D`un prof à l`autre - numéro 23 - Mai 2010

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D`un prof à l`autre - numéro 23 - Mai 2010
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D’un prof … à l’autre
La lettre
Numéro 23 – Mai 2010
Photos Jean Kattus
Au sommaire ce mois-ci :
p. 2 • Ateliers d’écriture… développer l’appétence et la compétence
p. 7 • Apprendre à définir un mot : pourquoi, quand, comment ?
p. 13 • Precious – le film – et Push – le livre
p. 17 • Ponctuation
p. 18 • Appel !
N.B : Ce document est
conçu pour pouvoir être
imprimé : n’hésitez pas à
le montrer à vos
collègues.
D’un prof … à l’autre
La lettre du régendat en français de HELMo Sainte-Croix
61, Hors-Château - 4000 Liège
Comité de rédaction : Sylvie Bougelet, Jean Kattus
Abonnement/courrier : [email protected]
D’un prof … à l’autre D’un prof … à l’autre D’un prof … à l’autre D’un prof … à l’autre D’un prof … à
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Ateliers d’écriture …
… développer l’appétence et les compétences des élèves
A la fin du mois de mars, les professeurs de Saint-Jacques étaient en délibération. A
cette occasion, deux journées ayant pour thème la CREATIVITE ont été organisées
pour les 215 élèves du premier degré par les futurs
enseignants de Sainte-Croix. Deux sections du régendat
étaient présentes le lundi 29 mars : les étudiants de l’option
« sciences » avaient adapté le célèbre jeu « Fort Boyard »
afin de mener des activités de biologie et ceux qui se
destinent à devenir professeurs de français animaient des
ateliers d’écriture de différents types : certains amenaient
les élèves à écrire collectivement ou par l’intermédiaire de plusieurs des cinq sens
(ateliers V.A.K.O.G.), d’autres mettaient en lien l’écriture et les Arts plastiques ou
l’expression de soi, de ses sentiments.
Atelier 1 : « Ressentir pour mieux écrire »
Cimino Sarah, Coppée Laura, Cravatte Lindsey, Defleur Charlotte, Garcia Asensio Natassia, Germain Angélique
Après un bain de textes et des activités de structuration visant à faire
découvrir aux élèves les caractéristiques des textes poétiques, ceuxci sont invités à écrire (individuellement et collectivement) de brefs
poèmes, à l’aide de sons (extraits musicaux), d’images, d’odeurs
(épices) et de tissus, pour développer leur créativité. Avant la
socialisation, les textes sont calligraphiés et illustrés, ce qui permet
aux élèves de dévoiler leurs talents cachés d’artistes...
Atelier 2 : « Contes en kit »
Denis Jérôme, De Schryver Audrey, Dethier Mélanie, Dorthu Pauline, Halkin Thomas, Verpoorten Aurore
Créer un conte par groupes à partir de cartes mystérieuses (supports
visuels visant à déclencher l’écriture) et du hasard (les élèves lancent
les dés et reçoivent des cartes mentionnant un élément du schéma
actantiel ou du schéma narratif, ce qui est une occasion de réaliser un
rappel sur ces notions et éventuellement sur l’emploi des temps). Du
déjà vu ? Pas du tout ! Personnages, lieux, actions… seront des plus
originaux et les élèves pourront laisser libre cours à leur imagination.
Atelier 3 : « Quand les tableaux parlent »
Bomboir Catherine, Pirson Christophe, Prevers Alix, Simon Laura, Tilquin Laure-Hélène, Wilkin Charlotte
Une œuvre du peintre Miró a été volée au musée du Louvre à Paris !
Les élèves sont amenés à créer un nouveau tableau par groupes, à
l’aide de formes géométriques colorées. Ensuite, ils rédigent une liste
d’une vingtaine de mots (matériau de base de l’écriture) en lien avec
un des tableaux de leur choix, puis inventent un texte poétique court et
original (un acrostiche qui sera le titre du tableau). Les poèmes sont
recopiés, illustrés, relus afin de soigner la correction de la langue et
exposés en classe.
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Atelier 4 : « Tarot ou prédiction de l’avenir »
Derbaudrenghien Félicie, Detaille Thomas, Gillet Delphine, Lejeune Erika, Piron Morgane
Après avoir lu quelques contes merveilleux et analysé leurs
caractéristiques, les élèves tirent les cartes divinatoires du célèbre jeu
de tarot. Ces cartes et leur titre les aideront à imaginer, par équipes de
deux, l’avenir de divers personnages. Après la rédaction du conte, ils
illustreront leur récit à la manière des moines d’autrefois et les liront
devant les autres élèves qui, cartes en main, devront retrouver celles qui
ont inspiré les scripteurs.
