MARQUES, DESSINS ET MODÈLES

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MARQUES, DESSINS ET MODÈLES
OFFICE DE L’HARMONISATION DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR
(MARQUES, DESSINS ET MODÈLES)
Les Chambres de recours
DÉCISION
de la Première Chambre de recours
du 11 juillet 2012 corrigée le 27 septembre 2012
Dans l’affaire R 1422/2011-1
L'ORÉAL Société Anonyme
14, rue Royale
FR-75008 Paris
France
Demanderesse / Demanderesse au recours
représentée par CARLOS POLO & ASOCIADOS, Profesor Walksman, 10,
ES-28036 Madrid, Espagne
contre
LUGAB - GESTAO E PARTICIPAÇÕES, S.A.
Alameda Dos Combatentes da Grande
Guerra, Edificio S.José, 1º Piso Sala 104
PT-2750-326 Cascais
Portugal
Opposante / Défenderesse au recours
représentée par Joaquim Calado Marques, Av. Álvares Cabral, no. 47 - r/c,
PT-1250-015 Lisboa, Portugal
RECOURS concernant la procédure d’opposition nº B 1 600 199 (demande de
marque communautaire nº 8 438 822)
LA PREMIERE CHAMBRE DE RECOURS
composée de Th. M.
Ph. von Kapff (Membre)
Margellos
(Président),
M.
Bra
(Rapporteur)
Greffière : P. López Fernández de Corres
rend la présente
Langue de procédure : français
DECISION DU 11 JUILLET 2012 – R 1422/2011-1 – MATTE MORPHOSE (MARQUE FIGURATIVE) /
METAMORPHOSE
et
2
Décision
Résumé des faits
1
Par une demande qui s’est vue attribuer la date de dépôt du 21 juillet 2009,
L'ORÉAL Société Anonyme (ci-après, « la demanderesse ») a sollicité
l’enregistrement de la marque figurative
pour les produits suivants :
Classe 3 – Parfums, eaux de toilette ; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical ;
savons de toilette ; déodorants corporels ; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et
poudres pour le visage, le corps et les mains ; laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil
(cosmétiques) ; produits de maquillage ; shampooings ; gels, mousses, baumes et produits sous la
forme d'aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux ; laques pour les cheveux ; colorants et
produits pour la décoloration des cheveux ; produits pour l'ondulation et la mise en plis des
cheveux ; huiles essentielles.
2
La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 037/2009
du 28 septembre 2009.
3
Le 4 janvier 2010, PERSONA – CLÍNICAS DE NUTRIÇÃO E ESTÉTICA, Lda,
devenue par la suite LUGAB - GESTAO E PARTICIPAÇÕES, S.A. (ci-après,
« l’opposante ») a formé opposition à l’enregistrement de la demande
susmentionnée contre tous les produits désignés dans la demande, en vertu de
l’article 8, paragraphe 1, point b) du RMC, sur le fondement des marques
suivantes :
4
–
La marque verbale anglaise nº 2 410 685 « METAMORPHOSE », déposée
et enregistrée le 10 janvier 2006 pour des produits inclus en classe 3, à
savoir : « parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les
cheveux, dentifrices et articles de toilette » ;
–
La marque verbale espagnole nº 2 688 728 « METAMORPHOSE »,
enregistrée le 5 juin 2006 pour des produits inclus en classe 3, à savoir :
« parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux,
dentifrices ».
Par décision rendue le 14 juin 2011 (ci-après, « la décision attaquée »), la
division d’opposition a accueilli l’opposition numéro B 1 600 199 pour tous les
produits contestés et a condamné la demanderesse aux dépens. Les motifs
essentiels de la décision peuvent être résumés comme suit :
DECISION DU 11 JUILLET 2012 – R 1422/2011-1 – MATTE MORPHOSE (MARQUE FIGURATIVE) /
METAMORPHOSE
3
–
Les produits contestés sont tous identiques à ceux pour lesquels la marque
antérieure a été enregistrée.
