le fac-similé

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Vendredi 31 octobre 2008
Culture
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James Bond, espion dépassé ?
Tenté par un scénario à la Jason Bourne, « Quantum of Solace », de Marc Forster, déçoit
avaient écrit Casino Royale – sont
trop malins pour se laisser aller à
l’imitation pure et simple. Mais ce
souci de n’être pas assez moderne
travaille tout le film.
Prenez le méchant. Il veut bien
sûr devenir le maître du monde.
Mais il n’est pas psychotique, ni
monstrueux physiquement. Bien
sûr que non, puisque Dominic
Greene, dirigeant d’une multinationale, a les traits de notre
Mathieu Amalric. Sa Greene Corporation fait mine de préserver
l’environnement, tout en asservissant les nations. Et comme on est
dans le monde réel, Dominic Greene ne se contentera pas d’une république bananière imaginaire, mais
va préparer un vrai coup d’Etat en
Bolivie, avec l’appui de la CIA.
Quantum of Solace
de Marc Forster
bbb
C
’est votremère ? »,demande la jeune femme en
apercevant M, la directricedes servicessecretsbritanniques. « Non, mais il
lui arrive de se prendre pour ma
mère », répond James Bond. Ça,
c’estde lapsychologie, 007 estcomme tout le monde, avec un moi, un
ça et un surmoi. Que le client se rassure, Quantum of Solace est aussi
livréavecsonlot detueriesetdedestructions. Le quota de décors exotiques est respecté, tout comme celui
des James Bond Girls, la brave fille
sainement sexy (l’Anglaise Gemma Arterton) et la créature exotique et ambiguë (Olga Kurylenko).
Marc Forster, réalisateur suisse
installé à Hollywood (A l’ombre de
la haine, Neverland, Les CerfsVolants de Kaboul), était donc chargé de mettre en œuvre ce cahier des
charges contradictoire, qui donne
une âme à James Bond sans le priver des plaisirs de sa profession de
tueur à gages au service de Sa
Majesté. Le résultat frustrera aussi
bien ceux qui aiment leur 007 saignant que les amateurs d’espions
modernes, pétris de contradictions, dont le principal représentant est Jason Bourne, le héros
amnésique incarné par Matt
Damon dans la trilogie réalisée par
Doug Liman puis Paul Greengrass.
Quantum of Solace se présente
comme la suite de la précédente
aventure de Bond, Casino Royale,
qui avait marqué les débuts du nouveau 007 : blond, brutal mais un
James Bond (Daniel Craig) et l’agent Fields (Gemma Arterton) dans « Quantum of Solace ». 2008 SONY PICTURES RELEASING FRANCE
peu cœur d’artichaut. Interprété
par Daniel Craig, ce James Bond se
faisait torturer physiquement par
Le Chiffre et sentimentalement par
Vesper Lynd (Eva Green). Un film
plus tard, le souvenir de cet amour
ne s’est pas effacé chez notre héros,
qui se console en abattant systématiquement les agents adverses.
Tout commence dans les règles
de l’art : au terme d’une série de
cascades, Bond liquide le premier
de ces suspects pendant le Palio
siennois, la célèbre course de che-
vaux sur la place principale de la
ville. Mais déjà quelques signes
donnent l’alerte : le montage est
haché, la caméra tressaute, la
lumière est naturaliste. Pas besoin
d’être psychiatre pour établir le
diagnostic : James Bond souffre
d’un complexe d’infériorité face à
Jason Bourne.
Les promoteurs de l’entreprise
007 – les inusables producteurs
Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, les scénaristes Paul Haggis,
Neal Purvis et Robert Wade, qui
la mythification du personnage.
Les auteurs analysent l’habillage
des films (génériques, James
Bond girls, décors…) et son rapport à l’imaginaire collectif, au
phénomène culturel. Les pages les
plus passionnantes font état d’un
Fleming imprégné de culture celtique, de l’influence d’Héraclès et
de Dionysos sur Bond, présenté
aussi comme chevalier de SaintGeorge en smoking.
Bon Appétit Mr. Bond, de Claire
Dixsaut et Vincent Chenille
(Agnès Viénot, 288 p., 29 euros),
décline une avalanche de recettes.
C’est un 007 gourmand, épicurien, qui nous invite à déguster la
quiche de Dangereusement vôtre,
la tête de mouton d’Octopussy, sauce béarnaise et Vesper (gin, vodka, lillet blanc et citron).
Dans ses mémoires (Amicalement vôtre, L’Archipel, 374 p.,
22 euros), Roger Moore, qui incarna Bond sept fois, raconte que Steven Spielberg lui confia un jour
qu’il adorerait réaliser un des
films de la série. S’en faisant
l’écho au producteur Albert Broccoli, Roger Moore s’entendit
répondre : « “As-tu une idée du
pourcentage qu’il exige ? La politique maison interdit aux réalisateurs de toucher un intéressement”.
Et c’est ainsi que Spielberg s’en alla
réaliser Indiana Jones… » a
Une armada de livres pour OO7
L
a sortie du 22e James Bond
correspond au centenaire
de la naissance de Ian Fleming, le créateur du personnage.
Elle s’accompagne donc d’une
armada de livres consacrés à la
mythologie de l’agent 007.
Le James Bond, de Greg
Williams (Tournon, 165 p.,
25 euros), décline une série de
photos prises pendant le tournage de Quantum of Solace. Ce
reportage dans les coulisses
confirme la photogénie de
Daniel Craig et de la lolita Gemma Arterton.
