Histoire du franc lyonnais

Transcription

Histoire du franc lyonnais
Histoire du franc lyonnais - Document Transcript
1. Histoire abrégée du Franc-Lyonnais et de la principauté de Dombes
par © Jean-Jacques TIJET .
2.
3. Rares sont les départements français comme celui de l’Ain - sur lequel
se situaient le Franc- Lyonnais (en grande partie) et la principauté de
Dombes - à présenter une telle géographie : il est composé de plusieurs
« pays » aussi divers que le Bugey, la Dombes, la Bresse et le
Revermont1. Ne dit-on pas d’ailleurs, les Pays de l’Ain ? A l’est le Bugey
est une contrée de montagnes et de plateaux (le Jura) mais aussi de
combes et de vallées, comme celle de la rivière Séran - qui se jette
dans le Rhône à Cressin-Rochefort, près de Belley - appelée le
Valromey ; les principales cités sont Nantua au nord, Belley au sud et
Ambérieu à l’ouest. Au nord-est de Lyon, sur un plateau coincé entre
Saône et Rhône, la Dombes est une zone d’étangs (on en compterait
plus de mille) dont Chatillon-sur-Chalaronne, Villars-les-Dombes, Trévoux
et Méximieux sont les fleurons. Elle est séparée du Bugey (à l’est donc)
par la rivière Ain. Au nord de la Dombes, la Bresse offre un paysage de
bocages et donne à l’Ain sa capitale Bourg-en-Bresse mais aussi de
charmants villages comme St Trivier-de-Courtes au nord, Montrevel au
centre et Bâgé-le-Châtel en face de Mâcon. Le Revermont s’étend
autour de Coligny - délimité au nord par St Amour et par Treffort-Cuisiat
au sud - avec 2 zones géographiques différentes, les premiers
contreforts du Jura pour l’une et la plaine bressane qui les longe pour
l’autre. (voir la première carte à la fin du document pour le situer) Après
les temps obscurs et difficiles de la fin du premier millénaire et suite à
une certaine stabilisation de la société féodale - vers le début du XIe
siècle - 5 principales seigneuries (elles sont terres d’Empire2 puisque
situées à l’est de la Saône) se partageaient l’ensemble de la région,
celle de Baugé qui était certainement la plus importante car elle
englobait une grande partie de la Bresse actuelle (en juillet 1272 par le
mariage de Sibille - l’unique fille du dernier seigneur Guy II - avec un
prince de Savoie - qui deviendra en 1282 le comte Amédée V, plus
tard surnommé « le Grand » - elle devient possession de la maison de
Savoie) et une partie de la Dombes du nord ; elle avait pour « capitale
» Bâgé3, 1 J’oublie volontairement le Pays de Gex, hors sujet… que les
Gexois me pardonnent ! 2 Leurs seigneurs étaient-ils vassaux directs de
l’empereur ou vavasseurs (c'est-à-dire vassaux d’un autre vassal
comme le comte de Bourgogne) ? Ce n’est pas toujours évident. 3
Pourquoi au fil du temps, Baugé est devenu Bâgé ? Mystère… 1
4. celle de Thoire (le château du seigneur dominait la commune actuelle
de Matafelon-Granges dans le Bugey) qui absorbera - à la fin du XIIe
siècle - la plus grande seigneurie de la Dombes, celle de Villars (la fille
et héritière du dernier sire de Villars – qui meurt en 1187 – est mariée à
Etienne de Thoire), celle de Coligny4 qui se partage entre Bugey et
Bresse et celle de Montluel (certainement la plus petite - en terme de
superficie - des 5, qui comprenait le territoire autour de Béligneux-La
Valbonne aujourd’hui, Sathonay, Les Echets et Pérouges). Comme les
terres, à cette époque, étaient partagées entre seigneurs laïcs et
seigneurs ecclésiastiques il faut mentionner aussi comme propriétaires
fonciers de la région, l’évêque de Belley qui était seigneur temporel de
la ville, les grands monastères comme l’abbaye bénédictine
d’Ambronay (à 4 km au nord d’Ambérieu), l’abbaye de Saint Rambert
(dans la vallée de l’Albarine, à 10 km au sud-est d’Ambérieu), l’abbaye
de Nantua et même des abbayes « étrangères » comme les «
lyonnaises » de l’Île-Barbe et d’Ainay (possessionnées en Dombes et
