Le climat social pèse sur la stratégie de M. Sarkozy

Transcription

Le climat social pèse sur la stratégie de M. Sarkozy
Art
Retour aux valeurs
sûres à la Foire de Bâle Culture p. 16
José Manuel Barroso
Iran Alors que le ministère
de l’intérieur créditait
le président sortant d’une large
avance, samedi 13 juin
au matin, son principal rival,
Mir Hossein Moussavi,
dénonçait la « manipulation »
du scrutin. P. 6
Dînerdemécènes
pourgarderl’œuvre
deDebordenFrance
Culture Lundi 15 juin aura lieu
à la Bibliothèque nationale de
France un dîner à 500 euros le
couvert. Les organisateurs
espèrent réunir assez d’argent
pour garder en France les
archives du situationniste. Les
convives auront sous les yeux
le manuscrit de La Société du
spectacle. P. 16
Les leçons du crash
du vol Rio-Paris Débats p. 15
Son bilan, sa méthode, sa stratégie Enquête p. 13
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009 - 65e année - N˚20026 - 1,40 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Lavictoireannoncée
maiscontestée
duprésident
Ahmadinejad
Sécurité aérienne
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Eric Fottorino
Le climat social pèse sur
la stratégie de M. Sarkozy
t L’augmentation continue du chômage présage d’une rentrée tendue
t Le président multiplie les initiatives et maintient le dialogue avec les syndicats
L
es élections européennes sont passées, la crise continue. Certes, l’UMP
est arrivée en tête, dimanche 7 juin, et
cela a donné une bouffée d’oxygène au chef
de l’Etat. Nicolas Sarkozy s’en est immédiatement servi pour programmer un discours devant le Parlement réuni en congrès
le 22 juin. Il a annoncé un remaniement
ministériel et promis un nouveau train de
réformes. Politiquement, il a repris la main,
mais, socialement, il reste exposé.
La nouvelle journée de mobilisation syndicale, samedi 13 juin, axée sur les consé-
quences de la crise, a remis en lumière les
inquiétudes sociales. Le premier ministre,
François Fillon, a beau estimer qu’« une sortie de crise s’amorce », chacun sait que les
prochains mois seront très difficiles. A la
rentrée, 650 000 jeunes, sortant de formation,vont sebousculer sur lemarché dutravail. Dans nombre d’entreprises, le recours
à l’activité partielle, qui permet d’éviter la
mise au chômage, arrive à épuisement du
quota d’heures. Les licenciés économiques
qui ont disposé de conventions de reclassement personnalisé (CRP) – près de 62 500 à
fin avril – ou de contrats de transition professionnelle (CTP) vont arriver sur le marché. De nombreux plans sociaux vont se
concrétiseràlarentrée.« Jusque-là,lesentreprises ont plutôt évité de licencier, jouant
avec le chômage partiel, arrêtant les CDD et
l’intérim,maismaintenantellesvontsupprimer des emplois stables », prévient Bernard
Brunhes, expert en relations sociales.
Rémi Barroux et Françoise Fressoz
a Lire la suite page 8
Le conflit chez Osram page 10
L’éditorial page 2
Peu de bénéfices à attendre de la baisse
de la TVA dans le secteur de la restauration
t Aucun patron n’a prévu de créer des emplois, au moins dans l’immédiat
Grippe : le plan
français pour
« retarder »
la diffusion
du virus H1N1
D
ans un entretien au Monde, le professeur Didier Houssin, directeur
généralde lasanté, détaille lastratégiefrançaise pourluttercontrel’« inéluctable » augmentation des cas de grippe
A(H1N1).
Si la France n’a pas relevé son niveau
d’alerteà lasuitedel’Organisationmondiale de la santé (OMS), M. Houssin précise
que les autorités sanitaires « accélèrent le
travail préparatoire à un éventuel changement important dans la situation ».
L’évolutionépidémiqueestsuiviequotidiennement grâce à plusieurs capteurs
dans des endroits-clés : les aéroports, les
portset lesgaresayant desliaisons internationales ; les services d’urgences des hôpitaux ; les établissements scolaires…
Selon M. Houssin, tout est fait afin de
« retarder la diffusion du virus pour mieux
nous préparer », car il prévoit une reprise
del’épidémie« à l’automne,aveclapossibilité d’une modification de la virulence du
virus ».
Les prochaines semaines seront mises à
profit pour déterminer quelles seront les
personnes à vacciner en priorité. p
Lire page 4
Une ONG chinoise
brise le silence
sur le Tibet
Chine Un rapport sur les
manifestations qui ont secoué
Lhassa en mars 2008 analyse
et critique la politique de
« développement rapide »
imposée aux Tibétains. P.7
A
près une longue gestation, la baisse
de la TVA dans la restauration entrera en vigueur le 1er juillet, passant de
19,6 % à 5,5 %. En contrepartie, les restaurateurs avaient pris plusieurs engagements : baisser les tarifs applicables aux
clients ; embaucher 40 000 personnes,
dont la moitié en contrat de professionnalisation ; augmenter les salaires ; accroître
les investissements.
La baisse des prix est loin d’être acquise. Seuls certains groupes aux reins solides ont décidé d’y procéder, en en faisant
un argument de communication.
Le groupe Flo, par exemple (Hippopotamus, Bistro Romain, Brasseries Flo), compte tenir cet engagement et au-delà. De
même chez Buffalo Grill (325 restaurants),
qui baissera les prix sur une quinzaine de
produits. Ailleurs, chez les indépendants,
cette baisse est rarement à l’ordre du jour.
Les consommateurs eux-mêmes sont
sceptiques. Selon une enquête du cabinet
Coach Omnium, plus de la moitié d’entre
eux pensent que les restaurateurs n’ont
pas l’intention de baisser les prix, préférant « garder l’argent pour eux ».
Les perspectives d’embauches sont
plus sombres encore, à l’heure pourtant
où le chômage augmente. Aucun restaurateur n’a prévu de respecter cet engagement collectif, au moins dans l’immédiat.
Pour autant, le gouvernement se veut
relativement optimisme. Pour vaincre les
réticences des profesionnels du secteur,
Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé du
commerce et du tourisme, s’est lancé dans
un tour de France explicatif. Il estime que
les mentalités ont changé et souligne que
ceux qui joueront le jeu auront un avantage sur leurs concurrents. p
M. Nétanyahou
prépare
sa réponse
aux exigences
américaines
Le regard de Plantu
Lire page 10
t Près de 30 000 cas dans le monde. Le bilan de l’OMS, vendredi 12 juin,
faisait état de 29 669 cas, dont 145 morts.
Les pays les plus touchés restent
les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.
t Hongkong ferme ses écoles.
Onze lycéens d’une même classe ont été
infectés ; le premier cas de transmission
locale a été détecté.
t L’hiver austral favorise l’épidémie. Le Chili compte deux morts et 1 694
personnes infectées. La psychose a atteint
l’Argentine après la détection de 343 malades. Les hôpitaux sont débordés.
100 REPORTAGES
QUI ONT MARQUÉ L’HISTOIRE
Jérusalem
Correspondant
N
Demain dans 0123
« Le Monde Economie »
Spécial Salon du Bourget
Managers en temps de crise :
enquête au cœur des entreprises
Moins bruyants, moins
polluants : les avions en 2020
ous aimons Israël, nous soutenons
[Benyamin]
Nétanyahou. » Cette inscription est apparue dans les rues
de Jérusalem alors que le premier
ministre israélien, élu depuis peu,
se prépare à prononcer un important discours, dimanche 14 juin au
soir, en réponse à celui adressé par
le président américain, Barack
Obama,aux pays arabeset au monde musulman, le 4 juin au Caire.
Toutelasemaine,l’ensembledela
presse israélienne s’est livrée à d’intenses spéculations afin de savoir
jusqu’où M. Nétanyahou ira en ce
quiconcernelesdeuxquestionsfondamentales sur lesquelles le président Obama s’est clairement prononcé : le gel de la colonisation et la
création d’un Etat palestinien.
Deux points sur lesquels
« Bibi » – surnom du premier
ministre israélien –, a toujours
refusé de s’engager de façon nette.
Michel Bôle-Richard
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les arènes
5 7 6 PA G E S , 2 4 , 8 0 € . E N V E N T E E N L I B R A I R I E
a Lire la suite page 6
Algérie 80 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤,
Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 3,00 FS, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,00 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,
2 0123
Editorial
Alarme sociale
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
L’homme nu par Serguei
Chronique
En phase
avec l’histoire
T
U
ne hirondelle ne fait pas le
printemps, l’élection européenne est particulière,
l’abstention était massive, la droite
renforce sa majorité au Parlement
européen. Certes. D’accord. Ja. Yes.
Si. Oui.
Il est cependant légitime de penser que le bon résultat des écologistes aux élections européennes du
7 juin (environ 20 % en France si
l’on n’oublie pas les 3,63 % de l’Alliance écologiste indépendante,
oute une série de mauvaises nouvelles économiques et sociales
soulignent la gravité de la crise
multiforme dans laquelle la France est plongée.Au premiertrimestre de 2009, les destructions d’emplois ont
atteint des sommets qui n’avaient jamais été
enregistrés depuis que des statistiques mesurent ces mouvements.
Ainsi, selon l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), qui couvre toutes les entreprises, privées et publiques, du secteur concurrentiel, ce sont 263 000 emplois
qui ont disparu en trois mois. L’Insee, pour sa
part, avance le chiffre de 187 800 pertes nettes
d’emplois. Bien sûr, des postes de travail ont
été créés, mais, avec la récession, le solde entre
créations et destructions est devenu négatif.
En 2008, selon divers indicateurs, la France
avait vu disparaître entre 68 000 et
100 000 emplois. L’année 2009 sera pire. Ces
destructions d’emplois à grande échelle laissent entrevoir une flambée sans précédent du
chômage à l’automne. C’est aussi à l’automne
que les dizaines de milliers de jeunes qui terminent actuellement leurs études se présenteront sur le marché du travail. C’est le moment
également où nombre de grandes entreprises
industrielles annonceront des plans sociaux.
Selon toute vraisemblance, ces plans seront
extrêmement rigoureux.
Deux autres indicateurs entretiennent la
morosité actuelle sur le front économique et
social. Au premier trimestre, sept fois plus de
salariés qu’un an plus tôt ont été touchés par
le chômage partiel. Cette progression se manifeste au moment même où les partenaires
sociaux ouvrent une difficile négociation sur
l’emploi, dont l’un des volets porte précisément sur le chômage partiel.
Les mauvaises nouvelles s’accumulent :
toujours au premier trimestre, le volume des
heures supplémentaires a chuté de 11 % d’un
trimestre à l’autre et de 5 % en un an. Cela malgré le régime fiscal que le gouvernement a institué pour les encourager.
C’est dans ce contexte préoccupant, sinon
menaçant, que les centrales syndicales organisaient, samedi 13 juin, leur cinquième journée
de mobilisation depuis le début de l’année.
Elles entendaient mettre l’accent sur le pouvoir d’achat, plus que jamais en berne. Mais la
montée du chômage les préoccupe tout
autant, à juste titre.
La déprime sociale s’installe. Elle ne se
mesure pas à la longueur des cortèges. Les indicateurs chiffrés, dans leur sécheresse, la révèlent tout autant. Et ils sonnent l’alarme. p
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0123
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Ecologie
Hervé Kempf
Allemagne : l’économie sociale
de marché en panne
A
ngela Merkel croit-elle toujours aux
vertusdel’économie sociale demarché ? A ceux qui en doutent et
s’émeuvent de l’interventionnisme de
l’Etat, la chancelière allemande peut maintenant faire valoir son refus de venir en
aide à Arcandor. Volontairement, Berlin
n’a rien entrepris pour prévenir le dépôt
de bilan du groupe de distribution, et tant
pis si plus de 40 000 emplois en dépendent.
Il n’empêche. La chrétienne-démocrate
Merkel a beau se réclamer à tout bout de
champ de la Soziale Marktwirtschaft, et de
son père fondateur, Ludwig Erhard, la crise
a remis en question ce modèle historique
si cher aux Allemands. En quelques mois,
l’Etat est devenu un acteur majeur de l’économie. En témoigne le récent sauvetage
du constructeur Opel, orchestré par le gouvernement à grands renforts de fonds
publics. On est loin des principes définis
par Erhard : un Etat arbitre, qui se limite à
fixer les règles du jeu de la concurrence et
des relations sociales.
L’immixtion des pouvoirs publics n’est
en rien idéologique. Elle est purement
pragmatique. Berlin s’efforce de contrer la
récession la plus violente de l’après-guerre
et la remontée du chômage. Avec d’autant
plus d’ardeur que des élections législatives
ont lieu dans moins de quatre mois. Pourtant, les interventions étatiques suscitent
une vive polémique, dans les cercles patronaux, chez les plus libéraux des conservateurs, mais aussi – et de plus en plus – au
sein de l’opinion. On ne touche pas impunément à un modèle encore synonyme
pour beaucoup d’Allemands de Wirtschaftswunder, le miracle économique.
Prèsde vingtansaprèsla chutedu Mur,certains pointent avec ironie une « résurrection » de l’Allemagne de l’Est communiste.
Opel n’est que le dernier épisode d’une
longue série d’infractions au dogme cautionnées par la chancelière et son gouvernement. Dans le secteur financier, dès
l’automne, Berlin a mis en place un plan de
sauvetage de ses banques de 480 milliards
d’euros, mêlant garanties publiques et
Analyse
Marie de Vergès
Correspondante à Berlin
fonds de recapitalisation. Dans la foulée,
l’Etat procédait à ses premières prises de
participation. Il détient aujourd’hui 25 %
de la Commerzbank et, ce faisant, sauve la
fusion avec la Dresdner Bank, censée donnernaissanceà unchampion bancaire allemand. Hypo Real Estate, l’établissement
qui a failli sombrer à plusieurs reprises ces
derniers mois, est en voie de nationalisation complète.
La crise économique
a remis en cause le modèle
historique. L’Etat
est un acteur majeur
Les largesses des pouvoirs publics s’appliquent aussi à l’économie réelle. Le secteur automobile est soutenu via une prime à la casse généreuse. Surtout, un fonds
de sauvetage est mis à la disposition des
entreprises industrielles victimes de la crise. En tout, 115 milliards d’euros comprenant garanties et crédits. Les milieux économiquestirentlasonnette d’alarme:chaque subvention accordée va creuser encore un peu plus les déficits. Et l’on créera des
distorsions de concurrence en favorisant
certains groupes plutôt que d’autres.
Enfin, le gouvernement a-t-il vraiment les
compétences pour distinguer les entreprises saines, provisoirement en difficulté, de
celles dont le modèle de développement
est défaillant ?
Le profil de certains candidats aux aides
publiques attise la polémique : Porsche,
par exemple, s’est présenté sans rougir au
guichet de l’Etat pour obtenir un crédit. Si
le fabricant de voitures de sport croule
aujourd’hui sous les dettes, c’est pourtant
parcequ’il a tenté de prendre le contrôle de
son compatriote Volkswagen avec des
méthodes de hedge funds, grâce à un jeu
opaque d’options sur actions.
Le dossier Opel achève d’enflammer le
débat. Certes, le constructeur pâtissait des
déboires de sa maison mère, l’américain
General Motors. Mais il souffrait aussi de
problèmes de surcapacité, bien antérieurs
àla crise.Malgré4,5 milliards d’aidespubliques, sa survie à long terme est loin d’être
assurée. L’opinion s’inquiète de voir l’argent du contribuable jeté par les fenêtres.
Titrant sur « L’Etat dévalisé », l’influent
hebdomadaire Der Spiegel s’interrogeait
en début de semaine : « Combien d’Opel
l’Allemagne peut-elle encore se permettre ? »
Candidate à sa propre succession aux
législatives en septembre, Angela Merkel a
répondu à sa façon. Elle a opposé une fin de
non-recevoir aux réclamations d’Arcandor, jugeant que le groupe s’était conduit
tout seul à la faillite. Sa fermeté correspond au souhait de la majorité des Allemands. Elle avait pu s’en assurer avec les
résultats des élections européennes. Les
sociaux-démocrates (SPD), qui plaidaient
pour plus d’aides étatiques, ont subi une
déroute, avec moins de 21 % des suffrages.
A l’inverse, les libéraux du FDP, ouvertement hostiles à l’interventionnisme
public, voient leur audience s’élargir. A
près de 11 %, ils ont été les seuls à enregistrer une réelle progression, de près de
5 points.
Opportunément, la chancelière choisit
de se ranger du côté de son jeune ministre
de l’économie Karl Theodor zu Guttenberg, l’autre vainqueur de ce débat. Seul
contretous, le conservateur bavarois (CSU)
a milité sans relâche pour une mise en
faillite ordonnée d’Opel, s’érigeant en gardiendes principes de l’économie sociale de
marché. Depuis, sa cote de popularité ne
cesse de grimper. p
Courriel : [email protected]
Il y a 50 ans dans 0123
Moscou découvre Dior
POUR SA PREMIÈRE PRÉSENTATION
devant le public soviétique, la collection
Christian Dior a recueilli le succès attendu. En elle-même, la venue de la grande
maison de haute couture parisienne à
Moscou était déjà un événement : elle
témoigne à n’en pas douter du dégel survenu au sein de la société soviétique au
cours des dernières années.
Malgré l’immense succès de curiosité,
tous les commentaires n’ont pas été uniformément favorables. Du côté des officiels, la tendance était à l’indifférence calculée. « Hum ! Il y a de bonnes choses… »,
commentait simplement M. Joukov.
Certains ont déploré l’absence de vêtements de travail ; plus généralement,
enfin, on s’est étonné d’une recherche
particulièrement subtile dans le domaine de l’esthétique, mais poursuivie au
détriment du pratique,
A toutes ces objections, la maison Dior
s’est efforcée d’apporter une réponse, grâce notamment à l’impressionnant appareil de relations publiques qui a fait sa fortune. Jamais encore on n’avait vu une
grande firme capitaliste plaider sa cause
avec un tel luxe de dépliants et de documentation technique comme ce fut le cas
devant les envoyés de la presse soviéti-
que. Ceux-ci apprirent non seulement
que la mode, produit de luxe, influe à
long terme sur la grande confection populaire et finit donc par descendre dans la
rue, mais aussi, chiffres à l’appui, que la
maison Dior « ne réalise pas les profits
fabuleux qu’une certaine presse lui prête », ou encore que la maison « était injustement pénalisée par des charges sociales
excessives »… On imagine avec quelle
ardeur le journaliste soviétique moyen
s’est jeté sur cette pâture caractéristique… p
Michel Tatu
(14-15 juin 1959.)
qui s’ajoutent aux 16,28 % d’Europe Ecologie), légitime de penser,
donc, qu’il ne s’agit pas d’un feu de
paille ou d’un accident permis par
des circonstances exceptionnelles.
Le long cheminement de l’écologie politique amorcé en 1974 avec
René Dumont, marque malgré ses
succès, rechutes, divisions, hésitations, une ascension régulière. Et le
succès du 7 juin peut donc être pris
pour ce qu’il est : l’accession à la
maturité politique de l’écologie.
Premier point, le plus important : Europe Ecologie a gagné sur
le terrain des idées. Reconnaissant
pleinement la gravité de la crise
écologique, la liste a su articuler ce
constat à la question sociale. Ses
propositions sur l’agriculture,
l’énergie, la biodiversité s’emboîtent logiquement, en période de
bouleversement économique,
avec l’idée de conversion écologique de l’économie et avec celle
d’un bouclier social visant à corri-
Il ne s’agitpas
d’un accident permis
par des circonstances
exceptionnelles
ger les inégalités (revenu maximum). En fait, l’analyse de l’écologie politique correspond à la situation historique. A contrario, la chute du Parti socialiste découle de la
décrépitude intellectuelle de ce
parti, qui semble avoir arrêté de
penser depuis… trop longtemps.
Cela signifie que l’avenir de
l’écologie politique dépend de sa
capacité à enrichir et faire vivre sa
réflexion, notamment par rapport
au souci de rendre la transformation écologique non seulement
acceptable, mais désirable, par les
classes moyennes et par les classes
populaires.
Deuxième point : une pratique
politique collective. Malgré la pression du système médiatique qui
ne veut voir que des vedettes – et
de préférence une seule –, le succès
d’Europe Ecologie tient au fait que
de fortes et diverses personnalités
ont su travailler ensemble, démontrant cette évidence que dissimule
la psychologie capitaliste : la coopération est plus efficace que la
concurrence.
Troisième réussite, encore
potentielle, et qui est une clé des
succès à venir : ne pas réduire la
démocratie à sa seule dimension
de représentation, mais impliquer
les citoyens dans des actions non
violentes animant le débat politique. A cet égard, on suivra avec
attention la mobilisation lancée
autour de la conférence sur le climat à Copenhague, ou les interventions malicieuses de collectifs tels
que Sauvons les riches.
Reste la question des alliances
avec d’autres forces, qui fait le miel
de commentateurs politiques
beaucoup plus avertis que ce
modeste chroniqueur. Qui se
contentera de penser que si les écologistes parviennent à maintenir
leur présente énergie intellectuelle, coopérative et démocratique, le
reste viendra de surcroît. p
Courriel : [email protected]
Page trois
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Victime inattendue de la crise économique, la très prospère industrie
du sexe montre, en Allemagne, des signes d’essoufflement
Les maisons closes broient du noir
Berlin
Correspondance
A
ccrochée aux fenêtres des
maisons closes d’Allemagne,
la petite lampe rouge – signe
discret, mais sans ambiguïté
– semble bien pâlotte. Et les
affiches, parfois plus explicites,collées aux carreaux n’ychangent rien :
les temps sont rudes, pour le milieu allemand de la prostitution. « Si le client n’arrive même plus à financer son logement, sa
nourriture et sa voiture, comment voulezvous qu’il fasse des frais pour du sexe ? »,
demande Monika Heitmann, de l’association Nitribitt, qui, depuis plus de vingt ans,
assiste les prostituées de Brême.
Oui, même le Rotlichtmilieu (le « milieu
de la lanterne rouge ») semble touché par
lacrise,et« tirelasonnetted’alarme », comme l’a titré le quotidien Süddeutschezeitung. Lespatrons de maisons closes sont
formels:lafréquentationdeleursétablissements a, depuis cet hiver, chuté d’environ
30 %. Contraintes et forcées, bien des
« filles » se retrouvent au chômage partiel.
Tandis que le plus vieil établissement de
Francfort, le FKK Sudfass, a fermé ses portes en début d’année, après trente-sept ans
de service, le secteur lutte pour sa survie.
A Berlin, le FKK Artemis
propose des tarifs
spéciaux pour les retraités
et les chauffeurs de taxis
Certes, le quotidien économique Handelsblattsoulignequelasituationn’estguère plus brillante à Amsterdam, où, d’après
lui, le « ralentissement drastique » de l’activité va « porter le coup de grâce » à de nombreuses maisons du fameux Quartier rouge. Mais l’Allemagne, où le gouvernement
Schröder a décidé de légaliser la prostitution en 2002, afin de décriminaliser le
milieu et de donner des droits aux prostituées, s’inquiète du sort de ces dernières.
Peu évoqué en France, le sujet n’a ici rien
detabou.« Le rapport marchandàlasexualité est beaucoup plus répandu en Allemagne qu’en France, notamment dans la capitale, témoigne le sociologue Yves Sintomer, directeur adjoint du Centre francoallemand Marc-Bloch à Berlin. Ce n’est pas
un hasard si le leader européen du sex-shop
(Beate Uhse) est allemand ! »
Comment l’expliquer ? Peut-être par
« une culture moins pudique du corps, de la
nudité, et du sexe en général, qui serait liée
au mouvement naturiste du début du
XXe siècle, lequel a fortement marqué les
mœurs, notamment, par la suite, en
ex-RDA. Tout cela, appuyé par certains courantsféministes,s’est cristalliséen faveur de
la légalisation de la prostitution et a permis
sa large acceptation dans la société. » Un
lien entre la « FKK » (Frei Körper Kultur,
« culture du corps libre ») et la prostitution
souvent reconnu par les professionnels.
On saura donc tout, grâce au quotidien
populaire Bild mais aussi à la presse la plus
sérieuse, des misères que connaît le
milieu. « Aujourd’hui, nos filles gagnent
au maximum 500 euros par semaine, là où
elles s’en faisaient facilement 1 500
Au Pussy Club de Berlin. MAURICE WEISS / OSTKREUZ POUR « LE MONDE »
avant », se lamente Ralf Gottschald,
patron d’un établissement de Hanovre.
Pour gagner leur vie, les prostituées en
viennent à toutaccepter. Face à « la concurrence dramatique » qui, d’après Marion
Detlefs, de l’association berlinoise Hydra,
s’est installée, certaines renoncent même
à « faire respecter les fondamentaux du
métier : port obligatoire du préservatif,
interdit du baiser buccal ».
Une dégradation des conditions de travail observée depuis plusieurs années par
cette association de terrain, en contact per-
manent avec les quelque 700 maisons closes que compte la capitale allemande. « La
crise du milieu de la prostitution ne date
pas d’aujourd’hui, surtout à Berlin où la
paupérisation de la population est plus forte qu’ailleurs », insiste Marion Detlefs.
« Pouravoirunechance desurvivre, les maisons closes multiplient les offres attractives,
cherchentà tout prix à se distinguer. Ce sont
les prostituées qui font les frais de cette
surenchère. »
De fait, jamais les établissements n’ont
fait preuve d’autant d’imagination. A Ber-
Les pros du porno appellent l’Etat à l’aide
LES MAISONS closes ne sont pas les seules à souffrir de la crise en Allemagne.
« C’est toute l’industrie du sexe qui est touchée », estime le producteur de films
porno Bernd Schütt. Notamment le secteur auquel il appartient, déjà très affaibli
par la concurrence du Net. C’est pourquoi
la Fédération allemande du commerce
érotique a, en janvier, demandé l’aide de
l’Etat. « Un soutien économique serait
approprié », a alors déclaré l’un de ses
représentants, Uwe Kaltenberg, sans se
faire d’illusions : « Le sauvetage d’Opel
est, en perspective des législatives, certainement plus intéressant que le soutien
aux petites et moyennes entreprises de
notre branche. » Jusqu’à présent, la
demande n’a pas abouti.
La Fédération allemande du commerce
érotique a ainsi suivi l’exemple d’une initiative américaine : le 7 janvier, sur CNN,
Larry Flynt (éditeur du magazine Hustler)
et Joe Francis (patron de la société Girls
Gone Wild) annonçaient leur intention de
demander au Congrès une aide de 5 milliards de dollars.
« L’industrie du porno est touchée au
même titre que tous les autres secteurs », a
fait valoir Owen Moogan, porte-parole de
Flynt. « Le gouvernement américain doit
soutenir notre branche, comme il le fait
pour les autres industries préférées du peuple américain », a renchéri Joe Francis. Car
c’est du « besoin d’une nation » qu’il s’agit :
« Les gens sont trop déprimés pour avoir
une sexualité active, souligne Flynt. Le
temps est venu pour le Congrès de réveiller
l’appétit sexuel de l’Amérique. Le seul
moyen est de soutenir notre industrie. »
En Allemagne, toutefois, les bouleversements du secteur profitent à certains. Le
géant du sex-shop, Beate Uhse avance ainsi, d’après le quotidien Süddeutsche
Zeitung, un chiffre d’affaires 2008 de
253 millions d’euros, et ses bénéfices
devraient doubler en 2009. Son concurrent Orion, (151 magasins en Allemagne),
tient « clairement » son marché pour « un
secteur d’avenir ». A l’origine de cette envolée : le succès des « sex-toys », sur lesquels
Beate Uhse et Orion ont tout misé. Commentaire de Bernd Schütt : « Qui ne peut
plus se payer de sexe, le ramène chez soi. »p
L. Ro.
lin, le FKK Artemis propose ainsi des tarifs
spéciaux pour les retraités ainsi que pour
les chauffeurs de taxi – « ces derniers, nous
ramenant pas mal de clients, paient moitié
prix le dimanche et le lundi », justifie Ekki
Krummeich, le tenancier. A Berlin toujours, le Pussy Club, ouvert en 2008, avec
son forfait « Zwei für eins » (« Deux pour le
prix d’un »), invite madame à prendre part
aux ébats. « Nous n’avons fait que répondre
à une demande de notre clientèle, parfois
exprimée par les conjointes elles-mêmes »,
s’en explique Alex Schuh, le gérant.
Mais c’est encore avec sa formule à
70 euros que le Pussy Club bat tous les
records. Pour cette somme en effet, le
client a droit de « faire tout ce qu’il veut,
autant qu’il le veut, aussi longtemps qu’il le
peut » (uniquement toutefois aux heures
creuses, de 10 heures à 16 heures). Le Pussy
Clubsigneainsiletriomphedu« bordeldiscount », un nouveau type d’établissement
qui connaît un succès grandissant. A n’en
pas douter, « le concept est promis à un bel
avenir », se félicite Alex Schuh.
« Que voulez-vous, c’est la seule solution,
si l’on veut trouver une parade à la crise »,
assure Isabelle Rozier, patronne berlinoise
du Belle Escort Club. « A moins d’opter pour
la direction opposée : celle de l’offre exclusive[qu’elleaelle-mêmechoisiepoursonétablissement, dont le “High Class tariff” s’élève à 500 euros, pour trois heures]. En tout
cas, il faut se décider. Rester dans l’offre
moyenne, c’est mourir à coup sûr. » Bien
qu’il mise sur la niche du luxe – en partant
duprincipequ’« ilyauratoujoursuneclientèle en mesure de payer » –, le Belle Escort
Club a lui aussi subi la récession de plein
fouet : sa patronne estime à 20 % la baisse
de fréquentation de son établissement.
Comme le client « déserte les bordels et
les clubs trop onéreux pour s’acheter du
sexe au coin de la rue », selon le très sérieux
quotidienDieWelt, « deplus enplus deprostituées retournent faire le trottoir », atteste
Monika Heitmann. « Ce qui les vulnérabilise davantage, témoigne Marion Detlefs. Au
moins, dans une maison close, elles appartiennent à une structure, et bénéficient
d’une certaine solidarité. Dans la rue, la
concurrence est plus féroce que jamais, les
Polonaises et les Bulgares sont accusées de
fairebaisser les tarifsetde ruiner lemétier. »
Alors, aujourd’hui, Samanta, 34 ans
« préfère arrêter, et travailler à nouveau
comme vendeuse ». Son revenu, affirme-t-elle, a chuté de 60 % par rapport à ce
qu’elle gagnait il y a dix ans. « Cela n’a pas
de sens de continuer », en conclut-elle. « Il
est clair que les sommes que l’on pouvait
gagner il y a vingt ans dans ce secteur n’ont
plus cours. Mais le métier existera toujours », veut croire Anke Christiansen, une
ancienne prostituée âgée de 54 ans, qui, en
2003, a fondé avec deux copines à Hambourg le Geizhaus, le tout premier bordel
discount du pays. Lequel affiche fièrement
son slogan : « C’est l’avarice qui rend lubrique. » Lequel sonne singulièrement bien
avec l’esprit du temps. p
Lorraine Rossignol
4 Planète
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
La pandémie de grippe A
« Notre stratégie est de retarder la diffusion du virus »
Le directeur général de la santé, Didier Houssin, explique pourquoi la France ne relève pas son niveau d’alerte
Entretien
D
irecteur général de la santé,
Didier Houssin est délégué
interministériel à la lutte
contre la grippe aviaire. A ce titre, il
est au cœur de la réponse à la pandémie de grippe A (H1N1), en France et
danslemonde.Ilparticipeàlacoordination des actions à l’échelle européenne et pour le G7. Il évoque les
conséquences de l’annonce, vendredi 11 juin, d’une situation de pandémie par l’Organisation mondiale de
la santé (OMS).
Pourquoi la France n’a-t-elle pas
modifié son niveau d’alerte ?
30 000 cas dans le monde
Dernier bilan Le décompte des
cas de grippe A(HIN1) confirmés
de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) s’établissait à
29 669, dont 145 morts, vendredi
12 juin. Les pays les plus touchés
restent les Etats-Unis (13 217 cas,
27 morts), le Mexique (6 241 cas,
108 morts) et le Canada (2 978,
4 morts).
Accélération au Sud L’Australie (1 307 cas), le Chili (1 694),
au seuil de l’hiver austral,
sont désormais en première
ligne. En Argentine (343 cas),
l’épidémie progresse.
sonttouchés,laquestiondelafermeture se posera au niveau de cet établissement : nous n’allons pas fermer toutes les écoles. Si le processus
épidémiologiques’installesur leterritoire, la mesure sera appliquée
plus massivement.
L’OMS a une vision mondiale. Au
vu de l’extension géographique de
la grippe A (H1N1), elle a considéré, à
juste titre, qu’il s’agissait d’une pandémie, en rappelant que, pour l’instant, elle était modérée. Chaque
pays connaît une situation locale
différente et met en œuvre les
mesures adaptées. En France, il n’y a
pas de circulation active du virus.
Nous avons peu de cas et aucun
n’est grave. Nous restons donc en
phase 5 A, mais nous accélérons le
travail préparatoire à un éventuel
changement important dans la
situation.
Comment déterminerez-vous
qu’il convient de relever le niveau
d’alerte ?
La situation épidémique est suivie quotidiennement par l’Institut
de veille sanitaire (InVS), qui joue le
rôle de vigie. Nous possédons différents capteurs pour la surveillance.
Tout d’abord, il y a le signal spontané
émanant de voyageurs recevant à
leur arrivée dans les aéroports français une invitation à se manifester
en cas de symptômes. Cette disposition va être élargie aux ports et aux
garesayantdesliaisonsinternationales. Nous invitons à la vigilance les
professionnels de santé œuvrant
dans les hôpitaux, en milieu scolaire
et universitaire, dans des collectivités. Là où les gens sont rassemblés, il
est plus facile de repérer les cas grou-
Comment définiriez-vous la stratégie prévue ?
Quelle logique suivront les autorités dans la mise en œuvre de ces
mesures ?
C’est une stratégie de retardement. Nous savons que le virus est
entréenFranceet commentill’a fait.
Nous voulons retarder sa diffusion
pour mieux nous préparer. Si le
virus commence à circuler dans la
collectivité, comme c’est le cas au
Royaume-Uni, cela peut amener à
passer à une stratégie de « mitigation » [atténuation], visant à limiter
l’extension de l’épidémie à l’intérieur du pays.
L’accroissement du nombre de
malades sollicitera les capacités du
système de santé à prendre en charge de nombreux malades. Et si nous
passionsà un degréplus élevé, il faudra assurer la continuité des activités sociales, économiques… Notre
stratégie s’appuie sur plusieurs
lignes de défense. Dans la boîte à
outilqu’est leplan national « pandémie grippale », les nombreuses
mesures sont systématiquement
examinées et seront retenues ou
non.
Si dans un établissement scolaire, un nombre important d’enfants
Avez-vous établi des seuils de
déclenchement pour certaines
Didier Houssin. DR
pés. L’InVS s’appuie également sur
un réseau de médecins sentinelles et
ceux du réseau des groupes régionaux d’observation de la grippe
(GROG).
Enfin, nous bénéficions d’un dispositif indirect de dépistage avec le
signalement d’un nombre inhabituellement élevé de passages aux
urgences hospitalières. Si ce dispositif de surveillance décèle des cas
groupés traduisant une circulation
importante du virus dans la collectivité, des mesures seront activées.
Le H1N1 prive les enfants hongkongais d’école
La détection d’un premier foyer infectieux a entraîné la fermeture de 1 800 établissements
mesures, en quantifiant, par
exemple, le nombre de cas
au-delà duquel telle ou telle disposition serait prise ?
Non. L’augmentation des cas est
inéluctable, mais les Etats-Unis par
exemple ont abandonné la comptabilité des cas pour privilégier la prise
en compte des épidémies ponctuelles dans les écoles ou les entreprises,
et l’impact sur le système de soins.
Ce sont des signaux qui sont plus
facilement mis en évidence.
« Nous devons gérer
le quotidien, accélérer
la préparation,
mais aussi “penser
l’impensable” »
Avez-vous élaboré des scénarios
sur ce qui pourrait se passer ?
Dans les pays les plus touchés
comme le Mexique, la situation
s’améliore. La vague actuelle est
modérée et devrait s’éteindre dans
l’hémisphère Nord cet été, mais le
scénario le plus plausible est une
reprise avec une deuxième vague à
l’automne, et la possibilité d’une
modification de la virulence du
virus. Il s’agit d’un virus nouveau,
contre lequel la population mondiale n’est pas immunisée. De plus, cer-
taines populations semblent plus
vulnérables.DansleManitoba(Canada), les Inuits paraissent plus sévèrement touchés avec 20 personnes
hospitalisées en réanimation. Nous
devons donc à la fois gérer le quotidien, accélérer la préparation, mais
aussi « penser l’impensable », commeledit l’expertdelagestion desrisques Patrick Lagadec [Le Monde
du 8 juin]. Néanmoins, la directrice
générale de l’OMS [Margaret Chan] a
raison de souligner que jamais une
pandémie et son agent n’ont été mis
en évidence si précocement.
Comment déterminerez-vous la
stratégie vaccinale contre la grippe A (H1N1) ?
Les vaccins contre le virus A
(H1N1) vont arriver par livraisons
progressives et non en bloc. Nous ne
pourrons pas vacciner immédiatement toutes les personnes qui doivent l’être. Nous devons donc identifier dans le temps quelles sont les
personnes à vacciner en premier : a
priori celles qui sont le plus menacées, en fonction de leur âge, de leur
situation (grossesse) ou de leurs
pathologies. Nous devons avoir
pour but d’assurer la continuité des
activités essentielles. Nous nous
appuierons sur un avis [n˚ 106] du
Comité consultatif national d’éthique sur ce sujet.p
Propos recueillis par
Paul Benkimoun
Au Chili et en Argentine,
l’hiver favorise l’épidémie
Le nombre de cas de grippe a récemment
augmenté, créant une panique à Buenos Aires
Buenos Aires
Correspondante
A
Contrôle de la température, jeudi 11 juin, à la veille de l’annonce de la fermeture des écoles à Hongkong. REUTERS
Hongkong
Correspondance
D
éfiant les consignes sanitaires, le centre d’attractions
Hongkong Disneyland a
mis en vente, vendredi 12 juin, des
passes à entrées multiples au prix
d’une entrée simple pour les
enfants de 3 à 11 ans, et ce jusqu’au
30 juin. Un opportunisme déplacé, vite condamné par les autorités
médicales et certains députés.
Le gouvernement d’Hongkong
avait en effet décidé, la veille, la fermeture immédiate des quelque
1 800 jardins d’enfants et écoles
primaires de la région administrative spéciale d’Hongkong, suite à la
découverte du premier cas collectif d’infections dans le lycée SaintPaulà Causeway Bay, l’un des quartiers les plus denses et fréquentés
de l’île, Causeway Bay.
Une étudiante de 16 ans, son
petit frère et sa mère qui présentaient aussi des symptômes, et
onze camarades de classe chez qui
le virus de la grippe A(H1N1) a été
identifié ont tous été hospitalisés
jeudi. La veille, Hongkong déclarait avoir identifié son premier cas
de transmission locale chez un
homme de 55 ans qui n’avait pourtant pas voyagé récemment.
Le virus a donc désormais
échappé à la traque minutieuse
qui avait permis d’identifier et
d’isoler 63 cas, tous importés. Les
autorités d’Hongkong se sont
d’ailleurs plaintes de recevoir
nombre de malades, essentiellement en provenance des EtatsUnis, qui auraient pu ou dû être
identifiés avant même leur départ
vers l’île.
Selon le secrétaire hongkongais
de la santé, le docteur York Chow,
Hongkongvadoncpasserdelaphase d’« endiguement » à la phase de
« mitigation » dans sa lutte contre
la grippe porcine. Jusqu’à présent,
tous les patients identifiés ont été
placés en isolement, leurs contacts
ont été mis en observation ou en
quarantaine et soignés au Tamiflu
à titre préventif.
Pédagogie par Internet
Ces mesures sont désormais peine perdue. Les efforts vont se
concentrersur les « vrais » malades
et les cas les plus atteints. Huit centres médicaux ont été désignés
« centres de la grippe », et dix-huit
autres pourraient suivre.
En fermant les crèches et les écoles primaires, le gouvernement
souhaite protéger les plus jeunes
enfants, deux fois plus vulnérables, selon le ministre de la santé,
mais aussi éviter la propagation
du virus qui y est traditionnellement plus rapide qu’ailleurs.
Environ 1 100 élèves du lycée
français Victor-Ségalen sont donc
restés chez eux, vendredi matin.
« Un accompagnement pédagogique par Internet a été mis en place », indique le proviseur Francis
Cauet.
Si dans les foyers les plus aisés
ou expatriés, il est fréquent
d’avoir du personnel à demeure,
la fermeture subite et généralisée
des crèches et écoles primaires,
non assorties de mesures d’accompagnement, est un véritable cassetête pour les familles où les deux
parents travaillent et qui n’ont
pas d’aide à domicile. D’autant
que le gouvernement demande
que les enfants restent chez eux,
évitent aires de jeux et centres
commerciaux. p
Florence de Changy
quelques jours de l’arrivée
de l’hiver austral, les pays
d’Amérique du Sud sont
frappés par l’épidémie de grippe A
(H1N1). Le plus touché est le Chili,
avecdeuxmortset1 694personnes
infectées. Alors que l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) a
déclenché, jeudi 11 juin, le niveau 6
d’alerte,marquantlareconnaissance du caractère pandémique de la
grippe, la présidente Michelle
Bachelet s’apprête à signer un
décret pour accorder des pouvoirs
extraordinaires au ministère de la
santé.
Ils’agit de coordonner la vigilance médicale et de décréter éventuellement la fermeture d’écoles,
la suspension de concerts ou de
rassemblements. Desexperts américains, du centre de préventions
des maladies d’Atlanta, sont à Santiago pour évaluer l’évolution de
l’épidémie.
