisant les processus
collaboratifs dans la résolution de problème. Il
est également possible d’utiliser les capacités
de discernement d’un chien pour lui apprendre
à se concentrer et se contrôler.
Conclusion
Les quelques travaux présentés démontrent
l’existence d’une conscience animale. Cette
conscience varie en fonction des espèces, des
individus et du temps. Le plus faible niveau de
conscience, marqué par la perception de la
douleur existe chez tous les animaux que nous
soignons quotidiennement.
Il est probable, que de nombreuses espèces ne
maintiennent pas en permanence un niveau
élevé de conscience, car ce processus nécessite beaucoup d’énergie. Mais, sommes-nous
toujours réellement conscients, lorsque nous
conduisons une voiture ou nouons nos lacets
de chaussure ?
Cette prise de conscience de la conscience
animale nous conduit à nous interroger souvent dans notre pratique quotidienne. Ce chiot
qui crie au réveil d’une anesthésie a peut-être
mal, il est aussi possible qu’il est simplement
peur ou qu’il est besoin de réconfort et de chaleur humaine. Ce vieux chat de 17 ans, jamais
malade jusqu’alors, à qui on découvre une insuffisance rénale, peut sans doute être pris en
charge sans hospitalisation ou avec une hospitalisation de jour et rentrer chez lui le soir.
Cette collerette qui rend fou ce chien très actif
peut, peut-être, être remplacée par un pansement, des points intradermiques et une bonne
gestion de la douleur. Ces interrogations ne
doivent pas nous faire peur. Nous sommes capables de trouver des solutions pour chaque
situation rencontrée et de progresser sur la
voie du bien-être animal.
Cette démarche conduit également à améliorer le bien-être de l’équipe soignante, qui agit
en harmonie avec ses valeurs et évite la dis-
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sonance cognitive si dévastatrice pour notre
propre santé physique et psychologique. Les
concepts de conscience, bien-être et « one
health » sont indissociables.
Howell, T. J., & Bennett, P. C. (2011). Can dogs (Canis
familiaris) use a mirror to solve a problem? Journal
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6
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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BIEN-ÊTRE ANIMAL
PROGRAMME GÉNÉRAL
Bien-être
L’apport de l’approche comportementale dans le respect
du bien-être en consultation
Nathalie MARLOIS
DV, titulaire du DIE de vétérinaire comportementaliste
Clinique Vétérinaire de l’Albarine, 46 rue A. Bérard - F- 01500 AMBÉRIEU EN BUGEY
Le bien-être animal est une préoccupation importante en élevage et dans notre relation aux
animaux de compagnie, tant pour les maîtres
que pour les structures vétérinaires. Notion
peu précise et parfois galvaudée, le bien-être
est souvent décrit en creux, par l’absence de
signes de mal-être, de souffrance.
Savoir repérer ces signes permet de sensibiliser l’équipe soignante, de tendre vers une
meilleure pratique mais aussi de toucher les
maîtres et parfois de les ouvrir à la prise en
charge de troubles qu’ils pouvaient par ailleurs tolérer (comme une alopécie ventrale
chez le chat).
L’approche comportementale est intéressante
car elle allie l’observation directe de l’animal,
le questionnement des maîtres, l’examen clinique et permet de faire des hypothèses intégratives qui vont aboutir à des stratégies, préventives ou curatives.
Au cours du temps, la psychiatrie vétérinaire
a aussi développé des outils accessibles, qui
permettent, sans réaliser une consultation
complète de comportement, d’avoir une première image de l’état émotionnel d’un animal
ou d’en réaliser le suivi.
nombreux et peuvent différer d’une espèce à
l’autre.
tion de crainte proportionnelle à l’enjeu), la
séquence comportementale est complète
Quatre catégories d’observations peuvent être
menées, à tout moment de la vie de l’animal,
y compris lors de la visite chez le vétérinaire :
Plasticité : de nouvelles réponses peuvent apparaître si l’environnement est favorable
- Les manifestations organovégétatives (salivation, mydriase, tremblement, diarrhée, vidange des glandes annales, piloérection)
- Les manifestations comportementales :
fuite, évitement, agression, agitation, vocalises, hypervigilance
- Les interactions : avec les maîtres, le personnel soignant, les autres animaux (interactions
positives, recherchées, détendues, interactions en hyper ou en hypo, agressivité)
- L’exploration de l’environnement (calme,
hypertrophiée, en hauteur)
Normal – Pathologique
Un des enjeux essentiels de la consultation
de comportement, comme de la consultation
médicale est de déterminer si l’animal est
dans un état « normal », ce qui ne veut pas
dire sans inquiétude ou sans possible réaction, à la douleur par exemple, ou dans un état
« pathologique »
Bien-être – mal-être :
décrypter les symptômes
Le plus pertinent est de fonctionner en tenant
compte de trois paramètres : adaptabilité,
plasticité, réversibilité.