Bresse) sans oublier l’abbaye bénédictine dauphinoise de Saint Chef
qui possédait des terres en Bugey ! Tous ces territoires ont été, durant le
Moyen Âge et la Renaissance, des lieux d’alliances et de conflits entre
les seigneurs des principautés « locales » que nous venons de citer mais
également des lieux privilégiés de conquêtes pour les grands seigneurs
environnants comme le roi de France, le comte puis duc de Savoie, le
dauphin de Viennois, l’Eglise de Lyon en tant que comte de Lyon, le
comte de Genève et les sires de Beaujeu de l’autre coté de la Saône
sans oublier les comte et duc de Bourgogne au nord ! Le FrancLyonnais et la principauté de Dombes – au nord de Lyon - petits
territoires « historiques » enclavés dans la Bresse et résultats de
coutumes et de traditions – qui furent maintenues par suite de ce
respect que l’on avait alors pour les usages établis5 - ont eu, c’est le
moins que l’on dire, une origine et une « existence » peu banales. Il était
une fois le Franc-Lyonnais… toutes les histoires extraordinaires et
mystérieuses commencent ainsi et c’est le cas de cette minuscule
contrée ! D’abord, quel était son territoire ? Même s’il a évolué avec le
temps et avec le développement des paroisses (l’équivalent des
communes d’aujourd’hui) on peut le situer sur une bande d’environ
une douzaine de kilomètres de long (3 lieues dans les textes anciens)
pour environ quatre kilomètres de large ; il était constitué de treize
paroisses, formant deux enclaves distinctes séparées par le village de
Trévoux : dans l’une, Cuire-La-Croix-Rousse6, Caluire, Fontaines,
Rochetaillée, Fleurieu, Vimy (Neuville- l’Archevêque depuis la fin du
XVIIe siècle lorsque Camille de Neuville de Villeroy, archevêque de
Lyon, devient seigneur temporel du village et Neuville-sur-Saône
aujourd’hui), Genay, Bernoud (aujourd’hui hameau de Massieux),
Civrieux et St Jean-de-Thurigneux, et dans l’autre, St Bernard, JassansRiottier et St Didier-de-Formans. (voir la deuxième carte à la fin du
document) Sachant que les terres de ces 13 villages n’étaient pas
contenues entièrement dans le Franc- Lyonnais on ne peut que
constater la complexité de la situation7 ! Pourquoi ces villages ou ces
hameaux ou même parfois ces quelques maisons font partie de ce
territoire et pas d’autres ? C’est un mystère ou plutôt… à la suite de
faits et circonstances que la nuit des temps a recouverts ! Essayons
cependant de citer quelques évènements plus ou moins avérés. A
l’origine, ils « appartenaient » aux sires de Villars puis à ceux de Thoire-
Villars. En 1187 une grande partie du sud de la Dombes – mais
l’ensemble du territoire du futur Franc-Lyonnais - est cédée à l’abbaye
de l’Île-Barbe par Etienne de Villars lorsque celui-ci est reçu comme
chanoine d’honneur de ladite abbaye. De ce fait, ces villages ne sont
pas concernés par le traité de rattachement du comté de Lyon au
domaine royal des souverains français, signé en avril 1312 à 4 e La
dynastie des Coligny sera célèbre au XVI siècle avec l’amiral Gaspard
de Coligny, chef protestant assassiné le 24 août 1572 à Paris (point de
départ du massacre de la St Barthélémy). Voir mon document Brève
histoire de la sirerie de Coligny avec des révèlations sur son illustre
seigneur Gaspard II de Coligny. 5 André Steyert (1830-1904) dans sa
Nouvelle histoire de Lyon 6 e Cuire sera rattachée à Caluire fin 1790 et
La Croix-Rousse – devenue commune à la même époque - au IV
arrondissement de Lyon en 1852 7 … le tiers de Caluire, le quart de
Civrieux, quelques maisons de St Jean-de-Thurigneux, etc. d’après
André Steyert 2
5. Vienne entre le roi Philippe IV le Bel, l’archevêque de Lyon Pierre de
Savoie et son Chapitre et des représentants de la bourgeoisie
lyonnaise. Peu à peu toutes les terres de la seigneurie de Thoire-Villars
deviennent possession des comtes de Savoie sauf celles qui
