Petite histoire de notre Gendarmerie

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Petite histoire de notre Gendarmerie
J'ai pêché quelques étapes importantes de l'histoire de la gendarmerie belge dans la revue trimestrielle
"INFO - PLUS" de l'Amicale Culturelle des Services de Sécurité Belges. En voici le condensé.
PETITE HISTOIRE DE NOTRE GENDARMERIE.
Elle est née en 1796, à la suite de l'annexion par la France et l'adoption obligatoire de la législation française. En
attendant la mise en place d'une force importante pour faire respecter les décisions de justice, le maintien de l'ordre
sera assuré par les troupes françaises.
Le général de brigade WIRION est chargé d'organiser la gendarmerie nationale à l'image de la française,
héritière depuis 1791 de la maréchaussée. Il la structure militairement mais avec des missions civiles et crée une
vingtaine de brigades en puisant les effectifs dans la gendarmerie auprès des Armées du Nord et de Sambre et
Meuse. Il organise le recrutement et répartit les brigades par départements tenant compte de la superficie, de la
densité de population, de la situation politique, etc.
Le travail et le tableau général sont terminés le 10 juin 1796 et le décret paraît jetant la base légale.
L'organisation est axée sur 200 brigades comprenant : 76 officiers, 199 gradés et 726 gendarmes.
La loi du 17 avril 1798, qui restera valable jusqu'au 02 décembre 1957, établit la charte fondamentale de la
gendarmerie belge en rassemblant les nombreuses lois déterminant les missions, les fonctions, l'organisation, la
police, la discipline, l'ordre intérieur et les relations avec les autorités.
Pendant 20 ans, l'hostilité aux réformes françaises débouchera sur de véritables insurrections paysannes et la
gendarmerie, commandée depuis Paris, consacre une bonne partie de son temps à la lutte contre les dissidences.
Constituée en majorité de Français, elle doit s'opposer à l'animosité de la population.
Début 1814, les Français quittent nos régions et le désordre règne partout. Les Commissaires des Puissances
Alliées ordonnent la formation d'une force armée propre au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, d'où la
création d'une maréchaussée qui manque de moyens, est sans organisation et presque inopérante dite "provisoire".
Le 26 juin 1814, le protocole de Londres décrète la réunion des anciennes Provinces-Unies, des ex Pays-Bas
autrichiens et de la Principauté de Liège, dont le prince Guillaume d'Orange-Nassau, devient le souverain et qui
approuvera en octobre l'organisation de la maréchaussée.
En 1815, Guillaume signe le "Règlement sur la police, la discipline et le service de la Maréchaussée" qui sera
appliqué à la gendarmerie belge jusqu'en 1957, tandis que le "Règlement de discipline" est resté en usage jusqu'en
1975 et également dans nos Forces armées.
L'année 1816 voit la mise en place des "Compagnies de Maréchaussée Royale des Pays-Bas", qui après 1830
deviendront "Compagnies de Maréchaussée" et seront maintenues jusqu'en 1908.
Durant la révolution de 1830, elles resteront confinées dans leurs casernes et fraterniseront avec les patriotes.
Le Lieutenant DELADRIERE qui commande la maréchaussée de Mons prescrit à ses hommes de remplacer leur
uniforme par la blouse des révolutionnaires. A la tête de ses 140 cavaliers, il marche sur Bruxelles et se met à la
disposition du Gouvernement Provisoire qui le nomme major et le met à la tête de la gendarmerie nationale.
Le 19 novembre, un arrêté du Gouvernement Provisoire rend officielle la création de la gendarmerie nationale
belge sous les ordres du colonel BRIXHE.
La première organisation de notre gendarmerie du 26 décembre 1830 la répartit en trois divisions territoriales
couvrant chacune trois provinces avec neuf compagnies. Les compagnies sont divisées en lieutenances
correspondant aux arrondissements administratifs et judiciaires, elles-mêmes divisées en 182 brigades pour les 182
cantons. L'effectif est porté à 45 officiers et 1.156 gradés et gendarmes.
Le législateur examinera dans la seconde partie du XIXe siècle les problèmes relatifs à l'exécution de la police
judiciaire et aux rapports avec les autres services de police.
De 1837 à 1892, les tentatives de projet de loi sur la gendarmerie et la police resteront lettre morte, mais des
avancées voient le jour :
Le "Dépôt d'Instruction" ( école ) est créé en 1863.
Le premier budget séparé sera voté en 1875.
La loi introduisant les règles d'avancement sortira en 1888.
Le "Dépôt d'instruction" est remplacé par un "Escadron Mobile et d'Instruction" qui s'installe à Tervuren et y
restera jusqu'en 1909.
L'effectif global est passé à 65 officiers et 2.078 hommes.
En 1905, la réforme remplace les trois divisions par quatre groupes et les lieutenances par des districts, tandis
que le nombre de brigades passe de 182 à 400.
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En 1913, pour pallier quelques lacunes, un arrêté royal crée un 5 groupe à Antwerpen et divise le pays en cinq
circonscriptions et l'effectif atteint 3.695 hommes.
