financement et transports publics 117
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financement et transports publics La fiscalité au service des transports publics Paul PERPÈRE, sous-directeur de la Fiscalité directe des entreprises, direction de la Législation fiscale Cyril SNIADOWER, chef du bureau B 1, sous-direction de la fiscalité directe des entreprises, DLF a fiscalité traditionnelle des transports – c’est-à-dire, en réalité, principalement la fiscalité des carburants – constitue encore l’une des principales sources de financement de l’Etat en dépit, à la fois, de son attribution partielle aux collectivités territoriales et de l’érosion régulière de son assiette lors des dernières années. Mais, progressivement, cette fiscalité tend à se muer en une fiscalité d’objectifs. Il ne s’agit plus uniquement d’assurer des recettes régulières, il s’agit désormais de collecter l’impôt là où il est davantage légitime pour en exonérer ou en faire bénéficier ceux qui s’inscrivent dans une logique d’intérêt supérieur. Les conclusions du Grenelle de l’environnement n’ont pas dit autre chose, en prônant à la fois, sur le plan des réalisations concrètes, l’extension des capacités de transports en commun ou la construction de milliers de kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires et, sur le plan du financement, l’utilisation de la fiscalité pour relever le défi écologique. La fiscalité des transports publics est à la croisée de ces ambitions. L LA FISCALITÉ DES TRANSPORTS PUBLICS, UNE FISCALITÉ EN NÉGATIF ? Détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leurs navires : 200 millions d’euros. Taux réduit de taxe intérieure de consommation pour les carburants utilisés par les taxis : 14 millions d’euros. Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs : 21 millions d’euros. Remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers : 220 millions d’euros. Dégrèvement de taxe professionnelle en faveur des entreprises disposant de véhicules routiers ou de bateaux : 299 millions d’euros. Dégrèvement de taxe professionnelle en faveur des entreprises d’armement au commerce : 35 millions d’euros. Dégrèvement de taxe professionnelle en faveur des entreprises de transport sanitaire : 20 millions d’euros... La liste des dépenses fiscales est longue dans le secteur du transport. Les quelques illustrations qui viennent d’en être données rappellent la diversité des mesures adoptées : elles touchent tous les impôts, directs (impôt sur les sociétés et taxe professionnelle) et indirects (taxe intérieure de consommation) et concernent de multiples modes de déplacement (transports routiers de marchandises [1], transports routiers en commun de voyageurs, transports publics « individuels » [taxis], navires...). Elles illustrent l’importance des recettes auxquelles l’Etat accepte de renoncer : ce sont près de 800 millions d’euros que l’évaluation des voies et moyens recense comme consacrés au développement des transports publics et encore les conventions attachées à l’élaboration de ce document ne permettent-elles pas d’y rassembler l’ensemble des mesures favorables dont bénéficie le secteur des transports publics : par exemple, le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée dont bénéficie le transport de voyageurs (2) n’y figure pas. Même si cette dernière disposition ne fait plus l’objet d’évaluation tant elle est entrée dans les mœurs, un calcul rapide fondé sur le chiffre d’affaires du secteur permet de s’assurer que la charge fiscale à laquelle échappe le transport urbain de voyageurs avoisine le milliard d’euros, le double pour le transport ferroviaire de voyageurs. Encore la France ne se distingue-t-elle guère de ses voisins européens dans ce domaine. Un coup d’œil sur les taux de TVA pratiqués par nos partenaires révèle que seules la Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie n’ont pas souhaité recourir - No 2 - Février 2009 à la faculté que leur offrait le droit européen de diminuer la pression fiscale pesant sur les transports publics de voyageurs, tandis que quelques autres Etats, comme les Pays-Bas, ne l’ont utilisée que partiellement, en en excluant par exemple le transport aérien. S’agissant de la fiscalité des carburants, le caractère laconique du considérant pertinent de la directive restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité ne doit pas induire en erreur. Certes, rien d’autre n’y est dit si ce n’est qu’ « il convient de laisser aux Etats membres la flexibilité nécessaire pour définir et mettre en œuvre des politiques adaptées aux contextes nationaux ». Et ils ont su en tirer parti ! On notera presque pour mémoire que l’article 5 de cette directive autorise les Etats membres à appliquer des taux de taxation différenciés – en d’autres termes, inférieurs au taux national de droit commun – aux « transports publics locaux