appartiennent à l’abbaye. A la fin du XIVe et au début du siècle
suivant – époque de grands troubles dus à la guerre de Cent-Ans – les
habitants de celles-ci demandent protection – moyennant finance - au
seul seigneur capable de les aider à se défendre en cas d’attaque de
bandes de mercenaires « sans employeurs » qui dévastaient alors le
pays (les fameux Tard-Venus ou les célèbres Grandes Compagnies), le
comte de Savoie (duc à partir de 1416). Cependant il ne s’agit pas
d’annexion et la contrée reste « indépendante » de tous liens
vassaliques même si elle est théoriquement, terre d’Empire. Il y a aussi
un mystère en ce qui concerne la date de réunion de ces terres à la
France qui serait aussi la date de leur appellation de Franc-Lyonnais. Il
me semble qu’elle s’est effectuée en plusieurs étapes. Dans un premier
temps Charles VII - vers les années 1455, auréolé de ses victoires sur les
Anglais ? – demande expressément au duc de Savoie Louis Ier de «
desserrer » l’emprise qu’il s’était permis de prendre sur la région.
Quelques années plus tard, son fils le roi Louis XI essaie d’étendre son
influence en Savoie où règne le falot duc Amédée IX marié à Yolande
de France, sa propre sœur ! Alors, faut-il croire que Louis XI - qui est
venu plusieurs fois à Lyon – s’est entendu à la fois avec l’Eglise
(l’archevêque de Lyon ou l’abbé de l’Île-Barbe) et avec la Maison de
Savoie pour s’approprier cette minuscule province et ne pas laisser à
un prince étranger un pays qui s’étendait jusqu’aux portes de Lyon ?
(d’après l’abbé Gacon dans son Histoire de Bresse et de Bugey édité
en 1825). C’est possible et, de toute manière, tous les historiens
semblent d’accord pour dire qu’au début du XVIe siècle le FrancLyonnais est français en se basant sur 2 constatations : le terme « FrancLyonnais » apparait pour la première fois dans un document daté de
1473, le Parlement de Paris reconnaît les franchises et privilèges du
Franc-Lyonnais en 15258. Admettons ces faits mais n’oublions pas
qu’aucun érudit n’a pu déterminer avec précision, qui a déclenché
l’annexion et quand elle a été effective ! Terminons avec la citation
d’Antoine Grand9 «… le Franc-Lyonnais, à la fin du XVe siècle, s’était
soustrait à la protection des princes de Savoie pour se placer sous
l’égide plus sûre des rois de France ». Par contre les conditions de la
réunion sont bien connues car elles ont perduré jusqu’à la Révolution
de 1789 ! Ce sont celles d’une sorte de protectorat : les Francs-Lyonnais
étaient affranchis de toute espèce d’imposition directe ou indirecte
(aide, gabelle, taille par exemple) en retour de cette franchise, ils
devaient payer au trésor royal une contribution de 3 000 livres tous les 8
ans (appelé le don gratuit)10. Pourquoi ces avantages si particuliers ? A
la fin du XVe siècle, annexer purement et simplement ce « morceau
d’empire » aurait été contraire au droit coutumier féodal qui régissait
encore les relations entre monarques et grands seigneurs ; c’est la
raison pour laquelle on a conseillé au roi de France de prendre sous sa
protection ce territoire… qui ne fait pas partie du royaume puisque ses
habitants ne paient pas d’impôts ! Un syndic élu parmi les habitants
était responsable du maintien des privilèges et de la bonne
gouvernance de ce mini Etat (dont la capitale a d’abord été Genay
puis Neuville à la fin du XVIIe siècle) régi par les codes habituels d’alors :
le Sénéchal de Lyon jugeait les causes en premier ressort et les
instances en appel étaient portées au Parlement de Paris11. 8 er
Personnellement je doute de cette date car François I , défait à Pavie
le 24 février 1525, est prisonnier de Charles Quint... en captivité, se
préoccupait-il de ce minuscule bout de territoire en Lyonnais ? A
l’époque le Parlement de Paris est le seul en France. Dans ses
attributions non judiciaires, il enregistre les ordonnances et édits royaux.