Naissance de la gendarmerie mobile.
En 1836, le Parlement vote les lois provinciales et communales qui fixent les responsabilités des bourgmestres
et gouverneurs sur le plan de l'ordre public assuré par la Garde civique et l'armée dans les villes et par la gendarmerie
dans les campagnes.
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A partir de 1886, le rôle de la gendarmerie s'accroît à mesure du déclin de la Garde civique.
Le maintien de l'ordre qui exige une certaine qualification professionnelle et une certaine aptitude psychologique
est de plus en plus confié à la gendarmerie aux côtés des polices communales car elle acquiert la confiance des
autorités.
En 1910, le commandant de la gendarmerie estime qu'en cas de maintien de l'ordre, on doit pouvoir envoyer
dans une région des renforts prélevés sur les brigades des régions paisibles. Ce seront des "Détachements de
Marche" qui entraîneront des perturbations dans le service normal des unités.
Dès lors, en 1913, on crée trois "Forces Mobiles" à Bruxelles, Gent et Liège, qui côtoient la gendarmerie
territoriale.
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La guerre 1914 - 1918.
Suite à la constitution des "Escadrons de guerre" en 1830 et 1870, la gendarmerie participe à l'effort de défense
du pays.
Le fait que la gendarmerie soit considérée comme une réserve en cas de conflit déplaît aux autorités judiciaires
qui estiment que cela les empêche de remplir leurs devoirs judiciaires.
En 1914, après avoir contribué aux services de renseignements, de mobilisation et de réquisition, la gendarmerie
exercera des missions telles que : escorte du commandement, garde du Grand Quartier Général, prévôté, pelotons
des brigades, détachement des positions fortifiées, etc... Elle continuera ces missions derrière l'Yser.
Elle effectuera même des charges aux côtés de l'armée. Ses pertes seront de 92 morts.
Dès 1918, la gendarmerie reprend son service et accroît ses effectifs pour remplir ses missions d'autant que la
Garde civique a disparu.
L'entre deux guerres.
Pour appliquer le nouveau concept "Montrer sa force pour ne pas devoir s'en servir", on crée de nouvelles unités
spécialement entraînées.
Cette augmentation progressive fera passer les effectifs en 1921 à 156 officiers et 6.674 gendarmes dont 2.486
cavaliers.
Pendant les années trente, l'atmosphère sociale est tendue et de nombreuses grèves éclatent, ce qui provoque
une nouvelle augmentation en 1933.
De plus, la croissance du parc automobile entraîne la formation d'une police spéciale de la route.
A partir de 1938, la modernisation de l'armée entraîne la suppression de la cavalerie et la gendarmerie se voit
chargée de l'escorte royale.
La guerre 1939 - 1940.
A la capitulation en 1940, la gendarmerie utilisée séparément de l'armée conserve ses armes et est dirigée vers
ses cantonnements de paix.
Le commandant de la gendarmerie oriente l'action du corps : il est dépouillé de son caractère militaire; il se
consacre exclusivement aux fonctions administratives et judiciaires; il porte son attention sur la circulation routière; il
applique strictement la législation belge; il refuse la collaboration à la recherche et l'arrestation des Juifs, des
réfractaires, des communistes, des résistants, etc...
Et cependant, les gendarmes apportent à la population et aux résistants, une aide réelle qui s'accroît au fil des
ans, entraînant des réactions impitoyables de l'occupant. Des arrestations et des incarcérations commencent. Bon
nombre de gendarmes sont relevés de leurs fonctions par suite d'inconduite et de manquement grave dans
l'exécution du service.
La libération approche. En Angleterre se forme la Prévôté, tandis que dans le pays un très grand nombre de
brigades constituent des noyaux de résistance.
La gendarmerie a payé un lourd tribut : 307 officiers, sous-officiers, brigadiers et gendarmes ont donné
leur vie pour la Belgique.
L'après-guerre : la réorganisation.
Cette réorganisation commence dès la libération par une épuration dans ses rangs. Les effectifs font
cruellement défaut mais un arrêté du 03 août 1945 accorde à la gendarmerie un contingent de 12.000 hommes.
Un nouvel échelon hiérarchique est créé, la Région, coiffant les Groupes territoriaux. Sa Direction est intégrée
au ministère de la Défense nationale.
L'ensemble est étoffé par la création de la Prévôté auprès des troupes en Allemagne, d'un Atelier de
maintenance, d'une brigade maritime, d'une brigade des aéroports, d'une Police spéciale de la route, d'un Service des
achats, etc.
Mieux équipée en charroi et en transmissions, avec des services plus adaptés à ses missions, la gendarmerie
évolue vers une police moderne et sa loi fondamentale sera signée le 02 décembre 1957. Il faut mentionner trois
innovations importantes :
 La gendarmerie est constituée en Force armée indépendante de la Force terrestre;
 La compétence territoriale limitée est étendue à l'ensemble du territoire national;
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Elle est autorisée à organiser des écoles.
En 1960, ses effectifs sont fixés à 350 officiers et 12.500 sous-officiers, brigadiers et gendarmes.