–
La marque antérieure consiste en un seul mot. Il ne peut donc y avoir
d’éléments distinctifs et dominants.
–
La marque contestée n’a pas non plus d’élément particulièrement distinctif
et/ou dominant l’impression d’ensemble eu égard au fait, d’une part, que les
mots qui la composent ont un caractère distinctif normal ou faible et, d’autre
part, que les éléments figuratifs n’attirent pas le regard.
–
La principale différence visuelle réside dans l’agencement des éléments
« MATTE » et « MORPHOSE » dans la marque contestée. Cependant, le fait
que la marque contestée reprenne les douze lettres de la marque antérieure
dont dix dans le même ordre et dans un format majuscule standard contribue
à créer une similitude visuelle manifeste.
–
S’agissant de la comparaison phonétique, que la marque contestée soit lue
« MATTE MORPHOSE » ou « MORPHOSE MATTE », il existe une forte
similitude des signes en présence principalement en raison de la coïncidence
des sons « MORPHOSE » et « M-T », mais aussi des sons produits par les
lettres « E » et « A » dans les marques en conflit.
–
Sur le plan conceptuel enfin, il est probable qu’une grande partie du public
voie dans la marque contestée un jeu de mots et reconnaisse le mot
« METAMORPHOSE ». Il en résulte une forte similitude conceptuelle.
5
Au regard de ce qui précède, la division d’opposition a considéré qu’il y a un
risque de confusion entre les marques en question au sens de l’article 8,
paragraphe 1, point b) du RMC. Par conséquent, elle a refusé l’enregistrement de
la marque demandée pour tous les produits désignés.
6
Le 12 juillet 2011, la demanderesse a introduit un recours à l’encontre de la
décision attaquée. Le mémoire exposant les motifs du recours a été transmis le
11 octobre 2011. L’opposante n’a pas présenté d’observations en réponse.
Moyens et arguments de la demanderesse
7
La demanderesse demande l’annulation de la décision attaquée dans sa totalité et
la condamnation de l’opposante aux dépens. Ses arguments sont les suivants :
–
L’existence de la marque antérieure n’a pas été accréditée étant donné que
les extraits de base de données présentés sont des extraits de « localizador de
marcas » alors que la base de données officielle de l’Office espagnol des
brevets et des marques est SITADEX.
–
Le caractère distinctif de la marque antérieure est faible. En effet, le terme
« METAMORPHOSE » est descriptif, laudatif ou suggestif en relation avec
les cosmétiques étant donné que ces derniers sont généralement utilisés pour
embellir ou transformer l’apparence physique de son utilisateur.
DECISION DU 11 JUILLET 2012 – R 1422/2011-1 – MATTE MORPHOSE (MARQUE FIGURATIVE) /
METAMORPHOSE
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–
Le consommateur percevra l’existence de deux termes indépendants dans la
marque contestée et la dimension, comme la couleur des lettres, représentent
des éléments de différenciation importants. Or, la nature des produits
implique une importance accrue de la comparaison visuelle.
–
La lecture naturelle du signe demandé sera « MOR – FOZ – MAT » de sorte
que les signes sont également différents sur le plan phonétique.
–
Enfin, l’élément « MATTE » sera identifié et compris étant donné sa
proximité avec sa traduction anglaise (MATT) et espagnole (MAT) et
introduit une différence conceptuelle. Le jeu de mots ne sera donc pas
forcément perçu par le public pertinent, ce qui introduit une différence
neutralisant les similitudes visuelles et phonétiques.
–
Par conséquent, il n’y a pas de risque de confusion entre les marques en
question.
Motifs de la décision
8
Le recours est conforme aux articles 58, 59 et 60 du RMC et à la règle 48 du
REMC. Il est dès lors recevable. Cependant, il est mal fondé.
Sur la preuve de l’existence de la marque antérieure espagnole
9
La demanderesse prétend que l’opposante n’a pas prouvé l’existence de la
marque antérieure espagnole numéro 2 688 728 « METAMORPHOSE » étant
donné que les documents fournis n’ont pas été extraits de la base de données
officielle de l’Office espagnol des brevets et des marques (ci-après, « l’OEPM »).