Atelier 5 : « Souvenirs d’un voyage imaginaire »
Crosset Sophie, Marchoul France, Maréchal Sabrina, Napp Cécile, Vanesch Carole, Verhust Fanny
A l’aide d’images, d’odeurs, d’objets, de mélodies (représentant les différents continents
parmi lesquels effectuer un choix), les élèves racontent par écrit les souvenirs de leurs
aventures dans un pays inexploré afin de donner aux lecteurs l’envie de partir sur leurs traces.
Les carnets de voyage sont ensuite relus (c’est l’occasion d’amener les élèves à retravailler
leurs textes à l’aide de dictionnaires, …) et illustrés, puis réunis en un recueil, ce qui permet
de réaliser un « florilège d’écrits » (fiche 4 du programme de français du premier degré) à
exposer dans l’école pour valoriser les productions des élèves.
Atelier 6 : « Lettre en musique »
Cybers Laura, Lamer Virginie, Makkaoui Loubna, Paulus Delphine, Schreiber Florence, Winandy Catherine
Lors de cet atelier, les élèves écoutent des chansons
pouvant susciter différents sentiments. A partir d’un
recueil de mots, ils écrivent une lettre à la personne de leur
choix sur le sentiment que la musique aura provoqué en
eux. Cet atelier peut être le réinvestissement d’une
séquence composée d’activités d’observation et d’analyse
de lettres, d’exercices sur les registres de langue, le
schéma de la communication et/ou sur l’expression de soi,
de sentiments pour que les élèves « en viennent aux mots
plutôt qu’aux mains » (Alain BENTOLILA, Le Verbe contre
la barbarie. Odile Jacob, 2007.)
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Et si nous examinions un atelier en détail ?
Atelier 7 : « Textes et textiles : quand la poésie et les tissus s’emmêlent. »
Benoit Julie, Courtois Hélène, Folon Morgane, Halleux Nikola, Jockin Marie, Lambion Élodie
Déroulement détaillé
5’10’
Introduction
- Nous accueillons les élèves et nous leur expliquons
ce que nous allons réaliser avec eux lors de cet atelier.
- Nous allons créer ensemble une charte qui nous La charte permet de créer
permettra de travailler dans de bonnes conditions. un climat de travail propice
Quels sont, à votre avis, les principes importants à à l’écriture.
respecter pour que l’atelier soit bien vécu ? Qu’est-ce
qui permet le bon fonctionnement d’un groupe ? Vous
allez lire votre haïku aux autres, quelle attitude
attendez-vous d’eux ?
5’10’
1) Lire des haïkus – Activité fonctionnelle
- Savez-vous ce qu’est un haïku ?
- Après la lecture individuelle de plusieurs haïkus,
nous leur demandons : « Qu’en pensez-vous ? Ces
textes vous plaisent-ils ? Lequel préférez-vous ?
Pourquoi ? »
10’15’
2) Dégager les caractéristiques des haïkus – Activités
de structuration de type 1
- Nous demandons aux élèves d’observer les haïkus
pour en rechercher les caractéristiques, les
similitudes. S’ils éprouvent des difficultés, ils peuvent
former des paires.
- Ensuite, nous synthétisons leurs observations et
nous définissons avec eux ce genre de textes.
5’
Justifications
méthodologiques
Le bain de textes permet
aux élèves de se représenter
le genre de poèmes à écrire.
En effet, ils ne connaissent
pas forcément les haïkus.
Il
s’agit
d’un
outil
déclencheur de l’écriture.
3) Écrire un recueil de mots à partir de vêtements
- Vous allez choisir deux vêtements et noter tous les C’est
une
contrainte
mots auxquels vous pensez quand vous les regardez, libératrice qui permet aux
quand vous les touchez.
élèves d’ « entrer » dans
l’écriture.
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10’15’
4) Écrire un haïku – Activité fonctionnelle de
réinvestissement
- Maintenant, vous allez écrire votre propre haïku, par
paires. Comme points de départ, vous vous servez des
vêtements et des mots que vous avez écrits. N’oubliez
pas de respecter les contraintes formelles de ce genre
de poèmes. Dès que vous avez fini d’écrire un haïku,
relisez-le pour soigner la correction de la langue
notamment et, s’il vous reste du temps, écrivez-en un
ou plusieurs autre(s).