En Argentine, la psychose a
gagné la population après la détection de 343 cas de grippe A (H1N1) à
Buenos Aires et dans plusieurs provinces de l’intérieur du pays. En
une seule journée, jeudi, les cas
confirmés sont passés de 25 à 62.
Plus de 1 000 doivent encore être
analysés.
Pour la ministre de la santé, Graciela Ocaa, l’épidémie est cependant modérée : la majorité des
maladesguérissentsansêtrehospitalisésetquelescasgravessontproportionnels à ceux engendrés par
la grippe saisonnière. La ministre
est convaincue que la suspension
des vols aériens avec le Mexique et
la fermeture d’écoles ont freiné la
propagation du virus, à la différence du Chili ou de l’Australie qui ont
enregistré plus de 1 300 cas.
Malgré les appels du gouvernement argentin à ne pas céder à la
panique, les hôpitaux publics, et
notamment celui des enfants
malades Ricardo-Gutierrez, à Buenos Aires, sont débordés par des
centaines de consultations par
jour. Les visites médicales à domicile ont été restreintes aux enfants
en bas âge et aux patients de plus
de 65 ans, le nombre de médecins
étant insuffisant pour satisfaire
les quelque 12 000 appels quotidiens enregistrés concernant des
affections respiratoires. Trentedeux établissements scolaires, où
des cas confirmés de grippe liés au
nouveau virus ont été détectés,
ont été fermés pour quinze jours.
Dans ceux qui restent ouverts, la
psychose engendre un absentéisme record, allant jusqu’à 45 %.
Un vaccin en septembre
« La maladie n’est pas cantonnée aux écoles, elle s’est désormais
propagée dans toute la communauté », note le recteur de l’Institut supérieur de sciences de la santé, Claudio Santa Maria. Il craint
que l’Argentine, avec l’arrivée de
l’hiver, ne souffre d’une propagation encore plus importante de
l’épidémie. « Il faut être en alerte
sans pour autant surestimer le
virus », juge pour sa part l’infectiologue Jorge San Juan, de l’hôpital
publicMuñiz à Buenos Aires. Il rappelle qu’en 2008, 3 600 personnes
sontmortes de la grippe saisonnière sur un total d’un million de
malades.
« La décision de l’OMS se justifie
parce qu’il y a une propagation du
virus dans de nombreux pays »,
souligne Marcelo Blumenfeld,
membre de la Société argentine
d’infectiologie. Il ajoute toutefois
que « cela n’implique pas une gravité majeure et que les gens ne doivent pas s’affoler ». « Il s’agit d’une
grippe comme une autre, estime
l’infectiologue Victor Rosenthal. Il
faut la traiter comme les autres
maladies infectieuses mais sans
exagérer la situation. » Selon lui,
« le scénario peut se compliquer
quand le virus touche des patients
atteints de maladies chroniques,
comme cela arrive tous les ans avec
la grippe saisonnière ».
Le docteur Rosenthal, qui
revient des Etats-Unis où la production d’un vaccin devrait être
prête en septembre, souligne que
l’hiversera alors terminé en Argentine : « Il sera donc trop tard. » p
Christine Legrand
Planète 5
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Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Les ordures, source
La déforestation de l’Amazonie,
mirage économique pour les Brésiliens de pollution et de
La hausse du niveau de vie liée au passage à l’agriculture n’est que temporaire
matière secondaire
du Centre d’écologie fonctionnelle
et évolutive au CNRS de Montpellier. Mieux mettre en valeur les
régions déboisées. Et surtout réduire la déforestation, promouvoir la
reforestation dans les zones dégradées, encourager les populations
forestières à mener des activités de
développement durable. » Par
exemple en rémunérant les services rendus à l’écosystème par les
habitants de la forêt, comme cela
commence à se faire au Brésil.
Rio de Janeiro
Correspondant
N
on seulement la déforestation progressive de l’Amazonie a des conséquences
néfastes sur l’environnement du
Brésil et de la planète, mais elle ne
profite guère à moyen terme, économiquement et humainement,
aux populations qui y participent
ou qui l’accompagnent en s’implantant dans les régions déboisées. Telle est la conclusion essentielle d’une étude de terrain
conduite par une équipe internationale de six chercheurs et
publiée, vendredi 12 juin, par la
revue américaine Science.
Selon les auteurs de l’enquête,
le déboisement entraîne, au stade
initial, une amélioration du sort
des populations locales, qui se
reflète dans l’indice de développement humain (IDH). Cet indice,
adopté par les Nations unies, est
calculé à partir de trois critères :
l’espérance de vie, le niveau de vie
et le taux d’alphabétisation.
Il progresse aussi vite, ou plus
vite, le long de la frontière du
déboisement que la moyenne
nationale brésilienne. Mais, à
mesure que cette frontière se
déplace, les progrès du développement humain s’amenuisent : ce
dernier retrouve dans les régions
déjàdéboisées un niveau comparable – et bas – à celui qu’on enregistre dans les zones non déboisées.
La déforestation et l’extension
de l’agriculture et de l’élevage aux
dépens de la forêt attirent sur la
frontière des « migrants » en tout
genre – gros fermiers, petits
« colons », paysans sans terre,
forestiers, commerçants, chercheurs d’or – en quête de profits ou
simplement d’une vie meilleure.
L’arrivée de ces Brésiliens, moins
démunis que la population locale,
contribue partiellement aux progrès de l’IDH. Mais nombre d’entre
eux sont aussi plus pauvres et
moins éduqués que la moyenne
nationale. Le boom du développement tient donc surtout à l’exploi-
Une parcelle de forêt primaire d’Amazonie cernée de culture
extensive de soja. JOHN LEE/CORBIS
tation des ressources naturelles,
facilitée par un meilleur écoulement des produits grâce aux nouvelles routes goudronnées, et à
l’implantation du réseau gouvernemental éducatif et sanitaire.
Ces progrès sont pourtant éphémères. L’IDH baisse assez vite dans
les localités des régions déboisées,
en phase avec le déclin de productivité des activités économiques
qu’entraîne, par exemple, l’épuisement des ressources en bois ou la
dégradation des pâturages. Au
début des années 1990, rappelle
l’étude, plus de 75 % des terres
déboisées en Amazonie étaient
vouées à l’élevage, et plus d’un
tiers ont déjà été abandonnées.
Cette enquête porte sur
286 municipalités, à divers stades
de déforestation, qui regroupent
l’immense majorité du territoire
et de la population amazoniens.
Elle s’arrête en 2000, année des
derniers chiffres de recensement
connus. Conclusion de l’étude :
« L’actuel mode de développement
de l’Amazonie est très loin d’être
désirable, qu’il s’agisse des hommes ou de la nature. »
Que faire ? « Il faut combiner les
approches, explique l’un des
auteurs de l’étude, Ana Rodrigues,
Liste de multinationales
Dans un récent rapport,
Greenpeace soulignait que l’élevage intensif de bovins est responsable de 80 % de la déforestation.
Selon l’organisation écologiste,
« au cours des dernières années, un
hectare de forêt a été détruit toutes
les 18 secondes en moyenne par les
éleveurs de bétail ». Le Brésil est
devenu le premier exportateur de
viande de bœuf, avec un tiers du
tonnage mondial.
Greenpeace reproche au gouvernement de doper l’élevage en
aidant financièrement les grandes
entreprises du secteur et de fermer les yeux sur les exploitations
illégales. Elle cite une longue liste
de multinationales, acheteuses de
produits provenant d’exploitations impliquées dans la déforestation illicite.
Un vif débat oppose actuellement écologistes et exploitants
ruraux à propos d’un projet de loi
sur le point d’être voté sur la régularisation foncière en Amazonie.
Dans son principe – donner une
garantie juridique aux agriculteurs,notamment les plus vulnérables –, le texte fait l’unanimité en
sa faveur.
Mais les écologistes, soutenus
par le ministre de l’environnement, Carlos Minc, accusent les
parlementaires d’avoir défiguré le
projet en introduisant plusieurs
clauses jugées trop favorables à
l’agrobusiness. Le ministre espère
que le président Luiz Inacio Lula
da Silva tranchera en sa faveur. p
Jean-Pierre Langellier
Un ouvrage sur les déchets décrit le marché
mondial du recyclage : 300 milliards d’euros
P
lus on est citadin, plus on
fabrique des ordures. Plus
on est riche aussi. Rien ne
vaut de se voir rappeler cette règle
qui régit les montagnes de
déchets que l’humanité produit
en toujours plus grande quantité.
Au minimum 4 milliards de tonnes ont été recensés sur la planète,
en 2006, par Catherine Gallochet
et Philippe Chalmin, du groupe
Cyclope, qui publie Du rare à l’infini, panorama mondial des déchets
(Ed. Economica, 456 p., 59 ¤) –
« mondial » pour la première fois
– en partenariat avec Veolia, le
numéro un du nettoyage.
Pas facile de recenser ces détritus. Catherine Gallochet reconnaît qu’il manque au tableau « le
bâtiment et les travaux publics,
l’agriculture, la forêt et les mines »,
ce qui n’est pas rien. Cantonnonsnous aux déchets « municipaux », c’est-à-dire des particuliers (1,7 à 1,9 milliard de tonnes) et
des déchets industriels non dangereux (1,2 à 1,67 milliard), le reste
n’étant qu’estimé en raison des
innombrables décharges sauvages et des statistiques flageolantes du Caire à Tananarive et de
Manille à Naples.
Ce sont les Etats-Unis qui jettent le plus, soit 760 kg de déchets
municipaux par habitant et par
an, et l’Inde le moins, avec 82 kg.
En 2005, les Chinois sont devenus
en chiffres absolus les premiers
producteurs mondiaux de détritus municipaux ou industriels
avec 300 millions de tonnes : on
ne devient pas impunément l’usine du monde.
Comment s’en débarrasser ? La
décharge, l’incinération, le recyclage ou le compostage ? Cela dépend
de l’histoire et de la géologie. La
Grande-Bretagne, pays argileux,
mettait tout en décharge ; elle
veut maintenant abandonner cette pratique en la rendant la plus
chère du monde, soit 70 euros la
tonne. Le Japon brûle à tout-va, car
il n’a guère d’espace. La France pratique toutes les techniques. La ville la plus en pointe, car elle recycle
comme aucune autre, est Portland
(Oregon, Etats-Unis).
Mais les ordures ne sont pas seulement une source de pollution.
Elles se muent chaque année un
peu plus en « matières secondaires ». En effet, dans un monde où
la rareté s’affirme chaque jour,
note Philippe Chalmin, il faut « les
traiter comme une ressource ».
Cela veut dire recycler les « fibres
Ce sont les Etats-Unis
qui jettent le plus,
soit 760 kg de déchets
municipaux
par habitant et par an
cellulaires de récupération », ce
vieux papier qui entre désormais
pour 60 % dans la fabrication du
neuf. Même chose pour les
métaux : la moitié du cuivre produit vient du recyclage.
Leprix de cesmatières secondaires a suivi l’effondrement de celui
des matières premières. En un an,
le prix de la tonne de vieux papier
est tombé de 250 dollars
(178 euros) à 50 dollars (35 euros)
et celui de la ferraille, de 650 à
130 dollars. Ce n’est pas une raison
pour déserter un marché de
300 milliards d’euros et qui se
remettra vite de sa déprime.
Denis Gasquet, directeur général de Veolia Propreté, se dit
« frappé de constater que, dans cette crise, c’est la première fois que
l’environnement est considéré
non comme un problème, mais
comme la solution ». Pourvu que
cela dure ! p
Alain Faujas
« Elaborer la politique maritime de la France
pour les trente à cinquante prochaines années »
Biotechnologies
Le journal de bord du Grenelle de la mer par Isabelle Autissier
Des scientifiques consultés par l’Autorité européenne pour la sécurité
des aliments (EFSA) ont émis pour la première fois des réserves sur l’innocuité de l’Amflora, la pomme de terre génétiquement modifiée conçue
par le groupe de chimie allemand BASF, a indiqué l’EFSA, jeudi 11 juin. Parmi les 42 experts consultés, 40 ont émis un avis positif. Mais Christophe
Ngyuen-Thé et Ivar Vagholm ont estimé qu’il serait « imprudent » de
minimiser des effets négatifs sur la santé et jugé « probables » des conséquences de la culture de cette pomme de terre sur l’environnement par la
dissémination. Le groupe BASF souligne que les désaccords sont « minoritaires ». Greenpeace salue « cette opinion sans précédent et la reconnaissance du manque de certitudes au sein de la communauté scientifique ».
L’Amflora est renforcée en amylopectine, un composant de l’amidon
utilisé pour fabriquer des textiles, du béton ou du papier. – (AFP.) p
Après deux mois et
demi de débats et
quelques nuits blanches, voilà donc quatre rapports
sur la table du ministre pour
répondre à la commande de ce Grenelle de la mer : élaborer la politique maritime de la France pour les
trente à cinquante prochaines
années. Premier constat : pour la
première fois de notre histoire,
tous les acteurs du maritime
étaient réunis autour d’une même
table et, à en juger par l’enthousiasme des débats, on se demande
pourquoi il a fallu tant de siècles…
Deuxième constat : malgré des
thématiques différentes, les
conclusions se recoupent étonnamment. La première de ces
lignes de force transversale, c’est
la connaissance. Pour ce qui constitue 70 % de notre planète, dans ce
pays qui est le deuxième en termes de surface maritime, dans ce
siècle qui est celui du savoir et malgré des scientifiques de talent,
nous sommes des nains.
Or aucune politique ne peut se
faire, aucun conflit ne peut se
résoudre, aucun avenir ne peut se
dessiner sans une connaissance
physique, biologique, technique
et humaine. L’effort à faire est
grand en personnes et en crédits,
mais les fruits en termes de régulation et d’emplois seront à la hauteur. Il passe aussi par des mutuali-
Y
sations et une prise en compte des
savoirs professionnels.
La deuxième, plus bizarre dans
un pays prétendument porté à l’incivilité et à propos de cet espace
symbole de liberté, c’est la demande de contrôles et de renforcement des règles. Loi littoral, droits
de pêche et d’exploitation ou d’utilisation du domaine maritime,
répression des pollutions et des
trafics, la pression d’un nombre
grandissant d’acteurs et l’irruption du besoin de protection de la
nature obligent à une gestion au
plus près et à une garantie d’équité que seule donne la loi.
La troisième grande transversalité est celle de la biodiversité, de
son potentiel, de sa fragilité et de
sa nécessaire protection. Plus
aucune action de l’homme ne
peut passer à côté de cette nouvelle évidence, surtout pas quand on
parle de mer. Au-delà de l’indéniable coté « mode » du respectueux
et du durable, c’est l’idée que la
nature peut s’apprécier aussi comme un patrimoine et ses services
comme des valeurs. Bien entendu,
ce n’est pas de marchandisation
de la nature que je parle, mais de
son contraire qui est d’en finir
avec l’idée de la gratuité des services écologiques et surtout la nonprise en compte des dégradations
qui affectent de plus en plus le
« capital-nature ».
AFP
Quatrième convergence : la
« méthode Grenelle » peut et doit
se retrouver dans la gouvernance
des espaces marins. Ceux qui se
sont séparés en ce début juin ont
pu mesurer le chemin qu’ils ont
parcouru en si peu de temps au
contact des autres. Même si des
divergences demeurent, une
notion pas si vieillotte que cela de
bien commun a connu une mise
en pratique plutôt efficace. Pour
que la loi, appelée des vœux de
tous, soit appliquée, les partenaires savent qu’au quotidien sa déclinaison devra continuer à concerner tout le monde.
Cinquième convergence : il n’a
jamais été autant question de
décloisonnement et de mise en
réseau. Dans tous les secteurs du
maritime, des choses se font, mais
chacun de son côté, sans ou contre
les autres. Que l’on parle de
connaissances, de formations, de
nouvelles technologies, de gestion
des espaces naturels, beaucoup
d’éléments du puzzle ne demandent qu’à entrer en synergie. Cela
suppose juste un peu de volonté
et d’organisation, pour décupler
l’action.
Last but not least, l’outre-mer
prend une place centrale. Selon la
jolie expression du groupe 3, « l’archipel France » force à changer
d’optique sur l’importance de ces
« confettis d’empire », souvent relégués au rang de terres à tourisme.
M. le ministre nous a dit que « la
mer va sauver la terre ». Mais notre
mer à nous est à 80 % là-bas ! Et
maintenant place au débat public.
Pendant trois semaines, chaque
Français peut donner son avis. Profitez-en ! » p
Isabelle Autissier
Première femme à avoir réussi un tour
du monde à la voile en compétition, la
navigatrice est vice-présidente du
groupe de travail du Grenelle de la mer
consacré à « la délicate rencontre
entre la terre et la mer ». Pendant toute la durée de ces travaux, qui
devraient s’achever au début de l’été,
elle livre au « Monde », chaque fin de
semaine, son journal de bord. Celui-ci
n’engage qu’elle-même, et aucunement les autres participants.
Les scientifiques en désaccord sur
une pomme de terre transgénique
Agriculture
Cinq fois plus de surfaces agricoles
en France converties au bio
En France, les surfaces agricoles qui ont commencé à se convertir au
bio en 2009 sont « cinq fois plus importantes qu’en 2008 », selon un communiqué du ministère de l’agriculture diffusé vendredi 12 juin. L’objectif
est de tripler d’ici à 2012 les terres dédiées à l’agriculture biologique, soit
un passage de 2 % à 6 % des surfaces agricoles. En 2009, 63 000 hectares
ont entamé ce processus, ce qui permet d’augmenter la surface bio de
10 %. Environ 150 000 hectares sont en cours de conversion. Ils s’ajoutent aux 500 000 hectares actuellement cultivés en bio. Le nombre d’exploitations est, lui, en augmentation de 15 %, passant de 13 300 à 15 200
en une seule année, précise-t-on au ministère. Des aides nationales et
européennes sont allouées aux agriculteurs décidant de convertir leurs
terres, pour un total de 58 millions d’euros en 2009, soit un montant
moyen de 200 euros par hectare et par an pendant cinq ans. – (AFP.) p
Climat Les académies des sciences appellent à réduire
la part de l’homme dans le réchauffement
Avant le sommet du G8 qui se tiendra du 8 au 10 juillet à L’Aquila (Italie), les académies des sciences des pays du G8 + 5 (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et Mexique) ont adressé, jeudi 11 juin, à leurs dirigeants
respectifs une déclaration commune sur « le changement climatique et
les transformations des technologies de l’énergie pour un avenir à bas
carbone ». Cette déclaration est assortie de huit recommandations.
(www.academie-sciences.fr/actualites/nouvelles.htm)
6 International
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Election en Iran : M. Ahmadinejad donné vainqueur
Le candidat Mir Hossein Moussavi, appuyé par les réformateurs, dénonce des « fraudes » et des « exactions »
L
e président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, a toutes
les chances d’être déclaré officiellement vainqueur, samedi
13 juin, de l’élection présidentielle
iranienne qui s’est tenue la veille,
avec une passion, une hargne et
une participation (plus de 75 %)
rarement égalées. Très tôt samedi,
avec près de 90 % des votes
dépouillés, M. Ahmadinejad était
crédité de 64,88 % par le président
de la commission électorale au
ministère de l’intérieur. Un score
écrasant, bien peu en rapport avec
tous les calculs prévisionnels effectués jusque-là et les déclarations
au sortir des urnes.
Celui qui, au long de la campagne, était devenu son plus sérieux
rival, l’ex-premier ministre Mir
Hossein Moussavi, soutenu par ce
qui semblait être une « vague verte » (symbole de la campagne)
réformatrice, qui avait rassemblé
de nombreux jeunes et des femmes, n’obtiendrait qu’un peu plus
de 30 %. Les deux autres candidats,
le réformateur Mehdi Karoubi,
ex-président du Parlement, et le
conservateur modéré Mohsen
Rezai, ex-chef historique des Gardiens de la révolution, feraient
justede la figurationavec moins de
2 % chacun.
« La différence entre le nombre
de votes obtenu par Ahmadinejad
etceluirecueilliparsesrivauxesttelle que tout doute sur sa victoire sera
interprété comme une forme d’humour par l’opinion publique », a
déclaréaussitôtledirecteurdecampagne de M. Ahmadinejad, Mojtaba Samareh Hachémi.
Sans attendre la proclamation
officielle des résultats, M. Moussa-
vi qui, dès vendredi après-midi, sur
la foi des enquêtes d’opinion, avait
lui aussi revendiqué la victoire, a
dénoncé avec force une « manipulation » massive du scrutin et de
nombreuses violations. Dans un
communiqué lu à la presse,
M. Moussavi, dont l’électorat réside surtout dans les centres urbains,
a affirmé que ses partisans avaient
« constatédans certainesvillescomme Chiraz, Ispahan et Téhéran, un
manque de bulletins de vote ».
« Nos représentants ont été écartés
lors du dépouillement et certains de
nos QG attaqués. Je poursuivrai,
aveclesoutiendupeuple,lespersonnes à l’origine de ces actes illégaux », a-t-il ajouté.
Débordements inquiétants
De fait, les débordements
inquiétants n’ont pas manqué.
Selon le récit de témoins joints par
téléphone à Téhéran, vers 17 h 30
heure locale, vendredi, un des
deux quartiers généraux de campagne de Mir Hossein Moussavi,
celui qui était animé par l’ex-président réformateur Mohammad
Khatami à Qetarieh, au nord de
Téhéran, a été attaqué par des miliciens bassidjis, fervents soutiens
de M. Ahmadinejad et des membres des forces de sécurité. Ils ont
détruit les ordinateurs à coups de
bâton et dispersé les militants
avec des gaz lacrymogènes et des
bombes au poivre. Sur place,
Abdullah Ramazanzadeh, ancien
porte-parole de M. Khatami, a exigé un document officiel aux policiers qui fermaient les locaux et
posaient des scellés.
Dans la soirée, quatre journaux
auraient été fermés : Donya Ehtes-
Des Iraniennes patientent pour voter, vendredi 12 juin, dans la ville sainte de Qom, à 150 km au sud de Téhéran. KAMRAN JEBREILI/AP
sad, Asr-e Ehtessad, Farhang-e
Ashtiet Qalam-eSabz, dontledirecteur n’est autre que Mir Hossein
Moussavi. Plusieurs sites Internet
ont aussi été fermés, dont Qalam,
lesiteducandidatMoussavi,et l’envoi de SMS entravé.
Une attaque similaire a eu lieu
vers 1 h 30, samedi matin, au siège
du centre d’information de la campagne Moussavi, qui sert aussi de
salle de rédaction pour son agence
de presse Qalam News et son site,
rue Zartocht. Des bassidjis ont
détruit les ordinateurs, puis des
scellés, là aussi, ont été posés. Les
dizaines de partisans de M. Moussavi qui se trouvaient là ont été dis-
persésviolemment. « C’est uncoup
d’Etat », ont-ils estimé.
Vers 3 heures du matin, on pouvait observer des bassidjis motorisés, dévalant les rues de Téhéran,
agitant des drapeaux iraniens et
criant « Moussavi, bye bye, », pour
se moquerdu slogan« Ahmadi,bye
bye » que des centaines de milliers
de Téhéranais ont entonné chaque
soir de la campagne. Des dizaines
de convois des forces de l’ordre
d’une quarantaine de véhicules
chacun, escortés par des escouades
de bassidjis à moto, avaient envahi
lesgrandsaxesdela capitale.Latension était palpable. p
Marie-Claude Decamps
Discours attendu de M. Nétanyahou sur sa politique vis-à-vis des Palestiniens
Le premier ministre israélien n’entend pas s’opposer à la croissance naturelle des colonies, malgré les demandes de Washington
aaa Suite de la première page
Va-t-il ou non prononcer les mots
magiques qui vont permettre de
relâcher la tension croissante
entre les Etats-Unis et Israël à propos du règlement du conflit israélo-palestinien ? De quelles conditions va-t-il assortir son adhésion
éventuelle à ces deux principes
fondamentaux sans lesquels
l’Autorité palestinienne refusera
de renouer le dialogue ? Saëb Erakat, le responsable palestinien
des négociations, a d’ores et déjà
mis en garde contre des « acrobaties linguistiques ». Les Palestiniens et les Américains attendent
du concret.
L’heuredevérité asonné. Du discours du 14 juin devra clairement
transparaître la volonté de paix du
gouvernement israélien. L’avenir
des relations avec son allié américain en dépend mais aussi le relâchement de la tension au ProcheOrient sur lequel M. Obama comp-
L'Union européenne reçoit
Avigdor Lieberman
L’Union européenne (UE) doit
recevoir, lundi 15 juin, le chef de
la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, au lendemain
d’un discours très attendu du
premier ministre, Benyamin
Nétanyahou, dont les Européens
espèrent qu’il s’orientera vers
l’acceptation d’un Etat palestinien. Avant l’arrivée de M. Lieberman à Luxembourg, les ministres des affaires étrangères de
l’UE devaient débattre de la
situation au Proche-Orient et de
leurs relations avec Israël.
A la fin de l’année 2008, les Européens avaient décidé d’approfondir leurs relations avec
Israël, mais cette démarche a
été gelée de facto après l’offensive israélienne contre Gaza
menée en décembre 2008 et janvier 2009. – (AFP.)
te pour négocier avec l’Iran et affaiblir les mouvements radicaux
comme le Hamas et le Hezbollah.
Pour ce discours capital, Benyamin Nétanyahou a beaucoup
consulté afin de définir jusqu’où il
pouvait aller sans risquer de faire
éclater sa coalition, tout en satisfaisant les exigences américaines et
les attentes européennes. Shimon
Pérès, le président d’Israël, lui a
56 % des Israéliens
appuient la poursuite
des constructions
de colonies
conseillé de se raccrocher à la
« feuille de route » – le plan de paix
international de 2003 qui n’a
jamais abouti – et de proposer la
création d’un Etat palestinien avec
des frontières temporaires, ce que
les Palestiniens refusent.
Lors d’une réunion du Likoud,
mercredi 10 juin, M. Nétanyahou a
eu un avant-goût des lignes rouges
à ne pas franchir. « Les Palestiniens
ne veulent pas d’une solution à
deux Etats, mais d’une solution à
deux étapes à l’issue desquelles il n’y
aurait plus qu’un seul Etat, celui de
l’OLP-Hamas », a averti Benny
Begin, ministre sans portefeuille et
fils de l’ancien premier ministre
MenahemBegin.« Nousnevoulons
pas établir un autre Etat qui, un
jour, sera le bras long de l’Iran », lui
a fait écho Uzi Landau, ministre des
infrastructures.
Le député Miri Regev a fait
remarquer que M. Obama n’était
pas seul à détenir le pouvoir, qu’il y
avait aussi la Chambre des représentants et le Sénat. A l’inverse, le
ministre sans portefeuille Yossi
Peled a proposé de contre-attaquer
et d’imposer des sanctions aux
Etats-Unis pour avoir exigé d’Israël
une politique nouvelle. D’autres
voix se sont élevées pour assurer
queleprincipede« deuxEtatspour
LIBAN
GOLAN
Mer
Méditerranée
SYRIE
Tel-Aviv
CISJORDANIE
BANDE
DE GAZA
Jérusalem
Mer
Morte
Gaza
ISRAËL
ÉGYPTE
JORDANIE
50 km
deux peuples » n’était plus une
solution,quececonceptétaitdépassé,commeceluidelapaixenéchange de la terre. L’ex-chef de cabinet
de « Bibi », Uri Elitzur, estime
« qu’après avoir tout essayé, l’annexion est la meilleure des solu-
tions. Nous donnerons la citoyenneté israélienne à tous les Palestiniens ». Actuellement journaliste
dans un journal de droite, il affirme
nepascraindrelamenacedémographique palestinienne et suggère de
rédiger une Constitution dans
laquelle le caractère juif de l’Etat
d’Israël serait inscrit. Un point sur
lequel M. Nétanyahou n’a pas l’intentiondetransigerendépitdel’opposition des Palestiniens.
Le premier ministre n’a pas non
plus l’intention de renoncer à la
croissancenaturelledans lesprincipaux blocs de colonies, ce qui permettrait à ces communautés de
continuer à se développer. Et cela
malgré l’opposition nettement formulée par Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, qui a exigé
que les constructions stoppent
« sans exception », afin de ménager
la possibilité de créer un Etat palestinien viable et continu.
Sur ce point, le premier ministre
sesent soutenuparl’opinionpubli-
que : 56 % des Israéliens souhaitent
la poursuite des constructions,
selon un sondage. M. Nétanyahou
est d’accord pour ne pas créer de
nouvelles colonies et pour démanteler une vingtaine d’implantations sauvages mais estime qu’il
est « injuste » de ne plus construire
dans les grands blocs de colonies
qui, à l’avenir, pourront faire partie
intégrante d’Israël.
La question du gel des colonies
sera indubitablement un test de la
volonté du gouvernement israélien d’avancer sur le chemin de la
paix. L’Autorité palestinienne a
fait remarquer que, depuis le
début du processus d’Annapolis,
le 27 novembre 2007, il y avait eu
une augmentation de 43 % des
constructions en dépit des pourparlers de paix. Aujourd’hui, les
Palestiniens ont décidé d’être fermes sur cette question vitale
d’autant que la nouvelle administration américaine les soutient. p
Michel Bôle-Richard
L’Autorité palestinienne est au bord de la banqueroute
Jérusalem
Correspondant
Afin de pouvoir payer les salaires
du mois de mai des quelque
165 000 fonctionnaires de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad,
le premier ministre palestinien, a
été contraint de souscrire un
emprunt de 530 millions de dollars (quelque 378 millions
d’euros) auprès des banques.
Cette somme est également
destinée à pallier le déficit d’aide
internationale depuis le début de
l’année. « Nous faisons face à une
crise financière aiguë », a averti
M. Fayyad demandant aux donateurs de « tenir au plus vite leurs
promesses ». En raison de l’arrêt
des négociations avec Israël, de la
guerre à Gaza, de l’arrivée au pou-
voir dans l’Etat juif d’un gouvernement très axé à droite et par voie
de conséquence du manque de
perspectives politiques dû au blocage de la situation, les donateurs
– principalement les nations arabes – se sont montrés extrêmement réticents à honorer leurs
engagements.
Au cours des cinq premiers
mois de l’année, l’aide budgétaire
s’est élevée à 328 millions de dollars, loin du 1,15 milliard de dollars
attendu pour le budget 2009.
« Notre besoin de financement
extérieur pour le budget est estimé
à environ 120 millions de dollars
par mois. Au cours des cinq premiers mois, la moyenne a été de
70 millions, soit un déficit mensuel
de 50 millions », a déclaré
M. Fayyad, lors d’une réunion, à
Oslo, le 8 juin, du comité ad hoc
des bailleurs de fonds internationaux. L’Autorité palestinienne est
donc au bord de la banqueroute.
Selon Oussama Kanaan, représentant du Fonds monétaire international (FMI) pour la Cisjordanie et
la bande de Gaza, l’Autorité palestinienne risque « une grave crise
de liquidités » car elle a presque
épuisé sa capacité d’emprunt.
40 % de chômeurs à Gaza
Les 530 millions fournis par
des banques privées ont permis à
l’administration palestinienne de
respirer un court instant. Mais en
juillet, il faudra à nouveau payer
les salaires des fonctionnaires et
faire face à toutes les autres
dépenses courantes. La masse salariale représente à elle seule 22 %
du PIB, selon la Banque mondiale.
« Une défaillance des donateurs
aura de graves implications
qu’aucun d’entre nous ne souhaite », a averti Jonas Gahr Stoere,
ministre norvégien des affaires
étrangères.
En dépit des promesses effectuées, les nations donatrices se lassent face à l’absence de progrès.
Lors de la réunion des donateurs à
Paris, en décembre 2007, 7,7 milliards de dollars avaient été promis ; 3,3 milliards ont déjà été versés. Lors d’une seconde réunion, à
Charm El-Cheikh, le 2 mars, après
la guerre de Gaza, 4,5 milliards
ont été promis pour aider à la
reconstruction de ce territoire.
Pour le moment, rien n’a été
versé, Israël refusant toujours d’alléger le blocus et s’opposant à l’en-
trée de fonds, craignant que cet
argent ne profite au Hamas.
La situation économique se
dégrade. Le chômage est passé en
2008 de 18 % à 19 % en Cisjordanie
et de 30 % à 40 % dans la bande de
Gaza, selon un rapport de la Banque mondiale publié début juin.
« Les progrès accomplis dans la
levée des restrictions au cours de
2008 ont été pour le moins marginaux », note le rapport, qui souligne qu’« à cause du dispositif de
sécurité israélien, l’économie palestinienne s’est anémiée, ce qui se traduit par un déclin des secteurs productifs et une augmentation du
secteur public vers lequel la population se dirige en quête d’emploi et
d’assistance pour faire face au chômage ». p
M. B.-R.
International 7
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
L’ONU durcit les sanctions
à l’encontre de la Corée du Nord
Pyongyang affirme qu’il n’abandonnera jamais son programme nucléaire
New York
Correspondant
L
es Etats-Unis s’inquiètent de
voir la Corée du Nord se lancer dans une« nouvelle provocation » après la résolution adoptée à l’unanimité par le Conseil de
sécurité de l’ONU, vendredi 12 juin.
Après le vote, leur ambassadrice aux Nations unies, Susan Rice, a
estimé qu’« il ne serait pas surprenant » que le régime de Pyongyang, « étant donné sa propension
à mener des actions irresponsables
et dangereuses » réagisse aux sanctions aggravées qui lui sont imposées par « un nouvel acte de déstabilisation ».
Comme elle, de nombreux
diplomates à l’ONU craignent que
la Corée du Nord procède rapidement à un troisième essai nucléaire ou à de nouveaux tirs de missilesbalistiques. Pour l’heure,Pyongyang a réaffirmé, samedi matin,
que son programme nucléaire ne
serait jamais abandonné.
La résolution 1874 a été adoptée à la suite de l’essai nucléaire
réalisé par Pyongyang le 25 mai,
suivi du tir de cinq missiles – ces
actes succédant à la dénonciation
de l’accord d’armistice de 1953
avec la Corée du Sud.
Le Conseil de sécurité y réitère
sa demande à Pyongyang d’« abandonner tous ses programmes d’armement nucléaire de manière
complète, vérifiable et irréversible », de réadhérer au traité de nonprolifération (TNP) et de signer le
traité d’interdiction des essais
nucléaires.
En l’attente, cette résolution
hausse le niveau des sanctions
internationales contre le régime
de Pyongyang. Elle lui impose un
embargo élargi sur les armes et sur
tout matériel pouvant être utilisé
à des fins militaires. En particulier,
elle instaure un régime renforcé
d’inspection terrestre, maritime et
aérienne sur toute cargaison soupçonnéede transporter de telsmatériels vers ou à partir de ce pays, y
compris en haute mer.
LaRussie et surtoutla Chine, initialement réticentes, ont accepté
de voir figurer la possibilité d’arrai-
sonner des navires en haute mer.
Avant le vote, Pyongyang avait fait
savoir qu’il jugerait ce type d’action comme un casus belli.
Par ailleurs, la résolution 1874
renforce les sanctions financières,
dont un appel aux organismes
internationaux à refuser à la Corée
du Nord toute aide nonhumanitaire. Un élargissement d’ici trente
jours, de la liste des institutions et
des personnalités nord-coréennes
dont les avoirs à l’étranger sont
gelés est également prévu.
« Mordre où cela fait mal »
Mme Rice a jugé ces mesures
« dotées des dents qu’il faut pour
mordre la Corée du Nord là où ça
fait mal ». Ces forts propos masquent mal la perplexité dans
laquelle cette nouvelle résolution
plonge les observateurs.
En premier lieu, parce que si la
Russie et la Chine, réellement
inquiètes face à l’évolution de la
Corée du Nord, ont accepté une
aggravation des sanctions, leur
volonté d’appliquer celles-ci est
jugée faible. Les deux pays ont
d’ailleurs refusé d’en rendre l’application contraignante. L’ambassadeur chinois a appelé les autres
pays à les appliquer « avec prudence ». Ensuite, cette résolution est
liée à une « nouvelle provocation »
de la part de Pyongyang. Une perspective qui paraît peu probable
aux observateurs américains et
sud-coréens.
Pour beaucoup, la clé de l’évolution de la Corée du Nord réside à
Pékin.Tant que la Chine,qui contribue pour les deux tiers à ses échanges commerciaux, ne « lâchera »
pas son voisin, la probabilité de
peser sur le régime restera faible.
Dans un entretien au New York
Times, un ex-négociateur en chef
sud-coréen avec Pyongyang,
Wi Sung-lac, estime qu’à terme,
seul un « grand marchandage »
permettrait d’obtenir un renoncement nord-coréen à l’arme atomiqueen contrepartie d’une aide économique de grande envergure et
de garanties américainessuffisamment fiables quant au maintien
du régime en place à Pyongyang. p
Sylvain Cypel
Une ONG chinoise publie un rapport mettant en cause
la version officielle sur la révolte au Tibet en mars 2008
Ses auteurs, quatre chercheurs, évoquent « la marginalisation accrue » des Tibétains
Shanghaï (Chine)
Correspondant
W
e are not amused (« cela
ne nous amuse pas ») :
Elisabeth II pourrait faire sienne la boutade de son ascendant la reine Victoria, après la
décision du territoire des Bermudes d’accueillir quatre Ouïgours
détenus à Guantanamo. Chef
d’Etat de cette colonie de la couronne située au large des côtes de
Floride, Sa Majesté n’a guère
apprécié l’asile donné aux quatre
Chinois musulmans blanchis de
tout soupçon de terrorisme.
« Le gouvernement des Bermudes aurait dû nous consulter », a
indiqué le Foreign Office en faisant écho au déplaisir royal. La
Grande-Bretagne est en effet en
charge des affaires étrangères et
de la défense de cet archipel autonome fort de 70 000 habitants.
Or le représentant de la reine, le
gouverneur, a été mis devant le
fait accompli. Les Etats-Unis
n’ont pas jugé bon de prévenir la
puissance tutélaire de leur décision de se débarrasser là des quatre ressortissants chinois d’ethnie ouïgoure réclamés par Pékin.
Washington a négocié directement avec les autorités locales
d’Hamilton, la capitale, en leur
faisant valoir le poids de la présence économique américaine
dans ce paradis fiscal spécialisé
dans l’assurance des multinationales. Les touristes américains
constituent la majorité des visiteurs de l’archipel. Les seuls
signes de l’influence britannique
sont l’effigie de la reine sur les
billets de banque et la conduite à
gauche. Enfin, l’administration
Obama aurait promis d’aider les
Bermudes, placées sur la liste
« grise » de l’OCDE des pays non
coopératifs dans la lutte contre
« l’argent sale », à obtenir un certificat de bonne conduite.
Le torchon brûle
Après trois cents ans de relations harmonieuses, le torchon
brûle entre la suzeraine anglaise
et ses sujets antillais. Les îles Caïmans, autre centre offshore d’importance, ne pardonnent pas à
Londres de s’être retrouvées sur la
même liste du déshonneur à l’issue du sommet du G20, le 2 avril,
présidé par le premier ministre
britannique, Gordon Brown. La
suspension, pour corruption, du
gouvernement d’un autre confetti de l’empire, les Turks et Caicos,
accusé de recyclage d’argent sale,
a donné lieu à des accusations de
néocolonialisme. Les efforts de la
mère patrie pour nettoyer une
autre « lessiveuse » de fonds louches, les îles Vierges britanniques,
ont provoqué des tiraillements
avec les autochtones.
Le coup de force américain a
rappelé à la souveraine cet autre
coup bas du grand allié : l’invasion en 1983 par les GI de la Grenade, un pays du Commonwealth,
en réponse à un coup d’Etat castriste. La puissance tutélaire
n’avait pas été prévenue de cette
attaque, qui avait provoqué une
colère publique du monarque
contre son président américain
favori, Ronald Reagan.p
Marc Roche
(Londres, correspondant)
Zimbabwe
73 millions,
P
lusd’un an après les manifestations qui ont secoué Lhassa en mars 2008, une organisation non gouvernementale
(ONG) chinoise ose prendre à
revers la thèse officielle et simpliste sur les événements, en publiant
les résultats d’une enquête d’un
mois sur le terrain, dans la province du Gansu, près de Xiahe et
Hezuo, ainsi qu’au Tibet même, à
Lhassa et Haidong.
Rédigé par quatre chercheurs
pour le compte de l’ONG Gongmeng (ou Open Constitution Initiative), un tel rapport, qui soulève
des questions taboues en Chine,
aurait difficilement pu voir le jour
s’il n’avait pas été le fait de Chinois
Hans (population majoritaire en
Chine), œuvrant sous couvert de
recherches universitaires.
Gongmeng, fondée en 2003,
n’est autre que la plate-forme des
« avocats des droits de l’homme ».
Plusieurs de ses membres ont par
ailleurs entrepris ces derniers
mois de défendre des Tibétains
accusés de divers crimes suite aux
troubles de 2008, non sans s’exposer au harcèlement policier.
Intitulé « Rapport d’enquête
sur les causes sociales et économiques de l’incident du 14 mars dans
les zones tibétaines » – ce jour-là,
ont eu lieu au Tibet les plus importantes manifestations depuis celles de 1989 à Lhassa –, le texte
d’une quarantaine de pages
annonce très vite la couleur :
au-delà des prétendus « facteurs
externes » qui ont contribué à
échauffer les esprits au Tibet en
2008, les auteurs notent combien
ils ont ressenti, sur place, « le
mécontentement populaire et la
colère qui se cachaient derrière les
incidents, et la complexité de leurs
causes sociales ».
Il serait vain, expliquent-ils en
substance, de faire l’économie
d’un débat « autour des causes historiques de ces contradictions »,
des « questions de sentiment religieux et d’identité ethnique » ainsi
que de « la réalité profonde des problèmes de conflits d’intérêts » au
cœur de ce mécontentement. Ils
s’en prennent ouvertement à la
« surexposition de la violence du
14 mars par la propagande » à travers les médias, qui n’a conduit
Elisabeth II d’Angleterre est
fâchée contre les Bermudes
c’est le montant en dollars de l’aide
annoncée par Barack Obama
Le président américain a annoncé, vendredi 12 juin, une aide de 73 millions de dollars (53 millions d’euros) au Zimbabwe en soulignant qu’elle
irait directement aux Zimbabwéens et non au régime, en raison des préoccupations que continue de susciter le président Robert Mugabe.