9 Historien lyonnais (1856-1923) 10 e e Il faudrait pouvoir comparer ces
livres du début du XVI avec les euros du début du XXI d’une part et
connaître le nombre de « feux » ou familles qui devaient payer d’autre
part, pour nous rendre compte de l’importance de cette contribution !
11 D’après l’abbé Gacon dans son Histoire de la Bresse et du Bugey 3
6. Les exemptions de tout impôt et le paiement du don gratuit ont été
renouvelés constamment par tous les rois de France mais se terminent,
fin 1789, lorsque l’Assemblée nationale constituante découpe le
territoire de la France en départements. Le nivellement général voulu
par l’Assemblée qui supprime, sur l’ensemble du pays, tous les privilèges
et les coutumes ancestrales, met fin à la belle histoire du FrancLyonnais. L’histoire de la principauté de Dombes dont Trévoux était la
capitale est plus facile à tracer. Elle débute lorsque le 15 juillet 1218
Marguerite de Baugé - la fille du sire de Baugé - épouse le baron
Humbert V de Beaujeu. Une partie de la Dombes du nord devient alors
– par contrat de mariage - un fief des Beaujeu, seigneurs de notre
Beaujolais actuel et donc vassaux du roi de France (puisque leurs
possessions sont à l’ouest de la Saône). C’est la première incursion d’un
« prince français » dans un territoire « terre d’Empire » puisque situé à
l’est de la Saône. La deuxième étape est encore un mariage, celui
d’Anne, à la fois comtesse de Forez par sa mère et dauphine
d’Auvergne par son père, qui épouse en 1371 Louis II duc de Bourbon,
descendant de Robert de Clermont, dernier fils du roi Saint Louis et à
l’origine de la fameuse lignée12. L’année suivante, à la mort de
Jeanne de Forez - la mère d’Anne - le Forez devient une possession du
duché du Bourbonnais. En 1400 le duc Louis II « reçoit » la seigneurie de
Beaujeu (soit l'ensemble des territoires de la maison de Beaujeu, situés
d’une part rive gauche de la Saône, également appelé à l'époque
Beaujolais à la part de l'empire, et d’autre part rive droite le Beaujolais
propre, fief du royaume de France) par décision du Parlement de Paris
suite à la condamnation pour félonie d’Edouard, dernier sire de
Beaujeu, qualifié de brutal, insolent, débauché, chicanier et cupide…
En 1402 Humbert VII de Thoire-Villars (son fils unique est décédé) vend
ses terres en les partageant entre le jeune comte de Savoie Amédée
VIII13 - celles se trouvant à l’est - et le duc de Bourbon Louis II pour
celles qui longent la Saône. Cet entreprenant et chanceux – ou
intrigant ? - duc de Bourbon est ainsi, au tout début du XVe siècle,
possessionné en France (Bourbonnais, Forez, Beaujolais14) et en Empire
(une partie de la Dombes et de la Bresse). Il établit alors, sur son
territoire situé rive gauche de la Saône, un véritable État souverain
(c’est le terme employé par la plupart des historiens ; si on prend en
compte les « mœurs de l’époque » cela doit signifier en réalité qu’il
crée une institution appelée Conseil souverain où siégeaient son
représentant - appelé parfois gouverneur -, un ecclésiastique, un
procureur et quelques conseillers choisis parmi les habitants les plus
aisés ; il servait essentiellement de tribunal d’appel en matière civile et
criminelle et réglementait la sécurité publique), indépendant du
royaume de France… jusqu’en 1523, année où tous les domaines de
son descendant, Charles III de Bourbon-Montpensier, connétable de