20’
5) Nous recommençons les étapes 3 et 4
- Vous allez maintenant choisir d’autres vêtements,
écrire tous les mots auxquels ils vous font penser.
Cette fois-ci, vous allez écrire votre ou vos haïku(s)
individuellement.
10’
6) Écrire le haïku sur un tissu
- Les élèves choisissent un morceau de tissu qui est
fixé sur un carton et recopient proprement leur haïku
sur celui-ci.
7) Décorer le tissu et exposer les productions
- Les élèves ont à leur disposition un grand choix de
15’
morceaux de tissus, de boutons, de rubans... pour
+10’
décorer leur haïku. Ils choisissent donc, selon leur
imagination, des couleurs, des motifs, des textures afin
d’égayer leur texte.
- Ils exposent leurs productions dans une classe ou aux
valves de l’école.
Le caractère collectif de
l’activité amène les élèves à
collaborer et permet de
faciliter l’écriture.
Cette activité permet de
développer la créativité des
élèves qui créent, en
quelque sorte, un tableau
sur toile.
Nous
réalisons
une
socialisation des textes des
élèves afin de les valoriser.
Nous opèrerons, si le timing
le permet, un retour sur ce
qu’ils auront produit.
Définition du haïku :
Le haïku est un petit poème composé de trois vers : en général, un vers de 5 syllabes, un
vers de 7 syllabes et un vers de 5 syllabes (17 syllabes au total). Il comporte fréquemment
une référence à la nature. Il exprime une sensation, une impression, une émotion. De
plus, il rend souvent compte d'une sorte d'illumination, d'étonnement éprouvé par le poète
devant des éléments banals : le bruit de la pluie, le reflet de la lune dans l'étang, un objet,
un animal, une couleur, etc. Le but du haïku est de nommer les choses directement. Les
éléments dans le haïku ne sont pas là comme symboles, ne renvoient pas à une signification
située au-delà du sens littéral, ils sont nommés pour eux-mêmes.
Source Internet : Wikipédia
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Quelques exemples de haïkus :
Draps à la fenêtre
chiffons de rêves fanés
au premier soleil
Des soirs que j'aimais
Une robe de l'an passé
M'a rendu l'odeur.
Anick Baulard
Madame Lesage
Le soleil fane
Ses couleurs
Au fil des heures
Sous l'averse
Il a la goutte au nez
L'épouvantail
Issa
http://texte.over-blog.com/290-categorie-10102285.html
Tout le linge
sur ce fil
a gagné trente bons centimètres
Jack Kerouac
Concluons…
Finalement, cette journée CREATIVITE aura donné aux élèves l’occasion de mêler art et
écriture, souvent à partir de stimulus, dans une ambiance sans doute plus détendue que lors
des cours habituels. Nous avons tout d’abord cherché à développer leur créativité et à
favoriser leur épanouissement personnel, lors des activités d’expression écrite et des
socialisations : plusieurs productions ont été affichées aux valves de l’école et ont pu être
admirées par l’ensemble des élèves.
Un second objectif était de les amener à s’approprier des savoirs et à acquérir des
compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active
dans la vie sociale et culturelle. En effet, dans de nombreux ateliers, avant l’écriture du
premier jet, nous leur avons fait découvrir les caractéristiques des différents genres de textes à
produire et ils ont pu améliorer leurs démarches de planification, de rédaction de textes et de
relecture/réécriture de ceux-ci.
Enfin, nous les avons préparés à être des citoyens responsables, capables de contribuer au
développement d’une société démocratique, pluraliste et ouverte aux autres cultures,
notamment lors de l’élaboration des chartes (visant à instaurer un bon climat de travail afin
que les activités menées en groupe se déroulent dans les meilleures conditions) et lors des
socialisations (où nous étions attentifs au respect mutuel notamment).
Le lundi 29 mars a donc été une journée enrichissante et forte en émotions ! Les élèves ont
livré une partie d’eux-mêmes dans leurs productions, certains ont même versé une larme, tant
le fait d’écrire et de socialiser leurs textes les a « remués ».
Pour nous aussi, animateurs, cette journée fut enrichissante. Nous avons élaboré nous-mêmes
ces ateliers et les élèves se sont pris au jeu. Des productions vraiment exceptionnelles ont été
réalisées et nous ne nous attendions pas à prendre autant de plaisir à faire vivre ces activités.