10 Cependant, il apparaît que les extraits fournis proviennent du site Internet de
l’OEPM. Or, l’image électronique inaltérée extraite d’une base de données,
même si elle n’est pas équivalente à un certificat d’enregistrement, est acceptable
du moment qu’elle contient une identification officielle de l’autorité dont elle
émane. C’est le cas en l’espèce.
11 Il doit donc être considéré que l’extrait fourni est valable aux fins de prouver
l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque espagnole
numéro 2 688 728.
Sur le public pertinent
12 Les marques antérieures « METAMORPHOSE » étant des marques nationales
enregistrées en Espagne et au Royaume-Uni, il convient de prendre en compte,
aux fins de l’analyse du risque de confusion, le point de vue du public espagnol et
anglais.
13 D’autre part, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de l’appréciation
globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le
consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement
informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en
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considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est
susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en
cause (voir arrêt du 13 février 2007, T-256/04, « Respicur », point 42, et la
jurisprudence citée).
14 Compte tenu de la nature des produits concernés, à savoir des produits
cosmétiques, de maquillage et d’hygiène corporelle, il y a lieu de considérer que
le public pertinent se compose de consommateurs moyens normalement informés
et raisonnablement attentifs et avisés de sorte que l’attention du public pertinent
ne saurait être considérée comme étant supérieure à celle dont ce public ferait
preuve en matière de produits de consommation courante (voir arrêts du
8 juillet 2009, T-240/08, « Oli », point 27 et du 11 novembre 2009, T-150/08,
« Clina », point 33).
Sur la comparaison des produits
15 Les produits sur lesquels est fondée l’opposition sont :
–
Classe 3 – Parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices
(marque verbale espagnole nº 2 688 728) ;
–
Classe 3 – Parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices
et articles de toilette (marque verbale anglaise nº 2 410 685).
16 Les produits visés par la marque contestée sont :
Classe 3 – Parfums, eaux de toilette; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical;
savons de toilette; déodorants corporels; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et
poudres pour le visage, le corps et les mains; laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil
(cosmétiques); produits de maquillage ; shampooings; gels, mousses, baumes et produits sous la
forme d'aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux; laques pour les cheveux; colorants et
produits pour la décoloration des cheveux; produits pour l'ondulation et la mise en plis des
cheveux; huiles essentielles.
17 Pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y a lieu de
tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les
produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur
destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire
(voir arrêt du 29 septembre 1998, C-39/97, « Canon », point 23).
18 Les « huiles essentielles » visées par la demande contestée ainsi que les
« cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et poudres pour le visage, le
corps et les mains », les « laits, gels et huiles de bronzage après-soleil
(cosmétiques) », qui sont explicitement définis comme des produits cosmétiques,
sont inclus dans la catégorie antérieure des « cosmétiques ». Ils sont donc
identiques aux produits couverts par la marque antérieure.
19 Il en est de même des « produits de maquillage » contestés puisqu’ils rentrent
aussi dans la catégorie des produits cosmétiques. Ils sont donc identiques aux
« cosmétiques » de l’opposante.
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20 En outre, les « parfums » et les « eaux de toilette » visés par la demande contestée
sont inclus dans les produits de « parfumerie » couverts par la marque antérieure.
Ces produits sont donc identiques.
21 Par ailleurs, les « gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical », les
« savons de toilette, déodorants corporels, shampoings » visés par la marque
contestée sont des produits destinés à la toilette ou à l’hygiène personnelle. Ils
sont donc inclus dans la catégorie des « articles de toilette » de l’opposante et
identiques à ceux-ci.
22 Enfin, les « lotions pour les cheveux » de l’opposante incluent la série de produits
de la demanderesse destinée au soin des cheveux, soit les « gels, mousses,
baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des
cheveux; laques pour les cheveux, colorants et produits pour la décoloration des
cheveux, produits pour l’ondulation et la mise en place des cheveux ». Ces
produits sont donc également identiques.
