TGV des neiges

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TGV des neiges
MARDI 17 DÉCEMBRE 2013 LE NOUVELLISTE
jpr - gb
2 GRAND ANGLE
TRANSPORTS Alors que le «Snow Train» Lille-Brigue est un succès, son alter
Le TGV des Neiges est plus
C’est en arrivant à Lausanne depuis Paris que le TGV des Neiges est brusquement freiné. Perte de temps: 40 à 47 minutes pour aller à Brigue.
GILLES BERREAU
Le nombre de passagers du
TGV des Neiges a diminué au départ de Paris. En cause notamment, une fâcheuse tendance à
ralentir sa course en arrivant à
Lausanne. Plutôt que de perdre
près de cinquante minutes pour
se rendre à Brigue, des
skieurs français préfèrent sauter dans
l’InterRegio… plus rapide que le
TGV. Un comble. La compagnie
franco-suisse Lyria vient d’annoncer que le TGV des Neiges
serait en circulation du 20 décembre au 8 mars cet hiver.
Cette prolongation récurrente
de la ligne Paris-Lausanne jusqu’à Brigue pendant l’hiver
dessert les gares de
Montreux,
Aigle,
Martigny,
Sion,
Sierre, Loèche, Viège et Brigue.
Et ce, les vendredis soir et les samedis matin de Paris à Brigue, et
les samedis après-midi de Brigue
à Paris. Le tarif au départ de Paris
pour rejoindre par exemple
Aigle démarre à 36 euros l’aller
simple en 2e classe.
L’hiver dernier, plus de 7500
voyageurs avaient emprunté
le train des neiges ParisBrigue et le «Snow
train» Lille-Brigue. Soit
une légère baisse (-4%)
par rapport à la saison
précédente. Le taux de
remplissage affiche, quant
à lui, une moyenne de 105
personnes en provenance de
l’étranger et se rendant audelà de Lausanne, vers les
stations vaudoises et valaisannes. La fréquentation atteint un maximum de
280 passagers
et un
minimum
de 50,
selon la
saison.
Des skieurs français préfèrent abandonner le TGV à Lausanne et sauter dans l’InterRegio.
DR
LYRIA / CURIUS
Lille qui rit, Paris qui pleure
La ligne Lille-Brigue, lancée
l’an dernier, a cartonné, évitant
une chute plus rude encore que
les 4% annoncés par Lyria au total des deux lignes. Même les
passagers en provenance de
Londres, via Lille, ne compensent pas la diminution du nombre de skieurs en provenance de
Paris. Si chez Lyria on parle de résultats très honorables, on ne se
voile pas la face pour autant.
Parmi les gares suisses, Aigle a
subi la plus forte diminution de
fréquentation (-32%). Cela est
dû principalement au fait que les
passagers du Club Med (Villars)
changent sur des bus à Lausanne.
«En effet leurs clients ne voyagent
plus nécessairement du samedi au
samedi et le club a préféré mettre
en place une solution valable tous
les jours. Sion a également accusé
un recul», indique Alain Barbey,
directeur de Lyria.
«Pas attractif»
Parmi les gares qui montent,
on note surtout Martigny et
Viège. Mais on le doit non pas au
train des neiges, mais au «Snow
Train» en provenance de Lille.
Car du côté parisien, c’est un
peu la soupe à la grimace.
Pourquoi donc les trains en provenance de Paris ont-ils vu leur
fréquentation diminuer? Pour
deux raisons, selon Lyria: «Tout
d’abord, la flexibilité des Français
à bénéficier de jours de récupération favorise les courts séjours et
plus forcément de week-end à
week-end, ce qui réduit le taux
d’occupation de ces trains et fragilise leur modèle économique», indique Alain Barbey.
En outre, la dégradation des
temps de parcours sur Suisse fait
que beaucoup de passagers font
le choix du transbordement à
Lausanne sur un train CFF! Et
Lyria d’expliquer: «Les sillons que
nous avons entre Lausanne et
Brigue ne sont pas très attrayants
– environ 40 minutes de plus
qu’un InterRegio.»
Selon Alain Barbey, «le «Snow
Train», avec arrêt uniquement à
Aigle / Martigny / Sion / Viège et
Brigue, circule dans les deux sens
sur un sillon (ndlr: créneau) rapide et met 2 h 15 de Vallorbe à
Brigue. Soit environ 1 h 40 depuis
Lausanne (ce qui est rapide et efficace).»