Oui, nous sommes fiers de ces ateliers !
Sylvie BOUGELET et Nikola HALLEUX, Marie JOCKIN, Virginie LAMER, Loubna MAKKAOUI, Laura SIMON
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Apprendre à définir un mot… Pourquoi ? Quand ? Comment ?
Sources : POLGUÈRE, Lexicologie et sémantique lexicale. Presses de l’Université de Montréal, 2003 ;
PICOCHE, ROLLAND, Dictionnaire du français usuel. De Boeck, 2002.
Pourquoi apprendre à définir des mots ?
Parce qu’une définition, complète et sérieusement menée, idéalement par l’élève lui-même,
nous parait doublement bénéfique :
•
Telle qu’elle est présentée dans cet article, une définition doit comporter des
indications précises sur les contraintes sémantiques et syntaxiques que le mot défini
impose à son entourage, sur ce que l’on appelle, en jargon de lexicologue, sa
combinatoire. De tels renseignements font partie de la signification du mot et
s’avèrent précieux pour l’usager, dans la mesure où ils l’aident à effectuer des
agencements de mots syntaxiquement et sémantiquement corrects.
Dans les copies d’élèves et d’étudiants, il arrive que des erreurs soient dues à une
méconnaissance ou à une simple négligence de la valence des verbes. Parfois, ce sont
des compléments essentiels que nos étudiants omettent, comme dans cette phrase
extraite d’un rapport : « J’ai dû demander deux fois pour être sûre de bien
comprendre. » Qu’est-ce qui est demandé ? A qui cela est-il demandé ? Qui ou qu’estce qui est « bien » compris ? Bien sûr, le contexte de cette phrase suffisait à lever ces
doutes, mais le travail demandé requérait un écrit standard et, par conséquent, un
respect ordinaire de cette contrainte qui veut que l’on exprime, pour des raisons de
clarté, les compléments essentiels d’un verbe. L’exercice que nous proposons a
notamment pour but de pallier cette lacune : l’élève est en effet invité à décrire
précisément, en recourant à la notion d’actants, l’entourage sémantico-syntaxique des
mots à définir.
• Notre mémoire stocke le lexique sous forme de réseaux sémantiques (champs
lexicaux) ou formels (familles de mots). Or, définir un mot, c’est le paraphraser en
recourant à des mots de sens voisin, mais également le distinguer de ses voisins ! L’art
de la définition nous contraint donc à explorer des champs lexicaux avec rigueur, et
cette pratique est de nature à consolider dans notre esprit les liens qui font du lexique
un tout organique dont les parties - des mots ou des groupes de mots - sont facilement
déstockables/accessibles aux moments opportuns.
Quels mots définir ?
En priorité des verbes : ils sont les noyaux de la phrase et en déterminent la physionomie
globale.
On choisira des verbes dont la combinatoire n’est pas toujours maitrisée par les élèves ; des
verbes qu’ils utilisent peu ou pas, parce qu’ils ne savent pas trop comment les utiliser :
« solliciter », « susciter », « révéler », « associer », « confondre », « se familiariser »,
« décréter », « dévisager », « témoigner », « pallier », etc.
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Quand ?
Deux heures en début d’année peuvent être consacrées à l’apprentissage de la méthode. Par la
suite, on recourra à une procédure simplifiée (en brulant les étapes intermédiaires) pour
chaque verbe nouveau ou mal employé.
Comment définir des mots ?
Voici une méthode très ancienne, dont les fondements remontent à Aristote, et qui présente
l’avantage d’être simple et rigoureuse. Il s’agit de la définition dite analytique ou définition
par sens générique et différences spécifiques. On pourrait la décomposer en cinq étapes
successives, que nous allons illustrer en définissant progressivement les verbes «dévisager1»
et « révéler » :
1. Analyse d’un exemple et repérage des actants du mot à définir.
Nous avons écrit plus haut que nous nous intéresserions en priorité aux verbes. Or, les
verbes sont des prédicats sémantiques, c’est-à-dire qu’ils impliquent au moins un
actant2. Dans la phrase « l’éducation des enfants, ça me concerne », le verbe
« concerner » requiert deux actants : un sujet, qu’on pourrait qualifier d’abstrait
(« l’éducation des enfants »), et un complément essentiel direct qui, dans le cas de
« concerner », est humain (« me »).