M. Obama a expliqué, à l’occasion d’entretiens à la Maison Blanche avec
le premier ministre du Zimbabwe, Morgan Tsvangirai, que l’aide visait
à encourager les progrès accomplis par le gouvernement de M. Tsvangirai, l’ancien chef de l’opposition au président Mugabe. – (AFP.) p
Niger La Cour constitutionnelle annule le décret
présidentiel sur un référendum
NIAMEY. La Cour constitutionnelle du Niger a annulé, vendredi 12 juin,
le décret présidentiel convoquant le corps électoral le 4 août pour un
référendum sur une nouvelle Constitution qui aurait permis au président Mamadou Tandja de rester au pouvoir. Le même jour, sept centrales syndicales ont appelé à une grève générale le 18 juin afin de contraindre le président Tandja à ne pas modifier la Constitution. – (AFP.)
Des forces paramilitaires de la police armée du peuple (PAP) contrôlent des Tibétains dans
les rues de Lhassa, le 18 mars 2008, quelques jours après l’émeute du 14 mars. KYODO/REUTERS
qu’à « attiser les rancœurs entre
Hans et Tibétains ».
En s’intéressant à l’entreprise
de modernisation du Tibet par le
gouvernement chinois, l’enquête
révèle les limites des politiques
de « développement rapide » lancées dans les années 1990, qui ont
en réalité « créé les bases d’une
marginalisation accrue » des Tibétains. Ce sont « les nouveaux
Le rapport de
Gongmeng dénonce
le rôle des médias et
la « surexposition de
la violence du 14 mars
par la propagande »
venus, les Non-Tibétains, qui sont
les premiers à bénéficier [de la]
stratégie de chances pour tous » à
Lhassa et ailleurs, soulignent les
auteurs.
Surtout, « une nouvelle aristocratie » s’est substituée à l’ancienne. A la tête de « ressources sociales
complexes », elle est « plus puissante que l’ancienne aristocratie » et a
adopté des « pratiques rentières ».
Son pouvoir provient « d’une source delégitimité externe », legouvernementcentral, cequi accroît l’aliénation de la population. Le prétexte du « maintien de la stabilité »,
les « accusations de séparatisme »,
ou « de forces étrangères » masquent comme « un cache-sexe les
erreurs de gestion [des dirigeants
locaux] justifiant la répression du
mécontentement populaire », liton. L’extrême indigence des politiques culturelles et éducatives en
langage tibétain a contribué,
constatent les auteurs, à créer une
jeunesse tibétaine désœuvrée et
ignorante de sa propre histoire
culturelle.
Enfin, le rapport considère que
le « bouddhisme tibétain », qui
« est à la base du système et de la
culture traditionnelle tibétaine,
non seulement ne devrait pas être
considéré comme un obstacle à la
modernisation mais plutôt comme une base sur laquelle il faut
compter pour la promouvoir ».
L’enquête de Gongmeng est
bienvenue dans le contexte
d’omerta qui règne autour de la
question tibétaine en Chine : de
source chinoise et indépendante,
elle confirme et nourrit la plupart
des problèmes exposés par les
ONG tibétaines en exil.
Accessible en ligne, sa diffusion
reste toutefois confidentielle –
aucun média chinois n’en a encore
fait l’écho. Mais elle a tout lieu de
ne pas passer inaperçu à Pékin.
« Le but est de proposer des idées
constructives au gouvernement. Il
est indispensable d’avoir des voix
plurielles lors d’un événement aussi complexe que celui du 14 mars »,
confie, à Pékin, Zhang Boshu, professeur à l’Académie des sciences
sociales. Proche de Gongmeng, il
est l’auteur, en 2008, d’un texte
corrosif sur le rôle historique du
Parti communiste du Tibet.
« Le problème du Tibet est avant
tout une question des droits de
l’homme. Mais ce n’est pas que
cela. Les violations des droits de
l’homme sont un effet, et non une
cause. La cause du problème du
Tibet, c’est un système dictatorial
irrationnel », y écrit-il. p
Brice Pedroletti
n Sur le Web
Le site de l’ONG Gongmeng
www.gongmeng.cn/en/index.php
Le rapport de Gongmeng en anglais
www.savetibet.org
Pérou Plusieurs villes de province toujours paralysées
en soutien aux Indiens d’Amazonie
LIMA. Dans le centre du pays, l’aérodrome d’Andahuaylas a été bloqué,
vendredi 12 juin, par des villageois venus soutenir les indigènes d’Amazonie qui manifestent depuis plusieurs mois contre des décrets visant à
privatiser les forêts péruviennes. Une semaine après les violents affrontements dans le nord du Pérou, d’autres villes de province ont connu de
grandes manifestations. – (Corresp.)
Afghanistan
Les Etats-Unis vont accentuer leur
emprise sur la mission de l’OTAN
BRUXELLES. Les ministres de la défense des pays membres de l’OTAN
ont décidé, vendredi 12 juin, de réorienter l’action et le commandement
de la Force internationale d’assistance et de sécurité en Afghanistan
(FIAS). Confrontés à une détérioration de la situation sur le terrain – au
mois de mai, les talibans ont mené 1 450 attaques –, les Etats-Unis vont
accentuer leur emprise sur la mission de l’OTAN. Le général américain
Stanley McChrystal, qui commande à la fois la FIAS et l’opération américaine « Liberté immuable », va piloter la stratégie d’ensemble des forces
étrangères. Il supervisera également deux nouveaux commandements
confiés à des officiers américains, et s’occupant l’un des questions tactiques, l’autre de la formation et de l’entraînement de forces militaires et
policières afghanes. Les Etats-Unis fournissent actuellement 28 500 des
61 000 soldats de la FIAS. D’ici à la fin 2009, les forces américaines
devraient atteindre 68 000 hommes. p Jean-Pierre Stroobants
Guantanamo Trois détenus transférés en Arabie saoudite
WASHINGTON. Les Etats-Unis ont annoncé, vendredi 12 juin, le transfert de trois détenus saoudiens du centre de détention de Guantanamo
vers leur pays d’origine. Le cas des trois détenus, Khalid Saad Mohammed, Abdelaziz Karim Salim Al-Noufayai et Ahmed Zaid Salim Zouhair,
devrait être examiné par les autorités judiciaires saoudiennes. Ce transfert porte à onze le nombre de détenus ayant quitté le camp depuis la
prise de fonctions du président Barack Obama. – (AFP, Reuters.)
8 France
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Le social, principale inquiétude de M. Sarkozy
Chef de l’Etat et syndicats s’attendent à une rentrée tendue. Avec un intérêt commun : éviter l’embrasement
aaa Suite de la première page
Dans ce contexte, l’Elysée se garde
de pavaner. Les conseillers du chef
de l’Etat ont analysé les résultats
du scrutineuropéen. Il neleur a pas
échappé que l’abstention record
avait frappé plus particulièrement
les ouvriers et les jeunes de 35 ans.
Deux catégories à reconquérir.
Un récent sondage BVA-Les
Echos-France Info-BPI indique que
61 % des Français jugent négativement la politique économique et
sociale du gouvernement. Il contrebalance les résultats d’une autre
enquête – TNS Sofres – montrant
qu’unemajoritédeFrançaisestfavorable à la poursuite des réformes.
Si le scrutin européen a sanctionné l’antisarkozysme systématique d’un François Bayrou, il n’a
pas pour autant fait disparaître le
mécontentement. M. Sarkozy le
sait. C’est la raison pour laquelle il
a consulté au long de la semaine
les syndicats, les élus de la majorité et qu’il a commencé à recevoir
les chefs des différents partis.
Avant de définir avec précision ses
nouveaux chantiers de réformes –
la vie après 60 ans en sera un – il
veut savoir jusqu’où il peut aller.
Repartir à la bataille
De l’aveu même des responsables syndicaux, les manifestants,
samedi 13 juin, devraient être
moins nombreux que lors des précédentes journées d’action. Mais
cela ne vaut pas avisde guérison.Et
le gouvernement a plus que jamais
besoin de syndicats « responsables » comme il aime à le dire, pour
encadrer la contestation sociale.
« Valoriser des syndicats responsables, aptes à calmer le jeu, c’est une
bonne technique, surtout quand on
n’a pas grand-chose à offrir de
concret à hauteur des enjeux de la
crise », estime Bernard Bruhnes.
M. Sarkozy va donc continuer à
calmer le jeu, en s’affichant com-
meunchefd’Etat, soucieuxderégulationsociale.C’estle sensdesavisite à l’Organisation internationale
du travail (OIT) à Genève, lundi
15 juin. Devant les représentants
syndicaux, patronaux et des gouvernements du monde entier, il
devraitinsister surlanécessitéd’associer l’OIT aux sommets internationaux, au même titre que l’OMC
ou le FMI, comme il l’avait fait lors
du G20 de Londres en mars.
Pour préparer son intervention,
la seule d’un chef d’Etat d’un pays
membre du G8, souligne-t-on à
l’Elysée, M. Sarkozy a écouté, lundi
8 juin, ce que lui suggéraient les
syndicats pour tenter de construire un nouveau cadre international
de régulation sociale. En novembre 2008, devant l’OIT déjà, il avait
transmis un message disant que
« la reconnaissance et la protection
des droits des travailleurs ne consti-
tuaient pas un handicap mais un
atout dans la mondialisation ». Le
discours est de nature à séduire les
syndicats français.
A l’Elysée, on veut croire que les
mesures sociales déjà annoncées
vont produire leurs effets. « La
question sociale n’est pas réglée, il y
aura des situations difficiles à la
rentrée, mais tout le monde s’est
mis au travail, se concerte, avec
une rapidité jamais vue », fait
valoir le conseiller social du chef
de l’Etat, Raymond Soubie.
Etde mettre enavant lesdispositifs visant à mieux indemniser le
chômage partiel, les mesures en
faveur de l’insertion des jeunes
(apprentissage, contrats de professionnalisation), ou encore la réforme de la formation professionnelle programmée devant l’Assemblée nationale en juillet et au Sénat
à la rentrée. Les partenaires
sociaux seront reçus à nouveau
par M. Sarkozy, début juillet, pour
faire le point sur ces mesures.
M. Soubie insiste aussi sur le fait
que patronat et syndicats ont
ouvert un nouveau cycle de négociationssurles conséquencessociales de la crise. Sur le chômage partiel, la négociation pourrait déboucher sur une augmentation des
quotas d’heures. Mais sur le reste
des dossiers, comme les rapports
entre donneurs d’ordre et entreprises sous-traitantes, de longues
semaines vont être nécessaires. La
discussion sur le rapport Cotis et le
partage de la valeur ajoutée, pour
laquelle M. Sarkozy a dit attendre
desconclusions au15juillet,n’atoujours pas été menée, à cause des
réticences du patronat. « Si aucune
conclusion n’est livrée le gouvernement prendra la main sur ce dossier », prévient M. Soubie.
En attendant, les syndicats s’impatientent et font le compte de
leurs revendications non satisfaites : le gouvernement a refusé le
« coup de pouce » au smic que lui
demandaient tous les syndicats. Il
n’a rien fait pour allonger la durée
d’indemnisation des chômeurs en
fin de droit, et il se refuse toujours
à suspendre le bouclier fiscal.
Au lendemain du 13 juin, les leaders syndicaux devront repartir à
la bataille. Avec un souci : démontrer à leurs troupes que les journées d’action à répétition ne sont
pas là que pour la galerie. Le secrétaire général de la CGT, Bernard
Malgré des tensions, les
syndicats veulent rester unis
En prévision de la rentrée sociale, aucune organisation du G8
syndical (CFDT, CFE-CGC,
CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires,
UNSA) ne veut prendre le risque
de rompre l’unité, même s’il y a
eu, vendredi 12 juin, des échanges aigres-doux entre la CGT et
FO. Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, à qui M. Thibault reprochait « le désengagement massif de FO sur le terrain » et de « porter atteinte à la
crédibilité de la manifestation de
samedi », lui a répondu sur France Info qu’il était « bien gentil »,
mais que, « quand on est responsable syndical, on n’est pas des
GO du social ». Annick Coupé, la
responsable du syndicat le plus
turbulent, Solidaires, l’affirme :
« Il fallait pousser plus fort
après les deux journées d’action
du 29 janvier et du 19 mars, mais
on ne peut brader l’unité d’action comme ça. En outre, sortir
de l’intersyndicale ne signifierait
pas que l’on puisse appeler à la
grève générale. »
Thibault, a demandé au chef de
l’Etat de « ne pas sous-estimer la
situation » et réclamé « des mesures à la hauteur de la situation » (La
Tribune du 12 juin). Son homologue de la CFDT, François Chérèque,
estime lui aussi que « le gouvernement doit prendre des mesures
avant l’été s’il veut éviter une rentrée sociale très chaude » (Le Parisien du 12 juin). Dans ce climat difficile, le chef de l’Etat et les syndicats
partagent au moins un intérêt
commun : garder la main, autant
qu’il est possible, sur la situation
sociale. p
Rémi Barroux
et Françoise Fressoz
Les parlementaires de gauche s’interrogent sur leur
Une fédération « laïque
présence à Versailles le 22 juin pour écouter le président et apolitique » pour
M. Ayrault (PS) dénonce le « show présidentiel » et M. Mamère (Verts) l’« opération médiatique » les « musulmans modérés »
L
e chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, a annoncé, jeudi 11 juin, sa
décision de prendre la parole, lundi 22 juin, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 l’y autorise
désormais. Sa déclaration pourra
donner lieu, ainsi que l’indique
l’article 18 de la Constitution révisée, à un débat sans vote, hors de
sa présence.
Il s’agit donc de la première
miseen application d’un droitnouveau auquel M. Sarkozy accordait
une importance toute particulière. Celui-ci va toutefois nécessiter
quelques adaptations au règlement d’un Congrès qui n’avait
jamais eu, auparavant, l’occasion
d’admettre en son sein un président de la République en exercice.
Pour permettre au chef de l’exécutif de s’adresser aux députés et
aux sénateurs à partir de 15 heures, ceux-ci seront convoqués
dans la matinée pour adopter une
proposition de résolution, présentée par le président de l’Assemblée
nationale, Bernard Accoyer, visant
à modifier le règlement du
Congrès. Sitôt votée, celle-ci sera
soumise au Conseil constitutionnel qui siégera dans la foulée. Une
fois acquise l’approbation des
« sages », le Parlement pourra
accueillir en majesté le président
de la République dans l’aile du
Midi du château de Versailles.
« Ce qui nous choque, c’est
qu’une nouvelle fois le Parlement
soit contraint à l’urgence pour un
show présidentiel qui s’apparente
à une opération de politique inté-
rieure », s’insurge le président du
groupe socialiste de l’Assemblée
nationale, Jean-Marc Ayrault.
Pour l’instant, il n’est pas
acquis que les élus de l’opposition
fassent « banquette à l’heure de la
grand-messe ». « Un vrai débat, ce
n’est pas ça », poursuit M. Ayrault,
qui a prévu de prendre contact
avec l’ensemble des groupes de
gauche de l’Assemblée et du Sénat
« afin de décider ce qu’on va faire ». « Pourquoi faudrait-il y aller ?,
s’interroge le porte-parole des
députés du PCF, Roland Muzeau.
La réponse est contenue dans la
question. »
« Dérive monarchique »
NoëlMamèreestquantàluicatégorique. « Je ne me rendrai pas à
Versailles. Je suis pour le boycottage
decetteopérationmédiatique,affirme le député (Verts) de la Gironde.
Il n’est pas question de cautionner
cette dérive monarchique du régime où le président agit selon son
bon vouloir. Même si ça se passe à
Versailles, il ne faut pas confondre
le Congrès avec la cour du roi. »
A droite, la décision du chef de
l’Etat a été saluée avec enthousiasme. Le communiqué du porteparole de l’UMP, Frédéric Lefebvre,
diffusé vendredi 12 juin par la
direction de la communication du
parti présidentiel, donne la mesure de l’attente : « Le discours du président de la République devant le
Congrès est une étape importante
du quinquennat qui identifie parfaitement la République respectueuse que défend Nicolas Sarkozy,
respectueuse du Parlement, respectueuse de l’expression des Français
et respectueuse des sensibilités
après la réception des chefs de partis, se félicite le député des Hautsde-Seine. C’est l’occasion pour le
président de la République de nous
Distribution de lait à l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale accueillera samedi 13 juin, à l’occasion du
15e Parlement des enfants,
577 élèves de CM2 – désignés
par leur classe, chacune représentant une circonscription
législative –, qui siégeront dans
l’Hémicycle à la place de leurs
députés. Les trois propositions
de lois élaborées par les classes
retenues et sélectionnées par un
jury national seront soumises au
vote des « délégués juniors ».
A cette occasion, l’Assemblée
nationale a également prévu de
promouvoir les produits laitiers
afin de soutenir la filière. Une
vache dans les jardins de l’hôtel
de Lassay et une fontaine à lait
dans les salons du Palais-Bourbon permettront aux enfants
« de découvrir ou de redécouvrir
les qualités gustatives et nutritives du lait », indique la présidence de l’Assemblée. En 1954, Pierre Mendès France, alors président du Conseil, avait organisé
la distribution de lait dans les
écoles et les casernes. Cinquante-cinq ans plus tard, Bernard
Accoyer se met à son tour au
régime lacté.
donner sa vision des changements
à poursuivre en France et à engager en Europe, ce que nous attendons comme tous les Français à ce
moment précis de la crise. »
Quelques grincements de dents
se font néanmoins entendre.
« C’est l’application de la Constitution que je n’aipas votée. J’irai naturellement écouter le président de la
République. C’est mieux d’apprendre les choses à Versailles qu’au
journal de 20 heures », indique
Jean-Pierre Grand, député (UMP)
de l’Hérault, proche de Dominique
de Villepin. « Mais, ajoute-t-il, c’est
aussi la consécration de la disparition du premier ministre. C’est le
président de la République qui va
faire une déclaration de politique
générale, sans pour autant engager sa responsabilité. »
« Le Congrès va écouter un irresponsable », soutient M. Mamère,
indigné de cette « humiliation »
du Parlement, « alors que le président de la République ne cesse de
démontrer à quel point il foule aux
pieds les droits de ce Parlement,
comme il vient de le faire encore
pour imposer coûte que coûte la loi
sur Internet ».
Au contraire, pour Jack Lang,
seul député du PS à avoir voté la
réforme constitutionnelle, « il n’y
a aucune raison de s’offusquer ».
« Dès lors que la Constitution a été
révisée, le débat est clos. C’est une
disposition qu’au demeurant je
trouve excellente, ajoute le député
du Pas-de-Calais. D’ailleurs, Laurent Fabius lui-même, me semble-t-il, avait suggéré cette idée. » p
Patrick Roger
Son promoteur refuse l’alternative entre
la « perte d’identité » et le « tout religieux »
E
n lançant, vendredi 12 juin, à
l’échelon national sa Fédération laïque des citoyens de
sensibilité musulmane, Mosaïc,
Marouane Bouloudhnine, un
chirurgien orthopédiste niçois,
entend combler « un manque »
pourles« 5à 6millions »decesFrançais, qui constituent une « majorité
silencieuse et éprouvent le besoin de
se faire entendre ». « Ils refusent l’alternative qui les contraint à choisir
entrela perted’identité etletoutreligieux », assure la fédération qui
envisage d’entretenir des relations
« courtoises » avec le Conseil français du culte musulman (CFCM),
représentation religieuse institutionnelledel’islam. « Mosaïcs’interdira de s’intéresser au culte », assure
M. Bouloudhnine.
L’élargissement, au plan national,d’une association qu’ila crééeà
Nice en 2007 est soutenu « au plus
hautniveau de l’Etat », indique aussi son promoteur, qui espère s’appuyer pour son financement sur
des « subventions publiques », sans
référence aux pays d’origine.
Ce projet s’inscrit dans une
volonté partagée par divers
acteurs de la communauté musulmane d’offrir une caisse de résonance laïque aux besoins et difficultés des citoyens de sensibilité
musulmane. « Il s’agit d’un travail
d’équité – donner plus à ceux qui
ont moins – et d’offrir aux jeunes
une forme d’exemplarité en montrant des talents. Comme Obama,
nous souhaitons que les musulmans modérés se mettent en
avant, car ils représentent l’espoir
d’un mieux-vivre ensemble. En
France, les gens ne savent pas ce
qu’est un musulman. A nous de
leur expliquer que l’islam, ce ne
sont pas juste des excités. »
Un autreprojet qui, dans un premier temps, avait repris l’appellation Mosaïc, entend, lui, s’appuyer
sur des mécènes étrangers. A sa
tête, Azzedine Bouamama, un
homme d’affaires, se propose « de
fédérer plusieurs initiatives de ce
type » dans une entité qui n’a pas
encore de nom défini.
Assimilés à un « CRIF musulman », pour la dimension politique qu’ils pourraient porter, les
projets visent selon leurs promoteurs une approche « culturelle,
sociale ou citoyenne ». M. Bouloudhnine insiste sur le caractère apolitique de sa fédération et n’entend
pas se prononcer « sur le port du
voile, par exemple ». Mosaïc « réfute l’appellation de CRIF musulman » et, malgré les risques
« réels », entend éviter « tout communautarisme ». « Les citoyens se
doivent de choisir une voie modérée, laïque et républicaine et non
une logique de radicalisation communautaire qui mène forcément à
l’exclusion », insiste la Fédération.
Les associations qui souhaitent
adhérer à Mosaïc devront respecter des critères, encore à définir. p
Stéphanie Le Bars
France 9
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Procès Stern : Cécile Brossard, « fille gaie » Rude journée
me
devenue « femme en perdition »
pour M Courjault,
Les amis proches de la meurtrière du banquier ont témoigné, vendredi 12 juin, devant
interrogée sur
la cour d’assises de Genève, de la relation destructrice qu’elle et son amant entretenaient
la préméditation
L’accusée n’est plus certaine d’avoir été
« pleinement consciente » de ses maternités
Tours
Envoyée spéciale
V
Mme Stern, l’ex-épouse du banquier, et son avocat à l’ouverture du procès, mercredi 10 juin à Genève. FABRICE COFFRINI/AFP
Genève (Suisse)
Envoyée spéciale
C
écile Brossard était leur
amie. Après le meurtre
d’EdouardStern,ellel’est restée. Lorsqu’elle est entrée dans le
prétoire, vendredi 12 juin, devant la
cour d’assises de Genève, Svetlana L., une longue tige aux cheveux
blonds, a adressé un sourire et un
petit signe de la main à l’accusée.
Dansunfrançais parfait,la jeune
femme russe a raconté leur rencontre chez le galeriste parisien Albert
Benamou, celui-là même qui, lors
d’un dîner en 2001, avait présenté
Cécile Brossard à Edouard Stern.
« Je l’ai vu être à la fois
extrêmement tendre
et extrêmement
humiliant
à son égard »
Un témoin
Elless’étaientliéesetpassaientsouvent du temps ensemble à Paris, à
se raconter leur vie. « J’ai vu peu à
peu l’état de Cécile se dégrader. Elle
est devenue de plus en plus maigre,
elle passait sa vie au téléphone avec
Edouard. Elle l’aimait, elle l’aimait
beaucoup trop. C’était devenu une
relation ingérable. Dès qu’elle
essayait de rompre, il revenait. »
Cécile Brossard, dit-elle, avait
insisté pour qu’elle rencontre
Edouard Stern. Rendez-vous avait
été pris un soir dans son appartement. « On a commencé par un
dîner, on a parlé de sa bibliothèque,
car il y avait beaucoup d’écrivains
russes, commence-t-elle. Au fur et à
mesure, on s’est retrouvés dans sa
chambre à coucher, tous les trois… »
« C’étaitprévu ?,demande laprésidente, Alessandra Cambi FavreBulle, qui veut comprendre à qui
elle a à faire.
– Oui, répond la jeune femme.
– Cécile Brossard vous l’avait
demandé ?
– Oui, elle voulait faire plaisir à
Edouard.
– Et… avez-vous été choquée de
cettedemande ?,poursuitavec flegme la présidente.
– Non, pas du tout. »
Elle reprend le fil de son récit.
« Donc, on a commencé à s’embrasser et j’ai voulu arrêter.
– Euh, vous avez fait un peu
plus…,relève laprésidente, enplongeant dans les procès-verbaux
d’instruction.
– Bien. Voulez-vous que je rentre
dans les détails ? »
Elle entre. Les deux femmes
étaient déguisées en écolières ce
soir-là, avec jupe et socquettes.
Edouard Stern s’était montré un
peu trop direct avec Svetlana, qui
s’était rebiffée, et la soirée avait
tourné court.
Quelques mois plus tard, le trio
s’était retrouvé, dans une chambre
d’hôtel cette fois. Ensemble, ils
avaient eu une première relation
sexuelle. « Dès que ç’a été fini,
Edouard est parti s’installer sur le
La montre, le pull
et la peau d’ours
S
vetlana L. est à la barre des
témoins, vendredi 12 juin,
devant la cour d’assises de
Genève. A une question sur le
niveau de vie de son amie Cécile
Brossard, elle répond : « Cécile ne
dépensait pas beaucoup d’argent.
Elle s’habillait toujours chez NafNaf ou chez Zara. »
Recevait-elle des cadeaux de
son amant, Edouard Stern ? « Je
me souviens qu’une fois, en rentrant d’un rendez-vous avec
Edouard, Cécile était toute contente. Elle m’a dit : “Regarde, il m’a
offert sa montre !”. Elle voulait
changer le bracelet, et elle m’a
demandé de l’accompagner dans
une boutique. Elle en choisit un. Et
là, le vendeur lui dit : “Madame, le
bracelet que vous regardez vaut
beaucoup plus cher que la montre…” » « Une autre fois, poursuit
la jeune femme, Edouard Stern lui
a offert un pull, le prix était encore dessus, il ne dépassait pas
50 euros. » Elle évoque un troisième cadeau : « La peau d’un ours
qu’il avait tué lors d’une chasse en
Sibérie. » p
P. R.-D.
(Genève, envoyée spéciale)
balcon. Je me souviens qu’il lisait un
magazine sur les 100 personnes les
plus riches du monde. Il était très
déçu de ne pas être dedans », ditelle. Le banquier était revenu dans
la chambre pour une deuxième
séance de jeux sexuels à trois. Puis,
il s’était rhabillé et était parti.
« Nous sommes restées seules dans
la chambre, avec le dîner. Cécile
était effondrée. Elle me disait : “Tu
te rends compte, il ne m’a même
pas prise dans ses bras…” »
Letémoinsuivantestun septuagénaire genevois, Daniel F., qui
connaît Cécile Brossard depuis
longtemps. Il était d’abord l’ami de
Xavier Gillet, le naturopathe qui a
tout quitté pour la jeune femme et
qui s’est, peu à peu, résolu à devenir pour elle un père et un protecteur plutôt qu’un amant. « Cécile
était alors une fille gaie, rieuse,
curieuse de tout, d’art, de poésie, de
littérature. Je l’ai vue changer, se
détruire peu à peu, avaler des tas de
pilules roses », dit-il.
Il avait assisté à la naissance de
son idylle avec Edouard Stern, qu’il
connaissait pour des raisons professionnelles. « Je l’ai vu être à la
fois extrêmement tendre et extrêmement humiliant à son égard »,
poursuit-il. Il évoque les
« conseils »queluidemandaitrégulièrementCécileBrossardpour s’assurer de la justesse d’une tournure
de phrase, lorsqu’elle écrivait à son
amant. « Elle voulait être sûre de ne
pas se tromper, car il arrivait à
Edouard de lui renvoyer ses mails
en lui signalant les fautes qu’elle
avait commises… »
La présidente en vient à la question du million de dollars que Cécile Brossard exige en « gage
d’amour » d’Edouard Stern, assorti
d’une promesse de mariage. « Au
début, d’ailleurs, ça devait être un
milliond’euros.Mais,comme, entretemps, le dollar avait baissé, c’est
devenu un million de dollars », se
souvient-il.
Un ami, Cécile Brossard en a
encore un autre, un vrai, un solide.
Il s’appelle Michel Roussel et il est
artisan à Nanteuil-le-Haudouin, le
village de l’Oise où elle avait
acquis une maison en ruine qu’elle faisait retaper. Lui aussi évoque
devant la cour une fille « simple,
gentille, normale si j’ose dire, qui
faisait plein de travaux elle-même,
qui gâchait le plâtre ».
Les douze jurés ne lâchent pas
des yeux ce type solide qui leur
raconte la passion dévastatrice
dont il a été le témoin. « Edouard
Stern, c’était son homme. Elle était
prête à tout, à tout, pour le garder.
Mais enfin, est-ce qu’on peut aimer
un homme qui vous fait tant de
mal ! », s’exclame-t-il, comme
pour lui-même. « Il a essayé… »
Michel Roussel s’interrompt,
reprend. « Je le dis avec beaucoup
de compassion car je respecte
l’homme. Enfin, voilà, il voulait que
je sois son informateur sur Cécile.
J’ai refusé. Il m’a dit : “Michel, je
serai votre débiteur. Je serai généreux avec vous.” »
La voix de l’artisan s’assourdit
dans le micro. « Et puis, il m’a
demandé : “Combien gagnez-vous
par mois ?” »
« Tous les deux
étaient en train de
perdreles pédales. Ils
ont monté un monde
à eux qu’ils n’ont pas
pu dominer »
Michel Roussel
un ami de Cécile Brossard
Il dit encore cette scène où le
banquier se présente à la porte de
lamaison pendant qu’il fait des travaux. Cécile était au supermarché.
« Elle m’avait dit de ne jamais le
laisser entrer. Il est arrivé, m’a
demandé si elle était là, je lui ai dit
que non. Il m’a poussé et il est entré.
Lorsqu’elle est revenue et qu’elle l’a
vu, elle est partie en courant dans la
rue. Il l’a poursuivie. Une demi-heure plus tard, je les ai vus arriver
ensemble, il lui tenait fort le bras,
elle avait l’air paniqué. Cécile m’a
dit de partir, que tout allait bien.
Le soir, je suis revenu la voir. Je
l’ai appelée et elle ne répondait pas.
Je suis montée dans sa chambre,
ellen’y était pas.Je l’ai appeléeencore. Et je l’ai entendue hurler comme
une bête. Elle était dans la cave,
cachée sous une bâche, elle avait
un œil au beurre noir. Je lui disais :
“Mais c’est pas possible, il faut pas
rester comme ça, il va arriver un
malheur !” J’ai eu l’impression que
tousles deux étaienten train de perdre les pédales. Ils ont monté un
monde à eux qu’ils n’ont pas pu
dominer. Cécile, c’était une femme
en perdition… » p
Pascale Robert-Diard
éronique Courjault ne le nie
pas : elle a bien étouffé trois
de ses bébés à l’issue de grossesses menées clandestinement à
terme en 1999 en Charente-Maritime, puis en 2002 et 2003 en Corée
du Sud où elle vivait avec son
époux, Jean-Louis, et leurs deux
fils, aujourd’hui âgés de 14 et 12
ans. Mais, contrairement à ses
aveux d’octobre 2006 et à ses
déclarations durant l’instruction,
elle n’est plus tout à fait sûre
d’avoir été « pleinement consciente » de ces maternités. « Je l’ai su,
puis je ne l’ai plus su », déclare-t-elle à la cour d’assises.
Ce revirement qui remet en
question la circonstance aggravante de préméditation lui a valu, vendredi 12 juin, une rude journée. Pas
question pour le président de la
cour, Georges Domergue, de laisser
les jurés partir en week-end sur le
doux portrait de la mère dévouée,
l’épouse modèle et l’amie fidèle
qu’ont brossé à la barre, durant six
heures, une dizaine de proches ou
de relations de Mme Courjault.
Pour le nuancer, le président a
infligé à l’accusée deux heures supplémentaires d’un interrogatoire
serré, s’attachant à « approfondir
la notion de préméditation ».
Implacable,il aprocédéàlarelecture méthodique des déclarations
de Mme Courjault recueillies durant
plusieursmois.« J’avais pris ladécision de tuer car j’étais allée trop loin
dans le mensonge », a-t-il pioché
ici. « Il fallait que j’aille jusqu’au
bout. Une fois le processus enclenché, je n’étais plus maître de ce qui
allait se passer », a-t-il retrouvé là.
« Les faits, ça n’évolue pas »
« Ben oui, j’ai dit tout ça, a concédé l’accusée. Mais une réflexion, ça
évolue. » « Vous ne croyez pas que
vous aviez pris une bonne démarche d’introspection et de sincérité
au début de ce dossier ? », suggère
Georges Domergue. Muette, Mme
Courjault jette un œil vers son
mari qui l’encourage du regard à
ne pas céder. Malgré la voix qui se
brise et se remplit de larmes, ce
bout de femme de 41 ans et 1 m 56
est un roc. Le président lui parle
encore de ses « grossesses dissimulées ». « Je n’ai pas dissimulé, pour
moi je n’étais pas enceinte », rétorque-t-elle.
Plustôt, elle s’était plainted’être
« acculée ». « Ces interrogatoires
ont eu lieu à des mois d’intervalle,
en présence de vos avocats, vous
n’étiez pas acculée », a coupé le président de la cour d’assises. « J’ai
essayé de trouver des réponses
mais les choses ont évolué », a-t-elle
tenté. « Les faits, ça n’évolue pas »,
lui a répondu le président.
L’avocat général, Philippe
Varin, est venu à la rescousse du
président. « Le 10 octobre 2006,
vous dites à une de vos sœurs : “on
va aller en prison alors qu’on n’a
rien fait”, douze heures plus tard,
vous avouez les deux meurtres de
Corée du Sud et celui du bébé de Villeneuve-la-Comtesse. Comment
être passée de l’ignorance à cette
connaissance approfondie des
faits ? » Mme Courjault se rebiffe :
« Pourquoi j’aurais dit des choses
vraies là, alors que tout le temps
vous dites que je mens ? »
Les journées du lundi 15 et mardi 16 juin, qui seront consacrées
aux experts psychologues et psychiatres seront cruciales. Leurs
conclusions soulignent, notamment, le « clivage psychique »,
« l’absence d’affect » et « les émotions refoulées » de Véronique
Courjault. Elles évoquent aussi
son « pouvoir de dissimulation
conscient et inconscient extrêmement fort (…) réussissant à éloigner les soupçons et parvenant à
donner l’illusion d’une vie normale pendant les trois grossesses dissimulées, y compris après les accouchements clandestins et les infanticides ».
Pour s’en défendre, les conseils
de Mme Courjault ont fait citer des
expertschargés d’expliquer les ressorts du déni de grossesse. p
Patricia Jolly
Huit ans de prison pour la mère d’un bébé congelé
Valérie Serres, la mère d’un
bébé retrouvé mort en
mars 2008 dans un congélateur,
près de Guingamp, a été condamnée, vendredi 12 juin, à huit ans
d’emprisonnement par la cour
d’assises des Côtes-d’Armor. La
cour a assorti cette peine d’un
suivi socio-judiciaire et d’une
injonction de soins d’une durée
de cinq ans.
« Elle a agi dans un état d’immense désarroi », a déclaré, à la barre, Brigitte Elghozi, psychologue
clinicienne. Dans un état « d’incapacité psychologique à
accueillir l’enfant », elle a, selon
elle, été confrontée à la réalité
« telle un coup de massue ». La
congélation constitue, selon
elle, une « symbolique du corps
dont on ne peut se séparer ».
Immigration
Deux nouvelles associations
en zones d’attente
Par arrêté du 27 mai publié au Journal officiel du 9 juin, le gouvernement a habilité deux nouvelles associations à faire des visites en zones
d’attente auprès des étrangers arrivés en situation irrégulière : l’Ordre
de Malte et le collectif Respect. Lors de la suspension, le 30 mai, de l’exécution des contrats sur la mission d’assistance aux personnes placées
en centre de rétention, le juge administratif avait pourtant constaté
que le collectif Respect ne présentait pas « des garanties professionnelles, techniques et financières requises ». p Laetitia Van Eeckhout
Politique Démission des élus de la majorité municipale
de Saint-Cyprien
Les vingt élus de la majorité municipale de Saint-Cyprien, station balnéaire des Pyrénées-Orientales touchée par une affaire de corruption
(Le Monde du 13 juin), ont adressé, vendredi 12 juin, une lettre de démission au préfet. Dans ce courrier rédigé au lendemain de l’incarcération
du maire, Pierre Fontvieille (UMP), ils se disent convaincus de l’« intégrité » de leur « chef de file ». Elu le 2 juin après le suicide, en prison, de Jacques Bouille (UMP), son prédécesseur, M. Fontvieille a été mis en examen pour « soustraction et détournement de biens publics, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt et blanchiment aggravé ». – (AFP.)
10 Economie
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
En hausse
L’agriculture biologique
En baisse
L’Espagne
En 2009, les surfaces engagées dans une
conversion vers le bio devraient être cinq fois
plus importantes qu’en 2008 (63 000 hectares).
La moitié sont consacrées à des grandes cultures.
Madrid a revu à la baisse, le 12 juin, ses prévisions
économiques et anticipe une contraction
du produit intérieur brut de 3,6 % en 2009,
contre un repli de 1,6 % prévu auparavant.
La hausse de l’indice de confiance
des consommateurs américains
mesuré par l’université
du Michigan et publié vendredi 12 juin. Il a atteint
69 points en juin – contre 67,8 points en mai –
progressant pour le quatrième mois consécutif.
+ 1,2
TVA à 5,5 % : les restaurateurs joueront-ils le jeu ?
Les consommateurs redoutent de ne pas bénéficier de cette mesure qui doit entrer en application le 1er juillet
A
quinze jours de l’entrée en
vigueur de la baisse de la
TVA dans la restauration (de
19,6 % à 5,5 %) et une longue gestation – Jacques Chirac l’avait promise en 2002 –, consommateurs et
restaurateurs ne cachent pas leur
scepticisme sur le bénéfice réel de
cette mesure. En contrepartie de
cet allégement fiscal, les restaurateurs se sont engagés sur plusieurs
points : baisser les tarifs, procéder
à 40 000 embauches dont la moitiéen contratsde professionnalisation, augmenter les salaires et les
investissements.
Du côté des consommateurs, le
doute règne quant à la volonté des
restaurateurs de les faire effectivement bénéficier d’une baisse de
prix. Selon une enquête du cabinet
Coach Omnium, spécialisé dans
lesétudes sur le tourisme,l’hôtellerieetla restauration,plusde lamoitié d’entre eux pensent que les restaurateurs n’ont « aucune intention de leur faire profiter d’une
diminution de prix et vont garder
l’argent pour eux ». Le cabinet – il a
interrogé 1 001 clients de la restauration commerciale en mai – ajoute que seuls 26 % des personnes
interrogées pensent que les restaurateurs vont en faire profiter les
clients, « en baissant les prix », 12 %
« en améliorant les prestations,
sans augmenter les prix ». Ils sont
22 % à juger qu’ils vont « en faire
profiter le personnel, en augmentant les salaires ».
Pour Mark Watkins, le patron
de Coach Omnium, « cette enquête confirme en tout cas que les restaurateurs auront fort à faire pour
convaincre les clients de leur sincérité et pour changer leur image de
“Thénardier” », ironise-t-il.
cette enseigne a préparé des affiches sur le thème : « Baisse de la
TVA : La Boucherie s’engage et va
plus loin. » En plus de baisser de
11,8 % les prix de sept produits parmi une liste de dix – c’est ce que
prévoit la mesure –, l’enseigne
répercutera une partie de la baisse
de la TVA « sur plusieurs autres produits », assure Christophe
Mauxion, directeur général du
groupe. Chez Buffalo Grill, JeanFrançois Sautereau, président de
la chaîne (325 restaurants) entend
baisser la TVA sur une quinzaine
de produits. « Les restaurateurs
ont exagéré sur les augmentations
de prix. Il faut maintenant donner
l’exemple en baissant les prix sur
des produits réellement consommés », explique-t-il.
Qu’en est-il justement du côté
des restaurateurs ? La profession,
très hétérogène dans sa structure
avec les chaînes, les indépendants
syndiqués et ceux qui ne le sont
pas, reste partagée sur l’application du taux réduit de TVA et les
avantages immédiats qu’elle pourra en tirer. L’accueil est on ne peut
plus réservé. Selon la taille de l’éta-
blissement, voire du groupe, la perception est loin d’être la même.
« Beaucoup de grosses structures y ont vu une opportunité pour
faire une opération de marketing », regrette Bernard Boutboul,
directeur général du cabinet d’études Gira Sic Conseil, spécialisé,
notamment, dans la restauration
hors foyer. De fait, les chaînes de
restauration et les restaurateurs
connus en ont fait une arme de
communication sur laquelle le
gouvernement ne manquera pas
des’appuyer. Le groupe Flo(Hippopotamus, Bistro Romain, Brasseries Flo) a d’ores et déjà approuvé
la démarche de baisse des prix et
compte aller au-delà des préconisations prévues. « Nous n’ignorons
pas que les clients sont sceptiques.
Mais par cette action, nous souhaitons apporter la preuve qu’ils
seront les bénéficiaires de cette opération », explique au Monde Dominique Giraudier, président du
groupe Flo.
La démarche est identique au
siège de La Boucherie. Le groupe
qui exploite 65 restaurants sous
« Je ne vais rien changer, si ce n’est, peut-être, offrir le café »
Reportage
Rue Campagne-Première, dans le
14e arrondissement de Paris, la
baisse prochaine de la TVA alimente les conversations des restaurateurs. Les principaux intéressés
expriment des avis divergents,
sans trop savoir encore comment
ils la répercuteront.
Pour Anita et Christian Sochas,
propriétaires du Natacha, « la baisse de la TVA a été mal présentée.