de passagers (y compris les taxis) ». On se souviendra aussi que l’annexe II de cette directive recense les taux réduits et exonérations de taxation que peuvent continuer d’appliquer aux carburants les Etats membres, par dérogation aux dispositions de la directive : Belgique, Allemagne, Danemark, Grèce, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Autriche, Portugal, Royaume-Uni... Onze Etats sur les quinze que comptait l’Union à l’époque, taxaient à des niveaux inférieurs aux minima communautaires les carburants consommés dans des « véhicules utilisés pour les transports publics locaux de passagers ». Quant aux quatre Etats dont les noms n’apparaissaient pas dans cette annexe, cela ne signifiait nullement qu’ils n’appliquaient pas une fiscalité privilégiée aux transports publics, mais simplement que celle-ci respectait dès 2003 les niveaux minimaux de taxation fixés par la réglementation communautaire. Dernière illustration du caractère répandu du soutien étatique aux transports publics par des aménagements fiscaux, la taxe au tonnage. Codifié à l’article 209-0 B du Code général des impôts, le mécanisme dit de la taxe au tonnage autorise, sous certaines conditions, les entreprises dont le chiffre d’affaires provient pour 75 % au moins de l’exploitation de navires armés au commerce à substituer à leur résultat réel un résultat calculé forfaitairement en fonction de la jauge de leurs navires. Derrière son aspect original au sein de l’édifice fiscal français, qui traditionnellement (1) Contrairement à son acception courante, la notion de transport public ne saurait être restreinte à celle de transport en commun de voyageurs. La loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs distingue en effet simplement les transports publics des transports privés. La différence repose uniquement sur le fait que le transport soit organisé par une personne pour le compte d’autrui (transport public) ou pour son propre compte (transport privé). (2) Sans nul doute, l’ancienneté de cette mesure a contribué à ce qu’elle ne soit plus perçue comme une dérogation mais comme constitutive de la norme : dès la loi nº 66-10 du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d’affaires, le transport de voyageurs était éligible à l’un des taux réduits – à l’époque celui de 12 %. 117 financement et transports publics réserve l’évaluation forfaitaire des bénéfices aux seuls opérateurs de petite taille (3), le dispositif introduit en droit français en 2003 se révèle en réalité la copie tardive des règles fiscales déjà existantes dans d’autres pays européens, qu’il s’agisse de la Grèce, qui les avait introduites en 1953, de Chypre en 1963, des Pays-Bas (1996), de l’Allemagne (1999), du Royaume-Uni (2000) ou du Danemark, de l’Espagne, de la Finlande ou de l’Irlande (2002). Inventé au Panama en 1925, le système forfaitaire de taxation au tonnage des navires de commerce assure simplicité, prévisibilité et, surtout, allégement fiscal sur moyenne durée pour les armateurs, le forfait sur les années bénéficiaires compensant généreusement la taxation en période déficitaire. Tous les pays qui l’ont instauré conçoivent clairement un tel système comme un moyen de renforcer la compétitivité de leurs armements. La fiscalité des transports publics transcende ainsi son aspect incitatif pour devenir outil de concurrence. Ce sont les mêmes motivations qui, dans un autre secteur d’activité, pourraient justifier l’allégement de taxe professionnelle ou la réduction de TIPP (4) dont bénéficient les entreprises de transports routiers de marchandises qui doivent affronter des concurrents étrangers pouvant tirer avantage de conditions sociales moins exigeantes et des Etats voisins concevant résolument la fiscalité des carburants comme un outil d’attractivité. LA FISCALITÉ DES TRANSPORTS PUBLICS, DU PRODUCTEUR AU CONSOMMATEUR Fiscalité favorable, la fiscalité des transports publics apporte son soutien à chaque stade de l’activité : investissement, exploitation et consommation (5). Dès 1978, le législateur avait jeté les bases d’une fiscalité qui draine l’épargne vers le secteur maritime (6). Puis la loi DOM-TOM, dite loi Pons, du 11 juillet 1986 avait constitué le véritable banc d’essai, en orientant l’investissement, notamment, vers les navires de pêche et de plaisance. En 1991 avait été instauré un levier fiscal réservé aux seuls navires civils de charge ou de pêche (7). C’étaient là les prémices annonciatrices d’une loi beaucoup plus ambitieuse, celle de 1996 dont le titre est on ne peut plus explicite : Loi relative à l’encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce (8). La défiscalisation par le quirat permettait, à des intensités variables et selon des modalités différentes, une déduction fiscale pour des particuliers ou des sociétés qui investissaient dans des parts de copropriété maritime. S’agissant