Après avoir expliqué la notion d’actant aux élèves, nous leur fournissons des phrases
dans lesquelles on trouve le mot à définir. Les élèves soulignent les actants et
déterminent leur rôle par rapport à l’action exprimée par le verbe. Ils parviennent à une
espèce d’exemple schématique (cf. ci-dessous), que nous allons paraphraser au cours
des étapes suivantes.
Dévisager
Révéler
« Arrête de me dévisager comme ça ! Ça me
gêne. »
« Pierre a enfin révélé à ses amis qu’il allait se
marier ! »
« Pendant toute l’heure, Jean n’a pas cessé de
dévisager Lucie ! »
« La Wikimedia Foundation a révélé fin janvier sa
sélection de photos pour l'année 2007. »
« Dany Boon révèle le prénom de sa fillette. »
A1 dévisage A2.
A1 révèle A2 à A33.
1
Il s’agit d’un exemple donné par Alain Polguère, cité plus haut. Nous en avons modifié la présentation à des
fins pédagogiques.
2.
Un actant est un être ou une chose qui participent à une action. Par opposition aux prédicats sémantiques, les
objets sémantiques dénotent des entités qui n’impliquent intrinsèquement aucun actant (« tomate », « Zola »,
« sable »…)
3
On précisera aux élèves qu’un actant peut être simplement sous-entendu. Cela arrive souvent dans les titres
d’articles de presse, l’actant omis étant explicité par la suite, dans le chapeau ou le corps de l’article.
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2. Identification du sens générique du mot ou de sa paraphrase approximative minimale.
Dans cet exemple schématique, les élèves tâchent de remplacer le verbe à définir par
une paraphrase simple, en recourant à un verbe de sens voisin ou plus général (un
hyperonyme). Cette paraphrase sera affinée ultérieurement.
Dévisager
Révéler
A1 dévisage A2. = A1 regarde A2 d’une A1 révèle A2 à A3. = A1 apprend/fait
certaine manière.
connaitre A2 à A3.
3. Caractérisation sémantique des actants.
Il s’agit ici de répondre à ces questions, que l’on pourra modifier en fonction des
termes à définir.
1. « Qu’est-ce qui/Qui est-ce qui peut dévisager/révéler ? »
2. « Qu’est-ce qui/Qui est-ce qui peut être dévisagé/révélé ? »
3. « A qui peut-on révéler quelque chose ? »
Dévisager
Révéler
Quelques exemples, fournis par l’enseignant
ou par les élèves eux-mêmes4, montreront que
A1 peut être soit un individu, soit un animal,
mais apparemment pas un objet, et que A2 ne
peut être qu’un individu :
# « Le chien nous a révélé son secret. »
« Le voisin
mauvais. »
me
dévisageait
d’un
air
# « Le chien du voisin me dévisageait d’un air
mauvais.5 »
# « La caméra nous dévisageait. »
« Marie dévisageait le voisin. »
# « Marie dévisageait le chien du voisin. »
# « Marie dévisageait ma nouvelle voiture. »
Notre définition s’affine : nous sommes en
mesure d’en caractériser les actants.
« Ce journal révèle chaque jour des informations
croustillantes à ses lecteurs. »
# « Jacques a révélé à son chien où se trouvent les
boites de nourriture. »
« Jacques a révélé à son frère où il cache ses
cigarettes. »
# « Jacques a révélé sa voiture/sa nouvelle femme à
son frère. »
A la différence de « dévisager », « révéler » semble ne
pas accepter d’A1 animal. Par ailleurs, « révéler »
s’accommode plus facilement d’un A1 objet (« Ce
journal révèle… ») à condition que cet objet relaie une
action humaine (c’est le journaliste qui s’exprime à
travers son journal). A2, ce qui est révélé, ne peut
apparemment être un objet ou un humain, mais plutôt
une information, un fait. A3 est un humain : on ne
peut révéler quoi que ce soit à un animal ou à un objet,
sauf si l’on recherche des effets de style. Ainsi :
A1 dévisage A2 = un individu ou un A1 révèle A2 à A3 = Un individu ou un
animal (A1) regarde un individu objet (A1) apprend/fait connaitre une
information (A2) à un individu (A3).
(A2) d’une certaine façon.
4.
5.
… ou par Google !
Le symbole # placé en début de phrase signale que ce qui suit est sémantiquement incohérent.
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4. Identification des différences spécifiques.