Les gens ont l’impression qu’on va
les arnaquer. Je vais donc garder
une ancienne carte des menus
pour montrer aux clients que j’ai
fait un effort sur les prix ». Mais,
pour ce couple, le vrai problème
est la baisse de la fréquentation –
de 40 % – observée depuis septembre 2008 : « Rien ne garantit
qu’une baisse des prix de 10 % fera
revenir le consommateur », observent-ils. Et en période de crise, les
déjeuners d’affaires se font plus
rares : « Mes clients ont euxmêmes moins de clients. » De plus,
la réduction de la TVA à 5,5 %
entraîne la disparition… des réduc-
tions des charges sociales. « On
nous donne d’une main et on nous
reprend de l’autre », se désespèrent les restaurateurs.
Dans le restaurant voisin, la
gérante, Valérie Delahaye, tient
un tout autre discours. « La baisse
de la TVA, on la demande depuis
quinze ans, on ne va pas bouder
notre plaisir maintenant, même si,
pour ma part, je ne vais rien changer, confesse-t-elle, si ce n’est, peutêtre, offrir le café. » Le café, donc,
comme variable d’ajustement.
Pour le serveur du bistrot d’à côté,
la baisse de la TVA permettra de
réduire son prix de « 15 centimes ». Dans son établissement,
aucune embauche n’est prévue,
mais une consolidation des marges, et une possible « augmentation de salaire ». Des mesures
insuffisantes pour pouvoir apposer l’autocollant « la TVA baisse,
nos prix aussi », sur la devanture.
Le patron du bar-restaurant
Le Camilou assure aussi que cette
mesure « ne changera rien » pour
lui, même s’il s’est engagé à baisser le prix de son plat du jour. Sa
plus grande crainte est que « les
clients viennent à manquer ». Et
les petits restaurateurs sont formels, la TVA à 5,5 % profitera surtout aux grandes enseignes.
Ceux de la rue Campagne-Première ne savent pas encore quels
effets aura cette mesure. Ils ont
pourtant déjà tous reçu un bulletin d’adhésion à l’UMP accompagné d’un tract du parti majoritaire, intitulé : « Engagement pris,
promesse tenue. » p
Thomas Lafarge
et Margot Moreau
Vague de scepticisme
Quant aux embauches, aucun
restaurateur n’a prévu de répondre à cet engagement. Au moins
dans l’immédiat. « 40 000 emplois
alorsquelamesurevacoûter2,5milliards d’euros, cela fait 62 500 euros
par emploi. Ce n’est pas sérieux ! »,
souligne pour sa part l’économiste
Thibault Gajdos.
Pour les « poids lourds » du secteur, l’application de la TVA réduite ne présente pas de difficultés. Il
en va autrement pour les indépendants. Si un restaurateur est affilié
à une organisation patronale comme l’Umih (Union des métiers de
l’industrie hôtelière), il devrait
être moins désarmé que son confère non syndiqué. Depuis quelques
semaines, l’organisation patronale s’est, en effet, lancée dans une
campagne d’information à l’attention de ses adhérents. Christine
Pujol, la présidente de l’Umih,
enchaîne les assemblées auprès de
ses adhérents « pour expliquer
pourquoi [on] a intérêt à le faire ».
Les pouvoirs publics se veulent,
eux, rassurants. « A la clôture des
Etats généraux de la restauration
le 28 avril, il y a eu une vague de
scepticisme pour dire que les restaurateurs ne joueront pas le jeu et
ne baisseront pas les prix », explique Hervé Novelli, secrétaire
d’Etat chargé du commerce et du
tourisme. Lui-même s’est lancé
dans un « tour de France » explicatif. Selon le secrétaire d’Etat, « les
mentalités ont déjà changé ». Il pronostique même que « ceux qui
joueront le jeu auront un avantage
concurrentiel ! » p
François Bostnavaron
Chez Osram, 108 personnes sont menacées de perdre
leur emploi pour avoir refusé une baisse de leur salaire
Paradis fiscaux
Face à la crise, des entreprises demandent à leurs personnels de se serrer la ceinture
La Suisse a conclu avec la France un « accord de double imposition »
conforme aux normes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) permettant la levée du secret bancaire
dans les échanges d’informations fiscales entre les deux pays, ont
annoncé, le 12 juin, les autorités françaises et helvétiques. L’accord
devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2010, a précisé Bercy dans un
communiqué. Il prévoit que l’administration française pourra, en cas
de soupçon, demander aux autorités suisses des informations fiscales
sur « toute personne morale, physique ou fiducie » sans se voir opposer
le secret bancaire, a expliqué le ministre français du budget,
Eric Woerth, précisant que ce texte n’était pas « rétroactif ». – (AFP.) p
P
our avoir refusé une baisse
de leur salaire, 108 personnes employées par le fabricant d’ampoules Osram risquent
de perdre leur emploi. Lundi
8 juin, lors d’une réunion extraordinaire du comité d’entreprise
(CE), la direction a annoncé « la
mise en place d’un plan social qui
touche ces 108 salariés », rapporte
un porte-parole de la société. Cette
filiale du groupe allemand Siemens emploie quelque 800 personnes en France, dont environ
650 à Molsheim (Bas-Rhin).
Il y a quelques mois, Osram
avait demandé à ses personnels de
se serrer la ceinture. Aux cadres,
elle avait proposé une suppression
graduelle des journées de RTT –
mais les syndicats s’y sont opposés. Les non-cadres, eux, avaient
été invités à accepter une réduction du taux horaire de leur salaire
de 12,5 % sur trois ans ; ils avaient
un mois pour se prononcer sur cet
avenant à leur contrat de travail.
Finalement, un peu plus de cent
personnes ont dit non.
Ce projet d’entreprise est lié à
une directive européenne qui
ordonne l’arrêt de la fabrication de
lampes à incandescence en plusieurs étapes d’ici à 2012. Or l’usine
de Molsheim produit ce type de
biens. La direction a donc décidé de
redéployer son activité vers
d’autres marchés tout en cherchant à améliorer la compétitivité
du site alsacien.
Ceux qui n’ont pas voulu subir
une diminution de leur paye peuvent encore se raviser : le plan présenté le 8 juin prévoit des offres de
reclassement au sein du groupe,
assorties de cette même baisse de
salaire. « Si l’on propose des postes
aux “108”, cela veut dire que le plan
social n’est pas justifié par un motif
économique, observe Isabelle
Astié, secrétaire (FO) du CE et déléguée syndicale. La direction cherche uniquement à gagner de l’argent sur le dos des salariés. »
Pressions
Une majorité du personnel de
production a accepté de rogner sur
son gagne-pain parce que des pressions ont été exercées, selon
Mme Astié. Faux, rétorque un porteparole d’Osram. « L’encadrement a
essayé de montrer le bien-fondé de
la démarche », plaide-t-il. Tout
s’est déroulé « dans la transparence » et sur la base du volontariat.
A l’automne 2008, confronté à
un recul de son chiffre d’affaires, le
tour opérateur Donetallo avait
demandé à ses collaborateurs d’accepter une diminution (temporaire) de salaire et du temps de travail, faute de quoi ils seraient licenciés (Le Monde du 17 février).
En avril, le constructeur d’ordinateurs Hewlett-Packard France
avait présenté des mesures d’économie qui envisageaient des baisses de rémunération. Mais la direction avait précisé qu’elle ne procéderait à aucun licenciement économique en cas de refus. Idem
chez le loueur de voitures Hertz,
où ce sacrifice a été réclamé aux
cadres pour une période de trois
mois, à condition qu’ils soient
consentants. p
Bertrand Bissuel
La Suisse et la France signent
un accord levant le secret bancaire
Crise
L’Etat de Californie risque
la banqueroute à la mi-juin
Le gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, a
appelé, les élus, le 12 juin, à adopter de nouvelles coupes budgétaires
pour lutter contre un déficit massif, prévenant que l’Etat risquait d’être
à court de liquidités vers le 15 juin. Les mesures de rigueur envisagées
par M. Schwarzenegger devraient entraîner le licenciement de
5 000 fonctionnaires et réduire les dépenses d’éducation de 5 milliards
de dollars (3,5 milliards d’euros). Par ailleurs, l’année scolaire serait raccourcie de sept jours, et 38 000 détenus – jugés non violents – verraient
leur peine commuée pour accélérer leur libération. – (AFP.) p
Marchés 11
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Matières premières Alain Faujas
L’éthanol à la ramasse
Q
u’ont en commun Richard
Branson, le tonitruant
patron de Virgin, et les fermiers du Midwest américain ou de l’Ile-de-France ? Ils sont
sacrément heureux de la reprise
du prix du pétrole, parce que cela
pousse à la hausse celui de l’éthanol d’origine agricole qui, mélangé au super, devient un carburant
jugé moins polluant par le monde
paysan mais absolument honni
par les écologistes.
A Rotterdam (Pays-Bas), le
mètre cube d’éthanol remontait,
vendredi 12 juin, à 455 euros, après
un effondrement à 415 en mai.
Bien loin du pic de 636 euros, en
septembre 2008.
Les agriculteurs fournissent le
maïs – ou la betterave – avec lequel
on fabrique cet alcool. M. Branson
a investi plus de 500 millions de
dollars (358 millions d’euros) dans
des distilleries qui le produisent.
Depuis juillet 2008, ils perdaient
leur chemise, étranglés par l’explosion du prix des matières premières qui entrent pour moitié dans le
coût de fabrication de l’éthanol et
un prix de vente en chute libre.
Côté américain, une dizaine de
fabricants d’éthanol ont dû déposer leur bilan. Les experts estiment
qu’ils perdent 17,6 cents de dollar
par gallon. Pour survivre, ils
demandent à Washington d’obliger les pétroliers à incorporer 15 %
d’éthanol dans le super, contre
10,2 % aujourd’hui.
Ce n’est pas gagné, car les éleveurs de poulets et de dindes, tout
comme les restaurateurs réunis
dans l’association La nourriture
avant le carburant redoutent que
l’affectation d’un tiers de la récolte
américaine de maïs aux autos ne
Paris
Francfort
Londres
Eurostoxx 50 New York
— 0,39 %
— 0,15 %
+0,8 %
+0,24 %
CAC 40
DAX 30
FTSE 100
5 069,24 points
4 441,95 points
+0,41 %
Nasdaq
Tokyo
+0,51 %
+3,77 %
Dow Jones
2 509,22 points
8 799,26 points
Nikkei
Pourvu que ça dure !
3 326,14 points
COURS DE L’ÉTHANOL À ROTTERDAM,
en euros par mètre cube
1 858,80 points
10 135,82 points
650
Les marchés s’offrent une pause
600
S’ils croient toujours à la reprise, les investisseurs redoutent une croissance durablement molle
550
500
455
450
400
Juillet 2008
12 juin 2009
SOURCE : METASTOCK
renchérisse la nourriture des bêtes
et des hommes.
En France, on fait le gros dos,
escomptant comme les émirs un
renchérissement de l’or noir.
« Cela nous redonne une marge de
manœuvre importante », explique Alain d’Anselme, président du
SNPAA, qui regroupe les industriels de l’alcool et de l’éthanol.
Mais cela ne suffirait pas à résisterà une hausse des prix des matières premières ou à des taux de
change erratiques. « L’Union européenne doit respecter les règles
communautaires en matière d’importations d’éthanol [du Brésil],
dit M. d’Anselme, et respecter l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports en 2020.
Cela nous donnerait de véritables
perspectives. »
En clair, M. Branson et les agriculteurs ne veulent pas trop de
concurrence avant d’être en mesure de l’affronter et d’avoir un marché en croissance. Pas sûr que cela
les tire d’affaire pour autant. p
D
epuis près de trois mois,
sur les marchés, des clignotants verts s’allument les
uns après les autres. L’apparition
de ces green shots (lueurs d’espoir)
avait fini par convaincre les investisseurs que la sortie de crise ne
pouvait plus être loin et que la
reprise était certaine. Certes, le
retour de la croissance est prévu
pour 2010, et même pour la fin
2009 aux Etats-Unis. Mais celle-ci
sera sans doute molle. Très molle.
Les investisseurs commencent
ainsi à réaliser que si le futur de
l’économie mondiale ne se pare
plus de noir, il est encore trop tôt
pour oser le rose. Et après leur étonnante progression (30 % depuis
début mars), la plupart des Bourses en Europe et aux Etats-Unis ont
éprouvé le besoin de souffler. En
cinq séances le Footsie de Londres
a pris 0,08 %, le Dax allemand a
cédé 0,15 % et le CAC s’est replié de
0,39 %. A New York, sur la semaine,
le Dow Jones a progressé de 0,41 %.
« A moyen terme, on ne voit pas
le marché aller beaucoup plus
haut », ajoute Yves Maillot, responsable de la gestion chez Robeco. De
fait, cette crise a été la pire que le
monde ait traversée depuis l’aprèsguerre et « ce n’est pas le résultat
d’une “simple” surchauffe mais
une remise en question de tout le
système de financement de la crois-
Capitaux Isabelle Ehrhart
Taux et changes
U
S
sance », poursuit Jean-Louis Mourier, analyste chez Aurel BGC.
Lors de la reprise, la dette,
moteur de l’économie « ante crise », ne sera donc sans doute pas
utilisée avec la même ampleur.
Et même si les banques vont
mieuxet si les établissements américains aidés par l’Etat, tels JPMorgan Chase ou Morgan Stanley sont
prêts à rembourser les aides
reçues, les experts savent qu’elles
ne se comporteront plus comme
avant, qu’elles ne prêteront plus
autant ou, lorsqu’elles le feront,
pour un coût bien plus élevé.
Si le futur
de l’économie
mondiale ne se pare
plus de noir,
il est encore trop tôt
pour oser le rose
Enoutre, il faudra, demain, rembourser les gigantesques plans de
relance mis en œuvre par les Etats.
Autrement dit, quand les choses
iront vraiment mieux, les hausses
d’impôts seront inévitables, et
elles gripperont la reprise.
Sur le marché, les plus optimistes, les bulls, par opposition aux
bears, les pessimistes, n’ont toute-
fois pas dit leur dernier mot. « On
est au plancher, c’est le moment
d’investir », estime Matthieu
Grouès, directeur chez Lazard frères gestion, qui s’attend par un
effet mécanique à un rythme de
croissance « colossal ».
Selon lui, les annonces désastreuses d’industriels – la mise en
faillite du constructeur automobileaméricain General Motors oucelle du géant de la distribution allemand Arcandor cette semaine ne
sont pas une source d’inquiétude.
Car les difficultés de ces firmes
reflètent le présent et non le futur.
Quant à la progression continue
du chômage évoquée comme un
des freins majeurs à la reprise,
d’un point de vue boursier, « c’est
un faux problème », affirme
M. Grouès. Là encore le chômage
n’est pas un indicateur avancé,
mais « retardé » de l’économie.
L’audace des bulls a toutefois
ses limites. Personne n’a oublié la
crise et les dégâts qu’elle a provoqués. S’ils croient à la hausse, les
gérants savent qu’elle s’étalera sur
plusieurs années. « Il faut investir
sur trois à quatre ans », précise
M. Grouès. Dans l’intervalle, des
corrections ne sont pas exclues.
Aussi, les valeurs « cycliques »
plus sensibles aux aléas de la croissance, comme celles du secteur
automobile, ont été plébiscitées
1 ¤ = 1,4016 $
b
Taux à 10 ans (France) = 3,965 %
ces dernières semaines – Peugeot
est la plus forte hausse du CAC 40.
La plupart des investisseurs ont
maintenant conscience qu’il ne
faut pas aller trop loin.
Les opérateurs, bulls comme
bears, préfèrent les valeurs plus
défensives, notamment celles du
secteur de la santé. Une conviction
renforcée après l’annonce de pandémie de grippe porcine. L’Organisation mondiale de la santé a
déclenché, jeudi, le niveau 6 d’alerte maximale face à la grippe A
(H1N1). Ceci a un peu cyniquement
dopé le cours de laboratoires comme GlaxoSmithKline qui a un vaccin en préparation, et de ses rivaux
AstraZeneca et Shire.
Le secteur de l’énergie est aussi
privilégié. Mais les investisseurs
sont gênés par la remontée brutale
du pétrole, au-dessus de 70 dollars
le baril. Est-ce une bonne ou une
mauvaise nouvelle ?
Sans doute un peu les deux. car
il s’agit peut-être d’un « indicateur
avancé » d’une reprise de la
demande mondiale, qui profite de
surcroît à des groupes comme
Total, ou Shell. Mais la hausse des
prix du carburant est aussi un facteur de coûts pour les entreprises
et une ponction sur le pouvoir
d’achat des ménages. De quoi
ramollir la croissance à venir. p
Claire Gatinois
b
Taux à 10 ans (US) = 4,794 %
Changement de rythme La couronne suédoise piégée par la Lettonie
n nouveau tempo, moins
frénétique qu’en début
d’année, rythme le marché
du crédit. Janvier semble déjà loin,
lorsque l’on ne comptait plus les
semaines où les entreprises non
financières empruntaient quelque 10 milliards d’euros.
Cette deuxième semaine de
juin n’a vu qu’une émission notable, celle de ThyssenKrupp. Le sidérurgiste allemand est venu solliciter les investisseurs institutionnels pour la deuxième fois de l’année. Le 8 juin, il a emprunté 1 milliard d’euros remboursables dans
cinq ans avec un coupon à 8 %.
A titre de comparaison, EDF va
proposer aux particuliers 4,5 %
pour la même maturité. Une différence qui s’explique par deux qualités de signature aux antipodes.
L’allemand est noté BBB – par
Fitch, Baa3 par Moody’s et BBB –
par Standard and Poor’s. Les trois
agences sont d’accord pour juger
que cela ne devrait pas s’arranger.
EDF bénéficie d’un A +, Aa3, et A +,
et seule Standard and Poor’s évoque une possible dégradation.
S’ils ne sont pas pessimistes, les
professionnels considèrent cependant que ce rythme qui paraît bien
mou pourrait perdurer. La raison
essentielle tient aux volumes
émis jusqu’à présent. Avec 180 milliards d’euros empruntés depuis le
1er janvier, les entreprises ne sont
pas loin d’avoir fait le plein de dettes. Pour le second semestre, les
volumes attendus sont de l’ordre
de 50 à 70 milliards d’euros de nouvelles émissions de la part des
sociétés non financières.
Dans le même temps, les investisseurs institutionnels devraient
rester demandeurs d’obligations
d’entreprise. D’une part, de nombreux paiements de coupons et
remboursements d’obligations
sont encore attendus au second
semestre, conséquences des nombreuses émissions lancées
en 2002 et 2004.
D’autre part, les banquiers
notent l’arrivée sur le marché de
l’euro de nouveaux investisseurs,
américains notamment, dont l’appétit est énorme.
De quoi maintenir, au moins,
les primes de risque à leur niveau
actuel.Pour les meilleures signatures, des simples A comme EDF, l’indice reflétant l’évolution des primes de risque, l’Iboxx, est revenu à
son niveau d’octobre 2008. Quand
au taux d’intérêt offert par cette
même qualité d’emprunteur, il est
revenu
à
son
niveau
d’avril 2007. p
Société des lecteurs du « Monde »
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n’entraîne pas de droit de garde
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Cours de l’action
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ouvent érigée au rang de
modèle au plan économique
et social, la Suède paie aujourd’huisesexcès.Laboulimied’investissement de ses banques dans les
pays baltes au début de la décennie
l’a conduite aujourd’hui à devenir
l’otage de la Lettonie. Depuis plusieurs mois, sa monnaie, la couronne, ne fluctue plus qu’au rythme
des bonnes et des mauvaises nouvelles de la santé financière de ce
pays au bord de la faillite. La monnaie suédoise a repris 1,7 % cette
semaine – il fallait 10,7 couronnes
pour faire 1 euro vendredi 12 juin –,
après avoir perdu quasiment 4 % la
semaine précédente.
La Banque centrale suédoise, la
Riksbank,adécidé,mercredi,d’utiliser l’accord temporaire d’échanges
dedevisesmisenplacele20décembre 2007 avec la Banque centrale
européenne (BCE). Elle va lui
emprunter 3 milliards d’euros
contre des couronnes suédoises –
sur les 10 milliards d’euros que prévoit le contrat –, de manière à assurer les besoins potentiels de liquidités en euros de son système bancaire. « Cette nouvelle intervient peu
de temps après que la Riksbank a
obtenu l’accord du gouvernement
suédois pour emprunter l’équivalent de 100 milliards de couronnes
afin de reconstituer ses réserves de
change », notent les experts d’UBS.
La Suède, qui a dépensé des sommes considérables pour soutenir
son système bancaire en difficulté,
avait vu ses réserves fondre comme neige au soleil. Les agences de
notation financière s’étaient à de
nombreuses reprises alarmées de
l’exposition des banques suédoises aux pays baltes. Mercredi,
Stockholm a publié le résultat des
tests de résistance de ses établissements financiers. Les quatre grandes banques du pays – Nordea,
Handelsbanken, SEB et Swedbank
– sont toutes en mesure de résister
à des pressions économiques
Une devise
sous pression
EURO EN COURONNES SUÉDOISES
11,6
11,2
10,7179
10,8
10,4
Décembre 2008
12 juin 2009
SOURCE : BLOOMBERG
« extrêmes », comme des pertes
sur crédit de 350 milliards de couronnes (32,5 milliards d’euros)
entre 2009 et 2011.
Autre bonne nouvelle pour la
Suède, le gouvernement letton
semble avoir pris conscience qu’il
devaitfaire des coupes budgétaires
drastiques pour rassurer les investisseurs internationaux et éviter la
dévaluation de sa monnaie, le lats.
Celui-ci est arrimé à l’euro par un
système de « peg » (ancrage), avec
une bande de fluctuation de 1 %
face à l’euro. Un mécanisme qui a
contraint la Banque centrale à
débourser près de 644 millions de
lats (922 millions d’euros) cette
année pour stabiliser sa devise.
Situation préoccupante
La situation en Lettonie, où les
tensions sociales avaient débouché en janvier sur des émeutes et
sur la démission dupremier ministre, reste préoccupante. Le marché
du lats est presque gelé, les taux
d’intérêt au jour le jour ont atteint
100 %, et le président letton, Valdis
Zatlers, a prévenu, mercredi, qu’il
s’agirait d’un « meurtre économique » si son pays ne parvenait pas à
obtenir d’aide supplémentaire du
Fonds monétaire international
(FMI). La Lettonie espère obtenir
uneaide supplémentaire de 1,2 milliard d’euros, après celle de 7,5 milliards obtenue en décembre 2008.
La Commission européenne a
prévenu le pays qu’il risquait de se
voir refuser une deuxième tranche
de prêt faute de nouvelles économies, car le plan initial se fondait
sur un déficit de seulement 5 % du
produit intérieur brut (PIB) en
2009,largement dépassé. Le ministre suédois des finances, Anders
Borg, a appelé mardi le FMI et la
communauté internationale à
accorder rapidement à la Lettonie
les fonds dont elle a besoin.
Il reste néanmoins un risque de
dévaluation du lats. Un éventuel
abandon de son ancrage à l’euro
inquiète profondément les autorités monétaires internationales,
tant il serait dangereux pour toute
la région, risquant de déclencher
une fuite de capitaux, mais aussi
pour lesménages et entreprises lettons. Eux reçoivent salaires et
recettes en devise locale, mais se
sont fortement endettés en euros,
ces dernières années, sachant que
le risque de change était neutralisé
par le système de peg.
Les agences de notation ont
multiplié les alertes cette semaine.
Evoquant un « risque important et
croissant », Fitch estime que la Lettonie pourrait devoir dévaluer sa
monnaie malgré les efforts qu’elle
a déployés cette semaine pour
réduire ses dépenses budgétaires.
Sa concurrente Moody’s a jugé que
la Lettonie était en mesure, pour le
moment, d’éviter une dévaluation
à court terme. p
Cécile Prudhomme
SOCIÉTÉ DES LECTEURS
DU 123
Lecteurs sans frontières (LSF)
La SDL se mobilise pour favoriser la liberté de la presse et l’accès
à l’information en alimentant le fonds « Lecteurs sans frontières »,
qui finance des abonnements pour des lecteurs dans des pays en
difficulté.
Ces abonnements sont destinés à des personnes, ainsi qu’à des
associations ou institutions, engagées un peu partout dans le
monde dans des actions citoyennes pour le développement économique et social, pour la défense des droits de l’homme, de la
liberté de l’information ou encore la diffusion de la lecture et l’enseignement du français. Faute de moyens financiers ou en raison
d’obstacles politiques, ces personnes ne pourraient, sans vous,
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rubrique Lecteurs sans frontières
12 Valeurs
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
en euros à Paris
en euros à Paris
en euros à Paris
18,5
16,0
45
32,5
18,0
15,26
15,5
17,51
43
17,5
15,0
17,0
14,5
16,5
14,0
16,0
13,5
37
15,5
13,0
35
en euros à Paris
31,5
40,3
41
en euros à Paris
31
9,0
29
8,6
30,5
39
27
25,18
+ 12,3% + 12,2% + 9,55% – 8,89% – 10,4% – 17,6%
8 juin
12 juin 2009
8 juin
12 juin 2009
29,5
29,5
7,8
28,5
8 juin
12 juin 2009
8,06
8,2
8 juin
12 juin 2009
25
23
8 juin
12 juin 2009
8 juin
12 juin 2009
SOURCE : BLOOMBERG
en euros à Paris
UBISOFT
Opportun
VALEO
Recommandé
SPERIAN PROTECTION
Fièvre
CARREFOUR
Inquiétudes
PAGES JAUNES
Incertitudes
WENDEL
Effet « baron »
L’action de l’éditeur de jeux vidéo
français Ubisoft a progressé de
12,3 %, à 17,51 euros entre le lundi 8 et le vendredi 12 juin. Elle a
bénéficié de recommandations à
l’achat d’analystes. L’entreprise
profite surtout du succès de la
console Wii, sur laquelle elle a
beaucoup misé. Par ailleurs, les
investisseurs avaient l’occasion
de revenir sur le titre : il avait été
massacré en Bourse après la publication, fin mai, de résultats
2008-2009 jugés décevants, bien
qu’en ligne avec les prévisions de
la société.
L’équipementier automobile a
profité d’un relèvement de recommandation de Bank of AmericaMerrill Lynch, de « neutre » à
« acheter ». Le titre Valeo en a profité pour s’apprécier en Bourse.
Entre le 8 et le 12 juin, il a progressé de 12,2 %, à 15,26 euros. Lors de
l’assemblée générale du groupe,
le 9, la direction a confirmé sa prévision d’une baisse du marché
automobile de 30 % au premier
semestre et de 20 % sur 2009,
ajoutant qu’elle « n’anticipait pas
de retour de conditions de marché
normales avant 2011 ou 2012 ».
En portant le niveau d’alerte de la
pandémie porcine à son niveau
maximal, l’Organisation mondiale
de la santé a provoqué un échauffement sur le titre Sperian Protection. Cette société française est le
numéro un mondial des fabricants de masques de protection.
En 2007, la protection respiratoire représentait 20 % de son chiffre
d’affaires. Au premier trimestre,
les ventes atteignaient 153 millions d’euros en repli de 18 %. L’espoir de leur regain a dopé l’action
en Bourse qui, en cinq séances, a
pris 9,55 % à 40,3 euros.
Le deuxième distributeur mondial va-t-il lancer un avertissement sur ses résultats ? Cette
rumeur a animé la séance du
11 juin, au cours de laquelle le titre
Carrefour a cédé 3,67 %. Le groupe
doit publier son chiffre d’affaires
le 16 juillet et ses résultats semestriels le 28 août. Le mouvement
des agriculteurs – ils ont bloqué
des magasins et des centrales
d’achat – a dû également peser
sur le cours de l’action. En cinq
séances, il s’est replié de 8,89 % à
29,5 euros, la plus forte chute du
CAC 40 sur la semaine.
En cinq séances, le titre Pages jaunes a plongé de 10,4 % à
8,06 euros. Cette chute intervient
dans un contexte spéculatif après
le départ surprise, le 25 mai, du
directeur général de l’entreprise –
Michel Datchary – remplacé par
Jean-Pierre Remy. Les investisseurs s’interrogent sur l’avenir de
cette ancienne filiale de France
Télécom désormais contrôlée par
Mediannuaire, filiale du fonds
d’investissement KKR. Le 12 juin,
la société a annoncé que Julien
Billot, ex-Lagardère Active, serait
directeur général du pôle Internet.
Est-ce l’annonce de la reconduction d’Ernest-Antoine Seillière à la
présidence du conseil de surveillance de la société – il était
contesté par une minorité d’actionnaires – ou celle d’« une perte
comptable très significative »
attendue en 2009 qui a fait chuter
le cours de l’action Wendel à la
Bourse de Paris ? Sans doute les
deux. En cinq séances, le titre de la
société d’investissements a abandonné 17,6 % à 25,18 euros. Depuis
le 1er janvier, il s’est affaissé de
près de 30 %, de près de 70 % en
un an.
VALEURS DU SBF120
Valeurs françaises et zone euro
Vendredi 12 juin 19h40
Valeur
Dernier
cours
Sem.
préc.
% var.
/heb.
% var.
31/12
ACCOR ............................◗ 30,16 30,50 -1,13 -14,10
ADP ....................................◗ 53,49 54,00 -0,94 10,54
AIR FRANCE-KLM .............◗
9,98 10,84 -7,93 8,83
AIR LIQUIDE ......................◗ 66,75 66,05 1,07 1,99
ALCATEL-LUCENT .............◗
2,01
1,93 3,94 30,92
ALSTOM.............................◗ 44,84 47,67 -5,96 6,80
ALTEN ................................◗ 13,20 12,79 3,25 -13,10
ALTRAN TECHNO..............◗
2,29
2,23 2,64 -15,81
APRIL GROUP ....................◗ 23,65 25,00 -5,40 30,66
ARCELORMITTAL................ 25,11 24,95 0,62 47,71
AREVA CIP ........................... 446,00 444,47 0,34 27,43
ARKEMA ............................◗ 19,14 19,65 -2,60 56,24
ATOS ORIGIN ....................◗ 24,93 24,60 1,36 39,19
AXA....................................◗ 14,54 14,71 -1,19 -8,24
BENETEAU.........................◗
8,82
8,79 0,31 30,64
BIC......................................◗ 40,76 39,60 2,92 -1,01
BNP PARIBAS ACT.A ........◗ 49,83 47,85 4,14 64,73
BONDUELLE ......................◗ 56,25 58,10 -3,18 -4,17
BOURBON .........................◗ 31,25 32,79 -4,71 73,20
BOUYGUES........................◗ 26,30 28,25 -6,92 -12,91
BUREAU VERITAS .............◗ 35,95 36,52 -1,55 25,10
CAP GEMINI ......................◗ 26,00 26,33 -1,25 -5,45
CARBONE-LORRAINE .......◗ 21,73 21,86 -0,62 22,04
CARREFOUR ......................◗ 29,50 32,38 -8,89 7,19
CASINO GUICHARD .........◗ 49,09 50,82 -3,39 0,13
CGG VERITAS ....................◗ 14,65 13,96 4,91 38,21
CIMENTS FRANCAIS.........◗ 67,21 68,42 -1,77 11,42
CLUB MEDITERRANEE......◗
9,81
9,55 2,72 -18,11
CNP ASSURANCES............◗ 69,70 68,85 1,23 34,40
CREDIT AGRICOLE ............◗ 10,95 10,78 1,62 36,88
DANONE............................◗ 34,22 33,41 2,41 -16,06
DASSAULT SYSTEMES......◗ 33,15 32,08 3,34 2,55
DERICHEBOURG.................
1,98
1,67 18,56 22,75
DEXIA ..................................
6,41
5,79 10,82 100,44
EADS ..................................◗ 11,38 11,70 -2,74 -5,44
EDF .....................................◗ 35,63 35,42 0,58 -14,14
EDF ENERGIES NOUV.......◗ 35,90 35,66 0,69 42,18
EIFFAGE .............................◗ 43,90 43,97 -0,16 17,47
ERAMET .............................◗ 224,61 206,31 8,87 62,76
ESSILOR INTL.....................◗ 34,63 33,22 4,24 3,16
EULER HERMES.................◗ 45,90 49,10 -6,53 30,88
EURAZEO...........................◗ 33,10 33,00 0,30 -1,34
EUTELSAT COMMUNIC....◗ 17,66 18,00 -1,83 4,53
FIMALAC............................◗ 37,39 39,85 -6,17 66,92
FONC.REGIONS. ...............◗ 53,65 55,00 -2,45 9,49
FRANCE TELECOM ............◗ 16,09 15,96 0,81 -19,41
GDF SUEZ ..........................◗ 27,25 27,73 -1,73 -22,86
Plus
haut
Plus
bas
37,50 25,20
54,94 35,11
11,70
6,21
68,90 55,02
2,16
0,87
51,45 33,38
15,69
9,55
3,40
1,74
25,94 17,63
26,05 12,57
474,98 303,51
20,84
9,71
26,93 16,50
17,35
5,71
9,99
4,90
45,35 34,43
50,30 20,66
60,22 48,69
34,50 18,00
35,87 21,77
37,50 25,25
29,94 21,12
23,00 15,25
33,05 22,06
52,16 39,88
15,11
7,63
75,95 46,10
14,00
8,91
70,00 38,84
12,16
5,90
43,24 31,23
34,05 25,00
2,17
1,26
6,59
1,10
14,40
8,12
44,15 26,55
37,48 24,26
45,85 26,79
238,50 108,00
35,26 26,08
49,90 19,02
35,18 15,60
18,40 14,90
42,89 20,61
59,50 33,88
20,83 15,91
36,00 22,70
Divid.
net
1,65
1,38
0,58
2,25
0,16
1,60
n/d
0,20
0,37
0,16
6,77
0,75
0,40
0,40
0,43
1,35
1,00
1,50
0,90
1,60
0,72
1,00
0,62
1,08
2,53
1,22
3,00
1,00
2,85
0,45
1,20
0,46
0,08
0,68
0,17
0,64
0,27
1,20
5,25
0,66
1,50
1,20
0,60
1,50
5,30
0,40
0,60
T
T
T
T
T
T
T
T
A
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
T
S
T
T
T
T
T
T
D
T
T
S
S
Code
ISIN
FR0000120404
FR0010340141
FR0000031122
FR0000120073
FR0000130007
FR0010220475
FR0000071946
FR0000034639
FR0004037125
LU0323134006
FR0004275832
FR0010313833
FR0000051732
FR0000120628
FR0000035164
FR0000120966
FR0000131104
FR0000063935
FR0004548873
FR0000120503
FR0006174348
FR0000125338
FR0000039620
FR0000120172
FR0000125585
FR0000120164
FR0000120982
FR0000121568
FR0000120222
FR0000045072
FR0000120644
FR0000130650
FR0000053381
BE0003796134
NL0000235190
FR0010242511
FR0010400143
FR0000130452
FR0000131757
FR0000121667
FR0004254035
FR0000121121
FR0010221234
FR0000037947
FR0000064578
FR0000133308
FR0010208488
Indice
Dernier
cours
% var.
/heb.
Maxi
2008
Mini
2008
PER
DAX Index 5069,24 12/6
Euro Neu Markt Price IX
696,07 12/6
AUTRICHE
Austria traded 2190,24 12/6
BELGIQUE
Bel 20 2070,19 12/6
DANEMARK
Horsens Bnex
303,67 12/6
ESPAGNE
Ibex 35 9714,40 12/6
FINLANDE
Hex General 5901,86 12/6
FRANCE
CAC 40 3326,14 12/6
CAC Next20 3976,88 12/6
CAC Mid100 4975,19 12/6
CAC Small 90 4921,61 12/6
SBF 250 2355,86 12/6
CAC IT20 2791,27 12/6
GRÈCE
ASE General 2401,57 12/6
HONGRIE
Bux 16333,38 11/6
IRLANDE
Irish Overall 2970,15 12/6
ITALIE
S&P Mib index 20384,22 12/6
LUXEMBOURG
Lux Index 1111,55 9/6
PAYS BAS
Amster. Exc. Index
265,48 12/6
-0,15
5177,59 2/6
0,67
705,99 12/6
2,08
2220,96 10/6
-0,06
2139,46 11/5
3,24
308,71 20/5
2,05
9800,00 6/1
1,71
6139,12 7/5
-0,39
3426,04 6/1
0,16
4036,46 2/6
-0,10
5056,34 7/5
0,16
4957,72 10/6
-0,32
2396,73 3/6
0,33
3058,79 6/1
1,24
2431,39 2/6
8,02 16671,07 11/6
1,29
2989,77 12/6
1,06 20996,00 6/1
0,53
1123,09 5/6
-0,54
271,91 6/1
3588,89
463,93
1379,86
1523,47
9/3 16,20
9/3
9/3 13,40
6/3 14,50
12/6
6702,60 9/3 11,50
12/6
2465,46 9/3 13,40
2869,81 9/3
3744,35 9/3
3465,08 10/3
1780,09 9/3 14,20
2365,63 9/3
1457,83 9/3
9337,99 12/3 10,80
1880,36 10/3 337,70
12332,00 9/3
798,18 6/3
194,99 9/3 14,60
MARCHÉ DES CHANGES 12/6, 22h21
Dollar
NEW YORK ($)
TOKYO (¥)
PARIS (¤)
LONDRES (£)
ZURICH (FR. S.)
Cours de l'euro
100 Yens
1,01636
98,39000
0,71439
0,60846
1,08060
0,72622
0,61851
1,09850
Euro
1,39980
137,70000
0,85180
1,51270
Achat
GECINA ..............................◗
GEMALTO..........................◗
GROUPE EUROTUNNEL .....
HAULOTTE GROUP.............
HAVAS ...............................◗
HERMES INTL ....................◗
ICADE.................................◗
ILIAD ..................................◗
IMERYS ..............................◗
IMS(INT.METALSER) ..........
INGENICO..........................◗
IPSEN .................................◗
IPSOS .................................◗
JC DECAUX ........................◗
KLEPIERRE .........................◗
LAFARGE............................◗
LAGARDERE ......................◗
LEGRAND...........................◗
L'OREAL .............................◗
LVMH MOET HEN.............◗
M6-METROPOLE TV .........◗
MAUREL ET PROM............◗
MICHELIN ..........................◗
NATIXIS .............................◗
60,40
24,08
4,17
5,00
1,89
95,02
61,91
73,25
32,99
12,05
14,43
31,29
17,93
12,05
17,80
50,69
23,72
15,32
53,93
59,44
13,87
12,70
44,58
1,54
Livre
1,64350
161,68000
1,17430
Sem.
préc.
59,77
23,47
4,00
5,20
1,96
93,98
58,90
74,68
31,99
11,77
14,34
30,81
17,48
12,23
18,79
50,46
24,27
14,96
55,21
59,00
14,11
13,00
43,93
1,55
% var.
/heb.
1,05
2,60
4,25
-3,85
-3,77
1,10
5,11
-1,91
3,13
2,38
0,63
1,56
2,55
-1,47
-5,24
0,46
-2,27
2,37
-2,32
0,75
-1,67
-2,31
1,48
-0,45
% var.
31/12
21,68
34,53
8,31
12,36
28,54
-4,99
4,05
18,15
1,52
30,27
30,12
11,79
-7,00
-1,95
1,71
34,56
-18,21
12,15
-13,43
24,43
0,18
55,26
18,66
23,12
Plus
haut
64,85
25,66
4,56
5,78
2,62
104,65
67,29
81,89
38,72
13,95
15,06
35,09
19,50
13,94
20,41
52,00
31,91
16,95
65,39
61,80
15,06
13,35
46,20
2,02
Plus
bas
25,85
16,16
2,65
2,40
1,26
64,84
51,00
59,00
23,27
7,10
9,90
24,10
15,48
7,32
9,88
26,07
19,11
11,37
46,00
39,08
9,35
6,97
22,69
0,76
Divid.
net
1,22
n/d
n/d
0,22
0,04
1,03
3,25
0,31
1,90
1,10
0,25
0,70
0,40
0,44
1,25
4,00
1,30
0,70
1,44
1,25
0,85
1,20
1,00
0,45
Code
ISIN
Valeur
A FR0010040865
NL0000400653
FR0010533075
T FR0000066755
T FR0000121881
T FR0000052292
T FR0000035081
T FR0004035913
T FR0000120859
T FR0000033904
T FR0000125346
T FR0010259150
T FR0000073298
T FR0000077919
T FR0000121964
T FR0000120537
T FR0000130213
T FR0010307819
T FR0000120321
S FR0000121014
T FR0000053225
T FR0000051070
T FR0000121261
T FR0000120685
0123
LA BOUTIQUE
Du lundi au vendredi 9 h 30 à 18 h
Samedi 10 h à 14 h
Dernier
cours
Indice
Dernier
cours
WSE Wig 20
PSI 20
ROYAUME UNI
FTSE 100 index
FTSE techMark 100 index
SUÈDE
OMX
REP. TCHÉQUE Exchange PX 50
2002,85 10/6
7181,85 12/6
4441,95 12/6
1341,16 12/6
799,65 12/6
964,80 11/6
POLOGNE
% var.
/heb.
