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Société Article paru le 11 décembre 2003
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Henri Pena-Ruiz : " L’école est le lieu de
construction des libertés "
Auteur de Qu’est-ce que la laïcité ? (1), Henri Pena-Ruiz revient sur sa conception de la philosophie
politique et laïque. Membre de la commission Stasi, il s’exprime ici en son seul nom personnel.
Penseur de la laïcité, ne craignez-vous pas qu’une loi sur le voile islamique stigmatiserait les
musulmans ?
Henri Pena-Ruiz. Il n’a jamais été question de faire une loi sur le seul voile islamique. À force de
marteler cette hypothèse d’une loi contre le voile, ce sont certains médias qui font naître le sentiment
de stigmatisation qu’ils prétendent ensuite dénoncer. À mon sens, la loi ne doit pas porter uniquement
sur le voile mais sur l’ensemble des manifestations d’appartenance religieuse. Il est clair que la
question du hidjab a joué le rôle d’un révélateur. Cependant, elle n’aurait pas surgi d’elle-même si la
laïcité était en bonne santé. Au nom de l’ouverture de l’école sur la vie, on a laissé entrer en son sein
des groupes de pression politico-religieux et même d’intérêts commerciaux. Depuis 1905, avec les
diverses jurisprudences, la France a desserré les exigences laïques. À partir du moment où l’école
devient un champ clos d’affrontement, où l’on y importe les conflits de la société civile, elle ne peut
plus remplir sa mission d’émancipation. Nous devons à présent édicter des règles, car celles-ci ont été
perdues de vue ou brouillées. La circulaire Jean Zay de 1937 interdisant tout signe religieux ou
politique avait été émise à l’époque où des menaces lourdes pesaient dans la société. L’école était le
dernier rempart où s’enseignait l’idée que les hommes ont énormément de choses en commun.
L’interdit est quelquefois complètement libérateur. Pour moi, bannir les signes religieux à l’école prend
la même signification que l’interdiction des licenciements abusifs dans les entreprises ou du travail des
enfants.
En quoi la laïcité permettrait-elle à l’école de jouer un rôle de construction des libertés ?
Henri Pena-Ruiz. La plus grande conquête de l’école républicaine - elle-même conquise, a été non
seulement d’obtenir une institution publique d’instruction ouverte à tous les enfants, mais aussi
d’obtenir que cette école s’émancipe de toute tutelle religieuse ou idéologique. Ainsi, elle a été un lieu
de formation à l’esprit critique. Que l’école reste ouverte à tous, qu’elle fasse profession d’élever
l’esprit à la liberté de jugement, qu’elle n’impose aucun autre message particulier que celui de liberté
d’une instruction émancipatrice suppose une application stricte de la laïcité. Ceci n’implique nullement
la rupture du dialogue avec les religieux. Je n’ai jamais été anticlérical au sens réactif du terme, mais
chacun doit rester à sa place. Si la religion est une démarche spirituelle, je ne vois pas pourquoi elle
doit avoir des privilèges temporels.
Mais n’est-ce pas une sanctuarisation de l’école ?
Henri Pena-Ruiz. L’école ne peut évidemment pas être complètement étanche aux influences
sociales. Mais est-ce une raison pour la livrer entièrement aux groupes de pression. Je ne préconise
pas un enfermement, je souhaite une préservation de son autonomie par rapport aux religions et à
l’idéologie dominante. Ce n’est qu’ainsi que l’école pourra produire de l’égalité. Ainsi, elle pourra
permettre, par exemple, à une jeune fille de découvrir qu’elle est un sujet libre, de droit, qu’elle peut
séduire, avoir une existence comparable à un garçon. L’école est un lieu de construction des libertés.
Cependant, tout miser sur la loi n’est-ce pas une façon de se défausser de la question sociale ?
Henri Pena-Ruiz. À mon sens, la laïcité doit être défendue de deux façons complémentaires et
indissociables : d’une part, en affirmant les principes et les dispositifs juridiques la traduisant, d’autre
part, en luttant pour la justice sociale. Je ne rejoins pas ceux qui affirment que, la question étant
sociale, on ne doit pas légiférer. Comme je ne suis pas d’accord avec ceux qui estiment que la
question n’est que juridique. Ceci dit, je garde toujours en mémoire les paroles d’un " beur " lors de la
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