Le climat social pèse sur la stratégie de M. Sarkozy
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Le climat social pèse sur la stratégie de M. Sarkozy
Art Retour aux valeurs sûres à la Foire de Bâle Culture p. 16 José Manuel Barroso Iran Alors que le ministère de l’intérieur créditait le président sortant d’une large avance, samedi 13 juin au matin, son principal rival, Mir Hossein Moussavi, dénonçait la « manipulation » du scrutin. P. 6 Dînerdemécènes pourgarderl’œuvre deDebordenFrance Culture Lundi 15 juin aura lieu à la Bibliothèque nationale de France un dîner à 500 euros le couvert. Les organisateurs espèrent réunir assez d’argent pour garder en France les archives du situationniste. Les convives auront sous les yeux le manuscrit de La Société du spectacle. P. 16 Les leçons du crash du vol Rio-Paris Débats p. 15 Son bilan, sa méthode, sa stratégie Enquête p. 13 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 - 65e année - N˚20026 - 1,40 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Lavictoireannoncée maiscontestée duprésident Ahmadinejad Sécurité aérienne Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Eric Fottorino Le climat social pèse sur la stratégie de M. Sarkozy t L’augmentation continue du chômage présage d’une rentrée tendue t Le président multiplie les initiatives et maintient le dialogue avec les syndicats L es élections européennes sont passées, la crise continue. Certes, l’UMP est arrivée en tête, dimanche 7 juin, et cela a donné une bouffée d’oxygène au chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy s’en est immédiatement servi pour programmer un discours devant le Parlement réuni en congrès le 22 juin. Il a annoncé un remaniement ministériel et promis un nouveau train de réformes. Politiquement, il a repris la main, mais, socialement, il reste exposé. La nouvelle journée de mobilisation syndicale, samedi 13 juin, axée sur les consé- quences de la crise, a remis en lumière les inquiétudes sociales. Le premier ministre, François Fillon, a beau estimer qu’« une sortie de crise s’amorce », chacun sait que les prochains mois seront très difficiles. A la rentrée, 650 000 jeunes, sortant de formation,vont sebousculer sur lemarché dutravail. Dans nombre d’entreprises, le recours à l’activité partielle, qui permet d’éviter la mise au chômage, arrive à épuisement du quota d’heures. Les licenciés économiques qui ont disposé de conventions de reclassement personnalisé (CRP) – près de 62 500 à fin avril – ou de contrats de transition professionnelle (CTP) vont arriver sur le marché. De nombreux plans sociaux vont se concrétiseràlarentrée.« Jusque-là,lesentreprises ont plutôt évité de licencier, jouant avec le chômage partiel, arrêtant les CDD et l’intérim,maismaintenantellesvontsupprimer des emplois stables », prévient Bernard Brunhes, expert en relations sociales. Rémi Barroux et Françoise Fressoz a Lire la suite page 8 Le conflit chez Osram page 10 L’éditorial page 2 Peu de bénéfices à attendre de la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration t Aucun patron n’a prévu de créer des emplois, au moins dans l’immédiat Grippe : le plan français pour « retarder » la diffusion du virus H1N1 D ans un entretien au Monde, le professeur Didier Houssin, directeur généralde lasanté, détaille lastratégiefrançaise pourluttercontrel’« inéluctable » augmentation des cas de grippe A(H1N1). Si la France n’a pas relevé son niveau d’alerteà lasuitedel’Organisationmondiale de la santé (OMS), M. Houssin précise que les autorités sanitaires « accélèrent le travail préparatoire à un éventuel changement important dans la situation ». L’évolutionépidémiqueestsuiviequotidiennement grâce à plusieurs capteurs dans des endroits-clés : les aéroports, les portset lesgaresayant desliaisons internationales ; les services d’urgences des hôpitaux ; les établissements scolaires… Selon M. Houssin, tout est fait afin de « retarder la diffusion du virus pour mieux nous préparer », car il prévoit une reprise del’épidémie« à l’automne,aveclapossibilité d’une modification de la virulence du virus ». Les prochaines semaines seront mises à profit pour déterminer quelles seront les personnes à vacciner en priorité. p Lire page 4 Une ONG chinoise brise le silence sur le Tibet Chine Un rapport sur les manifestations qui ont secoué Lhassa en mars 2008 analyse et critique la politique de « développement rapide » imposée aux Tibétains. P.7 A près une longue gestation, la baisse de la TVA dans la restauration entrera en vigueur le 1er juillet, passant de 19,6 % à 5,5 %. En contrepartie, les restaurateurs avaient pris plusieurs engagements : baisser les tarifs applicables aux clients ; embaucher 40 000 personnes, dont la moitié en contrat de professionnalisation ; augmenter les salaires ; accroître les investissements. La baisse des prix est loin d’être acquise. Seuls certains groupes aux reins solides ont décidé d’y procéder, en en faisant un argument de communication. Le groupe Flo, par exemple (Hippopotamus, Bistro Romain, Brasseries Flo), compte tenir cet engagement et au-delà. De même chez Buffalo Grill (325 restaurants), qui baissera les prix sur une quinzaine de produits. Ailleurs, chez les indépendants, cette baisse est rarement à l’ordre du jour. Les consommateurs eux-mêmes sont sceptiques. Selon une enquête du cabinet Coach Omnium, plus de la moitié d’entre eux pensent que les restaurateurs n’ont pas l’intention de baisser les prix, préférant « garder l’argent pour eux ». Les perspectives d’embauches sont plus sombres encore, à l’heure pourtant où le chômage augmente. Aucun restaurateur n’a prévu de respecter cet engagement collectif, au moins dans l’immédiat. Pour autant, le gouvernement se veut relativement optimisme. Pour vaincre les réticences des profesionnels du secteur, Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du commerce et du tourisme, s’est lancé dans un tour de France explicatif. Il estime que les mentalités ont changé et souligne que ceux qui joueront le jeu auront un avantage sur leurs concurrents. p M. Nétanyahou prépare sa réponse aux exigences américaines Le regard de Plantu Lire page 10 t Près de 30 000 cas dans le monde. Le bilan de l’OMS, vendredi 12 juin, faisait état de 29 669 cas, dont 145 morts. Les pays les plus touchés restent les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. t Hongkong ferme ses écoles. Onze lycéens d’une même classe ont été infectés ; le premier cas de transmission locale a été détecté. t L’hiver austral favorise l’épidémie. Le Chili compte deux morts et 1 694 personnes infectées. La psychose a atteint l’Argentine après la détection de 343 malades. Les hôpitaux sont débordés. 100 REPORTAGES QUI ONT MARQUÉ L’HISTOIRE Jérusalem Correspondant N Demain dans 0123 « Le Monde Economie » Spécial Salon du Bourget Managers en temps de crise : enquête au cœur des entreprises Moins bruyants, moins polluants : les avions en 2020 ous aimons Israël, nous soutenons [Benyamin] Nétanyahou. » Cette inscription est apparue dans les rues de Jérusalem alors que le premier ministre israélien, élu depuis peu, se prépare à prononcer un important discours, dimanche 14 juin au soir, en réponse à celui adressé par le président américain, Barack Obama,aux pays arabeset au monde musulman, le 4 juin au Caire. Toutelasemaine,l’ensembledela presse israélienne s’est livrée à d’intenses spéculations afin de savoir jusqu’où M. Nétanyahou ira en ce quiconcernelesdeuxquestionsfondamentales sur lesquelles le président Obama s’est clairement prononcé : le gel de la colonisation et la création d’un Etat palestinien. Deux points sur lesquels « Bibi » – surnom du premier ministre israélien –, a toujours refusé de s’engager de façon nette. Michel Bôle-Richard TE EN TÊS DE RES LEU MEIL NTES VE les arènes 5 7 6 PA G E S , 2 4 , 8 0 € . E N V E N T E E N L I B R A I R I E a Lire la suite page 6 Algérie 80 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 3,00 FS, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,00 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA, 2 0123 Editorial Alarme sociale Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 L’homme nu par Serguei Chronique En phase avec l’histoire T U ne hirondelle ne fait pas le printemps, l’élection européenne est particulière, l’abstention était massive, la droite renforce sa majorité au Parlement européen. Certes. D’accord. Ja. Yes. Si. Oui. Il est cependant légitime de penser que le bon résultat des écologistes aux élections européennes du 7 juin (environ 20 % en France si l’on n’oublie pas les 3,63 % de l’Alliance écologiste indépendante, oute une série de mauvaises nouvelles économiques et sociales soulignent la gravité de la crise multiforme dans laquelle la France est plongée.Au premiertrimestre de 2009, les destructions d’emplois ont atteint des sommets qui n’avaient jamais été enregistrés depuis que des statistiques mesurent ces mouvements. Ainsi, selon l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), qui couvre toutes les entreprises, privées et publiques, du secteur concurrentiel, ce sont 263 000 emplois qui ont disparu en trois mois. L’Insee, pour sa part, avance le chiffre de 187 800 pertes nettes d’emplois. Bien sûr, des postes de travail ont été créés, mais, avec la récession, le solde entre créations et destructions est devenu négatif. En 2008, selon divers indicateurs, la France avait vu disparaître entre 68 000 et 100 000 emplois. L’année 2009 sera pire. Ces destructions d’emplois à grande échelle laissent entrevoir une flambée sans précédent du chômage à l’automne. C’est aussi à l’automne que les dizaines de milliers de jeunes qui terminent actuellement leurs études se présenteront sur le marché du travail. C’est le moment également où nombre de grandes entreprises industrielles annonceront des plans sociaux. Selon toute vraisemblance, ces plans seront extrêmement rigoureux. Deux autres indicateurs entretiennent la morosité actuelle sur le front économique et social. Au premier trimestre, sept fois plus de salariés qu’un an plus tôt ont été touchés par le chômage partiel. Cette progression se manifeste au moment même où les partenaires sociaux ouvrent une difficile négociation sur l’emploi, dont l’un des volets porte précisément sur le chômage partiel. Les mauvaises nouvelles s’accumulent : toujours au premier trimestre, le volume des heures supplémentaires a chuté de 11 % d’un trimestre à l’autre et de 5 % en un an. Cela malgré le régime fiscal que le gouvernement a institué pour les encourager. C’est dans ce contexte préoccupant, sinon menaçant, que les centrales syndicales organisaient, samedi 13 juin, leur cinquième journée de mobilisation depuis le début de l’année. Elles entendaient mettre l’accent sur le pouvoir d’achat, plus que jamais en berne. Mais la montée du chômage les préoccupe tout autant, à juste titre. La déprime sociale s’installe. Elle ne se mesure pas à la longueur des cortèges. Les indicateurs chiffrés, dans leur sécheresse, la révèlent tout autant. Et ils sonnent l’alarme. p Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication : Eric Fottorino Vice-président, directeur général : David Guiraud Secrétaire général du directoire : Pierre-Yves Romain Directeur du « Monde » : Eric Fottorino Directeur adjoint : Laurent Greilsamer Editeur : Michel Sfeir Directeur de la rédaction : Alain Frachon Directeur éditorial : Gérard Courtois Rédacteurs en chef : Michel Kajman, Frédéric Lemaître, Franck Nouchi (« Le Monde 2 ») et Isabelle Talès Chef d’édition : Françoise Tovo Directeur artistique : Quintin Leeds ; Veille de l’information : Eric Azan ; Secrétaire général : Jean-Pierre Giovenco Médiatrice : Véronique Maurus Conseil de surveillance : Louis Schweitzer, président Jean-Pierre Tuquoi, vice-président Anciens directeurs : Hubert Beuve-Méry (1944-1969), Jacques Fauvet (1969-1982), André Laurens (1982-1985), André Fontaine (1985-1991), Jacques Lesourne (1991-1994), Jean-Marie Colombani (1994-2007) Le Monde est édité par la Société éditrice du Monde SA Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 149 017 497 ¤. Actionnaire principal : Le Monde SA. Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 ; télécopieur : 01-57-28-21-21 Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74 ; Par courrier électronique : [email protected] Abonnements : par téléphone : de France 0-825-000-778 (0,15 TTC/min) ; de l’étranger : (33) 3-44-31-80-48. Sur Internet : www.lemonde.fr/abojournal/ Changement d’adresse et suspension :0-825-022-021 (0,15 TTC/min) 0123 est édité par la Société Editrice du Monde (SA). La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0712 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du Monde 12, rue Maurice-Gunsbourg 94852 Ivry cedex Président : David Guiraud Directrice générale : Bénédicte Half-Ottenwaelter PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 - Fax : 01-57-28-39-26 Ecologie Hervé Kempf Allemagne : l’économie sociale de marché en panne A ngela Merkel croit-elle toujours aux vertusdel’économie sociale demarché ? A ceux qui en doutent et s’émeuvent de l’interventionnisme de l’Etat, la chancelière allemande peut maintenant faire valoir son refus de venir en aide à Arcandor. Volontairement, Berlin n’a rien entrepris pour prévenir le dépôt de bilan du groupe de distribution, et tant pis si plus de 40 000 emplois en dépendent. Il n’empêche. La chrétienne-démocrate Merkel a beau se réclamer à tout bout de champ de la Soziale Marktwirtschaft, et de son père fondateur, Ludwig Erhard, la crise a remis en question ce modèle historique si cher aux Allemands. En quelques mois, l’Etat est devenu un acteur majeur de l’économie. En témoigne le récent sauvetage du constructeur Opel, orchestré par le gouvernement à grands renforts de fonds publics. On est loin des principes définis par Erhard : un Etat arbitre, qui se limite à fixer les règles du jeu de la concurrence et des relations sociales. L’immixtion des pouvoirs publics n’est en rien idéologique. Elle est purement pragmatique. Berlin s’efforce de contrer la récession la plus violente de l’après-guerre et la remontée du chômage. Avec d’autant plus d’ardeur que des élections législatives ont lieu dans moins de quatre mois. Pourtant, les interventions étatiques suscitent une vive polémique, dans les cercles patronaux, chez les plus libéraux des conservateurs, mais aussi – et de plus en plus – au sein de l’opinion. On ne touche pas impunément à un modèle encore synonyme pour beaucoup d’Allemands de Wirtschaftswunder, le miracle économique. Prèsde vingtansaprèsla chutedu Mur,certains pointent avec ironie une « résurrection » de l’Allemagne de l’Est communiste. Opel n’est que le dernier épisode d’une longue série d’infractions au dogme cautionnées par la chancelière et son gouvernement. Dans le secteur financier, dès l’automne, Berlin a mis en place un plan de sauvetage de ses banques de 480 milliards d’euros, mêlant garanties publiques et Analyse Marie de Vergès Correspondante à Berlin fonds de recapitalisation. Dans la foulée, l’Etat procédait à ses premières prises de participation. Il détient aujourd’hui 25 % de la Commerzbank et, ce faisant, sauve la fusion avec la Dresdner Bank, censée donnernaissanceà unchampion bancaire allemand. Hypo Real Estate, l’établissement qui a failli sombrer à plusieurs reprises ces derniers mois, est en voie de nationalisation complète. La crise économique a remis en cause le modèle historique. L’Etat est un acteur majeur Les largesses des pouvoirs publics s’appliquent aussi à l’économie réelle. Le secteur automobile est soutenu via une prime à la casse généreuse. Surtout, un fonds de sauvetage est mis à la disposition des entreprises industrielles victimes de la crise. En tout, 115 milliards d’euros comprenant garanties et crédits. Les milieux économiquestirentlasonnette d’alarme:chaque subvention accordée va creuser encore un peu plus les déficits. Et l’on créera des distorsions de concurrence en favorisant certains groupes plutôt que d’autres. Enfin, le gouvernement a-t-il vraiment les compétences pour distinguer les entreprises saines, provisoirement en difficulté, de celles dont le modèle de développement est défaillant ? Le profil de certains candidats aux aides publiques attise la polémique : Porsche, par exemple, s’est présenté sans rougir au guichet de l’Etat pour obtenir un crédit. Si le fabricant de voitures de sport croule aujourd’hui sous les dettes, c’est pourtant parcequ’il a tenté de prendre le contrôle de son compatriote Volkswagen avec des méthodes de hedge funds, grâce à un jeu opaque d’options sur actions. Le dossier Opel achève d’enflammer le débat. Certes, le constructeur pâtissait des déboires de sa maison mère, l’américain General Motors. Mais il souffrait aussi de problèmes de surcapacité, bien antérieurs àla crise.Malgré4,5 milliards d’aidespubliques, sa survie à long terme est loin d’être assurée. L’opinion s’inquiète de voir l’argent du contribuable jeté par les fenêtres. Titrant sur « L’Etat dévalisé », l’influent hebdomadaire Der Spiegel s’interrogeait en début de semaine : « Combien d’Opel l’Allemagne peut-elle encore se permettre ? » Candidate à sa propre succession aux législatives en septembre, Angela Merkel a répondu à sa façon. Elle a opposé une fin de non-recevoir aux réclamations d’Arcandor, jugeant que le groupe s’était conduit tout seul à la faillite. Sa fermeté correspond au souhait de la majorité des Allemands. Elle avait pu s’en assurer avec les résultats des élections européennes. Les sociaux-démocrates (SPD), qui plaidaient pour plus d’aides étatiques, ont subi une déroute, avec moins de 21 % des suffrages. A l’inverse, les libéraux du FDP, ouvertement hostiles à l’interventionnisme public, voient leur audience s’élargir. A près de 11 %, ils ont été les seuls à enregistrer une réelle progression, de près de 5 points. Opportunément, la chancelière choisit de se ranger du côté de son jeune ministre de l’économie Karl Theodor zu Guttenberg, l’autre vainqueur de ce débat. Seul contretous, le conservateur bavarois (CSU) a milité sans relâche pour une mise en faillite ordonnée d’Opel, s’érigeant en gardiendes principes de l’économie sociale de marché. Depuis, sa cote de popularité ne cesse de grimper. p Courriel : [email protected] Il y a 50 ans dans 0123 Moscou découvre Dior POUR SA PREMIÈRE PRÉSENTATION devant le public soviétique, la collection Christian Dior a recueilli le succès attendu. En elle-même, la venue de la grande maison de haute couture parisienne à Moscou était déjà un événement : elle témoigne à n’en pas douter du dégel survenu au sein de la société soviétique au cours des dernières années. Malgré l’immense succès de curiosité, tous les commentaires n’ont pas été uniformément favorables. Du côté des officiels, la tendance était à l’indifférence calculée. « Hum ! Il y a de bonnes choses… », commentait simplement M. Joukov. Certains ont déploré l’absence de vêtements de travail ; plus généralement, enfin, on s’est étonné d’une recherche particulièrement subtile dans le domaine de l’esthétique, mais poursuivie au détriment du pratique, A toutes ces objections, la maison Dior s’est efforcée d’apporter une réponse, grâce notamment à l’impressionnant appareil de relations publiques qui a fait sa fortune. Jamais encore on n’avait vu une grande firme capitaliste plaider sa cause avec un tel luxe de dépliants et de documentation technique comme ce fut le cas devant les envoyés de la presse soviéti- que. Ceux-ci apprirent non seulement que la mode, produit de luxe, influe à long terme sur la grande confection populaire et finit donc par descendre dans la rue, mais aussi, chiffres à l’appui, que la maison Dior « ne réalise pas les profits fabuleux qu’une certaine presse lui prête », ou encore que la maison « était injustement pénalisée par des charges sociales excessives »… On imagine avec quelle ardeur le journaliste soviétique moyen s’est jeté sur cette pâture caractéristique… p Michel Tatu (14-15 juin 1959.) qui s’ajoutent aux 16,28 % d’Europe Ecologie), légitime de penser, donc, qu’il ne s’agit pas d’un feu de paille ou d’un accident permis par des circonstances exceptionnelles. Le long cheminement de l’écologie politique amorcé en 1974 avec René Dumont, marque malgré ses succès, rechutes, divisions, hésitations, une ascension régulière. Et le succès du 7 juin peut donc être pris pour ce qu’il est : l’accession à la maturité politique de l’écologie. Premier point, le plus important : Europe Ecologie a gagné sur le terrain des idées. Reconnaissant pleinement la gravité de la crise écologique, la liste a su articuler ce constat à la question sociale. Ses propositions sur l’agriculture, l’énergie, la biodiversité s’emboîtent logiquement, en période de bouleversement économique, avec l’idée de conversion écologique de l’économie et avec celle d’un bouclier social visant à corri- Il ne s’agitpas d’un accident permis par des circonstances exceptionnelles ger les inégalités (revenu maximum). En fait, l’analyse de l’écologie politique correspond à la situation historique. A contrario, la chute du Parti socialiste découle de la décrépitude intellectuelle de ce parti, qui semble avoir arrêté de penser depuis… trop longtemps. Cela signifie que l’avenir de l’écologie politique dépend de sa capacité à enrichir et faire vivre sa réflexion, notamment par rapport au souci de rendre la transformation écologique non seulement acceptable, mais désirable, par les classes moyennes et par les classes populaires. Deuxième point : une pratique politique collective. Malgré la pression du système médiatique qui ne veut voir que des vedettes – et de préférence une seule –, le succès d’Europe Ecologie tient au fait que de fortes et diverses personnalités ont su travailler ensemble, démontrant cette évidence que dissimule la psychologie capitaliste : la coopération est plus efficace que la concurrence. Troisième réussite, encore potentielle, et qui est une clé des succès à venir : ne pas réduire la démocratie à sa seule dimension de représentation, mais impliquer les citoyens dans des actions non violentes animant le débat politique. A cet égard, on suivra avec attention la mobilisation lancée autour de la conférence sur le climat à Copenhague, ou les interventions malicieuses de collectifs tels que Sauvons les riches. Reste la question des alliances avec d’autres forces, qui fait le miel de commentateurs politiques beaucoup plus avertis que ce modeste chroniqueur. Qui se contentera de penser que si les écologistes parviennent à maintenir leur présente énergie intellectuelle, coopérative et démocratique, le reste viendra de surcroît. p Courriel : [email protected] Page trois 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Victime inattendue de la crise économique, la très prospère industrie du sexe montre, en Allemagne, des signes d’essoufflement Les maisons closes broient du noir Berlin Correspondance A ccrochée aux fenêtres des maisons closes d’Allemagne, la petite lampe rouge – signe discret, mais sans ambiguïté – semble bien pâlotte. Et les affiches, parfois plus explicites,collées aux carreaux n’ychangent rien : les temps sont rudes, pour le milieu allemand de la prostitution. « Si le client n’arrive même plus à financer son logement, sa nourriture et sa voiture, comment voulezvous qu’il fasse des frais pour du sexe ? », demande Monika Heitmann, de l’association Nitribitt, qui, depuis plus de vingt ans, assiste les prostituées de Brême. Oui, même le Rotlichtmilieu (le « milieu de la lanterne rouge ») semble touché par lacrise,et« tirelasonnetted’alarme », comme l’a titré le quotidien Süddeutschezeitung. Lespatrons de maisons closes sont formels:lafréquentationdeleursétablissements a, depuis cet hiver, chuté d’environ 30 %. Contraintes et forcées, bien des « filles » se retrouvent au chômage partiel. Tandis que le plus vieil établissement de Francfort, le FKK Sudfass, a fermé ses portes en début d’année, après trente-sept ans de service, le secteur lutte pour sa survie. A Berlin, le FKK Artemis propose des tarifs spéciaux pour les retraités et les chauffeurs de taxis Certes, le quotidien économique Handelsblattsoulignequelasituationn’estguère plus brillante à Amsterdam, où, d’après lui, le « ralentissement drastique » de l’activité va « porter le coup de grâce » à de nombreuses maisons du fameux Quartier rouge. Mais l’Allemagne, où le gouvernement Schröder a décidé de légaliser la prostitution en 2002, afin de décriminaliser le milieu et de donner des droits aux prostituées, s’inquiète du sort de ces dernières. Peu évoqué en France, le sujet n’a ici rien detabou.« Le rapport marchandàlasexualité est beaucoup plus répandu en Allemagne qu’en France, notamment dans la capitale, témoigne le sociologue Yves Sintomer, directeur adjoint du Centre francoallemand Marc-Bloch à Berlin. Ce n’est pas un hasard si le leader européen du sex-shop (Beate Uhse) est allemand ! » Comment l’expliquer ? Peut-être par « une culture moins pudique du corps, de la nudité, et du sexe en général, qui serait liée au mouvement naturiste du début du XXe siècle, lequel a fortement marqué les mœurs, notamment, par la suite, en ex-RDA. Tout cela, appuyé par certains courantsféministes,s’est cristalliséen faveur de la légalisation de la prostitution et a permis sa large acceptation dans la société. » Un lien entre la « FKK » (Frei Körper Kultur, « culture du corps libre ») et la prostitution souvent reconnu par les professionnels. On saura donc tout, grâce au quotidien populaire Bild mais aussi à la presse la plus sérieuse, des misères que connaît le milieu. « Aujourd’hui, nos filles gagnent au maximum 500 euros par semaine, là où elles s’en faisaient facilement 1 500 Au Pussy Club de Berlin. MAURICE WEISS / OSTKREUZ POUR « LE MONDE » avant », se lamente Ralf Gottschald, patron d’un établissement de Hanovre. Pour gagner leur vie, les prostituées en viennent à toutaccepter. Face à « la concurrence dramatique » qui, d’après Marion Detlefs, de l’association berlinoise Hydra, s’est installée, certaines renoncent même à « faire respecter les fondamentaux du métier : port obligatoire du préservatif, interdit du baiser buccal ». Une dégradation des conditions de travail observée depuis plusieurs années par cette association de terrain, en contact per- manent avec les quelque 700 maisons closes que compte la capitale allemande. « La crise du milieu de la prostitution ne date pas d’aujourd’hui, surtout à Berlin où la paupérisation de la population est plus forte qu’ailleurs », insiste Marion Detlefs. « Pouravoirunechance desurvivre, les maisons closes multiplient les offres attractives, cherchentà tout prix à se distinguer. Ce sont les prostituées qui font les frais de cette surenchère. » De fait, jamais les établissements n’ont fait preuve d’autant d’imagination. A Ber- Les pros du porno appellent l’Etat à l’aide LES MAISONS closes ne sont pas les seules à souffrir de la crise en Allemagne. « C’est toute l’industrie du sexe qui est touchée », estime le producteur de films porno Bernd Schütt. Notamment le secteur auquel il appartient, déjà très affaibli par la concurrence du Net. C’est pourquoi la Fédération allemande du commerce érotique a, en janvier, demandé l’aide de l’Etat. « Un soutien économique serait approprié », a alors déclaré l’un de ses représentants, Uwe Kaltenberg, sans se faire d’illusions : « Le sauvetage d’Opel est, en perspective des législatives, certainement plus intéressant que le soutien aux petites et moyennes entreprises de notre branche. » Jusqu’à présent, la demande n’a pas abouti. La Fédération allemande du commerce érotique a ainsi suivi l’exemple d’une initiative américaine : le 7 janvier, sur CNN, Larry Flynt (éditeur du magazine Hustler) et Joe Francis (patron de la société Girls Gone Wild) annonçaient leur intention de demander au Congrès une aide de 5 milliards de dollars. « L’industrie du porno est touchée au même titre que tous les autres secteurs », a fait valoir Owen Moogan, porte-parole de Flynt. « Le gouvernement américain doit soutenir notre branche, comme il le fait pour les autres industries préférées du peuple américain », a renchéri Joe Francis. Car c’est du « besoin d’une nation » qu’il s’agit : « Les gens sont trop déprimés pour avoir une sexualité active, souligne Flynt. Le temps est venu pour le Congrès de réveiller l’appétit sexuel de l’Amérique. Le seul moyen est de soutenir notre industrie. » En Allemagne, toutefois, les bouleversements du secteur profitent à certains. Le géant du sex-shop, Beate Uhse avance ainsi, d’après le quotidien Süddeutsche Zeitung, un chiffre d’affaires 2008 de 253 millions d’euros, et ses bénéfices devraient doubler en 2009. Son concurrent Orion, (151 magasins en Allemagne), tient « clairement » son marché pour « un secteur d’avenir ». A l’origine de cette envolée : le succès des « sex-toys », sur lesquels Beate Uhse et Orion ont tout misé. Commentaire de Bernd Schütt : « Qui ne peut plus se payer de sexe, le ramène chez soi. »p L. Ro. lin, le FKK Artemis propose ainsi des tarifs spéciaux pour les retraités ainsi que pour les chauffeurs de taxi – « ces derniers, nous ramenant pas mal de clients, paient moitié prix le dimanche et le lundi », justifie Ekki Krummeich, le tenancier. A Berlin toujours, le Pussy Club, ouvert en 2008, avec son forfait « Zwei für eins » (« Deux pour le prix d’un »), invite madame à prendre part aux ébats. « Nous n’avons fait que répondre à une demande de notre clientèle, parfois exprimée par les conjointes elles-mêmes », s’en explique Alex Schuh, le gérant. Mais c’est encore avec sa formule à 70 euros que le Pussy Club bat tous les records. Pour cette somme en effet, le client a droit de « faire tout ce qu’il veut, autant qu’il le veut, aussi longtemps qu’il le peut » (uniquement toutefois aux heures creuses, de 10 heures à 16 heures). Le Pussy Clubsigneainsiletriomphedu« bordeldiscount », un nouveau type d’établissement qui connaît un succès grandissant. A n’en pas douter, « le concept est promis à un bel avenir », se félicite Alex Schuh. « Que voulez-vous, c’est la seule solution, si l’on veut trouver une parade à la crise », assure Isabelle Rozier, patronne berlinoise du Belle Escort Club. « A moins d’opter pour la direction opposée : celle de l’offre exclusive[qu’elleaelle-mêmechoisiepoursonétablissement, dont le “High Class tariff” s’élève à 500 euros, pour trois heures]. En tout cas, il faut se décider. Rester dans l’offre moyenne, c’est mourir à coup sûr. » Bien qu’il mise sur la niche du luxe – en partant duprincipequ’« ilyauratoujoursuneclientèle en mesure de payer » –, le Belle Escort Club a lui aussi subi la récession de plein fouet : sa patronne estime à 20 % la baisse de fréquentation de son établissement. Comme le client « déserte les bordels et les clubs trop onéreux pour s’acheter du sexe au coin de la rue », selon le très sérieux quotidienDieWelt, « deplus enplus deprostituées retournent faire le trottoir », atteste Monika Heitmann. « Ce qui les vulnérabilise davantage, témoigne Marion Detlefs. Au moins, dans une maison close, elles appartiennent à une structure, et bénéficient d’une certaine solidarité. Dans la rue, la concurrence est plus féroce que jamais, les Polonaises et les Bulgares sont accusées de fairebaisser les tarifsetde ruiner lemétier. » Alors, aujourd’hui, Samanta, 34 ans « préfère arrêter, et travailler à nouveau comme vendeuse ». Son revenu, affirme-t-elle, a chuté de 60 % par rapport à ce qu’elle gagnait il y a dix ans. « Cela n’a pas de sens de continuer », en conclut-elle. « Il est clair que les sommes que l’on pouvait gagner il y a vingt ans dans ce secteur n’ont plus cours. Mais le métier existera toujours », veut croire Anke Christiansen, une ancienne prostituée âgée de 54 ans, qui, en 2003, a fondé avec deux copines à Hambourg le Geizhaus, le tout premier bordel discount du pays. Lequel affiche fièrement son slogan : « C’est l’avarice qui rend lubrique. » Lequel sonne singulièrement bien avec l’esprit du temps. p Lorraine Rossignol 4 Planète 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 La pandémie de grippe A « Notre stratégie est de retarder la diffusion du virus » Le directeur général de la santé, Didier Houssin, explique pourquoi la France ne relève pas son niveau d’alerte Entretien D irecteur général de la santé, Didier Houssin est délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire. A ce titre, il est au cœur de la réponse à la pandémie de grippe A (H1N1), en France et danslemonde.Ilparticipeàlacoordination des actions à l’échelle européenne et pour le G7. Il évoque les conséquences de l’annonce, vendredi 11 juin, d’une situation de pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pourquoi la France n’a-t-elle pas modifié son niveau d’alerte ? 30 000 cas dans le monde Dernier bilan Le décompte des cas de grippe A(HIN1) confirmés de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’établissait à 29 669, dont 145 morts, vendredi 12 juin. Les pays les plus touchés restent les Etats-Unis (13 217 cas, 27 morts), le Mexique (6 241 cas, 108 morts) et le Canada (2 978, 4 morts). Accélération au Sud L’Australie (1 307 cas), le Chili (1 694), au seuil de l’hiver austral, sont désormais en première ligne. En Argentine (343 cas), l’épidémie progresse. sonttouchés,laquestiondelafermeture se posera au niveau de cet établissement : nous n’allons pas fermer toutes les écoles. Si le processus épidémiologiques’installesur leterritoire, la mesure sera appliquée plus massivement. L’OMS a une vision mondiale. Au vu de l’extension géographique de la grippe A (H1N1), elle a considéré, à juste titre, qu’il s’agissait d’une pandémie, en rappelant que, pour l’instant, elle était modérée. Chaque pays connaît une situation locale différente et met en œuvre les mesures adaptées. En France, il n’y a pas de circulation active du virus. Nous avons peu de cas et aucun n’est grave. Nous restons donc en phase 5 A, mais nous accélérons le travail préparatoire à un éventuel changement important dans la situation. Comment déterminerez-vous qu’il convient de relever le niveau d’alerte ? La situation épidémique est suivie quotidiennement par l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui joue le rôle de vigie. Nous possédons différents capteurs pour la surveillance. Tout d’abord, il y a le signal spontané émanant de voyageurs recevant à leur arrivée dans les aéroports français une invitation à se manifester en cas de symptômes. Cette disposition va être élargie aux ports et aux garesayantdesliaisonsinternationales. Nous invitons à la vigilance les professionnels de santé œuvrant dans les hôpitaux, en milieu scolaire et universitaire, dans des collectivités. Là où les gens sont rassemblés, il est plus facile de repérer les cas grou- Comment définiriez-vous la stratégie prévue ? Quelle logique suivront les autorités dans la mise en œuvre de ces mesures ? C’est une stratégie de retardement. Nous savons que le virus est entréenFranceet commentill’a fait. Nous voulons retarder sa diffusion pour mieux nous préparer. Si le virus commence à circuler dans la collectivité, comme c’est le cas au Royaume-Uni, cela peut amener à passer à une stratégie de « mitigation » [atténuation], visant à limiter l’extension de l’épidémie à l’intérieur du pays. L’accroissement du nombre de malades sollicitera les capacités du système de santé à prendre en charge de nombreux malades. Et si nous passionsà un degréplus élevé, il faudra assurer la continuité des activités sociales, économiques… Notre stratégie s’appuie sur plusieurs lignes de défense. Dans la boîte à outilqu’est leplan national « pandémie grippale », les nombreuses mesures sont systématiquement examinées et seront retenues ou non. Si dans un établissement scolaire, un nombre important d’enfants Avez-vous établi des seuils de déclenchement pour certaines Didier Houssin. DR pés. L’InVS s’appuie également sur un réseau de médecins sentinelles et ceux du réseau des groupes régionaux d’observation de la grippe (GROG). Enfin, nous bénéficions d’un dispositif indirect de dépistage avec le signalement d’un nombre inhabituellement élevé de passages aux urgences hospitalières. Si ce dispositif de surveillance décèle des cas groupés traduisant une circulation importante du virus dans la collectivité, des mesures seront activées. Le H1N1 prive les enfants hongkongais d’école La détection d’un premier foyer infectieux a entraîné la fermeture de 1 800 établissements mesures, en quantifiant, par exemple, le nombre de cas au-delà duquel telle ou telle disposition serait prise ? Non. L’augmentation des cas est inéluctable, mais les Etats-Unis par exemple ont abandonné la comptabilité des cas pour privilégier la prise en compte des épidémies ponctuelles dans les écoles ou les entreprises, et l’impact sur le système de soins. Ce sont des signaux qui sont plus facilement mis en évidence. « Nous devons gérer le quotidien, accélérer la préparation, mais aussi “penser l’impensable” » Avez-vous élaboré des scénarios sur ce qui pourrait se passer ? Dans les pays les plus touchés comme le Mexique, la situation s’améliore. La vague actuelle est modérée et devrait s’éteindre dans l’hémisphère Nord cet été, mais le scénario le plus plausible est une reprise avec une deuxième vague à l’automne, et la possibilité d’une modification de la virulence du virus. Il s’agit d’un virus nouveau, contre lequel la population mondiale n’est pas immunisée. De plus, cer- taines populations semblent plus vulnérables.DansleManitoba(Canada), les Inuits paraissent plus sévèrement touchés avec 20 personnes hospitalisées en réanimation. Nous devons donc à la fois gérer le quotidien, accélérer la préparation, mais aussi « penser l’impensable », commeledit l’expertdelagestion desrisques Patrick Lagadec [Le Monde du 8 juin]. Néanmoins, la directrice générale de l’OMS [Margaret Chan] a raison de souligner que jamais une pandémie et son agent n’ont été mis en évidence si précocement. Comment déterminerez-vous la stratégie vaccinale contre la grippe A (H1N1) ? Les vaccins contre le virus A (H1N1) vont arriver par livraisons progressives et non en bloc. Nous ne pourrons pas vacciner immédiatement toutes les personnes qui doivent l’être. Nous devons donc identifier dans le temps quelles sont les personnes à vacciner en premier : a priori celles qui sont le plus menacées, en fonction de leur âge, de leur situation (grossesse) ou de leurs pathologies. Nous devons avoir pour but d’assurer la continuité des activités essentielles. Nous nous appuierons sur un avis [n˚ 106] du Comité consultatif national d’éthique sur ce sujet.p Propos recueillis par Paul Benkimoun Au Chili et en Argentine, l’hiver favorise l’épidémie Le nombre de cas de grippe a récemment augmenté, créant une panique à Buenos Aires Buenos Aires Correspondante A Contrôle de la température, jeudi 11 juin, à la veille de l’annonce de la fermeture des écoles à Hongkong. REUTERS Hongkong Correspondance D éfiant les consignes sanitaires, le centre d’attractions Hongkong Disneyland a mis en vente, vendredi 12 juin, des passes à entrées multiples au prix d’une entrée simple pour les enfants de 3 à 11 ans, et ce jusqu’au 30 juin. Un opportunisme déplacé, vite condamné par les autorités médicales et certains députés. Le gouvernement d’Hongkong avait en effet décidé, la veille, la fermeture immédiate des quelque 1 800 jardins d’enfants et écoles primaires de la région administrative spéciale d’Hongkong, suite à la découverte du premier cas collectif d’infections dans le lycée SaintPaulà Causeway Bay, l’un des quartiers les plus denses et fréquentés de l’île, Causeway Bay. Une étudiante de 16 ans, son petit frère et sa mère qui présentaient aussi des symptômes, et onze camarades de classe chez qui le virus de la grippe A(H1N1) a été identifié ont tous été hospitalisés jeudi. La veille, Hongkong déclarait avoir identifié son premier cas de transmission locale chez un homme de 55 ans qui n’avait pourtant pas voyagé récemment. Le virus a donc désormais échappé à la traque minutieuse qui avait permis d’identifier et d’isoler 63 cas, tous importés. Les autorités d’Hongkong se sont d’ailleurs plaintes de recevoir nombre de malades, essentiellement en provenance des EtatsUnis, qui auraient pu ou dû être identifiés avant même leur départ vers l’île. Selon le secrétaire hongkongais de la santé, le docteur York Chow, Hongkongvadoncpasserdelaphase d’« endiguement » à la phase de « mitigation » dans sa lutte contre la grippe porcine. Jusqu’à présent, tous les patients identifiés ont été placés en isolement, leurs contacts ont été mis en observation ou en quarantaine et soignés au Tamiflu à titre préventif. Pédagogie par Internet Ces mesures sont désormais peine perdue. Les efforts vont se concentrersur les « vrais » malades et les cas les plus atteints. Huit centres médicaux ont été désignés « centres de la grippe », et dix-huit autres pourraient suivre. En fermant les crèches et les écoles primaires, le gouvernement souhaite protéger les plus jeunes enfants, deux fois plus vulnérables, selon le ministre de la santé, mais aussi éviter la propagation du virus qui y est traditionnellement plus rapide qu’ailleurs. Environ 1 100 élèves du lycée français Victor-Ségalen sont donc restés chez eux, vendredi matin. « Un accompagnement pédagogique par Internet a été mis en place », indique le proviseur Francis Cauet. Si dans les foyers les plus aisés ou expatriés, il est fréquent d’avoir du personnel à demeure, la fermeture subite et généralisée des crèches et écoles primaires, non assorties de mesures d’accompagnement, est un véritable cassetête pour les familles où les deux parents travaillent et qui n’ont pas d’aide à domicile. D’autant que le gouvernement demande que les enfants restent chez eux, évitent aires de jeux et centres commerciaux. p Florence de Changy quelques jours de l’arrivée de l’hiver austral, les pays d’Amérique du Sud sont frappés par l’épidémie de grippe A (H1N1). Le plus touché est le Chili, avecdeuxmortset1 694personnes infectées. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché, jeudi 11 juin, le niveau 6 d’alerte,marquantlareconnaissance du caractère pandémique de la grippe, la présidente Michelle Bachelet s’apprête à signer un décret pour accorder des pouvoirs extraordinaires au ministère de la santé. Ils’agit de coordonner la vigilance médicale et de décréter éventuellement la fermeture d’écoles, la suspension de concerts ou de rassemblements. Desexperts américains, du centre de préventions des maladies d’Atlanta, sont à Santiago pour évaluer l’évolution de l’épidémie. En Argentine, la psychose a gagné la population après la détection de 343 cas de grippe A (H1N1) à Buenos Aires et dans plusieurs provinces de l’intérieur du pays. En une seule journée, jeudi, les cas confirmés sont passés de 25 à 62. Plus de 1 000 doivent encore être analysés. Pour la ministre de la santé, Graciela Ocaa, l’épidémie est cependant modérée : la majorité des maladesguérissentsansêtrehospitalisésetquelescasgravessontproportionnels à ceux engendrés par la grippe saisonnière. La ministre est convaincue que la suspension des vols aériens avec le Mexique et la fermeture d’écoles ont freiné la propagation du virus, à la différence du Chili ou de l’Australie qui ont enregistré plus de 1 300 cas. Malgré les appels du gouvernement argentin à ne pas céder à la panique, les hôpitaux publics, et notamment celui des enfants malades Ricardo-Gutierrez, à Buenos Aires, sont débordés par des centaines de consultations par jour. Les visites médicales à domicile ont été restreintes aux enfants en bas âge et aux patients de plus de 65 ans, le nombre de médecins étant insuffisant pour satisfaire les quelque 12 000 appels quotidiens enregistrés concernant des affections respiratoires. Trentedeux établissements scolaires, où des cas confirmés de grippe liés au nouveau virus ont été détectés, ont été fermés pour quinze jours. Dans ceux qui restent ouverts, la psychose engendre un absentéisme record, allant jusqu’à 45 %. Un vaccin en septembre « La maladie n’est pas cantonnée aux écoles, elle s’est désormais propagée dans toute la communauté », note le recteur de l’Institut supérieur de sciences de la santé, Claudio Santa Maria. Il craint que l’Argentine, avec l’arrivée de l’hiver, ne souffre d’une propagation encore plus importante de l’épidémie. « Il faut être en alerte sans pour autant surestimer le virus », juge pour sa part l’infectiologue Jorge San Juan, de l’hôpital publicMuñiz à Buenos Aires. Il rappelle qu’en 2008, 3 600 personnes sontmortes de la grippe saisonnière sur un total d’un million de malades. « La décision de l’OMS se justifie parce qu’il y a une propagation du virus dans de nombreux pays », souligne Marcelo Blumenfeld, membre de la Société argentine d’infectiologie. Il ajoute toutefois que « cela n’implique pas une gravité majeure et que les gens ne doivent pas s’affoler ». « Il s’agit d’une grippe comme une autre, estime l’infectiologue Victor Rosenthal. Il faut la traiter comme les autres maladies infectieuses mais sans exagérer la situation. » Selon lui, « le scénario peut se compliquer quand le virus touche des patients atteints de maladies chroniques, comme cela arrive tous les ans avec la grippe saisonnière ». Le docteur Rosenthal, qui revient des Etats-Unis où la production d’un vaccin devrait être prête en septembre, souligne que l’hiversera alors terminé en Argentine : « Il sera donc trop tard. » p Christine Legrand Planète 5 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Les ordures, source La déforestation de l’Amazonie, mirage économique pour les Brésiliens de pollution et de La hausse du niveau de vie liée au passage à l’agriculture n’est que temporaire matière secondaire du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive au CNRS de Montpellier. Mieux mettre en valeur les régions déboisées. Et surtout réduire la déforestation, promouvoir la reforestation dans les zones dégradées, encourager les populations forestières à mener des activités de développement durable. » Par exemple en rémunérant les services rendus à l’écosystème par les habitants de la forêt, comme cela commence à se faire au Brésil. Rio de Janeiro Correspondant N on seulement la déforestation progressive de l’Amazonie a des conséquences néfastes sur l’environnement du Brésil et de la planète, mais elle ne profite guère à moyen terme, économiquement et humainement, aux populations qui y participent ou qui l’accompagnent en s’implantant dans les régions déboisées. Telle est la conclusion essentielle d’une étude de terrain conduite par une équipe internationale de six chercheurs et publiée, vendredi 12 juin, par la revue américaine Science. Selon les auteurs de l’enquête, le déboisement entraîne, au stade initial, une amélioration du sort des populations locales, qui se reflète dans l’indice de développement humain (IDH). Cet indice, adopté par les Nations unies, est calculé à partir de trois critères : l’espérance de vie, le niveau de vie et le taux d’alphabétisation. Il progresse aussi vite, ou plus vite, le long de la frontière du déboisement que la moyenne nationale brésilienne. Mais, à mesure que cette frontière se déplace, les progrès du développement humain s’amenuisent : ce dernier retrouve dans les régions déjàdéboisées un niveau comparable – et bas – à celui qu’on enregistre dans les zones non déboisées. La déforestation et l’extension de l’agriculture et de l’élevage aux dépens de la forêt attirent sur la frontière des « migrants » en tout genre – gros fermiers, petits « colons », paysans sans terre, forestiers, commerçants, chercheurs d’or – en quête de profits ou simplement d’une vie meilleure. L’arrivée de ces Brésiliens, moins démunis que la population locale, contribue partiellement aux progrès de l’IDH. Mais nombre d’entre eux sont aussi plus pauvres et moins éduqués que la moyenne nationale. Le boom du développement tient donc surtout à l’exploi- Une parcelle de forêt primaire d’Amazonie cernée de culture extensive de soja. JOHN LEE/CORBIS tation des ressources naturelles, facilitée par un meilleur écoulement des produits grâce aux nouvelles routes goudronnées, et à l’implantation du réseau gouvernemental éducatif et sanitaire. Ces progrès sont pourtant éphémères. L’IDH baisse assez vite dans les localités des régions déboisées, en phase avec le déclin de productivité des activités économiques qu’entraîne, par exemple, l’épuisement des ressources en bois ou la dégradation des pâturages. Au début des années 1990, rappelle l’étude, plus de 75 % des terres déboisées en Amazonie étaient vouées à l’élevage, et plus d’un tiers ont déjà été abandonnées. Cette enquête porte sur 286 municipalités, à divers stades de déforestation, qui regroupent l’immense majorité du territoire et de la population amazoniens. Elle s’arrête en 2000, année des derniers chiffres de recensement connus. Conclusion de l’étude : « L’actuel mode de développement de l’Amazonie est très loin d’être désirable, qu’il s’agisse des hommes ou de la nature. » Que faire ? « Il faut combiner les approches, explique l’un des auteurs de l’étude, Ana Rodrigues, Liste de multinationales Dans un récent rapport, Greenpeace soulignait que l’élevage intensif de bovins est responsable de 80 % de la déforestation. Selon l’organisation écologiste, « au cours des dernières années, un hectare de forêt a été détruit toutes les 18 secondes en moyenne par les éleveurs de bétail ». Le Brésil est devenu le premier exportateur de viande de bœuf, avec un tiers du tonnage mondial. Greenpeace reproche au gouvernement de doper l’élevage en aidant financièrement les grandes entreprises du secteur et de fermer les yeux sur les exploitations illégales. Elle cite une longue liste de multinationales, acheteuses de produits provenant d’exploitations impliquées dans la déforestation illicite. Un vif débat oppose actuellement écologistes et exploitants ruraux à propos d’un projet de loi sur le point d’être voté sur la régularisation foncière en Amazonie. Dans son principe – donner une garantie juridique aux agriculteurs,notamment les plus vulnérables –, le texte fait l’unanimité en sa faveur. Mais les écologistes, soutenus par le ministre de l’environnement, Carlos Minc, accusent les parlementaires d’avoir défiguré le projet en introduisant plusieurs clauses jugées trop favorables à l’agrobusiness. Le ministre espère que le président Luiz Inacio Lula da Silva tranchera en sa faveur. p Jean-Pierre Langellier Un ouvrage sur les déchets décrit le marché mondial du recyclage : 300 milliards d’euros P lus on est citadin, plus on fabrique des ordures. Plus on est riche aussi. Rien ne vaut de se voir rappeler cette règle qui régit les montagnes de déchets que l’humanité produit en toujours plus grande quantité. Au minimum 4 milliards de tonnes ont été recensés sur la planète, en 2006, par Catherine Gallochet et Philippe Chalmin, du groupe Cyclope, qui publie Du rare à l’infini, panorama mondial des déchets (Ed. Economica, 456 p., 59 ¤) – « mondial » pour la première fois – en partenariat avec Veolia, le numéro un du nettoyage. Pas facile de recenser ces détritus. Catherine Gallochet reconnaît qu’il manque au tableau « le bâtiment et les travaux publics, l’agriculture, la forêt et les mines », ce qui n’est pas rien. Cantonnonsnous aux déchets « municipaux », c’est-à-dire des particuliers (1,7 à 1,9 milliard de tonnes) et des déchets industriels non dangereux (1,2 à 1,67 milliard), le reste n’étant qu’estimé en raison des innombrables décharges sauvages et des statistiques flageolantes du Caire à Tananarive et de Manille à Naples. Ce sont les Etats-Unis qui jettent le plus, soit 760 kg de déchets municipaux par habitant et par an, et l’Inde le moins, avec 82 kg. En 2005, les Chinois sont devenus en chiffres absolus les premiers producteurs mondiaux de détritus municipaux ou industriels avec 300 millions de tonnes : on ne devient pas impunément l’usine du monde. Comment s’en débarrasser ? La décharge, l’incinération, le recyclage ou le compostage ? Cela dépend de l’histoire et de la géologie. La Grande-Bretagne, pays argileux, mettait tout en décharge ; elle veut maintenant abandonner cette pratique en la rendant la plus chère du monde, soit 70 euros la tonne. Le Japon brûle à tout-va, car il n’a guère d’espace. La France pratique toutes les techniques. La ville la plus en pointe, car elle recycle comme aucune autre, est Portland (Oregon, Etats-Unis). Mais les ordures ne sont pas seulement une source de pollution. Elles se muent chaque année un peu plus en « matières secondaires ». En effet, dans un monde où la rareté s’affirme chaque jour, note Philippe Chalmin, il faut « les traiter comme une ressource ». Cela veut dire recycler les « fibres Ce sont les Etats-Unis qui jettent le plus, soit 760 kg de déchets municipaux par habitant et par an cellulaires de récupération », ce vieux papier qui entre désormais pour 60 % dans la fabrication du neuf. Même chose pour les métaux : la moitié du cuivre produit vient du recyclage. Leprix de cesmatières secondaires a suivi l’effondrement de celui des matières premières. En un an, le prix de la tonne de vieux papier est tombé de 250 dollars (178 euros) à 50 dollars (35 euros) et celui de la ferraille, de 650 à 130 dollars. Ce n’est pas une raison pour déserter un marché de 300 milliards d’euros et qui se remettra vite de sa déprime. Denis Gasquet, directeur général de Veolia Propreté, se dit « frappé de constater que, dans cette crise, c’est la première fois que l’environnement est considéré non comme un problème, mais comme la solution ». Pourvu que cela dure ! p Alain Faujas « Elaborer la politique maritime de la France pour les trente à cinquante prochaines années » Biotechnologies Le journal de bord du Grenelle de la mer par Isabelle Autissier Des scientifiques consultés par l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) ont émis pour la première fois des réserves sur l’innocuité de l’Amflora, la pomme de terre génétiquement modifiée conçue par le groupe de chimie allemand BASF, a indiqué l’EFSA, jeudi 11 juin. Parmi les 42 experts consultés, 40 ont émis un avis positif. Mais Christophe Ngyuen-Thé et Ivar Vagholm ont estimé qu’il serait « imprudent » de minimiser des effets négatifs sur la santé et jugé « probables » des conséquences de la culture de cette pomme de terre sur l’environnement par la dissémination. Le groupe BASF souligne que les désaccords sont « minoritaires ». Greenpeace salue « cette opinion sans précédent et la reconnaissance du manque de certitudes au sein de la communauté scientifique ». L’Amflora est renforcée en amylopectine, un composant de l’amidon utilisé pour fabriquer des textiles, du béton ou du papier. – (AFP.) p Après deux mois et demi de débats et quelques nuits blanches, voilà donc quatre rapports sur la table du ministre pour répondre à la commande de ce Grenelle de la mer : élaborer la politique maritime de la France pour les trente à cinquante prochaines années. Premier constat : pour la première fois de notre histoire, tous les acteurs du maritime étaient réunis autour d’une même table et, à en juger par l’enthousiasme des débats, on se demande pourquoi il a fallu tant de siècles… Deuxième constat : malgré des thématiques différentes, les conclusions se recoupent étonnamment. La première de ces lignes de force transversale, c’est la connaissance. Pour ce qui constitue 70 % de notre planète, dans ce pays qui est le deuxième en termes de surface maritime, dans ce siècle qui est celui du savoir et malgré des scientifiques de talent, nous sommes des nains. Or aucune politique ne peut se faire, aucun conflit ne peut se résoudre, aucun avenir ne peut se dessiner sans une connaissance physique, biologique, technique et humaine. L’effort à faire est grand en personnes et en crédits, mais les fruits en termes de régulation et d’emplois seront à la hauteur. Il passe aussi par des mutuali- Y sations et une prise en compte des savoirs professionnels. La deuxième, plus bizarre dans un pays prétendument porté à l’incivilité et à propos de cet espace symbole de liberté, c’est la demande de contrôles et de renforcement des règles. Loi littoral, droits de pêche et d’exploitation ou d’utilisation du domaine maritime, répression des pollutions et des trafics, la pression d’un nombre grandissant d’acteurs et l’irruption du besoin de protection de la nature obligent à une gestion au plus près et à une garantie d’équité que seule donne la loi. La troisième grande transversalité est celle de la biodiversité, de son potentiel, de sa fragilité et de sa nécessaire protection. Plus aucune action de l’homme ne peut passer à côté de cette nouvelle évidence, surtout pas quand on parle de mer. Au-delà de l’indéniable coté « mode » du respectueux et du durable, c’est l’idée que la nature peut s’apprécier aussi comme un patrimoine et ses services comme des valeurs. Bien entendu, ce n’est pas de marchandisation de la nature que je parle, mais de son contraire qui est d’en finir avec l’idée de la gratuité des services écologiques et surtout la nonprise en compte des dégradations qui affectent de plus en plus le « capital-nature ». AFP Quatrième convergence : la « méthode Grenelle » peut et doit se retrouver dans la gouvernance des espaces marins. Ceux qui se sont séparés en ce début juin ont pu mesurer le chemin qu’ils ont parcouru en si peu de temps au contact des autres. Même si des divergences demeurent, une notion pas si vieillotte que cela de bien commun a connu une mise en pratique plutôt efficace. Pour que la loi, appelée des vœux de tous, soit appliquée, les partenaires savent qu’au quotidien sa déclinaison devra continuer à concerner tout le monde. Cinquième convergence : il n’a jamais été autant question de décloisonnement et de mise en réseau. Dans tous les secteurs du maritime, des choses se font, mais chacun de son côté, sans ou contre les autres. Que l’on parle de connaissances, de formations, de nouvelles technologies, de gestion des espaces naturels, beaucoup d’éléments du puzzle ne demandent qu’à entrer en synergie. Cela suppose juste un peu de volonté et d’organisation, pour décupler l’action. Last but not least, l’outre-mer prend une place centrale. Selon la jolie expression du groupe 3, « l’archipel France » force à changer d’optique sur l’importance de ces « confettis d’empire », souvent relégués au rang de terres à tourisme. M. le ministre nous a dit que « la mer va sauver la terre ». Mais notre mer à nous est à 80 % là-bas ! Et maintenant place au débat public. Pendant trois semaines, chaque Français peut donner son avis. Profitez-en ! » p Isabelle Autissier Première femme à avoir réussi un tour du monde à la voile en compétition, la navigatrice est vice-présidente du groupe de travail du Grenelle de la mer consacré à « la délicate rencontre entre la terre et la mer ». Pendant toute la durée de ces travaux, qui devraient s’achever au début de l’été, elle livre au « Monde », chaque fin de semaine, son journal de bord. Celui-ci n’engage qu’elle-même, et aucunement les autres participants. Les scientifiques en désaccord sur une pomme de terre transgénique Agriculture Cinq fois plus de surfaces agricoles en France converties au bio En France, les surfaces agricoles qui ont commencé à se convertir au bio en 2009 sont « cinq fois plus importantes qu’en 2008 », selon un communiqué du ministère de l’agriculture diffusé vendredi 12 juin. L’objectif est de tripler d’ici à 2012 les terres dédiées à l’agriculture biologique, soit un passage de 2 % à 6 % des surfaces agricoles. En 2009, 63 000 hectares ont entamé ce processus, ce qui permet d’augmenter la surface bio de 10 %. Environ 150 000 hectares sont en cours de conversion. Ils s’ajoutent aux 500 000 hectares actuellement cultivés en bio. Le nombre d’exploitations est, lui, en augmentation de 15 %, passant de 13 300 à 15 200 en une seule année, précise-t-on au ministère. Des aides nationales et européennes sont allouées aux agriculteurs décidant de convertir leurs terres, pour un total de 58 millions d’euros en 2009, soit un montant moyen de 200 euros par hectare et par an pendant cinq ans. – (AFP.) p Climat Les académies des sciences appellent à réduire la part de l’homme dans le réchauffement Avant le sommet du G8 qui se tiendra du 8 au 10 juillet à L’Aquila (Italie), les académies des sciences des pays du G8 + 5 (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et Mexique) ont adressé, jeudi 11 juin, à leurs dirigeants respectifs une déclaration commune sur « le changement climatique et les transformations des technologies de l’énergie pour un avenir à bas carbone ». Cette déclaration est assortie de huit recommandations. (www.academie-sciences.fr/actualites/nouvelles.htm) 6 International 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Election en Iran : M. Ahmadinejad donné vainqueur Le candidat Mir Hossein Moussavi, appuyé par les réformateurs, dénonce des « fraudes » et des « exactions » L e président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, a toutes les chances d’être déclaré officiellement vainqueur, samedi 13 juin, de l’élection présidentielle iranienne qui s’est tenue la veille, avec une passion, une hargne et une participation (plus de 75 %) rarement égalées. Très tôt samedi, avec près de 90 % des votes dépouillés, M. Ahmadinejad était crédité de 64,88 % par le président de la commission électorale au ministère de l’intérieur. Un score écrasant, bien peu en rapport avec tous les calculs prévisionnels effectués jusque-là et les déclarations au sortir des urnes. Celui qui, au long de la campagne, était devenu son plus sérieux rival, l’ex-premier ministre Mir Hossein Moussavi, soutenu par ce qui semblait être une « vague verte » (symbole de la campagne) réformatrice, qui avait rassemblé de nombreux jeunes et des femmes, n’obtiendrait qu’un peu plus de 30 %. Les deux autres candidats, le réformateur Mehdi Karoubi, ex-président du Parlement, et le conservateur modéré Mohsen Rezai, ex-chef historique des Gardiens de la révolution, feraient justede la figurationavec moins de 2 % chacun. « La différence entre le nombre de votes obtenu par Ahmadinejad etceluirecueilliparsesrivauxesttelle que tout doute sur sa victoire sera interprété comme une forme d’humour par l’opinion publique », a déclaréaussitôtledirecteurdecampagne de M. Ahmadinejad, Mojtaba Samareh Hachémi. Sans attendre la proclamation officielle des résultats, M. Moussa- vi qui, dès vendredi après-midi, sur la foi des enquêtes d’opinion, avait lui aussi revendiqué la victoire, a dénoncé avec force une « manipulation » massive du scrutin et de nombreuses violations. Dans un communiqué lu à la presse, M. Moussavi, dont l’électorat réside surtout dans les centres urbains, a affirmé que ses partisans avaient « constatédans certainesvillescomme Chiraz, Ispahan et Téhéran, un manque de bulletins de vote ». « Nos représentants ont été écartés lors du dépouillement et certains de nos QG attaqués. Je poursuivrai, aveclesoutiendupeuple,lespersonnes à l’origine de ces actes illégaux », a-t-il ajouté. Débordements inquiétants De fait, les débordements inquiétants n’ont pas manqué. Selon le récit de témoins joints par téléphone à Téhéran, vers 17 h 30 heure locale, vendredi, un des deux quartiers généraux de campagne de Mir Hossein Moussavi, celui qui était animé par l’ex-président réformateur Mohammad Khatami à Qetarieh, au nord de Téhéran, a été attaqué par des miliciens bassidjis, fervents soutiens de M. Ahmadinejad et des membres des forces de sécurité. Ils ont détruit les ordinateurs à coups de bâton et dispersé les militants avec des gaz lacrymogènes et des bombes au poivre. Sur place, Abdullah Ramazanzadeh, ancien porte-parole de M. Khatami, a exigé un document officiel aux policiers qui fermaient les locaux et posaient des scellés. Dans la soirée, quatre journaux auraient été fermés : Donya Ehtes- Des Iraniennes patientent pour voter, vendredi 12 juin, dans la ville sainte de Qom, à 150 km au sud de Téhéran. KAMRAN JEBREILI/AP sad, Asr-e Ehtessad, Farhang-e Ashtiet Qalam-eSabz, dontledirecteur n’est autre que Mir Hossein Moussavi. Plusieurs sites Internet ont aussi été fermés, dont Qalam, lesiteducandidatMoussavi,et l’envoi de SMS entravé. Une attaque similaire a eu lieu vers 1 h 30, samedi matin, au siège du centre d’information de la campagne Moussavi, qui sert aussi de salle de rédaction pour son agence de presse Qalam News et son site, rue Zartocht. Des bassidjis ont détruit les ordinateurs, puis des scellés, là aussi, ont été posés. Les dizaines de partisans de M. Moussavi qui se trouvaient là ont été dis- persésviolemment. « C’est uncoup d’Etat », ont-ils estimé. Vers 3 heures du matin, on pouvait observer des bassidjis motorisés, dévalant les rues de Téhéran, agitant des drapeaux iraniens et criant « Moussavi, bye bye, », pour se moquerdu slogan« Ahmadi,bye bye » que des centaines de milliers de Téhéranais ont entonné chaque soir de la campagne. Des dizaines de convois des forces de l’ordre d’une quarantaine de véhicules chacun, escortés par des escouades de bassidjis à moto, avaient envahi lesgrandsaxesdela capitale.Latension était palpable. p Marie-Claude Decamps Discours attendu de M. Nétanyahou sur sa politique vis-à-vis des Palestiniens Le premier ministre israélien n’entend pas s’opposer à la croissance naturelle des colonies, malgré les demandes de Washington aaa Suite de la première page Va-t-il ou non prononcer les mots magiques qui vont permettre de relâcher la tension croissante entre les Etats-Unis et Israël à propos du règlement du conflit israélo-palestinien ? De quelles conditions va-t-il assortir son adhésion éventuelle à ces deux principes fondamentaux sans lesquels l’Autorité palestinienne refusera de renouer le dialogue ? Saëb Erakat, le responsable palestinien des négociations, a d’ores et déjà mis en garde contre des « acrobaties linguistiques ». Les Palestiniens et les Américains attendent du concret. L’heuredevérité asonné. Du discours du 14 juin devra clairement transparaître la volonté de paix du gouvernement israélien. L’avenir des relations avec son allié américain en dépend mais aussi le relâchement de la tension au ProcheOrient sur lequel M. Obama comp- L'Union européenne reçoit Avigdor Lieberman L’Union européenne (UE) doit recevoir, lundi 15 juin, le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, au lendemain d’un discours très attendu du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, dont les Européens espèrent qu’il s’orientera vers l’acceptation d’un Etat palestinien. Avant l’arrivée de M. Lieberman à Luxembourg, les ministres des affaires étrangères de l’UE devaient débattre de la situation au Proche-Orient et de leurs relations avec Israël. A la fin de l’année 2008, les Européens avaient décidé d’approfondir leurs relations avec Israël, mais cette démarche a été gelée de facto après l’offensive israélienne contre Gaza menée en décembre 2008 et janvier 2009. – (AFP.) te pour négocier avec l’Iran et affaiblir les mouvements radicaux comme le Hamas et le Hezbollah. Pour ce discours capital, Benyamin Nétanyahou a beaucoup consulté afin de définir jusqu’où il pouvait aller sans risquer de faire éclater sa coalition, tout en satisfaisant les exigences américaines et les attentes européennes. Shimon Pérès, le président d’Israël, lui a 56 % des Israéliens appuient la poursuite des constructions de colonies conseillé de se raccrocher à la « feuille de route » – le plan de paix international de 2003 qui n’a jamais abouti – et de proposer la création d’un Etat palestinien avec des frontières temporaires, ce que les Palestiniens refusent. Lors d’une réunion du Likoud, mercredi 10 juin, M. Nétanyahou a eu un avant-goût des lignes rouges à ne pas franchir. « Les Palestiniens ne veulent pas d’une solution à deux Etats, mais d’une solution à deux étapes à l’issue desquelles il n’y aurait plus qu’un seul Etat, celui de l’OLP-Hamas », a averti Benny Begin, ministre sans portefeuille et fils de l’ancien premier ministre MenahemBegin.« Nousnevoulons pas établir un autre Etat qui, un jour, sera le bras long de l’Iran », lui a fait écho Uzi Landau, ministre des infrastructures. Le député Miri Regev a fait remarquer que M. Obama n’était pas seul à détenir le pouvoir, qu’il y avait aussi la Chambre des représentants et le Sénat. A l’inverse, le ministre sans portefeuille Yossi Peled a proposé de contre-attaquer et d’imposer des sanctions aux Etats-Unis pour avoir exigé d’Israël une politique nouvelle. D’autres voix se sont élevées pour assurer queleprincipede« deuxEtatspour LIBAN GOLAN Mer Méditerranée SYRIE Tel-Aviv CISJORDANIE BANDE DE GAZA Jérusalem Mer Morte Gaza ISRAËL ÉGYPTE JORDANIE 50 km deux peuples » n’était plus une solution,quececonceptétaitdépassé,commeceluidelapaixenéchange de la terre. L’ex-chef de cabinet de « Bibi », Uri Elitzur, estime « qu’après avoir tout essayé, l’annexion est la meilleure des solu- tions. Nous donnerons la citoyenneté israélienne à tous les Palestiniens ». Actuellement journaliste dans un journal de droite, il affirme nepascraindrelamenacedémographique palestinienne et suggère de rédiger une Constitution dans laquelle le caractère juif de l’Etat d’Israël serait inscrit. Un point sur lequel M. Nétanyahou n’a pas l’intentiondetransigerendépitdel’opposition des Palestiniens. Le premier ministre n’a pas non plus l’intention de renoncer à la croissancenaturelledans lesprincipaux blocs de colonies, ce qui permettrait à ces communautés de continuer à se développer. Et cela malgré l’opposition nettement formulée par Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, qui a exigé que les constructions stoppent « sans exception », afin de ménager la possibilité de créer un Etat palestinien viable et continu. Sur ce point, le premier ministre sesent soutenuparl’opinionpubli- que : 56 % des Israéliens souhaitent la poursuite des constructions, selon un sondage. M. Nétanyahou est d’accord pour ne pas créer de nouvelles colonies et pour démanteler une vingtaine d’implantations sauvages mais estime qu’il est « injuste » de ne plus construire dans les grands blocs de colonies qui, à l’avenir, pourront faire partie intégrante d’Israël. La question du gel des colonies sera indubitablement un test de la volonté du gouvernement israélien d’avancer sur le chemin de la paix. L’Autorité palestinienne a fait remarquer que, depuis le début du processus d’Annapolis, le 27 novembre 2007, il y avait eu une augmentation de 43 % des constructions en dépit des pourparlers de paix. Aujourd’hui, les Palestiniens ont décidé d’être fermes sur cette question vitale d’autant que la nouvelle administration américaine les soutient. p Michel Bôle-Richard L’Autorité palestinienne est au bord de la banqueroute Jérusalem Correspondant Afin de pouvoir payer les salaires du mois de mai des quelque 165 000 fonctionnaires de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad, le premier ministre palestinien, a été contraint de souscrire un emprunt de 530 millions de dollars (quelque 378 millions d’euros) auprès des banques. Cette somme est également destinée à pallier le déficit d’aide internationale depuis le début de l’année. « Nous faisons face à une crise financière aiguë », a averti M. Fayyad demandant aux donateurs de « tenir au plus vite leurs promesses ». En raison de l’arrêt des négociations avec Israël, de la guerre à Gaza, de l’arrivée au pou- voir dans l’Etat juif d’un gouvernement très axé à droite et par voie de conséquence du manque de perspectives politiques dû au blocage de la situation, les donateurs – principalement les nations arabes – se sont montrés extrêmement réticents à honorer leurs engagements. Au cours des cinq premiers mois de l’année, l’aide budgétaire s’est élevée à 328 millions de dollars, loin du 1,15 milliard de dollars attendu pour le budget 2009. « Notre besoin de financement extérieur pour le budget est estimé à environ 120 millions de dollars par mois. Au cours des cinq premiers mois, la moyenne a été de 70 millions, soit un déficit mensuel de 50 millions », a déclaré M. Fayyad, lors d’une réunion, à Oslo, le 8 juin, du comité ad hoc des bailleurs de fonds internationaux. L’Autorité palestinienne est donc au bord de la banqueroute. Selon Oussama Kanaan, représentant du Fonds monétaire international (FMI) pour la Cisjordanie et la bande de Gaza, l’Autorité palestinienne risque « une grave crise de liquidités » car elle a presque épuisé sa capacité d’emprunt. 40 % de chômeurs à Gaza Les 530 millions fournis par des banques privées ont permis à l’administration palestinienne de respirer un court instant. Mais en juillet, il faudra à nouveau payer les salaires des fonctionnaires et faire face à toutes les autres dépenses courantes. La masse salariale représente à elle seule 22 % du PIB, selon la Banque mondiale. « Une défaillance des donateurs aura de graves implications qu’aucun d’entre nous ne souhaite », a averti Jonas Gahr Stoere, ministre norvégien des affaires étrangères. En dépit des promesses effectuées, les nations donatrices se lassent face à l’absence de progrès. Lors de la réunion des donateurs à Paris, en décembre 2007, 7,7 milliards de dollars avaient été promis ; 3,3 milliards ont déjà été versés. Lors d’une seconde réunion, à Charm El-Cheikh, le 2 mars, après la guerre de Gaza, 4,5 milliards ont été promis pour aider à la reconstruction de ce territoire. Pour le moment, rien n’a été versé, Israël refusant toujours d’alléger le blocus et s’opposant à l’en- trée de fonds, craignant que cet argent ne profite au Hamas. La situation économique se dégrade. Le chômage est passé en 2008 de 18 % à 19 % en Cisjordanie et de 30 % à 40 % dans la bande de Gaza, selon un rapport de la Banque mondiale publié début juin. « Les progrès accomplis dans la levée des restrictions au cours de 2008 ont été pour le moins marginaux », note le rapport, qui souligne qu’« à cause du dispositif de sécurité israélien, l’économie palestinienne s’est anémiée, ce qui se traduit par un déclin des secteurs productifs et une augmentation du secteur public vers lequel la population se dirige en quête d’emploi et d’assistance pour faire face au chômage ». p M. B.