Maxi
2008
Mini
2008
1,72
0,05
0,08
-1,17
3,79
3,47
2002,85 10/6
7437,09 7/5
4675,68 6/1
1414,21 20/5
816,35 7/5
982,70 7/5
1327,64 17/2
5696,46 9/3
3460,71 9/3
1118,56 9/3
12/6
628,50 18/2
PER
Pays
13,00
16,40
13,50
ASIE-OCÉANIE
15,20
11,30
EUROPE
ICEX 15
269,33 11/6
RTS 1127,23 11/6
Swiss market 5521,84 12/6
National 100 34723,84 11/6
ISLANDE
RUSSIE
SUISSE
TURQUIE
2,81
355,21
-1,98
1180,56
2,28
5881,47
1,33 36214,16
2/1
2/6
6/1
2/6
212,05 1/4
498,20 23/1
4234,96 9/3
22583,11 12/3
13,00
AMÉRIQUES
Merval 1669,54 11/6
BRÉSIL
Bovespa 53596,65 12/6
CANADA
TSX Composite 10648,74 12/6
CHILI
Ipsa 3249,23 12/6
ETATS-UNIS
Dow Jones ind. 8799,26 12/6
Nasdaq composite 1858,80 12/6
Nasdaq 100 1489,97 12/6
Wilshire 5000 9701,15 12/6
Standards & Poors 500
946,21 12/6
MEXIQUE
IPC 25488,90 12/6
ARGENTINE
0,91
1669,54 11/6
0,57 54955,23 2/6
0,94 10726,01 11/6
1,53
4610,05 26/5
0,41
9088,06 6/1
0,51
1879,92 11/6
-0,22
1511,94 11/6
0,48
9803,21 11/6
0,65
956,23 11/6
2,30 25554,16 12/6
930,11
35721,83
7479,96
2223,22
6469,95
1265,52
1040,41
6772,29
666,79
16929,80
3/3
3/3
6/3
8/4
6/3
9/3
9/3
6/3
6/3
2/3
13,00
13,40
16,90
Indice
All ordinaries 4061,50 12/6
Shangaï B
182,13 12/6
Shenzen B
456,59 12/6
CORÉE DU SUD
K Composite 1428,59 12/6
HONG KONG
Hang Seng 18889,68 12/6
HKEX LargeCAp 22512,18 12/6
INDE
Bombay SE 30 1845,31 12/6
ISRAËL
Tel Aviv 100
811,91 11/6
JAPON
Nikkei 225 10135,82 12/6
Topix index
950,54 12/6
MALAISIE
KL composite 1088,96 11/6
NOUVELLE-ZÉLANDE All ordinar.
697,52 11/6
SINGAPOUR
Straits Time 2379,57 12/6
TAÏWAN
Weighted 6448,23 12/6
THAILANDE
Thaï SE
630,66 12/6
CHINE
% var.
31/12
Plus
haut
68,00
48,95
25,32
10,65
34,55
9,10
56,00
24,75
64,98
24,95
32,74
31,29
7,23
6,98
10,82
30,64
33,35
49,93
58,59
17,05
31,48
52,50
34,52
15,09
79,74
44,75
42,60
5,25
48,00
50,45
15,65
5,96
13,40
38,20
25,46
11,13
34,98
3,88
1,83
42,47
17,73
129,56
17,66
99,75
23,15
36,40
24,00
39,17
29,95
Plus
bas
53,24
25,55
9,41
7,15
22,86
5,92
38,81
11,43
36,25
16,60
15,80
10,16
3,56
2,02
6,59
16,33
16,65
38,42
41,30
13,60
16,44
37,22
18,56
13,08
51,70
18,24
32,37
1,99
19,25
31,30
7,30
2,97
9,70
20,70
19,57
5,06
27,22
1,09
0,36
34,25
9,66
85,80
8,00
52,52
15,00
24,60
17,40
14,88
18,55
Divid.
net
1,65
2,00
1,50
n/d
n/d
0,96
0,69
1,50
3,30
0,60
0,65
3,80
0,37
0,25
0,17
0,68
1,00
2,20
3,45
0,80
0,94
1,30
1,21
0,56
4,30
1,20
1,27
n/d
1,50
0,45
0,12
0,03
0,65
1,20
0,44
0,47
1,05
n/d
0,33
1,14
n/d
1,75
1,20
6,00
1,21
1,10
1,40
1,00
1,00
Code
ISIN
A FR0000120560
T FR0000044448
T FR0010112524
FR0000074130
FR0000184798
T FR0010096354
S FR0000120693
T FR0000121501
T FR0000121485
T FR0000130577
A FR0000130395
T FR0000131906
T FR0010451203
T FR0010479956
S FR0000073272
T FR0010208165
T FR0000125007
T FR0000120578
T FR0000121972
T FR0010411983
T FR0000121709
T FR0000039109
T FR0000060402
T LU0088087324
T FR0000050916
T FR0000130809
T FR0000121220
FR0004025062
T FR0000060899
T FR0000065674
T FR0000072910
A NL0000226223
A FR0010613471
T FR0000131708
T FR0000051807
T FR0000054900
T FR0000121329
FR0000184814
D FR0000184533
S FR0000120271
FR0000054470
A FR0000124711
T FR0000130338
T FR0000120354
T FR0000124141
S FR0000125486
T FR0000127771
T FR0000121204
T FR0000125684
All share 22915,06 12/6
BRVM
128,62 11/6
Vendredi 12 juin 22h21
0,92541
91,03323
0,66107
0,56306
Taux
j.le j.
Taux
3 mois
Taux
10 ans
Taux
30 ans
0,84
0,55
0,84
0,84
0,14
0,26
0,11
1,27
1,25
1,27
1,27
0,49
0,62
0,40
3,96
3,55
4,58
3,58
1,54
3,79
2,44
4,52
4,62
5,46
4,39
2,30
4,63
2,97
Echéance
Premier
prix
Dernier
prix
Contrats
ouverts
6/9 3321,00 3340,50 459533
0/0
6/9 2515,00 2523,00 2570986
261691
6/9
9/9
98,73
98,78 584393
6/9 8735,00 8799,00 24884
938,80
945,60 281247
6/9
Crédit immobilier à taux fixe
taux effectif moyen .......................................5,52 %
usure ................................................................7,36 %
Crédit immobilier à taux variable
taux effectif moyen .......................................5,60 %
usure ................................................................7,46 %
Crédit consommation (- de 1 524 euros)
taux effectif moyen.....................................15,82 %
usure ..............................................................21,09 %
Crédit renouvelable, découverts
taux effectif moyen.....................................15,54 %
usure ..............................................................20,72 %
Crédit consommation (+ de 1 524 euros)
taux effectif moyen .......................................7,33 %
usure ................................................................9,77 %
Crédit aux entreprises (+ de 2ans)
moyenne taux variable .................................6,93 %
usure taux variable ........................................9,24 %
moyenne taux fixe.........................................6,11 %
usure taux fixe................................................8,15 %
(Taux de l’usure : taux maximum légal)
3052,50 9/3
112,20 5/1
272,30 5/1
992,69 3/3
11344,58 9/3
14169,78 9/3
963,41 9/3
564,09 31/12
7021,28 10/3
698,46 12/3
838,39 12/3
616,80 3/3
1455,46 10/3
4164,19 21/1
408,77 3/3
PER
15,20
15,60
63,10
16,20
24,30
PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue.
n/d : valeur non disponible.
COTE D'IVOIRE
OR
paris
cac 40 ter.
euro notio.
euro st. 50
francfort
bund 10 ans
londres
euribor 3m.
new york
dow jones
s. & poors
2,33
4078,30 12/6
0,36
185,69 11/6
-1,86
473,66 8/6
2,43
1437,00 2/6
1,13 19161,97 12/6
0,71 22855,07 12/6
-0,15
1894,44 12/6
0,30
825,61 9/6
3,77 10170,82 12/6
3,71
954,08 12/6
2,35
1026,78 8/5
-1,97
732,28 11/5
-0,24
2424,36 3/6
-4,71
7084,83 2/6
5,00
633,25 11/6
Mini
2008
16,30
15,50
AFRIQUE DU SUD
Taux de base bancaire...................................6,60 %
Taux des oblig. des sociétés privées ...........4,54 %
Taux d'intérêt légal .......................................3,99 %
Marchés à terme le 12/6, 22h21
Maxi
2008
AFRIQUE
TAUX COURANTS
Vente
% var.
/heb.
14,30
24,80
18,70
Taux d'intérêt le 12/6
france
royaume-uni
italie
allemagne
japon
états-unis
suisse
Dernier
cours
AUSTRALIE
TAUX
couronne danoise ..................................................7,4460...................................7,4470
couronne norvég. ..................................................8,8705...................................8,8775
couronne suédoise ...............................................10,7549 ................................10,7609
couronne tchéque................................................26,6450 ................................26,6650
dollar australien ...................................................1,7206...................................1,7216
dollar canadien......................................................1,5656...................................1,5666
dollar hongkong .................................................10,8450 ................................10,8500
dollar néo-zéland..................................................2,1730...................................2,1830
forint hongrois..................................................277,1600 ..............................278,1600
leu roumain .............................................................4,2673...................................4,2799
rouble......................................................................43,3040 ................................43,4040
% var.
/heb.
NEOPOST...........................◗ 63,73 60,50 5,34 -1,70
NEXANS.............................◗ 42,61 41,04 3,83 0,14
NEXITY...............................◗ 21,06 23,14 -9,01 89,73
NICOX.................................. 10,58
9,45 11,96 36,34
ORPEA................................◗ 31,43 30,94 1,58 21,68
PAGESJAUNES ..................◗
8,06
9,00 -10,44 14,65
PERNOD RICARD ..............◗ 44,00 44,66 -1,49 -16,93
PEUGEOT ...........................◗ 22,63 22,50 0,56 86,26
PPR .....................................◗ 61,84 61,33 0,84 32,71
PUBLICIS GROUPE ............◗ 21,50 22,00 -2,25 16,88
REMY COINTREAU............◗ 26,34 28,29 -6,89 -11,10
RENAULT ...........................◗ 30,45 30,76 -1,01 64,15
REXEL .................................◗
6,86
7,12 -3,61 44,15
RHODIA .............................◗
6,34
6,45 -1,66 40,74
SAFRAN .............................◗
9,50
9,12 4,17 -1,39
SAFT..................................... 27,49 29,70 -7,44 42,44
SAINT-GOBAIN.................◗ 26,65 27,25 -2,18 -12,63
SANOFI-AVENTIS .............◗ 47,65 46,12 3,32 4,96
SCHNEIDER ELECTRIC.......◗ 55,90 53,24 4,99 5,46
SCOR SE .............................◗ 14,55 14,95 -2,64 -11,09
SEB .....................................◗ 29,73 30,09 -1,20 38,54
SECHE ENVIRONNEM. .....◗ 47,79 50,80 -5,93 7,89
SECHILIENNE SIDEC .........◗ 25,82 24,60 4,96 -19,31
SES......................................◗ 13,26 13,44 -1,34 -4,05
SILIC ...................................◗ 62,66 62,50 0,26 -5,83
SOCIETE GENERALE ..........◗ 43,48 44,50 -2,28 20,79
SODEXO.............................◗ 36,19 36,15 0,11 -8,55
SOITEC ...............................◗
4,87
4,96 -1,92 52,99
SPERIAN PROTECTION.....◗ 40,03 36,54 9,55 -10,50
STALLERGENES ................... 44,96 47,70 -5,74 18,01
STERIA GROUPE................◗ 13,70 14,40 -4,90 71,83
STMICROELECTRONICS ...◗
5,84
5,39 8,35 22,18
SUEZ ENV. .........................◗ 12,68 12,63 0,40 5,23
TECHNIP ............................◗ 37,30 37,39 -0,24 71,02
TELEPERFORMANCE.........◗ 21,41 22,09 -3,10 7,48
TF1 .....................................◗
8,46
8,59 -1,48 -18,97
THALES ..............................◗ 33,22 32,55 2,04 11,36
THEOLIA ..............................
3,05
3,16 -3,48 0,33
THOMSON ........................◗
0,79
0,73 7,49 -17,81
TOTAL ................................◗ 40,67 41,59 -2,21 4,54
UBISOFT ENTERTAIN .......◗ 17,52 15,59 12,35 25,56
UNIBAIL-RODAMCO ........◗ 112,68 112,80 -0,10 5,80
VALEO................................◗ 15,26 13,60 12,25 43,76
VALLOUREC.......................◗ 93,00 96,55 -3,68 14,81
VEOLIA ENVIRON. ............◗ 22,21 21,51 3,25 0,05
VINCI..................................◗ 33,13 33,66 -1,56 10,45
VIVENDI.............................◗ 17,64 18,57 -4,98 -24,16
WENDEL ............................◗ 25,18 30,57 -17,60 -28,86
ZODIAC AEROSPACE ........◗ 22,52 22,70 -0,79 -13,40
Franc S.
1,77600
Sem.
préc.
Cours en euros. En gras : CAC40. ◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation. Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2008. n/d : valeur non disponible.
A : acompte, D : divers, S : solde, T : totalité.
PORTUGAL
UNION EUROPÉENNE
ALLEMAGNE
Dernier
cours
Pays
LES BOURSES DANS LE MONDE 12/6, 22h21
Pays
Valeur
MÉTAUX
Cours
% var.
/heb.
ONCE D'OR EN DOLLAR .................937,25.......-3,45
OR FIN KILO BARRE....................20600,00 ........0,00
OR FIN LINGOT...........................21890,00.......-0,50
PIÈCE 20 FR. FRANCAIS..................130,00.......-2,48
PIÈCE 20 FR. SUISSE .......................131,10.......-2,16
PIÈCE UNION LAT. 20.....................132,00.......-2,22
PIÈCE 10 US$ ..................................380,50.......-3,67
PIÈCE 20 US$ ..................................845,00 ........4,26
PIÈCE 50 PESOS MEXICAINS .........825,00 ........0,00
DENRÉES
Vendredi 12 juin 22h21
-1,08 23868,80 3/6 17953,96 3/3
-0,10
178,16 31/12
125,84 8/6
Cours
% var.
/heb.
BLE ($ CHICAGO) ............................586,00.......-5,94
CACAO ($ NEW YORK) ................2705,00 ........0,00
CAFE (£ LONDRES)......................................................
COLZA (¤ PARIS) .............................319,50.......-2,52
MAÏS ($ CHICAGO).........................426,50.......-3,89
ORGE ($ WINIPEG) .........................168,00 ........0,00
JUS D'ORANGE ($ NEW YORK) .....135,00 ........0,00
SUCRE BLANC (£ LONDRES)..........431,90.......-3,18
SOJA TOURT. ($ CHICAGO) ...........422,80 ........6,63
Vendredi 12 juin 22h21
Cours
% var.
/heb.
LONDRES
ALUMINIUM COMPTANT ($/T)..1642,00......13,87
ALUMINIUM À 3 MOIS ($/T) ......1674,00......13,72
CUIVRE COMPTANT ($/T)...........5266,00 ........8,13
CUIVRE À 3 MOIS ($/T) ...............5290,00 ........8,18
ETAIN COMPTANT ($/T) ...........15825,00 ........8,02
ETAIN À 3 MOIS ($/T)................15655,00 ........8,26
NICKEL COMPTANT ($/T) .........15435,00......11,81
NICKEL À 3 MOIS ($/T)..............15650,00......12,23
PLOMB COMPTANT ($/T) ...........1787,00......14,15
PLOMB À 3 MOIS ($/T)................1809,50......14,45
ZINC COMPTANT ($/T) ...............1634,50 ........8,60
ZINC À 3 MOIS ($/T) ....................1661,50 ........8,77
NEW YORK
ARGENT À TERME ($/once).............14,88.......-3,19
PLATINE À TERME ($/once) .......................................
PÉTROLE
Vendredi 12 juin 22h21
Cours
% var.
/heb.
LIGHT SWEET CRUDE.......................72,89 ........5,10
BRENT (LONDRES)............................70,83 ........3,64
WTI (NEW YORK)..............................72,68 ........5,62
Enquête Horizons 13
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Philippe Ricard
Bruxelles, bureau européen
A
près avoir voté au Portugal,
le 7 juin, José Manuel Barroso s’est dépêché de revenir à
Bruxelles, où il est resté rivé
toute la soirée devant la télévision. Tandis que la droite
européenne, qui le soutient, triomphait
dans les urnes, le président de la Commission s’est fendu d’un bref message pour
« féliciter » les nouveaux élus. Prudent, et
consensuel comme à son habitude, il s’est
bien gardé de crier victoire, depuis son
bureau au 13e étage du Berlaymont, à deux
pas du Parlement européen.
Les élections ont livré leur verdict, mais
la campagne engagée de longue date par
M. Barroso, la seule qui compte vraiment à
ses yeux, entre dans le vif du sujet. Chefs
d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept
devraient soutenir au moins le principe de
sa reconduction, lors de leur sommet des
18 et 19 juin, à Bruxelles. Mais de nombreux eurodéputés, comme Daniel CohnBendit,réclament laformation d’unecoalition « anti-Barroso ».
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, qui le
soutiennent sans entrain, ne sont pas non
plus pressés de le reconduire sans avoir
visé sa prochaine feuille de route. Vilipendé par les uns, soutenu du bout des lèvres
par les autres, ce quinquagénaire aux faux
airs de Lino Ventura aura tout tenté pour
assouvir son ambition.
En cinq ans, l’ancien premier ministre
du Portugal a été contraint à évoluer. En
juin 2004, il avait été fait roi par les Britanniques. Son nom était apparu à la dernière
minute, sorti du chapeau par un Tony Blair
au sommet de son influence. Le président
français JacquesChirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder avaient entériné
sans enthousiasme la nomination « par
défaut » de l’ancien hôte du sommet des
Açores – cet archipel portugais où George
Bush avait rencontré ses alliés juste avant
l’invasion de l’Irak, en mars 2003, au grand
dam des dirigeants français et allemand
opposés au conflit.
L’ancien premier ministre de centre
droit a donc commencé son mandat avec
un agenda très britannique, c’est-à-dire
très libéral, et un slogan qui sonnait commeledésaveudesannéesDelors(laréférence qui agace toujours M. Barroso), « moins
et mieux légiférer ». Le commissaire chargé
du marché intérieur, Charlie McCreevy,
ancien ministre libéral des finances irlandais, allait incarner à merveille le souci
dérégulateur de son patron, pour le plus
grand bonheur des milieux d’affaires.
M. Barroso choisit même à ses débuts de
recentrer l’action de l’exécutif européen
sur « la croissance et l’emploi », quitte à
mettre au second plan l’environnement et
le social.
« M. Barroso a très vite été rattrapé par
les événements », observe un commissaire
originaire d’Europe centrale. Le double
non à la Constitution, au printemps 2005,
l’a convaincu de refondre, sous la pression
du Parlement, la directive sur la libéralisation des services, reçue en héritage de la
précédente Commission. Puis la lutte
contre le réchauffement climatique et la
crise financière se sont invitées au menu.
M. Barroso a su prendre le train de la première, mais il a tardé à réagir à la seconde,
augranddamdeParisetdeBerlin. Lamutation de celui qui se présente désormais
comme un « réformateur du centre » est
pourtant bel et bien engagée.
Le président sortant de la Commission
peut se targuer d’avoir lancé un vaste train
de mesures destinées à lutter contre le
réchauffement climatique. C’est lui aussi
qui a déterré avec succès l’idée d’un Fonds
d’ajustementàla mondialisation,susceptible d’aider les salariés touchés par les restructurations. Enfin, le Barroso nouveau
plaide pour une « meilleure régulation »
afin de sortir de la crise.
C
ette prise de conscience, que ses
détracteursjugent incomplèteettardive, s’accompagne d’une autre
mutation. Pour mener sa barque, M. Barroso, a très rapidement délaissé les habits de
l’ancien premier ministre du Portugal,
autrefois prompt à défendre la cause des
petits Etats membres. A Bruxelles, il est
vitedevenul’hommeducompromis, « partenaire » des gouvernements, et au service
des pays les plus puissants. Il a théorisé son
approche : inutile de lancer des projets
quand la Commission pressent, ce qui est
souventlecas,queles capitales vontenbloquer l’adoption. C’est ainsi que M. Barroso
s’est bien gardé de pousser les feux de la
régulation financière, avant que la crise ne
modifieces derniers mois le rapportde forces entre la France et l’Allemagne d’une
José Manuel Barroso
Le
caméléon
Candidat à sa propre succession, le président de la Commission européenne
essaie d’effacer son image d’ultralibéral. L’ancien poulain des Britanniques
est de plus en plus sensible à la vision franco-allemande de l’Europe
vous ne proposez rien, vous ne savez pas
de quels appuis vous pourriez disposer »,
estime l’ancien vice-président de la Commission Etienne Davignon : « Là où le curseur change, c’est quand vos interlocuteurs pensent que vous allez de toute façon
proposer quelque chose. » Le Vert Daniel
Cohn-Bendit, se moque, lui, d’un président de Commission prompt à écouter
« le dernier qui parle » et incapable de
contrôler ses troupes.
Le reproche surprend quand on observe
la troisième mue du personnage : la façon
dont il a su imposer son autorité à la tête de
la Commission – il est vrai que les fortes
têtes se comptent sur les doigts de la main.
D’abord dérouté par lamachine et ses quelque 20 000 fonctionnaires, M. Barroso a
« présidentialisé » comme jamais sa fonction. D’un premier abord chaleureux, mais
enréalité toujoursunpeu distant,ilcontrôledela têteetdesépaulesuncollège pléthorique depuis l’élargissement : 26 commissaires, dont certains disposent d’un portefeuille insignifiant. Les réunions du collège, le mercredi, sont réglées comme du
papier à musique. Le Portugais travaille en
harmonie avec Catherine Day, la toutepuissante secrétaire générale irlandaise de
la Commission. Celle que ses détracteurs
qualifient de « 28e commissaire » est pas-
« Si Delors avait
adopté la même
attitude, on n’aurait
jamais eu l’euro »
Graham Watson
chef du groupe libéral
au Parlement européen
Le principe de la reconduction du président de la Commission européenne doit être avalisé
lors du Conseil européen des 18 et 19 juin à Bruxelles. ARMANDO FRANCA/AP
part, et la Grande-Bretagne d’autre part.
Sous la pression des deux premières, il le
fait aujourd’hui d’autant plus volontiers
que ses anciens parrains, les Britanniques,
sont à terre.
Voyageur aux quatre coins de continent, M. Barroso s’est fait une spécialité de
soigner ses appuis. Inquiet pour sa reconduction, il vient, mercredi 10 juin, de nommer à la direction générale du budget un
hautfonctionnaired’originefrançaise,Hervé Jouanjean, comme un clin d’œil à l’Elysée qui le pressait d’agir en ce sens. Parfois,
il botte au contraire en touche : quand les
Britanniques et les Français se bagarrent,
fin 2008, pour placer un de leur ressortissant à la tête du service juridique et de la
direction générale de la concurrence, il
tranche en nommant un Espagnol et un
Néerlandais à ces postes stratégiques. Les
fonctionnaires de la Commission doivent
s’habituer à gérer les dossiers en fonction
des priorités politiques de leur patron. Telle ou telle procédure d’infraction, comme
celle sur les nitrates dans les eaux bretonnes, sont mises au frigo.
« M. Barroso est un fin tacticien, mais il
manque de courage, et de vision », juge un
directeur général. « Il court un peu trop derrière les dirigeants des grands pays, renché-
rit Graham Watson, le chef du groupe libéral au Parlement européen. Si Delors avait
adopté la même attitude, on n’aurait
jamais eu l’euro. » Quand on le compare à
M. Delors, M. Barroso a beau jeu de mettre
en avant les divergences récurrentes entre
la France et l’Allemagne, inexistantes à
l’époque de M.Delors, puisqu’ilétait soutenu par le tandem François Mitterrand-Helmut Kohl.
Ses détracteurs lui reprochent aussi
d’avoir transformé la Commission en un
« secrétariat du Conseil », l’instance où siègent les Etats membres, dans une Europe
toujours plus intergouvernementale. « Si
sée maîtresse dans l’art de gérer l’ordre du
jour, en contact étroit avec le cabinet de
M. Barroso. « C’est son passé maoïste qui
resurgit,persifleunhautfonctionnaire,cette méthode a tué la collégialité. »
Nicolas Sarkozy, à la fin de sa présidence
de l’Union, a suggéré de renforcer encore
cette présidentialisation. Le numéro un de
la Commission n’est, il est vrai, pas toujours en mesure d’imposerson agenda aux
plus puissants. Le président français en
avait fait l’expérience un après-midi de
juillet2008,lorsqu’il avaitcherchéàconvoquer à Paris l’ancien commissaire au commerce, Peter Mandelson, pour lui enjoindre de défendre plus fermement les intérêts européens dans des négociations en
cours à l’OMC. Le président de la Commission, dérangé en pleine fête de mariage, n’a
pu convaincre son commissaire d’interrompreles pourparlers pourfiler à l’Elysée.
Climat, tarifs téléphoniques, immigration… M. Barroso a toujours su récupérer à
son avantage les dossiers les plus « grand
public ». Il raffole de ses entrées en salle de
presse pour « vendre », dans les quatre langues qu’il maîtrise à merveille – français,
anglais et espagnol en plus du portugais –
des décisions préparées par ses collègues.
Uneattitudequi irrite parfoissesinterlocuteurs. Lors d’une récente conférence de
presse, cet orateur souvent peu inspiré
s’est empressé de dévoiler les annonces
préparées par son visiteur du jour, le président de la Banque européenne d’investissement (BEI). Celui-ci s’est alors
moqué de Barroso : « Il ferait un excellent porte-parole de la BEI. » Regard noir
de la part de l’intéressé. S’il est quelque
chose que le favori des conservateurs
européens prend très au sérieux, c’est la
suite de sa carrière. p
14 Horizons Débats
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Face à la démesure consumériste, l’« écosophie politique »,
sagesse
qui
articule
le
politique
et
l’écologie,
est
une
voie
Notre moi
et son double à emprunter pour sortir de la crise systémique actuelle
numérique
Revue
Vive la sobriété heureuse !
T
el le Petit Poucet, l’Homo numericus
laisse des cailloux blancs partout :
courriels, blogs, chats, Texto, recherches Google, achats en ligne… Chaque
jour c’est une part de notre moi que nous
abandonnons ainsi à l’Ogre. Jusqu’où ira
sa voracité ? Comment lui résister ? Nous
nous posons la question. Mais nous sommes tiraillés. Une fraction de nousmêmes plébiscite ces nouveaux outils
de communication. L’autre se raidit.
C’est à cette ambivalence que s’intéresse
la revue Hermès (CNRS) dans son dernier
numéro, intitulé « Traçabilité et
réseaux ».
Les blogs et les plates-formes de partage comme Facebook encouragent en permanence ce dévoilement du moi. Jacques
Perriault (université Paris Ouest - Nanterre) parle à leur sujet d’« exhibitionnisme
en ligne ». De « double numérique ». Il en
découle, note-t-il, que la frontière publicprivé est devenue poreuse.
Cette impudeur serait la contrepartie
de la détérioration des liens sociaux.
Dévalorisé comme sujet, l’individu se
réfugierait sur le Net dans la mise en scène de lui-même, en quête d’estime de soi.
Les outils de géolocalisation eux aussi
participeraient à cette recherche de sens.
Ils seraient le corollaire de notre « société
d’incertitude », dit Jacques Perriault. Je
suis localisable, donc je suis. Si je sais où
je me trouve, je ne suis plus perdu.
Hermès
Traçabilité
et réseaux
N˚ 53,
CNRS éditions,
264 pages,
25 ¤
Vu sous cet angle, Internet rassure.
Mieux, il structure et comble un vide. Les
internautes lui font plutôt confiance et
ne se formalisent guère de la collecte des
données dont le Web est friand. André
Vitalis (université Bordeaux-III) relève
lui aussi ce paradoxe. Chiffres à l’appui,
il souligne que « seule une minorité de la
population perçoit les dangers pour les
libertés individuelles de l’expansion des
techniques d’information. Et ce pourcentage a plutôt tendance à baisser ».
Cette indifférence ne facilite pas la
tâche des garants de la vie privée. Souvent, ils prêchent dans le désert. Ainsi la
Commission nationale de l’informatique
et des libertés (CNIL). Son président, Alex
Türk, ne cache pas, dans un entretien à
Hermès, la difficulté de sa tâche à l’heure
du tout-Internet.
Parce que la sécurité des Français était
en jeu, que la délinquance augmentait,
les pouvoirs publics ont multiplié, dans
les années 1980 et 1990, les fichiers gloutons en données personnelles. Pierre Piazza (université de Cergy-Pontoise) en dresse la liste, impressionnante, avant de
conclure : « Sans mésestimer le rôle de la
CNIL, force est de constater qu’il apparaît,
à certains égards, bien limité. »
Internautes indulgents, sinon complices. Défenseurs des libertés à contre-courant. Ce numéro tranche sur les discours
convenus sur le sujet. Dans leur introduction, Michel Arnaud et Louise Merzeau
(université Paris Ouest - Nanterre) défendent cette approche décomplexée, en
invitant ceux qui discourent sur la question à sortir de « l’affrontement stérile
entre les opposants au Big Brother et ceux
qui s’en accommodent ».
Tel n’est pas le point de vue de Dominique Wolton, le directeur de la revue. Dans
une postface, il prend le contre-pied de
cette démarche, regrettant que « rien n’entache pour le moment [la] croyance, car il
s’agit d’une croyance, qu’Internet est le
symbole du progrès et de la modernité permettant de relier l’individu à l’ensemble
du genre humain ». Et d’ajouter, récusant
la dialectique à l’œuvre dans ce numéro :
« Puissent les connaissances contribuer le
plus vite possible à détendre ce technicisme ambiant. » p
Bertrand Le Gendre
L
’écologie politique, si elle veut
être à la hauteur des espérances
qu’elle suscite, doit construire
une réponse réellement systémique à la crise en articulant
une critique de l’insoutenabilité de nos formes de croissance avec l’exigence du mieux-être.
Cette articulation suppose qu’elle intègrepleinement danssa perspectivela question sociale, de même que les socialistes
européensse doivent euxde penser radicalement la question écologique. Et la question sociale pose plus radicalement encore
la question humaine et la difficulté propre
à notre espèce de penser et de vivre le rapport entre notre intelligence et nos émotions. C’est toute la question de ce que
Félix Guattari nommait l’écosophie, la
capacité de penser écologiquementet politiquement la question de la sagesse. C’est
aussi ce que Pierre Rabhi nomme les
enjeux d’une « sobriété heureuse » où s’articule, dans la justice sociale, le choix de la
simplicité avec celui d’un art de vivre
affranchi de sa boulimie consommatrice
et consolatrice.
Il nous faut d’abord voir que ce qui est
commun à toutes les facettes de la crise, ce
qui la rend donc systémique, c’est le couple formé par la démesure et le mal-être.
Ce que les Grecs nommaient l’ubris, la
démesure, est en effet au cœur de notre
rapport déréglé à la nature par deux siècles de productivisme et ses deux grandes
conséquences : le dérèglement climatique
et ce danger à ce point majeur pour la biodiversité que l’on peut évoquer le risque
d’une « sixième grande extinction » des
espèces, cette fois provoquée par le comportement irresponsable de notre propre
famille humaine.
C’est la démesure aussi qui a caractérisé
le découplage entre l’économie financière
et l’économie réelle : un ancien responsable de la Banque centrale de Belgique, Bernard Lietaer, a pu avancer qu’avant la crise,
sur les 3 200 milliards de dollars (2 272 milliards d’euros) qui s’échangeaient quotidiennement sur les marchés financiers,
seuls 2,7 % correspondaient à des biens et
services réels !… Démesure encore dans le
creusementdesinégalitéssocialesmondiales tant à l’échelle de la planète qu’au cœur
même de nos sociétés : lorsque la fortune
personnelle de 225 personnes correspond
au revenu de 2 milliards d’êtres humains,
lorsque les indemnités de départ d’un PDG
qui a mis son entreprise en difficulté peuvent représenter plus de mille fois le salaire mensuel de l’un de ses employés.
Démesure enfin, il ne faudrait pas
l’oublier,cettefoisdanslesrapportsaupouvoir, qui a été à l’origine de l’autre grand
effondrement politique récent, il y a tout
juste vingt ans, celui du système soviétique et de sa logique totalitaire. Il est importantdelerappeler sil’onveutéviterlemouvement pendulaire des années 1930 qui vit
un politique de plus en plus autoritaire,
guerrier et finalement totalitaire, prendre
la relève du capitalisme dérégulé des
années d’avant-crise.
Ainsi le caractère transversal de cette
démesure permet de comprendre le caractère systémique de la crise, et l’on comprend alors que des réponses cloisonnées
qui cherchent, par exemple, à n’aborder
que son volet financier se traduisent finalement par une fuite en avant dans le cas
de la crise bancaire doublé de fuites en
arrière dans le cas de la crise sociale. Comme quoi les caisses ne sont pas vides pour
tout le monde !
Mais pour construire, au-delà d’une écologie politique, une « écosophie politique », il faut faire un pas supplémentaire
dansl’analyse et comprendrece qui lie profondément cette démesure au mal de vivre
de nos sociétés.
Celle-ci constitue en effet une forme
compensatrice pour des sociétés malades
de vitesse, de stress, de compétition, qui
génèrent un triple comportement guerrier
à l’égard de la nature, d’autrui et de nousmêmes. En ce sens, nos « sociétés de
consommation »sontenréalitédes« sociétés de consolation » et cette caractéristique
se lit économiquement dans le décalage
Patrick Viveret
Philosophe
DR
Essayiste altermondialiste et ancien conseiller à la
Cour des comptes, Patrick Viveret a été rédacteur
en chef de la revue « Transversales Science Culture »
entre 1992 et 1996.
Il a notamment publié « Pourquoi ça ne va pas plus
mal ? » (Fayard, 2005) et « Reconsidérer
la richesse » (éd. de l’Aube, 2002)
entreles« budgetsvitaux »,et lesdépenses
de stupéfiants, de publicité et d’armement.
En 1998, le programme des Nations
uniespour le développement(PNUD) comparait en effet les budgets supplémentaires nécessaires pour couvrir les besoins
vitaux de la planète (faim, non-accès à
l’eau potable, soins de base, logement, etc.)
et mettait en évidence que les seules
dépenses de stupéfiants représentaient
dix fois les sommes requises pour ces
besoins vitaux (à l’époque 400 milliards
de dollars par rapport aux 40 milliards
recherchés par les Nations unies). On note
le même écart s’agissant des dépenses
annuelles de publicité.
La société dure est en permanence compensée par la production du rêve d’une
sociétéharmonieuse,et l’endroit parexcellence où s’opère ce rapport est la publicité
qui ne cesse de nous vendre de la beauté,
dubonheur,del’amour,voiredel’authenticité, messages dans l’ordre de l’être, pour
mieux nous faire consommer dans l’ordre
de l’avoir. Quant aux budgets militaires
qui expriment les logiques de peur, de
domination et caractérisent par conséquent les coûts (et les coups) de la maltraitance interhumaine, ils représentaient
eux vingt fois ces sommes ! Ces dépenses
passives de mal-être représentent (car le
même écart est maintenu dix ans après)
environ quarante fois les dépenses actives
de mieux-être nécessaires pour sortir l’humanité de la misère et assurer un développement humain soutenable tout à la fois
écologique et social.
Ilnousfaut doncrépondreaucoupleformé par la démesure et le mal-être par un
autre couple, celui de la « sobriété heureuse », formé par l’acceptation des limites et
par l’enjeu positif du « bien-vivre » ou par
ce que les prochains « Dialogues en huma-
nité », qui se tiendront début juillet, évoquent sous le terme de la construction de
politiques et d’économies du mieux-être.
Et c’est ici que l’écologie doit non seulement intégrer pleinement la question
sociale,cellede laluttecontreles inégalités,
mais aussi la question humaine proprement dite, c’est-à-dire la capacité à traiter
ce que l’on pourrait appeler le « bug émotionnel » de l’humanité, qui est à la racine
de ce qu’Edgar Morin nomme « Homo
sapiens demens ». La question est en effet
moins de « sauver la planète » – qui a de
Avant la crise,
sur les 3 200 milliards
de dollars qui
s’échangeaient
sur les marchés financiers,
seuls 2,7 %
correspondaient
à des biens
et services réels ! »
toutes manières plusieurs milliards d’années devant elle avant son absorption par
le Soleil ! – que de sauver l’humanité qui
peut, elle, terminer prématurément en
tête-à-queue sa brève aventure consciente
dans l’Univers.
Or,commele soulignaitSpinoza,lagrandealternative à lapeur est du côté de lajoie.
La différence aujourd’hui réside dans le
fait que ce qui était traditionnellement de
l’ordre personnel et privé devient un enjeu
politique planétaire. La question de la
sagesse, c’est-à-dire la question fondamentale de l’art de vivre, qui cherche à épouser
pleinement la condition humaine au lieu
de vouloir la fuir, devient alors une question pleinement politique.
Nous sommes en effet à la fin du cycle
des temps modernes qui furent marqués
parcequeMaxWeber,d’uneformulesaisissante, avait caractérisé comme « le passage
de l’économie du salut au salut par l’économie ». La crise actuelle démontre que ces
promesses n’ont pas été tenues. L’un des
enjeux aujourd’hui est de savoir comment
sortir de ce grand cycle de la modernité par
le haut, les intégristes le faisant par le bas :
garder le meilleur de la modernité, l’émancipation, les droits humains et singulièrement ceux des femmes qui en constituent
l’indicateur le plus significatif, la liberté de
conscience, le doute méthodologique,
maissans lepire,lachosificationde lanature, du vivant, des animaux et à terme des
humains, la marchandisation n’étant
qu’unedes formes decettechosification. Et
retrouver, dans le même temps, ce qu’il y a
de meilleur dans les sociétés de tradition,
mais là aussi en procédant à un tri sélectif
par rapport au pire : un rapport respectueuxàlanature,sansqu’ilsoitdepuresoumission, un lien social fort mais non un
contrôle social, des enjeux de sens ouverts
et pluralistes et non des intégrismes
excluant. Une grande partie du destin de
l’humanité se joue en effet dans l’alternative guerre ou dialogue des civilisations.
Nous ne sommes pas condamnés soit à
laprojection mondiale du modèle occidental, soit à l’acceptation au nom du relativisme culturel d’atteintes fondamentales aux
droits humains, à commencer par ceux des
femmes. On peut récuser l’impérialisme et
le colonialisme sans être obligés de tolérer
l’intégrisme et l’exclusion. C’est alors la
co-construction d’une citoyenneté terrienne qui est en jeu, et la rencontre des sagesses du monde est alors un enjeu capital
dans cette perspective où l’Homo sapiens
sapiens, à défaut d’être une origine, pourrait être, devrait être un projet.
C’est à ce projet planétaire qu’une Europe, qui a payé le prix lourd pour comprendrequelabarbarien’estpasundangerextérieur, mais le risque intérieur par excellence de l’humanité, peut pleinement
contribuer. p
Ce texte est issu des conférences que l’Université de tous les savoirs organise sur le thème
« La croissance verte, comment ? » en partenariat avec l’Ademe, la ville de Bordeaux et France Culture. (Lemonde. fr et ou Utls. fr)
Election présidentielle en Iran par Riber
Dessin de Riber paru dans « Svenska Dagladet » (Suède). ©[email protected]
Débats Horizons 15
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
La catastrophe de l’Airbus Rio-Paris impose Alerte à la non-assistance
le renforcement de la sécurité aérienne
à chefs-d’œuvre en danger
L’Etat néglige de plus en plus
son patrimoine architectural
D
e la panne électrique aux
faux débris, beaucoup de
choses ont été dites depuis
le drame du vol AF 447.
Beaucoup de fausses nouvelles, de fausses informationsaussi. D’un côté, l’attirance deslumières médiatiques, de l’autre, le scoop à tout
prix.Tout celaau milieud’unecommunauté aéronautique traumatisée, des familles
détruites. Et une solidarité exemplaire des
gens de l’air.
Il est légitime de se poser des questions :
comment et pourquoi l’avion est-il entré
dans cet orage ? Que s’est-il passé dans ce
cockpit, aux alarmes multiples et certainement incompréhensibles pour les pilotes ?
Qu’aurions-nous fait à leur place ? Mais il
est tout aussi téméraire de tirer desconclusions à ce stade, tant il y a de scénarios possibles. M. Pitot devenu tristement célèbre
et sa sonde ne peuvent expliquer seuls les
raisons du drame et surtout son issue.
Ayant parcouru de nombreuses fois cette ligne de l’Atlantique sud aux commandes d’A330 identiques, dont certainement
celui qui vient de s’abîmer, connaissant
ces fronts tropicaux pour les avoir pratiqués en avion (mais aussi en ballon à pédales lors de ma traversée avec Nicolas Hulot,
brutalement interrompue), je peux attester de la violence considérable des fronts
intertropicaux, surtout à cette période.
Cetaccident nousrenvoieà une meilleure appréhension des caprices de la nature
qui deviennent de plus en plus violents.
Comme si elle nous disait à nous Terriens :
« Faites avec moi, jamais contre moi, vous
ne serez pas les plus forts… » Même si rien
n’autorise à lier la disparition de l’Airbus
au réchauffement climatique, comment
s’empêcher d’y penser ? Alors que nul ne
conteste plus parmila communauté scientifique que la température de l’eau des
océans a tendance à s’élever et avec elle
l’évaporation et la condensation de la
vapeur d’eau, sources d’énergie et moteurs
de ces redoutables perturbations.
Bien sûr, le pot au noir si bien décrit par
Mermoza toujoursexisté.Le frontintertropical a toujours eu ses masses nuageuses
semées de cumulonimbus gigantesques.
En trente-cinq ans de traversées océaniques en tant que pilote, puis commandant
de bord, je me souviens que nous arrivions
à les survoler la plupart du temps, alors
Gérard Feldzer
Directeur du Musée de l’air
et de l’espace, membre de
l’Académie de l’air et de l’espace
qu’aujourd’hui, devenus trop élevés, nous
n’avons pas toujours d’autre choix que de
les traverser.
Pour autant, nous ne pouvons exclure,
comme dans beaucoup d’accidents, une
accumulation de facteurs, certes climatiques mais aussi techniques et/ou
humains, sans même écarter pour l’instant l’hypothèse d’un attentat, même si
elle semble de moins en moins probable.
Nous voudrions pouvoir répondre à
toutes les questions des proches des victimes, et à toutes celles des autres personnes concernées et consternées : pouvaiton éviter l’accident ? ; les passagers et
l’équipage se sont-ils rendus compte de
Nous ne pouvons
exclure, comme dans
beaucoup d’accidents,
une accumulation
de facteurs, certes
climatiques mais
aussi techniques
et/ou humains »
quelque chose ? Ont-ils pu réagir ? Ont-ils
ressenti quelque chose ? Enfin cet accident
peut-il nous servir au moins à en éviter
d’autres ? Une longue enquête sera nécessaire pour répondre aux deux premières
interrogations, mais il n’y a aucun doute
quant à la troisième : la réponse des
constructeurs, des compagnies, des pouvoirs publics devra être à la hauteur du
traumatisme subi.