d’un investissement réalisé par une personne physique, le montant maximal des sommes déductibles annuellement était fixé à cinq cents mille francs pour les contribuables célibataires et à un million de francs pour les couples. Les opérations éligibles étaient agréées. La déduction était opérée sur le revenu global. Le taux de déduction était de 100 %. Le dispositif mis en place était d’autant plus remarquable qu’il avait été avalisé par la Communauté européenne dans le cadre de sa politique maritime (9). Rappelant brièvement le dispositif communautaire en matière d’aides d’Etat au secteur maritime, la Commission avait fait savoir son approbation du projet français d’encouragement à l’investissement maritime par la défiscalisation des quirats en visant l’intérêt de la Communauté, à savoir le maintien des navires sous pavillon communautaire, la modernisation de la flotte et la préservation de l’emploi, dans une plus grande proportion, de marins communautaires. Néanmoins, en raison de son coût (deux milliards de francs), de son faible impact sur les chantiers navals français et de ses résultats limités en terme d’emplois (quatre cents emplois), le système des quirats n’a pas survécu au changement de majorité en 1997. Mais sa suppression n’aura été qu’un épisode dans l’histoire renouvelée des adaptations de la fiscalité au financement de la navigation de commerce. Car si le financement par quirats était censé avoir disparu, sans mécanisme de substitution, au 118 15 septembre 1997 (10), six mois plus tard entrait déjà sur scène son successeur, le « GIE fiscal » (11). Bien que non spécifique au secteur de la navigation maritime (12), ce dispositif permet aux entreprises du secteur de mettre en place des schémas de financement d’investissements en crédit-bail. Ainsi, un GIE, constitué généralement par des banques (pool bancaire), acquiert l’investissement à financer et le donne en crédit-bail à l’utilisateur. Le bien, en principe de nature industrielle, est amorti selon le mode dégressif par le GIE. Les loyers versés par l’utilisateur et le prix de levée de l’option d’achat en fin de contrat permettent au GIE de couvrir son propre financement, intérêts et capital compris. En raison des amortissements dégressifs et des frais financiers qui, par définition, sont concentrés sur les premières années d’utilisation du bien, les résultats du GIE sont fortement déficitaires au cours de ces années et deviennent bénéficiaires au cours d’une seconde période, lorsque le montant des loyers perçus excède le total des charges constatées (amortissements et frais financiers compris). Les économies d’impôt ainsi obtenues par les établissements financiers, durant les premières années de l’opération, sont compensées par les suppléments d’impôt qui apparaissent ensuite, lorsque le GIE réalise des bénéfices. Toutefois, ce décalage dans le temps permet de dégager un gain de trésorerie. Si le dispositif du GIE fiscal a indéniablement permis le rajeunissement de la flotte, dont l’âge moyen, pour la flotte de commerce, de 13,24 ans en 1996 avait chuté en 2004 à 8 ans pour en faire l’une des plus jeunes flottes européennes, ce dispositif n’en a pas moins été décrié en comparaison du système antérieur, du fait de sa complexité et des risques qu’il faisait courir au regard du droit communautaire. Risques avérés – et identifiés dès 1997 et la suppression des quirats (13) – puisque la Commission européenne, par une décision du 20 décembre 2006, le jugea non conforme au regard de la réglementation sur les aides d’Etat. Le nouveau dispositif mis en place dans la foulée dès le 1er janvier 2007, qui s’inscrit dans le respect du droit communautaire, a pour objectif de garantir l’efficacité du financement des navires commerciaux et de pêche industrielle pour les sociétés basées en France, de même que d’autres modes de transport. La fiscalité des transports publics ne s’intéresse pas uniquement à l’investissement, elle peut se révéler également propice au fonctionnement quotidien de ces secteurs. L’on évoquera, pour (3) Régime des microentreprises ouvert aux opérateurs dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas, selon l’activité, 80 000 ou 32 000 c. Régime du forfait agricole ouvert aux exploitants dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 76 000 c. (4) Le remboursement auquel elles peuvent prétendre permet aux entreprises de transport routier de marchandises de supporter une charge fiscale de TIPP égale à 39,19 c par hectolitre de gazole consommé. Une mesure analogue existe pour le transport public routier en commun de voyageurs. Il faut y voir là une mesure d’incitation pour les transports en commun, non un dispositif d’aide face à la concurrence internationale. (5) On n’oubliera pas non plus le développement des infrastructures de transport, avec la taxe d’aménagement du territoire due par les