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0123 Vendredi 31 octobre 2008 Culture 23 James Bond, espion dépassé ? Tenté par un scénario à la Jason Bourne, « Quantum of Solace », de Marc Forster, déçoit avaient écrit Casino Royale – sont trop malins pour se laisser aller à l’imitation pure et simple. Mais ce souci de n’être pas assez moderne travaille tout le film. Prenez le méchant. Il veut bien sûr devenir le maître du monde. Mais il n’est pas psychotique, ni monstrueux physiquement. Bien sûr que non, puisque Dominic Greene, dirigeant d’une multinationale, a les traits de notre Mathieu Amalric. Sa Greene Corporation fait mine de préserver l’environnement, tout en asservissant les nations. Et comme on est dans le monde réel, Dominic Greene ne se contentera pas d’une république bananière imaginaire, mais va préparer un vrai coup d’Etat en Bolivie, avec l’appui de la CIA. Quantum of Solace de Marc Forster bbb C ’est votremère ? »,demande la jeune femme en apercevant M, la directricedes servicessecretsbritanniques. « Non, mais il lui arrive de se prendre pour ma mère », répond James Bond. Ça, c’estde lapsychologie, 007 estcomme tout le monde, avec un moi, un ça et un surmoi. Que le client se rassure, Quantum of Solace est aussi livréavecsonlot detueriesetdedestructions. Le quota de décors exotiques est respecté, tout comme celui des James Bond Girls, la brave fille sainement sexy (l’Anglaise Gemma Arterton) et la créature exotique et ambiguë (Olga Kurylenko). Marc Forster, réalisateur suisse installé à Hollywood (A l’ombre de la haine, Neverland, Les CerfsVolants de Kaboul), était donc chargé de mettre en œuvre ce cahier des charges contradictoire, qui donne une âme à James Bond sans le priver des plaisirs de sa profession de tueur à gages au service de Sa Majesté. Le résultat frustrera aussi bien ceux qui aiment leur 007 saignant que les amateurs d’espions modernes, pétris de contradictions, dont le principal représentant est Jason Bourne, le héros amnésique incarné par Matt Damon dans la trilogie réalisée par Doug Liman puis Paul Greengrass. Quantum of Solace se présente comme la suite de la précédente aventure de Bond, Casino Royale, qui avait marqué les débuts du nouveau 007 : blond, brutal mais un James Bond (Daniel Craig) et l’agent Fields (Gemma Arterton) dans « Quantum of Solace ». 2008 SONY PICTURES RELEASING FRANCE peu cœur d’artichaut. Interprété par Daniel Craig, ce James Bond se faisait torturer physiquement par Le Chiffre et sentimentalement par Vesper Lynd (Eva Green). Un film plus tard, le souvenir de cet amour ne s’est pas effacé chez notre héros, qui se console en abattant systématiquement les agents adverses. Tout commence dans les règles de l’art : au terme d’une série de cascades, Bond liquide le premier de ces suspects pendant le Palio siennois, la célèbre course de che- vaux sur la place principale de la ville. Mais déjà quelques signes donnent l’alerte : le montage est haché, la caméra tressaute, la lumière est naturaliste. Pas besoin d’être psychiatre pour établir le diagnostic : James Bond souffre d’un complexe d’infériorité face à Jason Bourne. Les promoteurs de l’entreprise 007 – les inusables producteurs Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, les scénaristes Paul Haggis, Neal Purvis et Robert Wade, qui la mythification du personnage. Les auteurs analysent l’habillage des films (génériques, James Bond girls, décors…) et son rapport à l’imaginaire collectif, au phénomène culturel. Les pages les plus passionnantes font état d’un Fleming imprégné de culture celtique, de l’influence d’Héraclès et de Dionysos sur Bond, présenté aussi comme chevalier de SaintGeorge en smoking. Bon Appétit Mr. Bond, de Claire Dixsaut et Vincent Chenille (Agnès Viénot, 288 p., 29 euros), décline une avalanche de recettes. C’est un 007 gourmand, épicurien, qui nous invite à déguster la quiche de Dangereusement vôtre, la tête de mouton d’Octopussy, sauce béarnaise et Vesper (gin, vodka, lillet blanc et citron). Dans ses mémoires (Amicalement vôtre, L’Archipel, 374 p., 22 euros), Roger Moore, qui incarna Bond sept fois, raconte que Steven Spielberg lui confia un jour qu’il adorerait réaliser un des films de la série. S’en faisant l’écho au producteur Albert Broccoli, Roger Moore s’entendit répondre : « “As-tu une idée du pourcentage qu’il exige ? La politique maison interdit aux réalisateurs de toucher un intéressement”. Et c’est ainsi que Spielberg s’en alla réaliser Indiana Jones… » a Une armada de livres pour OO7 L a sortie du 22e James Bond correspond au centenaire de la naissance de Ian Fleming, le créateur du personnage. Elle s’accompagne donc d’une armada de livres consacrés à la mythologie de l’agent 007. Le James Bond, de Greg Williams (Tournon, 165 p., 25 euros), décline une série de photos prises pendant le tournage de Quantum of Solace. Ce reportage dans les coulisses confirme la photogénie de Daniel Craig et de la lolita Gemma Arterton. Assez iconoclaste