La chapelle de l`abbé Auger, joyau de l`art gothique

Transcription

La chapelle de l`abbé Auger, joyau de l`art gothique
La chapelle de l'abbé Auger, joyau de l'art
gothique
L’abbé Auger de Gogenx, Bâtisseur
Soixante-quatre abbés se sont succédé à Lagrasse, de sa fondation à la Révolution française. L’abbé Auger de Gogenx
reste cependant celui qui a le plus profondément marqué l’histoire du monument, laissant dans l’ombre ses
prédécesseurs et successeurs. Nous sommes à la toute fin du XIIIe siècle. Réformateur,
bâtisseur, et désireux de marquer de son empreinte l’établissement qu’il dirige, c’est à
lui que l’on doit la plupart des constructions médiévales de l’abbaye encore visibles
aujourd’hui. A la faveur de son long abbatiat, il bâtit, harmonise, rénove, embellit le
monastère selon son goût et celui de son temps… Des bâtiments qu’il frappe de son écu
« écartelé en sautoir d’argent et de pourpre » et ceci de façon presque obsédante.
Personnage vraisemblablement charismatique, érudit et féru d’art, il s’entoure des
meilleurs artistes qui œuvrent alors dans la région. Sa chapelle privée, qu’il dédie à saint
Barthélémy en 1296, en est le remarquable témoignage.
La chapelle privée d’Auger
C’est un édifice remarquable, édifié sur deux niveaux comprenant une chapelle haute et une chapelle basse, chacune
précédée d’un vestibule. Une architecture qui s’apparente à celle de la chapelle du palais des rois de Majorque à
Perpigan ou de la chapelle du palais des archevêques de Narbonne. Les décorations commandées par l’abbé Auger
pour sa chapelle privée sont admirables. La finesse des décors sculptés, les murs entièrement recouverts de peintures
très colorées et l’éclatant tapis de terres cuites vernissées concourent à l’harmonie du lieu, baigné dans une douce
lumière dorée.
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Le décor sculpté
Le soin particulier apporté à la porte d’entrée au sanctuaire présage des fastes de l’intérieur. Sur le tympan en arc
brisé, on distingue la crosse et les armes de l’abbé et l’inscription gravée de la fondation en 1296. Le tympan est
souligné d’une archivolte finement moulurée retombant sur des colonnettes sculptées. La porte est encadrée de
colonnettes juchées sur de hautes bases polygonales et son linteau repose sur deux consoles, l’une à visage de
femme, l’autre à visage fantastique feuillu.
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Le carrelage en terre cuite émaillée
Il s’agit d’un pavement
polychrome à dominante géométrique, ponctué de carreaux au décor plus recherché : fleurs de lys, croix du
Languedoc, animaux fantastiques et scènes de chasse animent ce tapis aux effets optiques saisissants.
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Les peintures murales, réalisées entre 1296 et 1309
La composition du mur occidental représente, de façon traditionnelle dans l’iconographie médiévale, le Jugement
dernier ; elle se structure en quatre registres horizontaux superposés, jouant sur une large gamme chromatique. Au
sommet, le Christ trônant est encadré d’anges, de la Vierge et de saint Jean. Sous cette scène est représenté le
jugement dernier : autour du Christ central tenant une croix, se pressent diacres, apôtres, évêques et saints. Plus bas
encore se déroule la pesée des âmes par saint Michel. Enfin saint Pierre brandit les clefs de la porte du Paradis. Le
thème de l’arbre de vie, positionné de façon plus étonnante en regard du Jugement dernier, occupe tout le mur
oriental. Douze branches se développent de part et d’autre du tronc sur lequel Jésus est crucifié.
Si les périodes troublées de l’Inquisition menèrent à la dépossession de l’abbaye de certaines de ses terres, déjà
appauvrie par l’émergence de nouveaux ordres religieux, l’ambition réformatrice d’Auger, spirituelle et architecturale,
permit d’insuffler un renouveau au sein de la communauté.
L’abbé Auger de Gogenx restera, par sa volonté hors du commun, l’une des figures les plus marquantes de l’histoire
de l’abbaye de Lagrasse.