France seront confisqués par François Ier à la suite de sa trahison. Celleci est liée à une affaire d’héritage et d’honneur, semble-t-il, pour ce
personnage très ambitieux. Charles de Montpensier (Montpensier est
un comté d’Auvergne) par son mariage avec Suzanne de Bourbon (en
1505) devient le seigneur le plus riche de France. Mais à la mort de
celle-ci (avril 1521) il est plus ou moins déshérité par François Ier qui, en
plus, le met à l’écart durant une campagne militaire menée en
Picardie en 1521. S’estimant lésé – en tant qu’héritier - et humilié – en
tant que connétable - il se met à la disposition de l’ennemi de son roi,
le roi d’Espagne et empereur du Saint Empire germanique CharlesQuint ; il prend ainsi, une grande part à la défaite et à la capture de
François Ier à Pavie en 1525. Dans un premier temps la principauté de
Dombes est donnée à la mère du roi, Louise de Savoie et, à la mort de
celle-ci en 1531, rattachée au domaine royal15. C’est à cette époque
qu’est créé, par François Ier, le Parlement de Dombes ; à l’image de
celui de Paris, il a une double 12 Elle s’intitule Bourbon, par le mariage
de Robert avec Béatrice de Bourgogne, dame de Bourbon. 13 Il
commence ainsi une « brillante carrière » puisqu’il sera duc, pape,
évêque et cardinal… 14 er Son fils Jean I en épousant – en 1400 –
Marie, duchesse d’Auvergne incorporera l’Auvergne dans ses
possessions 15 C’est l’illustre Jacques de Chabannes seigneur de La
Palice, gouverneur du Lyonnais et maréchal de France qui reçoit en
1523, à la place de son roi, les serments de fidélité des nobles et
communautés de la province. Il sera blessé mortellement à Pavie en
1525 ; ses compagnons d’armes – sachant qu’il était extrêmement
apprécié des dames… - lui décerneront le (très médiocre) compliment
post mortem suivant « Hélas, La Palice est mort. Est mort devant Pavie.
Hélas, s’il n’était pas mort. Il ferait encore envie » qui, comme chacun
sait, sera déformé fâcheusement pour passer à la postérité ! 4
7. fonction, celle d’une cour souveraine de justice et celle d’un centre
d’enregistrement de tous les actes et jugements liés à la gouvernance
de la principauté. Cependant il est spécial car il est aussi Chambre des
Comptes 16 chargée du contrôle des recettes et dépenses. Il siège à
Lyon en « territoire emprunté » et est composé du Gouverneur de Lyon,
du Sénéchal (c’est le premier officier de l’administration royale), du
Procureur et divers autres administrateurs. C’est certainement aussi à
cette époque que les habitants obtiennent les mêmes exemptions
d’impôts que ceux du Franc- Lyonnais, à partir (je le suppose selon les
mœurs de l’époque) d’immunités ancestrales qu’ils avaient obtenues
de leurs anciens seigneurs. Je ne suis pas sûr, par contre, qu’ils les aient
conservées car, d’après l’abbé Gacon… la gabelle 17 fut introduite en
Dombes en 1577 et d’après André Steyert, au début du XVIIIe siècle, …il
faut signaler l’augmentation de l’impôt sur le vin, destiné à arrêter la
multiplication des cabarets et le développement excessif de la vigne
qui tendait à envahir les terres, au détriment des autres produits. Par
contre ils étaient soumis au don gratuit car l’abbé Gacon révèle qu’en
1693, le duc du Maine alors prince de Dombes, différa de deux ans son
paiement, à cause de la disette qui était en Dombes aussi bien qu’en
France. C’est le roi François II (petit-fils de François Ier) qui, par un
décret du Parlement de Paris daté du 27 septembre pour les uns, 27