concessionnaires d’autoroutes au profit de l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de la France, la taxe kilométrique sur les poids lourds que l’article 153 de la loi de finances pour 2009 prévoit de lui affecter, ainsi qu’aux collectivités territoriales, à compter de 2011 ou, de manière plus indirecte, la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, dite « taxe à l’essieu », censée compenser les dépenses supplémentaires d’entretien et de renforcement de la voirie occasionnées par la circulation de véhicules à fort tonnage. (6) Loi de finances pour 1978, nº 77-1467 du 30 décembre 1977, art. 73. (7) Loi de finances pour 1991, nº 90-1168 du 29 décembre 1990, art. 105. « Les personnes physiques (...) qui acquièrent, entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 1994, des parts de copropriété de navires civils de charge ou de pêche neufs et livrés au cours de la même période, bénéficient d’une déduction de leur revenu net global. La déduction est égale à 25 % de la somme des versements effectués pour l’acquisition des parts jusqu’à la livraison des navires ». (8) Loi nº 96-607 du 5 juillet 1996. (9) Commission européenne, lettre du 3 mai 1996, SG (96) D/4527. (10) Loi de finances pour 1998, nº 97-1269 du 30 décembre 1997, art. 9. (11) Loi nº 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, art. 77. (12) Des schémas analogues ont pu être utilisés pour le financement de l’aviation civile ou de matériels ferroviaires roulants. (13) « Il est d’autant plus inopportun de supprimer le dispositif quirataire qu’il n’existe pas de véritable alternative à l’incitation fiscale et que tout système de remplacement serait fortement contraint par la position de l’Union européenne. En effet, dans le domaine des aides à l’investissement, la Commission européenne a récemment modifié ses "orientations communautaires en matière d’aides d’Etat au transport maritime" (JOCE du 5 juillet 1997) [...]. Rappelons que le dispositif actuel des quirats présente a contrario l’avantage d’avoir été agréé par Bruxelles. », in Rapport général de la Commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 1998, tome II, fasc. 1. No 2 - Février 2009 - financement et transports publics mémoire, le versement destiné aux transports en commun (14), qui depuis la loi nº 71-559 du 12 juillet 1971, assujettit les entreprises de plus de neuf salariés, obligatoirement ou facultativement selon les cas, à une taxe assise sur la masse salariale au profit du Syndicat des transports d’Ile-de-France et des autorités organisatrices des transports urbains de province (15). La création de cette recette affectée était fondée sur l’impossibilité sociale de faire payer la totalité du service à l’usager et donc la nécessité d’une compensation intégrale des réductions tarifaires consenties aux salariés par les entreprises de transports collectifs urbains et suburbains, sur la volonté de faire participer les employeurs publics et privés en échange des bénéfices indirects qu’ils retiraient de l’existence d’un réseau de transports urbains (trajet domiciletravail) et enfin de développer et améliorer les transports collectifs en finançant en partie leurs investissements par cette recette. En 2006, le « versement transport » représentait 70 % des ressources du Syndicat des transports d’Ile-de-France. Mais l’apport de la fiscalité au financement des transports publics se niche parfois dans des recoins insoupçonnés. Lorsqu’elle jugea qu’« en instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l’achat de biens d’équipement en raison du fait qu’ils ont été financés au moyen de subventions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire » (16), la Cour de justice des Communautés européennes imaginait-elle le désordre dont elle serait à l’origine dans le secteur des transports et qui devrait trouver un épilogue sibyllin dans la loi de finances pour 2009, dans un article (17) mystérieusement intitulé Révision du droit à compensation des régions au titre de la compétence « Services régionaux de voyageurs » (SRV) ? Pour tenter de résumer en quelques mots la problématique, rappelons qu’à l’inverse des particuliers, pour qui la taxe sur la valeur ajoutée grevant leurs achats représente une charge définitive, les opérateurs économiques peuvent déduire la taxe qu’ils supportent sur leurs achats ou leurs investissements. De manière indirecte, la question posée à la Cour était de savoir si un opérateur financé en bonne partie par subventions publiques constituait ou non un opérateur économique au sens de la TVA. L’importance de la réponse à cette question est patente dans le domaine du transport, où le consommateur ne paye jamais au juste coût la prestation qui lui est rendue par l’exploitant. La conception traditionnelle française conduisait à dénier pour cette raison, au moins en partie, la qualité d’opérateurs