Cela implique la mise en œuvre d’améliorations dans tous les domaines, celui
des cartes météo et des images satellite « à
la demande » accessibles dans les cockpits,
des liaisons planétaires sans « trous de fréquence », une couverture radar planétaire,
leremplacementou ledoublement desboî-
tes noires par la transmission en temps
réel et automatique de toutes les données
sécurisées et confidentielles et pas seulementcellesliées auximpératifsde lamaintenance à l’escale, de meilleures interfaces
hommes machines, etc.
Cela dépasse les capacités d’une seule
compagnie, d’un seul constructeur et de sa
chaîne de sous-traitants, seraient-ils aussi
performants qu’Air France et Airbus qui
nous proposent, j’en témoigne, les plus
merveilleux, les plus sûrs avions du monde aux commandes desquels, en
20 000 heures de vol, j’ai sillonné la planète et conduit mes passagers à bon port. Parce que la sécurité n’a pas de prix, elle ne
peut être un argument de vente entre
industriels ou compagnies qui doivent
garantir, au sol comme dans le ciel, un
niveau de sécurité égal pour tous.
Parce que la sécurité n’a pas de frontières (on a pu compter plus de trente nationalitésàbord duvol AF 447),ilestindispensable de renforcer, sans plus attendre, un
programme international de la sécurité
aérienne, cofinancé par tous les acteurs :
les compagnies, les constructeurs, les
Etats, les organismes internationaux.Puisse cet accident, si exceptionnel, même si
ses causes réelles ne peuvent être établies,
changer notre façon d’appréhender le
transport aérien. Puisse-t-il nous rendre
(pilotes, contrôleurs, mécaniciens,
constructeurs et équipementiers, exploitants, pouvoirs publics…) beaucoup plus
modestes, sans certitudes et plus vigilants.
Puisse-t-il nous inciter à approfondir,
exploiter et mettre en œuvre beaucoup
plus rapidement les coopérations internationales, et à réunir des moyens supplémentaires en faveur d’une sécurité partagée, pour que l’avion reste l’un des moyens
de transport les plus sûrs au monde. Nous
devons nous améliorer, et la technologie
continuera de diminuer les risques.
Mais nous devons être conscients que
les risques majeurs pour l’humanité vont
se jouer dans les années qui viennent. En
décembre à Copenhague, lors de la conférence planétaire sur le climat, nous avons
rendez-vous avec l’histoire, la nôtre. Comprendre la nature, la respecter, nous doter
de meilleurs outils d’observation et de prévention, voilà qui nécessite une prise de
conscienceetunevolonté politiqueinflexible de nos décideurs. p
La constitution universelle répond à la crise
De la modernité de Kant dans un monde global
P
armi ses travaux philosophiques, les écrits d’Emmanuel
Kant (1724-1804) sur la théorie
del’histoireapparaissentinjustement méconnus. Publiée il y
a plus de deux siècles, son Idée
d’une histoire universelle au point de vue
cosmopolitique avance pourtant un point
de vue éminemment moderne. Selon le
philosophe, il est définitivement vain de
vouloir parfaire une constitution civile
dans le cadre strictement national. A quoi
bon chercher à établir une communauté
dans les limites étroites de la nation ? L’association des hommes en vue de définir les
règles sociales permettant de surmonter
« l’insociable sociabilité » doit être étendue
au niveau international.
La conséquence logique et inévitable,
nousditKant,estlasuivante.Dansunmonde où les soubresauts (politiques, sociaux,
économiques) d’un Etat sont susceptibles
de faire sentir leurs effets à tous les autres,
cesdernierssontobligésdeseposerenarbitres et de conjuguer leurs efforts au sein
d’un organisme politique international,
préparant ainsi l’avènement d’un « Etat
cosmopolitique universel ».
On objectera qu’une nouvelle « société
desnations »atoutesleschancesdeconnaître le même destin impuissant que son
aînée de 1919. Au XVIIIe siècle déjà, Kant
notait combien cette idée avait été rendue
ridicule par ses contemporains, dont Rousseau. Ce qui ne l’empêchapas de réaffirmer
son caractère inéluctable. Ainsi pourrait-il
expliquer pourquoi les efforts avortés de la
SDN ou, plus tard, de l’ONU, ne sauraient
remettre en question une telle évolution.
L’idée décrite par Kant ne réside pas
dans un optimisme béat. La raison d’espé-
Patrick Pintus
Economiste, université de
la Méditerranée et Greqam-IDEP
rer est le fruit d’une nécessité raisonnée :
« Nous sommes civilisés au point d’en être
accablés (…). Mais quant à nous considérer,
comme déjà moralisés, il s’en faut encore
beaucoup. » Dans ce long cheminement, il
ne nous est pas donné d’autre choix que de
traiter les problèmes qui nous occupent de
manière universelle. Ainsi, les défis environnementauxet climatiques,lespréoccupations de la conférence de l’ONU contre le
racismeoulecontrôledelagrippe mexicaine constituent autant de domaines au travers desquels prend forme l’association
des nations. Mais celle-ci doit également se
prolonger au plan économique.
Point de vue cosmopolitique
La vision kantienne montre son actualité de façon criante dans la crise économique mondiale devenue notre quotidien
depuis septembre 2008. Les événements
postérieurs à la crise dite des subprimes,
partie des Etats-Unis, soulignent que la stabilitéfinancière ne peut désormais être raisonnablement envisagée dans les seules
limites des nations. Sauf à neutraliser les
relations commerciales et financières
entre économies, les décideurs publics
nationaux ne peuvent espérer parvenir à
assurer la sécurité économique de leurs
citoyens qu’encoopérant avec leurs homologues étrangers.
C’est ce qu’a affirmé le G20 du 2 avril
dans son communiqué : « tous les pays doivent joindre leurs efforts pour résoudre une
crise mondiale qui requiert une solution
mondiale ». Ilasouligné lefait que« laprospéritéest indivisible, lacroissance [doit] être
partagée et refléter les intérêts de la population actuelle autant que ceux des générationsfutures ».Parconséquent, « leseul fondement durable d’une globalisation soutenable réside dans des institutions mondiales fortes ».
Ce raisonnement commence à prendre
corps dans les méandres des conséquences
de la crise mondiale. Il est désormais admis
que l’émergence d’une nouvelle régulation bancaire et financière n’a de sens
qu’au niveau international. De même, la
volonté d’encadrer par la réglementation
l’activitédesparadisfiscauxou lesrémunérations des dirigeants de grandes entreprises semble illusoire sans la coordination
des nations. Toujours dans le même ordre
d’idées, la reconnaissance du rôle croissant
dévolu au Fonds mondial international
(FMI) se nourrit d’une réflexion sur une
répartition des droits de vote, susceptible
de traduire plus fidèlement le poids des
pays émergents.
La vision de Kant exposée dans L’Idée
d’une histoire universelle au point de vue
cosmopolitique a le mérite de partir des
hommes, d’hommes libres et pensants,
pour aller vers l’association des Etats.
Au-delàdesoninfluencedanslagrandehistoire des idées, elle peut aussi être source
d’inspiration (et d’optimisme ?) face aux
immenses défis posés à l’humanité. Commentparveniràcequelescitoyensquipeuplent nos nations et leurs gouvernants s’en
nourrissent à chaque étape de la construction européenne ? p
L
a ministre de la culture a récemment mis sa démission dans la
balance au cas où le projet de loi
« Création et Internet » ne
serait pas adopté par l’Assemblée nationale. On attend toujours que Christine Albanel fasse preuve
d’autant de fermeté devant les récentes et
nombreuses attaques portées contre le
patrimoine qu’elle a également pour mission de protéger.
Jamais en effet, depuis la présidence de
Georges Pompidou, notre pays n’a connu
une telle vague de vandalisme officiel. Les
exemples sont innombrables, qui vont des
tentatives de détricotage du dispositif de
protectiondesmonumentshistoriquesjusqu’à la démolition pure et simple d’importants édifices historiques. Il est vrai que ce
sujet n’est guère porteur politiquement.
Dans sa recherche effrénée d’argent,
l’Etat vend ses bijoux de famille, on le sait.
Même le classement « Monument historique » ne protège pas de cette frénésie spéculative : si le prestigieux hôtel de la Marine, place de la Concorde, ne sera « que »
loué pour une longue durée au mépris de
son histoire et du mobilier historique
qu’il renferme, l’hôpital Richaud à Versailles, chef-d’œuvre néoclassique, menace de tomber en ruine en attendant sa vente par le ministère de la justice. Le même
ministère a déposé un permis de démolir
pour les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon, privilégiant la destruction de
ces monuments dont l’un est dû à LouisPierre Baltard (le père de Victor Baltard
dont les Halles ont étésacrifiées si stupidement) quine sont hélas ! pas protégés, malgré leur intérêt reconnu par tous les historiens de l’architecture.
Le ministère de la culture ne peut (ou ne
souhaite) rien faire. Les bâtiments des frères Perret à Balard, incluant le bassin des
carènes où étaient testés les navires de la
marine nationale, vont être démolis pour
créer le grand « Pentagone à la française »
cher à Nicolas Sarkozy : le ministère se tait ;
l’ambassade d’Arabie saoudite veut raser
l’hôtel Reichenbach, l’un des plus beaux
Alexandre Gady
Maître de conférences
à Paris-Sorbonne
Didier Rykner
Fondateur et directeur
de « La Tribune de l’art »
exemplesd’Art décoà Paris,dûàJean-Charles Moreux, le ministère donne son quitus
(l’hôtel est actuellement en cours de démolition). Des parlementaires tentent de supprimer l’avis conforme des architectes des
bâtiments de France pour les zones de protection du paysage architectural, urbain et
paysager (ZPPAUP), une disposition essentielle du code du patrimoine, pour faire
plaisir à quelques maires démolisseurs, le
ministère de la culture n’a rien à opposer ;
il ne fera donc pas plus lorsque cette disposition reviendra devant le Parlement, dans
le cadre du Grenelle de l’environnement.
Avidité des promoteurs
Dans l’affaire de l’hôtel Lambert, dossier particulièrement sensible, ses positions ont été très en deçà de ce qu’on pouvait attendre face à un tel enjeu, et il a fallu
une large polémique pour que le projet
médiocre de l’architecte en chef soit un
peu amélioré. Une question se pose : y
a-t-il encore une volonté de défendre le
patrimoine,biencommun detousles Français ? Un président de la République indifférent à la culture, prêt à sacrifier toutes
les règles d’urbanisme qui protègent nos
villes et nos paysages de l’avidité des promoteurs, et un ministre sans poids politique qui ne s’oppose à rien : le bilan est accablant. L’Etat dispose pourtant de tous les
moyens légaux pour protéger le patrimoine. Il en est le premier destructeur, quand
ildevrait en êtrele premier garant. Làencore, il suffit de faire le bon choix… p
Courrier
Du Pôle emploi au Pôle en bois
Dans une tribune très agressive publiée
dans Le Monde du 20 mai, Christian
Charpy, directeur général du Pôle emploi,
soutient que j’ai « accablé le Pôle emploi à
grands coups de contrevérités… inquiétantes pour un économiste qui entend faire
référence sur les questions d’emploi
et de chômage ».
En réalité, les contrevérités dénoncées
par Christian Charpy proviennent d’une
déformation de mes propos et d’une
connaissance apparemment superficielle du fonctionnement du marché du travail.
Premièrement, j’explique, dans mon
entretien, que l’activité économique est
toujours accompagnée de mouvements
massifs de créations et destructions
d’emplois.
En récession, l’économie détruit davantage d’emplois – de 10 % à 20 % de plus –,
mais surtout elle en crée beaucoup
moins de nouveaux. Selon Christian Charpy, je me trompe, car il y a eu une diminution nette de 138 000 emplois au premier
trimestre 2009.
Il ne viendrait à l’idée de personne de
contester que ce chiffre est exceptionnellement élevé. Mais ce chiffre est la différence entre les départs et des sorties de
l’emploi, qui sont d’une toute autre
ampleur : en France, durant un trimestre,
environ 2 millions de salariés sortent de
l’emploi en période normale et à peu près
autant y entrent. En récession, ce processus se grippe : le taux de sorties de l’emploi augmente un peu et les créations
d’emplois sont insuffisantes.
Depuis plusieurs années, de nombreux
travaux de recherche, impulsés notamment par Robert Shimer et Robert Hall,
respectivement professeurs à l’université
de Chicago et Stanford, analysent ces phénomènes dont la compréhension est
essentielle pour lutter contre le chômage
en période de récession. Christian Charpy
semble ne pas en soupçonner l’existence.
Deuxièmement, j’indiquais que les
entrées au chômage consécutives à un
licenciement économique ont été de
23 000 en France en mars 2009, alors
qu’elles étaient de 27 000 en mars 2005,
une période qui ne connaissait pas d’inquiétude particulière. Christian Charpy
affirme que je suis mal informé, car il faudrait ajouter les entrées en convention de
reclassement personnalisé, dont peuvent
bénéficier certains salariés qui perdent
leur emploi pour des raisons économiques dans les entreprises de moins de
1 000 salariés.
Or les bénéficiaires de convention de
reclassement personnalisé ne sont pas
chômeurs, mais stagiaires de la formation professionnelle. C’est pour cela
qu’ils ne sont pas comptabilisés comme
des entrées dans le chômage par le ministère du travail. J’ose imaginer que Christian Charpy dispose de cette information.
En réalité, pour Christian Charpy, critiquer l’efficacité du service public de l’emploi est un crime de lèse-majesté.
Il devrait alors couvrir d’opprobre le
secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez, qui a estimé le 14 mai sur Europe 1,
que Pôle emploi méritait la note de 11/20
et, surtout, l’ensemble du personnel de
Pôle emploi qui, comme le rappelle
Liaisons sociales magazine, dans son
numéro d’avril 2009, ont rebaptisé leur
institution sous les noms de « Pôle en
bois ».
La fusion entre l’ANPE et l’Unedic est en
effet très difficile à réaliser. Dans ce
contexte, on a du mal à comprendre pourquoi Christian Charpy consacre un temps
précieux à écrire un article dont la
rigueur mérite nettement moins de
11/20.
Pierre Cahuc
Professeur à l’Ecole polytechnique
16 Culture
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
A Bâle, l’œil du collectionneur remplace son oreille
Les nombreux acheteurs présents à la plus grande foire d’art au monde font à nouveau confiance à leur jugement
vent le chemin de Bâle et savent ce
qu’ils veulent. La plupart ont été
déçus par l’aspect toujours plus
trash de Liste, la plus ancienne des
foires off, devenue un gigantesque
foutoir. Ils ont apprécié Volta, où
les 110 exposants donnent l’impression d’être la relève des marchands de la Foire principale.
Bâle (Suisse)
Envoyé spécial
A
cetâge, on devient raisonnable : pour son quarantième
anniversaire, la Foire d’art
moderne et contemporain de Bâle
semble s’assagir. Moins d’œuvres
monumentales délirantes, y compris dans la section baptisée Art
Unlimited (art sans limite). Moins
de prise de risque, et un retour à
des talents plus sûrs, des artistes
confirmés plutôt que des jeunes
vedettes lancées à grand renfort de
bouche-à-oreille.
L’oreille, par où passait l’essentiel du sens critique, semble avoir
étéremplacée parl’œil.Surles quelque 2 500 artistes représentés par
300 galeries – choisies parmi 1 100
postulantes –, on retrouve quelques starlettes récentes et de
grands anciens, des œuvres plus
austères, au diapason de ces temps
de crise.
Crise ? Quelle crise ? Si les marchands étaient inquiets, la Foire de
Bâle a montré, dès l’ouverture, que
les clients étaient toujours là. Les 75
exposants américains, le plus gros
contingent de la Foire devant les
Allemands, n’en revenaient pas. A
New York, les galeries licencient ou
ferment les unes après les autres. A
Bâle, elles font des affaires comme
si de rien n’était.
Exemples parmi d’autres : la
vente d’un tableau de David Hockneyetd’une œuvredeMartin Kippenberger, pour 1,8 million de dollars chacun. Mais les achats sont
moins rapides : en 2008, les stands
étaientdévalisésen moinsdevingtquatre heures, obligeant les marchands à faire un nouvel accrochage, presque quotidien pour les plus
chanceux. Cette année, rien de ça.
Le magazine The Art Newspaper
a titré sur la fin des années « bling-
L’acteur américain Brad Pitt intéressé par « l’homme-puzzle » de son compatriote Matt Johnson. REUTERS/ARND WIEGMAN
bling », et pourtant l’art le plus
paillettemarcheencore. Une sculpture de Murakami réalisée en collaboration avec la jeune star du hiphopPharell Williams, qui représenteun personnage de l’univers manga de l’artiste japonais, avec des
dorures et des incrustations de
rubis, de saphirs et autres pierres
précieuses, a été vendue 2 millions
d’euros par la galerie Perrotin.
Certains n’apprécient guère : le
Les trésors d’un oligarque
russe sortis de l’ombre
même Murakami est représenté,
en pied, à Volta, une foire off de
Bâle. En minijupe et bas résille,
balançant son sac Vuitton, juchée
sur les talons aiguilles de ses cuissardes, sa statue adresse une mimique aguicheuse au passant. C’est
une œuvre d’Eugenio Merino, qui
critique à sa façon son confrère et
l’état d’un certain marché de l’art.
Des foires, Bâle en compte plusieurs : celle intitulée Design
Miami/Basel montre du mobilier
contemporain. On y a vu le milliardaire russe Roman Abramovitch y
faire ses emplettes. Il était précédé
de l’acteur américain Brad Pitt, qui
a rempli son charriot en achetant
des pièces d’un tout jeune designer, Nacho Carbonell, pour un
total de 84 000 dollars, et trois installations de l’atelier Van Lieshout,
dont celle se trouvant à l’entrée de
la foire, la Mini Capsule Hotel, qu’il
destine, selon The Art Newspaper,
à servir de cabine sur sa plage privée de Santa Barbara.
Comme il a aussi acquis pour
près de 1 million d’euros un
tableau de l’Allemand Neo Rauch,
Brad Pitt n’a pas fait que se montrer à Bâle. Il est même un fanatique, et un très bon connaisseur,
d’architecture. Comme lui, les collectionneurs, longtemps tenus à
l’écart par la spéculation, retrou-
Deux cents personnes dînent ensemble
pour garder en France l’œuvre de Debord
La Bibliothèque nationale de France réunit des mécènes, lundi 15 juin
J
usqu’ici Viatcheslav Moshe
Kantor, un oligarque de 56 ans
qui a fait fortune dans les
engrais et préside le Congrès juif
russe et européen, était resté discret sur sa passion pour les peintres russes du XXe siècle. Seul un
cercle d’amis et d’initiés avait eu
accès à sa riche collection, soit
quelque 300 œuvres acquises au
cours des dix dernières années et
rassemblées au sein d’un Musée
d’art d’avant-garde (Magma) qui
n’existe pas physiquement.
Jeudi 11 juin, une partie de ce
trésor est pour la première fois
sorti de l’ombre dans une exposition organisée à Genève au
Palais des nations, le siège de
l’ONU, et intitulée « Ma patrie
est dans mon âme : l’art sans
frontières ». Une quarantaine de
toiles sont exposées, jusqu’au
19 juin, dont des œuvres de Léon
Bakst, d’Alexander Tyshler, de
Marc Chagall (Le Clown musicien), de Chaïm Soutine (Le Pâtissier de Cagnes), de Sonia Delaunay et Jacques Lipchitz ou encore
celles d’artistes contemporains.
Avec quelques très belles pièces comme un Mark Rothko (Portrait of Joe Liss), un Modigliani
(Portrait de jeune fille en robe noire) acheté en 2000 pour 15,6 millions de dollars. Ou encore les toiles d’Erik Boulatov (Horizon,
1971-1972) et de l’artiste conceptuel Ilya Kabakov (Jouk, 1982),
tableau acquis, en 2008, pour
2,93 millions de livres.
Peu coutumier des apparitions publiques, M. Kantor, qui
est domicilié depuis plus de quinze ans à Cologny, la banlieue chic
genevoise, avait convoqué la
presse pour s’exprimer sur l’événement, aux côtés de l’ambassadeur de la Russie auprès des
Nations unies. Lyrique, il parlait
de « tolérance et réconciliation »,
soulignant le rôle décisif de certains artistes russes d’origine juive dans l’évolution de l’art et de
la culture européenne du siècle
dernier. Il se félicitait du fait que
l’exposition allait, désormais,
voyager dans le monde entier.
« Musée privé »
Mais, à la journaliste qui l’interrogeait sur l’avancement des
travaux de son « musée privé » à
Cologny, il répondait qu’il s’agissait d’une « question de construction et pas d’art ». L’affaire fait
jaser. Le collectionneur a engagé
de colossaux travaux pour réaménager sa propriété et y bâtir
une nouvelle villa, une galerie
d’art de 405 m2, une piscine intérieure, un garage souterrain ainsi qu’un tunnel de liaison d’accès au jardin. Ses voisins, dont
Klaus Schwab, le patron du
Forum de Davos, avaient tenté
en vain d’interdire le chantier.
M. Kantor, dont la fortune est
estimée à 650 millions de dollars, n’est pas homme à se laisser faire.
Selon la presse russe, il joua,
en 2003, un rôle décisif dans le
lancement des poursuites judiciaires contre le clan de Mikhaïl
Khodorkovski, le magnat du
pétrole aujourd’hui emprisonné. Aujourd’hui, outre ses activités philanthropiques ou artistiques, M. Kantor, qui a les faveurs
du Kremlin, continue à diriger
d’une main de fer son empire, le
groupe de fertilisants minéraux
Akron, dont il détient la majorité des parts, implanté en Russie
et en Chine. p
Agathe Duparc
(Genève, correspondante)
L
ecompte à rebours estenclenché. Et le temps file vite.
Depuis le 29 janvier, date à
laquelle la ministre de la culture,
Christine Albanel, a classé « trésor
national » les archives de Guy
Debord (1931-1994), le chef de file
du mouvement situationniste,
l’Etat dispose de trente mois pour
rassembler l’argent nécessaire afin
d’acquérir ce fonds inventorié par
le libraire parisien Benoît Forgeot.
Outre le manuscrit autographe
de La Société du spectacle (paru en
1967, disponible en « Folio »), ce
fonds comprend une collection de
notes de lectures, deux cahiers
dans lesquels Guy Debord a inscrit
ses rêves, tout ce qui concerne le
Jeu de la guerre, avec un des cinq
exemplaires de l’ouvrage qui a été
pilonné, le manuscrit de son dernier projet de livre, toutes ses notes
concernant le cinéma, de gros dossiers concernant l’édition, et l’ensemble de sa correspondance.
Passé le délai de deux ans et
demi, ce fonds, dont l’intégrité a été
préservée par Alice Debord, veuve
de l’écrivain et détentrice des droits
moraux sur l’œuvre, pourrait
migrer outre-Atlantique et être
acquispardesuniversitésaméricaines,trèsfriandesdecetypededocuments, comme celle de Yale, qui est
déjà sur les rangs.
La valeur de ces archives est difficile à évaluer, mais elle dépasse
plusieurs centaines de milliers
d’euros. Afin de réunir une partie
de la somme, Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale
de France (BNF) a décidé de faire
appel à des mécènes en les réunissant autour d’un dîner de prestige.
Ce dîner de gala aura lieu le lundi
15 juin, sur le site François-Mit-
terrand, dans le prestigieux hall
des Globes. Cette façon de lever des
fonds est directement inspirée par
les méthodes des fondations et
musées américains, qui sollicitent
ainsi de richissimes donateurs.
« Nous réunissons une fois par
an tous nos grands mécènes dans
un cadre prestigieux », explique le
président de la BNF. En 2008, l’argent récolté (autour de
200 000 euros) avait permis à la
Bibliothèque d’acquérir une pièce
unique de l’artiste allemand
Anselm Kieffer, un hommage au
poète Paul Celan, ainsi qu’un lot de
lettres de Marcel Proust.
Deux cents couverts
Cette année, la crise promet de
se faire un peu sentir, mais près de
deux cents couverts payants sont
déjà réservés (soit un peu plus que
l’an passé) pour le dîner organisé
par M. Racine et le banquier JeanClaude Meyer, président du Cercle
de la BNF. Cristaux, porcelaines,
bordeaux classés et mets subtils
sont au menu.
Le montant du couvert est fixé
à 500euros, mais les dons sont laissés à la discrétion des entreprises
ou des personnes. « Il y a un plancher, mais pas de plafond », précise
M. Racine. Certaines entreprises
ou fondations comme Total, Veolia ou Roederer (qui offre le champagne) ont réservé une ou plusieurs tables de douze couverts.
Parmi les convives qui ont aussi
pris leur rond de serviette figurent
Sotheby’s, les galeries d’art Ropac,
Templon, la famille Boissonnat,
via la Fondation Clarence. Pour les
entreprises qui font des bénéfices,
l’opération est intéressante, car les
dons sont fiscalement déductibles
à hauteur de 90 % ; pour les particuliers, le seuil est fixé à 60 %.
Le conseil d’administration du
Cercle de la BNF comprend aussi
de généreux donateurs, dont les
plus réguliers sont Nahed Ojjeh, la
veuve du richissime marchand
d’armes Akram Ojjeh, le cofondateur de la maison de couture Saint
Laurent, Pierre Bergé, mais aussi le
patron du Groupe Rivaud,
Edouard de Ribes, le collectionneur Pierre Leroy, cogérant du
groupe Lagardère – tous sont du
dîner. Cette année, le Cercle a aussi
créé un prix de la BNF, doté de
10 000 euros pour soutenir la
recherche contemporaine qui sera
remis le même soir.
Au nombre des invités seront
présents la ministre de la culture,
Christine Albanel, qui peut autoriser le fonds du patrimoine à contribuer à l’achat, mais aussi la veuve
de l’écrivain, qui a accepté que le
manuscrit de La Société du spectacle soit exposé aux yeux des donateurs potentiels, pendant le dîner.
D’autres œuvres patrimoniales
récemment acquises seront aussi
présentées, comme L’Histoire de la
belle Mélusine, de Jean d’Arras, de
1479, ou le manuscrit de L’Ecume
des jours, de Boris Vian.
Les généreux donateurs mordront-ils à l’hameçon ? Réponse le
15 juin au soir. Mais déjà ce dîner a
un avant-goût délicieux. C’est peu
direqu’entre ces mécènes et la penséeanticapitaliste et anticonsumériste de Guy Debord, il y a un fossé
culturel. Bruno Racine doit bien
aller chercher l’argent où il est. Et il
rappelle : « La BNF ne va pas acquérir uniquement les fonds d’auteurs
qui défendent l’ordre établi. » p
Alain Beuve-Méry
« N’aimez pas la beauté »
Crise aidant, l’art redevient plus
critique, radical : ainsi les pastiches
de tableaux chinois contemporains (dont les spéculateurs sont
fans), par l’Italien Gabriele Di Matteo, qui dénonce un « art matérialiste » et cite cette phrase de Mao :
« N’aimez pas la beauté. Aimez le
pouvoir des armes. » On pense
encore à ce portefeuille, appartenant à l’artiste Christophe Buchel,
qui l’a garni de cartes de crédit
avant de le coller soigneusement
sur le plancher de la galerie Hauser
& Wirth : gag garanti quand quelqu’un tente de le ramasser.
Les tableaux superbes de Jörg
Lozek, né à Leipzig, racontent les
rêveries d’un adolescent dans une
chambre sordide d’Allemagne de
l’Est, chez Daniel Templon. Et puis
cet autre peintre étourdissant de
technique, Kehinde Wiley, refait
un Christ mort comme celui peint
par Mantegna vers 1480, a cela
près que celui de Wiley est un rappeur noir. Deitch Project, qui l’expose, montre aussi des aquarelles
fantastiques d’un vieux routier,
Francesco Clemente. Des valeurs
sûres, et d’autres qui le sont
moins, plaisir de la découverte
dans une merveilleuse Foire. p
Harry Bellet
Art Basel, Halls 1 & 2, Messe Basel,
Messeplatz, Bâle. www.artbasel.ch.
Tous les jours de 11 heures à 19 heures.
Jusqu’au 14 juin.
Internet
Un nouveau projet de loi
contre le piratage étudié
avant la fin du mois de juin
Le Conseil d’Etat sera saisi « dans
les tout prochains jours » d’un projet de loi qui définira les sanctions
à l’encontre de ceux qui ont piraté, à plusieurs reprises, des musiques ou des films sur Internet. Ce
projet devrait être présenté en
conseil des ministres « avant la
fin du mois de juin », a annoncé,
vendredi 12 juin, la ministre de la
culture, Christine Albanel. Ce nouveau texte correspond à la partie
du projet de loi Hadopi censurée
le 10 juin par le Conseil constitutionnel. Il sera inscrit à l’ordre du
jour de la session extraordinaire
du Parlement, en juillet. La partie
non censurée de la loi Hadopi sera
promulguée et publiée au Journal
officiel « dans les prochains
jours », a indiqué Mme Albanel, qui
n’entend pas renoncer à la coupure de l’abonnement, mais qui
devra désormais être prononcée
par un juge. « Il va y avoir des juridictions spécialisées » au sein des
tribunaux pour décider des sanctions, a précisé Mme Albanel sur
France 2. – (AFP.)
Musique
Joey Starr condamné à
six mois de prison ferme
Le rappeur Joey Starr, 41 ans, de
son vrai nom Didier Morville, a
été condamné, vendredi 12 juin, à
deux ans de prison dont six mois
ferme pour avoir porté des coups
de hachoir sur une voiture dans
laquelle se trouvaient quatre passagers, le 1er juin, à Paris. Aucune
personne n’avait été blessée. Joey
Starr a été incarcéré à l’issue de sa
comparution au tribunal correctionnel de Paris. Le chanteur, qui a
relancé en 2008 le groupe NTM
avec Kool Shen, compte une quinzaine de condamnations à son
casier judiciaire, qui datent pour
la plupart de la fin des années
1990 et du début des années
2000. – (AP.)
Rendez-vous Culture 17
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Agenda
Au concert avec La fabrique de la culture
Renaud Van
Ruymbeke
magistrat
Quand son travail lui en laisse le
temps, le juge Renaud Van Ruymbeke,
56 ans, se livre à sa passion : le piano.
Comme dans le passé, il ira au Festival
des fêtes musicales à la Grange de
Meslay (Indre-et-Loire),
qui commence le 19 juin.
Cet endroit est
magique. Imaginez : un bâtiment
monastique de 60 m de long
datant du XIIIe siècle, une charpente en cœur de chêne. Tout cela en
pleine nature, avec dehors la prairie… Un charme indescriptible. Un
climat idéal pour la musique.
Quand il a découvert ce site, le
grand Sviatoslav Richter a décrété
qu’il jouerait là. Il y est revenu, il y
trouvait une inspiration. C’est vrai
qu’on ressent quelque chose de
particulier. J’aime l’acoustique parfaite des grandes salles de concert.
Mais ici, même si le chant d’un coq
peut perturber l’écoute, l’émotion
est incomparable.
J’y vais depuis six ans. René
Martin, le directeur artistique, y
programme des artistes formidables. J’y ai découvert Arcadi Volodos, dans un programme Liszt
d’une difficulté folle qu’il abordait
avec une aisance déconcertante ;
ou le jeune Israélien Iddo Bar-Shai.
J’y passerai la journée du 30 juin :
trois concerts, à 11, 16 et 19 heures.
J’attends beaucoup du dernier, Brahms avec le jeune prodige Jean-Frédéric Neuberger. L’après-midi, j’entendrai un duo piano-violon que je
ne connais pas dans Beethoven et
Szymanowski. C’est à Meslay que
j’ai découvert ce compositeur
moderne, que j’ai appris à aimer.
Pour moi, Meslay, c’est comme
la Folle Journée de Nantes : une
parenthèse, un moment d’exception. Je vais trop peu au concert. Je
n’ai pas beaucoup de temps et
Erotisme, sexe et strip-tease
s’invitent sur les scènes actuelles
Plusieurs performances à venir, certaines interdites aux moins de 18 ans,
poussent loin les expériences autour du désir et du corps
Y
BERTRAND GUAY/AFP
quand j’en trouve, je préfère le
consacrer à jouer. Le piano est un
élément essentiel de ma vie. J’ai
commencé à 8 ans. A 13 ans, je m’y
suis mis sérieusement. Etudiant, je
jouais trois heures par jour. J’ai tenté le Conservatoire de Paris. En
vain. Alors je me suis dit que je
deviendrais juge de paix en province, que j’aurais du temps pour satisfaire ma passion. J’ai eu tout faux !
Il y a dix ans, un pianiste remarquable, Laurent Cabasso, a accepté
de me reprendre en main. J’ai
recommencé à jouer régulièrement. A Paris, je n’ai pas de piano
mais un clavier. Je travaille deux
ou trois heures par semaine. Pendant les vacances ou le week-end,
je joue plusieurs heures par jour.
Le piano m’a enseigné la
rigueur. Quand vous vous attaquez à la Sonate, de Liszt, vous prenez un passage, vous le travaillez
lentement, puis un peu plus vite,
puis vous enchaînez. J’ai sans doute cherché à appliquer cela dans
mon métier. L’instrument impose l’humilité : sans travail, rien
n’est possible. Si vous arrêtez quelques semaines la fameuse sonate,
il faut recommencer de zéro. C’est
une passion et une évasion. Et
croyez-moi, j’en ai besoin. » p
Propos recueillis par
Nathaniel Herzberg
Festival des fêtes musicales à la Grange de Meslay. Du 19 au 30 juin à ParçayMeslay. Tél. : 02-47-29-19-29.
Cinéma
« La Vie ailleurs »
PARIS. Comme beaucoup de films
promus par l’association Point
Ligne Plan, La Vie ailleurs, de
David Teboul, est une œuvre belle
et forte qui ne trouve pas sa place
dans le circuit commercial. Il sort
dans une seule salle à Paris. C’est
un regard très original sur la banlieue, mi-journal intime, mi-documentaire, qui en déjoue tous les
clichés. Parti tôt d’un lieu honni,
le réalisateur revient y tourner
auprès de ses habitants un film,
témoin de la distance et de la solidarité qu’on peut éprouver à
l’égard de l’enfance.
« La Vie ailleurs« , de David Teboul. Cinéma l’Entrepôt, 7-9 rue Francis de Pressensé, Paris-14e. Tél. : 01-45-40-07-50.
Tous les jours à 19 h 35.
Jusqu’au 30 juin.
Différent ! 2
PARIS. Une semaine de cinéma
espagnol, pour se convaincre qu’il
ne se réduit pas au seul Pedro
Almodovar. Lundi 15 juin, on
découvrira Camino, histoire d’une
enfant malade tombée aux mains
de l’Opus Dei, film couvert de
récompenses dans son pays. Un
autre temps fort sera consacré à
Arrebato, d’Ivan Zulueta, vieux de
trente ans, qui marqua lui aussi le
début de la renaissance postfranquiste. Et aussi des nanars improbables, des documentaires inédits
et une performance musicale de
rue (Champollion, en l’occurrence) le soir de la Fête de la musique.
Différent ! 2 Cinémas Nouveau Latina,
Reflet Médicis et Majestic Passy, Institut
Cervantès, Paris. Du 15 au 21 juin.
www.gnolas.org
Danse
« Un presque rien », spectacle mis en scène par Elise Lahouassa à partir de textes d’Ovide. MATHIAS WEZINSKI
Danse
Q
ue de strip-teases, de nudité
et même de jouets sexuels
actuellement sur les plateaux de danse ! Une vague
de fond érotique emporte les chorégraphes et les metteurs en scène.
Symptômes d’une société qui se
met à poil dans tous les sens du terme, ces spectacles décomplexés
jouent la carte « performance et
sexe »sansl’ombred’une hésitation.
Ils déplacent même les frontières de
l’art vers les cabarets et les peepshows, pour remettre le corps et ses
désirs au centre du plateau.
La figure populaire de ce mouvement s’appelle Philippe Decouflé,
qui signe la nouvelle revue du Crazy Horse, à Paris : dix sexy girls à
découvrir en septembre. Découflé
est un habitué de l’érotisme,
auteur du spectacle Cœurs croisés
(2007) dans lequel on a pu découvrir des effeuilleuses pas piquées
des hannetons.
Le Théâtre parisien de la Bastille
accueille pour sa part, à partir du
15juin,leFestivalTrans,quiculminera le 23 juin avec la NuitTransErotic.
« Je ne veux pas laisser l’éros au commerce, à la pub et au fric, s’énerve le
metteur en scène Jean-Michel
Rabeux, organisateur de la manifestation. On est envahis de pornographie avec des corps mécaniques, formatés,dusexeenplastiqueetduplaisir bidon. L’art doit s’occuper de
l’éros. C’est même son devoir, sa responsabilité actuellement. »
« Encore à poil »
Jean-Michel Rabeux n’est pas né
de la dernière pluie : le sexe et son
secret sont au cœur de son travail
théâtral depuis vingt-cinq ans.
« Mais c’est le secret de tout le monde », corrige-t-il. Sans doute, mais le
fait de le transformer en spectacle
change la donne : en 1987, son Eloge
de la pornographie lui a valu des
insultes. Il a persisté et, aujourd’hui,
il n’est plus seul dans cette veine.
« Le sexe est dans l’air du temps, d’accord, mais il n’empêche qu’il faut se
battre de plus en plus contre les interdits et la censure, assène-t-il avec
virulence.
Un constat : à Paris, comme en
province,actuellement,lesprogrammateurs rencontrent apparem-
ment peu de controverses. Au
contraire : l’annonce de certains
spectacles dénudés remplit parfois
les salles.
Parmi les invités de son festival,
la comédienne Céline Milliat-Baumgartnerprésente Striptease, qu’elle a imaginé avec la complicité de
Cédric Orain. « Depuis 2001, j’ai l’impression que les metteurs en scène
me demandent souvent de jouer à
poil, et j’en ai un peu marre, s’exclame-t-elle. J’ai eu envie, du coup, de
parler en mon nom et de poser la
question : qu’est-ce qui excite tant
dans un strip-tease, et jusqu’où ça
excite ? »
Entre Foufoune Darling et Lili la
Pudeur, l’actrice s’interroge aussi
sur le métier qu’elle a choisi, son
goût de l’exhibition, sa passion de
« se compromettre sur scène avec
joie ». Quitte à ce que ses amis lui
disent une fois de plus : « T’es encore à poil. »
Cette tendance érotique et
sexuelle est surtout portée par les
danseurs et les chorégraphes.
L’Américaine Ann Liv Young, les
Français Alain Buffard, Yves-Noël
Genod, Giselle Vienne, font réguliè-
Cecilia Bengolea, une Argentine à Paris
CECILIA Bengolea, à l’affiche de
Paquerête le 19 juin à Lille a 30 ans.
Partenaire de François Chaignaud,
avec lequel elle a fondé sa compagnie en 2007, elle a démarré sagement la danse classique et jazz à
l’âge de 10 ans dans sa ville natale
de Buenos Aires (Argentine). Née
dans une famille de la grande bourgeoisie pour laquelle « la danseuse
est une pute », elle a 17 ans lorsqu’elle commence à étudier la danse « anthropologique », soit le
kathakali indien ou des styles traditionnels boliviens, tout en suivant des études de philosophie et
d’histoire de l’art.
Arrivée à Paris en 2001, elle
additionne des petits jobs de stripteaseuse dans des boîtes comme le
String Fellows à Paris pour gagner
sa vie. « C’est sûrement inconscient, mais j’avais besoin de me
définir contre les préjugés familiaux conservateurs, de récupérer
mon corps, mes pensées, ma liberté, confie-t-elle. Par ailleurs, ça me
semblait nécessaire, plus vertigineux aussi, par rapport à une
morale qui me semblait obsolète et
peu épanouissante. »
Sacs de latex
Après une formation au Centre
chorégraphique de Montpellier
en 2004, Cecilia Bengolea collabore avec des chorégraphes comme
Claudia Triozzi pour le spectacle
de strip-tease Nightshade (2007),
Tiago Guedes et Mark Tompkins.
Avec François Chaignaud, elle
met en scène Pâquerette dans de
petits lieux parisiens marginaux
sans penser une seconde jouer
sur des scènes de théâtre. « Programmer une pièce avec des godemichés nous semblait franchement impossible… »
Le credo du duo Bengolea-Chaignaud réside dans le mot « transformation ». « Transformer nos
corps par le travestissement ou
l’hybridation avec des objets,
transformer la relation à l’autre,
avec le public… C’est une quête
politique et intellectuelle. » Leur
nouvelle pièce s’intitule Sylphides, et les met en scène dans des
sacs de latex comme s’ils étaient
sous vide. Claustrophobie, mort
et renaissance…
Interprète d’Alain Buffard dans
Self & others, elle y livre un autoportrait en string et queue de cheval qui va chercher son inspiration littéraire du côté de la Bible.
Elle planche aussi sur la reconstitution des danses libres des années
1920-1930, de François Malkovsky
(1889-1982). Parallèlement, elle
mène toujours sa double vie, en
testant parfois ses performances
dans une boîte échangiste près de
Beaubourg. Lorsque son emploi
du temps le lui permet, elle manifeste avec les prostituées parisiennes, en scandant comme elles :
« Vous couchez avec nous, vous
votez contre nous ! » Danseuse,
oui, mais pas trop ! p
R. Bo.
rement parler d’eux sur le sujet.
François Chaignaud et Cecilia Bengolea se sont fait une réputation
avec Pâquerette (2007). Ces danseurs, qui évoluent en duo, chacun
avec un godemichet bien planté,
donneront une performance fin
juin dans les rues parisiennes avec
le soutien de l’association Act Up.