-R. International 7 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 L’ONU durcit les sanctions à l’encontre de la Corée du Nord Pyongyang affirme qu’il n’abandonnera jamais son programme nucléaire New York Correspondant L es Etats-Unis s’inquiètent de voir la Corée du Nord se lancer dans une« nouvelle provocation » après la résolution adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU, vendredi 12 juin. Après le vote, leur ambassadrice aux Nations unies, Susan Rice, a estimé qu’« il ne serait pas surprenant » que le régime de Pyongyang, « étant donné sa propension à mener des actions irresponsables et dangereuses » réagisse aux sanctions aggravées qui lui sont imposées par « un nouvel acte de déstabilisation ». Comme elle, de nombreux diplomates à l’ONU craignent que la Corée du Nord procède rapidement à un troisième essai nucléaire ou à de nouveaux tirs de missilesbalistiques. Pour l’heure,Pyongyang a réaffirmé, samedi matin, que son programme nucléaire ne serait jamais abandonné. La résolution 1874 a été adoptée à la suite de l’essai nucléaire réalisé par Pyongyang le 25 mai, suivi du tir de cinq missiles – ces actes succédant à la dénonciation de l’accord d’armistice de 1953 avec la Corée du Sud. Le Conseil de sécurité y réitère sa demande à Pyongyang d’« abandonner tous ses programmes d’armement nucléaire de manière complète, vérifiable et irréversible », de réadhérer au traité de nonprolifération (TNP) et de signer le traité d’interdiction des essais nucléaires. En l’attente, cette résolution hausse le niveau des sanctions internationales contre le régime de Pyongyang. Elle lui impose un embargo élargi sur les armes et sur tout matériel pouvant être utilisé à des fins militaires. En particulier, elle instaure un régime renforcé d’inspection terrestre, maritime et aérienne sur toute cargaison soupçonnéede transporter de telsmatériels vers ou à partir de ce pays, y compris en haute mer. LaRussie et surtoutla Chine, initialement réticentes, ont accepté de voir figurer la possibilité d’arrai- sonner des navires en haute mer. Avant le vote, Pyongyang avait fait savoir qu’il jugerait ce type d’action comme un casus belli. Par ailleurs, la résolution 1874 renforce les sanctions financières, dont un appel aux organismes internationaux à refuser à la Corée du Nord toute aide nonhumanitaire. Un élargissement d’ici trente jours, de la liste des institutions et des personnalités nord-coréennes dont les avoirs à l’étranger sont gelés est également prévu. « Mordre où cela fait mal » Mme Rice a jugé ces mesures « dotées des dents qu’il faut pour mordre la Corée du Nord là où ça fait mal ». Ces forts propos masquent mal la perplexité dans laquelle cette nouvelle résolution plonge les observateurs. En premier lieu, parce que si la Russie et la Chine, réellement inquiètes face à l’évolution de la Corée du Nord, ont accepté une aggravation des sanctions, leur volonté d’appliquer celles-ci est jugée faible. Les deux pays ont d’ailleurs refusé d’en rendre l’application contraignante. L’ambassadeur chinois a appelé les autres pays à les appliquer « avec prudence ». Ensuite, cette résolution est liée à une « nouvelle provocation » de la part de Pyongyang. Une perspective qui paraît peu probable aux observateurs américains et sud-coréens. Pour beaucoup, la clé de l’évolution de la Corée du Nord réside à Pékin.Tant que la Chine,qui contribue pour les deux tiers à ses échanges commerciaux, ne « lâchera » pas son voisin, la probabilité de peser sur le régime restera faible. Dans un entretien au New York Times, un ex-négociateur en chef sud-coréen avec Pyongyang, Wi Sung-lac, estime qu’à terme, seul un « grand marchandage » permettrait d’obtenir un renoncement nord-coréen à l’arme atomiqueen contrepartie d’une aide économique de grande envergure et de garanties américainessuffisamment fiables quant au maintien du régime en place à Pyongyang. p Sylvain Cypel Une ONG chinoise publie un rapport mettant en cause la version officielle sur la révolte au Tibet en mars 2008 Ses auteurs, quatre chercheurs, évoquent « la marginalisation accrue » des Tibétains Shanghaï (Chine) Correspondant W e are not amused (« cela ne nous amuse pas ») : Elisabeth II pourrait faire sienne la boutade de son ascendant la reine Victoria, après la décision du territoire des Bermudes d’accueillir quatre Ouïgours détenus à Guantanamo. Chef d’Etat de cette colonie de la couronne située au large des côtes de Floride, Sa Majesté n’a guère apprécié l’asile donné aux quatre Chinois musulmans blanchis de tout soupçon de terrorisme. « Le gouvernement des Bermudes aurait dû nous consulter », a indiqué le Foreign Office en faisant écho au déplaisir royal. La Grande-Bretagne est en effet en charge des affaires étrangères et de la défense de cet archipel autonome fort de 70 000 habitants. Or le représentant de la reine, le gouverneur, a été mis devant le fait accompli. Les Etats-Unis n’ont pas jugé bon de prévenir la puissance tutélaire de leur décision de se débarrasser là des quatre ressortissants chinois d’ethnie ouïgoure réclamés par Pékin. Washington a négocié directement avec les autorités locales d’Hamilton, la capitale, en leur faisant valoir le poids de la présence économique américaine dans ce paradis fiscal spécialisé dans l’assurance des multinationales. Les touristes américains constituent la majorité des visiteurs de l’archipel. Les seuls signes de l’influence britannique sont l’effigie de la reine sur les billets de banque et la conduite à gauche. Enfin, l’administration Obama aurait promis d’aider les Bermudes, placées sur la liste « grise » de l’OCDE des pays non coopératifs dans la lutte contre « l’argent sale », à obtenir un certificat de bonne conduite. Le torchon brûle Après trois cents ans de relations harmonieuses, le torchon brûle entre la suzeraine anglaise et ses sujets antillais. Les îles Caïmans, autre centre offshore d’importance, ne pardonnent pas à Londres de s’être retrouvées sur la même liste du déshonneur à l’issue du sommet du G20, le 2 avril, présidé par le premier ministre britannique, Gordon Brown. La suspension, pour corruption, du gouvernement d’un autre confetti de l’empire, les Turks et Caicos, accusé de recyclage d’argent sale, a donné lieu à des accusations de néocolonialisme. Les efforts de la mère patrie pour nettoyer une autre « lessiveuse » de fonds louches, les îles Vierges britanniques, ont provoqué des tiraillements avec les autochtones. Le coup de force américain a rappelé à la souveraine cet autre coup bas du grand allié : l’invasion en 1983 par les GI de la Grenade, un pays du Commonwealth, en réponse à un coup d’Etat castriste. La puissance tutélaire n’avait pas été prévenue de cette attaque, qui avait provoqué une colère publique du monarque contre son président américain favori, Ronald Reagan.p Marc Roche (Londres, correspondant) Zimbabwe 73 millions, P lusd’un an après les manifestations qui ont secoué Lhassa en mars 2008, une organisation non gouvernementale (ONG) chinoise ose prendre à revers la thèse officielle et simpliste sur les événements, en publiant les résultats d’une enquête d’un mois sur le terrain, dans la province du Gansu, près de Xiahe et Hezuo, ainsi qu’au Tibet même, à Lhassa et Haidong. Rédigé par quatre chercheurs pour le compte de l’ONG Gongmeng (ou Open Constitution Initiative), un tel rapport, qui soulève des questions taboues en Chine, aurait difficilement pu voir le jour s’il n’avait pas été le fait de Chinois Hans (population majoritaire en Chine), œuvrant sous couvert de recherches universitaires. Gongmeng, fondée en 2003, n’est autre que la plate-forme des « avocats des droits de l’homme ». Plusieurs de ses membres ont par ailleurs entrepris ces derniers mois de défendre des Tibétains accusés de divers crimes suite aux troubles de 2008, non sans s’exposer au harcèlement policier. Intitulé « Rapport d’enquête sur les causes sociales et économiques de l’incident du 14 mars dans les zones tibétaines » – ce jour-là, ont eu lieu au Tibet les plus importantes manifestations depuis celles de 1989 à Lhassa –, le texte d’une quarantaine de pages annonce très vite la couleur : au-delà des prétendus « facteurs externes » qui ont contribué à échauffer les esprits au Tibet en 2008, les auteurs notent combien ils ont ressenti, sur place, « le mécontentement populaire et la colère qui se cachaient derrière les incidents, et la complexité de leurs causes sociales ». Il serait vain, expliquent-ils en substance, de faire l’économie d’un débat « autour des causes historiques de ces contradictions », des « questions de sentiment religieux et d’identité ethnique » ainsi que de « la réalité profonde des problèmes de conflits d’intérêts » au cœur de ce mécontentement. Ils s’en prennent ouvertement à la « surexposition de la violence du 14 mars par la propagande » à travers les médias, qui n’a conduit Elisabeth II d’Angleterre est fâchée contre les Bermudes c’est le montant en dollars de l’aide annoncée par Barack Obama Le président américain a annoncé, vendredi 12 juin, une aide de 73 millions de dollars (53 millions d’euros) au Zimbabwe en soulignant qu’elle irait directement aux Zimbabwéens et non au régime, en raison des préoccupations que continue de susciter le président Robert Mugabe. M. Obama a expliqué, à l’occasion d’entretiens à la Maison Blanche avec le premier ministre du Zimbabwe, Morgan Tsvangirai, que l’aide visait à encourager les progrès accomplis par le gouvernement de M. Tsvangirai, l’ancien chef de l’opposition au président Mugabe. – (AFP.) p Niger La Cour constitutionnelle annule le décret présidentiel sur un référendum NIAMEY. La Cour constitutionnelle du Niger a annulé, vendredi 12 juin, le décret présidentiel convoquant le corps électoral le 4 août pour un référendum sur une nouvelle Constitution qui aurait permis au président Mamadou Tandja de rester au pouvoir. Le même jour, sept centrales syndicales ont appelé à une grève générale le 18 juin afin de contraindre le président Tandja à ne pas modifier la Constitution. – (AFP.) Des forces paramilitaires de la police armée du peuple (PAP) contrôlent des Tibétains dans les rues de Lhassa, le 18 mars 2008, quelques jours après l’émeute du 14 mars. KYODO/REUTERS qu’à « attiser les rancœurs entre Hans et Tibétains ». En s’intéressant à l’entreprise de modernisation du Tibet par le gouvernement chinois, l’enquête révèle les limites des politiques de « développement rapide » lancées dans les années 1990, qui ont en réalité « créé les bases d’une marginalisation accrue » des Tibétains. Ce sont « les nouveaux Le rapport de Gongmeng dénonce le rôle des médias et la « surexposition de la violence du 14 mars par la propagande » venus, les Non-Tibétains, qui sont les premiers à bénéficier [de la] stratégie de chances pour tous » à Lhassa et ailleurs, soulignent les auteurs. Surtout, « une nouvelle aristocratie » s’est substituée à l’ancienne. A la tête de « ressources sociales complexes », elle est « plus puissante que l’ancienne aristocratie » et a adopté des « pratiques rentières ». Son pouvoir provient « d’une source delégitimité externe », legouvernementcentral, cequi accroît l’aliénation de la population. Le prétexte du « maintien de la stabilité », les « accusations de séparatisme », ou « de forces étrangères » masquent comme « un cache-sexe les erreurs de gestion [des dirigeants locaux] justifiant la répression du mécontentement populaire », liton. L’extrême indigence des politiques culturelles et éducatives en langage tibétain a contribué, constatent les auteurs, à créer une jeunesse tibétaine désœuvrée et ignorante de sa propre histoire culturelle. Enfin, le rapport considère que le « bouddhisme tibétain », qui « est à la base du système et de la culture traditionnelle tibétaine, non seulement ne devrait pas être considéré comme un obstacle à la modernisation mais plutôt comme une base sur laquelle il faut compter pour la promouvoir ». L’enquête de Gongmeng est bienvenue dans le contexte d’omerta qui règne autour de la question tibétaine en Chine : de source chinoise et indépendante, elle confirme et nourrit la plupart des problèmes exposés par les ONG tibétaines en exil. Accessible en ligne, sa diffusion reste toutefois confidentielle – aucun média chinois n’en a encore fait l’écho. Mais elle a tout lieu de ne pas passer inaperçu à Pékin. « Le but est de proposer des idées constructives au gouvernement. Il est indispensable d’avoir des voix plurielles lors d’un événement aussi complexe que celui du 14 mars », confie, à Pékin, Zhang Boshu, professeur à l’Académie des sciences sociales. Proche de Gongmeng, il est l’auteur, en 2008, d’un texte corrosif sur le rôle historique du Parti communiste du Tibet. « Le problème du Tibet est avant tout une question des droits de l’homme. Mais ce n’est pas que cela. Les violations des droits de l’homme sont un effet, et non une cause. La cause du problème du Tibet, c’est un système dictatorial irrationnel », y écrit-il. p Brice Pedroletti n Sur le Web Le site de l’ONG Gongmeng www.gongmeng.cn/en/index.php Le rapport de Gongmeng en anglais www.savetibet.org Pérou Plusieurs villes de province toujours paralysées en soutien aux Indiens d’Amazonie LIMA. Dans le centre du pays, l’aérodrome d’Andahuaylas a été bloqué, vendredi 12 juin, par des villageois venus soutenir les indigènes d’Amazonie qui manifestent depuis plusieurs mois contre des décrets visant à privatiser les forêts péruviennes. Une semaine après les violents affrontements dans le nord du Pérou, d’autres villes de province ont connu de grandes manifestations. – (Corresp.) Afghanistan Les Etats-Unis vont accentuer leur emprise sur la mission de l’OTAN BRUXELLES. Les ministres de la défense des pays membres de l’OTAN ont décidé, vendredi 12 juin, de réorienter l’action et le commandement de la Force internationale d’assistance et de sécurité en Afghanistan (FIAS). Confrontés à une détérioration de la situation sur le terrain – au mois de mai, les talibans ont mené 1 450 attaques –, les Etats-Unis vont accentuer leur emprise sur la mission de l’OTAN. Le général américain Stanley McChrystal, qui commande à la fois la FIAS et l’opération américaine « Liberté immuable », va piloter la stratégie d’ensemble des forces étrangères. Il supervisera également deux nouveaux commandements confiés à des officiers américains, et s’occupant l’un des questions tactiques, l’autre de la formation et de l’entraînement de forces militaires et policières afghanes. Les Etats-Unis fournissent actuellement 28 500 des 61 000 soldats de la FIAS. D’ici à la fin 2009, les forces américaines devraient atteindre 68 000 hommes. p Jean-Pierre Stroobants Guantanamo Trois détenus transférés en Arabie saoudite WASHINGTON. Les Etats-Unis ont annoncé, vendredi 12 juin, le transfert de trois détenus saoudiens du centre de détention de Guantanamo vers leur pays d’origine. Le cas des trois détenus, Khalid Saad Mohammed, Abdelaziz Karim Salim Al-Noufayai et Ahmed Zaid Salim Zouhair, devrait être examiné par les autorités judiciaires saoudiennes. Ce transfert porte à onze le nombre de détenus ayant quitté le camp depuis la prise de fonctions du président Barack Obama. – (AFP, Reuters.) 8 France 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Le social, principale inquiétude de M. Sarkozy Chef de l’Etat et syndicats s’attendent à une rentrée tendue. Avec un intérêt commun : éviter l’embrasement aaa Suite de la première page Dans ce contexte, l’Elysée se garde de pavaner. Les conseillers du chef de l’Etat ont analysé les résultats du scrutineuropéen. Il neleur a pas échappé que l’abstention record avait frappé plus particulièrement les ouvriers et les jeunes de 35 ans. Deux catégories à reconquérir. Un récent sondage BVA-Les Echos-France Info-BPI indique que 61 % des Français jugent négativement la politique économique et sociale du gouvernement. Il contrebalance les résultats d’une autre enquête – TNS Sofres – montrant qu’unemajoritédeFrançaisestfavorable à la poursuite des réformes. Si le scrutin européen a sanctionné l’antisarkozysme systématique d’un François Bayrou, il n’a pas pour autant fait disparaître le mécontentement. M. Sarkozy le sait. C’est la raison pour laquelle il a consulté au long de la semaine les syndicats, les élus de la majorité et qu’il a commencé à recevoir les chefs des différents partis. Avant de définir avec précision ses nouveaux chantiers de réformes – la vie après 60 ans en sera un – il veut savoir jusqu’où il peut aller. Repartir à la bataille De l’aveu même des responsables syndicaux, les manifestants, samedi 13 juin, devraient être moins nombreux que lors des précédentes journées d’action. Mais cela ne vaut pas avisde guérison.Et le gouvernement a plus que jamais besoin de syndicats « responsables » comme il aime à le dire, pour encadrer la contestation sociale. « Valoriser des syndicats responsables, aptes à calmer le jeu, c’est une bonne technique, surtout quand on n’a pas grand-chose à offrir de concret à hauteur des enjeux de la crise », estime Bernard Bruhnes. M. Sarkozy va donc continuer à calmer le jeu, en s’affichant com- meunchefd’Etat, soucieuxderégulationsociale.C’estle sensdesavisite à l’Organisation internationale du travail (OIT) à Genève, lundi 15 juin. Devant les représentants syndicaux, patronaux et des gouvernements du monde entier, il devraitinsister surlanécessitéd’associer l’OIT aux sommets internationaux, au même titre que l’OMC ou le FMI, comme il l’avait fait lors du G20 de Londres en mars. Pour préparer son intervention, la seule d’un chef d’Etat d’un pays membre du G8, souligne-t-on à l’Elysée, M. Sarkozy a écouté, lundi 8 juin, ce que lui suggéraient les syndicats pour tenter de construire un nouveau cadre international de régulation sociale. En novembre 2008, devant l’OIT déjà, il avait transmis un message disant que « la reconnaissance et la protection des droits des travailleurs ne consti- tuaient pas un handicap mais un atout dans la mondialisation ». Le discours est de nature à séduire les syndicats français. A l’Elysée, on veut croire que les mesures sociales déjà annoncées vont produire leurs effets. « La question sociale n’est pas réglée, il y aura des situations difficiles à la rentrée, mais tout le monde s’est mis au travail, se concerte, avec une rapidité jamais vue », fait valoir le conseiller social du chef de l’Etat, Raymond Soubie. Etde mettre enavant lesdispositifs visant à mieux indemniser le chômage partiel, les mesures en faveur de l’insertion des jeunes (apprentissage, contrats de professionnalisation), ou encore la réforme de la formation professionnelle programmée devant l’Assemblée nationale en juillet et au Sénat à la rentrée. Les partenaires sociaux seront reçus à nouveau par M. Sarkozy, début juillet, pour faire le point sur ces mesures. M. Soubie insiste aussi sur le fait que patronat et syndicats ont ouvert un nouveau cycle de négociationssurles conséquencessociales de la crise. Sur le chômage partiel, la négociation pourrait déboucher sur une augmentation des quotas d’heures. Mais sur le reste des dossiers, comme les rapports entre donneurs d’ordre et entreprises sous-traitantes, de longues semaines vont être nécessaires. La discussion sur le rapport Cotis et le partage de la valeur ajoutée, pour laquelle M. Sarkozy a dit attendre desconclusions au15juillet,n’atoujours pas été menée, à cause des réticences du patronat. « Si aucune conclusion n’est livrée le gouvernement prendra la main sur ce dossier », prévient M. Soubie. En attendant, les syndicats s’impatientent et font le compte de leurs revendications non satisfaites : le gouvernement a refusé le « coup de pouce » au smic que lui demandaient tous les syndicats. Il n’a rien fait pour allonger la durée d’indemnisation des chômeurs en fin de droit, et il se refuse toujours à suspendre le bouclier fiscal. Au lendemain du 13 juin, les leaders syndicaux devront repartir à la bataille. Avec un souci : démontrer à leurs troupes que les journées d’action à répétition ne sont pas là que pour la galerie. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Malgré des tensions, les syndicats veulent rester unis En prévision de la rentrée sociale, aucune organisation du G8 syndical (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA) ne veut prendre le risque de rompre l’unité, même s’il y a eu, vendredi 12 juin, des échanges aigres-doux entre la CGT et FO. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, à qui M. Thibault reprochait « le désengagement massif de FO sur le terrain » et de « porter atteinte à la crédibilité de la manifestation de samedi », lui a répondu sur France Info qu’il était « bien gentil », mais que, « quand on est responsable syndical, on n’est pas des GO du social ». Annick Coupé, la responsable du syndicat le plus turbulent, Solidaires, l’affirme : « Il fallait pousser plus fort après les deux journées d’action du 29 janvier et du 19 mars, mais on ne peut brader l’unité d’action comme ça. En outre, sortir de l’intersyndicale ne signifierait pas que l’on puisse appeler à la grève générale. » Thibault, a demandé au chef de l’Etat de « ne pas sous-estimer la situation » et réclamé « des mesures à la hauteur de la situation » (La Tribune du 12 juin). Son homologue de la CFDT, François Chérèque, estime lui aussi que « le gouvernement doit prendre des mesures avant l’été s’il veut éviter une rentrée sociale très chaude » (Le Parisien du 12 juin). Dans ce climat difficile, le chef de l’Etat et les syndicats partagent au moins un intérêt commun : garder la main, autant qu’il est possible, sur la situation sociale. p Rémi Barroux et Françoise Fressoz Les parlementaires de gauche s’interrogent sur leur Une fédération « laïque présence à Versailles le 22 juin pour écouter le président et apolitique » pour M. Ayrault (PS) dénonce le « show présidentiel » et M. Mamère (Verts) l’« opération médiatique » les « musulmans modérés » L e chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, a annoncé, jeudi 11 juin, sa décision de prendre la parole, lundi 22 juin, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 l’y autorise désormais. Sa déclaration pourra donner lieu, ainsi que l’indique l’article 18 de la Constitution révisée, à un débat sans vote, hors de sa présence. Il s’agit donc de la première miseen application d’un droitnouveau auquel M. Sarkozy accordait une importance toute particulière. Celui-ci va toutefois nécessiter quelques adaptations au règlement d’un Congrès qui n’avait jamais eu, auparavant, l’occasion d’admettre en son sein un président de la République en exercice. Pour permettre au chef de l’exécutif de s’adresser aux députés et aux sénateurs à partir de 15 heures, ceux-ci seront convoqués dans la matinée pour adopter une proposition de résolution, présentée par le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, visant à modifier le règlement du Congrès. Sitôt votée, celle-ci sera soumise au Conseil constitutionnel qui siégera dans la foulée. Une fois acquise l’approbation des « sages », le Parlement pourra accueillir en majesté le président de la République dans l’aile du Midi du château de Versailles. « Ce qui nous choque, c’est qu’une nouvelle fois le Parlement soit contraint à l’urgence pour un show présidentiel qui s’apparente à une opération de politique inté- rieure », s’insurge le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. Pour l’instant, il n’est pas acquis que les élus de l’opposition fassent « banquette à l’heure de la grand-messe ». « Un vrai débat, ce n’est pas ça », poursuit M. Ayrault, qui a prévu de prendre contact avec l’ensemble des groupes de gauche de l’Assemblée et du Sénat « afin de décider ce qu’on va faire ». « Pourquoi faudrait-il y aller ?, s’interroge le porte-parole des députés du PCF, Roland Muzeau. La réponse est contenue dans la question. » « Dérive monarchique » NoëlMamèreestquantàluicatégorique. « Je ne me rendrai pas à Versailles. Je suis pour le boycottage decetteopérationmédiatique,affirme le député (Verts) de la Gironde. Il n’est pas question de cautionner cette dérive monarchique du régime où le président agit selon son bon vouloir. Même si ça se passe à Versailles, il ne faut pas confondre le Congrès avec la cour du roi. » A droite, la décision du chef de l’Etat a été saluée avec enthousiasme. Le communiqué du porteparole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, diffusé vendredi 12 juin par la direction de la communication du parti présidentiel, donne la mesure de l’attente : « Le discours du président de la République devant le Congrès est une étape importante du quinquennat qui identifie parfaitement la République respectueuse que défend Nicolas Sarkozy, respectueuse du Parlement, respectueuse de l’expression des Français et respectueuse des sensibilités après la réception des chefs de partis, se félicite le député des Hautsde-Seine. C’est l’occasion pour le président de la République de nous Distribution de lait à l’Assemblée nationale L’Assemblée nationale accueillera samedi 13 juin, à l’occasion du 15e Parlement des enfants, 577 élèves de CM2 – désignés par leur classe, chacune représentant une circonscription législative –, qui siégeront dans l’Hémicycle à la place de leurs députés. Les trois propositions de lois élaborées par les classes retenues et sélectionnées par un jury national seront soumises au vote des « délégués juniors ». A cette occasion, l’Assemblée nationale a également prévu de promouvoir les produits laitiers afin de soutenir la filière. Une vache dans les jardins de l’hôtel de Lassay et une fontaine à lait dans les salons du Palais-Bourbon permettront aux enfants « de découvrir ou de redécouvrir les qualités gustatives et nutritives du lait », indique la présidence de l’Assemblée. En 1954, Pierre Mendès France, alors président du Conseil, avait organisé la distribution de lait dans les écoles et les casernes. Cinquante-cinq ans plus tard, Bernard Accoyer se met à son tour au régime lacté. donner sa vision des changements à poursuivre en France et à engager en Europe, ce que nous attendons comme tous les Français à ce moment précis de la crise. » Quelques grincements de dents se font néanmoins entendre. « C’est l’application de la Constitution que je n’aipas votée. J’irai naturellement écouter le président de la République. C’est mieux d’apprendre les choses à Versailles qu’au journal de 20 heures », indique Jean-Pierre Grand, député (UMP) de l’Hérault, proche de Dominique de Villepin. « Mais, ajoute-t-il, c’est aussi la consécration de la disparition du premier ministre. C’est le président de la République qui va faire une déclaration de politique générale, sans pour autant engager sa responsabilité. » « Le Congrès va écouter un irresponsable », soutient M. Mamère, indigné de cette « humiliation » du Parlement, « alors que le président de la République ne cesse de démontrer à quel point il foule aux pieds les droits de ce Parlement, comme il vient de le faire encore pour imposer coûte que coûte la loi sur Internet ». Au contraire, pour Jack Lang, seul député du PS à avoir voté la réforme constitutionnelle, « il n’y a aucune raison de s’offusquer ». « Dès lors que la Constitution a été révisée, le débat est clos. C’est une disposition qu’au demeurant je trouve excellente, ajoute le député du Pas-de-Calais. D’ailleurs, Laurent Fabius lui-même, me semble-t-il, avait suggéré cette idée. » p Patrick Roger Son promoteur refuse l’alternative entre la « perte d’identité » et le « tout religieux » E n lançant, vendredi 12 juin, à l’échelon national sa Fédération laïque des citoyens de sensibilité musulmane, Mosaïc, Marouane Bouloudhnine, un chirurgien orthopédiste niçois, entend combler « un manque » pourles« 5à 6millions »decesFrançais, qui constituent une « majorité silencieuse et éprouvent le besoin de se faire entendre ». « Ils refusent l’alternative qui les contraint à choisir entrela perted’identité etletoutreligieux », assure la fédération qui envisage d’entretenir des relations « courtoises » avec le Conseil français du culte musulman (CFCM), représentation religieuse institutionnelledel’islam. « Mosaïcs’interdira de s’intéresser au culte », assure M. Bouloudhnine. L’élargissement, au plan national,d’une association qu’ila crééeà Nice en 2007 est soutenu « au plus hautniveau de l’Etat », indique aussi son promoteur, qui espère s’appuyer pour son financement sur des « subventions publiques », sans référence aux pays d’origine. Ce projet s’inscrit dans une volonté partagée par divers acteurs de la communauté musulmane d’offrir une caisse de résonance laïque aux besoins et difficultés des citoyens de sensibilité musulmane. « Il s’agit d’un travail d’équité – donner plus à ceux qui ont moins – et d’offrir aux jeunes une forme d’exemplarité en montrant des talents. Comme Obama, nous souhaitons que les musulmans modérés se mettent en avant, car ils représentent l’espoir d’un mieux-vivre ensemble. En France, les gens ne savent pas ce qu’est un musulman. A nous de leur expliquer que l’islam, ce ne sont pas juste des excités. » Un autreprojet qui, dans un premier temps, avait repris l’appellation Mosaïc, entend, lui, s’appuyer sur des mécènes étrangers. A sa tête, Azzedine Bouamama, un homme d’affaires, se propose « de fédérer plusieurs initiatives de ce type » dans une entité qui n’a pas encore de nom défini. Assimilés à un « CRIF musulman », pour la dimension politique qu’ils pourraient porter, les projets visent selon leurs promoteurs une approche « culturelle, sociale ou citoyenne ». M. Bouloudhnine insiste sur le caractère apolitique de sa fédération et n’entend pas se prononcer « sur le port du voile, par exemple ». Mosaïc « réfute l’appellation de CRIF musulman » et, malgré les risques « réels », entend éviter « tout communautarisme ». « Les citoyens se doivent de choisir une voie modérée, laïque et républicaine et non une logique de radicalisation communautaire qui mène forcément à l’exclusion », insiste la Fédération. Les associations qui souhaitent adhérer à Mosaïc devront respecter des critères, encore à définir. p Stéphanie Le Bars France 9 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Procès Stern : Cécile Brossard, « fille gaie » Rude journée me devenue « femme en perdition » pour M Courjault, Les amis proches de la meurtrière du banquier ont témoigné, vendredi 12 juin, devant interrogée sur la cour d’assises de Genève, de la relation destructrice qu’elle et son amant entretenaient la préméditation L’accusée n’est plus certaine d’avoir été « pleinement consciente » de ses maternités Tours Envoyée spéciale V Mme Stern, l’ex-épouse du banquier, et son avocat à l’ouverture du procès, mercredi 10 juin à Genève. FABRICE COFFRINI/AFP Genève (Suisse) Envoyée spéciale C écile Brossard était leur amie. Après le meurtre d’EdouardStern,ellel’est restée. Lorsqu’elle est entrée dans le prétoire, vendredi 12 juin, devant la cour d’assises de Genève, Svetlana L., une longue tige aux cheveux blonds, a adressé un sourire et un petit signe de la main à l’accusée. Dansunfrançais parfait,la jeune femme russe a raconté leur rencontre chez le galeriste parisien Albert Benamou, celui-là même qui, lors d’un dîner en 2001, avait présenté Cécile Brossard à Edouard Stern. « Je l’ai vu être à la fois extrêmement tendre et extrêmement humiliant à son égard » Un témoin Elless’étaientliéesetpassaientsouvent du temps ensemble à Paris, à se raconter leur vie. « J’ai vu peu à peu l’état de Cécile se dégrader. Elle est devenue de plus en plus maigre, elle passait sa vie au téléphone avec Edouard. Elle l’aimait, elle l’aimait beaucoup trop. C’était devenu une relation ingérable. Dès qu’elle essayait de rompre, il revenait. » Cécile Brossard, dit-elle, avait insisté pour qu’elle rencontre Edouard Stern. Rendez-vous avait été pris un soir dans son appartement. « On a commencé par un dîner, on a parlé de sa bibliothèque, car il y avait beaucoup d’écrivains russes, commence-t-elle. Au fur et à mesure, on s’est retrouvés dans sa chambre à coucher, tous les trois… » « C’étaitprévu ?,demande laprésidente, Alessandra Cambi FavreBulle, qui veut comprendre à qui elle a à faire. – Oui, répond la jeune femme. – Cécile Brossard vous l’avait demandé ? – Oui, elle voulait faire plaisir à Edouard. – Et… avez-vous été choquée de cettedemande ?,poursuitavec flegme la présidente. – Non, pas du tout. » Elle reprend le fil de son récit. « Donc, on a commencé à s’embrasser et j’ai voulu arrêter. – Euh, vous avez fait un peu plus…,relève laprésidente, enplongeant dans les procès-verbaux d’instruction. – Bien. Voulez-vous que je rentre dans les détails ? » Elle entre. Les deux femmes étaient déguisées en écolières ce soir-là, avec jupe et socquettes. Edouard Stern s’était montré un peu trop direct avec Svetlana, qui s’était rebiffée, et la soirée avait tourné court. Quelques mois plus tard, le trio s’était retrouvé, dans une chambre d’hôtel cette fois. Ensemble, ils avaient eu une première relation sexuelle. « Dès que ç’a été fini, Edouard est parti s’installer sur le La montre, le pull et la peau d’ours S vetlana L. est à la barre des témoins, vendredi 12 juin, devant la cour d’assises de Genève. A une question sur le niveau de vie de son amie Cécile Brossard, elle répond : « Cécile ne dépensait pas beaucoup d’argent. Elle s’habillait toujours chez NafNaf ou chez Zara. » Recevait-elle des cadeaux de son amant, Edouard Stern ? « Je me souviens qu’une fois, en rentrant d’un rendez-vous avec Edouard, Cécile était toute contente. Elle m’a dit : “Regarde, il m’a offert sa montre !”. Elle voulait changer le bracelet, et elle m’a demandé de l’accompagner dans une boutique. Elle en choisit un. Et là, le vendeur lui dit : “Madame, le bracelet que vous regardez vaut beaucoup plus cher que la montre…” » « Une autre fois, poursuit la jeune femme, Edouard Stern lui a offert un pull, le prix était encore dessus, il ne dépassait pas 50 euros. » Elle évoque un troisième cadeau : « La peau d’un ours qu’il avait tué lors d’une chasse en Sibérie. » p P. R.-D. (Genève, envoyée spéciale) balcon. Je me souviens qu’il lisait un magazine sur les 100 personnes les plus riches du monde. Il était très déçu de ne pas être dedans », ditelle. Le banquier était revenu dans la chambre pour une deuxième séance de jeux sexuels à trois. Puis, il s’était rhabillé et était parti. « Nous sommes restées seules dans la chambre, avec le dîner. Cécile était effondrée. Elle me disait : “Tu te rends compte, il ne m’a même pas prise dans ses bras…” » Letémoinsuivantestun septuagénaire genevois, Daniel F., qui connaît Cécile Brossard depuis longtemps. Il était d’abord l’ami de Xavier Gillet, le naturopathe qui a tout quitté pour la jeune femme et qui s’est, peu à peu, résolu à devenir pour elle un père et un protecteur plutôt qu’un amant. « Cécile était alors une fille gaie, rieuse, curieuse de tout, d’art, de poésie, de littérature. Je l’ai vue changer, se détruire peu à peu, avaler des tas de pilules roses », dit-il. Il avait assisté à la naissance de son idylle avec Edouard Stern, qu’il connaissait pour des raisons professionnelles. « Je l’ai vu être à la fois extrêmement tendre et extrêmement humiliant à son égard », poursuit-il. Il évoque les « conseils »queluidemandaitrégulièrementCécileBrossardpour s’assurer de la justesse d’une tournure de phrase, lorsqu’elle écrivait à son amant. « Elle voulait être sûre de ne pas se tromper, car il arrivait à Edouard de lui renvoyer ses mails en lui signalant les fautes qu’elle avait commises… » La présidente en vient à la question du million de dollars que Cécile Brossard exige en « gage d’amour » d’Edouard Stern, assorti d’une promesse de mariage. « Au début, d’ailleurs, ça devait être un milliond’euros.Mais,comme, entretemps, le dollar avait baissé, c’est devenu un million de dollars », se souvient-il. Un ami, Cécile Brossard en a encore un autre, un vrai, un solide. Il s’appelle Michel Roussel et il est artisan à Nanteuil-le-Haudouin, le village de l’Oise où elle avait acquis une maison en ruine qu’elle faisait retaper. Lui aussi évoque devant la cour une fille « simple, gentille, normale si j’ose dire, qui faisait plein de travaux elle-même, qui gâchait le plâtre ». Les douze jurés ne lâchent pas des yeux ce type solide qui leur raconte la passion dévastatrice dont il a été le témoin. « Edouard Stern, c’était son homme. Elle était prête à tout, à tout, pour le garder. Mais enfin, est-ce qu’on peut aimer un homme qui vous fait tant de mal ! », s’exclame-t-il, comme pour lui-même. « Il a essayé… » Michel Roussel s’interrompt, reprend. « Je le dis avec beaucoup de compassion car je respecte l’homme. Enfin, voilà, il voulait que je sois son informateur sur Cécile. J’ai refusé. Il m’a dit : “Michel, je serai votre débiteur. Je serai généreux avec vous.” » La voix de l’artisan s’assourdit dans le micro. « Et puis, il m’a demandé : “Combien gagnez-vous par mois ?” » « Tous les deux étaient en train de perdreles pédales. Ils ont monté un monde à eux qu’ils n’ont pas pu dominer » Michel Roussel un ami de Cécile Brossard Il dit encore cette scène où le banquier se présente à la porte de lamaison pendant qu’il fait des travaux. Cécile était au supermarché. « Elle m’avait dit de ne jamais le laisser entrer. Il est arrivé, m’a demandé si elle était là, je lui ai dit que non. Il m’a poussé et il est entré. Lorsqu’elle est revenue et qu’elle l’a vu, elle est partie en courant dans la rue. Il l’a poursuivie. Une demi-heure plus tard, je les ai vus arriver ensemble, il lui tenait fort le bras, elle avait l’air paniqué. Cécile m’a dit de partir, que tout allait bien. Le soir, je suis revenu la voir. Je l’ai appelée et elle ne répondait pas. Je suis montée dans sa chambre, ellen’y était pas.Je l’ai appeléeencore. Et je l’ai entendue hurler comme une bête. Elle était dans la cave, cachée sous une bâche, elle avait un œil au beurre noir. Je lui disais : “Mais c’est pas possible, il faut pas rester comme ça, il va arriver un malheur !” J’ai eu l’impression que tousles deux étaienten train de perdre les pédales. Ils ont monté un monde à eux qu’ils n’ont pas pu dominer. Cécile, c’était une femme en perdition… » p Pascale Robert-Diard éronique Courjault ne le nie pas : elle a bien étouffé trois de ses bébés à l’issue de grossesses menées clandestinement à terme en 1999 en Charente-Maritime, puis en 2002 et 2003 en Corée du Sud où elle vivait avec son époux, Jean-Louis, et leurs deux fils, aujourd’hui âgés de 14 et 12 ans. Mais, contrairement à ses aveux d’octobre 2006 et à ses déclarations durant l’instruction, elle n’est plus tout à fait sûre d’avoir été « pleinement consciente » de ces maternités. « Je l’ai su, puis je ne l’ai plus su », déclare-t-elle à la cour d’assises. Ce revirement qui remet en question la circonstance aggravante de préméditation lui a valu, vendredi 12 juin, une rude journée. Pas question pour le président de la cour, Georges Domergue, de laisser les jurés partir en week-end sur le doux portrait de la mère dévouée, l’épouse modèle et l’amie fidèle qu’ont brossé à la barre, durant six heures, une dizaine de proches ou de relations de Mme Courjault. Pour le nuancer, le président a infligé à l’accusée deux heures supplémentaires d’un interrogatoire serré, s’attachant à « approfondir la notion de préméditation ». Implacable,il aprocédéàlarelecture méthodique des déclarations de Mme Courjault recueillies durant plusieursmois.