«Par contre, ajoute le directeur,
le TGV des Neiges a un horaire dégradé (nous devons nous insérer
entre les différents trafics IR/RE ou
marchandise). Il fait le parcours
Vallorbe-Brigue en 3 h 14 (incluant 19 minutes d’attente à
Lausanne), ce qui signifie effectivement 40 minutes de plus que l’IR
le plus rapide.»
Jusqu’à 49 minutes
perdues
Mais regardons de plus près
les horaires qui posent problème
entre Paris et Brigue. Le train
quittant la capitale française à
15 h 57 le vendredi arrive à
Lausanne à 19 h 37, soit après
3 h 40. Mais il faut ajouter encore 2 h 35 pour arriver à Brigue
à 22 h 12, soit après 6 h 15 de
voyage. Alors que l’InterRegio
effectue le même parcours en
1 h 46. Une situation étonnante
qui pourrait avoir des conséquences à moyen terme. En effet, Alain Barbey indique que sa
société suit de près l’évolution
des chiffres de fréquentation.
«Ce n’est donc pas une offre pérenne», avertit son directeur.
CFF: confort d’abord
«Le TGV des Neiges est plus
lent», confirme Jean-Philippe
Schmidt, porte-parole des CFF.
Avant de justifier: «Nous recherchons le confort avant la vitesse,
surtout pour des passagers
lourdement chargés avec leur matériel de ski en plus de leurs bagages. Pouvoir se rendre de Londres
à Brigue et de Paris à Brigue sans
changer de quai est un avantage
indéniable. Mais lorsque le TGV
arrive à Lausanne, il n’est pas tout
seul. Outre les CFF, il y a
RegionAlps, le RER vaudois, que
nous ne pouvons pas défavoriser.
Et le TGV ne peut pas être planifié
comme un autre train, parce que
son temps d’arrêt en gare est plus
long à cause de ses portes plus petites et, encore une fois, du nombre
de bagages. Quant à la différence
avec le «Snow Train», il vient des
horaires différents et des haltes
moins fréquentes que pour le TGV
des Neiges.» Ça roule pour le TGV «suisse»
Le TGV des Neiges est un maillon temporaire d’un réseau ferroviaire rapide
de plus en plus efficace entre la France
et la Suisse. De janvier à août 2013, plus
de deux millions de voyageurs ont emprunté le TGV franco-suisse, permettant à la société Lyria d’annoncer un
chiffre d’affaires en progression de 3%.
La Romandie bien desservie
La Suisse romande, comprenant principalement les lignes Genève-Paris et
Lausanne-Paris, connaît aussi une
croissance de trafic de 3% par rapport à
2012. Cette croissance est poussée par
des horaires mieux adaptés avec les
trains des CFF, qui permettent de renouer avec le nœud de correspondances en Suisse.
Depuis le premier TGV Paris-Lausanne
(1984), d’autres lignes ont été ouvertes.
Paris-Genève en 2005, Paris-Bâle via
Strasbourg en 2007. Et depuis 2010,
une nouvelle ligne (Haut-Bugey) a permis de passer à neuf allers retours quotidiens. Avec en prime, une diminution
du parcours à 3 h 34 pour le Paris-Lausanne.
En 2011, la ligne Rhin-Rhône relie Paris,
Dijon et Bâle et l’an dernier, la ligne Paris-Berne fut prolongée jusqu’à Interlaken. Ce qui permet notamment de
desservir les stations des Alpes bernoises
l’hiver.
Et les résultats sont là. Les trois quarts de
la clientèle du TGV Lyria voyagent pour
leurs loisirs. Et plus des deux tiers préfèrent le TGV à l’avion pour sa rapidité. Le
train à grande vitesse permet en effet
d’arriver directement au centre de Paris
et des villes suisses desservies.
Ainsi, la ligne Bâle-Paris continue sa
croissance avec une hausse de fréquentation de 4% jusqu’à fin septembre, représentant au total près de
607 000 personnes, soit une augmentation de 25 000 voyageurs en neuf
Sur l’ensemble de l’année, les TGV franco-suisses restent une réussite indéniable. LE FIGARO
mois. GB
GRAND ANGLE 3
ego venant de Paris perd sa clientèle. Et pour cause!
lent qu’un InterRegio
LONDRES
COMMENTAIRE
GILLES BERREAU
LILLE
Et voici le TGE!