Dévisager
Notre définition n’est pas encore suffisamment précise.
Le champ lexical de « regarder » comporte de nombreux
termes (« scruter », « examiner », « fixer », « observer»)
dont il convient de distinguer « dévisager », sans quoi
notre définition serait trop vague puisqu’elle
correspondrait à des termes non exactement synonymes.
Contentons-nous, dans le cadre de ce texte, de différencier
« dévisager » de « scruter » : tous deux signifient
« regarder très attentivement », trait que nous ajouterons à
notre paraphrase, mais ils ne sont pas pour autant
synonymes.
Voyons maintenant, toujours à l’aide d’exemples, ce qui
les distingue.
1. Nous avons dit au point précédent que « dévisager »
n’acceptait comme sujet qu’un individu ou un animal
et comme complément essentiel direct qu’un individu.
« Scruter » n’est pas aussi sélectif :
« La caméra me scrutait de pied en cap. »
« Nous scrutions la montagne à la recherche d’un
refuge. »
2. Par ailleurs, il n’est pas possible de dévisager
quelqu’un des pieds à la tête. Lorsqu’on dévisage
quelqu’un, le regard est fixé sur le visage de la
personne observée.
« Je scrutais son corps à la recherche de tiques… »
# « Je dévisageais son corps… »
3. Enfin, le fait de dévisager quelqu’un ne découle pas
nécessairement de l’intention de repérer, de trouver
quelque chose, au contraire de « scruter ». Ce trait
demeurera donc absent de notre paraphrase.
« Je scrutais le ciel, espérant voir apparaitre l’hélico tant
attendu. »
« Ils dévisagèrent le nouveau avec curiosité. »
A ce stade, nous sommes en mesure d’apporter une touche
finale à notre définition :
Révéler
« Divulguer » et « dévoiler », synonymes
signalés dans le DFU6, peuvent-ils se
substituer à « révéler » ? Essayons !
« Ce
journal
révèle/divulgue/dévoile
chaque
jour
des
informations
croustillantes à ses lecteurs. »
« Ma sœur m’a révélé/*divulgué/*dévoilé7
qu’elle allait se marier ! »
« La
Wikimedia
Foundation
a
révélé/dévoilé/divulgué fin janvier sa
sélection de photos pour l'année 2007. »
D’un point de vue sémantique, ces verbes
semblent, jusqu’à preuve du contraire et
malgré des associations privilégiées par
l’usage, équivalents. Ils se distinguent des
verbes « apprendre/faire connaitre » par le
trait suivant : l’information était ignorée
par A3 et ne lui est pas anodine.
Du point de vue de leur combinatoire,
nous constatons que « révéler » accepte
comme A2 une phrase enchâssée, ce qui
n’est pas le cas des deux autres verbes.
Cette propriété de « révéler » devrait
figurer dans notre définition :
A1 dévisage A2 = Un individu ou un A1 révèle A2 à A3 = Un individu
animal (A1) regarde très attentivement le ou un objet (A1) apprend/fait
connaitre à un individu (A3) une
visage d’un individu (A2).
information (A2 = groupe
nominal ou phrase enchâssée)
jusque-là tenue secrète et qui
revêt pour A3 une certaine
importance.
6
7.
Dictionnaire du français usuel
Le symbole * signale une incohérence syntaxique.
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5. Validation de la définition.
Le fameux test de la substitution en contexte (une phrase quelconque obtenue par
exemple à l’aide d’une recherche sur internet) nous permettra de vérifier la validité de
notre paraphrase :
Dévisager
Révéler
« Le flic dévisagea gravement la jeune fille, et
celle-ci baissa la tête. »
« Elle m’a révélé qu’elle était enceinte ! »
→ « Le flic (A1= individu) regarda très
attentivement le visage de la jeune fille
(A2=individu)…»
→ « Elle (A1= individu) m’(A3 = individu) a
appris qu’elle était enceinte (A2 = information
qu’A3 ignorait, exprimée sous la forme d’une P
enchâssée) ! »
Notre paraphrase est valide → TB !
Notre paraphrase est valide → TB !
N’oublions pas de signaler aux élèves que notre paraphrase est valide jusqu’à preuve
du contraire ! La langue évolue, l’usage varie selon les régions, les milieux
socioprofessionnels… Notre paraphrase est dès lors ouverte, susceptible
d’amendements, mais toujours après un réel examen critique.