« J’avais pris ladécision de tuer car j’étais allée trop loin dans le mensonge », a-t-il pioché ici. « Il fallait que j’aille jusqu’au bout. Une fois le processus enclenché, je n’étais plus maître de ce qui allait se passer », a-t-il retrouvé là. « Les faits, ça n’évolue pas » « Ben oui, j’ai dit tout ça, a concédé l’accusée. Mais une réflexion, ça évolue. » « Vous ne croyez pas que vous aviez pris une bonne démarche d’introspection et de sincérité au début de ce dossier ? », suggère Georges Domergue. Muette, Mme Courjault jette un œil vers son mari qui l’encourage du regard à ne pas céder. Malgré la voix qui se brise et se remplit de larmes, ce bout de femme de 41 ans et 1 m 56 est un roc. Le président lui parle encore de ses « grossesses dissimulées ». « Je n’ai pas dissimulé, pour moi je n’étais pas enceinte », rétorque-t-elle. Plustôt, elle s’était plainted’être « acculée ». « Ces interrogatoires ont eu lieu à des mois d’intervalle, en présence de vos avocats, vous n’étiez pas acculée », a coupé le président de la cour d’assises. « J’ai essayé de trouver des réponses mais les choses ont évolué », a-t-elle tenté. « Les faits, ça n’évolue pas », lui a répondu le président. L’avocat général, Philippe Varin, est venu à la rescousse du président. « Le 10 octobre 2006, vous dites à une de vos sœurs : “on va aller en prison alors qu’on n’a rien fait”, douze heures plus tard, vous avouez les deux meurtres de Corée du Sud et celui du bébé de Villeneuve-la-Comtesse. Comment être passée de l’ignorance à cette connaissance approfondie des faits ? » Mme Courjault se rebiffe : « Pourquoi j’aurais dit des choses vraies là, alors que tout le temps vous dites que je mens ? » Les journées du lundi 15 et mardi 16 juin, qui seront consacrées aux experts psychologues et psychiatres seront cruciales. Leurs conclusions soulignent, notamment, le « clivage psychique », « l’absence d’affect » et « les émotions refoulées » de Véronique Courjault. Elles évoquent aussi son « pouvoir de dissimulation conscient et inconscient extrêmement fort (…) réussissant à éloigner les soupçons et parvenant à donner l’illusion d’une vie normale pendant les trois grossesses dissimulées, y compris après les accouchements clandestins et les infanticides ». Pour s’en défendre, les conseils de Mme Courjault ont fait citer des expertschargés d’expliquer les ressorts du déni de grossesse. p Patricia Jolly Huit ans de prison pour la mère d’un bébé congelé Valérie Serres, la mère d’un bébé retrouvé mort en mars 2008 dans un congélateur, près de Guingamp, a été condamnée, vendredi 12 juin, à huit ans d’emprisonnement par la cour d’assises des Côtes-d’Armor. La cour a assorti cette peine d’un suivi socio-judiciaire et d’une injonction de soins d’une durée de cinq ans. « Elle a agi dans un état d’immense désarroi », a déclaré, à la barre, Brigitte Elghozi, psychologue clinicienne. Dans un état « d’incapacité psychologique à accueillir l’enfant », elle a, selon elle, été confrontée à la réalité « telle un coup de massue ». La congélation constitue, selon elle, une « symbolique du corps dont on ne peut se séparer ». Immigration Deux nouvelles associations en zones d’attente Par arrêté du 27 mai publié au Journal officiel du 9 juin, le gouvernement a habilité deux nouvelles associations à faire des visites en zones d’attente auprès des étrangers arrivés en situation irrégulière : l’Ordre de Malte et le collectif Respect. Lors de la suspension, le 30 mai, de l’exécution des contrats sur la mission d’assistance aux personnes placées en centre de rétention, le juge administratif avait pourtant constaté que le collectif Respect ne présentait pas « des garanties professionnelles, techniques et financières requises ». p Laetitia Van Eeckhout Politique Démission des élus de la majorité municipale de Saint-Cyprien Les vingt élus de la majorité municipale de Saint-Cyprien, station balnéaire des Pyrénées-Orientales touchée par une affaire de corruption (Le Monde du 13 juin), ont adressé, vendredi 12 juin, une lettre de démission au préfet. Dans ce courrier rédigé au lendemain de l’incarcération du maire, Pierre Fontvieille (UMP), ils se disent convaincus de l’« intégrité » de leur « chef de file ». Elu le 2 juin après le suicide, en prison, de Jacques Bouille (UMP), son prédécesseur, M. Fontvieille a été mis en examen pour « soustraction et détournement de biens publics, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt et blanchiment aggravé ». – (AFP.) 10 Economie 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 En hausse L’agriculture biologique En baisse L’Espagne En 2009, les surfaces engagées dans une conversion vers le bio devraient être cinq fois plus importantes qu’en 2008 (63 000 hectares). La moitié sont consacrées à des grandes cultures. Madrid a revu à la baisse, le 12 juin, ses prévisions économiques et anticipe une contraction du produit intérieur brut de 3,6 % en 2009, contre un repli de 1,6 % prévu auparavant. La hausse de l’indice de confiance des consommateurs américains mesuré par l’université du Michigan et publié vendredi 12 juin. Il a atteint 69 points en juin – contre 67,8 points en mai – progressant pour le quatrième mois consécutif. + 1,2 TVA à 5,5 % : les restaurateurs joueront-ils le jeu ? Les consommateurs redoutent de ne pas bénéficier de cette mesure qui doit entrer en application le 1er juillet A quinze jours de l’entrée en vigueur de la baisse de la TVA dans la restauration (de 19,6 % à 5,5 %) et une longue gestation – Jacques Chirac l’avait promise en 2002 –, consommateurs et restaurateurs ne cachent pas leur scepticisme sur le bénéfice réel de cette mesure. En contrepartie de cet allégement fiscal, les restaurateurs se sont engagés sur plusieurs points : baisser les tarifs, procéder à 40 000 embauches dont la moitiéen contratsde professionnalisation, augmenter les salaires et les investissements. Du côté des consommateurs, le doute règne quant à la volonté des restaurateurs de les faire effectivement bénéficier d’une baisse de prix. Selon une enquête du cabinet Coach Omnium, spécialisé dans lesétudes sur le tourisme,l’hôtellerieetla restauration,plusde lamoitié d’entre eux pensent que les restaurateurs n’ont « aucune intention de leur faire profiter d’une diminution de prix et vont garder l’argent pour eux ». Le cabinet – il a interrogé 1 001 clients de la restauration commerciale en mai – ajoute que seuls 26 % des personnes interrogées pensent que les restaurateurs vont en faire profiter les clients, « en baissant les prix », 12 % « en améliorant les prestations, sans augmenter les prix ». Ils sont 22 % à juger qu’ils vont « en faire profiter le personnel, en augmentant les salaires ». Pour Mark Watkins, le patron de Coach Omnium, « cette enquête confirme en tout cas que les restaurateurs auront fort à faire pour convaincre les clients de leur sincérité et pour changer leur image de “Thénardier” », ironise-t-il. cette enseigne a préparé des affiches sur le thème : « Baisse de la TVA : La Boucherie s’engage et va plus loin. » En plus de baisser de 11,8 % les prix de sept produits parmi une liste de dix – c’est ce que prévoit la mesure –, l’enseigne répercutera une partie de la baisse de la TVA « sur plusieurs autres produits », assure Christophe Mauxion, directeur général du groupe. Chez Buffalo Grill, JeanFrançois Sautereau, président de la chaîne (325 restaurants) entend baisser la TVA sur une quinzaine de produits. « Les restaurateurs ont exagéré sur les augmentations de prix. Il faut maintenant donner l’exemple en baissant les prix sur des produits réellement consommés », explique-t-il. Qu’en est-il justement du côté des restaurateurs ? La profession, très hétérogène dans sa structure avec les chaînes, les indépendants syndiqués et ceux qui ne le sont pas, reste partagée sur l’application du taux réduit de TVA et les avantages immédiats qu’elle pourra en tirer. L’accueil est on ne peut plus réservé. Selon la taille de l’éta- blissement, voire du groupe, la perception est loin d’être la même. « Beaucoup de grosses structures y ont vu une opportunité pour faire une opération de marketing », regrette Bernard Boutboul, directeur général du cabinet d’études Gira Sic Conseil, spécialisé, notamment, dans la restauration hors foyer. De fait, les chaînes de restauration et les restaurateurs connus en ont fait une arme de communication sur laquelle le gouvernement ne manquera pas des’appuyer. Le groupe Flo(Hippopotamus, Bistro Romain, Brasseries Flo) a d’ores et déjà approuvé la démarche de baisse des prix et compte aller au-delà des préconisations prévues. « Nous n’ignorons pas que les clients sont sceptiques. Mais par cette action, nous souhaitons apporter la preuve qu’ils seront les bénéficiaires de cette opération », explique au Monde Dominique Giraudier, président du groupe Flo. La démarche est identique au siège de La Boucherie. Le groupe qui exploite 65 restaurants sous « Je ne vais rien changer, si ce n’est, peut-être, offrir le café » Reportage Rue Campagne-Première, dans le 14e arrondissement de Paris, la baisse prochaine de la TVA alimente les conversations des restaurateurs. Les principaux intéressés expriment des avis divergents, sans trop savoir encore comment ils la répercuteront. Pour Anita et Christian Sochas, propriétaires du Natacha, « la baisse de la TVA a été mal présentée. Les gens ont l’impression qu’on va les arnaquer. Je vais donc garder une ancienne carte des menus pour montrer aux clients que j’ai fait un effort sur les prix ». Mais, pour ce couple, le vrai problème est la baisse de la fréquentation – de 40 % – observée depuis septembre 2008 : « Rien ne garantit qu’une baisse des prix de 10 % fera revenir le consommateur », observent-ils. Et en période de crise, les déjeuners d’affaires se font plus rares : « Mes clients ont euxmêmes moins de clients. » De plus, la réduction de la TVA à 5,5 % entraîne la disparition… des réduc- tions des charges sociales. « On nous donne d’une main et on nous reprend de l’autre », se désespèrent les restaurateurs. Dans le restaurant voisin, la gérante, Valérie Delahaye, tient un tout autre discours. « La baisse de la TVA, on la demande depuis quinze ans, on ne va pas bouder notre plaisir maintenant, même si, pour ma part, je ne vais rien changer, confesse-t-elle, si ce n’est, peutêtre, offrir le café. » Le café, donc, comme variable d’ajustement. Pour le serveur du bistrot d’à côté, la baisse de la TVA permettra de réduire son prix de « 15 centimes ». Dans son établissement, aucune embauche n’est prévue, mais une consolidation des marges, et une possible « augmentation de salaire ». Des mesures insuffisantes pour pouvoir apposer l’autocollant « la TVA baisse, nos prix aussi », sur la devanture. Le patron du bar-restaurant Le Camilou assure aussi que cette mesure « ne changera rien » pour lui, même s’il s’est engagé à baisser le prix de son plat du jour. Sa plus grande crainte est que « les clients viennent à manquer ». Et les petits restaurateurs sont formels, la TVA à 5,5 % profitera surtout aux grandes enseignes. Ceux de la rue Campagne-Première ne savent pas encore quels effets aura cette mesure. Ils ont pourtant déjà tous reçu un bulletin d’adhésion à l’UMP accompagné d’un tract du parti majoritaire, intitulé : « Engagement pris, promesse tenue. » p Thomas Lafarge et Margot Moreau Vague de scepticisme Quant aux embauches, aucun restaurateur n’a prévu de répondre à cet engagement. Au moins dans l’immédiat. « 40 000 emplois alorsquelamesurevacoûter2,5milliards d’euros, cela fait 62 500 euros par emploi. Ce n’est pas sérieux ! », souligne pour sa part l’économiste Thibault Gajdos. Pour les « poids lourds » du secteur, l’application de la TVA réduite ne présente pas de difficultés. Il en va autrement pour les indépendants. Si un restaurateur est affilié à une organisation patronale comme l’Umih (Union des métiers de l’industrie hôtelière), il devrait être moins désarmé que son confère non syndiqué. Depuis quelques semaines, l’organisation patronale s’est, en effet, lancée dans une campagne d’information à l’attention de ses adhérents. Christine Pujol, la présidente de l’Umih, enchaîne les assemblées auprès de ses adhérents « pour expliquer pourquoi [on] a intérêt à le faire ». Les pouvoirs publics se veulent, eux, rassurants. « A la clôture des Etats généraux de la restauration le 28 avril, il y a eu une vague de scepticisme pour dire que les restaurateurs ne joueront pas le jeu et ne baisseront pas les prix », explique Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du commerce et du tourisme. Lui-même s’est lancé dans un « tour de France » explicatif. Selon le secrétaire d’Etat, « les mentalités ont déjà changé ». Il pronostique même que « ceux qui joueront le jeu auront un avantage concurrentiel ! » p François Bostnavaron Chez Osram, 108 personnes sont menacées de perdre leur emploi pour avoir refusé une baisse de leur salaire Paradis fiscaux Face à la crise, des entreprises demandent à leurs personnels de se serrer la ceinture La Suisse a conclu avec la France un « accord de double imposition » conforme aux normes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) permettant la levée du secret bancaire dans les échanges d’informations fiscales entre les deux pays, ont annoncé, le 12 juin, les autorités françaises et helvétiques. L’accord devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2010, a précisé Bercy dans un communiqué. Il prévoit que l’administration française pourra, en cas de soupçon, demander aux autorités suisses des informations fiscales sur « toute personne morale, physique ou fiducie » sans se voir opposer le secret bancaire, a expliqué le ministre français du budget, Eric Woerth, précisant que ce texte n’était pas « rétroactif ». – (AFP.) p P our avoir refusé une baisse de leur salaire, 108 personnes employées par le fabricant d’ampoules Osram risquent de perdre leur emploi. Lundi 8 juin, lors d’une réunion extraordinaire du comité d’entreprise (CE), la direction a annoncé « la mise en place d’un plan social qui touche ces 108 salariés », rapporte un porte-parole de la société. Cette filiale du groupe allemand Siemens emploie quelque 800 personnes en France, dont environ 650 à Molsheim (Bas-Rhin). Il y a quelques mois, Osram avait demandé à ses personnels de se serrer la ceinture. Aux cadres, elle avait proposé une suppression graduelle des journées de RTT – mais les syndicats s’y sont opposés. Les non-cadres, eux, avaient été invités à accepter une réduction du taux horaire de leur salaire de 12,5 % sur trois ans ; ils avaient un mois pour se prononcer sur cet avenant à leur contrat de travail. Finalement, un peu plus de cent personnes ont dit non. Ce projet d’entreprise est lié à une directive européenne qui ordonne l’arrêt de la fabrication de lampes à incandescence en plusieurs étapes d’ici à 2012. Or l’usine de Molsheim produit ce type de biens. La direction a donc décidé de redéployer son activité vers d’autres marchés tout en cherchant à améliorer la compétitivité du site alsacien. Ceux qui n’ont pas voulu subir une diminution de leur paye peuvent encore se raviser : le plan présenté le 8 juin prévoit des offres de reclassement au sein du groupe, assorties de cette même baisse de salaire. « Si l’on propose des postes aux “108”, cela veut dire que le plan social n’est pas justifié par un motif économique, observe Isabelle Astié, secrétaire (FO) du CE et déléguée syndicale. La direction cherche uniquement à gagner de l’argent sur le dos des salariés. » Pressions Une majorité du personnel de production a accepté de rogner sur son gagne-pain parce que des pressions ont été exercées, selon Mme Astié. Faux, rétorque un porteparole d’Osram. « L’encadrement a essayé de montrer le bien-fondé de la démarche », plaide-t-il. Tout s’est déroulé « dans la transparence » et sur la base du volontariat. A l’automne 2008, confronté à un recul de son chiffre d’affaires, le tour opérateur Donetallo avait demandé à ses collaborateurs d’accepter une diminution (temporaire) de salaire et du temps de travail, faute de quoi ils seraient licenciés (Le Monde du 17 février). En avril, le constructeur d’ordinateurs Hewlett-Packard France avait présenté des mesures d’économie qui envisageaient des baisses de rémunération. Mais la direction avait précisé qu’elle ne procéderait à aucun licenciement économique en cas de refus. Idem chez le loueur de voitures Hertz, où ce sacrifice a été réclamé aux cadres pour une période de trois mois, à condition qu’ils soient consentants. p Bertrand Bissuel La Suisse et la France signent un accord levant le secret bancaire Crise L’Etat de Californie risque la banqueroute à la mi-juin Le gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, a appelé, les élus, le 12 juin, à adopter de nouvelles coupes budgétaires pour lutter contre un déficit massif, prévenant que l’Etat risquait d’être à court de liquidités vers le 15 juin. Les mesures de rigueur envisagées par M. Schwarzenegger devraient entraîner le licenciement de 5 000 fonctionnaires et réduire les dépenses d’éducation de 5 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros). Par ailleurs, l’année scolaire serait raccourcie de sept jours, et 38 000 détenus – jugés non violents – verraient leur peine commuée pour accélérer leur libération. – (AFP.) p Marchés 11 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Matières premières Alain Faujas L’éthanol à la ramasse Q u’ont en commun Richard Branson, le tonitruant patron de Virgin, et les fermiers du Midwest américain ou de l’Ile-de-France ? Ils sont sacrément heureux de la reprise du prix du pétrole, parce que cela pousse à la hausse celui de l’éthanol d’origine agricole qui, mélangé au super, devient un carburant jugé moins polluant par le monde paysan mais absolument honni par les écologistes. A Rotterdam (Pays-Bas), le mètre cube d’éthanol remontait, vendredi 12 juin, à 455 euros, après un effondrement à 415 en mai. Bien loin du pic de 636 euros, en septembre 2008. Les agriculteurs fournissent le maïs – ou la betterave – avec lequel on fabrique cet alcool. M. Branson a investi plus de 500 millions de dollars (358 millions d’euros) dans des distilleries qui le produisent. Depuis juillet 2008, ils perdaient leur chemise, étranglés par l’explosion du prix des matières premières qui entrent pour moitié dans le coût de fabrication de l’éthanol et un prix de vente en chute libre. Côté américain, une dizaine de fabricants d’éthanol ont dû déposer leur bilan. Les experts estiment qu’ils perdent 17,6 cents de dollar par gallon. Pour survivre, ils demandent à Washington d’obliger les pétroliers à incorporer 15 % d’éthanol dans le super, contre 10,2 % aujourd’hui. Ce n’est pas gagné, car les éleveurs de poulets et de dindes, tout comme les restaurateurs réunis dans l’association La nourriture avant le carburant redoutent que l’affectation d’un tiers de la récolte américaine de maïs aux autos ne Paris Francfort Londres Eurostoxx 50 New York — 0,39 % — 0,15 % +0,8 % +0,24 % CAC 40 DAX 30 FTSE 100 5 069,24 points 4 441,95 points +0,41 % Nasdaq Tokyo +0,51 % +3,77 % Dow Jones 2 509,22 points 8 799,26 points Nikkei Pourvu que ça dure ! 3 326,14 points COURS DE L’ÉTHANOL À ROTTERDAM, en euros par mètre cube 1 858,80 points 10 135,82 points 650 Les marchés s’offrent une pause 600 S’ils croient toujours à la reprise, les investisseurs redoutent une croissance durablement molle 550 500 455 450 400 Juillet 2008 12 juin 2009 SOURCE : METASTOCK renchérisse la nourriture des bêtes et des hommes. En France, on fait le gros dos, escomptant comme les émirs un renchérissement de l’or noir. « Cela nous redonne une marge de manœuvre importante », explique Alain d’Anselme, président du SNPAA, qui regroupe les industriels de l’alcool et de l’éthanol. Mais cela ne suffirait pas à résisterà une hausse des prix des matières premières ou à des taux de change erratiques. « L’Union européenne doit respecter les règles communautaires en matière d’importations d’éthanol [du Brésil], dit M. d’Anselme, et respecter l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports en 2020. Cela nous donnerait de véritables perspectives. » En clair, M. Branson et les agriculteurs ne veulent pas trop de concurrence avant d’être en mesure de l’affronter et d’avoir un marché en croissance. Pas sûr que cela les tire d’affaire pour autant. p D epuis près de trois mois, sur les marchés, des clignotants verts s’allument les uns après les autres. L’apparition de ces green shots (lueurs d’espoir) avait fini par convaincre les investisseurs que la sortie de crise ne pouvait plus être loin et que la reprise était certaine. Certes, le retour de la croissance est prévu pour 2010, et même pour la fin 2009 aux Etats-Unis. Mais celle-ci sera sans doute molle. Très molle. Les investisseurs commencent ainsi à réaliser que si le futur de l’économie mondiale ne se pare plus de noir, il est encore trop tôt pour oser le rose. Et après leur étonnante progression (30 % depuis début mars), la plupart des Bourses en Europe et aux Etats-Unis ont éprouvé le besoin de souffler. En cinq séances le Footsie de Londres a pris 0,08 %, le Dax allemand a cédé 0,15 % et le CAC s’est replié de 0,39 %. A New York, sur la semaine, le Dow Jones a progressé de 0,41 %. « A moyen terme, on ne voit pas le marché aller beaucoup plus haut », ajoute Yves Maillot, responsable de la gestion chez Robeco. De fait, cette crise a été la pire que le monde ait traversée depuis l’aprèsguerre et « ce n’est pas le résultat d’une “simple” surchauffe mais une remise en question de tout le système de financement de la crois- Capitaux Isabelle Ehrhart Taux et changes U S sance », poursuit Jean-Louis Mourier, analyste chez Aurel BGC. Lors de la reprise, la dette, moteur de l’économie « ante crise », ne sera donc sans doute pas utilisée avec la même ampleur. Et même si les banques vont mieuxet si les établissements américains aidés par l’Etat, tels JPMorgan Chase ou Morgan Stanley sont prêts à rembourser les aides reçues, les experts savent qu’elles ne se comporteront plus comme avant, qu’elles ne prêteront plus autant ou, lorsqu’elles le feront, pour un coût bien plus élevé. Si le futur de l’économie mondiale ne se pare plus de noir, il est encore trop tôt pour oser le rose Enoutre, il faudra, demain, rembourser les gigantesques plans de relance mis en œuvre par les Etats. Autrement dit, quand les choses iront vraiment mieux, les hausses d’impôts seront inévitables, et elles gripperont la reprise. Sur le marché, les plus optimistes, les bulls, par opposition aux bears, les pessimistes, n’ont toute- fois pas dit leur dernier mot. « On est au plancher, c’est le moment d’investir », estime Matthieu Grouès, directeur chez Lazard frères gestion, qui s’attend par un effet mécanique à un rythme de croissance « colossal ». Selon lui, les annonces désastreuses d’industriels – la mise en faillite du constructeur automobileaméricain General Motors oucelle du géant de la distribution allemand Arcandor cette semaine ne sont pas une source d’inquiétude. Car les difficultés de ces firmes reflètent le présent et non le futur. Quant à la progression continue du chômage évoquée comme un des freins majeurs à la reprise, d’un point de vue boursier, « c’est un faux problème », affirme M. Grouès. Là encore le chômage n’est pas un indicateur avancé, mais « retardé » de l’économie. L’audace des bulls a toutefois ses limites. Personne n’a oublié la crise et les dégâts qu’elle a provoqués. S’ils croient à la hausse, les gérants savent qu’elle s’étalera sur plusieurs années. « Il faut investir sur trois à quatre ans », précise M. Grouès. Dans l’intervalle, des corrections ne sont pas exclues. Aussi, les valeurs « cycliques » plus sensibles aux aléas de la croissance, comme celles du secteur automobile, ont été plébiscitées 1 ¤ = 1,4016 $ b Taux à 10 ans (France) = 3,965 % ces dernières semaines – Peugeot est la plus forte hausse du CAC 40. La plupart des investisseurs ont maintenant conscience qu’il ne faut pas aller trop loin. Les opérateurs, bulls comme bears, préfèrent les valeurs plus défensives, notamment celles du secteur de la santé. Une conviction renforcée après l’annonce de pandémie de grippe porcine. L’Organisation mondiale de la santé a déclenché, jeudi, le niveau 6 d’alerte maximale face à la grippe A (H1N1). Ceci a un peu cyniquement dopé le cours de laboratoires comme GlaxoSmithKline qui a un vaccin en préparation, et de ses rivaux AstraZeneca et Shire. Le secteur de l’énergie est aussi privilégié. Mais les investisseurs sont gênés par la remontée brutale du pétrole, au-dessus de 70 dollars le baril. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Sans doute un peu les deux. car il s’agit peut-être d’un « indicateur avancé » d’une reprise de la demande mondiale, qui profite de surcroît à des groupes comme Total, ou Shell. Mais la hausse des prix du carburant est aussi un facteur de coûts pour les entreprises et une ponction sur le pouvoir d’achat des ménages. De quoi ramollir la croissance à venir. p Claire Gatinois b Taux à 10 ans (US) = 4,794 % Changement de rythme La couronne suédoise piégée par la Lettonie n nouveau tempo, moins frénétique qu’en début d’année, rythme le marché du crédit. Janvier semble déjà loin, lorsque l’on ne comptait plus les semaines où les entreprises non financières empruntaient quelque 10 milliards d’euros. Cette deuxième semaine de juin n’a vu qu’une émission notable, celle de ThyssenKrupp. Le sidérurgiste allemand est venu solliciter les investisseurs institutionnels pour la deuxième fois de l’année. Le 8 juin, il a emprunté 1 milliard d’euros remboursables dans cinq ans avec un coupon à 8 %. A titre de comparaison, EDF va proposer aux particuliers 4,5 % pour la même maturité. Une différence qui s’explique par deux qualités de signature aux antipodes. L’allemand est noté BBB – par Fitch, Baa3 par Moody’s et BBB – par Standard and Poor’s. Les trois agences sont d’accord pour juger que cela ne devrait pas s’arranger. EDF bénéficie d’un A +, Aa3, et A +, et seule Standard and Poor’s évoque une possible dégradation. S’ils ne sont pas pessimistes, les professionnels considèrent cependant que ce rythme qui paraît bien mou pourrait perdurer. La raison essentielle tient aux volumes émis jusqu’à présent. Avec 180 milliards d’euros empruntés depuis le 1er janvier, les entreprises ne sont pas loin d’avoir fait le plein de dettes. Pour le second semestre, les volumes attendus sont de l’ordre de 50 à 70 milliards d’euros de nouvelles émissions de la part des sociétés non financières. Dans le même temps, les investisseurs institutionnels devraient rester demandeurs d’obligations d’entreprise. D’une part, de nombreux paiements de coupons et remboursements d’obligations sont encore attendus au second semestre, conséquences des nombreuses émissions lancées en 2002 et 2004. D’autre part, les banquiers notent l’arrivée sur le marché de l’euro de nouveaux investisseurs, américains notamment, dont l’appétit est énorme. De quoi maintenir, au moins, les primes de risque à leur niveau actuel.Pour les meilleures signatures, des simples A comme EDF, l’indice reflétant l’évolution des primes de risque, l’Iboxx, est revenu à son niveau d’octobre 2008. Quand au taux d’intérêt offert par cette même qualité d’emprunteur, il est revenu à son niveau d’avril 2007. p Société des lecteurs du « Monde » Conforter l’indépendance du « Monde » Vous êtes attaché à l’indépendance du Monde. Vous pouvez y concourir en rejoignant la Société des lecteurs (SDL). Elle contrôle 7,71 % du capital du journal – titres inscrits sur le marché libre, code ISIN FR0000034779. Ceux qui ont un portefeuille peuvent passer un ordre d’achat à leur banque ; les autres, acheter une ou plusieurs actions en s’adressant à la SDL. Les titres ainsi acquis seront inscrits en « compte nominatif pur », formule qui n’entraîne pas de droit de garde pour l’actionnaire. Cours de l’action LE 12 JUIN 2009 : 5,95 ¤ Société des lecteurs du « Monde », 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13. Tél. : 01-57-28-25-01. Courriel : [email protected] ouvent érigée au rang de modèle au plan économique et social, la Suède paie aujourd’huisesexcès.Laboulimied’investissement de ses banques dans les pays baltes au début de la décennie l’a conduite aujourd’hui à devenir l’otage de la Lettonie. Depuis plusieurs mois, sa monnaie, la couronne, ne fluctue plus qu’au rythme des bonnes et des mauvaises nouvelles de la santé financière de ce pays au bord de la faillite. La monnaie suédoise a repris 1,7 % cette semaine – il fallait 10,7 couronnes pour faire 1 euro vendredi 12 juin –, après avoir perdu quasiment 4 % la semaine précédente. La Banque centrale suédoise, la Riksbank,adécidé,mercredi,d’utiliser l’accord temporaire d’échanges dedevisesmisenplacele20décembre 2007 avec la Banque centrale européenne (BCE). Elle va lui emprunter 3 milliards d’euros contre des couronnes suédoises – sur les 10 milliards d’euros que prévoit le contrat –, de manière à assurer les besoins potentiels de liquidités en euros de son système bancaire. « Cette nouvelle intervient peu de temps après que la Riksbank a obtenu l’accord du gouvernement suédois pour emprunter l’équivalent de 100 milliards de couronnes afin de reconstituer ses réserves de change », notent les experts d’UBS. La Suède, qui a dépensé des sommes considérables pour soutenir son système bancaire en difficulté, avait vu ses réserves fondre comme neige au soleil. Les agences de notation financière s’étaient à de nombreuses reprises alarmées de l’exposition des banques suédoises aux pays baltes. Mercredi, Stockholm a publié le résultat des tests de résistance de ses établissements financiers. Les quatre grandes banques du pays – Nordea, Handelsbanken, SEB et Swedbank – sont toutes en mesure de résister à des pressions économiques Une devise sous pression EURO EN COURONNES SUÉDOISES 11,6 11,2 10,7179 10,8 10,4 Décembre 2008 12 juin 2009 SOURCE : BLOOMBERG « extrêmes », comme des pertes sur crédit de 350 milliards de couronnes (32,5 milliards d’euros) entre 2009 et 2011. Autre bonne nouvelle pour la Suède, le gouvernement letton semble avoir pris conscience qu’il devaitfaire des coupes budgétaires drastiques pour rassurer les investisseurs internationaux et éviter la dévaluation de sa monnaie, le lats. Celui-ci est arrimé à l’euro par un système de « peg » (ancrage), avec une bande de fluctuation de 1 % face à l’euro. Un mécanisme qui a contraint la Banque centrale à débourser près de 644 millions de lats (922 millions d’euros) cette année pour stabiliser sa devise. Situation préoccupante La situation en Lettonie, où les tensions sociales avaient débouché en janvier sur des émeutes et sur la démission dupremier ministre, reste préoccupante. Le marché du lats est presque gelé, les taux d’intérêt au jour le jour ont atteint 100 %, et le président letton, Valdis Zatlers, a prévenu, mercredi, qu’il s’agirait d’un « meurtre économique » si son pays ne parvenait pas à obtenir d’aide supplémentaire du Fonds monétaire international (FMI). La Lettonie espère obtenir uneaide supplémentaire de 1,2 milliard d’euros, après celle de 7,5 milliards obtenue en décembre 2008. La Commission européenne a prévenu le pays qu’il risquait de se voir refuser une deuxième tranche de prêt faute de nouvelles économies, car le plan initial se fondait sur un déficit de seulement 5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009,largement dépassé. Le ministre suédois des finances, Anders Borg, a appelé mardi le FMI et la communauté internationale à accorder rapidement à la Lettonie les fonds dont elle a besoin. Il reste néanmoins un risque de dévaluation du lats. Un éventuel abandon de son ancrage à l’euro inquiète profondément les autorités monétaires internationales, tant il serait dangereux pour toute la région, risquant de déclencher une fuite de capitaux, mais aussi pour lesménages et entreprises lettons. Eux reçoivent salaires et recettes en devise locale, mais se sont fortement endettés en euros, ces dernières années, sachant que le risque de change était neutralisé par le système de peg. Les agences de notation ont multiplié les alertes cette semaine. Evoquant un « risque important et croissant », Fitch estime que la Lettonie pourrait devoir dévaluer sa monnaie malgré les efforts qu’elle a déployés cette semaine pour réduire ses dépenses budgétaires. Sa concurrente Moody’s a jugé que la Lettonie était en mesure, pour le moment, d’éviter une dévaluation à court terme. p Cécile Prudhomme SOCIÉTÉ DES LECTEURS DU 123 Lecteurs sans frontières (LSF) La SDL se mobilise pour favoriser la liberté de la presse et l’accès à l’information en alimentant le fonds « Lecteurs sans frontières », qui finance des abonnements pour des lecteurs dans des pays en difficulté. Ces abonnements sont destinés à des personnes, ainsi qu’à des associations ou institutions, engagées un peu partout dans le monde dans des actions citoyennes pour le développement économique et social, pour la défense des droits de l’homme, de la liberté de l’information ou encore la diffusion de la lecture et l’enseignement du français. Faute de moyens financiers ou en raison d’obstacles politiques, ces personnes ne pourraient, sans vous, avoir accès à une information libre qui nourrisse leur réflexion et leur donne une ouverture irremplaçable sur le monde. Vous pouvez y concourir en envoyant vos dons par chèque bancaire ou postal à l’ordre de Lecteurs sans frontières à l’adresse suivante : Société des lecteurs du Monde 80, boulevard Auguste-Blanqui - 75707 Paris Cedex 13 Retrouver plus d’informations sur www.sdl.lemonde.fr rubrique Lecteurs sans frontières 12 Valeurs 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 en euros à Paris en euros à Paris en euros à Paris 18,5 16,0 45 32,5 18,0 15,26 15,5 17,51 43 17,5 15,0 17,0 14,5 16,5 14,0 16,0 13,5 37 15,5 13,0 35 en euros à Paris 31,5 40,3 41 en euros à Paris 31 9,0 29 8,6 30,5 39 27 25,18 + 12,3% + 12,2% + 9,55% – 8,89% – 10,4% – 17,6% 8 juin 12 juin 2009 8 juin 12 juin 2009 29,5 29,5 7,8 28,5 8 juin 12 juin 2009 8,06 8,2 8 juin 12 juin 2009 25 23 8 juin 12 juin 2009 8 juin 12 juin 2009 SOURCE : BLOOMBERG en euros à Paris UBISOFT Opportun VALEO Recommandé SPERIAN PROTECTION Fièvre CARREFOUR Inquiétudes PAGES JAUNES Incertitudes WENDEL Effet « baron » L’action de l’éditeur de jeux vidéo français Ubisoft a progressé de 12,3 %, à 17,51 euros entre le lundi 8 et le vendredi 12 juin. Elle a bénéficié de recommandations à l’achat d’analystes. L’entreprise profite surtout du succès de la console Wii, sur laquelle elle a beaucoup misé. Par ailleurs, les investisseurs avaient l’occasion de revenir sur le titre : il avait été massacré en Bourse après la publication, fin mai, de résultats 2008-2009 jugés décevants, bien qu’en ligne avec les prévisions de la société. L’équipementier automobile a profité d’un relèvement de recommandation de Bank of AmericaMerrill Lynch, de « neutre » à « acheter ». Le titre Valeo en a profité pour s’apprécier en Bourse. Entre le 8 et le 12 juin, il a progressé de 12,2 %, à 15,26 euros. Lors de l’assemblée générale du groupe, le 9, la direction a confirmé sa prévision d’une baisse du marché automobile de 30 % au premier semestre et de 20 % sur 2009, ajoutant qu’elle « n’anticipait pas de retour de conditions de marché normales avant 2011 ou 2012 ». En portant le niveau d’alerte de la pandémie porcine à son niveau maximal, l’Organisation mondiale de la santé a provoqué un échauffement sur le titre Sperian Protection. Cette société française est le numéro un mondial des fabricants de masques de protection. En 2007, la protection respiratoire représentait 20 % de son chiffre d’affaires. Au premier trimestre, les ventes atteignaient 153 millions d’euros en repli de 18 %. L’espoir de leur regain a dopé l’action en Bourse qui, en cinq séances, a pris 9,55 % à 40,3 euros. Le deuxième distributeur mondial va-t-il lancer un avertissement sur ses résultats ? Cette rumeur a animé la séance du 11 juin, au cours de laquelle le titre Carrefour a cédé 3,67 %. Le groupe doit publier son chiffre d’affaires le 16 juillet et ses résultats semestriels le 28 août. Le mouvement des agriculteurs – ils ont bloqué des magasins et des centrales d’achat – a dû également peser sur le cours de l’action. En cinq séances, il s’est replié de 8,89 % à 29,5 euros, la plus forte chute du CAC 40 sur la semaine. En cinq séances, le titre Pages jaunes a plongé de 10,4 % à 8,06 euros. Cette chute intervient dans un contexte spéculatif après le départ surprise, le 25 mai, du directeur général de l’entreprise – Michel Datchary – remplacé par Jean-Pierre Remy. Les investisseurs s’interrogent sur l’avenir de cette ancienne filiale de France Télécom désormais contrôlée par Mediannuaire, filiale du fonds d’investissement KKR. Le 12 juin, la société a annoncé que Julien Billot, ex-Lagardère Active, serait directeur général du pôle Internet. Est-ce l’annonce de la reconduction d’Ernest-Antoine Seillière à la présidence du conseil de surveillance de la société – il était contesté par une minorité d’actionnaires – ou celle d’« une perte comptable très significative » attendue en 2009 qui a fait chuter le cours de l’action Wendel à la Bourse de Paris ? Sans doute les deux. En cinq séances, le titre de la société d’investissements a abandonné 17,6 % à 25,18 euros. Depuis le 1er janvier, il s’est affaissé de près de 30 %, de près de 70 % en un an. VALEURS DU SBF120 Valeurs françaises et zone euro Vendredi 12 juin 19h40 Valeur Dernier cours Sem. préc. % var. /heb. % var. 31/12 ACCOR ............................◗ 30,16 30,50 -1,13 -14,10 ADP ....................................◗ 53,49 54,00 -0,94 10,54 AIR FRANCE-KLM .............◗ 9,98 10,84 -7,93 8,83 AIR LIQUIDE ......................◗ 66,75 66,05 1,07 1,99 ALCATEL-LUCENT .............◗ 2,01 1,93 3,94 30,92 ALSTOM.............................◗ 44,84 47,67 -5,96 6,80 ALTEN ................................◗ 13,20 12,79 3,25 -13,10 ALTRAN TECHNO..............◗ 2,29 2,23 2,64 -15,81 APRIL GROUP ....................◗ 23,65 25,00 -5,40 30,66 ARCELORMITTAL................ 25,11 24,95 0,62 47,71 AREVA CIP ........................... 446,00 444,47 0,34 27,43 ARKEMA ............................◗ 19,14 19,65 -2,60 56,24 ATOS ORIGIN ....................◗ 24,93 24,60 1,36 39,19 AXA....................................◗ 14,54 14,71 -1,19 -8,24 BENETEAU.........................◗ 8,82 8,79 0,31 30,64 BIC......................................◗ 40,76 39,60 2,92 -1,01 BNP PARIBAS ACT.A ........◗ 49,83 47,85 4,14 64,73 BONDUELLE ......................◗ 56,25 58,10 -3,18 -4,17 BOURBON .........................◗ 31,25 32,79 -4,71 73,20 BOUYGUES........................◗ 26,30 28,25 -6,92 -12,91 BUREAU VERITAS .............◗ 35,95 36,52 -1,55 25,10 CAP GEMINI ......................◗ 26,00 26,33 -1,25 -5,45 CARBONE-LORRAINE .......◗ 21,73 21,86 -0,62 22,04 CARREFOUR ......................◗ 29,50 32,38 -8,89 7,19 CASINO GUICHARD .........◗ 49,09 50,82 -3,39 0,13 CGG VERITAS ....................◗ 14,65 13,96 4,91 38,21 CIMENTS FRANCAIS.........◗ 67,21 68,42 -1,77 11,42 CLUB MEDITERRANEE......◗ 9,81 9,55 2,72 -18,11 CNP ASSURANCES............◗ 69,70 68,85 1,23 34,40 CREDIT AGRICOLE ............◗ 10,95 10,78 1,62 36,88 DANONE............................◗ 34,22 33,41 2,41 -16,06 DASSAULT SYSTEMES......◗ 33,15 32,08 3,34 2,55 DERICHEBOURG................. 1,98 1,67 18,56 22,75 DEXIA .................................. 6,41 5,79 10,82 100,44 EADS ..................................◗ 11,38 11,70 -2,74 -5,44 EDF .....................................◗ 35,63 35,42 0,58 -14,14 EDF ENERGIES NOUV.......◗ 35,90 35,66 0,69 42,18 EIFFAGE .............................◗ 43,90 43,97 -0,16 17,47 ERAMET .............................◗ 224,61 206,31 8,87 62,76 ESSILOR INTL.....................◗ 34,63 33,22 4,24 3,16 EULER HERMES.................◗ 45,90 49,10 -6,53 30,88 EURAZEO...........................◗ 33,10 33,00 0,30 -1,34 EUTELSAT COMMUNIC....◗ 17,66 18,00 -1,83 4,53 FIMALAC............................◗ 37,39 39,85 -6,17 66,92 FONC.REGIONS. ...............◗ 53,65 55,00 -2,45 9,49 FRANCE TELECOM ............◗ 16,09 15,96 0,81 -19,41 GDF SUEZ ..........................◗ 27,25 27,73 -1,73 -22,86 Plus haut Plus bas 37,50 25,20 54,94 35,11 11,70 6,21 68,90 55,02 2,16 0,87 51,45 33,38 15,69 9,55 3,40 1,74 25,94 17,63 26,05 12,57 474,98 303,51 20,84 9,71 26,93 16,50 17,35 5,71 9,99 4,90 45,35 34,43 50,30 20,66 60,22 48,69 34,50 18,00 35,87 21,77 37,50 25,25 29,94 21,12 23,00 15,25 33,05 22,06 52,16 39,88 15,11 7,63 75,95 46,10 14,00 8,91 70,00 38,84 12,16 5,90 43,24 31,23 34,05 25,00 2,17 1,26 6,59 1,10 14,40 8,12 44,15 26,55 37,48 24,26 45,85 26,79 238,50 108,00 35,26 26,08 49,90 19,02 35,18 15,60 18,40 14,90 42,89 20,61 59,50 33,88 20,83 15,91 36,00 22,70 Divid. net 1,65 1,38 0,58 2,25 0,16 1,60 n/d 0,20 0,37 0,16 6,77 0,75 0,40 0,40 0,43 1,35 1,00 1,50 0,90 1,60 0,72 1,00 0,62 1,08 2,53 1,22 3,00 1,00 2,85 0,45 1,20 0,46 0,08 0,68 0,17 0,64 0,27 1,20 5,25 0,66 1,50 1,20 0,60 1,50 5,30 0,40 0,60 T T T T T T T T A T T T T T T T T T T T T T T T T T T T T T T T T S T T T T T T D T T S S Code ISIN FR0000120404 FR0010340141 FR0000031122 FR0000120073 FR0000130007 FR0010220475 FR0000071946 FR0000034639 FR0004037125 LU0323134006 FR0004275832 FR0010313833 FR0000051732 FR0000120628 FR0000035164 FR0000120966 FR0000131104 FR0000063935 FR0004548873 FR0000120503 FR0006174348 FR0000125338 FR0000039620 FR0000120172 FR0000125585 FR0000120164 FR0000120982 FR0000121568 FR0000120222 FR0000045072 FR0000120644 FR0000130650 FR0000053381 BE0003796134 NL0000235190 FR0010242511 FR0010400143 FR0000130452 FR0000131757 FR0000121667 FR0004254035 FR0000121121 FR0010221234 FR0000037947 FR0000064578 FR0000133308 FR0010208488 Indice Dernier cours % var. /heb. Maxi 2008 Mini 2008 PER DAX Index 5069,24 12/6 Euro Neu Markt Price IX 696,07 12/6 AUTRICHE Austria traded 2190,24 12/6 BELGIQUE Bel 20 2070,19 12/6 DANEMARK Horsens Bnex 303,67 12/6 ESPAGNE Ibex 35 9714,40 12/6 FINLANDE Hex General 5901,86 12/6 FRANCE CAC 40 3326,14 12/6 CAC Next20 3976,88 12/6 CAC Mid100 4975,19 12/6 CAC Small 90 4921,61 12/6 SBF 250 2355,86 12/6 CAC IT20 2791,27 12/6 GRÈCE ASE General 2401,57 12/6 HONGRIE Bux 16333,38 11/6 IRLANDE Irish Overall 2970,15 12/6 ITALIE S&P Mib index 20384,22 12/6 LUXEMBOURG Lux Index 1111,55 9/6 PAYS BAS Amster. Exc. Index 265,48 12/6 -0,15 5177,59 2/6 0,67 705,99 12/6 2,08 2220,96 10/6 -0,06 2139,46 11/5 3,24 308,71 20/5 2,05 9800,00 6/1 1,71 6139,12 7/5 -0,39 3426,04 6/1 0,16 4036,46 2/6 -0,10 5056,34 7/5 0,16 4957,72 10/6 -0,32 2396,73 3/6 0,33 3058,79 6/1 1,24 2431,39 2/6 8,02 16671,07 11/6 1,29 2989,77 12/6 1,06 20996,00 6/1 0,53 1123,09 5/6 -0,54 271,91 6/1 3588,89 463,93 1379,86 1523,47 9/3 16,20 9/3 9/3 13,40 6/3 14,50 12/6 6702,60 9/3 11,50 12/6 2465,46 9/3 13,40 2869,81 9/3 3744,35 9/3 3465,08 10/3 1780,09 9/3 14,20 2365,63 9/3 1457,83 9/3 9337,99 12/3 10,80 1880,36 10/3 337,70 12332,00 9/3 798,18 6/3 194,99 9/3 14,60 MARCHÉ DES CHANGES 12/6, 22h21 Dollar NEW YORK ($) TOKYO (¥) PARIS (¤) LONDRES (£) ZURICH (FR. S.) Cours de l'euro 100 Yens 1,01636 98,39000 0,71439 0,60846 1,08060 0,72622 0,61851 1,09850 Euro 1,39980 137,70000 0,85180 1,51270 Achat GECINA ..............................◗ GEMALTO..........................◗ GROUPE EUROTUNNEL ..... HAULOTTE GROUP............. HAVAS ...............................◗ HERMES INTL ....................◗ ICADE.................................◗ ILIAD ..................................◗ IMERYS ..............................◗ IMS(INT.METALSER) .......... INGENICO..........................◗ IPSEN .................................◗ IPSOS .................................◗ JC DECAUX ........................◗ KLEPIERRE .........................◗ LAFARGE............................◗ LAGARDERE ......................◗ LEGRAND...........................◗ L'OREAL .............................◗ LVMH MOET HEN.............◗ M6-METROPOLE TV .........◗ MAUREL ET PROM............