économiques (18) aux exploitants des services de transport. En invalidant la position française, en des termes ne souffrant nulle contestation, la jurisprudence de la Cour a déplacé les lignes de la fiscalité indirecte pesant sur ce secteur : elle a amené à afficher dans la loi de finances le caractère non imposable de ces subventions ; elle a considérablement modifié les flux financiers croisés entre délégants et délégataires ; elle a accru, dans les faits, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour les transporteurs. Enfin, n’oublions pas le consommateur, même si pour lui la route semble plus cahoteuse ! L’article 20 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 étend à l’ensemble du territoire, au-delà de l’Ile-de-France, l’obligation de prise en charge par les employeurs des abonnements de transport public – la prise en charge des frais de transport personnels demeurant facultative. La fiscalité s’adapte à ce mouvement, puisque les sommes ainsi reçues par les salariés ne seront pas soumises à l’impôt sur le revenu. Il est trop tôt, bien évidemment, pour savoir si cette évolution sera perçue comme un encouragement à l’utilisation des modes alternatifs à la voiture dans la ligne du Grenelle de l’environnement. 0 La politique des transports de personnes et de marchandises assure le développement des modes de transports individuels et collectifs, en tenant compte de leurs avantages et inconvénients en matière de développement régional, d’aménagement urbain, de protection de l’environnement, de limitation de la consommation des espaces agricoles et naturels, d’utilisation rationnelle de l’énergie, de sécurité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants. Elle tient compte non seulement des coûts économiques mais aussi des coûts sociaux et environnementaux, monétaires et non monétaires, supportés par les usagers et les tiers, qui s’attachent à la création, à l’entretien et à l’usage des infrastructures, équipements et matériels de transport. Elle prend une forme multimodale intégrée (19). Il reste toujours à améliorer, naturellement. Mais au terme de ce bref panorama de la fiscalité des transports, force est de constater qu’en dépit de la diversité des mesures qui la composent, c’est bel et bien un sentiment de cohérence qui en ressort. A l’aune des critères d’action que la représentation nationale s’apprête à proclamer dans le cadre de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, nul doute que la fiscalité des transports publics est à la pointe. Déjà privilégie-t-elle, par de moindres niveaux de taxation des carburants notamment, les transports collectifs. Déjà, par un taux de taxe sur la valeur ajoutée plus faible, favorise-t-elle de façon significative les transports publics, au détriment de l’adepte de la voiture individuelle qui, si elle n’est plus imposée à 33,33 % comme c’était le cas jusqu’en 1993, demeure soumise au taux normal (20). Déjà s’attache-t-elle, dans une combinaison peut-être trop dispersée qui nuit à sa visibilité, à contribuer au financement des infrastructures. Déjà essaiet-elle, modestement il est vrai, d’intégrer un volet environnemental qui demeure en deçà d’un juste prix que seul le temps rendra acceptable. Par ses adaptations répétées, il ne fait guère de doute qu’elle saura se maintenir au service de la politique des transports publics, en complément naturel des démarches budgétaires dans lesquelles s’engageront autorités nationales ou entités locales. (14) Code général des collectivités territoriales, art. L. 2333-64 et L. 2531-2. (15) Le produit de cette taxe s’est élevé, en 2005, à plus de cinq milliards d’euros, répartis à peu près en parts égales entre l’Ile-de-France et la province. (16) CJCE, Commission c/ République française, aff. C-243/03, 6 octobre 2005. (17) Loi de finances pour 2009, art. 168. (18) En réalité et plus modestement, leur droit à déduction de la TVA ! (19) Libellé de l’article 3 de la loi nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, tel qu’il résulterait de l’article 14 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement adopté par l’Assemblée nationale le 21 octobre 2008. (20) On notera toutefois que la fiscalité grevant les voitures individuelles s’est teintée de considérations environnementales au cours des dernières années, qu’il s’agisse de la modulation de la taxe sur les véhicules des sociétés ou de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation en fonction du taux d’émission de dioxyde de carbone ou de l’instauration d’un malus applicable, à l’immatriculation, aux voitures particulières les plus polluantes que la dernière loi de finances rectificative pour 2008 a complété d’une taxe annuelle. Nous portons à votre connaissance que notre site Internet change de nom à compter de janvier 2009 pour devenir : www.gestionfipu.com - No 2 - Février 2009 119