Assez iconoclaste à l’égard de
l’écrivain, James Bond, l’homme
qui sauva l’Angleterre, de Simon
Winder (Demopolis, 330 p.,
22 euros), raconte comment Fleming a imaginé son célèbre
espion des services secrets de Sa
Majesté au moment où l’Empire
colonial britannique s’effondrait
et où s’exacerbait la crise de
Suez. En 1953, alors que paraît
Casino Royale, la reine Elisabeth II accède au trône d’Angleterre. L’image du pays est en
déclin. James Bond arrive en sauveur, pour incarner les fantasmes de la puissance perdue,
affronter la menace soviétique.
Simon Winder brosse le portrait
d’un romancier qui exècre les
socialistes et exhume son
aigreur à l’égard de l’Amérique.
Présenté comme le guide officiel et conçu avec les producteurs
de la saga, James Bond, l’encyclopédie, de John Cork et Colin Stutz
(Gründ, 320 p., 29,95 euros), est
un grand album très illustré qui
décline l’univers du héros : les
méchants, les girls, les véhicules,
les armes, les gadgets, les films.
Saint-George en smoking
C’est à des universitaires et
chercheurs français (Françoise
Hache-Bissette, Fabien Boully,
Vincent Chenille) que l’on doit
James Bond, figure mythique
(Autrement, 192 p., 19 euros), un
ouvrage illustré, doté d’une mise
en page originale, qui s’intéresse à
Jean-Luc Douin
Flirt avec la réalité
Voilà où en est James Bond : à
lutter contre l’impérialisme américain, à soutenir la fraction proeuropéenne du gouvernement britannique. C’est sur ce chemin, qui le
mène de Haïti (un rôle tenu avec
brio par la République de Panama) aux déserts andins, qu’il rencontre Camille, fille d’un opposant
assassiné par une ganache bolivienne, devenue la maîtresse de
Greene dans l’espoir d’approcher
le meurtrier de son père.
Ce flirt avec la réalité n’est pas
sans conséquences sur le plaisir du
spectateur. Les costumes de Bond
jurent avec les tenues quechua traditionnelles, tout comme le jeu
d’Amalric, empreint de sa filmographie, ne sied guère à la psychose caricaturale de son personnage.
Le titre a priori indéchiffrable
du film aurait dû mettre la puce à
l’oreille. Quantum of Solace se traduit par « Quantum de réconfort ». Il est emprunté à une nouvelle méconnue de Ian Fleming
dans laquelle Bond et un ami dissertent sur le rapport confort-passion dans les relations amoureuses. Le scénario du film dissimule
le sujet sous des allusions à un
mystérieux Quantum, encore plus
redoutable que la Greene Corporation jusqu’à ce que l’épilogue du
film, très moral, montre que le propos de cette suite un peu superflue
à Casino Royale était bien d’apporter du baume au cœur meurtri de
James Bond. Mais un homme apaisé mérite-t-il encore son permis
de tuer ? a
Thomas Sotinel
Film américano-britannique. Avec
James Craig, Olga Kurylenko, Mathieu
Amalric, Judi Dench. (1 h 46.)
Poni Hoax promène sa pop sombre dans les salles françaises
Le groupe parisien, réputé aussi à l’étranger, est en tournée
Musique
E
n deux albums – l’inégal
Poni Hoax (2006) et l’impeccable Images of Sigrid
(2008, chez Tigersushi) – et un
don pour les concerts fiévreux,
les Parisiens de Poni Hoax se
sont taillé une réputation au-delà
des frontières. Grands admira-
teurs de ce groupe, les Britanniques rock Franz Ferdinand les
ont invités à ouvrir leur concert
secret à Londres, en juin. Ils sont
en ce moment en tournée en France, jusqu’en décembre.
Poni Hoax, c’est une pop sombre, lyrique, corsetée par une
électro martiale. Laurent Bardainne, le guitariste, compose ;
Nicolas Ker, chanteur, écrit et
interprète, en anglais.
Fils d’expatrié, « baigné dans
l’anglais dès le cours élémentaire,
colonisé par la culture rock », il
commet parfois quelques erreurs
d’anglais dans ses textes, qu’il ne
cherche pas plus à corriger que
son accent. « Ian McCulloch, le
chanteur d’Echo and the Bunny-
men, disait qu’il était fasciné par
l’anglais du groupe Abba, explique Nicolas Ker. Il appelait ça
l’Abba english, un truc qui ne ressemble à rien d’autre. »
Le « Poni Hoax english »,
c’est celui de l’urgence. Des textes écrits en dix minutes « grâce à
l’alcool », qui évoquent la peur, le
corps, l’époque qui ne prête guè-
re à la gaudriole. Des « slogans
qui ne vendent rien » et qu’il martèle sur scène d’une voix caverneuse.
Nicolas Ker abandonne en fait
le spectacle à Vincent Taeger, batteur excellent et facétieux, connu
pour ses acrobaties et ses saillies
caustiques à l’adresse du public.
Il faut le savoir, parfois Poni
Hoax aime battre froid pour faire
monter la température. a
Odile de Plas
Poni Hoax, en tournée française,
le 1er novembre à Châteaulin, le 6 à
Amiens, le 7 à Ris-Orangis, le 10 à Lyon,
le 14 à Alençon, le 21 à Marne-la-Vallée,
le 22 à Sannois, le 27 à Blois, le 5 décembre à Metz. www.tigersushi.com/
Amoureuses
Avec Mozart, Haydn et Gluck, Patricia Petibon explore la passion
amoureuse à travers les grandes héroïnes de l’opéra.
EN CONCERT
STRASBOURG 16 DÉCEMBRE PARIS 19 DÉCEMBRE, SALLE GAVEAU VERSAILLES 22 DÉCEMBRE RENNES 19 ET 20 JANVIER
Photo : Felix Broede / Deutsche Grammophon
PATRICIA PETIBON