D’autre part, le danger duquel nous devrons nous garder consiste à élaborer des
définitions trop restrictives, ajoutant des spécificités que l’usage n’atteste pas ou
contredit…
Remarques
1. Nous aurions pu aller plus loin et, pourquoi pas, comparer « dévisager » avec d’autres
termes inclus dans son champ lexical. Cela nous aurait menés à une définition encore plus
fine. Toutefois, le résultat obtenu est plus satisfaisant que celui auquel parvient le Petit
Robert pour le même mot. Selon le Robert, « dévisager » signifie « regarder quelqu’un
avec attention, avec insistance ». Notre définition donne à l’apprenant davantage
d’informations sur ce mot, notamment sur son entourage sémantico-syntaxique et donc sur
la façon de l’employer dans une phrase.
2. Une paraphrase correspond à une signification particulière. « Révéler » a d’autres
acceptions, pour chacune desquelles nous pourrions élaborer une définition.
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6. Exercice :
Définissez le terme « remédier » en vous aidant de cet exemple : « Je ne sais pas
comment nous allons remédier à cette panne de chauffage ! ».
1. Donnez pour « remédier » un exemple schématique (actants + verbes
conjugué).
2. Dans cet exemple schématique, remplacez « remédier » par une paraphrase
approximative.
3. Dites si les actants sont des individus (humains), des animaux, des objets ou
des faits concrets, des réalités abstraites, etc.
4. Différencier « remédier » de « pallier » à l’aide des exemples suivants.
« Nous allons remédier à ton petit problème de surpoids. »
« Nous allons pallier ton petit problème de surpoids. »
« Le CV anonyme ne palliera pas les problèmes de discrimination à
l’embauche. »
« Le CV anonyme ne remédiera pas aux problèmes de discrimination à
l’embauche. »
5. Validez votre définition en la substituant à « remédier » dans la phrase
suivante :
« Avec ce nouveau médicament, nous voulons remédier aux petites pertes de
mémoire que nous connaissons tous à partir de 60 ans. »
Tentative de correction :
1. « A1 remédie à A2. »
2. « A1 remédie à A2 » = « A1 apporte une solution à A2 »
3. « A1 remédie à A2 » = « Un individu A1 apporte une solution à un fait concret A2. »
4. « Pallier » requiert un cdv ; « remédier » requiert un cdi. A la réflexion, « remédier » semble
pouvoir s’accommoder d’un sujet non humain (« Ce petit vélo remédiera à nos problèmes de
déplacement. »). Dès lors,
« A1 remédie à A2 » = « Un individu ou un objet A1 apporte/constitue une solution à un fait
concret A2. »
5. « Avec ce nouveau médicament, nous (A1 humain) voulons apporter une solution aux petites
pertes de mémoire que nous connaissons tous à partir de 60 ans (A2 fait concret). »
Pierre-Yves DUCHATEAU
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Precious – le film – et Push – le livre
Voici une démarche méthodologique, vécue par les étudiants de 2e année, qui lie un film tout
récemment sorti sur les écrans et « oscarisé », Precious, et le roman qui l’a inspiré, Push.
Le film et le livre conviennent pour des élèves à partir de 15 ans environ.
Avant le film :
(pour se mettre en projet de voir le film)
1. Regarde attentivement ces quatre affiches du film. Compare-les. Que perçois-tu à travers
chacune d’elles ? Où l’action se passe-t-elle à ton avis ? Quand ? Que raconte le film selon
toi ?
2. Formule toutes les questions que ces affiches ont fait naitre en toi et auxquelles tu espères
que la vision du film apportera des réponses.
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3. Complète les informations que tu as
pu retirer de la lecture des affiches en
lisant le passage suivant du roman
« Push » dont le film est tiré.
Ensuite, complète
questions.
la
liste
de
tes
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4. Enfin, lis la présentation du film dans le programme du cinéma (à gauche) et la 4e de
couverture du roman (à droite). Certaines des questions que tu t’es posées trouvent-elles déjà
une réponse ? Quel est ton sentiment avant d’aller voir ce film ?
Après le film :
(réflexions à échanger en grand groupe)
a) Qu’as-tu envie d’exprimer sur ce film ? Note-le en quelques lignes.
b) Qu’est-ce que ce film t’apprend 1) sur toi en tant que futur(e) enseignant(e) ?
2) sur les missions de l’école ?
3) sur le cours de langue maternelle ?
c) As-tu envie de lire le livre ? Oui / Non Pourquoi ?