Sur la comparaison des signes
23 Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque
de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou
conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble
produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs
et dominants (voir arrêt du 14 octobre 2003, T-292/01 « Bass », point 47, et la
jurisprudence citée).
24 Les signes à comparer sont les suivants :
METAMORPHOSE
Marque contestée
Marque antérieure
25 La marque contestée, comme la marque antérieure, n’a pas d’éléments distinctifs
ou dominant l’impression d’ensemble.
26 Certes, l’élément « MATTE » est écrit avec des caractères bien plus gros que
l’élément « MORPHOSE ». Cependant, il n’est pas particulièrement distinctif
dans la mesure où il pourrait désigner une des caractéristiques ou effets de
certains des produits désignés, à savoir qu’ils sont mats (maquillage) ou
matifiants (crèmes, lotions, …). En outre, il est au second plan alors que
l’élément « MORPHOSE » est au premier plan et ressort visuellement en raison
du contraste entre ses lettres blanches et le fond gris.
27 Enfin, de par sa nature purement décorative, l’élément figuratif constitué par le
rectangle qui constitue le fond gris apparaît comme banal et, dès lors, moins
distinctif que les autres éléments. Il n’exerce donc qu’un impact limité lors de
l’appréciation du risque de confusion entre les marques.
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28 Par conséquent, il ne peut être considéré que certains des éléments de la marque
contestée seraient négligeables dans l’impression d’ensemble qu’elle produit et
que d’autres seraient particulièrement distinctifs ou dominants. La comparaison
des signes en présence doit donc être fondée sur l’impression d’ensemble
produite par ceux-ci.
29 En premier lieu, d’un point de vue visuel, il convient de constater que la marque
contestée est une marque figurative alors que la marque antérieure est une marque
verbale.
30 Cependant, il existe de nombreuses similitudes entre les signes. Tout d’abord, il
doit être observé que les signes en question ont pratiquement le même nombre de
lettres (12 et 13 respectivement) et pratiquement la même longueur. De plus, la
marque contestée comprend l’élément « MORPHOSE » de la marque antérieure
dans sa totalité. Enfin, les lettres composant l’élément « META » de la marque
antérieure sont toutes incluses dans la marque contestée bien que dans un ordre
différent et avec un « T » en plus.
31 De la coïncidence de ces éléments dans les marques en question résulte une
certaine similitude visuelle que les éléments figuratifs, en soi banals ou très peu
distinctifs, ne peuvent neutraliser.
32 En effet, comme la division d’opposition l’a justement relevé, le fond gris de la
marque contestée apparaît plutôt sobre et discret. De plus, la disposition et la
représentation des éléments verbaux en noir et blanc dans une police de
caractères majuscule standard sont banales et ne sont pas de nature à attirer
particulièrement l’attention. Enfin, l’élément « MORPHOSE », commun aux
marques en conflit, est placé au premier plan dans le signe contesté et est mis en
valeur par le contraste entre ses lettres blanches et le fond noir et gris.
33 Il ressort de ce qui précède que les signes en cause sont visuellement similaires.
34 Sur le plan phonétique, comme l’a constaté la division d’opposition, a priori, la
marque contestée est susceptible d’être lue « MAT – MOR – FOZ » ou bien
« MOR – FOZ – MAT ».
35 Selon la demanderesse, cette dernière est la lecture naturelle du signe et c’est
donc à tort que la division d’opposition a considéré qu’une partie du public
pourrait lire la marque contestée « MAT – MOR – FOZ ». La Chambre note, à ce
propos, qu’il est fort probable qu’une partie significative du public pertinent,
reconnaissant les éléments « MATTE » et « MORPHOSE », fasse le
rapprochement avec le mot « METAMORPHOSE » (ou son proche équivalent
« metamorfosis », en espagnol), ce qui influencerait la lecture de la marque
contestée dans le sens de « MATTE MORPHOSE ». En revanche, la lecture de la
marque contestée comme « MORPHOSE MATT » (où « matte » n’est pas un
suffixe) paraît moins naturelle. Partant, selon la Chambre, il peut être
raisonnablement retenu que la marque contestée serait plus probablement perçue
par le public comme « MATTE MORPHOSE » que l’inverse. La Chambre note,
en outre, que le nom indiqué par la demanderesse dans sa demande
d’enregistrement est « MATTE MORPHOSE », ce qui confirme que telle est
également sa perception et sa façon de présenter sa marque au public.