novembre pour les autres, de l’année 1560, restitue le territoire au
descendant de Charles, Louis II de Bourbon-Montpensier (c’est le fils de
Louise de Bourbon- Montpensier, sœur du connétable) : la principauté
de Dombes redevient, ainsi, souveraine. Quelles ont été les raisons de
ce jeune roi maladif ? (il a 16 ans et meurt quelques jours plus tard, le 6
décembre après un règne de 17 mois) Aucun historien – à ma
connaissance – ne les évoque ! On peut supposer que les requêtes de
la famille Bourbon-Montpensier ont été nombreuses et qu’elles ont enfin
abouti sous le règne de ce faible roi ; son frère, le roi Charles IX,
confirme cependant cette opération par une transaction du Parlement
de Paris en juin 1561. Je n’ai pas évoqué les conflits séculaires entre
d’une part, la seigneurie de Thoire-Villars puis celle de Beaujeu puis
enfin le royaume de France avec d’autre part, le comté puis duché de
Savoie pour la domination de la Bresse, de la Dombes (en dehors de la
principauté et du Franc- Lyonnais), du Bugey et du Valromey (tous ces
territoires avaient été acquis par la Savoie – par alliance ou traité mais
aussi par grignotage – depuis le XIIe siècle) mais ils étaient bien réels
durant et depuis la guerre de Cent Ans : c’étaient des luttes de
frontière et de prédominance – sur fond de système féodal - sur des
territoires et châteaux à la limite de ces pays18. Ils prirent fin par le traité
de Lyon signé entre Henri IV et le duc Charles-Emmanuel Ier en janvier
1601. L’annexion définitive de ces provinces par la France19 qui met fin
à plus de 3 siècles de domination savoyarde, permet à Lyon et à nos 2
« mini Etats » de ne plus être places frontières et selon André Steyert « …
de n’être plus exposés à chaque instant aux surprises d’un ennemi, qui
pouvait venir assaillir leurs portes par la seule connivence du duc de
Savoie ». Maintenant que sa géographie et son histoire sont stabilisées,
évoquons son territoire. Il était divisé en 3 parties enclavées dans la
Dombes et la Bresse, la première qui longeait la Saône de Trévoux à
Thoissey comprenait Ambérieux (en Dombes) et St Trivier, la seconde
était disposée en V avec, aux extrémités, Le Chatelard, Chalamont et
Lent et la troisième – minuscule - appelée « la Suisse en Dombes » à
l’intérieur d’une zone appelée « le couloir bressan » (car entre les 2
premières parties avec Châtillon au nord et Villars au sud) comprenait
uniquement un hameau de Bouligneux au nord de ce village…Il y a
beaucoup de mystères dans cette répartition et il faut croire qu’elle a
été établie selon les us et les coutumes accumulés depuis les temps les
plus anciens ! (voir la deuxième carte à la fin du document) Plusieurs
princes se sont succédés à la tête de cette principauté jusqu’à
l’avènement de Marie de Bourbon-Montpensier qui épousa, en 1626,
Gaston d’Orléans le frère unique du roi de France 16 Crée par Saint
Louis, c’est l’ancêtre de la Cour des comptes 17 C’est un impôt indirect
sur le sel… qui fait l’objet d’un monopole d’état (il permet la
conservation des aliments) 18 La bataille la plus importante est celle de
Varey (au sud-est de Pont d’Ain) le 7 août 1325 entre le comte de
Savoie et le sire de Beaujeu contre le dauphin du Viennois allié au
comte de Genève 19 Depuis l’avènement d’Henri IV (1589) la France
et la Savoie étaient en guerre (l’une avait envahi l’autre). En
contrepartie la France cède à la Savoie le marquisat de Saluces…