◗ MICHELIN ..........................◗ NATIXIS .............................◗ 60,40 24,08 4,17 5,00 1,89 95,02 61,91 73,25 32,99 12,05 14,43 31,29 17,93 12,05 17,80 50,69 23,72 15,32 53,93 59,44 13,87 12,70 44,58 1,54 Livre 1,64350 161,68000 1,17430 Sem. préc. 59,77 23,47 4,00 5,20 1,96 93,98 58,90 74,68 31,99 11,77 14,34 30,81 17,48 12,23 18,79 50,46 24,27 14,96 55,21 59,00 14,11 13,00 43,93 1,55 % var. /heb. 1,05 2,60 4,25 -3,85 -3,77 1,10 5,11 -1,91 3,13 2,38 0,63 1,56 2,55 -1,47 -5,24 0,46 -2,27 2,37 -2,32 0,75 -1,67 -2,31 1,48 -0,45 % var. 31/12 21,68 34,53 8,31 12,36 28,54 -4,99 4,05 18,15 1,52 30,27 30,12 11,79 -7,00 -1,95 1,71 34,56 -18,21 12,15 -13,43 24,43 0,18 55,26 18,66 23,12 Plus haut 64,85 25,66 4,56 5,78 2,62 104,65 67,29 81,89 38,72 13,95 15,06 35,09 19,50 13,94 20,41 52,00 31,91 16,95 65,39 61,80 15,06 13,35 46,20 2,02 Plus bas 25,85 16,16 2,65 2,40 1,26 64,84 51,00 59,00 23,27 7,10 9,90 24,10 15,48 7,32 9,88 26,07 19,11 11,37 46,00 39,08 9,35 6,97 22,69 0,76 Divid. net 1,22 n/d n/d 0,22 0,04 1,03 3,25 0,31 1,90 1,10 0,25 0,70 0,40 0,44 1,25 4,00 1,30 0,70 1,44 1,25 0,85 1,20 1,00 0,45 Code ISIN Valeur A FR0010040865 NL0000400653 FR0010533075 T FR0000066755 T FR0000121881 T FR0000052292 T FR0000035081 T FR0004035913 T FR0000120859 T FR0000033904 T FR0000125346 T FR0010259150 T FR0000073298 T FR0000077919 T FR0000121964 T FR0000120537 T FR0000130213 T FR0010307819 T FR0000120321 S FR0000121014 T FR0000053225 T FR0000051070 T FR0000121261 T FR0000120685 0123 LA BOUTIQUE Du lundi au vendredi 9 h 30 à 18 h Samedi 10 h à 14 h Dernier cours Indice Dernier cours WSE Wig 20 PSI 20 ROYAUME UNI FTSE 100 index FTSE techMark 100 index SUÈDE OMX REP. TCHÉQUE Exchange PX 50 2002,85 10/6 7181,85 12/6 4441,95 12/6 1341,16 12/6 799,65 12/6 964,80 11/6 POLOGNE % var. /heb. Maxi 2008 Mini 2008 1,72 0,05 0,08 -1,17 3,79 3,47 2002,85 10/6 7437,09 7/5 4675,68 6/1 1414,21 20/5 816,35 7/5 982,70 7/5 1327,64 17/2 5696,46 9/3 3460,71 9/3 1118,56 9/3 12/6 628,50 18/2 PER Pays 13,00 16,40 13,50 ASIE-OCÉANIE 15,20 11,30 EUROPE ICEX 15 269,33 11/6 RTS 1127,23 11/6 Swiss market 5521,84 12/6 National 100 34723,84 11/6 ISLANDE RUSSIE SUISSE TURQUIE 2,81 355,21 -1,98 1180,56 2,28 5881,47 1,33 36214,16 2/1 2/6 6/1 2/6 212,05 1/4 498,20 23/1 4234,96 9/3 22583,11 12/3 13,00 AMÉRIQUES Merval 1669,54 11/6 BRÉSIL Bovespa 53596,65 12/6 CANADA TSX Composite 10648,74 12/6 CHILI Ipsa 3249,23 12/6 ETATS-UNIS Dow Jones ind. 8799,26 12/6 Nasdaq composite 1858,80 12/6 Nasdaq 100 1489,97 12/6 Wilshire 5000 9701,15 12/6 Standards & Poors 500 946,21 12/6 MEXIQUE IPC 25488,90 12/6 ARGENTINE 0,91 1669,54 11/6 0,57 54955,23 2/6 0,94 10726,01 11/6 1,53 4610,05 26/5 0,41 9088,06 6/1 0,51 1879,92 11/6 -0,22 1511,94 11/6 0,48 9803,21 11/6 0,65 956,23 11/6 2,30 25554,16 12/6 930,11 35721,83 7479,96 2223,22 6469,95 1265,52 1040,41 6772,29 666,79 16929,80 3/3 3/3 6/3 8/4 6/3 9/3 9/3 6/3 6/3 2/3 13,00 13,40 16,90 Indice All ordinaries 4061,50 12/6 Shangaï B 182,13 12/6 Shenzen B 456,59 12/6 CORÉE DU SUD K Composite 1428,59 12/6 HONG KONG Hang Seng 18889,68 12/6 HKEX LargeCAp 22512,18 12/6 INDE Bombay SE 30 1845,31 12/6 ISRAËL Tel Aviv 100 811,91 11/6 JAPON Nikkei 225 10135,82 12/6 Topix index 950,54 12/6 MALAISIE KL composite 1088,96 11/6 NOUVELLE-ZÉLANDE All ordinar. 697,52 11/6 SINGAPOUR Straits Time 2379,57 12/6 TAÏWAN Weighted 6448,23 12/6 THAILANDE Thaï SE 630,66 12/6 CHINE % var. 31/12 Plus haut 68,00 48,95 25,32 10,65 34,55 9,10 56,00 24,75 64,98 24,95 32,74 31,29 7,23 6,98 10,82 30,64 33,35 49,93 58,59 17,05 31,48 52,50 34,52 15,09 79,74 44,75 42,60 5,25 48,00 50,45 15,65 5,96 13,40 38,20 25,46 11,13 34,98 3,88 1,83 42,47 17,73 129,56 17,66 99,75 23,15 36,40 24,00 39,17 29,95 Plus bas 53,24 25,55 9,41 7,15 22,86 5,92 38,81 11,43 36,25 16,60 15,80 10,16 3,56 2,02 6,59 16,33 16,65 38,42 41,30 13,60 16,44 37,22 18,56 13,08 51,70 18,24 32,37 1,99 19,25 31,30 7,30 2,97 9,70 20,70 19,57 5,06 27,22 1,09 0,36 34,25 9,66 85,80 8,00 52,52 15,00 24,60 17,40 14,88 18,55 Divid. net 1,65 2,00 1,50 n/d n/d 0,96 0,69 1,50 3,30 0,60 0,65 3,80 0,37 0,25 0,17 0,68 1,00 2,20 3,45 0,80 0,94 1,30 1,21 0,56 4,30 1,20 1,27 n/d 1,50 0,45 0,12 0,03 0,65 1,20 0,44 0,47 1,05 n/d 0,33 1,14 n/d 1,75 1,20 6,00 1,21 1,10 1,40 1,00 1,00 Code ISIN A FR0000120560 T FR0000044448 T FR0010112524 FR0000074130 FR0000184798 T FR0010096354 S FR0000120693 T FR0000121501 T FR0000121485 T FR0000130577 A FR0000130395 T FR0000131906 T FR0010451203 T FR0010479956 S FR0000073272 T FR0010208165 T FR0000125007 T FR0000120578 T FR0000121972 T FR0010411983 T FR0000121709 T FR0000039109 T FR0000060402 T LU0088087324 T FR0000050916 T FR0000130809 T FR0000121220 FR0004025062 T FR0000060899 T FR0000065674 T FR0000072910 A NL0000226223 A FR0010613471 T FR0000131708 T FR0000051807 T FR0000054900 T FR0000121329 FR0000184814 D FR0000184533 S FR0000120271 FR0000054470 A FR0000124711 T FR0000130338 T FR0000120354 T FR0000124141 S FR0000125486 T FR0000127771 T FR0000121204 T FR0000125684 All share 22915,06 12/6 BRVM 128,62 11/6 Vendredi 12 juin 22h21 0,92541 91,03323 0,66107 0,56306 Taux j.le j. Taux 3 mois Taux 10 ans Taux 30 ans 0,84 0,55 0,84 0,84 0,14 0,26 0,11 1,27 1,25 1,27 1,27 0,49 0,62 0,40 3,96 3,55 4,58 3,58 1,54 3,79 2,44 4,52 4,62 5,46 4,39 2,30 4,63 2,97 Echéance Premier prix Dernier prix Contrats ouverts 6/9 3321,00 3340,50 459533 0/0 6/9 2515,00 2523,00 2570986 261691 6/9 9/9 98,73 98,78 584393 6/9 8735,00 8799,00 24884 938,80 945,60 281247 6/9 Crédit immobilier à taux fixe taux effectif moyen .......................................5,52 % usure ................................................................7,36 % Crédit immobilier à taux variable taux effectif moyen .......................................5,60 % usure ................................................................7,46 % Crédit consommation (- de 1 524 euros) taux effectif moyen.....................................15,82 % usure ..............................................................21,09 % Crédit renouvelable, découverts taux effectif moyen.....................................15,54 % usure ..............................................................20,72 % Crédit consommation (+ de 1 524 euros) taux effectif moyen .......................................7,33 % usure ................................................................9,77 % Crédit aux entreprises (+ de 2ans) moyenne taux variable .................................6,93 % usure taux variable ........................................9,24 % moyenne taux fixe.........................................6,11 % usure taux fixe................................................8,15 % (Taux de l’usure : taux maximum légal) 3052,50 9/3 112,20 5/1 272,30 5/1 992,69 3/3 11344,58 9/3 14169,78 9/3 963,41 9/3 564,09 31/12 7021,28 10/3 698,46 12/3 838,39 12/3 616,80 3/3 1455,46 10/3 4164,19 21/1 408,77 3/3 PER 15,20 15,60 63,10 16,20 24,30 PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible. COTE D'IVOIRE OR paris cac 40 ter. euro notio. euro st. 50 francfort bund 10 ans londres euribor 3m. new york dow jones s. & poors 2,33 4078,30 12/6 0,36 185,69 11/6 -1,86 473,66 8/6 2,43 1437,00 2/6 1,13 19161,97 12/6 0,71 22855,07 12/6 -0,15 1894,44 12/6 0,30 825,61 9/6 3,77 10170,82 12/6 3,71 954,08 12/6 2,35 1026,78 8/5 -1,97 732,28 11/5 -0,24 2424,36 3/6 -4,71 7084,83 2/6 5,00 633,25 11/6 Mini 2008 16,30 15,50 AFRIQUE DU SUD Taux de base bancaire...................................6,60 % Taux des oblig. des sociétés privées ...........4,54 % Taux d'intérêt légal .......................................3,99 % Marchés à terme le 12/6, 22h21 Maxi 2008 AFRIQUE TAUX COURANTS Vente % var. /heb. 14,30 24,80 18,70 Taux d'intérêt le 12/6 france royaume-uni italie allemagne japon états-unis suisse Dernier cours AUSTRALIE TAUX couronne danoise ..................................................7,4460...................................7,4470 couronne norvég. ..................................................8,8705...................................8,8775 couronne suédoise ...............................................10,7549 ................................10,7609 couronne tchéque................................................26,6450 ................................26,6650 dollar australien ...................................................1,7206...................................1,7216 dollar canadien......................................................1,5656...................................1,5666 dollar hongkong .................................................10,8450 ................................10,8500 dollar néo-zéland..................................................2,1730...................................2,1830 forint hongrois..................................................277,1600 ..............................278,1600 leu roumain .............................................................4,2673...................................4,2799 rouble......................................................................43,3040 ................................43,4040 % var. /heb. NEOPOST...........................◗ 63,73 60,50 5,34 -1,70 NEXANS.............................◗ 42,61 41,04 3,83 0,14 NEXITY...............................◗ 21,06 23,14 -9,01 89,73 NICOX.................................. 10,58 9,45 11,96 36,34 ORPEA................................◗ 31,43 30,94 1,58 21,68 PAGESJAUNES ..................◗ 8,06 9,00 -10,44 14,65 PERNOD RICARD ..............◗ 44,00 44,66 -1,49 -16,93 PEUGEOT ...........................◗ 22,63 22,50 0,56 86,26 PPR .....................................◗ 61,84 61,33 0,84 32,71 PUBLICIS GROUPE ............◗ 21,50 22,00 -2,25 16,88 REMY COINTREAU............◗ 26,34 28,29 -6,89 -11,10 RENAULT ...........................◗ 30,45 30,76 -1,01 64,15 REXEL .................................◗ 6,86 7,12 -3,61 44,15 RHODIA .............................◗ 6,34 6,45 -1,66 40,74 SAFRAN .............................◗ 9,50 9,12 4,17 -1,39 SAFT..................................... 27,49 29,70 -7,44 42,44 SAINT-GOBAIN.................◗ 26,65 27,25 -2,18 -12,63 SANOFI-AVENTIS .............◗ 47,65 46,12 3,32 4,96 SCHNEIDER ELECTRIC.......◗ 55,90 53,24 4,99 5,46 SCOR SE .............................◗ 14,55 14,95 -2,64 -11,09 SEB .....................................◗ 29,73 30,09 -1,20 38,54 SECHE ENVIRONNEM. .....◗ 47,79 50,80 -5,93 7,89 SECHILIENNE SIDEC .........◗ 25,82 24,60 4,96 -19,31 SES......................................◗ 13,26 13,44 -1,34 -4,05 SILIC ...................................◗ 62,66 62,50 0,26 -5,83 SOCIETE GENERALE ..........◗ 43,48 44,50 -2,28 20,79 SODEXO.............................◗ 36,19 36,15 0,11 -8,55 SOITEC ...............................◗ 4,87 4,96 -1,92 52,99 SPERIAN PROTECTION.....◗ 40,03 36,54 9,55 -10,50 STALLERGENES ................... 44,96 47,70 -5,74 18,01 STERIA GROUPE................◗ 13,70 14,40 -4,90 71,83 STMICROELECTRONICS ...◗ 5,84 5,39 8,35 22,18 SUEZ ENV. .........................◗ 12,68 12,63 0,40 5,23 TECHNIP ............................◗ 37,30 37,39 -0,24 71,02 TELEPERFORMANCE.........◗ 21,41 22,09 -3,10 7,48 TF1 .....................................◗ 8,46 8,59 -1,48 -18,97 THALES ..............................◗ 33,22 32,55 2,04 11,36 THEOLIA .............................. 3,05 3,16 -3,48 0,33 THOMSON ........................◗ 0,79 0,73 7,49 -17,81 TOTAL ................................◗ 40,67 41,59 -2,21 4,54 UBISOFT ENTERTAIN .......◗ 17,52 15,59 12,35 25,56 UNIBAIL-RODAMCO ........◗ 112,68 112,80 -0,10 5,80 VALEO................................◗ 15,26 13,60 12,25 43,76 VALLOUREC.......................◗ 93,00 96,55 -3,68 14,81 VEOLIA ENVIRON. ............◗ 22,21 21,51 3,25 0,05 VINCI..................................◗ 33,13 33,66 -1,56 10,45 VIVENDI.............................◗ 17,64 18,57 -4,98 -24,16 WENDEL ............................◗ 25,18 30,57 -17,60 -28,86 ZODIAC AEROSPACE ........◗ 22,52 22,70 -0,79 -13,40 Franc S. 1,77600 Sem. préc. Cours en euros. En gras : CAC40. ◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation. Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2008. n/d : valeur non disponible. A : acompte, D : divers, S : solde, T : totalité. PORTUGAL UNION EUROPÉENNE ALLEMAGNE Dernier cours Pays LES BOURSES DANS LE MONDE 12/6, 22h21 Pays Valeur MÉTAUX Cours % var. /heb. ONCE D'OR EN DOLLAR .................937,25.......-3,45 OR FIN KILO BARRE....................20600,00 ........0,00 OR FIN LINGOT...........................21890,00.......-0,50 PIÈCE 20 FR. FRANCAIS..................130,00.......-2,48 PIÈCE 20 FR. SUISSE .......................131,10.......-2,16 PIÈCE UNION LAT. 20.....................132,00.......-2,22 PIÈCE 10 US$ ..................................380,50.......-3,67 PIÈCE 20 US$ ..................................845,00 ........4,26 PIÈCE 50 PESOS MEXICAINS .........825,00 ........0,00 DENRÉES Vendredi 12 juin 22h21 -1,08 23868,80 3/6 17953,96 3/3 -0,10 178,16 31/12 125,84 8/6 Cours % var. /heb. BLE ($ CHICAGO) ............................586,00.......-5,94 CACAO ($ NEW YORK) ................2705,00 ........0,00 CAFE (£ LONDRES)...................................................... COLZA (¤ PARIS) .............................319,50.......-2,52 MAÏS ($ CHICAGO).........................426,50.......-3,89 ORGE ($ WINIPEG) .........................168,00 ........0,00 JUS D'ORANGE ($ NEW YORK) .....135,00 ........0,00 SUCRE BLANC (£ LONDRES)..........431,90.......-3,18 SOJA TOURT. ($ CHICAGO) ...........422,80 ........6,63 Vendredi 12 juin 22h21 Cours % var. /heb. LONDRES ALUMINIUM COMPTANT ($/T)..1642,00......13,87 ALUMINIUM À 3 MOIS ($/T) ......1674,00......13,72 CUIVRE COMPTANT ($/T)...........5266,00 ........8,13 CUIVRE À 3 MOIS ($/T) ...............5290,00 ........8,18 ETAIN COMPTANT ($/T) ...........15825,00 ........8,02 ETAIN À 3 MOIS ($/T)................15655,00 ........8,26 NICKEL COMPTANT ($/T) .........15435,00......11,81 NICKEL À 3 MOIS ($/T)..............15650,00......12,23 PLOMB COMPTANT ($/T) ...........1787,00......14,15 PLOMB À 3 MOIS ($/T)................1809,50......14,45 ZINC COMPTANT ($/T) ...............1634,50 ........8,60 ZINC À 3 MOIS ($/T) ....................1661,50 ........8,77 NEW YORK ARGENT À TERME ($/once).............14,88.......-3,19 PLATINE À TERME ($/once) ....................................... PÉTROLE Vendredi 12 juin 22h21 Cours % var. /heb. LIGHT SWEET CRUDE.......................72,89 ........5,10 BRENT (LONDRES)............................70,83 ........3,64 WTI (NEW YORK)..............................72,68 ........5,62 Enquête Horizons 13 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Philippe Ricard Bruxelles, bureau européen A près avoir voté au Portugal, le 7 juin, José Manuel Barroso s’est dépêché de revenir à Bruxelles, où il est resté rivé toute la soirée devant la télévision. Tandis que la droite européenne, qui le soutient, triomphait dans les urnes, le président de la Commission s’est fendu d’un bref message pour « féliciter » les nouveaux élus. Prudent, et consensuel comme à son habitude, il s’est bien gardé de crier victoire, depuis son bureau au 13e étage du Berlaymont, à deux pas du Parlement européen. Les élections ont livré leur verdict, mais la campagne engagée de longue date par M. Barroso, la seule qui compte vraiment à ses yeux, entre dans le vif du sujet. Chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept devraient soutenir au moins le principe de sa reconduction, lors de leur sommet des 18 et 19 juin, à Bruxelles. Mais de nombreux eurodéputés, comme Daniel CohnBendit,réclament laformation d’unecoalition « anti-Barroso ». Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, qui le soutiennent sans entrain, ne sont pas non plus pressés de le reconduire sans avoir visé sa prochaine feuille de route. Vilipendé par les uns, soutenu du bout des lèvres par les autres, ce quinquagénaire aux faux airs de Lino Ventura aura tout tenté pour assouvir son ambition. En cinq ans, l’ancien premier ministre du Portugal a été contraint à évoluer. En juin 2004, il avait été fait roi par les Britanniques. Son nom était apparu à la dernière minute, sorti du chapeau par un Tony Blair au sommet de son influence. Le président français JacquesChirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder avaient entériné sans enthousiasme la nomination « par défaut » de l’ancien hôte du sommet des Açores – cet archipel portugais où George Bush avait rencontré ses alliés juste avant l’invasion de l’Irak, en mars 2003, au grand dam des dirigeants français et allemand opposés au conflit. L’ancien premier ministre de centre droit a donc commencé son mandat avec un agenda très britannique, c’est-à-dire très libéral, et un slogan qui sonnait commeledésaveudesannéesDelors(laréférence qui agace toujours M. Barroso), « moins et mieux légiférer ». Le commissaire chargé du marché intérieur, Charlie McCreevy, ancien ministre libéral des finances irlandais, allait incarner à merveille le souci dérégulateur de son patron, pour le plus grand bonheur des milieux d’affaires. M. Barroso choisit même à ses débuts de recentrer l’action de l’exécutif européen sur « la croissance et l’emploi », quitte à mettre au second plan l’environnement et le social. « M. Barroso a très vite été rattrapé par les événements », observe un commissaire originaire d’Europe centrale. Le double non à la Constitution, au printemps 2005, l’a convaincu de refondre, sous la pression du Parlement, la directive sur la libéralisation des services, reçue en héritage de la précédente Commission. Puis la lutte contre le réchauffement climatique et la crise financière se sont invitées au menu. M. Barroso a su prendre le train de la première, mais il a tardé à réagir à la seconde, augranddamdeParisetdeBerlin. Lamutation de celui qui se présente désormais comme un « réformateur du centre » est pourtant bel et bien engagée. Le président sortant de la Commission peut se targuer d’avoir lancé un vaste train de mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique. C’est lui aussi qui a déterré avec succès l’idée d’un Fonds d’ajustementàla mondialisation,susceptible d’aider les salariés touchés par les restructurations. Enfin, le Barroso nouveau plaide pour une « meilleure régulation » afin de sortir de la crise. C ette prise de conscience, que ses détracteursjugent incomplèteettardive, s’accompagne d’une autre mutation. Pour mener sa barque, M. Barroso, a très rapidement délaissé les habits de l’ancien premier ministre du Portugal, autrefois prompt à défendre la cause des petits Etats membres. A Bruxelles, il est vitedevenul’hommeducompromis, « partenaire » des gouvernements, et au service des pays les plus puissants. Il a théorisé son approche : inutile de lancer des projets quand la Commission pressent, ce qui est souventlecas,queles capitales vontenbloquer l’adoption. C’est ainsi que M. Barroso s’est bien gardé de pousser les feux de la régulation financière, avant que la crise ne modifieces derniers mois le rapportde forces entre la France et l’Allemagne d’une José Manuel Barroso Le caméléon Candidat à sa propre succession, le président de la Commission européenne essaie d’effacer son image d’ultralibéral. L’ancien poulain des Britanniques est de plus en plus sensible à la vision franco-allemande de l’Europe vous ne proposez rien, vous ne savez pas de quels appuis vous pourriez disposer », estime l’ancien vice-président de la Commission Etienne Davignon : « Là où le curseur change, c’est quand vos interlocuteurs pensent que vous allez de toute façon proposer quelque chose. » Le Vert Daniel Cohn-Bendit, se moque, lui, d’un président de Commission prompt à écouter « le dernier qui parle » et incapable de contrôler ses troupes. Le reproche surprend quand on observe la troisième mue du personnage : la façon dont il a su imposer son autorité à la tête de la Commission – il est vrai que les fortes têtes se comptent sur les doigts de la main. D’abord dérouté par lamachine et ses quelque 20 000 fonctionnaires, M. Barroso a « présidentialisé » comme jamais sa fonction. D’un premier abord chaleureux, mais enréalité toujoursunpeu distant,ilcontrôledela têteetdesépaulesuncollège pléthorique depuis l’élargissement : 26 commissaires, dont certains disposent d’un portefeuille insignifiant. Les réunions du collège, le mercredi, sont réglées comme du papier à musique. Le Portugais travaille en harmonie avec Catherine Day, la toutepuissante secrétaire générale irlandaise de la Commission. Celle que ses détracteurs qualifient de « 28e commissaire » est pas- « Si Delors avait adopté la même attitude, on n’aurait jamais eu l’euro » Graham Watson chef du groupe libéral au Parlement européen Le principe de la reconduction du président de la Commission européenne doit être avalisé lors du Conseil européen des 18 et 19 juin à Bruxelles. ARMANDO FRANCA/AP part, et la Grande-Bretagne d’autre part. Sous la pression des deux premières, il le fait aujourd’hui d’autant plus volontiers que ses anciens parrains, les Britanniques, sont à terre. Voyageur aux quatre coins de continent, M. Barroso s’est fait une spécialité de soigner ses appuis. Inquiet pour sa reconduction, il vient, mercredi 10 juin, de nommer à la direction générale du budget un hautfonctionnaired’originefrançaise,Hervé Jouanjean, comme un clin d’œil à l’Elysée qui le pressait d’agir en ce sens. Parfois, il botte au contraire en touche : quand les Britanniques et les Français se bagarrent, fin 2008, pour placer un de leur ressortissant à la tête du service juridique et de la direction générale de la concurrence, il tranche en nommant un Espagnol et un Néerlandais à ces postes stratégiques. Les fonctionnaires de la Commission doivent s’habituer à gérer les dossiers en fonction des priorités politiques de leur patron. Telle ou telle procédure d’infraction, comme celle sur les nitrates dans les eaux bretonnes, sont mises au frigo. « M. Barroso est un fin tacticien, mais il manque de courage, et de vision », juge un directeur général. « Il court un peu trop derrière les dirigeants des grands pays, renché- rit Graham Watson, le chef du groupe libéral au Parlement européen. Si Delors avait adopté la même attitude, on n’aurait jamais eu l’euro. » Quand on le compare à M. Delors, M. Barroso a beau jeu de mettre en avant les divergences récurrentes entre la France et l’Allemagne, inexistantes à l’époque de M.Delors, puisqu’ilétait soutenu par le tandem François Mitterrand-Helmut Kohl. Ses détracteurs lui reprochent aussi d’avoir transformé la Commission en un « secrétariat du Conseil », l’instance où siègent les Etats membres, dans une Europe toujours plus intergouvernementale. « Si sée maîtresse dans l’art de gérer l’ordre du jour, en contact étroit avec le cabinet de M. Barroso. « C’est son passé maoïste qui resurgit,persifleunhautfonctionnaire,cette méthode a tué la collégialité. » Nicolas Sarkozy, à la fin de sa présidence de l’Union, a suggéré de renforcer encore cette présidentialisation. Le numéro un de la Commission n’est, il est vrai, pas toujours en mesure d’imposerson agenda aux plus puissants. Le président français en avait fait l’expérience un après-midi de juillet2008,lorsqu’il avaitcherchéàconvoquer à Paris l’ancien commissaire au commerce, Peter Mandelson, pour lui enjoindre de défendre plus fermement les intérêts européens dans des négociations en cours à l’OMC. Le président de la Commission, dérangé en pleine fête de mariage, n’a pu convaincre son commissaire d’interrompreles pourparlers pourfiler à l’Elysée. Climat, tarifs téléphoniques, immigration… M. Barroso a toujours su récupérer à son avantage les dossiers les plus « grand public ». Il raffole de ses entrées en salle de presse pour « vendre », dans les quatre langues qu’il maîtrise à merveille – français, anglais et espagnol en plus du portugais – des décisions préparées par ses collègues. Uneattitudequi irrite parfoissesinterlocuteurs. Lors d’une récente conférence de presse, cet orateur souvent peu inspiré s’est empressé de dévoiler les annonces préparées par son visiteur du jour, le président de la Banque européenne d’investissement (BEI). Celui-ci s’est alors moqué de Barroso : « Il ferait un excellent porte-parole de la BEI. » Regard noir de la part de l’intéressé. S’il est quelque chose que le favori des conservateurs européens prend très au sérieux, c’est la suite de sa carrière. p 14 Horizons Débats 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Face à la démesure consumériste, l’« écosophie politique », sagesse qui articule le politique et l’écologie, est une voie Notre moi et son double à emprunter pour sortir de la crise systémique actuelle numérique Revue Vive la sobriété heureuse ! T el le Petit Poucet, l’Homo numericus laisse des cailloux blancs partout : courriels, blogs, chats, Texto, recherches Google, achats en ligne… Chaque jour c’est une part de notre moi que nous abandonnons ainsi à l’Ogre. Jusqu’où ira sa voracité ? Comment lui résister ? Nous nous posons la question. Mais nous sommes tiraillés. Une fraction de nousmêmes plébiscite ces nouveaux outils de communication. L’autre se raidit. C’est à cette ambivalence que s’intéresse la revue Hermès (CNRS) dans son dernier numéro, intitulé « Traçabilité et réseaux ». Les blogs et les plates-formes de partage comme Facebook encouragent en permanence ce dévoilement du moi. Jacques Perriault (université Paris Ouest - Nanterre) parle à leur sujet d’« exhibitionnisme en ligne ». De « double numérique ». Il en découle, note-t-il, que la frontière publicprivé est devenue poreuse. Cette impudeur serait la contrepartie de la détérioration des liens sociaux. Dévalorisé comme sujet, l’individu se réfugierait sur le Net dans la mise en scène de lui-même, en quête d’estime de soi. Les outils de géolocalisation eux aussi participeraient à cette recherche de sens. Ils seraient le corollaire de notre « société d’incertitude », dit Jacques Perriault. Je suis localisable, donc je suis. Si je sais où je me trouve, je ne suis plus perdu. Hermès Traçabilité et réseaux N˚ 53, CNRS éditions, 264 pages, 25 ¤ Vu sous cet angle, Internet rassure. Mieux, il structure et comble un vide. Les internautes lui font plutôt confiance et ne se formalisent guère de la collecte des données dont le Web est friand. André Vitalis (université Bordeaux-III) relève lui aussi ce paradoxe. Chiffres à l’appui, il souligne que « seule une minorité de la population perçoit les dangers pour les libertés individuelles de l’expansion des techniques d’information. Et ce pourcentage a plutôt tendance à baisser ». Cette indifférence ne facilite pas la tâche des garants de la vie privée. Souvent, ils prêchent dans le désert. Ainsi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Son président, Alex Türk, ne cache pas, dans un entretien à Hermès, la difficulté de sa tâche à l’heure du tout-Internet. Parce que la sécurité des Français était en jeu, que la délinquance augmentait, les pouvoirs publics ont multiplié, dans les années 1980 et 1990, les fichiers gloutons en données personnelles. Pierre Piazza (université de Cergy-Pontoise) en dresse la liste, impressionnante, avant de conclure : « Sans mésestimer le rôle de la CNIL, force est de constater qu’il apparaît, à certains égards, bien limité. » Internautes indulgents, sinon complices. Défenseurs des libertés à contre-courant. Ce numéro tranche sur les discours convenus sur le sujet. Dans leur introduction, Michel Arnaud et Louise Merzeau (université Paris Ouest - Nanterre) défendent cette approche décomplexée, en invitant ceux qui discourent sur la question à sortir de « l’affrontement stérile entre les opposants au Big Brother et ceux qui s’en accommodent ». Tel n’est pas le point de vue de Dominique Wolton, le directeur de la revue. Dans une postface, il prend le contre-pied de cette démarche, regrettant que « rien n’entache pour le moment [la] croyance, car il s’agit d’une croyance, qu’Internet est le symbole du progrès et de la modernité permettant de relier l’individu à l’ensemble du genre humain ». Et d’ajouter, récusant la dialectique à l’œuvre dans ce numéro : « Puissent les connaissances contribuer le plus vite possible à détendre ce technicisme ambiant. » p Bertrand Le Gendre L ’écologie politique, si elle veut être à la hauteur des espérances qu’elle suscite, doit construire une réponse réellement systémique à la crise en articulant une critique de l’insoutenabilité de nos formes de croissance avec l’exigence du mieux-être. Cette articulation suppose qu’elle intègrepleinement danssa perspectivela question sociale, de même que les socialistes européensse doivent euxde penser radicalement la question écologique. Et la question sociale pose plus radicalement encore la question humaine et la difficulté propre à notre espèce de penser et de vivre le rapport entre notre intelligence et nos émotions. C’est toute la question de ce que Félix Guattari nommait l’écosophie, la capacité de penser écologiquementet politiquement la question de la sagesse. C’est aussi ce que Pierre Rabhi nomme les enjeux d’une « sobriété heureuse » où s’articule, dans la justice sociale, le choix de la simplicité avec celui d’un art de vivre affranchi de sa boulimie consommatrice et consolatrice. Il nous faut d’abord voir que ce qui est commun à toutes les facettes de la crise, ce qui la rend donc systémique, c’est le couple formé par la démesure et le mal-être. Ce que les Grecs nommaient l’ubris, la démesure, est en effet au cœur de notre rapport déréglé à la nature par deux siècles de productivisme et ses deux grandes conséquences : le dérèglement climatique et ce danger à ce point majeur pour la biodiversité que l’on peut évoquer le risque d’une « sixième grande extinction » des espèces, cette fois provoquée par le comportement irresponsable de notre propre famille humaine. C’est la démesure aussi qui a caractérisé le découplage entre l’économie financière et l’économie réelle : un ancien responsable de la Banque centrale de Belgique, Bernard Lietaer, a pu avancer qu’avant la crise, sur les 3 200 milliards de dollars (2 272 milliards d’euros) qui s’échangeaient quotidiennement sur les marchés financiers, seuls 2,7 % correspondaient à des biens et services réels !… Démesure encore dans le creusementdesinégalitéssocialesmondiales tant à l’échelle de la planète qu’au cœur même de nos sociétés : lorsque la fortune personnelle de 225 personnes correspond au revenu de 2 milliards d’êtres humains, lorsque les indemnités de départ d’un PDG qui a mis son entreprise en difficulté peuvent représenter plus de mille fois le salaire mensuel de l’un de ses employés. Démesure enfin, il ne faudrait pas l’oublier,cettefoisdanslesrapportsaupouvoir, qui a été à l’origine de l’autre grand effondrement politique récent, il y a tout juste vingt ans, celui du système soviétique et de sa logique totalitaire. Il est importantdelerappeler sil’onveutéviterlemouvement pendulaire des années 1930 qui vit un politique de plus en plus autoritaire, guerrier et finalement totalitaire, prendre la relève du capitalisme dérégulé des années d’avant-crise. Ainsi le caractère transversal de cette démesure permet de comprendre le caractère systémique de la crise, et l’on comprend alors que des réponses cloisonnées qui cherchent, par exemple, à n’aborder que son volet financier se traduisent finalement par une fuite en avant dans le cas de la crise bancaire doublé de fuites en arrière dans le cas de la crise sociale. Comme quoi les caisses ne sont pas vides pour tout le monde ! Mais pour construire, au-delà d’une écologie politique, une « écosophie politique », il faut faire un pas supplémentaire dansl’analyse et comprendrece qui lie profondément cette démesure au mal de vivre de nos sociétés. Celle-ci constitue en effet une forme compensatrice pour des sociétés malades de vitesse, de stress, de compétition, qui génèrent un triple comportement guerrier à l’égard de la nature, d’autrui et de nousmêmes. En ce sens, nos « sociétés de consommation »sontenréalitédes« sociétés de consolation » et cette caractéristique se lit économiquement dans le décalage Patrick Viveret Philosophe DR Essayiste altermondialiste et ancien conseiller à la Cour des comptes, Patrick Viveret a été rédacteur en chef de la revue « Transversales Science Culture » entre 1992 et 1996. Il a notamment publié « Pourquoi ça ne va pas plus mal ? » (Fayard, 2005) et « Reconsidérer la richesse » (éd. de l’Aube, 2002) entreles« budgetsvitaux »,et lesdépenses de stupéfiants, de publicité et d’armement. En 1998, le programme des Nations uniespour le développement(PNUD) comparait en effet les budgets supplémentaires nécessaires pour couvrir les besoins vitaux de la planète (faim, non-accès à l’eau potable, soins de base, logement, etc.) et mettait en évidence que les seules dépenses de stupéfiants représentaient dix fois les sommes requises pour ces besoins vitaux (à l’époque 400 milliards de dollars par rapport aux 40 milliards recherchés par les Nations unies). On note le même écart s’agissant des dépenses annuelles de publicité. La société dure est en permanence compensée par la production du rêve d’une sociétéharmonieuse,et l’endroit parexcellence où s’opère ce rapport est la publicité qui ne cesse de nous vendre de la beauté, dubonheur,del’amour,voiredel’authenticité, messages dans l’ordre de l’être, pour mieux nous faire consommer dans l’ordre de l’avoir. Quant aux budgets militaires qui expriment les logiques de peur, de domination et caractérisent par conséquent les coûts (et les coups) de la maltraitance interhumaine, ils représentaient eux vingt fois ces sommes ! Ces dépenses passives de mal-être représentent (car le même écart est maintenu dix ans après) environ quarante fois les dépenses actives de mieux-être nécessaires pour sortir l’humanité de la misère et assurer un développement humain soutenable tout à la fois écologique et social. Ilnousfaut doncrépondreaucoupleformé par la démesure et le mal-être par un autre couple, celui de la « sobriété heureuse », formé par l’acceptation des limites et par l’enjeu positif du « bien-vivre » ou par ce que les prochains « Dialogues en huma- nité », qui se tiendront début juillet, évoquent sous le terme de la construction de politiques et d’économies du mieux-être. Et c’est ici que l’écologie doit non seulement intégrer pleinement la question sociale,cellede laluttecontreles inégalités, mais aussi la question humaine proprement dite, c’est-à-dire la capacité à traiter ce que l’on pourrait appeler le « bug émotionnel » de l’humanité, qui est à la racine de ce qu’Edgar Morin nomme « Homo sapiens demens ». La question est en effet moins de « sauver la planète » – qui a de Avant la crise, sur les 3 200 milliards de dollars qui s’échangeaient sur les marchés financiers, seuls 2,7 % correspondaient à des biens et services réels ! » toutes manières plusieurs milliards d’années devant elle avant son absorption par le Soleil ! – que de sauver l’humanité qui peut, elle, terminer prématurément en tête-à-queue sa brève aventure consciente dans l’Univers. Or,commele soulignaitSpinoza,lagrandealternative à lapeur est du côté de lajoie. La différence aujourd’hui réside dans le fait que ce qui était traditionnellement de l’ordre personnel et privé devient un enjeu politique planétaire. La question de la sagesse, c’est-à-dire la question fondamentale de l’art de vivre, qui cherche à épouser pleinement la condition humaine au lieu de vouloir la fuir, devient alors une question pleinement politique. Nous sommes en effet à la fin du cycle des temps modernes qui furent marqués parcequeMaxWeber,d’uneformulesaisissante, avait caractérisé comme « le passage de l’économie du salut au salut par l’économie ». La crise actuelle démontre que ces promesses n’ont pas été tenues. L’un des enjeux aujourd’hui est de savoir comment sortir de ce grand cycle de la modernité par le haut, les intégristes le faisant par le bas : garder le meilleur de la modernité, l’émancipation, les droits humains et singulièrement ceux des femmes qui en constituent l’indicateur le plus significatif, la liberté de conscience, le doute méthodologique, maissans lepire,lachosificationde lanature, du vivant, des animaux et à terme des humains, la marchandisation n’étant qu’unedes formes decettechosification. Et retrouver, dans le même temps, ce qu’il y a de meilleur dans les sociétés de tradition, mais là aussi en procédant à un tri sélectif par rapport au pire : un rapport respectueuxàlanature,sansqu’ilsoitdepuresoumission, un lien social fort mais non un contrôle social, des enjeux de sens ouverts et pluralistes et non des intégrismes excluant. Une grande partie du destin de l’humanité se joue en effet dans l’alternative guerre ou dialogue des civilisations. Nous ne sommes pas condamnés soit à laprojection mondiale du modèle occidental, soit à l’acceptation au nom du relativisme culturel d’atteintes fondamentales aux droits humains, à commencer par ceux des femmes. On peut récuser l’impérialisme et le colonialisme sans être obligés de tolérer l’intégrisme et l’exclusion. C’est alors la co-construction d’une citoyenneté terrienne qui est en jeu, et la rencontre des sagesses du monde est alors un enjeu capital dans cette perspective où l’Homo sapiens sapiens, à défaut d’être une origine, pourrait être, devrait être un projet. C’est à ce projet planétaire qu’une Europe, qui a payé le prix lourd pour comprendrequelabarbarien’estpasundangerextérieur, mais le risque intérieur par excellence de l’humanité, peut pleinement contribuer. p Ce texte est issu des conférences que l’Université de tous les savoirs organise sur le thème « La croissance verte, comment ? » en partenariat avec l’Ademe, la ville de Bordeaux et France Culture. (Lemonde. fr et ou Utls. fr) Election présidentielle en Iran par Riber Dessin de Riber paru dans « Svenska Dagladet » (Suède). ©[email protected] Débats Horizons 15 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 La catastrophe de l’Airbus Rio-Paris impose Alerte à la non-assistance le renforcement de la sécurité aérienne à chefs-d’œuvre en danger L’Etat néglige de plus en plus son patrimoine architectural D e la panne électrique aux faux débris, beaucoup de choses ont été dites depuis le drame du vol AF 447. Beaucoup de fausses nouvelles, de fausses informationsaussi. D’un côté, l’attirance deslumières médiatiques, de l’autre, le scoop à tout prix.Tout celaau milieud’unecommunauté aéronautique traumatisée, des familles détruites. Et une solidarité exemplaire des gens de l’air. Il est légitime de se poser des questions : comment et pourquoi l’avion est-il entré dans cet orage ? Que s’est-il passé dans ce cockpit, aux alarmes multiples et certainement incompréhensibles pour les pilotes ? Qu’aurions-nous fait à leur place ? Mais il est tout aussi téméraire de tirer desconclusions à ce stade, tant il y a de scénarios possibles. M. Pitot devenu tristement célèbre et sa sonde ne peuvent expliquer seuls les raisons du drame et surtout son issue. Ayant parcouru de nombreuses fois cette ligne de l’Atlantique sud aux commandes d’A330 identiques, dont certainement celui qui vient de s’abîmer, connaissant ces fronts tropicaux pour les avoir pratiqués en avion (mais aussi en ballon à pédales lors de ma traversée avec Nicolas Hulot, brutalement interrompue), je peux attester de la violence considérable des fronts intertropicaux, surtout à cette