Ces symptômes nécessitent une observation
fine et contextualisée. Ils sont extrêmement
Adaptabilité : la réponse comportementale ou
émotionnelle est adaptée à la situation (réac-
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Réversibilité, l’apaisement intervient en fin de
séquence
Des outils simples permettent de faire des
hypothèses, y compris en consultation généraliste de l’existence d’un état pathologique.
Des outils quantitatifs :
grille 4 A, grille ETEC, grille EVEC,
échelle EPEE
Aucune des grilles qui peuvent être utilisées
en sémiologie comportementale ou en clientèle généraliste pour évaluer l’état émotionnel
d’un animal n’a été réellement validée. Elles
sont, en revanche, utilisées couramment en
pratique ou comme critère d’inclusion et de
suivi de l’état émotionnel dans des études cliniques. Ces outils ont été développés essentiellement pour le chien.
Grille 4 A
Développée par C. Béata (disponible sur demande à son auteur) (1), elle donne une vision
en 4 dimensions (Attachement, Autocontrôles, Anxiété, Agressivité) de l’animal, précisant les axes d’équilibre et de déséquilibre.
Plus la note est élevée, plus la dimension est
dégradée.
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Grille ETEC
Pageat (2) a créé cette Echelle d’Evaluation
des Troubles Emotionnels du chien pour mesurer les perturbations émotionnelles dont
peuvent souffrir les chiens. La grille d’interprétation permet aisément de suspecter un état
pathologique. Elle peut être un appui intéressant si une origine émotionnelle est suspectée lors de troubles organiques : digestifs (3),
cutanés… (tableau 1A - 1B)
Grille EVEC
Cette Échelle d’Evaluation du Vieillissement
Émotionnel et Cognitif de Pageat (2) permet
d’appréhender un éventuel état pathologique
chez le chien âgé. (tableau 2A - 2B)
Echelle Pratique d’Evaluation
Emotionnelle du chat (EPEE)
Développée par Beata (4) pour évaluer l’état
émotionnel du chat, elle explore les comportements d’un individu selon cinq critères :
Ce type de grille apporte des informations plus
riches que les grilles d’évaluation du stress basées uniquement sur les attitudes corporelles
qui semblent peu fonctionnelles (5). Les postures pouvant souvent prêter à confusion chez
le chat. (tableau 3A)
Utilisation pratique
Utiliser les grilles nécessite un entraînement.
Elles sont prévues pour être remplies par le
vétérinaire qui petit à petit deviendra plus
compétent dans la connaissance des items et
donc dans la manière de questionner et dans
la signification des réponses. La quantification
des résultats fournit :
- Une aide au diagnostic :
•Distinction normal-pathologique
•Précision du diagnostic d’état
- Un outil de suivi
- Un outil de communication vis à vis des
propriétaires qui vont ainsi visualiser les paramètres de bien être et de mal être de leur
animal
Le praticien ne peut faire reposer son diagnostic et les mesures de thérapie que sur
des grilles. Les grilles constituent une porte
d’entrée ou un soutien.
En fonction de son évaluation globale de la
situation, le vétérinaire pourra :
- donner des conseils pour gérer un comportement gênant sur un animal par ailleurs équilibré,
la base de critères très concrets. Il existe de
nombreuses recommandations sur la gestion
du stress à la clinique. Se doter d’outils pertinents d’évaluation de l’animal, cohérents avec
une éventuelle prise en charge comportementale, permet d’accompagner un positionnement professionnel de la structure vétérinaire
face au bien-être.
Bibliographie
1/ Chevallier J. Etude préliminaire de l’évaluation de
l’équilibre comportemental avec la grille 4A : quelle
est la concordance entre les évaluations faites par
des vétérinaires spécialistes et celles réalisées par
des vétérinaires généralistes, et quels sont les effets
d’annotations explicatives sur l’utilisation de la grille ?
Mémoire pour l’obtention du titre de vétérinaire comportementaliste des ENVF 2010: 29 p.
2/ Pageat P. Pathologie du comportement du chien 2
ème edition. Ed Point Vet Maisons-Alfort 1998 : 367 p.
- proposer une prise en charge thérapeutique
de troubles émotionnels débutants ou ponctuels
3/ Marion M. Contribution à l’étude du lien entre les
troubles gastriques chroniques et l’anxiété chez le
chien. Mémoire pour l’obtention du titre de vétérinaire
comportementaliste des ENVF 2002 : 45p.
- conseiller une consultation de comportement lors de profondes modifications émotionnelles, sans perte de temps
4/ Béata et al. Effect of Alpha-Casozepine (Zylkene)
on Anxiety in cats. Journal of veterinary behavior
(2007) 2, 40-46.
Conclusion
5/ McCobb E.C. and col Assessment of stress levels
among cats in four animal shelters. JAVMA, Vol 226,
No. 4, February 15, 2005
Le bien-être des animaux que nous soignons
doit être un souci permanent qui améliore la
qualité de la prise en charge, l’observance et
le bien être des propriétaires qui sont plus en
confiance ainsi que celui de toute l’équipe soignante. Il s’agit d’un regard à développer, sur
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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Tableau 3 A
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