Recension / Book Review

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Recension / Book Review Michel Allard et Félix Bouvier. (2009). André Lefebvre, didacticien de lʹhis‐
toire, Québec, Les éditions du Septentrion. ISBN : 9782894485941 Carol Léonard, Campus Saint‐Jean, Université de l’Alberta La seconde moitié du vingtième siècle aura été pour la province de Qué‐
bec, la période de tous les grands chantiers. Lʹun dʹeux où sʹingénieront des bâtisseurs dʹhommes est lʹéducation. Il connaîtra ses maîtres dʹœu‐
vre. Plusieurs voudront faire mieux que leurs prédécesseurs. Certains croiront pouvoir n’y parvenir quʹen faisant autrement. Ce livre est consa‐
cré à lʹun dʹeux : André Lefebvre (1926‐2003). Rédigé dans un style sim‐
ple, accessible, par deux auteurs dont l’un fut collègue de Lefebvre et l’autre son élève, cette biographie s’adresse tant à un public d’historiens et de pédagogues qu’à tous ceux que l’histoire de l’éducation au Canada français intéresse. Produit des écoles publiques et laïques à une époque où les institu‐
tions religieuses ont la mainmise sur l’enseignement, Lefebvre en aura éprouvé dans sa jeunesse une certaine gêne puisque sa formation com‐
promet son accès aux « grandes facultés » universitaires à l’époque. Ce handicap se transmuera en avantage au jour de la déconfessionnalisation des écoles. Élève brillant, il défrichera sa voie, saura retenir le meilleur de ses maîtres et parviendra convaincre ceux qu’il coudoie de ses quali‐
tés comme de ses vues. À propos des rapports qu’il entretint avec l’école et l’écriture, André Lefebvre surprend par la candeur et l’ambigüité des aveux paradoxaux qu’il livre à l’incrédulité de ses confidents. Auteur passablement prolifi‐
que, il révéla détester écrire. Universitaire, il ne se sentit jamais à son aise à lʹuniversité (p. 58). Plus pénétrables sont les motifs qui l’amenèrent
REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 33, 1 (2010): 260‐262 ©2010 Société canadienne pour l’étude de l’éducation/ Canadian Society for the Study of Education RECENSION/BOOK REVIEW
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à confesser sa répugnance à fréquenter l’école (p. 27) lors surtout qu’il lui consacra sa vie. N’avait‐il d’autre but que de la voir être transformée? Nul ne s’étonnera donc de voir sa détestation s’étendre aux enseignants esclaves des programmes (p. 28). Les divers épisodes de la formation de Lefebvre, futur pédagogue, sont relatés avec une juste dose de détails. Si les relations entre l’étudiant et ses mentors sont largement mises en perspective, le personnage ma‐
jeur reste Lefebvre, dont la trajectoire structure l’ouvrage. L’appareil de notes est principalement constitué autour de ce que Lefebvre a livré de lui‐même dans ses propres écrits. Sa production écrite est abondante, son style direct. Sa prose engagée sʹanime sous une plume pamphlétaire. Bien que dans Réflexions sur l’enseignement de l’histoire préfigurent les fondements de ces énoncés des écrits pédagogiques ultérieurs, cʹest dans son opuscule Histoire et mytho‐
logie, dʹoù qu’est sorti toute sa production sur lʹenseignement affirmera‐
t‐il longtemps après. Lefebvre, le didacticien, remet en cause les fonde‐
ments de lʹenseignement de lʹhistoire. Il propose une approche nouvelle qui donne à lʹenfant sa véritable place à lʹécole, lui fait jouer son véritable rôle. Lʹécole doit amener le jeune apprenant à prendre conscience de son expérience « par le recours à lʹobservation dirigée » (p. 92). Pour lui, lʹhis‐
toire au service de lʹéducation nʹa ni commencement ni fin. Elle est une fenêtre où lʹon regarde pour mieux contempler ce qui peut aider à com‐
prendre le présent. Il propose bon usage de lʹhistoire qui consiste à une inversion chronologique grâce à laquelle lʹenfant découvre dʹabord un passé de proximité. Mérite non négligeable de cette biographie, sa lecture donne envie de mieux connaître ceux que Lefebvre a côtoyés et qui ont eu sur lui une influence marquante, décisive. On songe ici aux Dubois, Léveillé, Brise‐
bois, puis aux Papillon, Blanchard et Séguin, ses maîtres, qui tour à tour lui ont fait entendre qu’il a plus de mérite « à faire comprendre quʹà faire apprendre » (p. 41). Si le médiéviste Papillon lui inspira une pédagogie ancrée dans le présent, il aura retenu de Raoul Blanchard les vertus de l’observation directe et de Maurice Seguin l’importance d’enseigner une démarche plutôt qu’un contenu. On regrettera, par moment, ne pas voir la vie du pédagogue présen‐
tée à la manière de Lefebvre selon un ordre antichronologique plutôt que 262
EVA LEMAIRE
linéaire. L’autopsie de ce destin s’en fut sans doute trouvée plus capti‐
vante, sinon mise davantage en relief. Au moment de refermer ce livre sur ses cent soixante‐dix pages qui ne troquent jamais la lucidité et la mesure pour l’hagiographie, on re‐
tiendra un point essentiel : la conviction d’un homme persuadé que le destin d’un peuple autonome ne peut être forgé qu’entre les mains d’individus libres, parce que capables d’agir « par soi ». 

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