période. Cetaccident nousrenvoieà une meilleure appréhension des caprices de la nature qui deviennent de plus en plus violents. Comme si elle nous disait à nous Terriens : « Faites avec moi, jamais contre moi, vous ne serez pas les plus forts… » Même si rien n’autorise à lier la disparition de l’Airbus au réchauffement climatique, comment s’empêcher d’y penser ? Alors que nul ne conteste plus parmila communauté scientifique que la température de l’eau des océans a tendance à s’élever et avec elle l’évaporation et la condensation de la vapeur d’eau, sources d’énergie et moteurs de ces redoutables perturbations. Bien sûr, le pot au noir si bien décrit par Mermoza toujoursexisté.Le frontintertropical a toujours eu ses masses nuageuses semées de cumulonimbus gigantesques. En trente-cinq ans de traversées océaniques en tant que pilote, puis commandant de bord, je me souviens que nous arrivions à les survoler la plupart du temps, alors Gérard Feldzer Directeur du Musée de l’air et de l’espace, membre de l’Académie de l’air et de l’espace qu’aujourd’hui, devenus trop élevés, nous n’avons pas toujours d’autre choix que de les traverser. Pour autant, nous ne pouvons exclure, comme dans beaucoup d’accidents, une accumulation de facteurs, certes climatiques mais aussi techniques et/ou humains, sans même écarter pour l’instant l’hypothèse d’un attentat, même si elle semble de moins en moins probable. Nous voudrions pouvoir répondre à toutes les questions des proches des victimes, et à toutes celles des autres personnes concernées et consternées : pouvaiton éviter l’accident ? ; les passagers et l’équipage se sont-ils rendus compte de Nous ne pouvons exclure, comme dans beaucoup d’accidents, une accumulation de facteurs, certes climatiques mais aussi techniques et/ou humains » quelque chose ? Ont-ils pu réagir ? Ont-ils ressenti quelque chose ? Enfin cet accident peut-il nous servir au moins à en éviter d’autres ? Une longue enquête sera nécessaire pour répondre aux deux premières interrogations, mais il n’y a aucun doute quant à la troisième : la réponse des constructeurs, des compagnies, des pouvoirs publics devra être à la hauteur du traumatisme subi. Cela implique la mise en œuvre d’améliorations dans tous les domaines, celui des cartes météo et des images satellite « à la demande » accessibles dans les cockpits, des liaisons planétaires sans « trous de fréquence », une couverture radar planétaire, leremplacementou ledoublement desboî- tes noires par la transmission en temps réel et automatique de toutes les données sécurisées et confidentielles et pas seulementcellesliées auximpératifsde lamaintenance à l’escale, de meilleures interfaces hommes machines, etc. Cela dépasse les capacités d’une seule compagnie, d’un seul constructeur et de sa chaîne de sous-traitants, seraient-ils aussi performants qu’Air France et Airbus qui nous proposent, j’en témoigne, les plus merveilleux, les plus sûrs avions du monde aux commandes desquels, en 20 000 heures de vol, j’ai sillonné la planète et conduit mes passagers à bon port. Parce que la sécurité n’a pas de prix, elle ne peut être un argument de vente entre industriels ou compagnies qui doivent garantir, au sol comme dans le ciel, un niveau de sécurité égal pour tous. Parce que la sécurité n’a pas de frontières (on a pu compter plus de trente nationalitésàbord duvol AF 447),ilestindispensable de renforcer, sans plus attendre, un programme international de la sécurité aérienne, cofinancé par tous les acteurs : les compagnies, les constructeurs, les Etats, les organismes internationaux.Puisse cet accident, si exceptionnel, même si ses causes réelles ne peuvent être établies, changer notre façon d’appréhender le transport aérien. Puisse-t-il nous rendre (pilotes, contrôleurs, mécaniciens, constructeurs et équipementiers, exploitants, pouvoirs publics…) beaucoup plus modestes, sans certitudes et plus vigilants. Puisse-t-il nous inciter à approfondir, exploiter et mettre en œuvre beaucoup plus rapidement les coopérations internationales, et à réunir des moyens supplémentaires en faveur d’une sécurité partagée, pour que l’avion reste l’un des moyens de transport les plus sûrs au monde. Nous devons nous améliorer, et la technologie continuera de diminuer les risques. Mais nous devons être conscients que les risques majeurs pour l’humanité vont se jouer dans les années qui viennent. En décembre à Copenhague, lors de la conférence planétaire sur le climat, nous avons rendez-vous avec l’histoire, la nôtre. Comprendre la nature, la respecter, nous doter de meilleurs outils d’observation et de prévention, voilà qui nécessite une prise de conscienceetunevolonté politiqueinflexible de nos décideurs. p La constitution universelle répond à la crise De la modernité de Kant dans un monde global P armi ses travaux philosophiques, les écrits d’Emmanuel Kant (1724-1804) sur la théorie del’histoireapparaissentinjustement méconnus. Publiée il y a plus de deux siècles, son Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique avance pourtant un point de vue éminemment moderne. Selon le philosophe, il est définitivement vain de vouloir parfaire une constitution civile dans le cadre strictement national. A quoi bon chercher à établir une communauté dans les limites étroites de la nation ? L’association des hommes en vue de définir les règles sociales permettant de surmonter « l’insociable sociabilité » doit être étendue au niveau international. La conséquence logique et inévitable, nousditKant,estlasuivante.Dansunmonde où les soubresauts (politiques, sociaux, économiques) d’un Etat sont susceptibles de faire sentir leurs effets à tous les autres, cesdernierssontobligésdeseposerenarbitres et de conjuguer leurs efforts au sein d’un organisme politique international, préparant ainsi l’avènement d’un « Etat cosmopolitique universel ». On objectera qu’une nouvelle « société desnations »atoutesleschancesdeconnaître le même destin impuissant que son aînée de 1919. Au XVIIIe siècle déjà, Kant notait combien cette idée avait été rendue ridicule par ses contemporains, dont Rousseau. Ce qui ne l’empêchapas de réaffirmer son caractère inéluctable. Ainsi pourrait-il expliquer pourquoi les efforts avortés de la SDN ou, plus tard, de l’ONU, ne sauraient remettre en question une telle évolution. L’idée décrite par Kant ne réside pas dans un optimisme béat. La raison d’espé- Patrick Pintus Economiste, université de la Méditerranée et Greqam-IDEP rer est le fruit d’une nécessité raisonnée : « Nous sommes civilisés au point d’en être accablés (…). Mais quant à nous considérer, comme déjà moralisés, il s’en faut encore beaucoup. » Dans ce long cheminement, il ne nous est pas donné d’autre choix que de traiter les problèmes qui nous occupent de manière universelle. Ainsi, les défis environnementauxet climatiques,lespréoccupations de la conférence de l’ONU contre le racismeoulecontrôledelagrippe mexicaine constituent autant de domaines au travers desquels prend forme l’association des nations. Mais celle-ci doit également se prolonger au plan économique. Point de vue cosmopolitique La vision kantienne montre son actualité de façon criante dans la crise économique mondiale devenue notre quotidien depuis septembre 2008. Les événements postérieurs à la crise dite des subprimes, partie des Etats-Unis, soulignent que la stabilitéfinancière ne peut désormais être raisonnablement envisagée dans les seules limites des nations. Sauf à neutraliser les relations commerciales et financières entre économies, les décideurs publics nationaux ne peuvent espérer parvenir à assurer la sécurité économique de leurs citoyens qu’encoopérant avec leurs homologues étrangers. C’est ce qu’a affirmé le G20 du 2 avril dans son communiqué : « tous les pays doivent joindre leurs efforts pour résoudre une crise mondiale qui requiert une solution mondiale ». Ilasouligné lefait que« laprospéritéest indivisible, lacroissance [doit] être partagée et refléter les intérêts de la population actuelle autant que ceux des générationsfutures ».Parconséquent, « leseul fondement durable d’une globalisation soutenable réside dans des institutions mondiales fortes ». Ce raisonnement commence à prendre corps dans les méandres des conséquences de la crise mondiale. Il est désormais admis que l’émergence d’une nouvelle régulation bancaire et financière n’a de sens qu’au niveau international. De même, la volonté d’encadrer par la réglementation l’activitédesparadisfiscauxou lesrémunérations des dirigeants de grandes entreprises semble illusoire sans la coordination des nations. Toujours dans le même ordre d’idées, la reconnaissance du rôle croissant dévolu au Fonds mondial international (FMI) se nourrit d’une réflexion sur une répartition des droits de vote, susceptible de traduire plus fidèlement le poids des pays émergents. La vision de Kant exposée dans L’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique a le mérite de partir des hommes, d’hommes libres et pensants, pour aller vers l’association des Etats. Au-delàdesoninfluencedanslagrandehistoire des idées, elle peut aussi être source d’inspiration (et d’optimisme ?) face aux immenses défis posés à l’humanité. Commentparveniràcequelescitoyensquipeuplent nos nations et leurs gouvernants s’en nourrissent à chaque étape de la construction européenne ? p L a ministre de la culture a récemment mis sa démission dans la balance au cas où le projet de loi « Création et Internet » ne serait pas adopté par l’Assemblée nationale. On attend toujours que Christine Albanel fasse preuve d’autant de fermeté devant les récentes et nombreuses attaques portées contre le patrimoine qu’elle a également pour mission de protéger. Jamais en effet, depuis la présidence de Georges Pompidou, notre pays n’a connu une telle vague de vandalisme officiel. Les exemples sont innombrables, qui vont des tentatives de détricotage du dispositif de protectiondesmonumentshistoriquesjusqu’à la démolition pure et simple d’importants édifices historiques. Il est vrai que ce sujet n’est guère porteur politiquement. Dans sa recherche effrénée d’argent, l’Etat vend ses bijoux de famille, on le sait. Même le classement « Monument historique » ne protège pas de cette frénésie spéculative : si le prestigieux hôtel de la Marine, place de la Concorde, ne sera « que » loué pour une longue durée au mépris de son histoire et du mobilier historique qu’il renferme, l’hôpital Richaud à Versailles, chef-d’œuvre néoclassique, menace de tomber en ruine en attendant sa vente par le ministère de la justice. Le même ministère a déposé un permis de démolir pour les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon, privilégiant la destruction de ces monuments dont l’un est dû à LouisPierre Baltard (le père de Victor Baltard dont les Halles ont étésacrifiées si stupidement) quine sont hélas ! pas protégés, malgré leur intérêt reconnu par tous les historiens de l’architecture. Le ministère de la culture ne peut (ou ne souhaite) rien faire. Les bâtiments des frères Perret à Balard, incluant le bassin des carènes où étaient testés les navires de la marine nationale, vont être démolis pour créer le grand « Pentagone à la française » cher à Nicolas Sarkozy : le ministère se tait ; l’ambassade d’Arabie saoudite veut raser l’hôtel Reichenbach, l’un des plus beaux Alexandre Gady Maître de conférences à Paris-Sorbonne Didier Rykner Fondateur et directeur de « La Tribune de l’art » exemplesd’Art décoà Paris,dûàJean-Charles Moreux, le ministère donne son quitus (l’hôtel est actuellement en cours de démolition). Des parlementaires tentent de supprimer l’avis conforme des architectes des bâtiments de France pour les zones de protection du paysage architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), une disposition essentielle du code du patrimoine, pour faire plaisir à quelques maires démolisseurs, le ministère de la culture n’a rien à opposer ; il ne fera donc pas plus lorsque cette disposition reviendra devant le Parlement, dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Avidité des promoteurs Dans l’affaire de l’hôtel Lambert, dossier particulièrement sensible, ses positions ont été très en deçà de ce qu’on pouvait attendre face à un tel enjeu, et il a fallu une large polémique pour que le projet médiocre de l’architecte en chef soit un peu amélioré. Une question se pose : y a-t-il encore une volonté de défendre le patrimoine,biencommun detousles Français ? Un président de la République indifférent à la culture, prêt à sacrifier toutes les règles d’urbanisme qui protègent nos villes et nos paysages de l’avidité des promoteurs, et un ministre sans poids politique qui ne s’oppose à rien : le bilan est accablant. L’Etat dispose pourtant de tous les moyens légaux pour protéger le patrimoine. Il en est le premier destructeur, quand ildevrait en êtrele premier garant. Làencore, il suffit de faire le bon choix… p Courrier Du Pôle emploi au Pôle en bois Dans une tribune très agressive publiée dans Le Monde du 20 mai, Christian Charpy, directeur général du Pôle emploi, soutient que j’ai « accablé le Pôle emploi à grands coups de contrevérités… inquiétantes pour un économiste qui entend faire référence sur les questions d’emploi et de chômage ». En réalité, les contrevérités dénoncées par Christian Charpy proviennent d’une déformation de mes propos et d’une connaissance apparemment superficielle du fonctionnement du marché du travail. Premièrement, j’explique, dans mon entretien, que l’activité économique est toujours accompagnée de mouvements massifs de créations et destructions d’emplois. En récession, l’économie détruit davantage d’emplois – de 10 % à 20 % de plus –, mais surtout elle en crée beaucoup moins de nouveaux. Selon Christian Charpy, je me trompe, car il y a eu une diminution nette de 138 000 emplois au premier trimestre 2009. Il ne viendrait à l’idée de personne de contester que ce chiffre est exceptionnellement élevé. Mais ce chiffre est la différence entre les départs et des sorties de l’emploi, qui sont d’une toute autre ampleur : en France, durant un trimestre, environ 2 millions de salariés sortent de l’emploi en période normale et à peu près autant y entrent. En récession, ce processus se grippe : le taux de sorties de l’emploi augmente un peu et les créations d’emplois sont insuffisantes. Depuis plusieurs années, de nombreux travaux de recherche, impulsés notamment par Robert Shimer et Robert Hall, respectivement professeurs à l’université de Chicago et Stanford, analysent ces phénomènes dont la compréhension est essentielle pour lutter contre le chômage en période de récession. Christian Charpy semble ne pas en soupçonner l’existence. Deuxièmement, j’indiquais que les entrées au chômage consécutives à un licenciement économique ont été de 23 000 en France en mars 2009, alors qu’elles étaient de 27 000 en mars 2005, une période qui ne connaissait pas d’inquiétude particulière. Christian Charpy affirme que je suis mal informé, car il faudrait ajouter les entrées en convention de reclassement personnalisé, dont peuvent bénéficier certains salariés qui perdent leur emploi pour des raisons économiques dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. Or les bénéficiaires de convention de reclassement personnalisé ne sont pas chômeurs, mais stagiaires de la formation professionnelle. C’est pour cela qu’ils ne sont pas comptabilisés comme des entrées dans le chômage par le ministère du travail. J’ose imaginer que Christian Charpy dispose de cette information. En réalité, pour Christian Charpy, critiquer l’efficacité du service public de l’emploi est un crime de lèse-majesté. Il devrait alors couvrir d’opprobre le secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez, qui a estimé le 14 mai sur Europe 1, que Pôle emploi méritait la note de 11/20 et, surtout, l’ensemble du personnel de Pôle emploi qui, comme le rappelle Liaisons sociales magazine, dans son numéro d’avril 2009, ont rebaptisé leur institution sous les noms de « Pôle en bois ». La fusion entre l’ANPE et l’Unedic est en effet très difficile à réaliser. Dans ce contexte, on a du mal à comprendre pourquoi Christian Charpy consacre un temps précieux à écrire un article dont la rigueur mérite nettement moins de 11/20. Pierre Cahuc Professeur à l’Ecole polytechnique 16 Culture 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 A Bâle, l’œil du collectionneur remplace son oreille Les nombreux acheteurs présents à la plus grande foire d’art au monde font à nouveau confiance à leur jugement vent le chemin de Bâle et savent ce qu’ils veulent. La plupart ont été déçus par l’aspect toujours plus trash de Liste, la plus ancienne des foires off, devenue un gigantesque foutoir. Ils ont apprécié Volta, où les 110 exposants donnent l’impression d’être la relève des marchands de la Foire principale. Bâle (Suisse) Envoyé spécial A cetâge, on devient raisonnable : pour son quarantième anniversaire, la Foire d’art moderne et contemporain de Bâle semble s’assagir. Moins d’œuvres monumentales délirantes, y compris dans la section baptisée Art Unlimited (art sans limite). Moins de prise de risque, et un retour à des talents plus sûrs, des artistes confirmés plutôt que des jeunes vedettes lancées à grand renfort de bouche-à-oreille. L’oreille, par où passait l’essentiel du sens critique, semble avoir étéremplacée parl’œil.Surles quelque 2 500 artistes représentés par 300 galeries – choisies parmi 1 100 postulantes –, on retrouve quelques starlettes récentes et de grands anciens, des œuvres plus austères, au diapason de ces temps de crise. Crise ? Quelle crise ? Si les marchands étaient inquiets, la Foire de Bâle a montré, dès l’ouverture, que les clients étaient toujours là. Les 75 exposants américains, le plus gros contingent de la Foire devant les Allemands, n’en revenaient pas. A New York, les galeries licencient ou ferment les unes après les autres. A Bâle, elles font des affaires comme si de rien n’était. Exemples parmi d’autres : la vente d’un tableau de David Hockneyetd’une œuvredeMartin Kippenberger, pour 1,8 million de dollars chacun. Mais les achats sont moins rapides : en 2008, les stands étaientdévalisésen moinsdevingtquatre heures, obligeant les marchands à faire un nouvel accrochage, presque quotidien pour les plus chanceux. Cette année, rien de ça. Le magazine The Art Newspaper a titré sur la fin des années « bling- L’acteur américain Brad Pitt intéressé par « l’homme-puzzle » de son compatriote Matt Johnson. REUTERS/ARND WIEGMAN bling », et pourtant l’art le plus paillettemarcheencore. Une sculpture de Murakami réalisée en collaboration avec la jeune star du hiphopPharell Williams, qui représenteun personnage de l’univers manga de l’artiste japonais, avec des dorures et des incrustations de rubis, de saphirs et autres pierres précieuses, a été vendue 2 millions d’euros par la galerie Perrotin. Certains n’apprécient guère : le Les trésors d’un oligarque russe sortis de l’ombre même Murakami est représenté, en pied, à Volta, une foire off de Bâle. En minijupe et bas résille, balançant son sac Vuitton, juchée sur les talons aiguilles de ses cuissardes, sa statue adresse une mimique aguicheuse au passant. C’est une œuvre d’Eugenio Merino, qui critique à sa façon son confrère et l’état d’un certain marché de l’art. Des foires, Bâle en compte plusieurs : celle intitulée Design Miami/Basel montre du mobilier contemporain. On y a vu le milliardaire russe Roman Abramovitch y faire ses emplettes. Il était précédé de l’acteur américain Brad Pitt, qui a rempli son charriot en achetant des pièces d’un tout jeune designer, Nacho Carbonell, pour un total de 84 000 dollars, et trois installations de l’atelier Van Lieshout, dont celle se trouvant à l’entrée de la foire, la Mini Capsule Hotel, qu’il destine, selon The Art Newspaper, à servir de cabine sur sa plage privée de Santa Barbara. Comme il a aussi acquis pour près de 1 million d’euros un tableau de l’Allemand Neo Rauch, Brad Pitt n’a pas fait que se montrer à Bâle. Il est même un fanatique, et un très bon connaisseur, d’architecture. Comme lui, les collectionneurs, longtemps tenus à l’écart par la spéculation, retrou- Deux cents personnes dînent ensemble pour garder en France l’œuvre de Debord La Bibliothèque nationale de France réunit des mécènes, lundi 15 juin J usqu’ici Viatcheslav Moshe Kantor, un oligarque de 56 ans qui a fait fortune dans les engrais et préside le Congrès juif russe et européen, était resté discret sur sa passion pour les peintres russes du XXe siècle. Seul un cercle d’amis et d’initiés avait eu accès à sa riche collection, soit quelque 300 œuvres acquises au cours des dix dernières années et rassemblées au sein d’un Musée d’art d’avant-garde (Magma) qui n’existe pas physiquement. Jeudi 11 juin, une partie de ce trésor est pour la première fois sorti de l’ombre dans une exposition organisée à Genève au Palais des nations, le siège de l’ONU, et intitulée « Ma patrie est dans mon âme : l’art sans frontières ». Une quarantaine de toiles sont exposées, jusqu’au 19 juin, dont des œuvres de Léon Bakst, d’Alexander Tyshler, de Marc Chagall (Le Clown musicien), de Chaïm Soutine (Le Pâtissier de Cagnes), de Sonia Delaunay et Jacques Lipchitz ou encore celles d’artistes contemporains. Avec quelques très belles pièces comme un Mark Rothko (Portrait of Joe Liss), un Modigliani (Portrait de jeune fille en robe noire) acheté en 2000 pour 15,6 millions de dollars. Ou encore les toiles d’Erik Boulatov (Horizon, 1971-1972) et de l’artiste conceptuel Ilya Kabakov (Jouk, 1982), tableau acquis, en 2008, pour 2,93 millions de livres. Peu coutumier des apparitions publiques, M. Kantor, qui est domicilié depuis plus de quinze ans à Cologny, la banlieue chic genevoise, avait convoqué la presse pour s’exprimer sur l’événement, aux côtés de l’ambassadeur de la Russie auprès des Nations unies. Lyrique, il parlait de « tolérance et réconciliation », soulignant le rôle décisif de certains artistes russes d’origine juive dans l’évolution de l’art et de la culture européenne du siècle dernier. Il se félicitait du fait que l’exposition allait, désormais, voyager dans le monde entier. « Musée privé » Mais, à la journaliste qui l’interrogeait sur l’avancement des travaux de son « musée privé » à Cologny, il répondait qu’il s’agissait d’une « question de construction et pas d’art ». L’affaire fait jaser. Le collectionneur a engagé de colossaux travaux pour réaménager sa propriété et y bâtir une nouvelle villa, une galerie d’art de 405 m2, une piscine intérieure, un garage souterrain ainsi qu’un tunnel de liaison d’accès au jardin. Ses voisins, dont Klaus Schwab, le patron du Forum de Davos, avaient tenté en vain d’interdire le chantier. M. Kantor, dont la fortune est estimée à 650 millions de dollars, n’est pas homme à se laisser faire. Selon la presse russe, il joua, en 2003, un rôle décisif dans le lancement des poursuites judiciaires contre le clan de Mikhaïl Khodorkovski, le magnat du pétrole aujourd’hui emprisonné. Aujourd’hui, outre ses activités philanthropiques ou artistiques, M. Kantor, qui a les faveurs du Kremlin, continue à diriger d’une main de fer son empire, le groupe de fertilisants minéraux Akron, dont il détient la majorité des parts, implanté en Russie et en Chine. p Agathe Duparc (Genève, correspondante) L ecompte à rebours estenclenché. Et le temps file vite. Depuis le 29 janvier, date à laquelle la ministre de la culture, Christine Albanel, a classé « trésor national » les archives de Guy Debord (1931-1994), le chef de file du mouvement situationniste, l’Etat dispose de trente mois pour rassembler l’argent nécessaire afin d’acquérir ce fonds inventorié par le libraire parisien Benoît Forgeot. Outre le manuscrit autographe de La Société du spectacle (paru en 1967, disponible en « Folio »), ce fonds comprend une collection de notes de lectures, deux cahiers dans lesquels Guy Debord a inscrit ses rêves, tout ce qui concerne le Jeu de la guerre, avec un des cinq exemplaires de l’ouvrage qui a été pilonné, le manuscrit de son dernier projet de livre, toutes ses notes concernant le cinéma, de gros dossiers concernant l’édition, et l’ensemble de sa correspondance. Passé le délai de deux ans et demi, ce fonds, dont l’intégrité a été préservée par Alice Debord, veuve de l’écrivain et détentrice des droits moraux sur l’œuvre, pourrait migrer outre-Atlantique et être acquispardesuniversitésaméricaines,trèsfriandesdecetypededocuments, comme celle de Yale, qui est déjà sur les rangs. La valeur de ces archives est difficile à évaluer, mais elle dépasse plusieurs centaines de milliers d’euros. Afin de réunir une partie de la somme, Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France (BNF) a décidé de faire appel à des mécènes en les réunissant autour d’un dîner de prestige. Ce dîner de gala aura lieu le lundi 15 juin, sur le site François-Mit- terrand, dans le prestigieux hall des Globes. Cette façon de lever des fonds est directement inspirée par les méthodes des fondations et musées américains, qui sollicitent ainsi de richissimes donateurs. « Nous réunissons une fois par an tous nos grands mécènes dans un cadre prestigieux », explique le président de la BNF. En 2008, l’argent récolté (autour de 200 000 euros) avait permis à la Bibliothèque d’acquérir une pièce unique de l’artiste allemand Anselm Kieffer, un hommage au poète Paul Celan, ainsi qu’un lot de lettres de Marcel Proust. Deux cents couverts Cette année, la crise promet de se faire un peu sentir, mais près de deux cents couverts payants sont déjà réservés (soit un peu plus que l’an passé) pour le dîner organisé par M. Racine et le banquier JeanClaude Meyer, président du Cercle de la BNF. Cristaux, porcelaines, bordeaux classés et mets subtils sont au menu. Le montant du couvert est fixé à 500euros, mais les dons sont laissés à la discrétion des entreprises ou des personnes. « Il y a un plancher, mais pas de plafond », précise M. Racine. Certaines entreprises ou fondations comme Total, Veolia ou Roederer (qui offre le champagne) ont réservé une ou plusieurs tables de douze couverts. Parmi les convives qui ont aussi pris leur rond de serviette figurent Sotheby’s, les galeries d’art Ropac, Templon, la famille Boissonnat, via la Fondation Clarence. Pour les entreprises qui font des bénéfices, l’opération est intéressante, car les dons sont fiscalement déductibles à hauteur de 90 % ; pour les particuliers, le seuil est fixé à 60 %. Le conseil d’administration du Cercle de la BNF comprend aussi de généreux donateurs, dont les plus réguliers sont Nahed Ojjeh, la veuve du richissime marchand d’armes Akram Ojjeh, le cofondateur de la maison de couture Saint Laurent, Pierre Bergé, mais aussi le patron du Groupe Rivaud, Edouard de Ribes, le collectionneur Pierre Leroy, cogérant du groupe Lagardère – tous sont du dîner. Cette année, le Cercle a aussi créé un prix de la BNF, doté de 10 000 euros pour soutenir la recherche contemporaine qui sera remis le même soir. Au nombre des invités seront présents la ministre de la culture, Christine Albanel, qui peut autoriser le fonds du patrimoine à contribuer à l’achat, mais aussi la veuve de l’écrivain, qui a accepté que le manuscrit de La Société du spectacle soit exposé aux yeux des donateurs potentiels, pendant le dîner. D’autres œuvres patrimoniales récemment acquises seront aussi présentées, comme L’Histoire de la belle Mélusine, de Jean d’Arras, de 1479, ou le manuscrit de L’Ecume des jours, de Boris Vian. Les généreux donateurs mordront-ils à l’hameçon ? Réponse le 15 juin au soir. Mais déjà ce dîner a un avant-goût délicieux. C’est peu direqu’entre ces mécènes et la penséeanticapitaliste et anticonsumériste de Guy Debord, il y a un fossé culturel. Bruno Racine doit bien aller chercher l’argent où il est. Et il rappelle : « La BNF ne va pas acquérir uniquement les fonds d’auteurs qui défendent l’ordre établi. » p Alain Beuve-Méry « N’aimez pas la beauté » Crise aidant, l’art redevient plus critique, radical : ainsi les pastiches de tableaux chinois contemporains (dont les spéculateurs sont fans), par l’Italien Gabriele Di Matteo, qui dénonce un « art matérialiste » et cite cette phrase de Mao : « N’aimez pas la beauté. Aimez le pouvoir des armes. » On pense encore à ce portefeuille, appartenant à l’artiste Christophe Buchel, qui l’a garni de cartes de crédit avant de le coller soigneusement sur le plancher de la galerie Hauser & Wirth : gag garanti quand quelqu’un tente de le ramasser. Les tableaux superbes de Jörg Lozek, né à Leipzig, racontent les rêveries d’un adolescent dans une chambre sordide d’Allemagne de l’Est, chez Daniel Templon. Et puis cet autre peintre étourdissant de technique, Kehinde Wiley, refait un Christ mort comme celui peint par Mantegna vers 1480, a cela près que celui de Wiley est un rappeur noir. Deitch Project, qui l’expose, montre aussi des aquarelles fantastiques d’un vieux routier, Francesco Clemente. Des valeurs sûres, et d’autres qui le sont moins, plaisir de la découverte dans une merveilleuse Foire. p Harry Bellet Art Basel, Halls 1 & 2, Messe Basel, Messeplatz, Bâle. www.artbasel.ch. Tous les jours de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 14 juin. Internet Un nouveau projet de loi contre le piratage étudié avant la fin du mois de juin Le Conseil d’Etat sera saisi « dans les tout prochains jours » d’un projet de loi qui définira les sanctions à l’encontre de ceux qui ont piraté, à plusieurs reprises, des musiques ou des films sur Internet. Ce projet devrait être présenté en conseil des ministres « avant la fin du mois de juin », a annoncé, vendredi 12 juin, la ministre de la culture, Christine Albanel. Ce nouveau texte correspond à la partie du projet de loi Hadopi censurée le 10 juin par le Conseil constitutionnel. Il sera inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement, en juillet. La partie non censurée de la loi Hadopi sera promulguée et publiée au Journal officiel « dans les prochains jours », a indiqué Mme Albanel, qui n’entend pas renoncer à la coupure de l’abonnement, mais qui devra désormais être prononcée par un juge. « Il va y avoir des juridictions spécialisées » au sein des tribunaux pour décider des sanctions, a précisé Mme Albanel sur France 2. – (AFP.) Musique Joey Starr condamné à six mois de prison ferme Le rappeur Joey Starr, 41 ans, de son vrai nom Didier Morville, a été condamné, vendredi 12 juin, à deux ans de prison dont six mois ferme pour avoir porté des coups de hachoir sur une voiture dans laquelle se trouvaient quatre passagers, le 1er juin, à Paris. Aucune personne n’avait été blessée. Joey Starr a été incarcéré à l’issue de sa comparution au tribunal correctionnel de Paris. Le chanteur, qui a relancé en 2008 le groupe NTM avec Kool Shen, compte une quinzaine de condamnations à son casier judiciaire, qui datent pour la plupart de la fin des années 1990 et du début des années 2000. – (AP.) Rendez-vous Culture 17 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Agenda Au concert avec La fabrique de la culture Renaud Van Ruymbeke magistrat Quand son travail lui en laisse le temps, le juge Renaud Van Ruymbeke, 56 ans, se livre à sa passion : le piano. Comme dans le passé, il ira au Festival des fêtes musicales à la Grange de Meslay (Indre-et-Loire), qui commence le 19 juin. Cet endroit est magique. Imaginez : un bâtiment monastique de 60 m de long datant du XIIIe siècle, une charpente en cœur de chêne. Tout cela en pleine nature, avec dehors la prairie… Un charme indescriptible. Un climat idéal pour la musique. Quand il a découvert ce site, le grand Sviatoslav Richter a décrété qu’il jouerait là. Il y est revenu, il y trouvait une inspiration. C’est vrai qu’on ressent quelque chose de particulier. J’aime l’acoustique parfaite des grandes salles de concert. Mais ici, même si le chant d’un coq peut perturber l’écoute, l’émotion est incomparable. J’y vais depuis six ans. René Martin, le directeur artistique, y programme des artistes formidables. J’y ai découvert Arcadi Volodos, dans un programme Liszt d’une difficulté folle qu’il abordait avec une aisance déconcertante ; ou le jeune Israélien Iddo Bar-Shai. J’y passerai la journée du 30 juin : trois concerts, à 11, 16 et 19 heures. J’attends beaucoup du dernier, Brahms avec le jeune prodige Jean-Frédéric Neuberger. L’après-midi, j’entendrai un duo piano-violon que je ne connais pas dans Beethoven et Szymanowski. C’est à Meslay que j’ai découvert ce compositeur moderne, que j’ai appris à aimer. Pour moi, Meslay, c’est comme la Folle Journée de Nantes : une parenthèse, un moment d’exception. Je vais trop peu au concert. Je n’ai pas beaucoup de temps et Erotisme, sexe et strip-tease s’invitent sur les scènes actuelles Plusieurs performances à venir, certaines interdites aux moins de 18 ans, poussent loin les expériences autour du désir et du corps Y BERTRAND GUAY/AFP quand j’en trouve, je préfère le consacrer à jouer. Le piano est un élément essentiel de ma vie. J’ai commencé à 8 ans. A 13 ans, je m’y suis mis sérieusement. Etudiant, je jouais trois heures par jour. J’ai tenté le Conservatoire de Paris. En vain. Alors je me suis dit que je deviendrais juge de paix en province, que j’aurais du temps pour satisfaire ma passion. J’ai eu tout faux ! Il y a dix ans, un pianiste remarquable, Laurent Cabasso, a accepté de me reprendre en main. J’ai recommencé à jouer régulièrement. A Paris, je n’ai pas de piano mais un clavier. Je travaille deux ou trois heures par semaine. Pendant les vacances ou le week-end, je joue plusieurs heures par jour. Le piano m’a enseigné la rigueur. Quand vous vous attaquez à la Sonate, de Liszt, vous prenez un passage, vous le travaillez lentement, puis un peu plus vite, puis vous enchaînez. J’ai sans doute cherché à appliquer cela dans mon métier. L’instrument impose l’humilité : sans travail, rien n’est possible. Si vous arrêtez quelques semaines la fameuse sonate, il faut recommencer de zéro. C’est une passion et une évasion. Et croyez-moi, j’en ai besoin. » p Propos recueillis par Nathaniel Herzberg Festival des fêtes musicales à la Grange de Meslay. Du 19 au 30 juin à ParçayMeslay. Tél. : 02-47-29-19-29. Cinéma « La Vie ailleurs » PARIS. Comme beaucoup de films promus par l’association Point Ligne Plan, La Vie ailleurs, de David Teboul, est une œuvre belle et forte qui ne trouve pas sa place dans le circuit commercial. Il sort dans une seule salle à Paris. C’est un regard très original sur la banlieue, mi-journal intime, mi-documentaire, qui en déjoue tous les clichés. Parti tôt d’un lieu honni, le réalisateur revient y tourner auprès de ses habitants un film, témoin de la distance et de la solidarité qu’on peut éprouver à l’égard de l’enfance. « La Vie ailleurs« , de David Teboul. Cinéma l’Entrepôt, 7-9 rue Francis de Pressensé, Paris-14e. Tél. : 01-45-40-07-50. Tous les jours à 19 h 35. Jusqu’au 30 juin. Différent ! 2 PARIS. Une semaine de cinéma espagnol, pour se convaincre qu’il ne se réduit pas au seul Pedro Almodovar. Lundi 15 juin, on découvrira Camino, histoire d’une enfant malade tombée aux mains de l’Opus Dei, film couvert de récompenses dans son pays. Un autre temps fort sera consacré à Arrebato, d’Ivan Zulueta, vieux de trente ans, qui marqua lui aussi le début de la renaissance postfranquiste. Et aussi des nanars improbables, des documentaires inédits et une performance musicale de rue (Champollion, en l’occurrence) le soir de la Fête de la musique. Différent ! 2 Cinémas Nouveau Latina, Reflet Médicis et Majestic Passy, Institut Cervantès, Paris. Du 15 au 21 juin. www.gnolas.org Danse « Un presque rien », spectacle mis en scène par Elise Lahouassa à partir de textes d’Ovide. MATHIAS WEZINSKI Danse Q ue de strip-teases, de nudité et même de jouets sexuels actuellement sur les plateaux de danse ! Une vague de fond érotique emporte les chorégraphes et les metteurs en scène. Symptômes d’une société qui se met à poil dans tous les sens du terme, ces spectacles décomplexés jouent la carte « performance et sexe »sansl’ombred’une hésitation. Ils déplacent même les frontières de l’art vers les cabarets et les peepshows, pour remettre le corps et ses désirs au centre du plateau. La figure populaire de ce mouvement s’appelle Philippe Decouflé, qui signe la nouvelle revue du Crazy Horse, à Paris : dix sexy girls à découvrir en septembre. Découflé est un habitué de l’érotisme, auteur du spectacle Cœurs croisés (2007) dans lequel on a pu découvrir des effeuilleuses pas piquées des hannetons. Le Théâtre parisien de la Bastille accueille pour sa part, à partir du 15juin,leFestivalTrans,quiculminera le 23 juin avec la NuitTransErotic. « Je ne veux pas laisser l’éros au commerce, à la pub et au fric, s’énerve le metteur en scène Jean-Michel Rabeux, organisateur de la manifestation. On est envahis de pornographie avec des corps mécaniques, formatés,dusexeenplastiqueetduplaisir bidon. L’art doit s’occuper de l’éros. C’est même son devoir, sa responsabilité actuellement. » « Encore à poil » Jean-Michel Rabeux n’est pas né de la dernière pluie : le sexe et son secret sont au cœur de son travail théâtral depuis vingt-cinq ans. « Mais c’est le secret de tout le monde », corrige-t-il. Sans doute, mais le fait de le transformer en spectacle change la donne : en 1987, son Eloge de la pornographie lui a valu des insultes. Il a persisté et, aujourd’hui, il n’est plus seul dans cette veine. « Le sexe est dans l’air du temps, d’accord, mais il n’empêche qu’il faut se battre de plus en plus contre les interdits et la censure, assène-t-il avec virulence. Un constat : à Paris, comme en province,actuellement,lesprogrammateurs rencontrent apparem- ment peu de controverses. Au contraire : l’annonce de certains spectacles dénudés remplit parfois les salles. Parmi les invités de son festival, la comédienne Céline Milliat-Baumgartnerprésente Striptease, qu’elle a imaginé avec la complicité de Cédric Orain. « Depuis 2001, j’ai l’impression que les metteurs en scène me demandent souvent de jouer à poil, et j’en ai un peu marre, s’exclame-t-elle. J’ai eu envie, du coup, de parler en mon nom et de poser la question : qu’est-ce qui excite tant dans un strip-tease, et jusqu’où ça excite ? » Entre Foufoune Darling et Lili la Pudeur, l’actrice s’interroge aussi sur le métier qu’elle a choisi, son goût de l’exhibition, sa passion de « se compromettre sur scène avec joie ». Quitte à ce que ses amis lui disent une fois de plus : « T’es encore à poil. » Cette tendance érotique et sexuelle est surtout portée par les danseurs et les chorégraphes. L’Américaine Ann Liv Young, les Français Alain Buffard, Yves-Noël Genod, Giselle Vienne, font réguliè- Cecilia Bengolea, une Argentine à Paris CECILIA Bengolea, à l’affiche de Paquerête le 19 juin à Lille a 30 ans. Partenaire de François Chaignaud, avec lequel elle a fondé sa compagnie en 2007, elle a démarré sagement la danse classique et jazz à l’âge de 10 ans dans sa ville natale de Buenos Aires (Argentine). Née dans une famille de la grande bourgeoisie pour laquelle « la danseuse est une pute », elle a 17 ans lorsqu’elle commence à étudier la danse « anthropologique », soit le kathakali indien ou des styles traditionnels boliviens, tout en suivant des études de philosophie et d’histoire de l’art. Arrivée à Paris en 2001, elle additionne des petits jobs de stripteaseuse dans des boîtes comme le String Fellows à Paris pour gagner sa vie. « C’est sûrement inconscient, mais j’avais besoin de me définir contre les préjugés familiaux conservateurs, de récupérer mon corps, mes pensées, ma liberté, confie-t-elle. Par ailleurs, ça me semblait nécessaire, plus vertigineux aussi, par rapport à une morale qui me semblait obsolète et peu épanouissante. » Sacs de latex Après une formation au Centre chorégraphique de Montpellier en 2004, Cecilia Bengolea collabore avec des chorégraphes comme Claudia Triozzi pour le spectacle de strip-tease Nightshade (2007), Tiago Guedes et Mark Tompkins. Avec François Chaignaud, elle met en scène Pâquerette dans de petits lieux parisiens marginaux sans penser une seconde jouer sur des scènes de théâtre. « Programmer une pièce avec des godemichés nous semblait franchement impossible… » Le credo du duo Bengolea-Chaignaud réside dans le mot « transformation ». « Transformer nos corps par le travestissement ou l’hybridation avec des objets, transformer la relation à l’autre, avec le public… C’est une quête politique et intellectuelle. » Leur nouvelle pièce s’intitule Sylphides, et les met en scène dans des sacs de latex comme s’ils étaient sous vide. Claustrophobie, mort et renaissance… Interprète d’Alain Buffard dans Self & others, elle y livre un autoportrait en string et queue de cheval qui va chercher son inspiration littéraire du côté de la Bible. Elle planche aussi sur la reconstitution des danses libres des années 1920-1930, de François Malkovsky (1889-1982). Parallèlement, elle mène toujours sa double vie, en testant parfois ses performances dans une boîte échangiste près de Beaubourg. Lorsque son emploi du temps le lui permet, elle manifeste avec les prostituées parisiennes, en scandant comme elles : « Vous couchez avec nous, vous votez contre nous ! » Danseuse, oui, mais pas trop ! p R. Bo. rement parler d’eux sur le sujet. François Chaignaud et Cecilia Bengolea se sont fait une réputation avec Pâquerette (2007). Ces danseurs, qui évoluent en duo, chacun avec un godemichet bien planté, donneront une performance fin juin dans les rues parisiennes avec le soutien de l’association Act Up. Pâquerettenesecontentepasd’effeuiller la marguerite mais de « faire danser tous les orifices, dont l’anus », selon ses auteurs. « On a envie de trouver des intensités nouvelles, loin desnormesetdescodes,raconteFrançois Chaignaud. Le plateau est un espace de liberté. Les questions du désir et du plaisir y sont chez elles. » Pornographique ? Absolument pas, selon François Chaignaud, qui définit la pornographie comme une « entreprise de duplication à l’infini, alors que le désir est unique ». Passé par une formation de danseur tout ce qu’il y a de classique, il déclare se sentir proche, à sa façon, des « travailleurs du sexe engagés avec leur corps ». Les danseuses de l’opéra, au XIXe siècle, étaient aussi des femmes légères, comme on dit, voire des prostituées occasionnelles, proies rêvées de riches messieurs qui les dévoraient du regard depuis le balcon. La question de la morale est rejetée par les artistes. La fameuse formule, bien commode aussi, « l’art est au-delà de la morale » fleurit un peupartout. « Mais ily ades limitesà la représentation de l’acte sexuel sur un plateau, nuance Alain Buffard, dont la nouvelle pièce, Self & Others, est en tournée en France. Il ne s’agit pas d’être dans la provocation, mais de suggérer en ouvrant l’imaginaire des spectateurs ». Jean-Michel Rabeux affirme présenter du « hard, mais avec délicatesse, car le choc du vivant est toujours dangereux ». La Nuit TransErotic est interdite aux moins de 18 ans. p Rosita Boisseau Festival Trans. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, Paris-11e. Jusqu’au 28 juin. De 10 ¤ à 25 ¤. Tél. : 01-43-57-42-14. Self & Others, d’Alain Buffard. Festival d’Uzès (Gard). 16 juin. 19 heures. Tél. : 04-66-03-15-39. De 10 ¤ à 20 ¤. Pâquerette, de François Chaignaud et Cecilia Bengolea, à la Malterie, 42, rue Kuhlmann, Lille (Nord). Le 19 juin à 21 heures. Tél. : 03-20-19-18-50. 5 ¤. Saisons russes PARIS. Le Ballet du Kremlin fait figure de curiosité à ne pas rater avec son programme spécial « Saisons Russes » pour le centenaire des Ballets russes de Diaghilev. Rien que des pièces insolites, interprétées par des stars comme Nicolai Tsiskaridze ou Ilse Liepa : Le Dieu bleu (1912), Shéhérazade (1910) ou Thamar (1912), dans des versions revues par des chorégraphes actuels. Saisons russes. Ballet du Kremlin, Théâtre du Châtelet, place du Châtelet, Paris-1er. Mo Châtelet. Du 19 au 21 juin. Trois programmes. 20 heures. Le dimanche à 17 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. De 15 ¤ à 89 ¤. Musique Les légendes du raï PARIS-TOULOUSE. Deux chanteurs vétérans de l’Algérie, Boutaïba Sghir et Belkacem Bouteldja, ont contribué à l’émergence du raï. Ils comptent même parmi les précurseurs du raï moderne, rebaptisé « pop raï », avec un son tonique. Ils se produisent au Festival de l’Institut du monde arabe, à Paris, et seront également au Festival Rio Loco de Toulouse, consacré au Maghreb. Institut du Monde Arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris-5e. Tél. : 01-4051-38-14. Le 18 juin à 21 heures. 18 ¤ et 22 ¤. Festival Rio Loco, prairie des Filtres, Toulouse. Tél. 05-61-11-02-22. Le 20 juin, à 20 heures (avec Akim el Sikameya, Amazigh Kateb, Archie Shepp & Dar Gnawa de Tanger). 5 ¤. Opéra « Le Roi Roger » de Szymanowski PARIS. L’opéra de Karol Szymanowski (1882-1937), Le Roi Roger, est à l’affiche de l’Opéra Bastille à partir du 18 juin jusqu’au 2 juillet. Un véritable événement musical, que son entrée tardive au répertoire de l’Opéra de Paris rend encore plus exceptionnel. L’œuvre est mystique et personnelle, sauvage, initiatique, révélatrice de forts conflits intimes. Elle est mise en scène par un des enfants terribles de la mise en scène, le Polonais Krzysztof Warlikowski. C’est aussi l’ultime production phare de l’ère Mortier. Opéra Bastille, 130, rue de Lyon, Paris-12e. M˚ Bastille. Les 18, 20, 23, 25, 30 juin et 2 juillet à 20 heures, le 28 juin à 14 h 30. Tél. : 08-92-89-90-90. De 5 ¤ à 138 ¤. www.operadeparis.fr 18 Culture Rendez-vous 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Galeries Lever de rideau Sélection CD Eté 2009 La lutte des classes vue depuis la photocopieuse Fauré (1845-1924) Galerie Jocelyn Wolff Jocelyn Wolff présente une exposition minimale et ténue, autour de huit artistes. L’un d’eux surpasse dès le premier regard tous les autres : il s’agit de la Suisse Miriam Cahn, qui montre deux dessins et une toile. Cette dernière met en scène une apparition spectrale, qui imprime à peine de sa présence le canevas. Quelque chose comme une aurore boréale sur sa fin, qui surgit entre les jeux de glacis. Comme convoqués pour donner un écrin humble, mais efficace, les autres artistes de cette sélection se consacrent, eux aussi, à explorer la naissance d’une forme. Guillaume Leblon revient à un geste primitif en faisant des petits châteaux de sable dans le béton. Christoph Weber laisse une poutre de ciment s’épuiser dans l’eau, jusqu’à ce qu’elle se dissolve presque. En trois photographies, Jochen Lempert examine les alphabets étranges que dessinent des mouettes posées sur l’eau. Quant à Raimond Chaves et Patricia Dauder, ils réalisent au graphite ou au stylo des dessins pleins de transparences. Leurs formes évanescentes ne cherchent pas à s’imposer au regard, mais l’absorbent, contrairement aux dessins naïfs d’Alexandre Désirée. Enfin, Isa Melsheimer pose une simple plaque de travertin sur un tissu brodé, : une porte d’une grotte promettant la révélation de mystères. p E. L. « Eté 2009 », galerie Jocelyn Wolff, 78, rue Julien-Lacroix, Paris-20e. M˚ Pyrénées. Tél. : 01-42-03-05-65. Du mercredi au samedi de 14 à 19 heures. Jusqu’au 18 juillet. www.galeriewolff.com. Miriam Cahn, « Hände Hoch », détail. FRANÇOIS DOURY Alberto Sorbelli Galerie ColletPark On l’avait connu performer provoquant dans les années 1990, on le retrouve désormais dessinateur : pour autant Alberto Sorbelli est toujours aussi narquois et sacrilège. Jadis, il se promenait en travesti aguicheur dans les salles du Louvre, au grand effroi des gardiens. Aujourd’hui, l’Italien effraie encore, mais par d’autres moyens. Tapissant partiellement les murs de la galerie de ses feuilles crayonnées, il trace des figures animales d’une ligne dure et brisée. Dans sa caverne, les bêtes mythologiques et celles des peluches de l’enfance se mélangent et leurs corps s’humanisent alors que leurs têtes demeurent celles de loups ou de gloutons. Ces hybrides prennent des postures menaçantes ou obscènes. A la lueur des lampes posées par terre, ils rampent, se contorsionnent et exhibent leurs génitoires. Aucun doute : dans ces contrées, le temps de l’innocence et de l’harmonie naturelle est passé depuis longtemps. p Ph. D. Galerie ColletPark, 203 bis, rue SaintMartin, Paris-3e. Mo Rambuteau. Tél. : 01-40-46-00-20. Du mardi au samedi de 13 heures à 19 heures. Jusqu’au 18 juin. Après avoir triomphé au Rond-Point, « Talking Heads », pièce grinçante du Britannique Alan Bennett, est à redécouvrir au Théâtre Marigny L’œuvre pour piano. Vol. 1 : Ballade op. 19. Quatre valses-caprices. Mazurka op. 32. Neuf Préludes op. 103. Avec Jean-Claude Pennetier (piano). Le début d’une intégrale est toujours un moment crucial. Ainsi le premier volume de la musique pour piano de Fauré gravée par Jean-Claude Pennetier. Le pianiste français mène depuis de nombreuses années une carrière discrète mais têtue. Pour beaucoup de mélomanes et nombre de ses confrères, il est un des rares à posséder ce don de musique qui sonne clair et porte loin. Magnifiquement équilibrée entre couleur instrumentale et ligne de chant, sa Ballade op. 19 séduit de bout en bout. Tout comme des Préludes op. 103 admirables de fraîcheur introspective. p M.-A. R. 1 CD Mirare. Flat Earth Society Cheer Me, Perverts ! Christine Brücher, l’une des « têtes parlantes » de la pièce d’Alan Bennett. BRIGITTE ENGUERRAND Théâtre E lles ont rencontré un tel succès au Théâtre du Rond-Point au mois de mai, ces Talking Heads, qu’elles traversent aujourd’hui l’avenue des Champs-Elysées pour aller se poser au Théâtre Marigny jusqu’à la mi-juillet. La politique de l’ex-maison de Robert Hossein, depuis qu’elle a été reprise par Pierre Lescure, semble être de donner une nouvelle vie à de belles réussites du théâtre public : à la rentrée, le Marigny reprendra Partage de midi, de Claudel, dans la mise en scène d’Yves Beaunesne créée à la Comédie-Française, en mars 2007, avec la sublime Marina Hands. Succès fou, donc, pour Talking Heads, et mérité. Le spectacle que signent l’auteur britannique Alan Bennett, le metteur en scène Laurent Pelly et ses trois merveilleuses actrices, Christine Brücher, Charlotte Clamens et Nathalie Krebs, est aussi drôle qu’émouvant, dans un registre rarement et (souvent) mal pratiqué en France : la comédie sociale grinçante. De ces monologues écrits par Alan Bennett, qui fut le scénariste de Prick Up Your Ears (1987), le film de Stephen Frears, Laurent Pelly et son équipe en ont extrait trois, qui composent le portrait de groupe de trois solitudes. DansUne femmesans importance, on découvre Peggy (Christine Brücher), secrétaire dans une entreprise où la devise est « Exporter ou mourir », dans sa petite vie de bureau, avant de la retrouver à l’hôpital, atteinte d’un cancer. Dans Nuits dans les jardins d’Espagne, c’est Rosemary (Nathalie Krebs), bourgeoise tranquille, qui, se liant avec sa voisine, laquelle vient de tuer son mari, découvre les étranges soirées auxquelles se livraient les hommes du quartier, y compris son époux. Femme avec pédicure nous emmène dans l’univers parallèle dans lequel bascule Miss Fozzard (Charlotte Clamens), vendeuse au rayon blanc et linge de maison d’un grand magasin, avec son podologue fétichiste. Alan Bennett n’a pas son pareil pour attraper, de son écriture faussement banale, décalée juste ce qu’ilfaut,ce quela réalitéla plus triviale révèle de nos structures sociales, tellement intériorisées que l’on ne voit même plus la souffrance qu’elles suscitent. L’écriture de Bennett va chercher dans ces vies ordinaires une humanité profonde, âpre et bouleversante Les cadres et les secrétaires qui mangent chacun de leur côté à la cantine, les rapports entre vendeuses et chefs de rayon d’un grand magasin, les « gossips » de machine à café… C’est un peu la lutte des classes vue depuis la photocopieuse – laquelle, dans le spectacle de Laurent Pelly, est une machine de modèle courant, utilisée dans nombre d’entreprises, dont le journal Le Monde. Mais ce qui est beau et touchant, c’est que l’écriture ironique et légèrement onirique d’AlanBennett ne reste pas au ras de la moquette. Elle va chercher dans ces vies ordinaires une humanité profonde, âpre et bouleversante, dans les abîmes qui s’ouvrent derrière la façade bien lisse du home sweet home de la middle class anglaise : la tragédie est au coin du pavillon de banlieue mais, avec une élégance et un humour tout britanniques, elle n’est jamais projetée frontalement sur le spectateur. La mise en scène de Laurent Pelly a trouvé la forme idéale pour ces « têtes parlantes ». Les costumes, les décors, tout participe de cet hyperréalisme aux couleurs acides qui évoque celui du grand photographe de la classe moyenne anglaise, Martin Parr. Mais c’est surtout le travail sur l’espace qui épate : avec sa scénographe Chantal Thomas, Laurent Pelly taille dans le noir du plateau, de manière cinématographique, des sortes de petites boîtes à la beauté plastiqueincontestable, formidables traductions scéniques des tranches de vie découpées par Alan Bennett. Et si ces Talking Heads finissent par être si émouvantes, c’est avant tout grâce à trois actrices de grande classe. Plus vraies que nature dans leurs chemisiers à lavallière, robes à fleurs et blouses de ménagère, tellement justes qu’elles nous les rendent extrêmement proches, ces trois femmes qui parlent, parlent, parlent, comme pour recouvrir encore le non-dit général, la catastrophe des rapports entre sexes, générations et classes sociales. p Fabienne Darge Talking Heads, d’Alan Bennett (traduit de l’anglais par Jean-Marie Besset, éd. Actes Sud Papiers). Mise en scène : Laurent Pelly. Avec Christine Brücher, Charlotte Clamens et Nathalie Krebs. Théâtre Marigny, Carré Marigny, Paris-8e. M˚ Champs-Elysées-Clemenceau. Tél. : 01-53-96-70-30. Du mardi au vendredi à 20 h 30 ; samedi à 16 heures et 21 heures, jusqu’à la mi-juillet. De 24 ¤ à 34 ¤. Durée : 2 heures. Festival d’Avignon Rendez-vous majeur de la création théâtrale en France et en Europe, le Festival d’Avignon, qui se déroule cette année du 7 au 29 juillet, ouvre sa location lundi 15 juin, à 9 heures. A vos marques, prêts, partez : les places, pour les spectacles en vue, s’arrachent en quelques heures, voire en quelques minutes. Festival d’Avignon. Tél. : 04-90-14-14-14. Billetterie du Cloître Tél. : 01-46-07-34-50. De 22 ¤ à 30 ¤. www.festival-fragile.fr Musique Festival Django Reinhardt Le Festival fragile Rendez-vous sur l’île du Berceau où venait pêcher Django Reinhardt. Ici, tout le monde joue pour lui, tout le monde pense à lui. Quatre-vingt-dix musiciens pour cette 30e édition, avant le centenaire (2010) du génial Manouche. Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. Black Eyed Peas The E.N.D La fin ? non, un sigle : E.N.D pour Energy Never Dies. Drôle de bande de rappeurs californiens, où la palette ethnique est respectée, Black, Asiatique, Latino, Blanc, Black Eyed Peas occupe le premier rang des ventes aux Etats-Unis avec le single Bom Bom Pow, grande farce hypnotique et propre à la danse. Mené par le producteur Will.I.Am, soutien hyperactif au président Obama pendant sa campagne, le collectif haut en couleur invente un rap très électronique, avec vocodeur obligatoire, et mélodies décharnées. On y trouvera des emprunts au duo français Daft Punk, la présence, désastreuse, du DJ hexagonal David Guetta, et des bizarreries comme ce Bom Bom Pow, déjanté, qu’on a peine à voir numéro un au pays du R’n’B sirupeux. p V. Mo. 1 CD Polydor/Universal Music. The Eternal Saint-Louis, 20, rue du Portail-Boquier, Avignon. www.festival-avignon.com. Ce festival – réservé aux jeunes artistes – s’installe pour trois semaines aux Bouffes du Nord. On réservera la soirée du 30 juin, plus lettrée, pour découvrir Babx et Frère Animal (avec Arnaud Cathrine, Florent Marchet et Valérie Leulliot). 1 CD Crammed Discs/Wagram Music. Sonic Youth Réservez vos places Théâtre Encore plus réjouissant, encore plus intense. En 2006, l’album Psych out de Flat Earth Society avait attiré l’oreille sur ce big band belge dirigé par le clarinettiste Peter Vermeersch. Jazz, fanfare, rock, cabaret… tout peut servir. Avec Cheer Me, Perverts !, les thèmes rassemblent deux ou trois idées, quand le précédent album jouait parfois sur l’amoncellement. On n’y entend pas de collages artificiels ou de démonstrations destinées à ne jouer que sur la surprise, qui rendent anodines tant de formations. L’équipe a été rejointe par le guitariste Pierre Vervloesem, par ailleurs responsable de la réalisation et du mixage de l’album. Si sa présence élargit la palette sonore, le cœur de la formation se trouve toujours dans la précision et l’allant des cuivres et des anches. Epatant, et plutôt deux fois qu’une. p S. Si. Ile du Berceau, Samois-sur-Seine. Du 25 au 28 juin. De 18 ¤ à 27 ¤ ; forfait 80 ¤. www.festivaldjangoreinhardt.com L’éternité selon le groupe new-yorkais créé en 1981 commence par des dédicaces à deux guitaristes disparus, Ron Asheton, des Stoogges (1948-2009), et John Fahey (1939-2001), grand connaisseur du patrimoine américain et peintre à ses heures – une de ses œuvres figure en couverture du livret. Sonic Youth, connu aussi pour sa pratique des arts plastiques, produit ici un album, le seizième, qui s’il n’est pas novateur, est riche et franc. Il joue avec d’impressionnants murs de son et des décalages constants. Piliers de Sonic Youth, Kim Gordon, Lee Ranaldo, Steve Sheilley et Thurston Moore ont recruté l’ex-bassiste de Pavment, Mark Ibold, pour renforcer les bases et mieux les casser à coup de réminiscences punk, électro, noisy. Anti-orgasm ou What We Know sont des manifestes d’indépendance. p V. Mo. 1 CD Matador/Beggar’s. Michel Delpech Sexa Il est devenu inutile de nommer les succès de Michel Delpech, sauf à prendre plaisir à les fredonner : Wight is Wight, Pour un flirt, Quand j’étais chanteur, Le Loir-etCher, etc. – dix ans (1968-1978) de slows et de rengaines imbattables qu’un disque de duos paru en 2006, Michel Delpech &, avait remis au sommet des ventes et dévoilé aux enfants. A 63 ans, le sexagénaire reprend son parcours, et avec son complice Francis Basset, écrit des chansons sur la France vue de l’intérieur – Je passe à la télé (sur les émissions de plateau et de société), Johnny à Vegas (un fan d’Hallyday qui fait le pari du rêve). Toujours mélancolique, proche des losers et des meilleurs sentiments, Delpech is Delpech. p V. Mo. 1 CD AZ/Universal. Caetano Veloso Zii e Zie Titre étrange pour un album qui fait suite au très rock’ n’roll Cê (abréviation de Você, vous) qui faisait explicitement suite à sa séparation d’avec sa femme, Paula Lavigne. Le Brésilien continue son entreprise de déstructuration de la musique populaire (Tarado ni você, accords de guitare bossa décalés et dissonants, finale sur des percussions indigènes), en reprend cependant des titres anciens (Ingenuidade, de Serafim Adriano) ou modernistes (Incompatibilidade de genios, de Joao Bosco et Aldir Blanc). Génie musical, Caetano Veloso est encore en trio avec la banda Cê, menée par le guitariste Pedro Sa, Il invente le « transambas » et s’en prend au symbole de Guantanamo, la « base » installée à Cuba, un pays qu’il aime, par l’Amérique dont il affectionne les marges, mais non l’omnipotence. Le thème arrive en boucles répétitives, avec chœur féminin. Du grand Caetano, façon 1968, quand, en exil à Londres, il poussait à fond un rock expérimental, saturé et tropical. p V. Mo. 1 CD Universal Jazz. KamelElHarrachi Ghana Fenou Hommage d’un fils à son père. Fer de lance de la nouvelle génération du chaâbi, genre populaire né au début du XXe siècle dans l’ombre des tavernes et des fumeries de la casbah d’Alger, Kamel El Harrachi est le fils de Dahmane El Harrachi (1925-1980), l’une des voix les plus éclairées du genre, le créateur du titre Ya Rayah (« L’Emigré »), repris par Rachid Taha (dans le disque Diwân, en 1998). Sept des titres (dont Ya Rayah) sont piochés dans le répertoire paternel. Le jeune chanteur, né à Alger en 1973 et installé dans la région parisienne, complète cette relecture dynamique par ses propres compositions, dont Ghana Fenou, une ode au père disparu. La voix rugueuse et déterminée caracole au-dessus des cordes virevoltantes, des percussions têtues et d’un chœur masculin aux ponctuations d’une belle vivacité. p P. La. CD Turn Again Music/Mosaic Music. & Vous 19 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 A fond la caisse Trois véhicules emblématiques des 24 Heures du Mans, dont la 77e édition se dispute samedi et dimanche, viennent de rejoindre le nouveau musée dédié à l’épreuve et au circuit de la Sarthe. Parmi eux, une Porsche 917 de 1971, qui partira en rénovation en septembre 2009. Autre curiosités : un camion de pompiers Renault de 1923 et un camion-citerne essence Desmarais Frères de 1924. En service en Argentine jusqu’à la fin des années 1950, le premier camion est arrivé par bateau au sud de l’Italie, avant de rejoindre la ville du Mans par la route. Des messages peints à la mains par les pompiers de Rome et de Venise sur la carrosserie témoignent de cette aventure. Le deuxième engin de service fut utilisé lors de la première édition des 24 Heures, puis retiré de la circulation, en 1948, après 400 000 kilomètres parcourus et 20 millions de litres d’essence livrés. Les deux camions ont été restaurés par la Fondation du patrimoine en partenariat avec le groupe de lubrifiants Motul.p Martine Picouët (PHOTOS DR) Renseignements : Lemusee24h.com Balade éveillée dans les rêves de créateurs Jusqu’au 15 juin, des designers européens contemporains investissent 47 lieux dans Paris. A découvrir Reproduction de « Ciudad Guatemala », de Yann Arthus-Bertrand sur un tapis en laine. DR Design Q u’est-ce qui réunit La Dolce Vita, de Fellini, les saynètes virtuelles de Pierrick Sorin, la treille d’Andrea Branzi, les plantes épiphytes de Patrick Nadeau et l’Ecole cantonale d’art de Lausanne ? Vous le saurez en courant aux Designer’s Days, ce parcours parisien du design dont la 9e édition se tient jusqu’à lundi 15 juin dans 47 lieux harmonieusement répartis de part et d’autre de la Seine. La Dolce Vita ? C’est le concept imaginé par le jeune designer italien Ferrucio Laviani pour mettre en scène les 60 ans de la maison Kartell. Amoureux des couleurs Avec le vidéaste Pierrick Sorin, la vie s’invite sur les écrans plats et ordinateurs de luxe de Sony Style pêchues, des Plexiglas légers et translucides – et des poupées Barbie (elles ont ici une chaise à leur effigie) –, le secret du style Kartell (luminaires et mobilier) tient dans la main : « une poignée de granules » transformés « grâce à une machine poussée à une pression interne impressionnante ». Avec le vidéaste Pierrick Sorin, la vie s’invite sur les écrans plats et ordinateurs de luxe de Sony Style. Les saynètes virtuelles de ce touche-à-tout iconoclaste, observateur de la condition humaine et critique d’art, introduisent Jean-Loup (c’est le nom de son personnage) dans la bergerie, histoire de casser une image glamour polie et policée. C’est réussi et l’on prend un double plaisir à « zieuter » les objets haut de gamme et le court métrage C’était bien du coulis de tomates, un drôle de voyage dans le temps à dos d’éléphant, cependant que la danse aquatique d’un hologramme « sorinien » s’agite au milieu de vrais poissons rouges. Rien de virtuel – encore que – dans le projet initié par la maison Bernardaud et l’architecte et desi- gner Andrea Branzi autour du Salon des porcelaines du Musée Capodimonte à Naples. Il s’agit, en associant « la nature et l’architecture », de jouer sur les apparences : une treille de feuilles de vigne en porcelaine est appliquée sur un miroir, lui-même posé sur un paravent,pourcréeruneillusionvégétale reflétée à l’infini. Autre plante, bien vivante celle-là – encore que – pour le décor Rainforest, créé par le designer et architecte Patrick Nadeau sous la verrière de Boffi Bains. Une délicate installation en forme de pluie végétale composée de mille plantes épiphytes (dont la particularité est de ne se nourrir de rien si ce n’est de vapeur d’eau), mettant particulièrement en valeur le design sculptural, pur et quasi minéral du mobilier de bain. En quête d’humour, de jeunesse et d’invention, la vénérable maison Christofle de la rue Royale a choisi quant à elle de faire appel aux élèves de la section master de luxe de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL) pour un projet autour du cocktail-bar et du teatime. On appréciera la ludique sophistication d’un seau à champagne plissé (Pleat, de Dephine Frey), d’un broc à eau cabossé (Pinch, d’Henrique Fernandes). D’ailleurs, c’est encore Lausanne, cette fois section design industriel, qui peuple la scénographie d’Alexis Georgacopoulos, Rêves de design, pour les Galeries Lafayette Maison. On y repère la Le décor « Rainforest », créé par Patrick Nadeau sous la verrière de Boffi Bains. DR table en carton ondulé Flat Pack, d’Arno Mathies, les chaise et lampe en corde polypropylène de la collection 813 mètres, conçue par Alejandro Bona. Chez Artcurial, au rond-point des Champs-Elysées, on a misé sur la technologie industrielle. Coup de cœur et coup de chapeau pour la table en Z réalisée par le designer bordelais Vincent Poujar- A gauche, « Pinch », broc à eau d’Henrique Fernandes. DR Ci-dessus, bureau imaginé par Cédric Ragot. DR dieu, en collaboration avec la société de technologie aéronautique Euro-Shelter. Elégance spatiale et porte-à-faux conquérant illustrent les capacités exceptionnelles d’un matériau en aluminium à la fois léger et très résistant (on l’utilise pour des unités de santé mobile, des abris techniques ou des conteneurs), dont la forme s’obtient par simple pliage d’un seul et même panneau, ici, de 5 mètres. Boulevard Saint-Germain, chez Roche Bobois, scénographié par la chercheuse de tendances Elizabeth Leriche, s’est présenté l’homme de Home, le photographe Yann Arthus-Bertrand. Certaines de ses vues du ciel (Cheval blanc d’Uffington et Ciudad Guatemala) ont été reproduites sur des tapis en velours pure laine de NouvelleZélande, fabriqués dans le nord de l’Inde par des ateliers certifiés ISO 14001 Environnement. Parmi les nouveautés 2009 « rochebobesques », la collection Saga, imaginée par l’architecte d’intérieur Christophe Delcourt (un superbe buffet à quatre portes en tulipier de Virginie), l’Open Space technologique de Cédric Ragot (bureaux en forme de feuilles de papier en lévitation), le Rythme Sofa en tranches colorées de Missoni Home et, bien sûr, les incontournablesProvinciales, dont la dernière-née, Eugénie, dessinée dans un esprit néoclassique entre Empire et Restauration, n’a jamais été aussi parisienne. p Marie-Aude Roux Designer’s Days : dans divers lieux à Paris. Jusqu’au 15 juin. Ouvert tous les jours de 11 heures à 18 heures. 20 & Vous 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 A Paris, le bassin de La Villette fête ses 200 ans Une trentaine de bateaux venant de toute l’Europe se ras- sembleront sur le bassin de La Villette, à Paris, du 10 au 20 juin. Des péniches de collection de 15 à 30 mètres seront présentées au public, et les mariniers raconteront leurs voyages. Cette manifestation est l’une de celles organisées par la Mairie de Paris pour fêter les 200 ans du bassin de La Villette, inauguré le 2 décembre 1808. Au début du XIXe siècle, face à la mauvaise qualité de l’eau et aux épidémies qu’elle propage dans la capitale, Bonaparte, premier consul, crée les canaux de Paris. Celui de l’Ourcq permet alors d’apporter de l’eau potable. Bien plus tard, en 1983, la navigation de plaisance est ouverte sur le réseau fluvial parisien. Depuis, des entreprises proposent des croisières sur les canaux. A l’occasion de cet anniversaire, une exposition, « Les 200 ans du bassin de Villette », permet de découvrir toutes ces évolutions. p Pascale Santi (PHOTO DR) Pour accéder au bassin de La Villette, le long des quais de Loire et de Seine, à Paris (19e arrondissement). Métro : Jaurès, Stalingrad, Riquet. Renseignements : Canaux.paris.fr Bijou ou gadget, le retour des boutons de manchette Jardins&jardinières Alain Lompech Que faire les jours de pluie ? Cet accessoire n’est plus uniquement réservé aux grandes occasions A Mode I ls ont longtemps été abandonnés dans le fond d’un tiroir. Désormais les boutons de manchette retrouvent leur place. Pour la Fête des pères, le Printemps propose ceux de la nouvelle collection Mauboussin baptisée « Tu es le sel de ma vie » en or blanc et pavage diamant, vendus la bagatelle de 990 euros. Etonnant pour un accessoire qui semblait, un peu comme la montre à gousset, se transmettrede génération engénération et ne se porter que dans les grandes occasions. Le bouton de manchette s’affiche même sur la Toile. Trois jeunes hommes ont lancé, le 1er décembre 2008, un site consacré à la vente de cet accessoire. « Nous nous sommes aperçus qu’il était difficile de s’en procurer dans des styles différents à des prix abordables », raconte Renaud Martel, l’un des associés de La Maison du bouton de manchette. Le site enregistre une hausse régulière de son chiffre d’affaires, et se déploiera bientôt au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Réservé jadis aux messieurs chics ou aux cérémonies de mariage, le bouton de manchette s’est démocratisé. « Synonyme d’élégance et de raffinement, il compose le détail final d’une belle chemise coordonnée ou non à la cravate. L’œil de votre interlocuteur s’y pose toujours », observe Aymeric Franco, directeur commercial Europe chez Hackett. Proposé « en coton, en argent, en or ou en métal, le bouton de manchette est à la portée de tous les budgets, et peut se porter en toutes circonstances », affirme-t-il. Davantage qu’un accessoire, le bouton de manchette est un des rares bijoux que l’homme peut se permettre de porter sans mettre en péril sa virilité. Zilli ose le grand luxe avec un modèle en or blanc 18 carats, nacre, diamants et émeraude vendu… 16 650 euros ! Dans le même registre, Brioni a créé une collection en pierres dures ou semi-précieuses, or blanc ou or jaune. Ci dessus : Tiffany. Au centre : Moschino. En bas : Salvatore Ferragamo. DR indique Paul Smith. Il est aussi possible de laisser sa chemise à poignets mousquetaires sans bouton demanchette.MarcBukart,responsable du stand Tiffany au Printemps Haussmann, juge qu’il ne faut« jamais »lefaire,ilest vraique la marque ne produit que des bijoux ! « Lorsque vous en avez, pourquoi ne pas en porter ? »,temporiseMassimiliano Giornetti, qui dessine les collectionsmasculines de Ferragamo. D’autres créateurss’autorisent plus de libertés. « Cela fait longtemps que je retrousse les manches des chemises et même des costumes. C’est un geste qui “dédramatise” leur rigueur. Aujourd’hui, les règles et les carcans n’existent plus dans la mode masculine. Tout est possible à partir du moment où on le fait avec allure », raconte Kris Van Assche. Lors de son dernier défilé, ses chemises à poignets mousquetaires étaient nouées par des rubans. Une autre histoire, plus romantique. p Joël Morio Personnaliser son look Mais ce sont souvent les moins chersetlesplusoriginauxquiséduisent les hommes. La Maison du bouton de manchette propose 150 modèles à partir de 3 euros dans une dizaine de coloris et des formes aussi différentes qu’une tête de mort, un Lego, une carte à jouer, ou une pièce de puzzle. Paul Smith fut un des premiers créateur à détourner la fonction de ce bijou synonyme de sérieux en un gadget amusant orné de pin-up oud’hologrammes.ChezYvesSaint Laurent, ils prennent la forme de clés. « Ce sont des petits détails pour personnaliser son look, c’est une façon de s’exprimer quand on se serre la main », estime Rossella Jardini, qui dirige la maison Moschino, où l’ontrouve cesaccessoires enforme de cœur, d’ancre, de dauphin… « Beaucoup de chemises étant désormais à boutonnage mixte, le bouton de manchette vient ajouter une note personnelle à la tenue », Emirats a rabes uni Au sommaire juin 2009 s Droits de lhomme, pétrodollars : lautre visage utant le jardin en a besoin, autant il en souffre quand elle détrempe tout, fait s’effondrer les grandes vivaces à peine épanouies, dont les delphiniums géants qui sont ses premières victimes, pourrir les roses choux en bouton et rend les merles moins moqueurs, tout trempés qu’ils sont, leurs ailes pendantes, l’œil maussade quand ils tentent de se faire sécher sur une branche ou sur le sommet d’un muret. Il n’y a que les chats qui se tiennent à carreau dans la maison ou quelque abri, laissant un peu de répit aux musaraignes qu’ils tuent en quantité. La citerne est pleine, et le puits déborde, espérons que le ru n’en fera pas autant, si un orage venait. Pour l’heure, la pelouse est à peine praticable tant les chaussures s’y enfoncent en faisant le bruit d’une éponge qu’on tord. Il est impensable de la tondre samedi ou dimanche. On prétend faire travailler les gens le « jour du Seigneur », et les maires continuent de vouloir interdire aux jardiniers de tondre précisément ce jour-là, voire de faire des travaux bruyants. Pourtant, il faudra bien la tondre, cette herbe, tant elle pousse vite en cette saison ! La semaine prochaine, s’il ne tombe pas des cordes et en deux passes, de façon à ne pas faire bourrer la lame sous le carter et à ne pas s’arrêter tous les 10 mètres pour vider le panier sur le tas de compost détrempé, lui aussi, ce qu’il n’aime guère. De la bonne décomposition à la mauvaise pourriture, il n’y a que quelques averses de trop. Il faut donc aérer le tas en le remuant fréquemment, de façon à brasser les couches de débris de végétaux, le marc de café et les épluchures diverses et variées qui finiront par produire cet or que le jardinier fabrique sans le recours des alchimistes. Que faire ? Profiter d’une éclaircie pour attacher ce qui n’est pas encore tombé, pour relever ce qui l’est déjà de façon à faire ainsi les seuls bouquets qu’un jardinier tolère, tant il souffre chaque fois cine, r o p e Gripp ire grippe avia cipe in r p t e s r u e p Entre de précaution Pour tout savoir, le meilleur du 123 qu’il doit couper des fleurs pour faire plaisir. Il préférerait donner des boutures, des éclats plutôt que des fleurs, qui ne tiendront que quelques jours dans un vase, enfermées dans une maison où, passé le premier jour, on aura si peu de regards pour elles que leur eau croupira. Ramasser des escargots ? Bonne idée, ils sont de sortie et bouffent tout : les hostas sont troués, les dahlias pas moins, les œillets et les roses d’Inde sont rabotés. Les enfants adorent chasser l’escargot, certains qu’ils en attraperont. Il se trouvera bien quelqu’un pour les manger dans le voisinage, après les avoir fait jeûner de façon qu’ils se débarrassent des toxines ingérées des plantes dangereuses qu’ils boulottent, puis leur avoir fait manger du son et, La citerne est pleine et le puits déborde, espérons que le ru n’en fera pas autant enfin, les avoir saupoudrés de gros sel en quantité, ce qui les fait baver. Après quoi, ils seront lavés à grande eau, puis jetés dans un court-bouillon frémissant. Ranger l’abri de jardin ? Bonne idée que de trier les produits de traitement, de façon à se séparer de ceux dont la date de péremption est dépassée (de grâce, en ne les vidant pas à l’égout) ; bonne idée que de vérifier que les sacs d’engrais ne soient pas percés, qu’il n’y ait pas un nid de mulot derrière l’un d’entre eux, que tous les outils soient emmanchés. Sinon, une chose à faire en temps de pluie : aller acheter des manches en frêne pour changer ceux qui sont à deux doigts de se rompre ou ressusciter une pelle-bêche ou une fourche-bêche qui ont eu le tort d’être forcées contre une racine. Il n’y a guère d’abri de jardin qui ne recèle pas de trésors que le jardinier peut remettre en service pour pas cher… les jours de pluie. p Poches Le Monde des livres 21 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Au présent Vies et morts de Sir Oscar Wilde Une biographie inédite, qui donne envie de lire ou relire les œuvres de l’auteur du « Portrait de Dorian Gray » Oscar Wilde de Daniel Salvatore Schiffer « Folio biographies » n˚ 55, 430 p., 8,60 ¤ C omment un homme né en 1854 à Dublin, dans une famille bourgeoise, devenu unécrivainfortuné, undandyflamboyant, finit-il sa vie en 1900, à Paris,sevoyant en« épaveàboutde nerfs » ? Et comment demeure-t-il, selon le mot de Borges, « un de ces bienheureux qui n’ont pas besoin d’être approuvés par la critique ni même parfois par le lecteur : le plaisir que nous procure son commerce est irrésistible et constant » ? Tous ceux que passionne le destin d’Oscar Wilde ont déjà lu plusieurs livres sur lui, notamment la biographiedeRichardEllmann(Gallimard,1994).Celanedevraitpasles empêcher d’apprécier l’Oscar Wilde, de Daniel Salvatore Schiffer, qui, dans sa bibliographie comme dans son texte, renvoie aux études et En quinze chapitres, on va du roman de formation à une « fin de partie » tragique, dans un hôtel minable de la rue des Beaux-arts aux témoignages sur Wilde, et qui sait être synthétique sans jamais être hâtif. Ces biographies inédites queproposeFoliosontparticulièrement réussies lorsque l’auteur a, comme Schiffer, non seulement une bonne connaissance de l’œuvre, mais utilise avec pertinence, en donnantles références, cequi adéjà été écrit sur l’auteur. En quinze chapitres, on va du roman de formation d’un jeune Irlandais, passant par Oxford, à une « fin de partie » tragique, dans un hôtel minable de la rue des Beaux-Arts, devenu aujourd’hui un lieu chic et très recherché, précisément parce qu’Oscar Wilde y est mort. L’un des chapi- CHRISTELLE ENAULT tres s’intitule « Danse, cadence et décadence ». C’est assez emblématique de toute l’existence de ce « mari non idéal », père – et si peu père – de deux fils, écrivain virtuose, amant lucide d’un homme « superficiel », le jeune et bel aristocrate Alfred Douglas, « Bosie », qui sera l’instrument de sa déchéance. Poussé par Bosie, Wilde attaque en justice le père de celui-ci, le marquisdeQueensbury,quile détestait et le provoquait. Il tombe dans un piègequiserefermesurlui.Queensbury est acquitté, mais Wilde de nouveau poursuivi pour outrage aux bonnes mœurs et condamné en 1895 à deux ans de travaux forcés. Sa dernière prison, Reading, lui inspirera La Ballade de la geôle de Reading (publié anonymement en 1898). Il litDante, écrit De profundis, mais quand il est libéré, le 19 mai Aparté Léon Bloy et Gustave Flaubert, plumes assassines Gustave Flaubert en verve Textes choisis par François Caradec Horay, 128 p., 7,50 ¤ Léon Bloy en verve Textes choisis par Hubert Juin Horay, 128 p., 7, 50 ¤ V erve ! Littéralement, le mot veut dire « parole ». Mais il n’est pas facile à définir plus précisément. Pierre Larousse n’a pu que reprendre Emile Littré pour cette définition : « chaleur d’imagination, enthousiasme ». N’en déplaise à nos