PARIS
Snow Train
PARIS-LAUSANNE
Durée: 3 h 40
LAUSANNE
BRIGUE
DES NEIGES
6 h40 Paris - Brigue
LAUSANNE - BRIGUE
DES NEIGES Durée: 2 h 35*
*1 h 40 avec
l'InterRegio
Le «Snow Train» cartonne entre Londres et le Valais
Le TGV des Neiges n’est pas le seul à
rallier le Valais pendant la saison de
ski. Pour la deuxième année de suite, le
«Snow Train» reliera cet hiver aussi
Lille à Brigue avec cinq liaisons aller et
retour durant l’hiver. De quoi attirer
les skieurs anglais qui rejoignent Lille
via l’Eurostar.
De Londres aux Alpes
Le «Snow Train» n’atteint pas (encore)
la fréquence du TGV des Neiges (deux
fois par semaine), mais le succès est
déjà là. Une réussite dont on ferait bien
de tirer quelques leçons, aussi bien
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dans les milieux touristiques qu’aux
CFF.
En effet, l’an dernier TGV Lyria a eu
l’excellente idée d’étendre son réseau
au départ de la région Nord-Pas-de-Calais. Comment? En instaurant des liaisons entre Lille et la cité haut-valaisanne. Pouvant être taxé d’habile, le
coup est devenu génial lorsque les Français se sont débrouillés pour obtenir, en
prime, d’excellentes correspondances
avec le train Eurostar qui passe sous la
Manche, en direction de Londres. Et de
bons créneaux pour traverser la Suisse.
Le nord de la France et la capitale bri-
tannique se rapprochent ainsi des Alpes
suisses.
Nouvel arrêt
Au vu du succès, Lyria cherche à peaufiner l’offre du «Snow Train». Nouveauté
cette année, il s’arrêtera non seulement à
Aigle, Martigny et Viège, comme c’était
déjà le cas l’an dernier, mais désormais
aussi à Sion. Une décision qui ne doit
rien au hasard et qui n’est pas non plus un
ballon d’essai. En fait, il s’agit de répondre
à une demande de la clientèle étrangère.
«Nous voulons desservir le Valais central,
car outre Verbier et Zermatt, la demande
de la clientèle anglaise est désormais
forte aussi pour Nendaz et tout le domaine des 4Vallées.» Une clientèle
anglaise qui représente les trois quarts
des passagers du «Snow Train», le
solde étant composé de Français du
Nord (bienvenue chez nous les
Ch’tis!), mais aussi de Belges. Quand
on vous disait que ce «Snow Train» est
plein d’enseignements. GB
De Lille à Brigue: les 21 décembre, 28 décembre,
15 février, 22 février et 1er mars.
De Brigue à Lille: 28 décembre, 4 janvier, 22 février, 1er
mars et 8 mars.
Rien n’est acquis en matière
de liaison rapide avec la
France, comme vient de le démontrer ce week-end la suppression pure et simple de l’arrêt à Neuchâtel du TGV
Paris-Berne, avec l’entrée en
vigueur du nouvel horaire CFF.
La mobilisation des parlementaires fédéraux, des autorités
locales et des milieux économiques ainsi qu’une pétition
signée par 20 000 Suisses et
Français n’ont rien pu faire face
au manque de rentabilité. Depuis l’ouverture de la liaison
TGV Bâle-Paris, le tronçon via
Neuchâtel avait perdu environ
30% de sa clientèle bernoise.
Sur le TGV des Neiges, la diminution n’est pas encore aussi
grave, mais n’attendons pas
trop pour inverser la tendance.
En transformant un train à
grande vitesse en TGE (Très
Gros Escargot) dès qu’il doit
desservir nos Alpes, les CFF ne
sont pas sur la bonne voie.
Comment oser prétendre privilégier le confort sur la vitesse
sur un TGV dont l’argument
principal est précisément la rapidité? L’argument de la priorité donnée au confort ne tient
pas, puisque le «Snow Train»
venant de Lille parvient, lui, à
allier commodité et vitesse.
L’un ne doit pas exclure l’autre,
au risque de voir l’usager
choisir un autre moyen de
transport. 

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