à l’égard de l’écrivain, James Bond, l’homme qui sauva l’Angleterre, de Simon Winder (Demopolis, 330 p., 22 euros), raconte comment Fleming a imaginé son célèbre espion des services secrets de Sa Majesté au moment où l’Empire colonial britannique s’effondrait et où s’exacerbait la crise de Suez. En 1953, alors que paraît Casino Royale, la reine Elisabeth II accède au trône d’Angleterre. L’image du pays est en déclin. James Bond arrive en sauveur, pour incarner les fantasmes de la puissance perdue, affronter la menace soviétique. Simon Winder brosse le portrait d’un romancier qui exècre les socialistes et exhume son aigreur à l’égard de l’Amérique. Présenté comme le guide officiel et conçu avec les producteurs de la saga, James Bond, l’encyclopédie, de John Cork et Colin Stutz (Gründ, 320 p., 29,95 euros), est un grand album très illustré qui décline l’univers du héros : les méchants, les girls, les véhicules, les armes, les gadgets, les films. Saint-George en smoking C’est à des universitaires et chercheurs français (Françoise Hache-Bissette, Fabien Boully, Vincent Chenille) que l’on doit James Bond, figure mythique (Autrement, 192 p., 19 euros), un ouvrage illustré, doté d’une mise en page originale, qui s’intéresse à Jean-Luc Douin Flirt avec la réalité Voilà où en est James Bond : à lutter contre l’impérialisme américain, à soutenir la fraction proeuropéenne du gouvernement britannique. C’est sur ce chemin, qui le mène de Haïti (un rôle tenu avec brio par la République de Panama) aux déserts andins, qu’il rencontre Camille, fille d’un opposant assassiné par une ganache bolivienne, devenue la maîtresse de Greene dans l’espoir d’approcher le meurtrier de son père. Ce flirt avec la réalité n’est pas sans conséquences sur le plaisir du spectateur. Les costumes de Bond jurent avec les tenues quechua traditionnelles, tout comme le jeu d’Amalric, empreint de sa filmographie, ne sied guère à la psychose caricaturale de son personnage. Le titre a priori indéchiffrable du film aurait dû mettre la puce à l’oreille. Quantum of Solace se traduit par « Quantum de réconfort ». Il est emprunté à une nouvelle méconnue de Ian Fleming dans laquelle Bond et un ami dissertent sur le rapport confort-passion dans les relations amoureuses. Le scénario du film dissimule le sujet sous des allusions à un mystérieux Quantum, encore plus redoutable que la Greene Corporation jusqu’à ce que l’épilogue du film, très moral, montre que le propos de cette suite un peu superflue à Casino Royale était bien d’apporter du baume au cœur meurtri de James Bond. Mais un homme apaisé mérite-t-il encore son permis de tuer ? a Thomas Sotinel Film américano-britannique. Avec James Craig, Olga Kurylenko, Mathieu Amalric, Judi Dench. (1 h 46.) Poni Hoax promène sa pop sombre dans les salles françaises Le groupe parisien, réputé aussi à l’étranger, est en tournée Musique E n deux albums – l’inégal Poni Hoax (2006) et l’impeccable Images of Sigrid (2008, chez Tigersushi) – et un don pour les concerts fiévreux, les Parisiens de Poni Hoax se sont taillé une réputation au-delà des frontières. Grands admira- teurs de ce groupe, les Britanniques rock Franz Ferdinand les ont invités à ouvrir leur concert secret à Londres, en juin. Ils sont en ce moment en tournée en France, jusqu’en décembre. Poni Hoax, c’est une pop sombre, lyrique, corsetée par une électro martiale. Laurent Bardainne, le guitariste, compose ; Nicolas Ker, chanteur, écrit et interprète, en anglais. Fils d’expatrié, « baigné dans l’anglais dès le cours élémentaire, colonisé par la culture rock », il commet parfois quelques erreurs d’anglais dans ses textes, qu’il ne cherche pas plus à corriger que son accent. « Ian McCulloch, le chanteur d’Echo and the Bunny- men, disait qu’il était fasciné par l’anglais du groupe Abba, explique Nicolas Ker. Il appelait ça l’Abba english, un truc qui ne ressemble à rien d’autre. » Le « Poni Hoax english », c’est celui de l’urgence. Des textes écrits en dix minutes « grâce à l’alcool », qui évoquent la peur, le corps, l’époque qui ne prête guè- re à la gaudriole. Des « slogans qui ne vendent rien » et qu’il martèle sur scène d’une voix caverneuse. Nicolas Ker abandonne en fait le spectacle à Vincent Taeger, batteur excellent et facétieux, connu pour ses acrobaties et ses saillies caustiques à l’adresse du public. Il faut le savoir, parfois Poni Hoax aime battre froid pour faire monter la température. a Odile de Plas Poni Hoax, en tournée française, le 1er novembre à Châteaulin, le 6 à Amiens, le 7 à Ris-Orangis, le 10 à Lyon, le 14 à Alençon, le 21 à Marne-la-Vallée, le 22 à Sannois, le 27 à Blois, le 5 décembre à Metz. www.tigersushi.com/ Amoureuses Avec Mozart, Haydn et Gluck, Patricia Petibon explore la passion amoureuse à travers les grandes héroïnes de l’opéra. EN CONCERT STRASBOURG 16 DÉCEMBRE PARIS 19 DÉCEMBRE, SALLE GAVEAU VERSAILLES 22 DÉCEMBRE RENNES 19 ET 20 JANVIER Photo : Felix Broede / Deutsche Grammophon PATRICIA PETIBON