maîtres lexicologues, cela reste bien vague. On peut ajouter : humour, rosserie, causticité, et aussi gaieté et amertume. Mais tout cela qui crée la verve n’est rien sans l’art de maîtriser les mots, de leur donner de nouvelles teintes, de les ajuster pour que peu disent beaucoup, c’est-à-dire sans un style. La verve implique un texte court. Sa brièveté est garante de son efficacité. Publier en même temps Bloy et Flaubert, c’est rapprocher deux auteurs que, semblerait-il, rien ne raccorde, sinon la verve et, compte tenu de leur tempérament, les sujets qui la suscitent. Les similitudes sont nombreuses, comme les thèmes. L’un et l’autre ont les mêmes ennemis : le clergé, la censure,le bourgeois, la bêtise,les honneurs, l’art moderne autant que l’art officiel. Et ils n’épargnent ni la littérature ni les littérateurs. « Onparlebeaucoup de la littérature vécue, des livres vécus. La plupart de nos contemporains nous donnent à flairer leurs petites affaires de cœur (…). Chacun peut voir où nous en sommes. La littérature du cul et le journalisme du cul sont exclusivement demandés. Le texte même disparaît pour faire place à l’illustration des viandes. » Cela sent Flaubert, mais c’est de Bloy. Et quelle violence de vocabulaire toute bloyenne dans cette pique de Flaubert : « Lamartine (…) est un esprit eunuque, la couille lui manque, et il n’a jamais pissé que de l’eau claire. » Si Bloy est le contempteur quasi officiel du bourgeois, c’est Flaubert qui le qualifie. « J’appelle bourgeois quiconque pense bassement. » La verve n’implique pas la justesse du jugement, elle peut aussi être au service de la mauvaise foi, de la rancœur, elle peut glisser au « bon mot » douteux – « Je ris tout « Lalittératureducul etlejournalismeducul sontexclusivement demandés.Letexte mêmedisparaîtpour faireplaceà l’illustration desviandes » Léon Bloy seul comme une compagnie de vagins altérés devant un régiment de phallus. » (Flaubert) –, à l’excès délirant quand Bloy se fait apôtre du crimeen recommandant d’arrêter « le riche (…) avec une faux ou un paquet de mitraille dans le ventre ». C’est quand il s’en prend à ses semblables que la verve de l’écri- vain se déchaîne. Bourget, Zola, Hugo, Drumont, Maupassant ou Sand déclenchent chez Bloy une espèce d’allégresse dans l’éreintement, cependant que Flaubert, sans toujours les nommer, attaque les prosateurs qui ne savent dire simplement les sentiments et lessensations, qui font de la« Pohésie », qui pensent plus à vendre qu’à créer de belles œuvres, ceux qu’il appelle « les gens de lettres (…) des putains qui finissent par ne plus jouir ». Pour nous ravir ou nous heurter, ces perles sont éparses dans l’œuvre et, surtout pour Flaubert, dans la correspondance, où l’on peut plus facilement user d’un vocabulaire dont certains termes peuvent être réduits à une première lettre suivie de points de suspension. Aller de l’un à l’autre de ces textes choisis par François Caradec pour Flaubert et Hubert Juin pour Bloy, c’est retrouver leur esprit, leur talent, parfois, apercevoir d’eux un aspect que l’on n’attendait pas, toujours s’offrir un moment de lecture dans la jubilation. p Pierre-Robert Leclercq 1897, il est brisé. Vilipendé par la presse, privé de tous ses droits et biens, il quitte l’Angleterre. Il reste un peu plus de trois ans désastreux à vivre à celui qui se fait désormais appeler Sebastian Melmoth. Il retrouve Bosie, part pour Naples avec lui. Mais Bosie le quitte définitivement, à la fin de 1897. Quelques mois plus tard, épuisé, Wilde s’installe à Paris, où il mourra le 30 novembre 1900, après avoir accompli son long désir de conversion au catholicisme – un prêtre irlandaisluidonneenmême temps le baptême et l’extrême-onction. Le grand mérite du travail de Daniel Salvatore Schiffer, le signe d’une biographie réussie, est de donner envie de lire ou relire Wilde. Pour rester dans le domaine des poches, peu onéreux et faciles à transporter si l’on part pour l’été, on ajoutera un « Folio à 2 euros », Le Portrait de Mr W. H, qui vient de paraître (extrait des Œuvres, dans « La Pléiade », traduit et annoté par Jean Gattégno). Soucieux de percer le mystère de W. H., dédicataire des Sonnets de Shakespeare, Wilde, qui croit avoir trouvé l’identité de cette personne, mène aussi une réflexion subtile sur le monde du théâtre élisabéthain. On ne peut pas ignorer le bouleversant De profundis, disponible aussi en « Folio essais », avec une remarquable présentation de Jean Gattégno (8,90 ¤). Pas plus que Le PortraitdeDorianGray(« Folioclassique ») dont Jean Gattégno disait dans sa préface, citée par Schiffer : « Il n’est rien arrivé d’autre à Dorian Grayqued’êtretroppetitpourladestinée à laquelle l’avait promis son rêve fou, son hybris. » En outre, en 2008, les éditions Arléa ont publié un magistral recueil d’aphorismes (272 p., 9 ¤), présenté de manière très pertinenteparStephenFry,quiaincarnéWilde au cinéma. « Le courage de Wilde n’était pas d’avoir une “sexualité parallèle”,écrit-il notamment,mais une parfaite liberté d’esprit. Ne voir en lui qu’un martyr homosexuel avant la lettre, c’est, me semble-t-il, faire justement le jeu de ceux qui l’ont mis plus bas que terre voici un siècle. » « Avoir bonne réputation est une des nombreuses plaies dont je n’ai jamais eu à souffrir »¸constatait Oscar Wilde. La liberté d’esprit étant beaucoup plus dérangeante que la sexualité, il peut dormir en paix, la « bonne réputation » ne le menace pas. p Josyane Savigneau Les espaces événementiels du 123 0123 met à disposition son auditorium (capacité de 150 places), avec possibilité de projection, ainsi que son hall d’accueil pour l’organisation de vos manifestations. Paris, 13 e arr. Pour tous renseignements et demande de devis, contactez l’agence Clé, au 01 44 88 91 56 22 Disparitions 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 L’un des protagonistes de l’affaire Ben Barka Marcel Le Roy-Finville C onnaîtra-t-on un jour les circonstancesde la disparitionde Mehdi Ben Barka ? Depuis plusdequaranteans,desjuges d’instruction se succèdent qui tentent de faire la lumière sur l’une des plus ténébreuses affaires de la Ve République. Des livres, des enquêtes de presse paraissent qui apportent des bribes 1945 Entre dans les services secrets 29 octobre 1965 Enlèvement de Mehdi Ben Barka à Paris 1966 Suspendu de ses fonctions Juin 1967 Acquitté 1972 Le Conseil d’Etat confirme sa révocation du Sdece 1980 Publie « Sdece Service 7 » 29 mai 2009 Mort d’informations pour compléter le puzzle. Desfilmssortent,quirestituentavecplusou moins de bonheur la personnalité de celui quifutlesymboledel’oppositionauroiHassan II du Maroc et l’une des figures du tiersmondisme. Des émissions de télévision complètent le tout. Mais l’énigme de l’enlèvement et de l’assassinat de Ben Barka demeure. Avec la disparition, vendredi 29 mai, à l’âge de 89 ans, de Marcel Le Roy, dit Le RoyFinville, un ancien responsable des services secrets, la probabilité de connaître les tenants et les aboutissants de « l’affaire Ben Barka » s’amenuisent encore un peu plus. « Le Roy-Finville est parti en emportant des secrets », estime Me Maurice Buttin. Et l’avocat–depuisdesdécennies–delafamilleBen Barka d’ajouter : « Peut-être a-t-il laissé des notes. » Non pas que Le Roy-Finville ait participé activement à l’enlèvement de Ben Barka, le vendredi 29 octobre 1965 en fin de matinée, devant la brasserie Lipp, boulevard SaintGermain, à Paris. Les deux hommes qui l’interpellentetl’invitentàmonteràbordd’une voiturepourleconduireauprès,prétendentils, d’une haute personnalité, sont des policiersdelabrigademondaine.S’ilsontagiainsi, avoueront-ils plus tard, c’était pour rendre service à Antoine Lopez, un « honorable correspondant » du Sdece, les services secrets de la France du général de Gaulle. Mais Lopez est bien plus que cela. C’est d’abord un ami, un proche du général Oufkir, le ministre de l’intérieur du Maroc, l’ennemidéclaré deMehdiBen Barka.Lopez travaille pour Oufkir. D’ailleurs, lorsque Ben Barka monte dans la voiture qui le conduira dansunevilladeFontenay-le-Vicomte,dans l’Essonne, où il est probablement mort, Lopez s’y trouve aussi. Or Lopez avait un « officier traitant », un homme du Sdece à qui il devait rapporter toutcequ’ilsavait.Cethomme,c’étaitMaurice Le Roy-Finville, un ancien résistant entré en 1945 dans les services secrets dont il était devenu l’un des responsables. Lopez avait-il tenu au courant son chef du complot qui se tramait contre Ben Barka ? Et si oui, pourquoi Maurice Le Roy-Finville et le Sdece étaient-ilsrestéspassifsfaceàunprojetd’enlèvement dont on pouvait redouter dès le début qu’il allait mal se terminer ? Suspendu de ses fonctions en janvier 1966, inculpé de « non-dénonciation de crime » et incarcéré à la prison de la Santé, à Paris, pendant près de quatre mois, Le Roy-Finville (chevalier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance et croix de guerre 1939-1945) allait finalement bien tirer son épingle du jeu. A l’issue du procès Ben Barka qui allait suivre, l’officier traitant de Lopez était blanchi. La cour jugeait que Lopez ne l’avait pas vraiment informé de ce qui se tramait contre l’opposant marocain. C’est à peine, estimait-elle, si l’on pouvait reprocher à l’ancien chef d’études du Sdece d’avoir commis de menues erreurs de service en ne transmettant pas à ses supérieurs des informations peu précises selon lesquelles « les Marocains voulaient faire un sort à Ben Barka ». Au cours du même procès, les jurés de la cour d’assises de la Seine avaient également innocenté le chef de la sûreté marocaine, Ahmed Dlimi, fortement suspecté d’avoir torturé à mort Mehdi Ben Barka. « Il faut bien constater que l’acquittement de Dlimi rendait difficile une condamnation, fut-elle de principe, de l’ancien chef d’études du Sdece », écrivait Le Monde à l’énoncé du verdict, au printemps 1967. Son honneur lavé, Marcel Le Roy – Finville était l’un des pseudonymes qu’il utilisa au cours de sa carrière – allait, en revanche, échouer à faire casser par le Conseil d'Etat sa révocation du Sdece où il était pourtant considéré comme un élément de valeur « dévoué, compétent, efficace ». La vengeance est-elle un plat qui se Marcel Le Roy-Finville (à gauche) et son avocat lors du procès Ben Barka, devant la cour d’assises de la Seine, en octobre 1966. RUE DES ARCHIVES mange froid ? En 1980, âgé de 60 ans, l’ancien employé radical-socialiste du ministère de l’agriculture devenu, par les hasards de l’histoire, un agent secret, allait publier un livre autobiographique, SDECE Service 7 (Ed. Presse de la Cité). Le Service 7, dirigé par M. Le Roy, était spécialisé dans l’ouverture des valises diplomatiques pour intercepter et décryp- « Divulgateur critique », il coordonna l’Encyclopédie Bordas Roger Caratini O n le comparait souvent à Pic de La Mirandole, le grand érudit de la Renaissance, en raison de sa curiosité insatiable, de sa culture phénoménale et d’un côté touche-à-tout qui suscitait autant l’admiration que les sourires jaloux. Auteur de dizaines d’ouvrages à caractère encyclopédique et de quelques romans historiques, Roger Caratini est mort mercredi 27 mai à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne). Il avait 84 ans. Né à Paris le 22 décembre 1924, ce fils d’uneprofesseurd’anglais etd’unemployé des douanes communiste cultiva l’éclectisme dès sa jeunesse. Bachelier à 16 ans, agrégédephilosophieet licenciédemathématiques, ce passionné d’assyriologie rédigea une thèse sur la géométrie babylonienne tout en étudiant la médecine. Psychanalyste pendant dix-sept ans, spécialisé dans le traitement des enfants et des adolescents, il dirigea également un collège d’enseignement privé à Andrésy (Yvelines), avant de rencontrer, en 1966, l’homme qui allait changer sa vie : Pierre Bordas (1913-2000). Ancien marin reconverti dans l’édition au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’éditeur des célèbres manuels de littérature Lagarde et Michard cherchait alors à élargir le champ de son activité et, pourcela, eut l’idée de publierune encyclopédie. Le projet enthousiasma Roger Cara- 22 décembre 1924 Naissance à Paris 1968-1975 Publication de la Bordas Encyclopédie en 23 volumes 27 mai 2009 Mort à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) tini qui, entouré de sa femme, d’un secrétaire et de quelques documentalistes, y consacra toute son énergie pendant les dix années qui suivirent. Commencée en 1968, la publication de la Bordas Encyclopédie s’acheva en 1975. Par rapport à ses concurrentes mises en vente à la même époque, l’Encyclopaedia universalis (1968-1974, 22 volumes) et la Grande Encyclopédie Larousse (1971-1979, 21 volumes), elle présentait une double originalité : son organisation thématique (et non alphabétique) et ses partis pris. Despartis pris que RogerCaratini revendiquait. Au Monde, qui l’interrogea en 1974 sur ses choix, il expliqua ainsi qu’il lui avait « semblé nécessaire de bousculer certaines valeurs consacrées ». Parmi elles, Camus, Cocteau et Gide. Mais aussi Louis Malle, dont il jugeait l’œuvre « froide et pleine de concessions commerciales », ou Truffaut, dont il disait que les films s’oubliaient « très vite »… Malgré leur succès (plus de trois millionsd’exemplaires vendus), lesvingt-trois volumes de cette encyclopédie richement illustrée furent remplacés, au catalogue de Bordas, par d’autres volumes, moins onéreux, dans les années 1980. Estimant que le nom de cette série, baptisée Nouvelle Encyclopédie Bordas, pouvait donner au lecteur l’impressionqu’ils’agissaitd’une actualisation des titres qu’il avait rédigés, alors qu’il s’agissait en fait d’un fonds encyclopédi- queachetéàunéditeursuédois,RogerCaratini attaqua en justice les éditions Bordas, qui furent condamnées, en 1988, à lui verser650 000francs(100 000¤)de dommages et intérêts. C’est ensuite chez d’autres éditeurs que ce bon vivant à la capacité de travail exceptionnelle continua d’exercer son talent de « divulgateur critique » (un qualificatif qu’il préférait à celui de « vulgarisateur »). Une cinquantaine de titres au total, qui reflètent son intérêt pour les découvertes scientifiques (L’Année de la science, Seghers/Robert Laffont, 1988), la philosophie (Vent de philo, Michel Lafon, 1997) ou l’islam (Mahomet, Criterion, 1993). Mais qui témoignent aussi d’une tendance, de plusen plus nette aufil desannées, à se draper dans l’habit d’un donneur de leçons toujours prêt à dénoncer une « imposture ». Ce qui pouvait le conduire à porter des jugements à l’emporte-pièce sur des sujets aussi divers que Vercingétorix, Napoléon ou l’égyptomanie.p Thomas Wieder Georges Tate L 26 février 1943 Naissance à Vigneuxsur-Seine (Seine-et-Oise) 1980-1990 Directeur de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient 5 juin 2009 Mort à Joigny (Yonne) seur à l’Ecole supérieure des lettres de Beyrouth (1969). Très vite, il s’investit dans les travaux de l’Institut français d’archéologie de Beyrouth, fondé en 1946. Pensionnaire scientifique (1971), secrétaire (1975), il dirige l’établissement (1980-1990),devenu entre-temps l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient. Le contexte est des plus difficiles : la guerre civiledéchire le paysdès 1975, avec de tragiques conséquences pour le patrimoine Ancien rédacteur en chef de « La Croix » Antoine Wenger Historien et archéologue, spécialiste du Proche-Orient ’orientaliste Georges Tate est mort brutalement d’une embolie pulmonaire, le 5 juin, à Joigny (Yonne). Il était âgé de 66 ans. Né à Vigneux-sur-Seine (Seine-et-Oise) le 26 février 1943, ce fils d’enseignant fit ses études aux lycées de Bastia, puis de Montluçon,avant de fréquenter les établissements parisiens (Louis-le-Grand et Henri-IV) où il prépara l’entrée à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. A la Sorbonne, où le jeune médiéviste se passionne pour le monde byzantin, il suit un cursus classique que ponctuent une brillante réussite à l’agrégation d’histoire (1968) et une place d’assistant à l’université Paris-X-Nanterre. Mais bientôt, Georges Tate s’écarte des sentiers battus : désireux de travailler sur les relations entre Byzance et l’Arménie, il s’établit au Liban, profes- ter le courrier des ambassades. Le livre fit scandale, non pas pour ce qu’il écrivait sur l’affaire Ben Barka – rien de neuf en vérité –, mais parce que jamais jusqu’alors un ancien fonctionnaire français des services de renseignement n’avait osé raconter le quotidien du métier d’espion. Il allait faire école. p Jean-Pierre Tuquoi libanais. Georges Tate sauve matériellement l’Institut et obtient le convoi blindé quipermetdemettre enlieusûrl’inestimable bibliothèque de l’établissement, de loin la plus riche de toute la région. Préservant les intérêts de la France dans le domaine scientifique et conscient de l’impossibilité de travailler au Liban pour de longues années, il démultiplie les activitésde l’Institut, lançant de nouveaux chantiers, encourageant les jeunes chercheurs à se faire une place en Jordanie, jusque-là quasi-monopole anglo-saxon. Il ouvre ainsi successivement des antennes à Amman, puis à Damas. Nommé correspondant de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres) en remplacement du médiéviste bordelais Charles Higounet (1911-1988) en novembre1989,il revientenFrance,profes- sant l’histoire ancienne à l’université de Franche-Comté (1990), puis à celle de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1994). Directeur de mission archéologique franco-syrienne de Syrie du Nord depuis 1976, Georges Tate n’a guère sacrifié qu’à l’édition scientifique et, si l’on excepte quelques manuels universitaires, on ne trouve guère qu’un synthétique L’Orient des croisades (Gallimard, « Découvertes », 1991) et une biographie de Justinien, au souffle épique (Fayard, 2004), qui sortent de son champ d’études privilégié, les sociétés rurales de Syrie du Nord, romaine et byzantine. A l’été 2003, il accepte une charge de conseiller culturel auprèsde l’ambassadeur de France à Bagdad, dans la capitale irakienne passée sous contrôle américain. Mission qu’il remplit jusqu’en 2007.p Philippe-Jean Catinchi L ’ancien rédacteur en chef du journal catholique La Croix, le Père Antoine Wenger, est mort le 22 mai, à l’âge de 89 ans. Il avait pris la direction du quotidien à 37 ans, en 1957. Ordonné prêtre en 1943, cet intellectuel d’origine alsacienne, venu d’une famille modeste, qui avait étudié la philosophie, la théologie et l’histoire, était devenu spécialiste de la théologie orientale. Il publiera huit catéchèses inédites de saint Jean Chrysotome qu’il avait 2 septembre 1919 Naissance à Rohrwiller (Bas-Rhin) 1943 Ordonné prêtre 1957-1969 Rédacteur en chef de « La Croix » 22 mai 2009 Mort découvertes au mont Athos. Il œuvrera aussi au rapprochement entre le patriarche de Constantinople Athénagoras et le pape Paul VI, qui, au cours d’une rencontre historique en 1964, lèveront les anathèmes réciproques que s’étaient lancés les deux Eglises 800 ans plus tôt. Sa carrière journalistique amènera le Père Wenger à devenir l’un des témoins privilégiés des séances du concile Vatican II entre 1962 et 1965. Il racontera cette expérience dans un ouvrage intitulé Vatican II (Centurion). Avec sa nomination à la tête de La Croix, la consigne pour les propriétaires assomptionnistes du journal était claire, rappelle le Père Michel Kubler dans l’édition du 25 mai : « Relayer le discours pontifical, prévenir du danger communiste. Entre Rome et La Croix, il sera l’homme de la confiance sans faille. D’aucuns diront : d’une obéissance sans conditions. » Cette posture amènera le Père Wenger à prendre fait et cause pour le texte Humane vitae, qui, en 1968, condamna toute forme de contraception artificielle, alors que ce document controversé suscitait des remous au sein même des fidèles catholiques. Après son départ de La Croix, en 1969, il sera nommé conseiller ecclésiastique de l’ambassade de France près le Saint-Siège et assumera, de manière ponctuelle, diverses missions diplomatiques.p Stéphanie Le Bars Météo&Jeux 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 < -10° - 5 à 0° -10 à -5° 0 à 5° 20 km/h 13 20 25 km/h 16 28 1005 DStrasbourg 12 30 1010 D T Clermont-Ferrand 13 29 18 25 Barcelone Barcelone Grenoble 15 32 18 28 D 1015 A 18 22 Montpellier 17 27 19 29 Nice Marseille 20 26 19 31 Ajaccio 50 km/h Températures à l’aube 1 22 l’après-midi 17 28 Lever 01h09 Coucher 12h16 Lever 05h45 Coucher 21h55 Lundi Jours suivants Mardi 15 23 13 20 La forte chaleur persistera dans le sud-est du pays. Elle se montrera moins prononcée dans le Sud-Ouest et le Centre en raison d'une évolution orageuse assez rapide en cours de journée. Cette évolution orageuse gagnera la façade est en fin de journée ou soirée seulement, après une chaleur estivale l'après-midi. Ciel plus variable vers la Manche. D Tunis Tunis Beyrouth Rabat Front froid Occlusion Thalweg 1015 Ankara Athènes Alger Tripoli Tripoli Dépression Front chaud En Europe 19 28 Aujourd’hui Anticyclone Istanbul D Jérusalem Le Caire Nouvelle-Zélande il ne fera pas plus de 12 degrés à Wellington Perpignan St-Élisée Coeff. de marée 57 1025 Bucarest Sofia A Madrid Séville Odessa Zagreb Belgrade Rome Lisbonne Lisbonne A Kiev Budapest Berne 1020 Lyon Bordeaux Toulouse 1015 Milan 8 29 Moscou Munich Vienne Chamonix 0 17 101 32 St-Pétersbourg Copenhague Bruxelles 102 0 12 30 16 28 Limoges Londres Paris 13 30 Dijon Poitiers Helsinki 1010 Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague Dublin Besançon 15 26 D Riga Edimbourg 11 29 13 29 Nantes 1015 10 10 Orléans Biarritz Oslo Stockholm 1020 Metz 1005 15 25 Echecs no 188 > 35° 102 0 www.meteonews.fr 11 30 PARIS 12 20 30 à 35° Reykjavik 15 25 Rennes 15 km/h 25 à 30° 1005 Lille 15 25 15 km/h 20 à 25° Amiens Caen 15 21 15 à 20° 1025 14.06.2009 12h TU 14 23 1015 ChâlonsRouen en-champagne Brest 10 à 15° En Europe A Dimanche 14 juin Évolution orageuse par endroits Cherbourg 5 à 10° 17 22 15 21 17 30 17 29 2024 21 31 20 30 18 29 Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik ensoleillé 16 beau temps 17 ensoleillé 21 beau temps 15 averses éparses 7 orageux 13 orageux 18 beau temps 11 beau temps 12 beau temps 7 éclaircies 10 averses modérées 10 16 très nuageux 13 beau temps 10 très nuageux 20 beau temps averses éparses 14 10 ensoleillé 12 éclaircies 18 orageux 22 couvert 11 ensoleillé 21 beau temps 11 beau temps 7 éclaircies 5 pluie éparse 24 28 28 30 25 29 24 27 27 18 17 15 18 27 21 26 23 30 22 26 28 24 33 20 26 9 Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb forte pluie beau temps beau temps couvert averses éparses beau temps éclaircies beau temps fortes averses beau temps Dans le monde Alger ensoleillé Amman beau temps Bangkok averses éparses Beyrouth beau temps Brasilia ensoleillé Buenos Aires beau temps Dakar ensoleillé Djakarta averses éparses Dubai beau temps Hongkong averses modérées Jérusalem beau temps Kinshasa ensoleillé Le Caire beau temps Mexico ensoleillé Montréal averses modérées Nairobi averses éparses 10 18 8 12 13 15 11 10 10 15 11 31 27 19 16 32 22 27 12 28 24 18 23 21 14 4 20 25 32 26 16 20 18 10 15 13 37 32 33 26 23 17 25 30 41 31 32 33 38 24 14 20 New Delhi New York Pékin Pretoria Rabat Rio de Janeiro Séoul Singapour Sydney Téhéran Tokyo Tunis Washington Wellington ensoleillé averses éparses éclaircies éclaircies très nuageux beau temps orageux averses modérées éclaircies éclaircies orageux beau temps averses modérées éclaircies 34 45 14 19 22 34 10 20 22 29 12 24 17 24 25 32 12 18 16 32 18 24 19 30 18 26 8 12 Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis averses modérées averses modérées ensoleillé éclaircies averses éparses beau temps 23 24 14 23 23 18 Outremer 28 29 24 27 28 25 Météorologue en direct au 0899 700 703 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h Mercredi Jeudi Nord-Ouest 14 22 9 22 12 22 Ile-de-France 17 23 10 23 13 24 Nord-Est 18 21 9 22 13 23 Sud-Ouest 15 21 12 25 13 25 Sud-Est 18 29 18 28 16 28 Les jeux Mots croisés no 09-141 Sudoku no 09-141 Solution du n˚09-140 Retrouvez nos grilles sur www.lemonde.fr 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 1 12 I II III IV V VI VII VIII IX Euro Millions X Horizontalement Verticalement I. Ouvre les vannes à la moindre contrariété. II. Peut maintenant travailler … pour elle. Forme d’avoir. III. Point de départ. Rapprochement contractuel. IV. Accroché à la fougère. Beau bavard emplumé. Possessif. V. Prétentieux et insupportable. Arrivé accidentellement. VI. Tous ceux d’avant. Saisit au passage. Possessif. VII. Défoncées comme de vieilles chaises. VIII. Assure l’égalité. Petit génie des airs au Nord. Vingt-troisième chez les Grecs. IX. Mise à nu. Romains de Vinci. X. Tout l’art de compliquer la situation. 1. Belle réussite. 2. Ses mystères nous ont mis au parfum. Fait tache au soleil. 3. Fit des longueurs. Introduit la cause. 4. Ne laisse pas beaucoup de temps à la réflexion. Ouverture de gamme. 5. Filet. A sûrement quelque chose à vous demander. 6. Problème climatique. Lancé vers le but. 7. Que l’on retrouvera plusieurs fois. 8. Démonstratif. Maman de l’Auguste Philippe. 9. Fait appel. Personnel. 10. Amateur de son. Suivit discrètement. 11. Rapportés en détail. 12. Risque de vous faire renoncer. Philippe Dupuis Solution du n° 09 - 140 Horizontalement Verticalement I. Démotivation. II. Epave. Avilie. III. Bétulacée. Nc. IV. Aral. Bandage. V. UV. EO. Nues. VI. CIO. Pâté. Pas. VII. Hellène. Déca. VIII. Artère. Serti. IX. Gé. Vé. Longer. X. Escargotière. 1. Débauchage. 2. Epervières. 3. Mata. Olt. 4. Ovule. Leva. 5. Tel. Opérer. 6. AB. Ane. 7. Vacante. Lô. 8. Avenue. Sot. 9. Tiède. Déni. 10. Il. Asperge. 11. Oing. Acter. 12. Nécessaire. Résultats du tirage du vendredi 12 juin. 6, 14, 16, 34, 50, 4 e et 6 e Rapports : 5 numéros et e e : 29 430 608,00 ¤ ; 5 numéros et e : 370 043,60 ¤ ; 5 numéros : 131 265,40 ¤ ; 4 numéros et e e : 3 866,40 ¤ ; 4 numéros et e : 252,60 ¤ ; 4 numéros : 122,10 ¤ ; 3 numéros et e e : 64,30 ¤ ; 3 numéros et e : 28,30 ¤ ; 3 numéros : 17,40 ¤ ; 2 numéros et e e : 20,60 ¤ ; 2 numéros et e : 9,00 ¤ ; 1 numéro et e e : 9,20 ¤. Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions datées dimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi.Tous les jours Mots croisés et Sudoku ; Samedi daté dimanche-lundi Echecs Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ; télécopieur : 01-57-28-21-21 Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74 ; Par courrier électronique : [email protected] Médiateur : [email protected] Abonnements : Par téléphone : de France 0-825-000-778 (0,15 TTC/min) ; de l’étranger : (33) 3-44-31-80-48. 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A 41 ans, Gelfand était l’un des joueurs les plus âgés du tournoi, mais sa combativité et sa résistance hors normes lui ont permis d’arracher cette victoire, comme en témoignent son match marathon contre Evgueni Nayer au premier tour (victoire décisive en 110 coups !) ou son dernier blitz contre Svidler en finale, où le Russe est tombé dans l’ultime piège tendu par Gelfand, dans une position désespérée. La meilleure partie du tournoi fut cependant jouée par Alexandre Grischouk, éliminé en demifinale par son compatriote Svidler. Grischouk possède cette rare faculté de jouer des parties d’une grande profondeur à des cadences rapides. Sa finale contre l’Ukrainien Pavel Elyanov, lors du premier tour d’Odessa, en est un exemple. Grischouk-Elyanov, Odessa 2009 : 1. e4, e5 ; 2. Cf3, Cc6 ; 3. Fb5, Cf6 ; 4. 0-0, C×e4 ; 5. d4, Cd6 ; 6. F×c6, d×c6 ; 7. d×e5, Cf5 ; 8. D×d8+, R×d8 (la fameuse variante de Berlin, contre laquelle Kasparov s’est brisé les dents face à Kramnik, à Londres, en 2000) ; 9. Cc3, Fd7 ; 10. h3, h6 ; 11. b3, Rc8 ; 12. Fb2, Ce7 ; 13. Tad1, c5 ; 14. Td2, b6 ; 15. Tfd1, Fe6 ; 16. Ce2!, g5 ; 17. Td8+, Rb7 ; 18. T×a8, R×a8 ; 19. h4, g4 ; 20. Ch2, h5 ; 21. Td8+, Rb7 ; 22. Cf4, Cg6 ; 23. C×e6, f×e6 ; 24. g3, Fh6 (il était sans doute préférable de jouer 24. …, Fg7 ; 25. T×h8, F×h8); 25. T×h8, C×h8 ; 26. f3, g×f3 ; 27. Rf2!, Cg6 ; 28. g4!! (la création d’un pion passé prime sur toute autre considération), C×h4 ; 29. g×h5, Rc6 ; 30. Cg4, Fg5 ; 31. h6, Rd7 ; 32. h7, Cg6 ; 33. R×f3, Re7 ; 34. Cf6, Rf7 ; 35. Re4, c6 ; 36. a4! (aux échecs, comme à la guerre, on ne peut gagner sans ouvrir un deuxième front !), Rg7 ; 37. a5, b×a5 (sinon le pion avançait jusqu’en a6 et le fou blanc venait chercher le pion a7) ; 38. Rd3, F×f6 ; 39. e×f6+, R×h7 ; 40. Rc4, Rg8 ; 41. R×c5, e5 ; 42. R×c6, e4 ; 43. Fd4, Rf7 ; 44. Rd5, e3 ; 45. F×e3, R×f6 ; 46. F×a7, Re7 ; 47. Rc6, a4 ; 48. b×a4, Rd8 ; 49. Rb7, Ce5 ; 50. a5, Rd7 ; 51. a6, Cf7 ; 52. Fb8, Cd8+; 53. Rb6 abandon. 8 7 6 5 4 3 2 1 a b c d e f g h Problème n˚188 : Baburin-S. Collins, Nagoya (blitz) 2009. Les Noirs jouent et gagnent.* Solution du problème n˚187 : Les Noirs prirent l’avantage par 1. …, Ce4! ; 2. De3? (il était préférable de choisir 2. f×e4, d×e4 ; 3. C×e4, D×d4+ ; 4. D×d4, F×d4+ ; 5. Rh1, b6, avec une position inférieure mais défendable pour les Blancs), C×c5! ; 3. Tcd1, F×d4 ; 4. T×d4, Dc6 ; 5. Ce2, Ce6 ; 6. Td2, d4! ; 7. C×d4, Db6 ; 8. Tfd1, Td5, et les Blancs abandonnèrent. Joël Lautier 24 0123 Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 Tout change, rien ne change Economie Pierre-Antoine Delhommais O n commençait déjà à avoir de sérieux doutes sur le fait que la crise des subprimes débouchât sur une transformation en profondeur des structures et des mœurs de l’économie mondiale, qu’elle conduisît à une rupture franche avec le capitalisme financier. Avec ce qu’il s’est passé cette semaine aux EtatsUnis et en Europe, les doutes sont devenus des certitudes. Le président Obama, donc, qui devait nous guider vers un monde à la fois nouveau et meilleur, plus moral et vertueux, d’où les excès salariaux et les dérives inégalitaires auraient disparu, a renoncé à brider les rémunérations des banquiers de Wall Street. Le candidat Obama n’avait pourtant cessé de répéter que la distribution de bonus mirobolants expliquait des prises de risques qui l’étaient encore plus. Et il avait promis d’y mettre bon ordre une fois installé à la Maison Blanche. On allait voir ce qu’on allait voir. On a vu. « Je veux être clair sur ce que nous ne faisons pas, a expliqué cette semaine le secrétaire américain au Trésor, Tim Geithner. Nous ne posons pas de limite sur les salaires (…) et nous n’imposons pas de règles sur la façon dont les entreprises doivent fixer leurs rémunérations. » Ouf, Wall Street peut respirer. Les traders de Goldman Sachs, de Morgan Stanley, les gérants de hedge funds avec leurs bonus de plusieurs millions de dollars aussi. Et les vendeurs de Porsche et de Rolex, les vendeurs de produits dérivés blingbling peuvent reprendre espoir. Bien sûr, on ne peut exclure que M. Obama, prévoyant, ait pris cette décision en songeant au financement de sa future réélection – les banquiers d’affaires de Wall Street ont été les principaux pourvoyeurs de fonds de sa campagne en 2008. De façon moins soupçonneuse et plus recevable, la Maison Blanche a probablement souhaité ne pas mettre en danger la compétitivité des banques américaines et de sa place financière. A limiter unilatéralement les salaires, les institutions financières couraient le risque d’une hémorragie de talents et du départ de ces derniers vers des cieux plus cléments : quels footballeurs iraient jouer au Real Madrid si les salaires y étaient plafonnés et plus faibles qu’ailleurs ? Probablement pas Cristiano Ronaldo, dont le transfert record de 94 millions d’euros représente, selon les calculs de la presse espagnole, le versement pendant un an d’indemnités à 10 000 chômeurs. Tout change, rien ne change. Pour revenir à Wall Street, on peut comprendre, compte tenu des énormes enjeux en termes d’emplois et de création de richesse, que Washington ait décidé le statu quo sur les émoluments. Mais on peut aussi s’agacer contre soi-même et sa propre naïveté, pour avoir cru M. Obama quand il promettait de faire passer la morale avant l’efficacité économique. En Europe, ce sont les dirigeants de la droite libérale qui ont, comme les traders de Wall Street, sabré le champagne. Vainqueurs partout, sauf en Slovaquie et en Grèce, qu’ils soient dans l’opposition ou au pouvoir. Vainqueurs inattendus, tant il était logique de penser que la crise économique et financière la plus grave depuis les années 1930 allait se traduire dans les urnes par une déroute des partis symbolisant un capitalisme libéral, lui-même en pleine déconfiture. On a beau triturer les résultats du vote dans tous les sens et dans tous les pays, on a du mal à y déceler les traces d’une volonté de changer le système. Le NPA d’Olivier Besancenot, candidat officiel de l’anticapitalisme, n’a guère fait mieux que les chasseurs, dont les ambitions révolutionnaires étaient plus limitées, sinon plus pacifi- La Grande Dépression des années 1930 avait eu des conséquences politiques majeures ques : obtenir la prolongation des dates d’ouverture de la chasse aux oiseaux migrateurs, à la bécasse et aux sarcelles. Pas facile non plus de voir dans la poussée verte observée en France – mais pas ailleurs en Europe – une condamnation de la mondialisation libérale. D’abord parce que la pensée économique de Daniel CohnBendit est aussi subtile que complexe, luimême se revendiquant « libéral-libertaire » mais aussi ultra-keynésien, favorable au libre-échange mais pas hostile au pro- tectionnisme (via les normes environnementales), partisan d’une relance (verte) de la croissance mais allié à un partisan de la décroissance (José Bové). Plutôt pour l’économie de marché, plutôt contre la société de consommation. Compliqué. Encore plus compliqué lorsqu’on observe que les électeurs d’Europe Ecologie ne semblent, pour leur part, pas du tout effrayés par la société de consommation, à en juger par le nombre de boutiques branchées dans les arrondissements de Paris du boboïsme extrême (IIIe, IVe et IXe), où la liste verte a réalisé ses meilleurs scores. La Grande Dépression des années 1930 avait eu des conséquences politiques majeures, favorisant l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, expliquant la montée des ligues en France et portant Roosevelt à la Maison Blanche, aux EtatsUnis. La crise des subprimes a sans doute facilité la victoire de M. Obama, mais on sait depuis cette semaine que, avec lui, l’Amérique des hyperinégalités a de beaux jours devant elle. En Europe, une droite renforcée par le vote du 7 juin s’apprête à reconduire à la tête de la Commission le très libéral José Manuel Barroso. Et le non moins libéral Peter Mandelson peut expliquer, avec de fortes chances que ses vœux soient exaucés, que la prochaine Commission devra avoir « pour tâche primordiale » de lutter contre « l’intervention et le dirigisme ». Libéralisme et capitalisme ne sont pas morts. p Courriel : [email protected] Billet Robert Solé Néo-PS LE PARTI SOCIALISTE doit changer de nom. C’est ce que pense Manuel Valls, maire (PS) d’Evry : « Parti renvoie à la lutte d’une classe contre une autre et socialiste renvoie à un projet hérité du XIXe siècle. » Même son de cloche chez Aurélie Filippetti, la jeune députée (PS) de Moselle : « Il faut changer de nom. Trouver quelque chose avec “à gauche”. » Cherchons. D’abord, qu’est-ce qui pourrait remplacer « parti » ? Les mots « union », « mouvement », « rassemblement » ou « front » sont déjà pris. Mieux vaut éviter « milice » ou « phalange », qui rappellent de mauvais souvenirs. « Secte » est exclu. Il reste « club » ou « chapelle », à condition de ne pas être trop nombreux. Remplacer « socialiste » pose moins de problèmes. Les descendants de Jaurès ont l’embarras du choix. Et, s’ils ne trouvent pas, il y aura toujours « sarkozyste ». Mais comment satisfaire Aurélie Filippetti ? « Trouver quelque chose avec “à gauche” » ne vas pas de soi. Il y aurait, bien sûr, « A gauche toute ! », mais ce serait excessif. On a beau chercher, on ne trouve pas. Avec son nom actuel ou avec un autre, le PS devrait faire « quelque chose » assez vite, sous peine de passer l’arme à gauche. Education A c t u a l i t é , i n n o v a t i o n , e n j e u x , o r i e n t a t i o n Chaque mois, l’actualité de l’éducation et des formations Dossier spécial MBA Le livre du jour Prendre l’Italie au sérieux a Classement des 30 meilleures « business schools » européennes et des 100 meilleures mondiales « L’ITALIE PASSIONNE, l’Italie exaspère, l’Italie déroute », écrit le préfacier de L’Italie contemporaine. En tout cas, elle fait écrire. Deux livres collectifs la bombardent d’analyses et de points de vue, comme si la seule manière d’approcher sa vérité était encore de multiplier les angles sur ce pays, plus sophistiqué qu’on le croit mais qui ne sait pas toujours échapper aux clichés. En témoigne le récent « Noemigate », qui voit le président du conseil, Silvio Berlusconi, empêtré dans une affaire de relations supposées avec une mineure. Si les détails peuvent faire sourire, le cas pose à nouveau la question du sérieux d’un pays qui accueillera le G8 en juillet prochain. Les auteurs de L’Italie contemporaine ont choisi de passer au crible plus de soixante ans d’histoire. Emmenés par l’historien Marc Lazar, ils ratissent avec précision les soubresauts économiques, politiques, culturels de ce pays en constante recherche de son unité, de son identité, de sa place dans le monde. Des institutions de la République aux médias, en passant par le sport, le cinéma ou la chanson, rien ne manque à ce portrait dominé par une certaine forme de « critique amoureuse ». Car l’Italie ne manque pas d’excuses : une unité tardive, le poids de vingt années de fascisme, la domination de la démocratie chrétienne, les « années de plomb », le berlusconisme, ont relayé au second a Un rempart contre la crise pour « booster » ou réorienter sa carrière plan les performances italiennes que sont le boom économique des années 1950-1960, le rôle de premier plan dans la construction européenne, l’invention d’une démocratie participative. Pour les auteurs de Refaire l’Italie, le mérite de ces avancées revient aussi aux gouvernements de la gauche libérale qui ont exercé le L’Italie contemporaine de 1945 à nos jours Dirigé par Marc Lazar Fayard, 534 p., 30 ¤. Refaire l’Italie. L’expérience de la gauche libérale Dirigé par Piero Caracciolo Ed. Rue d’Ulm, 400 p., 22 ¤. pouvoir dans la période charnière qui va de l’explosion de la Première République sous les coups répétés des juges à la naissance chaotique de la Seconde (1992-2001). Alors que la droite italienne fait remonter tous les maux du pays aux expériences gouvernementales du centre gauche, les auteurs s’appliquent à souligner que celuici fit preuve d’une grande volonté réformatrice (retraites, administrations publiques, rapport entre l’Etat et l’économie, système de santé) dans le but d’arrimer le pays à la modernité européenne. Peu étudiée, cette période prend un relief particulier à l’heure où les espoirs du centre gauche de revenir au pouvoir s’amenuisent singulièrement. p Philippe Ridet pTirage du Monde daté samedi 13 juin 2009 : 452 976 exemplaires. 123 a Comment se préparer au GMAT, test d’admission obligatoire pour intégrer un MBA a MBA : un investissement lourd mais rentable Egalement au sommaire a Les métiers du droit : la concurrence entre grandes écoles et universités a Et toute l’actualité de l’éducation : bac 2009 : 622 322 candidats, la réforme du lycée, les mesures contre la violence à l’école...