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Lire le livre : Sapphire, Push. Coll. Points, Editions du Seuil, 1997.
Pendant ta lecture, tu tiendras un cahier de lecture, organisé de la façon suivante :
1) Chaque fois que tu lis un passage du livre, tu indiques dans ton carnet la date et les
numéros des pages lues. Ex. Mardi 19 mars / page 18 à 37.
2) Tu indiques dans ce carnet… tout ce que tu veux, concernant ta lecture :
- ton plaisir / ton déplaisir à lire,
- les réflexions que la lecture du livre a déclenchées chez toi, tes réactions,
- les questions que la lecture fait naitre en toi (questions dont tu espères avoir la
réponse en continuant ta lecture, ou des questions plus générales),
- ce que la lecture t’apprend (en tant que futur prof de français ou simplement en
tant qu’être humain),
- etc.
Objectif poursuivi par ce carnet de lecture : stimuler la relation entre le livre et toi, t’aider à
construire le sens personnel de ta lecture. Lire est l’anagramme de (re)lier, donc être en relation avec les personnages, les lieux, les moments, les actions, la tonalité, les idées… du
livre. Si ce sens personnel n’est pas construit, la lecture risque bien de n’être que scolaire et
… absurde !
Une fois le livre lu, nous en parlerons en classe. Tu pourras apporter ton carnet de lecture et
en lire des extraits à la classe, si tu le souhaites.
Ce carnet de lecture soutiendra le cercle de lecture organisé en sous-groupes de
5-6 étudiants. En effet, un des plaisirs de la lecture, mis en évidence par
Violaine Houdart dans un article intitulé « Accès au plaisir ou accès au
sens ? »8, est le « plaisir interprétatif, plaisir ressenti quand les mots
s’organisent en une signification pour leur lecteur, quand celui-ci peut
confronter son analyse et sa compréhension du texte à celles de l’autre et qu’il
est capable de la défendre et de la justifier ».9
Jean KATTUS
8
Violaine HOUDART, « Accès au plaisir ou accès au sens ? » in Cahiers pédagogiques n° 341, Février 1996.
L’auteure mentionne 3 plaisirs liés à la lecture :
- « le plaisir d’échapper au réel, de vivre par procuration, de se mettre dans la peau de tel ou tel personnage »
- « le plaisir du langage, qui surgit face à une forme surprenante, forte, originale et qui fait sens »
- « le plaisir interprétatif », expliqué ci-dessus.
9
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Ponctuation
Un petit conte pour illustrer la valeur de la ponctuation :
Un homme riche était au plus mal. Il prit un papier et un stylo pour écrire ses dernières
volontés.
"Je laisse mes biens à ma sœur non à mon neveu jamais sera payé le compte du
tailleur rien aux pauvres"
Mais le mourant passa l'arme à gauche avant de pouvoir achever la ponctuation de son
billet. A qui laissait-il sa fortune ?
Solutions
1. Son neveu décide de la ponctuation suivante :
« Je laisse mes biens à ma sœur ? Non ! A mon neveu. Jamais sera payé le
compte du tailleur. Rien aux pauvres. »
2. Mais la sœur n'est pas d'accord. Elle ponctuerait le mot de la sorte :
« Je laisse mes biens à ma sœur. Non à mon neveu. Jamais sera payé le compte
du tailleur. Rien aux pauvres. »
3. Le tailleur demande la copie de l'original et ponctue à sa manière :
« Je laisse mes biens à ma sœur ? Non ! A mon neveu ? Jamais ! Sera payé le
compte du tailleur. Rien aux pauvres. »
4. Là-dessus, les gueux de la ville entrent dans la maison et s'emparent du billet. Ils
proposent leur version :
« Je laisse mes biens à ma sœur ? Non ! A mon neveu ? Jamais ! Sera payé le
compte du tailleur ? Rien. Aux pauvres ! »
Texte transmis par Aline GALAND (3e année)
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Appel !
Vous venez de vivre une super activité d’apprentissage avec vos élèves…
Vous avez découvert des textes, des livres ou des documents
particulièrement intéressants…
Vous venez d’expérimenter avec succès une nouvelle façon de
procéder qui a donné d’excellents résultats…
Vous souhaitez rendre compte d’un projet que vous avez
mené avec vos élèves…
Avant de mourir, il y a quelque chose que vous
souhaiteriez vraiment transmettre à vos collègues ☺ ...
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