minuscule territoire mais stratégique – à l’époque – car il contrôlait un
passage entre la France et le Piémont. 5
8. Louis XIII. Elle disparait l’année suivante et c’est sa fille Anne-MarieLouise d’Orléans qui lui succède (durant sa minorité son père possède
l’usufruit de la souveraineté). Plus connue sous le nom de La Grande
Demoiselle, elle est à l’origine de la construction à Trévoux d’un hôpital
que l’on peut voir encore aujourd’hui. Cependant ses démêlés politicosentimentaux avec le pouvoir royal – elle prend une part importante
dans la Fronde20 contre son cousin Louis XIV et son ministre Mazarin
pour protéger le prince de Condé sur lequel elle fonde des projets
matrimoniaux puis tombe amoureuse du jeune duc de Lauzun qu’elle
veut épouser malgré l’interdiction du roi – font qu’elle est obligée de
céder (en 1681) la principauté de Dombes au roi qui l’attribue à son fils
légitimé qu’il a eu avec Madame de Montespan, Louis-Auguste de
Bourbon, duc du Maine. C’est lui qui impose aux membres du
Parlement de résider à Trévoux et c’est la raison pour laquelle il édifie
un bâtiment pour l’accueillir qui sera inauguré en 1703 mais dont les
travaux continueront jusqu’en 1725. Classé « Monument historique » (et
visitable) il est encore aujourd’hui utilisé par la justice et l’administration.
Son 2e fils, Louis-Charles de Bourbon, comte d’Eu (qui a succédé à son
frère, Louis-Auguste II en 1755), sera le dernier prince de Dombes ; le 28
mars 1762, par une transaction avec Louis XV, il échange la principauté
contre diverses terres, toutes situées en Normandie. Il semble que,
depuis la mort du duc du Maine en 1736, les princes ont à subir une
révolte parlementaire se traduisant par une opposition systématique à
leurs demandes… mais comme les 3 derniers ducs n’ont pas daigné
visiter leur possession21, ceci peut expliquer cela ! Ainsi le refus de voter
le don gratuit (et donc sa perception) a pour conséquence la
suppression des immunités fiscales (1739) dont la Dombes jouissait
depuis tant d’années et son assujettissement à l’impôt annuel. L’histoire
particulière de la principauté de Dombes est terminée, elle « rentre »
dans le giron de la Couronne… comme l’exprime André Steyert « ce
petit Etat, dernier souvenir géographique de la domination des
empereurs germaniques sur la rive gauche de la Saône, restitué enfin à
la France et confondu dans l’uniformité administrative et judiciaire du
pays, n’exista plus qu’à l’état d’expression géographique ». Et c’est
ainsi que périclitèrent les 2 activités qui faisaient la renommée de la
petite cité de Trévoux ! Son atelier de monnayage et d’orfèvrerie,
d’abord. Le système féodal permettait à chaque comte et duc, maître
presque absolu dans leur principauté, de « battre monnaie » comme
d’ailleurs les évêques et archevêques, princes dans leur diocèse. Mais
peu à peu le roi, pour affirmer son pouvoir et unifier son territoire,
interdira les monnaies « locales » et imposera la sienne22. Mais la
Dombes n’est pas en France ! C’est Marie de Berry (et d’Auvergne,
épouse de Jean Ier - fils de Louis II ; durant la captivité de son mari23,
elle semble avoir gouverné la principauté avec fermeté et intelligence)
qui – vers 1420 - est à l’origine de la création d’un atelier monétaire à
Trévoux ; elle reprend en cela une tradition et un droit coutumier
datant de la fin du XIIIe siècle lorsque l’archevêque de Lyon, Henri Ier
de Thoire-Villars, frère d’Humbert III seigneur de la cité, y avait fait