Pâquerettenesecontentepasd’effeuiller la marguerite mais de « faire
danser tous les orifices, dont l’anus »,
selon ses auteurs. « On a envie de
trouver des intensités nouvelles, loin
desnormesetdescodes,raconteFrançois Chaignaud. Le plateau est un
espace de liberté. Les questions du
désir et du plaisir y sont chez elles. »
Pornographique ? Absolument
pas, selon François Chaignaud, qui
définit la pornographie comme
une « entreprise de duplication à
l’infini, alors que le désir est unique ». Passé par une formation de
danseur tout ce qu’il y a de classique, il déclare se sentir proche, à sa
façon, des « travailleurs du sexe
engagés avec leur corps ». Les danseuses de l’opéra, au XIXe siècle,
étaient aussi des femmes légères,
comme on dit, voire des prostituées occasionnelles, proies rêvées
de riches messieurs qui les dévoraient du regard depuis le balcon.
La question de la morale est rejetée par les artistes. La fameuse formule, bien commode aussi, « l’art
est au-delà de la morale » fleurit un
peupartout. « Mais ily ades limitesà
la représentation de l’acte sexuel sur
un plateau, nuance Alain Buffard,
dont la nouvelle pièce, Self & Others,
est en tournée en France. Il ne s’agit
pas d’être dans la provocation, mais
de suggérer en ouvrant l’imaginaire
des spectateurs ». Jean-Michel
Rabeux affirme présenter du « hard,
mais avec délicatesse, car le choc du
vivant est toujours dangereux ». La
Nuit TransErotic est interdite aux
moins de 18 ans. p
Rosita Boisseau
Festival Trans. Théâtre de la Bastille, 76,
rue de la Roquette, Paris-11e. Jusqu’au
28 juin. De 10 ¤ à 25 ¤. Tél. :
01-43-57-42-14. Self & Others, d’Alain
Buffard. Festival d’Uzès (Gard). 16 juin.
19 heures. Tél. : 04-66-03-15-39. De 10 ¤
à 20 ¤. Pâquerette, de François Chaignaud et Cecilia Bengolea, à la Malterie,
42, rue Kuhlmann, Lille (Nord). Le 19 juin
à 21 heures. Tél. : 03-20-19-18-50. 5 ¤.
Saisons russes
PARIS. Le Ballet du Kremlin fait
figure de curiosité à ne pas rater
avec son programme spécial « Saisons Russes » pour le centenaire
des Ballets russes de Diaghilev.
Rien que des pièces insolites, interprétées par des stars comme Nicolai Tsiskaridze ou Ilse Liepa : Le
Dieu bleu (1912), Shéhérazade
(1910) ou Thamar (1912), dans des
versions revues par des chorégraphes actuels.
Saisons russes. Ballet du Kremlin, Théâtre du Châtelet, place du Châtelet,
Paris-1er. Mo Châtelet. Du 19 au 21 juin.
Trois programmes. 20 heures. Le dimanche à 17 heures. Tél. : 01-49-52-50-50.
De 15 ¤ à 89 ¤.
Musique
Les légendes du raï
PARIS-TOULOUSE. Deux chanteurs vétérans de l’Algérie, Boutaïba Sghir et Belkacem Bouteldja,
ont contribué à l’émergence du
raï. Ils comptent même parmi les
précurseurs du raï moderne,
rebaptisé « pop raï », avec un son
tonique. Ils se produisent au Festival de l’Institut du monde arabe, à
Paris, et seront également au Festival Rio Loco de Toulouse, consacré au Maghreb.
Institut du Monde Arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris-5e. Tél. : 01-4051-38-14. Le 18 juin à 21 heures. 18 ¤ et
22 ¤. Festival Rio Loco, prairie des Filtres, Toulouse. Tél. 05-61-11-02-22. Le
20 juin, à 20 heures (avec Akim el Sikameya, Amazigh Kateb, Archie Shepp
& Dar Gnawa de Tanger). 5 ¤.
Opéra
« Le Roi Roger » de Szymanowski
PARIS. L’opéra de Karol Szymanowski (1882-1937), Le Roi Roger, est
à l’affiche de l’Opéra Bastille à partir du 18 juin jusqu’au 2 juillet. Un
véritable événement musical, que
son entrée tardive au répertoire de
l’Opéra de Paris rend encore plus
exceptionnel. L’œuvre est mystique et personnelle, sauvage, initiatique, révélatrice de forts conflits
intimes. Elle est mise en scène par
un des enfants terribles de la mise
en scène, le Polonais Krzysztof Warlikowski. C’est aussi l’ultime production phare de l’ère Mortier.
Opéra Bastille, 130, rue de Lyon,
Paris-12e. M˚ Bastille. Les 18, 20, 23, 25,
30 juin et 2 juillet à 20 heures, le 28 juin
à 14 h 30. Tél. : 08-92-89-90-90. De 5 ¤
à 138 ¤. www.operadeparis.fr
18 Culture Rendez-vous
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Galeries
Lever de rideau
Sélection CD
Eté 2009
La lutte des classes vue
depuis la photocopieuse
Fauré (1845-1924)
Galerie Jocelyn Wolff
Jocelyn Wolff présente une exposition minimale et ténue, autour
de huit artistes. L’un d’eux surpasse dès le premier regard tous
les autres : il s’agit de la Suisse
Miriam Cahn, qui montre deux
dessins et une toile. Cette dernière met en scène une apparition
spectrale, qui imprime à peine de
sa présence le canevas. Quelque
chose comme une aurore boréale
sur sa fin, qui surgit entre les
jeux de glacis.
Comme convoqués pour donner
un écrin humble, mais efficace,
les autres artistes de cette sélection se consacrent, eux aussi, à
explorer la naissance d’une forme. Guillaume Leblon revient à
un geste primitif en faisant des
petits châteaux de sable dans le
béton. Christoph Weber laisse
une poutre de ciment s’épuiser
dans l’eau, jusqu’à ce qu’elle se
dissolve presque.
En trois photographies, Jochen
Lempert examine les alphabets
étranges que dessinent des
mouettes posées sur l’eau. Quant
à Raimond Chaves et Patricia
Dauder, ils réalisent au graphite
ou au stylo des dessins pleins de
transparences. Leurs formes évanescentes ne cherchent pas à
s’imposer au regard, mais l’absorbent, contrairement aux dessins
naïfs d’Alexandre Désirée.
Enfin, Isa Melsheimer pose une
simple plaque de travertin sur
un tissu brodé, : une porte d’une
grotte promettant la révélation
de mystères. p E. L.
« Eté 2009 », galerie Jocelyn Wolff, 78,
rue Julien-Lacroix, Paris-20e. M˚ Pyrénées. Tél. : 01-42-03-05-65. Du mercredi au samedi de 14 à 19 heures. Jusqu’au
18 juillet. www.galeriewolff.com.
Miriam Cahn, « Hände
Hoch », détail. FRANÇOIS DOURY
Alberto Sorbelli
Galerie ColletPark
On l’avait connu performer provoquant dans les années 1990,
on le retrouve désormais dessinateur : pour autant Alberto Sorbelli est toujours aussi narquois et
sacrilège.
Jadis, il se promenait en travesti
aguicheur dans les salles du Louvre, au grand effroi des gardiens.
Aujourd’hui, l’Italien effraie encore, mais par d’autres moyens.
Tapissant partiellement les murs
de la galerie de ses feuilles
crayonnées, il trace des figures
animales d’une ligne dure et brisée. Dans sa caverne, les bêtes
mythologiques et celles des peluches de l’enfance se mélangent et
leurs corps s’humanisent alors
que leurs têtes demeurent celles
de loups ou de gloutons.
Ces hybrides prennent des postures menaçantes ou obscènes. A la
lueur des lampes posées par terre, ils rampent, se contorsionnent et exhibent leurs génitoires.
Aucun doute : dans ces contrées,
le temps de l’innocence et de
l’harmonie naturelle est passé
depuis longtemps. p Ph. D.
Galerie ColletPark, 203 bis, rue SaintMartin, Paris-3e. Mo Rambuteau. Tél. :
01-40-46-00-20. Du mardi au samedi
de 13 heures à 19 heures. Jusqu’au
18 juin.
Après avoir triomphé au Rond-Point, « Talking Heads », pièce grinçante
du Britannique Alan Bennett, est à redécouvrir au Théâtre Marigny
L’œuvre pour piano. Vol. 1 :
Ballade op. 19. Quatre valses-caprices. Mazurka
op. 32. Neuf Préludes
op. 103. Avec Jean-Claude
Pennetier (piano).
Le début d’une intégrale est toujours un moment crucial. Ainsi le
premier volume de la musique
pour piano de Fauré gravée par
Jean-Claude Pennetier. Le pianiste
français mène depuis de nombreuses années une carrière discrète mais têtue. Pour beaucoup
de mélomanes et nombre de ses
confrères, il est un des rares à posséder ce don de musique qui sonne clair et porte loin. Magnifiquement équilibrée entre couleur instrumentale et ligne de chant, sa
Ballade op. 19 séduit de bout en
bout. Tout comme des Préludes
op. 103 admirables de fraîcheur
introspective. p M.-A. R.
1 CD Mirare.
Flat Earth Society
Cheer Me, Perverts !
Christine Brücher, l’une des « têtes parlantes » de la pièce d’Alan Bennett. BRIGITTE ENGUERRAND
Théâtre
E
lles ont rencontré un tel succès au Théâtre du Rond-Point
au mois de mai, ces Talking
Heads, qu’elles traversent aujourd’hui l’avenue des Champs-Elysées pour aller se poser au Théâtre
Marigny jusqu’à la mi-juillet.
La politique de l’ex-maison de
Robert Hossein, depuis qu’elle a
été reprise par Pierre Lescure, semble être de donner une nouvelle
vie à de belles réussites du théâtre
public : à la rentrée, le Marigny
reprendra Partage de midi, de
Claudel, dans la mise en scène
d’Yves Beaunesne créée à la Comédie-Française, en mars 2007, avec
la sublime Marina Hands.
Succès fou, donc, pour Talking
Heads, et mérité. Le spectacle que
signent l’auteur britannique Alan
Bennett, le metteur en scène Laurent Pelly et ses trois merveilleuses actrices, Christine Brücher,
Charlotte Clamens et Nathalie
Krebs, est aussi drôle qu’émouvant, dans un registre rarement et
(souvent) mal pratiqué en France :
la comédie sociale grinçante.
De ces monologues écrits par
Alan Bennett, qui fut le scénariste
de Prick Up Your Ears (1987), le film
de Stephen Frears, Laurent Pelly et
son équipe en ont extrait trois, qui
composent le portrait de groupe
de trois solitudes.
DansUne femmesans importance, on découvre Peggy (Christine
Brücher), secrétaire dans une
entreprise où la devise est « Exporter ou mourir », dans sa petite vie
de bureau, avant de la retrouver à
l’hôpital, atteinte d’un cancer.
Dans Nuits dans les jardins d’Espagne, c’est Rosemary (Nathalie
Krebs), bourgeoise tranquille, qui,
se liant avec sa voisine, laquelle
vient de tuer son mari, découvre
les étranges soirées auxquelles se
livraient les hommes du quartier,
y compris son époux. Femme avec
pédicure nous emmène dans l’univers parallèle dans lequel bascule
Miss Fozzard (Charlotte Clamens),
vendeuse au rayon blanc et linge
de maison d’un grand magasin,
avec son podologue fétichiste.
Alan Bennett n’a pas son pareil
pour attraper, de son écriture faussement banale, décalée juste ce
qu’ilfaut,ce quela réalitéla plus triviale révèle de nos structures sociales, tellement intériorisées que
l’on ne voit même plus la souffrance qu’elles suscitent.
L’écriture de Bennett
va chercher dans
ces vies ordinaires
une humanité
profonde, âpre
et bouleversante
Les cadres et les secrétaires qui
mangent chacun de leur côté à la
cantine, les rapports entre vendeuses et chefs de rayon d’un grand
magasin, les « gossips » de machine à café… C’est un peu la lutte des
classes vue depuis la photocopieuse – laquelle, dans le spectacle de
Laurent Pelly, est une machine de
modèle courant, utilisée dans
nombre d’entreprises, dont le journal Le Monde.
Mais ce qui est beau et touchant, c’est que l’écriture ironique
et légèrement onirique d’AlanBennett ne reste pas au ras de la
moquette. Elle va chercher dans
ces vies ordinaires une humanité
profonde, âpre et bouleversante,
dans les abîmes qui s’ouvrent derrière la façade bien lisse du home
sweet home de la middle class
anglaise : la tragédie est au coin du
pavillon de banlieue mais, avec
une élégance et un humour tout
britanniques, elle n’est jamais projetée frontalement sur le spectateur.
La mise en scène de Laurent Pelly a trouvé la forme idéale pour ces
« têtes parlantes ». Les costumes,
les décors, tout participe de cet
hyperréalisme aux couleurs acides qui évoque celui du grand photographe de la classe moyenne
anglaise, Martin Parr. Mais c’est
surtout le travail sur l’espace qui
épate : avec sa scénographe Chantal Thomas, Laurent Pelly taille
dans le noir du plateau, de manière cinématographique, des sortes
de petites boîtes à la beauté plastiqueincontestable, formidables traductions scéniques des tranches
de vie découpées par Alan Bennett.
Et si ces Talking Heads finissent
par être si émouvantes, c’est avant
tout grâce à trois actrices de grande classe. Plus vraies que nature
dans leurs chemisiers à lavallière,
robes à fleurs et blouses de ménagère, tellement justes qu’elles
nous les rendent extrêmement
proches, ces trois femmes qui parlent, parlent, parlent, comme pour
recouvrir encore le non-dit général, la catastrophe des rapports
entre sexes, générations et classes
sociales. p
Fabienne Darge
Talking Heads, d’Alan Bennett (traduit
de l’anglais par Jean-Marie Besset, éd.
Actes Sud Papiers). Mise en scène : Laurent Pelly. Avec Christine Brücher, Charlotte Clamens et Nathalie Krebs. Théâtre Marigny, Carré Marigny, Paris-8e.
M˚ Champs-Elysées-Clemenceau. Tél. :
01-53-96-70-30. Du mardi au vendredi à
20 h 30 ; samedi à 16 heures et 21 heures, jusqu’à la mi-juillet. De 24 ¤ à 34 ¤.
Durée : 2 heures.
Festival d’Avignon
Rendez-vous majeur de la création théâtrale en France et en
Europe, le Festival d’Avignon, qui
se déroule cette année du 7 au
29 juillet, ouvre sa location lundi
15 juin, à 9 heures. A vos marques,
prêts, partez : les places, pour les
spectacles en vue, s’arrachent en
quelques heures, voire en quelques minutes.
Festival d’Avignon. Tél. :
04-90-14-14-14. Billetterie du Cloître
Tél. : 01-46-07-34-50. De 22 ¤ à 30 ¤.
www.festival-fragile.fr
Musique
Festival Django Reinhardt
Le Festival fragile
Rendez-vous sur l’île du Berceau
où venait pêcher Django Reinhardt. Ici, tout le monde joue pour
lui, tout le monde pense à lui. Quatre-vingt-dix musiciens pour cette 30e édition, avant le centenaire
(2010) du génial Manouche.
Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
Black Eyed Peas
The E.N.D
La fin ? non, un sigle : E.N.D pour
Energy Never Dies. Drôle de bande
de rappeurs californiens, où la
palette ethnique est respectée,
Black, Asiatique, Latino, Blanc,
Black Eyed Peas occupe le premier
rang des ventes aux Etats-Unis
avec le single Bom Bom Pow, grande farce hypnotique et propre à la
danse.
Mené par
le producteur
Will.I.Am,
soutien
hyperactif
au président Obama pendant sa campagne, le collectif haut en couleur
invente un rap très électronique,
avec vocodeur obligatoire, et
mélodies décharnées. On y trouvera des emprunts au duo français
Daft Punk, la présence, désastreuse, du DJ hexagonal David Guetta,
et des bizarreries comme ce Bom
Bom Pow, déjanté, qu’on a peine à
voir numéro un au pays du R’n’B
sirupeux. p V. Mo.
1 CD Polydor/Universal Music.
The Eternal
Saint-Louis, 20, rue du Portail-Boquier,
Avignon. www.festival-avignon.com.
Ce festival – réservé aux jeunes
artistes – s’installe pour trois
semaines aux Bouffes du Nord.
On réservera la soirée du 30 juin,
plus lettrée, pour découvrir Babx
et Frère Animal (avec Arnaud Cathrine, Florent Marchet et Valérie
Leulliot).
1 CD Crammed Discs/Wagram Music.
Sonic Youth
Réservez vos places
Théâtre
Encore plus
réjouissant,
encore plus
intense. En
2006, l’album Psych
out de Flat
Earth
Society avait attiré l’oreille sur ce
big band belge dirigé par le clarinettiste Peter Vermeersch. Jazz, fanfare, rock, cabaret… tout peut servir.
Avec Cheer Me, Perverts !, les thèmes rassemblent deux ou trois
idées, quand le précédent album
jouait parfois sur l’amoncellement.
On n’y entend pas de collages artificiels ou de démonstrations destinées à ne jouer que sur la surprise,
qui rendent anodines tant de formations. L’équipe a été rejointe par
le guitariste Pierre Vervloesem, par
ailleurs responsable de la réalisation et du mixage de l’album. Si sa
présence élargit la palette sonore, le
cœur de la formation se trouve toujours dans la précision et l’allant
des cuivres et des anches. Epatant,
et plutôt deux fois qu’une. p S. Si.
Ile du Berceau, Samois-sur-Seine. Du 25
au 28 juin. De 18 ¤ à 27 ¤ ; forfait 80 ¤.
www.festivaldjangoreinhardt.com
L’éternité selon le groupe new-yorkais créé en 1981 commence par
des dédicaces à deux guitaristes
disparus, Ron Asheton, des Stoogges (1948-2009), et John Fahey
(1939-2001), grand connaisseur
du patrimoine américain et peintre à ses heures – une de ses
œuvres figure en couverture du
livret. Sonic Youth, connu aussi
pour sa pratique des arts plastiques, produit ici un album, le seizième, qui s’il n’est pas novateur,
est riche et franc. Il joue avec d’impressionnants murs de son et des
décalages
constants.
Piliers de
Sonic
Youth, Kim
Gordon,
Lee Ranaldo, Steve
Sheilley et Thurston Moore ont
recruté l’ex-bassiste de Pavment,
Mark Ibold, pour renforcer les
bases et mieux les casser à coup
de réminiscences punk, électro,
noisy. Anti-orgasm ou What We
Know sont des manifestes d’indépendance. p V. Mo.
1 CD Matador/Beggar’s.
Michel Delpech
Sexa
Il est devenu inutile de nommer
les succès de Michel Delpech, sauf
à prendre plaisir à les fredonner :
Wight is Wight, Pour un flirt,
Quand j’étais chanteur, Le Loir-etCher, etc. – dix ans (1968-1978) de
slows et de rengaines imbattables
qu’un disque de duos paru en
2006, Michel Delpech &, avait
remis au sommet des ventes et
dévoilé aux enfants. A 63 ans, le
sexagénaire reprend son parcours, et avec son complice Francis Basset, écrit des chansons sur
la France vue de l’intérieur – Je passe à la télé (sur les émissions de plateau et de société), Johnny à Vegas
(un fan d’Hallyday qui fait le pari
du rêve). Toujours mélancolique,
proche des losers et des meilleurs
sentiments, Delpech is Delpech. p
V. Mo.
1 CD AZ/Universal.
Caetano Veloso
Zii e Zie
Titre étrange pour un
album qui
fait suite
au très
rock’ n’roll
Cê (abréviation de Você, vous) qui faisait explicitement suite à sa séparation
d’avec sa femme, Paula Lavigne. Le
Brésilien continue son entreprise
de déstructuration de la musique
populaire (Tarado ni você, accords
de guitare bossa décalés et dissonants, finale sur des percussions
indigènes), en reprend cependant
des titres anciens (Ingenuidade, de
Serafim Adriano) ou modernistes
(Incompatibilidade de genios, de
Joao Bosco et Aldir Blanc). Génie
musical, Caetano Veloso est encore
en trio avec la banda Cê, menée par
le guitariste Pedro Sa, Il invente le
« transambas » et s’en prend au
symbole de Guantanamo, la
« base » installée à Cuba, un pays
qu’il aime, par l’Amérique dont il
affectionne les marges, mais non
l’omnipotence. Le thème arrive en
boucles répétitives, avec chœur
féminin. Du grand Caetano, façon
1968, quand, en exil à Londres, il
poussait à fond un rock expérimental, saturé et tropical. p V. Mo.
1 CD Universal Jazz.
KamelElHarrachi
Ghana Fenou
Hommage d’un fils à son père. Fer
de lance de la nouvelle génération
du chaâbi, genre populaire né au
début du XXe siècle dans l’ombre
des tavernes et des fumeries de la
casbah d’Alger, Kamel El Harrachi
est le fils de Dahmane El Harrachi
(1925-1980), l’une des voix les plus
éclairées du genre, le créateur du
titre Ya Rayah (« L’Emigré »),
repris par Rachid Taha (dans le disque Diwân, en 1998). Sept des
titres (dont Ya Rayah) sont piochés dans le répertoire paternel.
Le jeune chanteur, né à Alger en
1973 et installé dans la région parisienne, complète cette relecture
dynamique par ses propres compositions, dont Ghana Fenou, une
ode au père disparu. La voix
rugueuse et déterminée caracole
au-dessus des cordes virevoltantes, des percussions têtues et d’un
chœur masculin aux ponctuations d’une belle vivacité. p P. La.
CD Turn Again Music/Mosaic Music.
& Vous 19
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
A fond la caisse
Trois véhicules emblématiques des 24 Heures du Mans, dont la 77e édition se dispute
samedi et dimanche, viennent de rejoindre le
nouveau musée dédié à l’épreuve et au circuit
de la Sarthe. Parmi eux, une Porsche 917 de
1971, qui partira en rénovation en septembre 2009. Autre curiosités : un camion de
pompiers Renault de 1923 et un camion-citerne essence Desmarais Frères de 1924. En service en Argentine jusqu’à la fin des années 1950,
le premier camion est arrivé par bateau au
sud de l’Italie, avant de rejoindre la ville
du Mans par la route. Des messages peints à la
mains par les pompiers de Rome et de Venise
sur la carrosserie témoignent de cette aventure. Le deuxième engin de service fut utilisé lors
de la première édition des 24 Heures, puis retiré de la circulation, en 1948, après 400 000 kilomètres parcourus et 20 millions
de litres d’essence livrés. Les deux camions ont été restaurés par
la Fondation du patrimoine en partenariat avec le groupe de
lubrifiants Motul.p Martine Picouët (PHOTOS DR)
Renseignements : Lemusee24h.com
Balade éveillée dans les rêves de créateurs
Jusqu’au 15 juin, des designers européens contemporains investissent 47 lieux dans Paris. A découvrir
Reproduction de « Ciudad Guatemala », de Yann Arthus-Bertrand sur un tapis en laine. DR
Design
Q
u’est-ce qui réunit La Dolce
Vita, de Fellini, les saynètes
virtuelles de Pierrick Sorin, la
treille d’Andrea Branzi, les plantes
épiphytes de Patrick Nadeau et
l’Ecole cantonale d’art de Lausanne ? Vous le saurez en courant aux
Designer’s Days, ce parcours parisien du design dont la 9e édition se
tient jusqu’à lundi 15 juin dans 47
lieux harmonieusement répartis
de part et d’autre de la Seine.
La Dolce Vita ? C’est le concept
imaginé par le jeune designer italien Ferrucio Laviani pour mettre
en scène les 60 ans de la maison
Kartell. Amoureux des couleurs
Avec le vidéaste
Pierrick Sorin,
la vie s’invite
sur les écrans plats
et ordinateurs
de luxe de Sony Style
pêchues, des Plexiglas légers et
translucides – et des poupées Barbie (elles ont ici une chaise à leur
effigie) –, le secret du style Kartell
(luminaires et mobilier) tient dans
la main : « une poignée de granules » transformés « grâce à une
machine poussée à une pression
interne impressionnante ».
Avec le vidéaste Pierrick Sorin, la
vie s’invite sur les écrans plats et
ordinateurs de luxe de Sony Style.
Les saynètes virtuelles de ce touche-à-tout iconoclaste, observateur de la condition humaine et critique d’art, introduisent Jean-Loup
(c’est le nom de son personnage)
dans la bergerie, histoire de casser
une image glamour polie et policée. C’est réussi et l’on prend un
double plaisir à « zieuter » les
objets haut de gamme et le court
métrage C’était bien du coulis de
tomates, un drôle de voyage dans le
temps à dos d’éléphant, cependant
que la danse aquatique d’un hologramme « sorinien » s’agite au
milieu de vrais poissons rouges.
Rien de virtuel – encore que –
dans le projet initié par la maison
Bernardaud et l’architecte et desi-
gner Andrea Branzi autour du
Salon des porcelaines du Musée
Capodimonte à Naples. Il s’agit, en
associant « la nature et l’architecture », de jouer sur les apparences :
une treille de feuilles de vigne en
porcelaine est appliquée sur un
miroir, lui-même posé sur un paravent,pourcréeruneillusionvégétale reflétée à l’infini. Autre plante,
bien vivante celle-là – encore que –
pour le décor Rainforest, créé par le
designer et architecte Patrick
Nadeau sous la verrière de Boffi
Bains. Une délicate installation en
forme de pluie végétale composée
de mille plantes épiphytes (dont la
particularité est de ne se nourrir de
rien si ce n’est de vapeur d’eau),
mettant particulièrement en
valeur le design sculptural, pur et
quasi minéral du mobilier de bain.
En quête d’humour, de jeunesse et d’invention, la vénérable
maison Christofle de la rue Royale
a choisi quant à elle de faire appel
aux élèves de la section master de
luxe de l’Ecole cantonale d’art de
Lausanne (ECAL) pour un projet
autour du cocktail-bar et du teatime. On appréciera la ludique
sophistication d’un seau à champagne plissé (Pleat, de Dephine
Frey), d’un broc à eau cabossé
(Pinch, d’Henrique Fernandes).
D’ailleurs, c’est encore Lausanne,
cette fois section design industriel, qui peuple la scénographie
d’Alexis Georgacopoulos, Rêves
de design, pour les Galeries
Lafayette Maison. On y repère la
Le décor « Rainforest », créé par Patrick Nadeau sous la verrière de Boffi Bains. DR
table en carton ondulé Flat Pack,
d’Arno Mathies, les chaise et lampe en corde polypropylène de la
collection 813 mètres, conçue par
Alejandro Bona.
Chez Artcurial, au rond-point
des Champs-Elysées, on a misé sur
la technologie industrielle. Coup
de cœur et coup de chapeau pour
la table en Z réalisée par le designer bordelais Vincent Poujar-
A gauche, « Pinch »,
broc à eau d’Henrique
Fernandes. DR
Ci-dessus, bureau
imaginé par Cédric
Ragot. DR
dieu, en collaboration avec la société de technologie aéronautique
Euro-Shelter. Elégance spatiale et
porte-à-faux conquérant illustrent les capacités exceptionnelles
d’un matériau en aluminium à la
fois léger et très résistant (on l’utilise pour des unités de santé mobile,
des abris techniques ou des conteneurs), dont la forme s’obtient par
simple pliage d’un seul et même
panneau, ici, de 5 mètres.
Boulevard Saint-Germain, chez
Roche Bobois, scénographié par la
chercheuse de tendances Elizabeth Leriche, s’est présenté l’homme de Home, le photographe Yann
Arthus-Bertrand. Certaines de ses
vues du ciel (Cheval blanc d’Uffington et Ciudad Guatemala) ont été
reproduites sur des tapis en
velours pure laine de NouvelleZélande, fabriqués dans le nord de
l’Inde par des ateliers certifiés ISO
14001 Environnement.
Parmi les nouveautés 2009
« rochebobesques », la collection
Saga, imaginée par l’architecte
d’intérieur Christophe Delcourt
(un superbe buffet à quatre portes
en tulipier de Virginie), l’Open Space technologique de Cédric Ragot
(bureaux en forme de feuilles de
papier en lévitation), le Rythme
Sofa en tranches colorées de Missoni Home et, bien sûr, les incontournablesProvinciales, dont la dernière-née, Eugénie, dessinée dans un
esprit néoclassique entre Empire
et Restauration, n’a jamais été aussi parisienne. p
Marie-Aude Roux
Designer’s Days : dans divers lieux
à Paris. Jusqu’au 15 juin. Ouvert tous
les jours de 11 heures à 18 heures.
20 & Vous
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
A Paris, le bassin de La Villette
fête ses 200 ans
Une trentaine de bateaux venant de toute l’Europe se ras-
sembleront sur le bassin de La Villette, à Paris, du 10 au
20 juin. Des péniches de collection de 15 à 30 mètres seront
présentées au public, et les mariniers raconteront leurs voyages. Cette manifestation est l’une de celles organisées par la
Mairie de Paris pour fêter les 200 ans du bassin de La Villette, inauguré le 2 décembre 1808.
Au début du XIXe siècle, face à la mauvaise qualité de l’eau et
aux épidémies qu’elle propage dans la capitale, Bonaparte,
premier consul, crée les canaux de Paris. Celui de l’Ourcq permet alors d’apporter de l’eau potable. Bien plus tard, en 1983,
la navigation de plaisance est ouverte sur le réseau fluvial
parisien. Depuis, des entreprises proposent des croisières
sur les canaux. A l’occasion de cet anniversaire, une exposition, « Les 200 ans du bassin de Villette », permet de découvrir toutes ces évolutions. p Pascale Santi (PHOTO DR)
Pour accéder au bassin de La Villette, le long des quais de Loire et de
Seine, à Paris (19e arrondissement). Métro : Jaurès, Stalingrad, Riquet.
Renseignements : Canaux.paris.fr
Bijou ou gadget, le retour
des boutons de manchette
Jardins&jardinières Alain Lompech
Que faire les jours
de pluie ?
Cet accessoire n’est plus uniquement réservé aux grandes occasions
A
Mode
I
ls ont longtemps été abandonnés dans le fond d’un tiroir.
Désormais les boutons de manchette retrouvent leur place. Pour
la Fête des pères, le Printemps propose ceux de la nouvelle collection
Mauboussin baptisée « Tu es le sel
de ma vie » en or blanc et pavage
diamant, vendus la bagatelle de
990 euros. Etonnant pour un
accessoire qui semblait, un peu
comme la montre à gousset, se
transmettrede génération engénération et ne se porter que dans les
grandes occasions.
Le bouton de manchette s’affiche même sur la Toile. Trois jeunes
hommes ont lancé, le 1er décembre
2008, un site consacré à la vente de
cet accessoire. « Nous nous sommes aperçus qu’il était difficile de
s’en procurer dans des styles différents à des prix abordables », raconte Renaud Martel, l’un des associés
de La Maison du bouton de manchette. Le site enregistre une hausse régulière de son chiffre d’affaires, et se déploiera bientôt au
Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Réservé jadis aux messieurs
chics ou aux cérémonies de mariage, le bouton de manchette s’est
démocratisé. « Synonyme d’élégance et de raffinement, il compose le détail final d’une belle chemise
coordonnée ou non à la cravate.
L’œil de votre interlocuteur s’y pose
toujours », observe Aymeric Franco, directeur commercial Europe
chez Hackett. Proposé « en coton,
en argent, en or ou en métal, le bouton de manchette est à la portée de
tous les budgets, et peut se porter
en toutes circonstances », affirme-t-il.
Davantage qu’un accessoire, le
bouton de manchette est un des
rares bijoux que l’homme peut se
permettre de porter sans mettre
en péril sa virilité. Zilli ose le grand
luxe avec un modèle en or blanc
18 carats, nacre, diamants et émeraude vendu… 16 650 euros ! Dans
le même registre, Brioni a créé une
collection en pierres dures ou
semi-précieuses, or blanc ou or
jaune.
Ci dessus : Tiffany.
Au centre : Moschino.
En bas : Salvatore
Ferragamo. DR
indique Paul Smith. Il
est aussi possible de
laisser sa chemise à poignets mousquetaires sans bouton
demanchette.MarcBukart,responsable du stand Tiffany au Printemps Haussmann, juge qu’il ne
faut« jamais »lefaire,ilest vraique
la marque ne produit que des
bijoux ! « Lorsque vous
en avez, pourquoi
ne pas en porter ? »,temporiseMassimiliano Giornetti,
qui dessine
les collectionsmasculines de Ferragamo.
D’autres
créateurss’autorisent plus de
libertés. « Cela fait
longtemps que je retrousse les
manches des chemises et même des
costumes. C’est un geste qui
“dédramatise” leur rigueur. Aujourd’hui, les règles et les carcans n’existent plus dans la mode masculine.
Tout est possible à partir du
moment où on le fait avec allure »,
raconte Kris Van Assche. Lors de
son dernier défilé, ses chemises à
poignets mousquetaires étaient
nouées par des rubans. Une autre
histoire, plus romantique. p
Joël Morio
Personnaliser son look
Mais ce sont souvent les moins
chersetlesplusoriginauxquiséduisent les hommes. La Maison
du bouton de manchette
propose 150 modèles à
partir de 3 euros dans
une dizaine de coloris et des formes
aussi différentes qu’une tête
de mort, un Lego, une
carte à jouer, ou une pièce de puzzle. Paul Smith fut un des premiers
créateur à détourner la fonction de
ce bijou synonyme de sérieux en
un gadget amusant orné de pin-up
oud’hologrammes.ChezYvesSaint
Laurent, ils prennent la forme de
clés. « Ce sont des petits détails pour
personnaliser son look, c’est une
façon de s’exprimer quand on se serre la main », estime Rossella Jardini,
qui dirige la maison Moschino, où
l’ontrouve cesaccessoires enforme
de cœur, d’ancre, de dauphin…
« Beaucoup de chemises étant
désormais à boutonnage mixte, le
bouton de manchette vient ajouter
une note personnelle à la tenue »,
Emirats a
rabes uni
Au sommaire
juin 2009
s
• Droits de l’homme,
pétrodollars : l’autre visage
utant le jardin en a besoin,
autant il en souffre quand
elle détrempe tout, fait s’effondrer les grandes vivaces à peine épanouies, dont les delphiniums géants qui sont ses premières victimes, pourrir les roses
choux en bouton et rend les merles moins moqueurs, tout trempés qu’ils sont, leurs ailes pendantes, l’œil maussade quand ils tentent de se faire sécher sur une
branche ou sur le sommet d’un
muret. Il n’y a que les chats qui se
tiennent à carreau dans la maison
ou quelque abri, laissant un peu
de répit aux musaraignes qu’ils
tuent en quantité.
La citerne est pleine, et le puits
déborde, espérons que le ru n’en
fera pas autant, si un orage venait.
Pour l’heure, la pelouse est à peine praticable tant les chaussures
s’y enfoncent en faisant le bruit
d’une éponge qu’on tord. Il est
impensable de la tondre samedi
ou dimanche. On prétend faire travailler les gens le « jour du Seigneur », et les maires continuent
de vouloir interdire aux jardiniers
de tondre précisément ce jour-là,
voire de faire des travaux
bruyants. Pourtant, il faudra bien
la tondre, cette herbe, tant elle
pousse vite en cette saison !
La semaine prochaine, s’il ne tombe pas des cordes et en deux passes, de façon à ne pas faire bourrer
la lame sous le carter et à ne pas
s’arrêter tous les 10 mètres pour
vider le panier sur le tas de compost détrempé, lui aussi, ce qu’il
n’aime guère. De la bonne décomposition à la mauvaise pourriture,
il n’y a que quelques averses de
trop. Il faut donc aérer le tas en le
remuant fréquemment, de façon
à brasser les couches de débris de
végétaux, le marc de café et les
épluchures diverses et variées qui
finiront par produire cet or que le
jardinier fabrique sans le recours
des alchimistes.
Que faire ? Profiter d’une éclaircie
pour attacher ce qui n’est pas
encore tombé, pour relever ce qui
l’est déjà de façon à faire ainsi les
seuls bouquets qu’un jardinier
tolère, tant il souffre chaque fois
cine,
r
o
p
e
Gripp
ire…
grippe avia
cipe
in
r
p
t
e
s
r
u
e
p
• Entre
de précaution
Pour tout savoir, le meilleur du 123
qu’il doit couper des fleurs pour
faire plaisir. Il préférerait donner
des boutures, des éclats plutôt
que des fleurs, qui ne tiendront
que quelques jours dans un vase,
enfermées dans une maison où,
passé le premier jour, on aura si
peu de regards pour elles que leur
eau croupira.
Ramasser des escargots ? Bonne
idée, ils sont de sortie et bouffent
tout : les hostas sont troués, les
dahlias pas moins, les œillets et
les roses d’Inde sont rabotés. Les
enfants adorent chasser l’escargot, certains qu’ils en attraperont.
Il se trouvera bien quelqu’un
pour les manger dans le voisinage, après les avoir fait jeûner de
façon qu’ils se débarrassent des
toxines ingérées des plantes dangereuses qu’ils boulottent, puis
leur avoir fait manger du son et,
La citerne est pleine
et le puits déborde,
espérons que le ru
n’en fera pas autant
enfin, les avoir saupoudrés de
gros sel en quantité, ce qui les fait
baver. Après quoi, ils seront lavés
à grande eau, puis jetés dans un
court-bouillon frémissant.
Ranger l’abri de jardin ? Bonne
idée que de trier les produits de
traitement, de façon à se séparer
de ceux dont la date de péremption est dépassée (de grâce, en ne
les vidant pas à l’égout) ; bonne
idée que de vérifier que les sacs
d’engrais ne soient pas percés,
qu’il n’y ait pas un nid de mulot
derrière l’un d’entre eux, que tous
les outils soient emmanchés.
Sinon, une chose à faire en temps
de pluie : aller acheter des manches en frêne pour changer ceux
qui sont à deux doigts de se rompre ou ressusciter une pelle-bêche
ou une fourche-bêche qui ont eu
le tort d’être forcées contre une
racine. Il n’y a guère d’abri de jardin qui ne recèle pas de trésors
que le jardinier peut remettre en
service pour pas cher… les jours
de pluie. p
Poches Le Monde des livres 21
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Au présent
Vies et morts de Sir Oscar Wilde
Une biographie inédite, qui donne envie de lire ou relire les œuvres de l’auteur du « Portrait de Dorian Gray »
Oscar Wilde
de Daniel Salvatore Schiffer
« Folio biographies » n˚ 55,
430 p., 8,60 ¤
C
omment un homme né en
1854 à Dublin, dans une
famille bourgeoise, devenu
unécrivainfortuné, undandyflamboyant, finit-il sa vie en 1900, à
Paris,sevoyant en« épaveàboutde
nerfs » ? Et comment demeure-t-il,
selon le mot de Borges, « un de ces
bienheureux qui n’ont pas besoin
d’être approuvés par la critique ni
même parfois par le lecteur : le plaisir que nous procure son commerce
est irrésistible et constant » ?
Tous ceux que passionne le destin d’Oscar Wilde ont déjà lu plusieurs livres sur lui, notamment la
biographiedeRichardEllmann(Gallimard,1994).Celanedevraitpasles
empêcher d’apprécier l’Oscar Wilde, de Daniel Salvatore Schiffer, qui,
dans sa bibliographie comme dans
son texte, renvoie aux études et
En quinze chapitres,
on va du roman de
formation à une
« fin de partie »
tragique, dans un
hôtel minable de la
rue des Beaux-arts
aux témoignages sur Wilde, et qui
sait être synthétique sans jamais
être hâtif. Ces biographies inédites
queproposeFoliosontparticulièrement réussies lorsque l’auteur a,
comme Schiffer, non seulement
une bonne connaissance de l’œuvre, mais utilise avec pertinence, en
donnantles références, cequi adéjà
été écrit sur l’auteur.
En quinze chapitres, on va du
roman de formation d’un jeune
Irlandais, passant par Oxford, à
une « fin de partie » tragique,
dans un hôtel minable de la rue
des Beaux-Arts, devenu aujourd’hui un lieu chic et très recherché, précisément parce qu’Oscar
Wilde y est mort. L’un des chapi-
CHRISTELLE ENAULT
tres s’intitule « Danse, cadence et
décadence ». C’est assez emblématique de toute l’existence de ce
« mari non idéal », père – et si peu
père – de deux fils, écrivain virtuose, amant lucide d’un homme
« superficiel », le jeune et bel aristocrate Alfred Douglas, « Bosie »,
qui sera l’instrument de sa
déchéance.
Poussé par Bosie, Wilde attaque
en justice le père de celui-ci, le marquisdeQueensbury,quile détestait
et le provoquait. Il tombe dans un
piègequiserefermesurlui.Queensbury est acquitté, mais Wilde de
nouveau poursuivi pour outrage
aux bonnes mœurs et condamné
en 1895 à deux ans de travaux forcés. Sa dernière prison, Reading, lui
inspirera La Ballade de la geôle de
Reading (publié anonymement en
1898). Il litDante, écrit De profundis,
mais quand il est libéré, le 19 mai
Aparté
Léon Bloy et Gustave Flaubert, plumes assassines
Gustave Flaubert
en verve
Textes choisis par François
Caradec
Horay, 128 p., 7,50 ¤
Léon Bloy en verve
Textes choisis par Hubert Juin
Horay, 128 p., 7, 50 ¤
V
erve ! Littéralement, le mot
veut dire « parole ». Mais il
n’est pas facile à définir plus
précisément. Pierre Larousse n’a
pu que reprendre Emile Littré
pour cette définition : « chaleur
d’imagination, enthousiasme ».
N’en déplaise à nos maîtres lexicologues, cela reste bien vague. On
peut ajouter : humour, rosserie,
causticité, et aussi gaieté et amertume. Mais tout cela qui crée la verve n’est rien sans l’art de maîtriser
les mots, de leur donner de nouvelles teintes, de les ajuster pour que
peu disent beaucoup, c’est-à-dire
sans un style. La verve implique
un texte court. Sa brièveté est
garante de son efficacité.
