2008-10-21 - Injustices de la justice

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2008-10-21 - Injustices de la justice
Le Journal de Montréal, mardi 21 octobre 2008
La chronique de Richard Martineau
Sympathie pour le diable
Richard Martineau
Le Journal de Montréal
Il y a quelque chose qui me saute à la figure (sans jeu de mots) chaque fois que je lis sur la mafia, les
Hells ou les gangs de rues: le crime fait partie de nos vies.
Quand je dis «crime», je ne parle pas des crimes passionnels ou des vols effectués sous l'emprise de la drogue,
non - je parle du crime organisé.
Les organisations criminelles font partie intégrante de notre société. Elles ont pignon sur rue.
Jusqu'à ce week-end, les habitants de Sorel pouvaient marcher dans la rue et dire à leurs enfants: «Regarde, la
grosse maison, là-bas, c'est le refuge d'une des plus grosses organisations de bandits au Canada.»
Les Hells avaient leur adresse, leur code postal, leur quartier général! Comme la police et les Chevaliers de
Colomb!
À VISAGE DÉCOUVERT
C'est quand même surréaliste, non?
La mafia avait son club social, rue Jarry, à Montréal. Les Hells avaient leur bunker, à Sorel.
Les organisations criminelles ne sont pas cachées: elles se promènent à visage découvert et font partie des
institutions qui participent au fonctionnement de la société.
Tout le monde sait que les clubs de danseuses appartiennent aux Hells. Personne ne s'en offusque.
Tout le monde sait que les agences d'escortes sont dirigées par des organisations criminelles. Personne n'est
sur-pris de les voir proposer leurs services dans les journaux et les Pages jaunes.
Tout le monde sait que le crime organisé se remplit les poches avec le trafic de cigarettes. Ça n'a jamais
empêché aucun fumeur d'acheter des cigarettes illégales.
Tout le monde sait à quelle station de métro ou à quel coin de rue se pointer pour acheter de la drogue.
TOUT LE MONDE SAIT.
Le crime a pignon sur rue, et ça ne nous fait pas un pli sur le nombril. On a appris à vivre avec, à le côtoyer.
L'OFFRE ET LA DEMANDE
«Oui, mais les Hells et la mafia tuent des gens...» Et les États, eux, ils ne tuent pas des gens quand leurs
intérêts économiques sont menacés?
«Ils exploitent les faiblesses des joueurs compulsifs et des toxicomanes...»
N'est-ce pas ce que font Loto-Québec et la SAQ?
On est tellement habitué de voir des crosses partout que l'existence du crime organisé ne choque plus
personne. On se dit qu'ils sont des commerçants comme les autres. La seule différence est que les produits
qu'ils nous offrent sont illégaux.
Le jour où l'État interdira le foie gras, on aura tous notre pusher de foie gras et la mafia fera des fortunes en
élevant des oies.
LA FÊTE
Maurice «Mom» Boucher est applaudi à chaudes mains quand il se pointe au Centre Bell. Éric «Boubou»
Bouffard est une vedette à Saint-Hyacinthe. Les kids se promènent avec des t-shirts de Scarface, leur père ne
rate jamais un épisode des Sopranos et TQS accepte avec joie une commandite d'une compagnie reliée aux
Hells.
Avez-vous déjà vu Réjeanne Padovani, de Denys Arcand? Pendant une heure trente, des politiciens corrompus,
des pégreux et des mafiosi boivent du champagne dans la maison cossue d'un riche homme d'affaires.
Eh bien, on a l'impression que le Québec ressemble à la maison du film d'Arcand.
Tout le monde trinque, tout le monde fait la fête, l'argent sale côtoie l'argent propre...
Bref, business as usual.

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