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36 Ainsi, il doit être considéré, au regard des règles de prononciation des langues
anglaise et espagnole, que les marques en présence seront respectivement
prononcées « MAT – MOR – FOZ » et « MÉ – TA – MOR – FOZ » par le public
anglophone et « MATÉ – MÓR – FO – SÉ » et « MÉ – TA – MÓR – FO – SÉ »
par le public espagnol. Dans tous les cas, l’accent est mis sur la même syllabe
dans la marque antérieure comme dans la marque contestée de sorte que les
signes en cause sont similaires du point de vue phonétique pour chacun des
publics à prendre en compte.
37 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que les marques en question
ne partagent pas le même début dans la mesure où la considération selon laquelle
le début d’un signe revêt de l’importance dans l’impression globale de ce signe
ne saurait valoir dans tous les cas. En outre, elle ne saurait infirmer le principe
selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte
l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur
moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à
l’examen de ses différents détails (arrêt du 14 avril 2011, T-466/08, « Acno
Focus », point 61).
38 Les signes doivent donc être considérés comme fortement similaires au niveau
phonétique en dépit du fait qu’ils ne partagent pas tout à fait le même début.
39 Du point de vue conceptuel, comme il a été constaté par la division d’opposition,
la marque antérieure « METAMORPHOSE » prise dans son ensemble a un sens
pour le public pertinent. Il s’agit d’un verbe anglais qui signifie « subir ou faire
subir une modification complète du caractère, de l'état, de l'aspect ou de la forme
de quelqu'un ou quelque chose », il sera donc sans aucun doute compris par la
partie anglaise du public pertinent.
40 En outre, la Chambre note qu’une partie significative du public espagnol
pertinent est également susceptible de reconnaître et comprendre ce mot étant
donné sa proximité avec les mots espagnols équivalents (« metamorfosis »,
« metamorfosearse »).
41 S’agissant de la marque contestée, la demanderesse soutient que l’élément
« MATTE » sera compris comme étant l’opposé du terme « brillant » (eu égard à
sa proximité avec le mot anglais « MATT » et le mot espagnol « MATE »), de
sorte que les signes seraient conceptuellement différents, ce qui neutraliserait les
similitudes visuelle et phonétique.
42 À ce propos, la Chambre note toutefois que, si une partie significative du public
pertinent, anglais ou espagnol, est susceptible d’identifier dans la marque
contestée le composant « MATTE » en raison de sa proximité avec les termes
équivalents (matt, mate), pour cette même raison, ces mêmes consommateurs
seront également en mesure d’identifier l’élément « MORPHOSE » (morphose,
morfosis), provenant du terme grec « morphé » (qui signifie « forme »), qu’on
rencontre souvent dans des mots latins accompagné d’un préfixe
(« métamorphose », « anamorphose », etc.) ou d’un suffixe (« morphologie »).
43 Partant, il ne saurait être exclu qu’une partie significative du public espagnol et
anglais est susceptible de reconnaître l’élément « MORPHOSE » de la marque
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contestée et de l’associer avec la forme ou le corps. Précédé de l’élément
« MATTE », il est susceptible de l’associer avec la métamorphose car il y verra
très probablement un jeu de mots assez évident, dans la mesure où le préfixe en
question correspond à l’inversion du préfixe grec ME – TA, à savoir MA –
(T)TE.
44 Par conséquent, il ne saurait être exclu qu’une partie non négligeable du public
pertinent perçoive les marques en présence comme similaires du point de vue
conceptuel aussi.