Publier en même temps Bloy et
Flaubert, c’est rapprocher deux
auteurs que, semblerait-il, rien ne
raccorde, sinon la verve et, compte
tenu de leur tempérament, les
sujets qui la suscitent. Les similitudes sont nombreuses, comme les
thèmes. L’un et l’autre ont les
mêmes ennemis : le clergé, la censure,le bourgeois, la bêtise,les honneurs, l’art moderne autant que
l’art officiel. Et ils n’épargnent ni la
littérature ni les littérateurs.
« Onparlebeaucoup de la littérature vécue, des livres vécus. La plupart de nos contemporains nous
donnent à flairer leurs petites affaires de cœur (…). Chacun peut voir
où nous en sommes. La littérature
du cul et le journalisme du cul sont
exclusivement demandés. Le texte
même disparaît pour faire place à
l’illustration des viandes. » Cela
sent Flaubert, mais c’est de Bloy. Et
quelle violence de vocabulaire toute bloyenne dans cette pique de
Flaubert : « Lamartine (…) est un
esprit eunuque, la couille lui manque, et il n’a jamais pissé que de
l’eau claire. »
Si Bloy est le contempteur quasi
officiel du bourgeois, c’est
Flaubert qui le qualifie. « J’appelle
bourgeois quiconque pense bassement. »
La verve n’implique pas la justesse du jugement, elle peut aussi
être au service de la mauvaise foi,
de la rancœur, elle peut glisser au
« bon mot » douteux – « Je ris tout
« Lalittératureducul
etlejournalismeducul
sontexclusivement
demandés.Letexte
mêmedisparaîtpour
faireplaceà
l’illustration
desviandes »
Léon Bloy
seul comme une compagnie de
vagins altérés devant un régiment
de phallus. » (Flaubert) –, à l’excès
délirant quand Bloy se fait apôtre
du crimeen recommandant d’arrêter « le riche (…) avec une faux ou
un paquet de mitraille dans le ventre ». C’est quand il s’en prend à ses
semblables que la verve de l’écri-
vain se déchaîne. Bourget, Zola,
Hugo, Drumont, Maupassant ou
Sand déclenchent chez Bloy une
espèce d’allégresse dans l’éreintement, cependant que Flaubert,
sans toujours les nommer, attaque les prosateurs qui ne savent
dire simplement les sentiments et
lessensations, qui font de la« Pohésie », qui pensent plus à vendre
qu’à créer de belles œuvres, ceux
qu’il appelle « les gens de lettres (…)
des putains qui finissent par ne
plus jouir ».
Pour nous ravir ou nous heurter, ces perles sont éparses dans
l’œuvre et, surtout pour Flaubert,
dans la correspondance, où l’on
peut plus facilement user d’un
vocabulaire dont certains termes
peuvent être réduits à une première lettre suivie de points de suspension. Aller de l’un à l’autre de ces
textes choisis par François Caradec pour Flaubert et Hubert Juin
pour Bloy, c’est retrouver leur
esprit, leur talent, parfois, apercevoir d’eux un aspect que l’on n’attendait pas, toujours s’offrir un
moment de lecture dans la jubilation. p
Pierre-Robert Leclercq
1897, il est brisé. Vilipendé par la
presse, privé de tous ses droits et
biens, il quitte l’Angleterre.
Il reste un peu plus de trois ans
désastreux à vivre à celui qui se fait
désormais appeler Sebastian Melmoth. Il retrouve Bosie, part pour
Naples avec lui. Mais Bosie le quitte
définitivement, à la fin de 1897.
Quelques mois plus tard, épuisé,
Wilde s’installe à Paris, où il mourra
le 30 novembre 1900, après avoir
accompli son long désir de conversion au catholicisme – un prêtre
irlandaisluidonneenmême temps
le baptême et l’extrême-onction.
Le grand mérite du travail de
Daniel Salvatore Schiffer, le signe
d’une biographie réussie, est de
donner envie de lire ou relire Wilde.
Pour rester dans le domaine des
poches, peu onéreux et faciles à
transporter si l’on part pour l’été,
on ajoutera un « Folio à 2 euros », Le
Portrait de Mr W. H, qui vient de
paraître (extrait des Œuvres, dans
« La Pléiade », traduit et annoté par
Jean Gattégno). Soucieux de percer
le mystère de W. H., dédicataire des
Sonnets de Shakespeare, Wilde, qui
croit avoir trouvé l’identité de cette
personne, mène aussi une
réflexion subtile sur le monde du
théâtre élisabéthain.
On ne peut pas ignorer le bouleversant De profundis, disponible
aussi en « Folio essais », avec une
remarquable présentation de Jean
Gattégno (8,90 ¤). Pas plus que Le
PortraitdeDorianGray(« Folioclassique ») dont Jean Gattégno disait
dans sa préface, citée par Schiffer :
« Il n’est rien arrivé d’autre à Dorian
Grayqued’êtretroppetitpourladestinée à laquelle l’avait promis son
rêve fou, son hybris. »
En outre, en 2008, les éditions
Arléa ont publié un magistral
recueil d’aphorismes (272 p., 9 ¤),
présenté de manière très pertinenteparStephenFry,quiaincarnéWilde au cinéma. « Le courage de Wilde
n’était pas d’avoir une “sexualité
parallèle”,écrit-il notamment,mais
une parfaite liberté d’esprit. Ne voir
en lui qu’un martyr homosexuel
avant la lettre, c’est, me semble-t-il,
faire justement le jeu de ceux qui
l’ont mis plus bas que terre voici un
siècle. »
« Avoir bonne réputation est une
des nombreuses plaies dont je n’ai
jamais eu à souffrir »¸constatait
Oscar Wilde. La liberté d’esprit
étant beaucoup plus dérangeante
que la sexualité, il peut dormir en
paix, la « bonne réputation » ne le
menace pas. p
Josyane Savigneau
Les espaces
événementiels
du 123
0123 met à
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22 Disparitions
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
L’un des protagonistes de l’affaire Ben Barka
Marcel Le Roy-Finville
C
onnaîtra-t-on un jour les circonstancesde la disparitionde
Mehdi Ben Barka ? Depuis
plusdequaranteans,desjuges
d’instruction se succèdent qui
tentent de faire la lumière sur
l’une des plus ténébreuses affaires de la
Ve République. Des livres, des enquêtes de
presse paraissent qui apportent des bribes
1945 Entre dans les services secrets
29 octobre 1965 Enlèvement de Mehdi
Ben Barka à Paris
1966 Suspendu de ses fonctions
Juin 1967 Acquitté
1972 Le Conseil d’Etat confirme
sa révocation du Sdece
1980 Publie « Sdece Service 7 »
29 mai 2009 Mort
d’informations pour compléter le puzzle.
Desfilmssortent,quirestituentavecplusou
moins de bonheur la personnalité de celui
quifutlesymboledel’oppositionauroiHassan II du Maroc et l’une des figures du tiersmondisme. Des émissions de télévision
complètent le tout. Mais l’énigme de l’enlèvement et de l’assassinat de Ben Barka
demeure.
Avec la disparition, vendredi 29 mai, à
l’âge de 89 ans, de Marcel Le Roy, dit Le RoyFinville, un ancien responsable des services
secrets, la probabilité de connaître les
tenants et les aboutissants de « l’affaire Ben
Barka » s’amenuisent encore un peu plus.
« Le Roy-Finville est parti en emportant des
secrets », estime Me Maurice Buttin. Et l’avocat–depuisdesdécennies–delafamilleBen
Barka d’ajouter : « Peut-être a-t-il laissé des
notes. »
Non pas que Le Roy-Finville ait participé
activement à l’enlèvement de Ben Barka, le
vendredi 29 octobre 1965 en fin de matinée,
devant la brasserie Lipp, boulevard SaintGermain, à Paris. Les deux hommes qui l’interpellentetl’invitentàmonteràbordd’une
voiturepourleconduireauprès,prétendentils, d’une haute personnalité, sont des policiersdelabrigademondaine.S’ilsontagiainsi, avoueront-ils plus tard, c’était pour rendre service à Antoine Lopez, un « honorable
correspondant » du Sdece, les services
secrets de la France du général de Gaulle.
Mais Lopez est bien plus que cela. C’est
d’abord un ami, un proche du général Oufkir, le ministre de l’intérieur du Maroc, l’ennemidéclaré deMehdiBen Barka.Lopez travaille pour Oufkir. D’ailleurs, lorsque Ben
Barka monte dans la voiture qui le conduira
dansunevilladeFontenay-le-Vicomte,dans
l’Essonne, où il est probablement mort,
Lopez s’y trouve aussi.
Or Lopez avait un « officier traitant », un
homme du Sdece à qui il devait rapporter
toutcequ’ilsavait.Cethomme,c’étaitMaurice Le Roy-Finville, un ancien résistant entré
en 1945 dans les services secrets dont il était
devenu l’un des responsables. Lopez avait-il
tenu au courant son chef du complot qui se
tramait contre Ben Barka ? Et si oui, pourquoi Maurice Le Roy-Finville et le Sdece
étaient-ilsrestéspassifsfaceàunprojetd’enlèvement dont on pouvait redouter dès le
début qu’il allait mal se terminer ?
Suspendu de ses fonctions en janvier 1966, inculpé de « non-dénonciation
de crime » et incarcéré à la prison de la Santé, à Paris, pendant près de quatre mois, Le
Roy-Finville (chevalier de la Légion d’honneur, médaillé de la Résistance et croix de
guerre 1939-1945) allait finalement bien
tirer son épingle du jeu.
A l’issue du procès Ben Barka qui allait
suivre, l’officier traitant de Lopez était
blanchi. La cour jugeait que Lopez ne
l’avait pas vraiment informé de ce qui se
tramait contre l’opposant marocain. C’est
à peine, estimait-elle, si l’on pouvait reprocher à l’ancien chef d’études du Sdece
d’avoir commis de menues erreurs de service en ne transmettant pas à ses supérieurs des informations peu précises
selon lesquelles « les Marocains voulaient
faire un sort à Ben Barka ».
Au cours du même procès, les jurés de
la cour d’assises de la Seine avaient également innocenté le chef de la sûreté marocaine, Ahmed Dlimi, fortement suspecté
d’avoir torturé à mort Mehdi Ben Barka.
« Il faut bien constater que l’acquittement
de Dlimi rendait difficile une condamnation, fut-elle de principe, de l’ancien chef
d’études du Sdece », écrivait Le Monde à
l’énoncé du verdict, au printemps 1967.
Son honneur lavé, Marcel Le Roy – Finville était l’un des pseudonymes qu’il utilisa au cours de sa carrière – allait, en revanche, échouer à faire casser par le Conseil
d'Etat sa révocation du Sdece où il était
pourtant considéré comme un élément
de valeur « dévoué, compétent, efficace ».
La vengeance est-elle un plat qui se
Marcel Le Roy-Finville (à gauche) et son avocat lors du procès Ben Barka,
devant la cour d’assises de la Seine, en octobre 1966. RUE DES ARCHIVES
mange froid ? En 1980, âgé de 60 ans, l’ancien employé radical-socialiste du ministère de l’agriculture devenu, par les
hasards de l’histoire, un agent secret, allait
publier un livre autobiographique, SDECE
Service 7 (Ed. Presse de la Cité).
Le Service 7, dirigé par M. Le Roy, était
spécialisé dans l’ouverture des valises
diplomatiques pour intercepter et décryp-
« Divulgateur critique », il coordonna l’Encyclopédie Bordas
Roger Caratini
O
n le comparait souvent à Pic de La
Mirandole, le grand érudit de la
Renaissance, en raison de sa curiosité insatiable, de sa culture phénoménale
et d’un côté touche-à-tout qui suscitait
autant l’admiration que les sourires
jaloux. Auteur de dizaines d’ouvrages à
caractère encyclopédique et de quelques
romans historiques, Roger Caratini est
mort mercredi 27 mai à Limeil-Brévannes
(Val-de-Marne). Il avait 84 ans.
Né à Paris le 22 décembre 1924, ce fils
d’uneprofesseurd’anglais etd’unemployé
des douanes communiste cultiva l’éclectisme dès sa jeunesse. Bachelier à 16 ans, agrégédephilosophieet licenciédemathématiques, ce passionné d’assyriologie rédigea
une thèse sur la géométrie babylonienne
tout en étudiant la médecine. Psychanalyste pendant dix-sept ans, spécialisé dans le
traitement des enfants et des adolescents,
il dirigea également un collège d’enseignement privé à Andrésy (Yvelines), avant de
rencontrer, en 1966, l’homme qui allait
changer sa vie : Pierre Bordas (1913-2000).
Ancien marin reconverti dans l’édition
au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’éditeur des célèbres manuels de littérature Lagarde et Michard cherchait
alors à élargir le champ de son activité et,
pourcela, eut l’idée de publierune encyclopédie. Le projet enthousiasma Roger Cara-
22 décembre 1924 Naissance à Paris
1968-1975 Publication de la Bordas
Encyclopédie en 23 volumes
27 mai 2009 Mort à Limeil-Brévannes
(Val-de-Marne)
tini qui, entouré de sa femme, d’un secrétaire et de quelques documentalistes, y
consacra toute son énergie pendant les dix
années qui suivirent.
Commencée en 1968, la publication de
la Bordas Encyclopédie s’acheva en 1975.
Par rapport à ses concurrentes mises en
vente à la même époque, l’Encyclopaedia
universalis (1968-1974, 22 volumes) et la
Grande Encyclopédie Larousse (1971-1979,
21 volumes), elle présentait une double originalité : son organisation thématique (et
non alphabétique) et ses partis pris.
Despartis pris que RogerCaratini revendiquait. Au Monde, qui l’interrogea en 1974
sur ses choix, il expliqua ainsi qu’il lui
avait « semblé nécessaire de bousculer certaines valeurs consacrées ». Parmi elles,
Camus, Cocteau et Gide. Mais aussi Louis
Malle, dont il jugeait l’œuvre « froide et
pleine de concessions commerciales », ou
Truffaut, dont il disait que les films
s’oubliaient « très vite »…
Malgré leur succès (plus de trois millionsd’exemplaires vendus), lesvingt-trois
volumes de cette encyclopédie richement
illustrée furent remplacés, au catalogue de
Bordas, par d’autres volumes, moins onéreux, dans les années 1980. Estimant que le
nom de cette série, baptisée Nouvelle Encyclopédie Bordas, pouvait donner au lecteur
l’impressionqu’ils’agissaitd’une actualisation des titres qu’il avait rédigés, alors qu’il
s’agissait en fait d’un fonds encyclopédi-
queachetéàunéditeursuédois,RogerCaratini attaqua en justice les éditions Bordas,
qui furent condamnées, en 1988, à lui verser650 000francs(100 000¤)de dommages et intérêts.
C’est ensuite chez d’autres éditeurs que
ce bon vivant à la capacité de travail exceptionnelle continua d’exercer son talent de
« divulgateur critique » (un qualificatif
qu’il préférait à celui de « vulgarisateur »).
Une cinquantaine de titres au total, qui
reflètent son intérêt pour les découvertes
scientifiques (L’Année de la science,
Seghers/Robert Laffont, 1988), la philosophie (Vent de philo, Michel Lafon, 1997) ou
l’islam (Mahomet, Criterion, 1993). Mais
qui témoignent aussi d’une tendance, de
plusen plus nette aufil desannées, à se draper dans l’habit d’un donneur de leçons
toujours prêt à dénoncer une « imposture ». Ce qui pouvait le conduire à porter
des jugements à l’emporte-pièce sur des
sujets aussi divers que Vercingétorix,
Napoléon ou l’égyptomanie.p
Thomas Wieder
Georges Tate
L
26 février 1943 Naissance à Vigneuxsur-Seine (Seine-et-Oise)
1980-1990 Directeur de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient
5 juin 2009 Mort à Joigny (Yonne)
seur à l’Ecole supérieure des lettres de Beyrouth (1969). Très vite, il s’investit dans les
travaux de l’Institut français d’archéologie de Beyrouth, fondé en 1946.
Pensionnaire scientifique (1971), secrétaire (1975), il dirige l’établissement
(1980-1990),devenu entre-temps l’Institut
français d’archéologie du Proche-Orient.
Le contexte est des plus difficiles : la guerre
civiledéchire le paysdès 1975, avec de tragiques conséquences pour le patrimoine
Ancien rédacteur en
chef de « La Croix »
Antoine
Wenger
Historien et archéologue, spécialiste du Proche-Orient
’orientaliste Georges Tate est mort
brutalement d’une embolie pulmonaire, le 5 juin, à Joigny (Yonne). Il
était âgé de 66 ans.
Né à Vigneux-sur-Seine (Seine-et-Oise)
le 26 février 1943, ce fils d’enseignant fit
ses études aux lycées de Bastia, puis de
Montluçon,avant de fréquenter les établissements parisiens (Louis-le-Grand et Henri-IV) où il prépara l’entrée à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. A la Sorbonne, où le jeune médiéviste se passionne
pour le monde byzantin, il suit un cursus
classique que ponctuent une brillante
réussite à l’agrégation d’histoire (1968) et
une place d’assistant à l’université
Paris-X-Nanterre. Mais bientôt, Georges
Tate s’écarte des sentiers battus : désireux
de travailler sur les relations entre Byzance et l’Arménie, il s’établit au Liban, profes-
ter le courrier des ambassades. Le livre fit
scandale, non pas pour ce qu’il écrivait sur
l’affaire Ben Barka – rien de neuf en vérité
–, mais parce que jamais jusqu’alors un
ancien fonctionnaire français des services
de renseignement n’avait osé raconter le
quotidien du métier d’espion. Il allait faire
école. p
Jean-Pierre Tuquoi
libanais. Georges Tate sauve matériellement l’Institut et obtient le convoi blindé
quipermetdemettre enlieusûrl’inestimable bibliothèque de l’établissement, de
loin la plus riche de toute la région.
Préservant les intérêts de la France dans
le domaine scientifique et conscient de
l’impossibilité de travailler au Liban pour
de longues années, il démultiplie les activitésde l’Institut, lançant de nouveaux chantiers, encourageant les jeunes chercheurs à
se faire une place en Jordanie, jusque-là
quasi-monopole anglo-saxon. Il ouvre ainsi successivement des antennes à Amman,
puis à Damas.
Nommé correspondant de l’Institut
(Académie des inscriptions et belles-lettres) en remplacement du médiéviste bordelais Charles Higounet (1911-1988) en
novembre1989,il revientenFrance,profes-
sant l’histoire ancienne à l’université de
Franche-Comté (1990), puis à celle de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1994).
Directeur de mission archéologique
franco-syrienne de Syrie du Nord depuis
1976, Georges Tate n’a guère sacrifié qu’à
l’édition scientifique et, si l’on excepte
quelques manuels universitaires, on ne
trouve guère qu’un synthétique L’Orient
des croisades (Gallimard, « Découvertes »,
1991) et une biographie de Justinien, au
souffle épique (Fayard, 2004), qui sortent
de son champ d’études privilégié, les sociétés rurales de Syrie du Nord, romaine et
byzantine. A l’été 2003, il accepte une charge de conseiller culturel auprèsde l’ambassadeur de France à Bagdad, dans la capitale
irakienne passée sous contrôle américain.
Mission qu’il remplit jusqu’en 2007.p
Philippe-Jean Catinchi
L
’ancien rédacteur en chef du journal
catholique La Croix, le Père Antoine
Wenger, est mort le 22 mai, à l’âge de
89 ans. Il avait pris la direction du quotidien à 37 ans, en 1957. Ordonné prêtre en
1943, cet intellectuel d’origine alsacienne,
venu d’une famille modeste, qui avait étudié la philosophie, la théologie et l’histoire,
était devenu spécialiste de la théologie
orientale. Il publiera huit catéchèses inédites de saint Jean Chrysotome qu’il avait
2 septembre 1919 Naissance
à Rohrwiller (Bas-Rhin)
1943 Ordonné prêtre
1957-1969 Rédacteur en chef
de « La Croix »
22 mai 2009 Mort
découvertes au mont Athos. Il œuvrera aussi au rapprochement entre le patriarche de
Constantinople Athénagoras et le pape
Paul VI, qui, au cours d’une rencontre historique en 1964, lèveront les anathèmes réciproques que s’étaient lancés les deux Eglises 800 ans plus tôt.
Sa carrière journalistique amènera le
Père Wenger à devenir l’un des témoins privilégiés des séances du concile Vatican II
entre 1962 et 1965. Il racontera cette expérience dans un ouvrage intitulé Vatican II
(Centurion). Avec sa nomination à la tête de
La Croix, la consigne pour les propriétaires
assomptionnistes du journal était claire,
rappelle le Père Michel Kubler dans l’édition du 25 mai : « Relayer le discours pontifical, prévenir du danger communiste. Entre
Rome et La Croix, il sera l’homme de la
confiance sans faille. D’aucuns diront :
d’une obéissance sans conditions. » Cette
posture amènera le Père Wenger à prendre
fait et cause pour le texte Humane vitae,
qui, en 1968, condamna toute forme de
contraception artificielle, alors que ce document controversé suscitait des remous au
sein même des fidèles catholiques.
Après son départ de La Croix, en 1969, il
sera nommé conseiller ecclésiastique de
l’ambassade de France près le Saint-Siège et
assumera, de manière ponctuelle, diverses
missions diplomatiques.p
Stéphanie Le Bars
Météo&Jeux
0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
< -10°
- 5 à 0°
-10 à -5°
0 à 5°
20 km/h
13 20
25 km/h
16 28
1005
DStrasbourg
12 30
1010
D
T
Clermont-Ferrand
13 29
18 25
Barcelone
Barcelone
Grenoble
15 32
18 28
D
1015
A
18 22
Montpellier
17 27
19 29
Nice
Marseille
20 26
19 31
Ajaccio
50 km/h
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
17 28
Lever 01h09
Coucher 12h16
Lever 05h45
Coucher 21h55
Lundi
Jours suivants
Mardi
15 23
13 20
La forte chaleur persistera dans le
sud-est du pays. Elle se montrera
moins prononcée dans le Sud-Ouest
et le Centre en raison d'une évolution
orageuse assez rapide en cours de
journée. Cette évolution orageuse
gagnera la façade est en fin de
journée ou soirée seulement, après
une chaleur estivale l'après-midi. Ciel
plus variable vers la Manche.
D
Tunis
Tunis
Beyrouth
Rabat
Front froid
Occlusion
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Tripoli
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Anticyclone
Istanbul
D
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Le Caire
Nouvelle-Zélande il ne fera pas plus de 12 degrés à Wellington
Perpignan
St-Élisée
Coeff. de marée 57
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Bucarest
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Odessa
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8 29
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Amsterdam Berlin
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15 26
D
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Nantes
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Metz
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Echecs no 188
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www.meteonews.fr
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PARIS
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30 à 35°
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Rennes
15 km/h
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14.06.2009 12h TU
14 23 1015
ChâlonsRouen
en-champagne
Brest
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En Europe
A
Dimanche 14 juin
Évolution orageuse par
endroits
Cherbourg
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2024
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La Valette
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Nicosie
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Reykjavik
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Tirana
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Vilnius
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forte pluie
beau temps
beau temps
couvert
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beau temps
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fortes averses
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Dans le monde
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beau temps
Bangkok
averses éparses
Beyrouth
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Brasilia
ensoleillé
Buenos Aires beau temps
Dakar
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Djakarta
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beau temps
Hongkong averses modérées
Jérusalem beau temps
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Le Caire
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New Delhi
New York
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Rabat
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Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
averses modérées
averses modérées
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beau temps
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Outremer
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Météorologue en direct
au 0899 700 703
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Mercredi Jeudi
Nord-Ouest
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Ile-de-France
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Sud-Est
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Les jeux
Mots croisés no 09-141
Sudoku no 09-141
Solution du n˚09-140
Retrouvez nos grilles sur www.lemonde.fr
1
2
3
4
5
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8
9
10 1 1 12
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
Euro Millions
X
Horizontalement
Verticalement
I. Ouvre les vannes à la moindre
contrariété. II. Peut maintenant
travailler … pour elle. Forme
d’avoir. III. Point de départ.
Rapprochement contractuel.
IV. Accroché à la fougère. Beau
bavard emplumé. Possessif.
V. Prétentieux et insupportable.
Arrivé accidentellement.
VI. Tous ceux d’avant. Saisit au
passage. Possessif. VII. Défoncées
comme de vieilles chaises.
VIII. Assure l’égalité. Petit génie
des airs au Nord. Vingt-troisième
chez les Grecs. IX. Mise à nu.
Romains de Vinci. X. Tout l’art de
compliquer la situation.
1. Belle réussite. 2. Ses mystères
nous ont mis au parfum. Fait
tache au soleil. 3. Fit des
longueurs. Introduit la cause.
4. Ne laisse pas beaucoup de
temps à la réflexion. Ouverture de
gamme. 5. Filet. A sûrement
quelque chose à vous demander.
6. Problème climatique. Lancé
vers le but. 7. Que l’on retrouvera
plusieurs fois. 8. Démonstratif.
Maman de l’Auguste Philippe.
9. Fait appel. Personnel.
10. Amateur de son. Suivit
discrètement. 11. Rapportés en
détail. 12. Risque de vous faire
renoncer.
Philippe Dupuis
Solution du n° 09 - 140
Horizontalement
Verticalement
I. Démotivation. II. Epave. Avilie.
III. Bétulacée. Nc. IV. Aral.
Bandage. V. UV. EO. Nues. VI. CIO.
Pâté. Pas. VII. Hellène. Déca.
VIII. Artère. Serti. IX. Gé. Vé.
Longer. X. Escargotière.
1. Débauchage. 2. Epervières.
3. Mata. Olt. 4. Ovule. Leva. 5. Tel.
Opérer. 6. AB. Ane. 7. Vacante. Lô.
8. Avenue. Sot. 9. Tiède. Déni.
10. Il. Asperge. 11. Oing. Acter.
12. Nécessaire.
Résultats du tirage du vendredi 12 juin.
6, 14, 16, 34, 50, 4 e et 6 e
Rapports : 5 numéros et e e : 29 430 608,00 ¤ ;
5 numéros et e : 370 043,60 ¤ ; 5 numéros : 131 265,40 ¤ ;
4 numéros et e e : 3 866,40 ¤ ; 4 numéros et e : 252,60 ¤ ;
4 numéros : 122,10 ¤ ;
3 numéros et e e : 64,30 ¤ ; 3 numéros et e : 28,30 ¤ ;
3 numéros : 17,40 ¤ ;
2 numéros et e e : 20,60 ¤ ; 2 numéros et e : 9,00 ¤ ;
1 numéro et e e : 9,20 ¤.
Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions datées dimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi.Tous les jours Mots croisés
et Sudoku ; Samedi daté dimanche-lundi Echecs
Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13
Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ;
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Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74 ;
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Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60
Ecrans 23
GELFAND,
CHAMPION DE L’ACP
Pour sa 3e édition, la Coupe du
monde de l’Association of Chess
Professionals (ACP) s’est tenue à
nouveau à Odessa (Ukraine). En
ces temps de crise financière, il
faut saluer le soutien de la banque
locale Pivdenny, dont le président,
Vadim Morokhovski, est un inconditionnel du jeu d’échecs.
Au terme de quatre intenses
journées de parties rapides, l’Israélien Boris Gelfand s’est imposé
contre le Russe Peter Svidler. Il succède ainsi à Peter Leko et à Teimour Radjabov, vainqueurs
en 2007 et 2008.
A 41 ans, Gelfand était l’un des
joueurs les plus âgés du tournoi,
mais sa combativité et sa résistance hors normes lui ont permis d’arracher cette victoire, comme en
témoignent son match marathon
contre Evgueni Nayer au premier
tour (victoire décisive en 110
coups !) ou son dernier blitz
contre Svidler en finale, où le Russe est tombé dans l’ultime piège
tendu par Gelfand, dans une position désespérée.
La meilleure partie du tournoi
fut cependant jouée par Alexandre Grischouk, éliminé en demifinale par son compatriote Svidler. Grischouk possède cette rare
faculté de jouer des parties d’une
grande profondeur à des cadences
rapides. Sa finale contre l’Ukrainien Pavel Elyanov, lors du premier tour d’Odessa, en est un
exemple.
Grischouk-Elyanov, Odessa
2009 : 1. e4, e5 ; 2. Cf3, Cc6 ; 3.
Fb5, Cf6 ; 4. 0-0, C×e4 ; 5. d4,
Cd6 ; 6. F×c6, d×c6 ; 7. d×e5, Cf5 ;
8. D×d8+, R×d8 (la fameuse
variante de Berlin, contre laquelle
Kasparov s’est brisé les dents face
à Kramnik, à Londres, en 2000) ;
9. Cc3, Fd7 ; 10. h3, h6 ; 11. b3,
Rc8 ; 12. Fb2, Ce7 ; 13. Tad1, c5 ;
14. Td2, b6 ; 15. Tfd1, Fe6 ; 16.
Ce2!, g5 ; 17. Td8+, Rb7 ; 18.
T×a8, R×a8 ; 19. h4, g4 ; 20.
Ch2, h5 ; 21. Td8+, Rb7 ; 22. Cf4,
Cg6 ; 23. C×e6, f×e6 ; 24. g3, Fh6
(il était sans doute préférable de
jouer 24. …, Fg7 ; 25. T×h8, F×h8);
25. T×h8, C×h8 ; 26. f3, g×f3 ; 27.
Rf2!, Cg6 ; 28. g4!! (la création
d’un pion passé prime sur toute
autre considération), C×h4 ; 29.
g×h5, Rc6 ; 30. Cg4, Fg5 ; 31. h6,
Rd7 ; 32. h7, Cg6 ; 33. R×f3, Re7 ;
34. Cf6, Rf7 ; 35. Re4, c6 ; 36. a4!
(aux échecs, comme à la guerre, on
ne peut gagner sans ouvrir un
deuxième front !), Rg7 ; 37. a5,
b×a5 (sinon le pion avançait jusqu’en a6 et le fou blanc venait chercher le pion a7) ; 38. Rd3, F×f6 ;
39. e×f6+, R×h7 ; 40. Rc4, Rg8 ;
41. R×c5, e5 ; 42. R×c6, e4 ; 43.
Fd4, Rf7 ; 44. Rd5, e3 ; 45. F×e3,
R×f6 ; 46. F×a7, Re7 ; 47. Rc6,
a4 ; 48. b×a4, Rd8 ; 49. Rb7, Ce5 ;
50. a5, Rd7 ; 51. a6, Cf7 ; 52. Fb8,
Cd8+; 53. Rb6 abandon.
8
7
6
5
4
3
2
1
a b c d e f g h
Problème n˚188 : Baburin-S.
Collins, Nagoya (blitz) 2009. Les
Noirs jouent et gagnent.*
Solution du problème n˚187 :
Les Noirs prirent l’avantage par 1.
…, Ce4! ; 2. De3? (il était préférable
de choisir 2. f×e4, d×e4 ; 3. C×e4,
D×d4+ ; 4. D×d4, F×d4+ ; 5. Rh1, b6,
avec une position inférieure mais
défendable pour les Blancs),
C×c5! ; 3. Tcd1, F×d4 ; 4. T×d4, Dc6 ;
5. Ce2, Ce6 ; 6. Td2, d4! ; 7. C×d4,
Db6 ; 8. Tfd1, Td5, et les Blancs
abandonnèrent.
Joël Lautier
24 0123
Dimanche 14 - Lundi 15 juin 2009
Tout change,
rien ne change
Economie
Pierre-Antoine Delhommais
O
n commençait déjà à avoir de
sérieux doutes sur le fait que la crise des subprimes débouchât sur
une transformation en profondeur des
structures et des mœurs de l’économie
mondiale, qu’elle conduisît à une rupture
franche avec le capitalisme financier. Avec
ce qu’il s’est passé cette semaine aux EtatsUnis et en Europe, les doutes sont devenus
des certitudes.
Le président Obama, donc, qui devait
nous guider vers un monde à la fois nouveau et meilleur, plus moral et vertueux,
d’où les excès salariaux et les dérives inégalitaires auraient disparu, a renoncé à
brider les rémunérations des banquiers
de Wall Street.
Le candidat Obama n’avait pourtant cessé de répéter que la distribution de bonus
mirobolants expliquait des prises de risques qui l’étaient encore plus. Et il avait
promis d’y mettre bon ordre une fois installé à la Maison Blanche. On allait voir ce
qu’on allait voir.
On a vu. « Je veux être clair sur ce que
nous ne faisons pas, a expliqué cette semaine le secrétaire américain au Trésor, Tim
Geithner. Nous ne posons pas de limite sur
les salaires (…) et nous n’imposons pas de
règles sur la façon dont les entreprises doivent fixer leurs rémunérations. »
Ouf, Wall Street peut respirer. Les traders de Goldman Sachs, de Morgan Stanley, les gérants de hedge funds avec leurs
bonus de plusieurs millions de dollars aussi. Et les vendeurs de Porsche et de Rolex,
les vendeurs de produits dérivés blingbling peuvent reprendre espoir.
Bien sûr, on ne peut exclure que M. Obama, prévoyant, ait pris cette décision en
songeant au financement de sa future réélection – les banquiers d’affaires de Wall
Street ont été les principaux pourvoyeurs
de fonds de sa campagne en 2008.
De façon moins soupçonneuse et plus
recevable, la Maison Blanche a probablement souhaité ne pas mettre en danger la
compétitivité des banques américaines et
de sa place financière. A limiter unilatéralement les salaires, les institutions financières couraient le risque d’une hémorragie
de talents et du départ de ces derniers vers
des cieux plus cléments : quels footballeurs iraient jouer au Real Madrid si les
salaires y étaient plafonnés et plus faibles
qu’ailleurs ? Probablement pas Cristiano
Ronaldo, dont le transfert record de 94 millions d’euros représente, selon les calculs
de la presse espagnole, le versement pendant un an d’indemnités à 10 000 chômeurs. Tout change, rien ne change.
Pour revenir à Wall Street, on peut comprendre, compte tenu des énormes enjeux
en termes d’emplois et de création de
richesse, que Washington ait décidé le statu quo sur les émoluments. Mais on peut
aussi s’agacer contre soi-même et sa propre naïveté, pour avoir cru M. Obama
quand il promettait de faire passer la
morale avant l’efficacité économique.
En Europe, ce sont les dirigeants de la
droite libérale qui ont, comme les traders
de Wall Street, sabré le champagne. Vainqueurs partout, sauf en Slovaquie et en
Grèce, qu’ils soient dans l’opposition ou
au pouvoir. Vainqueurs inattendus, tant il
était logique de penser que la crise économique et financière la plus grave depuis
les années 1930 allait se traduire dans les
urnes par une déroute des partis symbolisant un capitalisme libéral, lui-même en
pleine déconfiture.
On a beau triturer les résultats du vote
dans tous les sens et dans tous les pays, on
a du mal à y déceler les traces d’une volonté de changer le système. Le NPA d’Olivier
Besancenot, candidat officiel de l’anticapitalisme, n’a guère fait mieux que les chasseurs, dont les ambitions révolutionnaires
étaient plus limitées, sinon plus pacifi-
La Grande Dépression
des années 1930 avait eu
des conséquences
politiques majeures
ques : obtenir la prolongation des dates
d’ouverture de la chasse aux oiseaux
migrateurs, à la bécasse et aux sarcelles.
Pas facile non plus de voir dans la poussée verte observée en France – mais pas
ailleurs en Europe – une condamnation de
la mondialisation libérale. D’abord parce
que la pensée économique de Daniel CohnBendit est aussi subtile que complexe, luimême se revendiquant « libéral-libertaire » mais aussi ultra-keynésien, favorable
au libre-échange mais pas hostile au pro-
tectionnisme (via les normes environnementales), partisan d’une relance (verte)
de la croissance mais allié à un partisan de
la décroissance (José Bové). Plutôt pour
l’économie de marché, plutôt contre la
société de consommation. Compliqué.
Encore plus compliqué lorsqu’on observe que les électeurs d’Europe Ecologie ne
semblent, pour leur part, pas du tout
effrayés par la société de consommation, à
en juger par le nombre de boutiques branchées dans les arrondissements de Paris
du boboïsme extrême (IIIe, IVe et IXe), où la
liste verte a réalisé ses meilleurs scores.
La Grande Dépression des années 1930
avait eu des conséquences politiques
majeures, favorisant l’arrivée d’Hitler au
pouvoir en Allemagne, expliquant la
montée des ligues en France et portant
Roosevelt à la Maison Blanche, aux EtatsUnis. La crise des subprimes a sans doute
facilité la victoire de M. Obama, mais on
sait depuis cette semaine que, avec lui,
l’Amérique des hyperinégalités a de
beaux jours devant elle. En Europe, une
droite renforcée par le vote du 7 juin s’apprête à reconduire à la tête de la Commission le très libéral José Manuel Barroso. Et
le non moins libéral Peter Mandelson
peut expliquer, avec de fortes chances
que ses vœux soient exaucés, que la prochaine Commission devra avoir « pour
tâche primordiale » de lutter contre « l’intervention et le dirigisme ». Libéralisme et
capitalisme ne sont pas morts. p
Courriel : [email protected]
Billet Robert Solé
Néo-PS
LE PARTI SOCIALISTE doit changer de nom. C’est ce que pense Manuel
Valls, maire (PS) d’Evry : « Parti renvoie à la lutte d’une classe contre
une autre et socialiste renvoie à un projet hérité du XIXe siècle. » Même
son de cloche chez Aurélie Filippetti, la jeune députée (PS) de Moselle : « Il faut changer de nom. Trouver quelque chose avec “à gauche”. »
Cherchons. D’abord, qu’est-ce qui pourrait remplacer « parti » ?
Les mots « union », « mouvement », « rassemblement » ou « front »
sont déjà pris. Mieux vaut éviter « milice » ou « phalange », qui rappellent de mauvais souvenirs. « Secte » est exclu. Il reste « club » ou
« chapelle », à condition de ne pas être trop nombreux.
Remplacer « socialiste » pose moins de problèmes. Les descendants de Jaurès ont l’embarras du choix. Et, s’ils ne trouvent pas, il y
aura toujours « sarkozyste ».
Mais comment satisfaire Aurélie Filippetti ? « Trouver quelque chose avec “à gauche” » ne vas pas de soi. Il y aurait, bien sûr, « A gauche
toute ! », mais ce serait excessif. On a beau chercher, on ne trouve
pas. Avec son nom actuel ou avec un autre, le PS devrait faire « quelque chose » assez vite, sous peine de passer l’arme à gauche.
Education
A c t u a l i t é ,
i n n o v a t i o n ,
e n j e u x ,
o r i e n t a t i o n
Chaque mois,
l’actualité de l’éducation et des formations
Dossier spécial MBA
Le livre du jour
Prendre l’Italie au sérieux
a Classement des 30 meilleures « business schools »
européennes et des 100 meilleures mondiales
« L’ITALIE PASSIONNE, l’Italie exaspère, l’Italie déroute », écrit le préfacier de L’Italie contemporaine.
En tout cas, elle fait écrire. Deux
livres collectifs la bombardent
d’analyses et de points de vue,
comme si la seule manière d’approcher sa vérité était encore de
multiplier les angles sur ce pays,
plus sophistiqué qu’on le croit
mais qui ne sait pas toujours
échapper aux clichés.
En témoigne le récent « Noemigate », qui voit le président du
conseil, Silvio Berlusconi, empêtré dans une affaire de relations
supposées avec une mineure. Si
les détails peuvent faire sourire, le
cas pose à nouveau la question du
sérieux d’un pays qui accueillera
le G8 en juillet prochain.
Les auteurs de L’Italie contemporaine ont choisi de passer au crible plus de soixante ans d’histoire. Emmenés par l’historien Marc
Lazar, ils ratissent avec précision
les soubresauts économiques,
politiques, culturels de ce pays en
constante recherche de son unité,
de son identité, de sa place dans le
monde. Des institutions de la
République aux médias, en passant par le sport, le cinéma ou la
chanson, rien ne manque à ce portrait dominé par une certaine forme de « critique amoureuse ».
Car l’Italie ne manque pas d’excuses : une unité tardive, le poids de
vingt années de fascisme, la domination de la démocratie chrétienne, les « années de plomb », le berlusconisme, ont relayé au second
a Un rempart contre la crise pour « booster »
ou réorienter sa carrière
plan les performances italiennes
que sont le boom économique
des années 1950-1960, le rôle de
premier plan dans la construction
européenne, l’invention d’une
démocratie participative.
Pour les auteurs de Refaire l’Italie,
le mérite de ces avancées revient
aussi aux gouvernements de la
gauche libérale qui ont exercé le
L’Italie contemporaine
de 1945 à nos jours
Dirigé par Marc Lazar
Fayard, 534 p., 30 ¤.
Refaire l’Italie. L’expérience
de la gauche libérale
Dirigé par Piero Caracciolo
Ed. Rue d’Ulm, 400 p., 22 ¤.
pouvoir dans la période charnière
qui va de l’explosion de la Première République sous les coups répétés des juges à la naissance chaotique de la Seconde (1992-2001).
Alors que la droite italienne fait
remonter tous les maux du pays
aux expériences gouvernementales du centre gauche, les auteurs
s’appliquent à souligner que celuici fit preuve d’une grande volonté
réformatrice (retraites, administrations publiques, rapport entre
l’Etat et l’économie, système de
santé) dans le but d’arrimer le
pays à la modernité européenne.
Peu étudiée, cette période prend
un relief particulier à l’heure où
les espoirs du centre gauche de
revenir au pouvoir s’amenuisent
singulièrement. p
Philippe Ridet
pTirage du Monde daté samedi 13 juin 2009 : 452 976 exemplaires.
123
a Comment se préparer au GMAT, test d’admission
obligatoire pour intégrer un MBA
a MBA : un investissement lourd mais rentable
Egalement au sommaire
a Les métiers du droit :
la concurrence entre grandes écoles et universités
a Et toute l’actualité de l’éducation :
bac 2009 : 622 322 candidats,
la réforme du lycée,
les mesures contre la violence à l’école...

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