Des "Golden Sixties" aux années septante.
Les années 60 commencent mal avec les confrontations lors des grèves et des manifestations en opposition à la
"loi unique".
Des leçons essentielles seront tirées :
 En 1962, on s'engage vers un assouplissement des interventions et le dialogue avec les parties en cause.
 En 1963, on publie des arrêtés royaux portant sur l'organisation des services et les attributions du
commandement.
 En 1964, le personnel revendique l'introduction du syndicalisme qui donne naissance à l' "Union nationale du
personnel de la gendarmerie".
 En 1965, les réformes sociales, la modernisation du recrutement et de la formation et le souhait de
rencontrer les revendications justifiées en matière de logement, entraînent une augmentation sensible des
crédits.
L'ambiance euphorique de ces années 60, caractérisée par une solide augmentation du niveau de vie en Europe
est malheureusement marquée par un accroissement de la délinquance dans tous les domaines et à tous les niveaux.
La gendarmerie se devait de réagir.
Nouvelles unités.
Constitution d'une brigade " Bruxelles national " qui deviendra en 1974 le " Détachement de sécurité de
l'aéroport national ".
Création en 1972 du " Groupe Diane " chargé de combattre le terrorisme international et qui sera rebaptisé "
Escadron spécial d'intervention ".
En 1974 est créée la " Section antidrogue " qui deviendra le " Bureau national des drogues " qui sombrera en
1980 avec son chef le Commandant FRANCOIS, suite aux scandales qui éclatèrent à l'époque.
Ces modifications exigent un accroissement des effectifs qui passent à 550 officiers et 13.500 sous-officiers et
gendarmes, bientôt renforcés par des militaires en mobilité volontaire.
En 1975, la gendarmerie est articulée en deux corps. L'un est opérationnel, composé de 790 officiers dont 40
femmes et 14.600 sous-officiers et gendarmes dont 600 femmes. L'autre est administratif et logistique et composé de
1.580 personnes dont 80 officiers.
Les pénibles années 1980.
Des problèmes d'ordre budgétaire surgissent suite à la politique gouvernementale d'économie. Réduction du
temps de travail de 55 à 38 heures par semaine soit 31 % alors que les effectifs n'augmentent que de 25 %.
Importante extension de la multitude des tâches.
Augmentation importante de la criminalité organisée, des problèmes liés aux drogues, du terrorisme et du
hooliganisme.
Un vol d'armes à l'Escadron spécial rend probable l'appartenance de gendarmes aux mouvements d'extrêmedroite.
Les crimes des " Tueurs du Brabant wallon ".
Premiers attentats des " Cellules Communistes Combattantes ".
En 1985 éclate le drame du Heysel qui fait 39 morts et 485 blessés. La gendarmerie est à nouveau montrée du
doigt.
Malgré la prise de nombreuses mesures et l'accroissement des effectifs de 1.700 hommes, les tueries continuent
et les C.C.C. également.
En 1986, pour la somme de 7,5 milliards, la gendarmerie reçoit 675 VW Golf GTI, 130 BMW, 5.300 fusils FAL,
3.100 pistolets mitrailleurs UZI et des gilets pare-balles.
Un audit confié au " Multinationale Team Consul " conclut en 1986 à l'éloge de nombreux aspects de la
gendarmerie sauf la trop grande charge administrative et la trop grande influence des syndicats.
La différence de niveau avec la police pousse le rapport à proposer timidement la fusion de toutes les polices
sous la coupe d'une seule autorité.
La Gendarmerie démilitarisée.
Suite à des problèmes inquiétants dans le fonctionnement de la justice et des polices, une commission d'enquête
parlementaire dépose ses conclusions en 1990 qui prévoient un programme en cinq points dont la démilitarisation de
la gendarmerie qui passe au Ministère de l'Intérieur.
La loi du 18 juillet 1991 fait de la gendarmerie un service de police générale compétent sur tout le territoire.
En 1995 : on supprime l'échelon " Région "; la " Légion mobile " est réduite; le nombre de districts passe de 52 à
27; on crée l' " Institut de criminalistique ".
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La Belgique doit affronter l'affaire DUTROUX qui conduira à la fusion de toutes les polices en une seule police
nationale.
En 1998, l'évasion de Marc DUTROUX entraîne la démission des ministres de l'Intérieur VAN DE LANOTTE et
de la Justice DE CLERCK, ainsi que du Commandant de la gendarmerie, le général DE RIDDER. De plus, on assiste
à une phase d'accélération de la réforme des polices.
Dès 1999, une loi crée la structure de la police à deux niveaux, le fédéral et le local, avec mise en place le 1er
janvier 2002.
Les deux niveaux sont autonomes, dépendant d'autorités distinctes, mais sont régis par un lien fonctionnel
d'intégration, de statut unique, de mobilité de l'un vers l'autre, de statut disciplinaire et de gestion de l'information.
Et c'est donc le 1er janvier 2002, qu'une nouvelle ère policière voit le jour en Belgique.
Pierre VANORMELINGEN
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