Sur le risque de confusion
45 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, point b) du RMC, sur opposition du
titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à
l’enregistrement lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la
marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des
services désignés par les marques en présence, il existe un risque de confusion
dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.
Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque
antérieure.
46 Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice, le risque de confusion
dans l’esprit du public se définit comme le risque que le public puisse croire que
les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas
échéant, d’entreprises économiquement liées (voir arrêt du 29 septembre 1998, C39/97 « Canon », point 17).
47 L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine
interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des
marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de
similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré
élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir arrêt « Canon »,
précité, point 17).
48 Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le risque de confusion
est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère
important (arrêt du 11 novembre 1997, C-251/95, « Sabèl », point 24).
49 En l’espèce, la demanderesse considère que la marque antérieure a un caractère
distinctif faible en relation avec les produits cosmétiques, de maquillage et
d’hygiène inclus en classe 3. La Chambre relève néanmoins que le terme
« métamorphose » n’est pas utilisé de manière habituelle dans le langage courant
en relation avec de tels produits et encore moins pour en faire la promotion. Il
s’ensuit qu’il n’existe pas, selon la Chambre, un rapport suffisamment direct et
concret entre le signe et les catégories de produits pour lesquels l’enregistrement
a été obtenu. Par conséquent, il ne peut être considéré, comme le soutient la
demanderesse, que la marque antérieure est descriptive, suggestive ou laudative.
Au contraire, s’agissant d’une marque tout au plus évocatrice, il doit être conclu
que la marque antérieure ne manque pas de caractère distinctif.
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50 S’agissant de la comparaison des signes, il convient de rappeler qu‘ils ont été
jugés similaires tant au plan visuel que phonétique. En outre, sur le plan
conceptuel, il ne peut être exclu qu’ils soient considérés comme tels par une
partie significative du public pertinent qui, percevant un jeu de mots évident, sera
amenée à penser à la métamorphose.
51 De plus, les produits désignés dans la demande d’enregistrement de la marque
contestée « MATTE MORPHOSE » sont identiques à ceux qui sont couverts par
la marque antérieure « METAMORPHOSE ».
52 À cet égard, il est vrai que le consommateur moyen de la catégorie de produits
concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé, ce qui pourrait permettre d’éviter un risque de confusion entre les marques
en conflit.
53 Cependant, il est de jurisprudence constante que le risque de confusion doit être
apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas
d’espèce (voir arrêt « Canon », précité, point 16 et arrêt du 22 juin 1999, C342/97, « Lloyd Schuhfabrik », point 18).
54 Il convient donc de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen
n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des
différentes marques mais doit se fier à l'image non parfaite qu'il en a gardée en
mémoire (voir arrêt « Lloyd Schuhfabrik » précité, point 26).
55 À la lumière des principes d’interdépendance des facteurs et de l’image
imparfaite, il doit donc être conclu à l’existence d’un risque de confusion entre
les marques « METAMORPHOSE » et « MATTE MORPHOSE », toutes deux
désignant des produits cosmétiques, de maquillage et d’hygiène.
Frais
56 La demanderesse, en tant que partie perdante, devra supporter les frais exposés
par l’opposante (voir l’article 85, paragraphe 6 du RMC, et la règle 94,
paragraphe 7 du REMC). En conséquence, elle supportera les frais de
représentation professionnelle devant la Chambre fixés à 550 euros (règle 94,
paragraphe 7, point d) du REMC). Les frais relatifs à la procédure d’opposition
ont été fixés dans la décision contestée. Ils sont confirmés.
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Dispositif
Par ces motifs,
LA CHAMBRE
déclare et décide :
1.
Le recours est rejeté ;
2.
La demanderesse est condamnée aux frais de représentation de
l’opposante dans la procédure de recours, liquidés à 550 EUR.
Th. M. Margellos
M. Bra
Ph. von Kapff
According to Art. 6 of Commission Regulation (EC) No 216/96
.C. Rusconi
Greffière :
P. López Fernández de Corres
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