frapper sa monnaie archiépiscopale ! C’est ainsi que les ducs de
Bourbon-Montpensier « par la grâce de Dieu, princes souverains de
Dombes » eurent jusqu’en 1686 une monnaie de renom (même si son
introduction dans les provinces françaises n’a jamais été facilitée mais
seulement acceptée) ; elle leur permit une certaine indépendance
financière… tout en flattant leur orgueil ! Aujourd’hui, les diverses pièces
de cette monnaie - sorties des creusets de Trévoux - font le bonheur des
collectionneurs ! Pourquoi 1686 ? Le duc de Maine, en possession de la
Dombes, délaisse alors le droit de monnayage, ne voulant pas porter
ombrage à la France de son père, en proie à de difficiles embarras
financiers. C’est toute l’ambigüité de cette monnaie de Trévoux,
espèce de monnaie française frappée sur un territoire étranger et libre
! Cependant l’industrie de l’orfèvrerie perdure, celle de l’affinage qui
purifie un métal (or ou argent) et l’amène à un degré défini par la loi et
celle du tirage qui permet de fabriquer des galons 20 Tout le monde
sait qu’en juillet 1652 elle fit tirer les canons situés en haut de la Bastille
sur les troupes royales 21 Alors que la Grande Demoiselle est venue à
Trévoux et a visité ses Etats des bords de Saône en décembre 1658 ; elle
fut enchantée des beautés du paysage… tel qu’un peintre, a-t-elle
écrit, n’en saurait faire de plus beau ! 22 e Cela commence avec
Philippe II Auguste au début du XIII siècle qui interdit la livre angevine
pour la livre tournois. 23 Il a été capturé par les Anglais à Azincourt en
1415 et mourra à Londres en 1434 6
9. ou tissus d’or et d’argent. Elle prendra fin en 1766 par un édit royal qui
supprime les affinages privés dans la ville de Trévoux : la Dombes n’est
plus un Etat souverain. Son atelier d’imprimerie ensuite. Dès le début du
XVIIe siècle Trévoux, cité d’Empire proche du royaume de France - mais
où ne s’exerce pas sa censure - accueille une imprimerie dont les
activités sont relancées plus tard par la Grande Demoiselle. Durant le
règne du duc du Maine l’imprimerie trévoltienne acquiert une grande
renommée avec les diverses éditions (1704, 1721, 1732, 1743 et 1752) du
célèbre Dictionnaire de Trévoux dont les Jésuites ont commencé la
rédaction en 1701. Suivent ensuite les Mémoires pour l’histoire des
Sciences et des Beaux-arts (ou Journal de Trévoux, mensuel paru de
1701 à 1767 mais édité à Lyon à partir de 1731 puis à Paris en 1752 ; il est
dirigé et rédigé par des ecclésiastiques ; malgré la foi inébranlable
dans le progrès des sciences et des arts de ceux-ci, il aura toujours de
nombreux détracteurs parmi les philosophes de l’époque et les
encyclopédistes) et le Nouveau Mercure de 1708 à 1711. Ces
publications assurèrent à cette petite ville un éclat universel dans le
monde lettré du XVIIIe siècle mais minées par les polémiques qu’elles
ont engendrées, elles prirent fin avec l’annexion à la France en 1762…
dont la célébration a été l’occasion de grandioses festivités. Mais
gageons que, les lampions éteints, nombre de Trévoltiens ont dû
déchanter car, avec leurs privilèges disparaissaient aussi et leur
notoriété et leur économie. Eternelle inconséquence des hommes ! 7
10. Carte montrant les limites de la Bresse, de la Dombes et du Revermond
8
11. Carte du Franc-Lyonnais (en bleu) et de la Principauté de Dombes (en
rouge) (extrait de la Nouvelle Histoire de Lyon d’André Steyert) 9